Un séisme de magnitude 6,3 a frappé la ville de Herat, dans l’ouest de l’Afghanistan samedi 7 octobre. Un bilan provisoire fait état de 2 000 morts, et de milliers de blessés, dans un pays déjà gravement touché par la crise humanitaire et économique.
Les recherches sous les décombres sont toujours en cours, et le bilan provisoire est déjà terrifiant. Plus de 2 000 personnes, selon les autorités talibanes, seraient décédées après le tremblement de terre de magnitude 6,3 qui a frappé la province de Herat dans l’ouest de l’Afghanistan, samedi aux alentours de 10 h 30 du matin. L’épicentre du séisme se situe à une quarantaine de kilomètres de Herat.
S’en sont suivies quatre fortes répliques de magnitude 5,5, 4,7, 6,3 et 5, selon l’Institut américain des géosciences. C’est sans doute le tremblement de terre le plus meurtrier depuis vingt-cinq ans, alors que le pays est en proie à une grave crise humanitaire, encore aggravée par la réduction des aides internationales.
« C’était extrêmement fort quand ça a commencé. Les gens étaient sonnés, hallucinés. Quelques minutes après, tout le monde a commencé à sortir de sa maison, à courir. Je suis moi-même toujours sous le choc », raconte Jawad Rasouly, 24 ans, depuis le centre-ville de Herat, où il vit. Le jeune homme décrit des scènes de panique dans les rues. « Personne ne veut rentrer chez soi, les habitations sont dangereuses, elles peuvent s’effondrer. Alors les gens restent sur les boulevards, dans les rues. »
« Nous avons peur de nouvelles secousses »
Les villages des districts alentour sont les plus touchés, en particulier celui de Sarboland à Zanda Jan, même si aucun bilan n’est officialisé pour le moment. Sur les réseaux sociaux et médias locaux circulent des images montrant, à côté des tas de gravats, des dizaines de personnes allongées sous d’épaisses couvertures, devenues leurs abris de fortune. L’électricité et Internet fonctionnent mal, les routes sont quasi inaccessibles. Selon le gouvernement, au moins 1 300 maisons ont été détruites.
Nematullah, 25 ans, professeur d’anglais, raconte avoir passé la nuit dans la rue, à l’extérieur de Herat : « Nous avons peur de nouvelles secousses, nous avons dormi dans la rue avec nos tentes. La ville n’était pas sûre hier soir. » L’enseignant donnait un cours lors des premières secousses. « Je suis profondément déprimé, sidéré, j’ai perdu certains membres de ma famille. Je n’arrive à penser à rien, mon cerveau et mon esprit sont trop endommagés. » L’Organisation mondiale de la santé indique qu’au moins 4 200 personnes sont concernées directement ou non par le séisme. Manque criant de services hospitaliers
Les structures de santé font cruellement défaut. Les services pédiatriques de l’hôpital régional de Herat, d’une capacité de 60 lits, doivent prendre en charge 140 enfants. Dimanche matin, au moins 2 000 blessés s’étaient présentés à l’hôpital. « Les hôpitaux sont dysfonctionnels. Heureusement, nous collaborons efficacement avec les cliniques privées, nous avons installé des tentes de 80 lits », observe Sarah Chateau, responsable des opérations en Afghanistan pour Médecins sans frontières (MSF).
L’ONU estime que 28,8 millions d’Afghans ont besoin d’une assistance immédiate en 2023, et 90 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté. « Il y a un autre facteur aggravant : le début de l’hiver. Les températures oscillent déjà entre 0 et 5 °C la nuit », poursuit Sarah Chateau. La population demeure traumatisée, à l’instar de Jawad Rasouly : « Je n’ai que 24 ans, et je crois que c’est la pire expérience de ma vie. Priez pour nous, pour que tous ces morts aillent au paradis. »
En ce temps-là, l'armée française sortait de plusieurs décennies de vaches maigres. La fin du service militaire (pardon, sa suspension) faisait des armées, depuis une bonne décennie, un corps professionnel, ce qui avait de bons côtés (fin des corvées de patates et de l'amateurisme) et d'autres moins bons (séparation de fait entre le peuple et ses soldats). En 2001, après une longue période de torpeur que ni les attentats de 1996 ni l'irruption d'un islam de plus en plus conquérant n'avaient réussi à secouer, la France s'était enfin résolue à considérer le terrorisme islamiste mondialisé comme son ennemi. Aux côtés des États-Unis (sous le faux nez de l'article 5 prévu par l'OTAN), un contingent français avait pour mission de sécuriser une petite portion du territoire afghan, considéré comme la base arrière d'Al-Qaida. En cet été 2008, c'était le prestigieux 8eme RPIMa qui était chargé de cette tâche de contre-insurrection, dont le maillage serré et le territoire accidenté rappelaient étrangement une autre guerre, celle d'Algérie.
Le 18 août 2008, une colonne de VAB de la section "Carmin 2", arrêtée dans un défilé étroit, envoya une reconnaissance à pied pour poursuivre sa progression. Ce fut le signal qu'attendaient 140 talibans du HIG (Hezb-e-islami Gulbuddin), un groupe terroriste afghan, pour déclencher une attaque parfaitement coordonnée. Le reste relève à la fois de l'absurde brouillard de la guerre (problèmes de coordination, forte imbrication entre Français et terroristes, fuite immédiate de l'armée régulière afghane) et de la chanson de geste (un duel de snipers, les paras se sacrifiant les uns pour les autres, le chef de section criant à la radio "c'est Bazeilles ici mon Capitaine !"). On ne peut qu'imaginer les comptes-rendus glaçants résonnant dans le Centre Opérations, à des kilomètres de là. Dix soldats français moururent sous les balles afghanes et, même si la France vengea ses morts, comme à chaque fois, en neutralisant, au fur et à mesure, les membres de ce commando, la fulgurance et l'ingéniosité de ce massacre traumatisèrent les armées. Un cap avait été franchi, et, du fait de la professionnalisation justement, il ouvrait sur deux directions radicalement opposées : les militaires se préparaient à réapprendre la contre-guérilla tandis que les familles des héros déposaient, pour certaines, des plaintes contre les chefs tactiques.
Quatre ans plus tard, la France quittait l'Afghanistan. Les Américains, eux, aveuglés par leur messianisme infantile, ne le feraient qu'en 2022, dans des conditions de débandade en tout point comparables au Vietnam. Que reste-t-il dans la mémoire commune des dix parachutistes héroïques qui offrirent leur vie, comme on le leur avait appris, après un combat acharné ? Pas grand-chose peut-être : peu importe aux héros d'être célébrés, se dira-t-on. Ça tombe bien : la toute dernière médaille française, créée sous François Hollande, est celle des "victimes du terrorisme". L'époque est ainsi : on pleure sur la passivité des victimes et on oublie l'agressivité des héros, gardiens de la cité.
