https://www.huffpostmaghreb.com/entry/mama-binette-naufragee-en-barbarie-une-passionnante-enquete-de-mahdi-boukhalfa-sur-une-legende-tenace_mg_5d906ceee4b0019647a9d409?utm_hp_ref=mg-algerie
 

Un fait réel, le naufrage le 15 janvier 1802, au niveau de la baie des la baie des Souahlias, à l’ouest d’Alger, du Banel, un vaisseau militaire de la flotte napoléonienne, en partance pour l’île de Saint Domingue pour participer à mater une rébellion. Il y avait 700 personnes, des marins et des soldats à bord de ce bâtiment de guerre lourdement armé. Moins “normale”, était la présence d’un groupe de femmes - leur nombre est indéfini, cela va de 3 à 9 selon les récits - dans ce bâtiment de guerre.  

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La baie des Souahlia

Que faisaient-elles dans cette galère? Des migrantes clandestines avant l’heure vers le nouveau monde? Des religieuses hollandaises échouées en “barbarie”?  Une explication à laquelle l’ambassade des Pays-Bas a semblé vouloir donner du crédit -ou peut-être était-ce un clin d’oeil amical? - en apportant, en 2008, une participation financière à la restauration du mausolée de Mama Binette, le nom emblématique de toutes les légendes entourants ces femmes. Imma Binette, la “mère des filles”. 

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 Cette nationalité hollandaise attribuées à ce petit groupe de femmes va nourrir d’ailleurs des explications fantaisistes sur la couleur des cheveux (blond ou roux) et des yeux (bleus) des habitants de Ben Haoua. Mama Binette, le nom est entré dans la légende, épouse d’un chef local, bienfaitrice, infirmière prodiguant des soins aussi bien aux femmes qu’aux hommes et en définitive, une “mrabta”, une quasi-sainte.  

Le journaliste Mahdi Boukhalfa, qui connaît la région de Ténès et ses habitants comme sa poche a décidé de se lancer dans l’entreprise de démêler l’écheveau des légendes entourant ces femmes blanches “échouées en barbarie” et on mesure à la lecture du livre qu’il n’est pas facile d’aller à l’encontre des mythes et des légendes pour établir les faits.

Et il n’ignorait pas en s’engageant dans ce travail publié aux “éditions du net” car cette affaire alimente, deux siècles après les faits, des controverses autour des ces naufragées “ prétendument des Hollandaises, perdues dans un pays dont elles ne connaissaient ni la langue, encore moins les coutumes, qui a pris les contours les plus fantasques, les plus imaginaires, et tout autant les plus saugrenus à travers des récits surréels et imaginaires…”.

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Le mausolée de Mama Binett à Beni Haoua

 

Beni Haoua aime bien ses légendes

S’il ne lève pas totalement le mystère de ces femmes, dont même le nombre reste incertain, l’auteur règle son compte à plein d’affabulations et d’invraisemblance tout comme à la récupération de la légende par une certaine historiographie hagiographique coloniale. La description du contexte historique global dans lequel ce naufrage a eu lieu est d’une grande utilité, tout comme le rappel ce qu’était la réalité locale dans la région de Ténès. Un livre passionnant où, conclut l’auteur, la région aime ces légendes qui font rêver et attirent les touristes. 

“Quand le vent de « nord est » est de force 9 ou 10, et que les petits pêcheurs locaux restent à terre, cloîtrés, souvent sans le sou, dans les cafés du village. Alors, forcément, la légende de «Mama Binett » est un trésor de famille, ici à Beni Haoua (les enfants d’Eve) la bien nommée, toujours hantée par des vaisseaux fantômes, des naufrages à inventer, de femmes tombées du haut de la Providence, d’histoires impossibles à raconter.”

L’essai de Mahdi Boukhalfa est encompétition pour le grand prix du jury de la Journée du Manuscrit Francophone dont la cérémonie de la remise des prix est prévue le 13 novembre à Paris. 

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La crique de débarquement des naufragés