Nicolas Sarkozy n'aimait pas l'armée : il avait fait son service en passant la cireuse dans les couloirs de Balard et préférait la police, plus en prise avec l'actualité, plus politique, moins "old régime" comme disent les Inconnus. François Hollande, en Mitterrand de grande surface, se vanta de son usage intensif du service action de la DGSE pour les éliminations ciblées (les célèbres "opérations Homo"). Emmanuel Macron n'aime son armée qu'en faire-valoir, décorative et soumise, comme une femme potiche au bras d'un riche goujat. Ne comptons pas sur les politiques pour rendre hommage aux héros d'Uzbin : tout ça leur passe bien au-dessus de la tête. Sébastien Lecornu lui-même, pourtant ministre des armées, a avancé, avec une remarquable inculture, il y a quelques jours sur Twitter, le chiffre stupide de 240.000 commandos d'Afrique lors du débarquement de Provence. Ça ne les intéresse pas.
Mais nous, amis lecteurs, ayons une pensée pour les morts de cette embuscade, aussi tragique que décisive, car elle devait signer le retour de la France dans le rang des nations militaires de tout premier ordre. Honneur à ceux d'Afghanistan.
Ancien appelé de la guerre d'Algérie, Benoist Rey, 84 ans, n'a rien oublié des 14 mois qu'il a passé en Kabylie.
De son enfance, Benoist se souvient des pèlerinages tous les samedis matin au chemin de croix que son père avait fait aménager sur une colline de Puteaux, en face du Mont-Valérien, pour rendre hommage aux soldats "morts pour la France", et de ses sept années passées au petit séminaire, dans l'espoir qu'il se fasse curé. Il n'en fût rien. Le garçon développa au contraire une profonde aversion pour la guerre et ses héros, la religion et ses prédicateurs.
Entré en opposition avec son père, dont il ne partageait pas les valeurs, Benoist, passionné par les livres et l'écriture, lui annonce son souhait de devenir typographe. "Il n'y aura jamais d'ouvrier dans la famille", lui répond son père. Le jeune homme est envoyé dans un petit séminaire à Flers de l'Orne, d'où il sera renvoyé au bout de vingt-sept jours pour cause de "lectures perverses" (il fut surpris à lire "Un cœur sous une soutane" de Rimbaud) et termine sa scolarité au lycée Saint-Jean de Béthune à Versailles, sans obtenir le baccalauréat. Désespéré, son père le laisse entamer son apprentissage dans un atelier de typographie à dix-neuf ans, jusqu'à ce que la France l'appelle à servir sous les drapeaux.
Quatorze mois dans l'enferde la guerre d'Algérie
En septembre 1959, Benoist part pour l'Algérie. Il est envoyé dans le Nord Constantinois, en Kabylie, dans le petit village de Texena, presque entièrement démoli. Il est sélectionné pour intégrer les commandos de chasse - une unité d'élite créée par le général Challes - mais refuse catégoriquement de se servir de son arme, par conviction. Le capitaine lui propose alors de devenir l'infirmier du commando. Un poste qu'il occupera jusqu'à la fin de son service.
Il raconte :
C'était une unité d'élite, on nous formait à être des tueurs. C'était uniquement des soldats du contingent mais encadrés par des militaires de carrière. On en faisait très vite des guerriers, pour la plupart. C'était un mix entre les paras et les légions, on nous faisait croire qu'on était aussi fort qu'eux. C'était comme une médaille d'égorger quelqu'un. On a été très peu à refuser ce genre de choses.
Durant ses quatorze mois de service, qu'il effectuera sans aucune permission, Benoist n'aura armé son fusil qu'une seule fois, pour empêcher un viol.
Tout de suite, j'ai dit "Non, je ne tirerai pas". Je ne voulais pas toucher une arme, par conviction. Avec les copains, on se demandait ce qu'on venait foutre ici. J'avais un fusil, mais je ne m'en suis jamais servi. Si, une fois, pour empêcher un viol.
Il explique :
C'était une pratique très très courante, les viols. J'ai souvenir d'un sous-lieutenant qui nous a dit : "Vous pouvez violer, mais faites-le discrètement." Il n'y avait pas de soucis, je n'ai jamais vu quelqu'un qui a été condamné pour ça. Le gars pouvait violer l'après-midi et le soir écrire à sa fiancée qu'il l'aimait toujours. Cela faisait partie de la guerre, cela n'avait rien à voir avec l'autre vie.
De retour à Paris fin octobre 1960, Benoist Rey commence tout de suite la rédaction des "Egorgeurs", l'un des rares témoignages de soldats sur cette sale guerre. Il y raconte les séances de torture, les égorgements de prisonniers, les viols commis par son commando. Publié en mars 1961 aux éditions de Minuit, le livre sera saisi quatre jours après sa publication par la censure.
Je ne pense pas que cela ce soit passé seulement dans mon commando. Il y a eu des témoignages quand même, mais pas beaucoup. Il y a énormément de gens qui sont rentrés de cette guerre sans jamais l'ouvrir. Tout le monde se taisait. C'est sûr qu'il fallait que ça soit dit tout ça.
Et ajoute :
Cela me fait tout drôle de remuer tous ces souvenirs parce que cela fait plus de 60 ans et c'est dans ma tête aussi précis que si c'était hier. Je me souviens de tout et j'y pense encore tous les jours, même aujourd'hui, à 84 ans.
Ancien appelé de la guerre d'Algérie, Benoist Rey, 84 ans, n'a rien oublié des quatorze mois qu'il a passé en Kabylie. Longtemps, les morts et les égorgés ont peuplé ses cauchemars. S'il n'a pas sombré dans la folie, c'est grâce à l'écriture et à la nécessité impérieuse de témoigner à son retour.
Enrôlé dans les commandos de chasse, Benoist Rey a toujours refusé de se servir de son arme, par conviction. Il a donc occupé le poste d'infirmier du commando, et soignait aussi bien les fellagas que ses camarades. Infirmier opérationnel, il partait sur le terrain avec les autres soldats avec, sur le dos, un paquetage de vingt-huit kilos.
J'ai calculé, en un an de commando, on a dû faire cinq mille kilomètres. Vous ne me ferez plus jamais mettre une paire de Pataugas. Longtemps, j'ai refusé de marcher.
Quand il n'était pas en opération, Benoist travaillait à l'infirmerie du camp, où il soignait la population civile. Une fois, ses supérieurs lui ont demandé de "retaper" un prisonnier qu'ils avaient torturé afin de poursuivre l'interrogatoire. Benoist et le médecin ont fait le choix de lui administrer une piqure de morphine, pour faire cesser les supplices.
Vous ne pouvez pas imaginer le raffinement des supplices : attacher un homme par les bras et les jambes et lui taper sur la plante des pieds pendant des heures. Le supplice de l'eau, la gégène, les corvées de bois. Quand on est rentrés, il y en a qui ont emporté des oreilles qu'ils avaient conservées dans du formol. Le cuisinier, lui, il chiait dans la gamelle des prisonniers. C'etait l'horreur.
Rentré à Paris fin octobre 1961, Benoist reprend son apprentissage dans une imprimerie. Confronté à l'indifférence et à l'incrédulité de ses congénères, il sombre dans un profond désarroi. En rentrant de l'atelier, tous les soirs, il écrit. Publié en avril 1961 aux éditions de Minuit, « Les égorgeurs » constitue l'un des très rares témoignage de soldat du contingent. Il sera saisi quatre jours plus tard par la censure.
Pendant deux ans, j'ai fait des cauchemars, et toujours le même: chaque nuit, je voyais des égorgements, des corps sans tête. J'avais l'impression d'être un mort-vivant, j'étais odieux, limite violent. On ne peut pas imaginer la colère qui m'habitait à l'époque, et surtout l'incompréhension. C'était cela qui me mettait en colère. Personne ne me croyait, les gens refusaient l'évidence. Il fallait que je témoigne pour essayer de me guérir de cette saloperie et parce que la guerre n'était pas finie. Il fallait que je dise ce qui se passait.
Le 18 mars 1962, les Accords d'Evian instaurent le cessez-le-feu. L'indépendance de l'Algérie est proclamée au mois de juillet. En septembre 1962, Benoist retourne en Algérie, à Texena, le village où il était stationné pendant la guerre. Il y retrouve ses camardes Algériens, dont un homme qui avait été fait prisonnier et à qui Benoist avait sauvé la vie en le portant sur son dos.
Cet homme-là, je l'avais porté sur mon dos pendant des kilomètres. Mes camarades étaient prêt à l'égorger. Je l'ai retrouvé en 1962 au village, et vraiment, cela a été un des plus beaux cadeaux de ma vie. On s'est tombé dans les bras comme deux frères. Cela a été des retrouvailles formidables. Je ne l'oublierais jamais.
Au début des années soixante-dix, Benoist Rey part s'installer à Montfa, un petit village perdu au milieu de la montagne ariègeoise. Il y retape une ferme en ruines, ouvre une auberge et commence à y accueillir de jeunes toxicomanes dépendants à l'héroïne. Une aventure humaine qui durera quinze ans
A la fin de la guerre d'Algérie, Benoist Rey se reconstruit doucement. Il devient tour à tour directeur technique dans une agence de publicité, un poste avec un "salaire de ministre" qu'il quitte dans la tourmente de mai 68; cuisinier dans deux petits restaurants parisiens; puis brocanteur. Il se marie, fonde une famille et décide de quitter la capitale pour partir vivre en Ariège, en raison de la santé fragile de son fils aîné.
Il s’installe à Montfa, un petit village de soixante habitants, perdu au milieu de la montagne ariégeoise, à huit kilomètres de la première route. Il n’a pas un sous, remonte seul les murs de la maison délabrée. Au bout de trois ans, il ouvre une auberge « L’Auberge des Traouquès », du nom du lieu-dit, faite de briques et de broc. Les ragots vont bon train, on l’accuse de mettre du haschich dans la nourriture, personne ne donne cher de sa peau. Il tiendra l’auberge jusqu’en 2000.
Sorte de commune libre, la maison de Montfa est ouverte à tous et à toutes. Petit à petit, des gens viennent s’y installer un an, cinq ans, dix ans. Benoist ouvre un centre culturel, avec une salle de spectacle et une imprimerie. Plus tard viendra une piscine associative.
L’accueil de jeunes toxicomanes
Un soir de l’été 1982, une assistante sociale, Martine Lacoste, vient dîner à l’auberge. Elle travaille avec le docteur Claude Olivenstein au centre Marmottant, à Paris. Le centre accueille des jeunes toxicomanes pour des cures de désintoxication. Martine Lacoste propose alors à Benoist de prendre en charge ces jeunes après leur cure pour des séjours d'un à deux mois, pour leur permettre de se refaire une santé loin de la ville et de ses tentations. Benoist devient la première famille d’accueil d’Ariège. Une aventure humaine qui durera quinze ans, au cours desquels il accueillera une soixantaine de jeunes gens dépendants à l’héroïne, et, plus tard, au crack.
C’était des mecs qui se piquaient, des vrais toxicos; ce n'était pas des fumeurs de joints. Au début, c’était plutôt l’héroïne, puis dans les années 90, ça s'est compliqué avec le crack. Là, on ne savait plus comment les gérer. J'ai eu quelques cas lourds, quand même. Et puis, les gars, ils faisaient toutes les conneries. J'ai été en chercher pas mal chez les gendarmes!
Au début des années 80, l’épidémie du sida fait rage. Les clients désertent l’auberge, craignant d’attraper cette maladie dont on ne sait trop comment elle se transmet. Beaucoup des jeunes accueillis y laisseront leur peau, rattrapés non pas par la drogue, mais par le sida.
L’aventure prend fin brutalement un jour d’août 1995. Farid, le dernier accueilli, se saisit d’un couteau et prend le plus jeune fils de Benoist en otage. Imbibé de crack et d’alcool, il faudra deux heures à Benoist pour le persuader de le prendre en otage à la place de son fils, et lui faire finalement lâcher le couteau.
Moi, l’auteur des Egorgeurs, égorgé par un Algérien, cela aurait fait sourire quelques copains ! Farid, je m'en souviendrais de celui-là. Du coup, j’ai arrêté tout de suite. Mais enfin j'ai été très heureux de faire cela, ça en a sorti quelques-uns de la merde. Cela leur aura permis de voir autre chose.
Ancien appelé pendant la guerre d'Algérie, Benoist Rey était typographe de formation. Un métier qui le passionnait et dont il doit la découverte à son frère aîné, Stanislas. Dans le cabanon qui abrite sa petite imprimerie, Benoist revient sur la vie de ce frère, dont les frasques l'enchantait
Au bout de la route, dans une petit cabanon de pierre, Benoist a installé tout son matériel de typographie: les casses qui contiennent les lettres en bois de buis ou d'olivier deux fois centenaires; la presse; les composteurs etc. Avec son voisin Paul, Benoist a monté une petite imprimerie associative Au pied de la lettre, où ils impriment poèmes, affiches et recueils.
En Ariège, où Benoist a vécu pendant près de trente ans, l'imprimerie servait à tirer des tracts pour les manifestations et les nombreuses luttes auxquelles il participait. Un usage militant mais aussi éducatif, à travers les ateliers de typographie qu'il organisait à destination des enfants des écoles et des toxicomanes dont il avait la charge (cf. épisode 03).
Sa passion pour les beaux livres et l'art de la typographie, Benoist l'a hérité de son frère aîné Stanislas.
Né en 1922, Stanislas était l'aîné des quatorze enfants de la famille Rey. Editeur de Charles Maurras, royaliste et partisan de l'Algérie Française, Stanislas partageait les convictions politiques d'extrême droite de leur père - pétainiste dans l'âme - aux antipodes des idées libertaires et pacifistes de Benoist. Tous les deux pourtant s'adoraient, et Stanislas fût l'un des premiers à rejoindre Benoist dans sa maison de Montfa, en Ariège.
J'adorais mon frère. Stanislas, c'était un poète, il a fait des trucs pas possible. Il était capable de tout.
Atteint de troubles psychiatriques et alcoolique, Stanislas a fait de nombreux séjours dans des hôpitaux psychiatriques, à Saint Anne et Saint Alban. Par crainte de le voir finir ses jours enfermé, Benoist l'a emmené avec lui en Ariège, où Stanislas a vécu cinq ans en compagnie de Benoist et de ses amis. Jusqu'au jour où, en pleine crise, il a glissé et a fait une chute mortelle dans un ravin.
Il est mort dans un village qui s'appelle Pratt et Bonrepaux, ça ne s'invente pas ! En hommage à son engagement pour l'Algérie Française, après son enterrement, j'ai fait un couscous. Je crois que ça l'aurait fait rire !
Parti pris et pour cause écrit par le Général Massu...
« Massu, je vais vous confier l'ordre dans ce département. Vous aurez tous les pouvoirs. Avec votre division,vous allez reprendre tout en main. »
Voilà ce que me dit
le
Ministre-résidant Robert Lacoste
en cet après-midi gris du
lundi 7 janvier 1957
,
fête de
Sainte Mélanie
, disciple de
Saint Augustin
, évêque d'Hippone, près de Bône,
où il vécut de 391 à 430, il était né à Souk-Abnu en 354.
.
.
Le Ministre-résidant Robert Lacoste avec Bigeard et Massu Janvier 1957
.
Je l'invoque aussitôt, en inscrivant sur mon agenda :
« Priez pour le nouveau commandant militaire du département d'Alger. »
Je remonte directement à mon domicile d'Hydra.
Il faut que je réfléchisse, Que j'assimile ces mots,
leur sens exact et tout ce qu'ils vont représenter pour moi et pour ma 10° division parachutiste, avant d'instruire mon état-major, mes collaborateurs les plus directs, tous ceux qui vont partager avec moi cette nouvelle responsabilité ...
et quelle responsabilité !
Pour en mesurer l'étendue, il est indispensable de décrire la situation à cette date :
En ces premiers jours de 1957, une bataille politique concernant l'Algerie se prépare outre-Atlantique.
C'est pourquoi mon premier souci, compte tenu des renseignements obtenus :
sur la recrudescence d'attentats annoncés avant et pendant ce débat à l'O.N.U., est de faire éclater la fourmilière terroriste en m'attaquant à son principal repaire :
la Casbah (74.000 habitants dont 62.000 musulmans)..
.
.
Les paras dans la casbah 1957
Dès la nuit du 7 au 8 janvier 1957
j'inaugure mes nouvelles fonctions en ordonnant, dès trois heures du matin, une opération de contrôle de la partie nord-ouest de la Casbah.
Une énorme perquisition à laquelle participent les moyens disponibles, avec le concours d'assistantes sociales appelées à aider les services de sécurité dans les maisons où se trouvent des femmes musulmanes.
Nous n'avons que peu de renseignements. mais nos méthodes comprennent un bouclage absolu et le travail d'équipes spécialisées.
La police recommence à se sentir concernée un début de liaison avec elle s'instaure.
Projecteurs, torches, échelles et matériel divers sont mis en œuvre.
L'opération ne prend fin que le 8 vers midi.
Elle aura permis d'appréhender :
trois cents suspects parmi lesquels on a retenu :
cinq tueurs du F.L.N. recherchés par la police.
On a saisi une trentaine de fusils et des pistolets.
On a surpris la réunion d'une quarantaine de jeunes gens venus de plusieurs régions d'Algérie.
Pour contrarier la fuite des fourmis terroristes et les piéger,
je fais isoler les quartiers arabes ( barbelés et patrouilles )
Je fais appliquer un nouveau plan de circulation. La très grande majorité des rues seront à sens unique.
Des voitures radio seront placées à tous les carrefours.
Il s'agit aussi de recenser les musulmans travaillant dans les quartiers européens et sur le port, de les munir d'un laissez-passer permanent, mais révocable, pour leur permettre de se rendre à leurs lieux de travail.
Pendant ce temps, dans la région algéroise, est capturé le chef communiste des groupes d'action des « Combattants de la libération », l'instituteur Abd el Kader Guerroudj, dit « Lucien ».
Note :
Nous reviendrons dans un autre chapitre sur le rôle des communistes
Au pays des mariages forcés et des unions arrangées, Samim a dû risquer sa vie pour obtenir la main d’Hamira. Au village, ils sont devenus un symbole du libre choix amoureux face aux traditions patriarcales.
En ce mois d’août 2022, Samim broie du noir. Le nouveau salon du barbier-coiffeur, décoré en rouge vif et blanc comme une cuisine moderne, tourne à vide. Les affaires sont mauvaises, souffle-t-il au téléphone. Des pans entiers de l’économie afghane se sont effondrés au retour des talibans, douze mois plus tôt. Les gens n’ont plus d’argent. Et puis qui a encore besoin d’une coupe élégante au pays des mollahs ? Le chef suprême de l’émirat islamique d’Afghanistan, Haibatullah Akhundzada, n’a-t-il pas interdit aux salons de tailler la barbe des clients ? Non, ce n’était décidément pas le moment de se lancer dans l’artisanat du ciseau et des shampoings, résume notre interlocuteur d’une voix lasse.
À la fin de sa journée, le coiffeur de 27 ans compte à peine une cinquantaine d’afghanis (0,50 €) dans la caisse, de quoi acheter du pain en ces temps d’inflation à deux chiffres. Afin de compléter ses maigres revenus, il vend aussi des cartes SIM et guette l’argent de son frère, qui travaille en Iran. Son potager en revanche ne lui est plus d’aucune utilité. « Nous subissons une sécheresse exceptionnelle », soupire-t-il en montrant des photos de paysages rocailleux sous un ciel sans nuage. Sa vache affamée ne donne pratiquement plus de lait. L’été de feu a grillé l’herbe de la plaine rocailleuse qui ceinture Khodaidad, son village, situé au sud-ouest de Kaboul. À l’instar de la plupart des Afghans, le jeune homme se limite à un repas quotidien, un dîner vite expédié en compagnie de sa mère et de son frère.
En réalité, le vrai souci de Samim, c’est Hamira. La jeune femme brune qui occupe ses pensées a disparu. Elle ne répond plus à ses messages. Pire, son téléphone semble coupé. L’arrivée des talibans au pouvoir avait déjà mis entre parenthèses leurs rendez-vous clandestins. C’est désormais très dangereux d’entretenir une relation secrète. La nouvelle police des mœurs rôde. Déjà, des hommes ont été flagellés pour avoir marché aux côtés de femmes célibataires sur la voie publique. Samim se méfie aussi des dénonciateurs anonymes. Le village compte de nombreux Pachtounes, l’ethnie qui forme l’ossature du nouveau pouvoir à Kaboul. « Pour nous, l’amour est interdit », tranche le jeune homme.
À dire vrai, rencontrer, séduire et aimer n’a jamais été facile au pays des mariages arrangés, a fortiori dans les zones rurales, où tout le monde se connaît. Sur ces sujets largement tabous, Samim aurait de quoi écrire un livre à partir de sa longue histoire avec Hamira. Le couple s’est rencontré au lycée en 2012, l’année qui marque le début du désengagement militaire de la coalition internationale. Samim est alors en terminale. Le lycéen un brin austère n’a d’yeux que pour une jeune fille « très drôle » qui étudie en classe de seconde. Tous les deux sont des Hazaras, une minorité chiite régulièrement ciblée par les djihadistes.
Des hommes ont été flagellés pour avoir marché aux côtés de femmes célibataires sur la voie publique.
Samim entame sa cour grâce au téléphone, un passage quasi obligatoire au pays de la purdah, une pratique de séparation stricte entre les sexes. Les débuts sont laborieux, avec un « je t’aime » en guise de premier texto qui ne récolte aucune réponse. Personne, il est vrai, ne lui a appris à parler aux jeunes filles. Encore moins à les séduire. Même entre garçons, chacun préfère en général taire ses relations. Après cet échec, le soupirant maladroit laisse passer cinq mois, puis s’arrange pour croiser la lycéenne dans une ruelle. Cette rencontre est la bonne. « Finalement, il est sérieux ce garçon », pense-t-elle en le quittant.
Samim et Hamira se sont rencontrés en 2012, au lycée, à Khodaidad, un village situé au sud-ouest de Kaboul. Le jeune homme a séduit Hamira par téléphone, grâce à des SMS. Tous deux sont des Hazaras, une minorité chiite régulièrement ciblée par les djihadistes. / Source : Samim
Les deux adolescents se lancent alors dans un dialogue frénétique à coups de SMS, à toute heure du jour et de la nuit. Hamira apprécie « la gentillesse, la politesse et les conseils avisés » de Samim, qui la rassure : « Je ne suis pas là pour jouer. Je veux faire ma vie avec toi. » Suivant les traditions locales, il s’en va bientôt demander sa main au père d’Hamira. L’homme est un commandant militaire qui s’est enrichi sous le régime corrompu du président Hamid Karzai, nommé à ce poste par les Américains en 2001. S’il réside la plupart du temps à Kaboul auprès de sa seconde épouse, il garde un œil sur sa première famille, logée dans une villa confortable, avec trois chambres, un salon, des vaches, des poulets. Le notable a décidé que sa fille irait à un homme qui a des biens plutôt que des sentiments. Samim, issu d’un milieu modeste, est congédié sans façons.
« Pour nous, l’amour est interdit »
Samim
La romance impossible entre alors dans une nouvelle ère, plus clandestine, plus frustrante, plus dangereuse aussi. Au début des années 2010, une vague de conservatisme gagne les campagnes. Sous la pression des talibans, qui quadrillent les collines, les écoles des filles sont fermées les unes après les autres. Dans les villages, il faut dissimuler, travestir, employer des ruses de Sioux pour effacer toute trace d’une relation non autorisée. Samim et Hamira sont des amoureux de l’ombre. Ils se frôlent un jour au détour d’une rue, se saluent le lendemain depuis un toit. Parfois, ils se rejoignent dans les montagnes désertiques. « Ma mère se doutait de quelque chose », estime Hamira, qui refuse poliment dix demandes en mariage.
La liberté sur les réseaux
Difficile de garder une relation secrète au village. La rumeur de leur relation finit par arriver jusqu’aux oreilles d’Iluz, le père de la jeune femme. Pour ce genre d’offense à l’honneur de la famille, on n’hésite pas à se faire justice soi-même en Afghanistan. « On va le torturer, ton Samim », promet le commandant à sa fille, au milieu d’une bordée d’injures. Des tueurs débarquent rapidement au village et se lancent aux trousses du jeune homme. Ce fut la chance qui le sauva ce jour-là. Il se promenait sur les hauteurs lorsqu’il aperçut trois inconnus armés de kalachnikovs marchant dans sa direction. Prenant ses jambes à son cou, il parvint à s’enfuir dans les montagnes, puis se fit oublier quelques mois en Iran. À son retour, la colère du commandant était retombée.
Le père d’Hamira est accaparé à Kaboul, qu’il ne quitte plus beaucoup. Nous sommes en 2018. La ville hérissée de barrages face à l’avancée irrésistible des talibans ressemble à une forteresse en sursis. Hauts fonctionnaires, chefs militaires et responsables politiques sentent que le vent a tourné. À Washington, on est las de soutenir à bout de bras un régime décrié et son armée où se multiplient les désertions. Les premiers pourparlers s’engagent avec les talibans. La signature d’un accord de paix le 20 février 2020 accélère la déliquescence du pouvoir à Kaboul. La capitale s’abandonne finalement aux insurgés le 15 août 2021.
En Afghanistan, comme ici au lac Qargha, non loin de Kaboul, la purdah (la ségrégation physique entre les sexes) empêche les hommes et les femmes de se côtoyer. / Asmaa Waguih/REDUX-REA
Les fondamentalistes n’ont pas renoncé à régir les mœurs des Afghans selon leur vision du monde. Les fragiles libertés arrachées après 2001 sont abolies les unes après les autres. Pour les jeunes citadins célibataires, les choses les plus banales – discuter dans un parc, s’inviter au restaurant, se retrouver au bowling – sont désormais interdites. Il faut tout réinventer, les codes de la séduction et les moyens de communication. La résistance s’organise sur Internet. Facebook devient un club de rencontres virtuel : les hommes en mal d’amour y lancent des invitations à des femmes inconnues. À l’intérieur de ces îlots de liberté, on exhibe volontiers son visage maquillé.
Même à Khodaidad, les amis de Samim sont scotchés à leur écran. Les filles étant désormais interdites de collège et de lycée, les garçons se débrouillent pour obtenir leurs numéros grâce à une sœur ou des cousines. « Les gens ne sont pas libres comme avant, mais personne ne peut empêcher les jeunes de draguer à l’heure des portables », juge Samim. Plus méfiant que jamais, il utilise désormais deux téléphones, l’un, vide, qu’il glisse dans la poche en sortant dans la rue et un second pour la maison, qui renferme les traces compromettantes des échanges avec sa bien-aimée.
En août 2022, Hamira reçoit la visite surprise de son père. « Viens, je t’emmène quelque temps à Kaboul. Il faut que tu viennes m’aider avec ma nouvelle femme », insiste-t-il gentiment. Cédant à la pression familiale, la jeune femme gagne la capitale sans appréhension particulière. Mais une fois arrivée sur place, l’ancien chef militaire lui arrache son portable et l’enferme dans une chambre. « Tu ne parleras plus jamais à Samim, lui assène-t-il. Je t’ai trouvé un mari. » La voilà prise au piège. Au bout de cinq jours, son père la pousse fermement devant un inconnu timide qui tient un bouquet à la main. « Je veux mourir, je ne veux pas me marier avec toi », ose-t-elle. Le prétendant gêné baisse les yeux vers ses chaussures cirées. Il finit par quitter les lieux sans remarquer qu’un jeune homme l’observe de près, de l’autre côté de la chaussée. Samim a retrouvé la trace d’Hamira avec l’aide d’un parent éloigné qui s’oppose aux mariages forcés. Cela fait des jours qu’il espionne la maison, des jours qu’il ne mange plus, ne dort plus. Il a tout compris en voyant le garçon au bouquet rentrer et sortir. Il l’a rattrapé au coin de la rue et attaqué sans préavis : « Tu sais que c’est un mariage forcé ? Tu sais qu’on se fréquente depuis dix ans ? Tu lui as demandé son avis ? »
« Tu ne parleras plus jamais à Samim. Je t’ai trouvé un mari. »
Le père d’Hamira, à sa fille
C’en est trop pour l’impétrant, qui a déjà encaissé la rebuffade d’Hamira : il préfère renoncer à cette union hasardeuse. Samim décide alors d’enfoncer le clou. Au téléphone, il menace le père d’Hamira : « Je suis devant un commissariat des talibans. Soit vous nous laissez nous marier, soit je leur dis tout sur votre passé. » À l’autre bout du fil, l’ancien responsable militaire a le visage qui se décompose. Il sait ce qui attend les hauts gradés qui ont collaboré de près avec les Américains. Malgré les promesses d’amnistie, Kaboul bruisse de rumeurs de vengeance et d’exécutions sommaires. C’est un homme au bord de la panique qui dépose Hamira sur le parking d’un supermarché puis démarre en trombe, la mâchoire serrée. La voilà libre de décider de son avenir, pour la première fois de sa vie, à 24 ans. La jeune femme se précipite dans une boutique et supplie le vendeur : « Appelez ce numéro. » En décrochant l’appel, Samim comprend qu’il a gagné. Après dix années de patience et d’intrigues, rien ne semble pouvoir entraver leur mariage. Les voilà réunis dans l’intimité d’une chambre d’hôtel.
Frères et sœurs
Le couple décide de ne pas trop s’attarder dans la capitale quadrillée par les talibans. Trop de barrages, trop d’hommes barbus et armés, trop d’interdits. Fini le temps où les amants pouvaient se fondre dans un relatif anonymat. Les parcs sont surveillés et les restaurateurs ont l’ordre de ne plus recevoir les couples de célibataires. Ceux-ci ont dû se rapatrier sur les marchés, où ils jouent les frères et sœurs, mais chaque rencontre est une aventure risquée, voire mortelle en cas d’adultère.
De retour au village, Hamira emménage chez ses futurs beaux-parents comme si elle était déjà mariée. Le soir venu, elle s’endort le ventre noué dans la pièce blanche et verte située à l’étage de la bâtisse en terre. Le couple doit régulariser la situation au plus vite s’il veut éviter une descente surprise des policiers talibans stationnés à trente minutes de marche. Un mollah arrangeant accède à leur demande de mariage. Samim doit s’endetter à hauteur de 3 000 € en prévision de la fête. Tout le village reçoit un carton d’invitation.
Le jour J, deux cents personnes se déplacent finalement au banquet, soit à peine la moitié des habitants. Ici, on n’aime pas beaucoup cette histoire d’amour qui défie les codes patriarcaux de la société afghane. Petite consolation, la mère d’Hamira est bien présente à la cérémonie. « Je suis désolé que les choses se soient passées comme ça », dit Samim à sa belle-mère. Quant à son beau-père, l’ancien commandant qui voulait sa mort, il a refait sa vie au Pakistan.
« Je veux du calme et de la sécurité.Un tel endroit n’existe pas en Afghanistan. »
Hamira
Quelques jours après la noce, Samim et Hamira affichent l’air un peu béat de ces amoureux sur leur nuage. Vêtu d’une longue chemise bleue finement brodée, le jeune Afghan aux pommettes saillantes sourit avec timidité. À ses côtés, Hamira rajuste son foulard bleu marine autour de sa chevelure brune. Les jeunes mariés hésitent encore entre la joie et la retenue, comme s’ils ne croyaient pas tout à fait à leur chance. « J’ai eu tellement peur. Même maintenant je continue d’avoir peur », lâche cette femme fluette au téléphone.
Joint trois mois plus tard, le couple a perdu son entrain. Samim est au chômage. Il a dû vendre son salon de coiffure pour éponger ses dettes. Autour d’eux, la tension au village n’est pas retombée. Certains continuent de les regarder de travers, quand d’autres, notamment chez les jeunes, y voient une source d’inspiration en cette période de recrudescence des mariages forcés. Le couple pense à refaire sa vie à l’étranger, loin des fondamentalistes. Un désir partagé par des millions d’Afghans. « Je veux du calme et de la sécurité, glisse Hamira. Un tel endroit n’existe pas en Afghanistan. »
Sadia, mariée de force à 14 ans, quelque part à Kaboul, en Afghanistan. / Mortaza Behboud
Le fléau croissant des mariages d’enfants
La pauvreté qui se généralise, le système patriarcal, la fermeture des écoles par les talibans… tout concourt aujourd’hui à la hausse des mariages d’enfants au pays des mollahs.
Pour Sadia, l’école s’est arrêtée à l’âge de 14 ans. La petite Afghane a cessé du jour au lendemain de fréquenter en catimini l’établissement privé de son quartier populaire de Kaboul, dans lequel des professeures enseignent aux filles malgré les interdictions des talibans. Ici, son départ était autant attendu que redouté. Tout le monde connaissait le sort qui lui était réservé : un mariage forcé avec un homme de 60 ans. La direction du collège avait bien tenté de raisonner le père de la jeune mineure. En vain. « J’ai déjà dit oui, je ne vais pas revenir sur ma décision », avait expliqué le chef de la famille.
Il a troqué la liberté de sa fille contre celle de son fils. C’était soit un mariage, soit l’aîné continuait de croupir en prison pour avoir tenté, sans succès, d’émigrer clandestinement en Iran. Sollicité par la famille, un commissaire taliban s’était engagé à libérer le prisonnier en échange de la main de sa petite sœur.
« Marché conclu », a répondu le père. Rencontrée dix jours avant la cérémonie, la future épouse décrivait le sexagénaire en des termes peu flatteurs : un « homme rondouillard, pas éduqué, âgé, conservateur ». Elle racontait son histoire aux étrangers de passage comme on lance une bouteille à la mer.
Jusqu’à la date fatidique, Sadia a caressé l’espoir de fuir à l’étranger en compagnie de son frère aîné. « Lui aussi est contre ce mariage, mais il nous faut beaucoup d’argent pour payer les passeurs », confiait la jeune fille, qui aspirait à devenir « quelqu’un » : étudier et avoir un métier. Le mariage a brutalement interrompu ses rêves d’enfant. Aux dernières nouvelles, Sadia vit désormais chez son époux. La voilà cantonnée au rôle de domestique qui passe le balai en paille, secoue les tapis, transporte lessive mouillée et lourds plateaux de vaisselle, et encourt tous les risques liés aux grossesses précoces.
Sans être tout à fait banal, le sort de Sadia est loin d’être exceptionnel en Afghanistan. Un rapport de l’Unicef estimait déjà en 2018 que 35 % des femmes étaient mariées avant d’avoir 18 ans et 9 % avant 15 ans. Mais, depuis le retour des talibans, ces pratiques seraient en forte hausse. « En Afghanistan, tout contribue à favoriser le mariage des enfants. Vous avez un gouvernement patriarcal, la guerre, la pauvreté, la sécheresse, des filles qui ne peuvent plus aller à l’école », explique Stéphanie Sinclair, directrice de Too Young to Wed, une organisation américaine.
Plongées dans une sévère dépression économique – se nourrir est devenu la préoccupation numéro 1 des Afghans depuis la chute du précédent régime et le départ des Occidentaux –, certaines familles en sont réduites à céder leur fille contre quelques centaines d’euros. C’est une « bonne » affaire pour le prétendant : la dot à verser est moins chère que pour une femme plus âgée. Quant aux parents, ils y voient un moyen d’assurer la survie du reste de la famille, de soigner une maladie grave, de payer les études d’un garçon ou de régler des prêts contractés chez un voisin.
Sans être tout à fait banal, le sort de Sadia est loin d’être exceptionnel en Afghanistan.
Dans une enquête menée par Amnesty international, l’ancien militaire Momim, 35 ans, explique avoir marié sa cadette Najla, 7 ans, à un homme plus âgé que lui, en échange de 1 350 euros qu’il a aussitôt dépensés afin de payer ses dettes. « Qui veut faire ça à ses enfants ? Je n’avais pas le choix, je savais qu’elle souffrirait, reconnaît-il. La pauvreté vous pousse à commettre des choses que vous ne pouvez pas imaginer dans votre vie. » À l’entendre, ils seraient nombreux dans le voisinage à agir de la sorte.
En fermant les portes des collèges et lycées aux adolescentes, les talibans ont indirectement encouragé les parents démunis à leur trouver un époux au plus vite. « Quelle perspective offrir à une enfant qui n’a pas le droit d’étudier ? », s’interroge ainsi Korsheed, une mère de six enfants qui habite au centre du pays. Son aînée de 13 ans est déjà mariée. Sa cadette, 10 ans, pourrait subir le même sort. « J’ai un espoir qu’elle deviendra quelqu’un et supportera sa famille grâce à l’école, hésite Korsheed. Mais si elle ne peut pas aller au collège, qui prendra soin de ma fille ? Je devrai la marier. »
Officiellement, les mariages forcés et précoces sont interdits en Afghanistan. « Personne ne peut contraindre une femme à se marier », avait déclaré en décembre 2021 le mollah Haibatullah Akhundzada, chef suprême des fondamentalistes, en ordonnant aux tribunaux, gouverneurs et ministères de lutter contre cette pratique. Le décret des nouvelles autorités visait à limiter les débordements de ces commandants talibans qui contraignent des jeunes femmes célibataires à les épouser. Un texte resté largement lettre morte.
La rue des Forgerons, à Constantine. Carte postale, vers 1910. BRIDGEMAN IMAGES
Voici un livre d’histoire qui procure une sensation inhabituelle : celle d’avoir beaucoup appris, sans rien cerner de solide. D’avoir compris tout un pan du passé colonial franco-algérien et même de l’histoire des médias ou de la célébrité à la fin du XIXe siècle, sans cesser d’être dérouté ou incertain, comme sur des sables mouvants. Cela tient à l’objet de l’enquête, Messaoud Djebari, le « désinformateur » qui donne son titre au livre, et à ses désinformations. Mais également au mode d’écriture profondément original choisi par l’historien de Cambridge Arthur Asseraf pour l’approcher.
Les métamorphoses déroutantes d’un personnage
Il n’écrit pas, en effet, une biographie linéaire de Djebari. La tâche serait d’ailleurs ingrate sinon impossible, faute de dates et de lieux bien établis pour les différents moments de sa vie. Ce qu’il saisit, en revanche, ce sont les métamorphoses déroutantes d’un personnage produit de façon banale par la société coloniale, mais dont la trajectoire sort entièrement de l’ordinaire. Tour à tour chef de gare et conspirateur, interprète et soldat, explorateur et auteur à succès, il figure au cœur de plusieurs dossiers étonnants. En 1881, on le croise une première fois dans les archives, lorsqu’il se prétend émissaire d’une « société secrète islamique qui a pour but la tranquillité générale dans le pays d’Algérie ». Véritable conspiration ou invention d’un fabulateur talentueux ? Pour le préfet de Constantine, comme pour l’historien cent quarante ans plus tard, la question reste sans réponse.
Sans réponse, mais pas sans écho. Une douzaine d’années après, voici Djebari chargé de se rendre au Soudan par la Société de géographie de Paris, une mission de pénétration politico-militaire déguisée en exploration, comme c’est souvent le cas à l’époque. Mais, là encore, Djebari déroute. Il ne suit pas le trajet attendu, et rapporte des informations plus troublantes que prévu : il aurait rencontré des survivants d’une précédente mission, que tout le monde pensait massacrés par des Touaregs. L’armée refuse de le croire ? Qu’importe, il raconte son histoire à des journalistes, en tire un livre (Les Survivants de la mission Flatters, 1895), des conférences, et connaît une étonnante notoriété au parfum de scandale, faisant salle comble à Paris ou à Toulouse pour raconter ses périples – les romancer peut-être. Informer, désinformer, jouer avec les mots en tout cas. Ce qui permet à Messaoud Djebari de tenir autant de rôles sociaux, sur autant de scènes, au Maghreb comme en métropole, c’est bien sa capacité à manipuler les informations, et à saisir leur valeur dans le contexte impérial.
Figures de « l’entre-deux »
Car, et c’est au fond le véritable sujet du livre, la situation coloniale repose sur de profondes incertitudes. Les colonisateurs connaissent mal les sociétés qu’ils dominent. Tous leurs efforts pour ordonner, réglementer, cartographier ou ethnographier leurs territoires ne parviennent pas, ou si peu, à percer l’opacité du monde des indigènes, dont aucun administrateur ou presque ne connaît la langue. Dès lors, des personnages éduqués et bilingues comme Djebari sont indispensables. Interprètes, traducteurs, petits fonctionnaires du maintien de l’ordre ou de la bureaucratie, au contact avec des sphères sociales opposées, ces figures de « l’entre-deux », depuis longtemps identifiées dans l’historiographie de la colonisation, en assurent le bon fonctionnement, à Constantine comme à Delhi ou Djakarta. Du moins s’ils n’exploitent pas leurs talents narratifs ou la crédulité de leur auditoire à la manière de Djebari.
L’historien ne prétend pas dévoiler ses mobiles ni démontrer pourquoi il ne se contenta pas de rester un rouage intermédiaire. Mais il approche, à travers lui, « ce que la colonisation fait à la vérité ». Surtout, il effectue ce travail sans adopter la posture du savant omniscient, capable de combler les vides et de démêler le vrai du faux. Il dévoile plutôt un travail hésitant, freiné et facilité à la fois par la pandémie due au coronavirus, lorsque des recherches sur le Web, au petit bonheur la chance, se substituent à la consultation d’archives, devenue difficile. N’éludant rien de ce que l’enquête fait à l’enquêteur, de sa maîtrise imparfaite des sources en langue arabe, des parallèles et des différences entre Djebari et sa propre famille issue, à sa façon, de l’Algérie coloniale, Arthur Asseraf réussit un tour de force historien : parvenir
Par André Loez(Historien et collaborateur du « Monde des livres »)
Avec « De nos frères blessés », Hélier Cisterne revient sur un épisode méconnu de la guerre d’Algérie, l’exécution d’un communiste français engagé dans la lutte pour l’indépendance. Un film fort et juste, aussi poignant que nécessaire.
Dès le début du film, le spectateur sait qu’il a affaire à une tragédie, une histoire violente au milieu d’une autre histoire violente, celle de la guerre d’Algérie. Il assiste en effet, sans ménagement, car la scène dure, à la mise à mort sur l’échafaud le 11 février 1957, dans la cour de la prison Barberousse à Alger, d’un homme qui affronte dignement l’exécution. Non sans avoir déclaré : « Je paye, victime de la société, d’une campagne de presse. Je suis sûr de la libération de l’Algérie de ses colonialistes. Les Européens et les musulmans pourront continuer à vivre sur un pied d’égalité. »
Cet homme qui se déclare si sûr de la victoire finale des indépendantistes cinq ans avant les accords d’Évian et l’indépendance, ce n’était pas l’un des 221 condamnés algériens qui furent exécutés par l’État français pendant la guerre. Il s’agit du seul Européen d’Algérie qui fut mis à mort pour avoir participé au combat anticolonialiste du FLN : Fernand Iveton. Et c’est son histoire que raconte le film d’Hélier Cisterne.
IVETON NE VOULAIT PAS TUER MAIS PROVOQUER UNE PANNE GÉNÉRALE D’ÉLECTRICITÉ DANS ALGER.
Le destin exemplaire et instructif à bien des égards d’un homme ordinaire qui a rencontré l’histoire avec un grand H mais est demeuré, suprême injustice, oublié. À la fois en France – malgré deux livres lui ayant été consacrés, dont celui de Joseph Andras, en 2016, qui a obtenu le prix Goncourt des lycéens (refusé par l’auteur) et donne son titre au film – et en Algérie. Dans la wilaya d’Alger, une ruelle d’El Madania (anciennement le Clos-Salembier), son quartier natal, porte simplement son nom et rappelle qu’un pied-noir a sacrifié sa vie pour le FLN.
Rien ne prédisposait Iveton à devenir un héros de la guerre d’indépendance sinon son amour de la liberté et sa haine de l’injustice. Ouvrier tourneur à l’EGA (Électricité et gaz d’Algérie) et militant communiste, comme son père avant lui, il rejoint en 1955 le mouvement des Combattants de la libération créé par les communistes algériens – le PCF restant encore à l’écart de la lutte armée – puis le FLN pour agir clandestinement contre le pouvoir colonial. Indépendantiste réputé pour sa détermination autant que pour son humanisme et son idéalisme, il ne surprend guère ses camarades quand il propose de déposer, le 14 novembre 1956, un explosif dans un local de l’EGA. Non pour tuer, mais pour provoquer une panne d’électricité spectaculaire dans toute la Ville blanche.
SA GRÂCE FUT REFUSÉE AU PLUS HAUT SOMMET DE L’ÉTAT, PAR MITTERRAND, MOLLET ET COTY.
Dénoncé par un contremaître qui l’a vu pénétrer dans ce local un sac à la main, il sera arrêté le soir même après qu’on a désamorcé la bombe, prévue pour exploser à 19h30 après le départ du personnel. Interrogé trois jours durant au commissariat central d’Alger, il avoue et, après leur avoir laissé le temps de se mettre à l’abri, dénonce sous la torture (eau, électricité, etc.) les membres rapprochés de son groupe de combat.
Jugé de façon expéditive dix jours plus tard, mal défendu par un avocat commis d’office (les communistes français ayant refusé de venir en aide à un homme qui a terni l’image du Parti), il est condamné à mort après une seule journée d’audience par le tribunal militaire – désormais seul compétent en raison des « pouvoirs spéciaux » que l’Assemblée nationale a votés à la demande du gouvernement de Guy Mollet, « pour tentative de destruction d’édifice à l’aide d’explosifs ».
Fernand Iveton aura raison au pied du « bois de justice » de dénoncer une campagne de presse, car son « affaire » a été montée en épingle par les autorités françaises comme par les journaux, ravis de démontrer une collusion entre les communistes et le FLN dans un cas de terrorisme. Le militant a manifestement été condamné à la peine capitale pour l’exemple – quelques mois après la mort de 19 soldats français tombés dans une embuscade à Palestro (devenu Lakhdaria) en Kabylie –, comme le prouve le réquisitoire du commissaire du gouvernement, qui s’exclame sans ambages : « En admettant que Fernand Iveton dise vrai lorsqu’il prétend qu’il ne voulait pas qu’il y eût de victimes, son crime est aussi grave ! »
LE PREMIER À S’INDIGNER FUT ALBERT CAMUS. SARTRE RÉAGIT UN AN PLUS TARD EN PUBLIANT « NOUS SOMMES TOUS DES ASSASSINS ».
Obtenir la grâce – refusée tant par François Mitterrand, garde des Sceaux, que par le chef du gouvernement Guy Mollet et le président Coty – d’un militant politique qui n’avait tué personne s’avéra d’autant plus difficile que, dès le début de 1957, commence la bataille d’Alger avec son cortège de répression et d’attentats.
D’ailleurs, aucune voix forte ne s’est élevée immédiatement au sein de l’intelligentsia et de la classe politique françaises pour dénoncer cette condamnation inique. Le premier à s’indigner sera, au bout de quelques mois, Albert Camus, qui écrira : « L’ouvrier communiste qui vient d’être guillotiné en Algérie pour avoir déposé une bombe (découverte avant qu’elle n’explose) dans le vestiaire d’une usine a été condamné autant par son acte que par l’air du temps. On a voulu à la fois prouver à l’opinion arabe que la guillotine était faite aussi pour les Français et donner satisfaction à l’opinion française indignée par les crimes du terrorisme. » Un an plus tard, Sartre reviendra dans les Temps modernes sous le titre « Nous sommes tous des assassins » sur l’exécution : « Cet homme a déclaré et prouvé qu’il ne voulait la mort de personne, mais nous, nous avons voulu la sienne et nous l’avons obtenue sans défaillance. »
Un déni de justice aux conséquences importantes
Seule, avec l’aide de nouveaux avocats, à se battre sans répit pour tenter d’obtenir la grâce de Fernand Iveton, Hélène Ksiasek, l’épouse d’origine polonaise rencontrée lors d’un séjour à Paris et qui l’a suivi en Algérie, ne pourra rien pour le sauver. Mais son combat et le courage à toute épreuve dont elle a fait montre contribuent à élever l’affaire Iveton à hauteur de tragédie. Ce que rend très bien le film d’Hélier Cisterne, tenant autant du documentaire que de la fiction, même s’il s’agit d’une reconstitution, aussi fidèle que possible, de ce qui s’est passé, de la jeunesse de Fernand jusqu’à sa mort.
Ce déni de justice, malgré le relatif silence qui l’a accompagné, ne fut pas sans importantes conséquences à moyen et long terme. D’abord en contribuant à démontrer qu’il y eut des Européens anticolonialistes prêts à défendre le combat indépendantiste « physiquement » en Algérie avec tous les risques que cela supposait. Mais aussi en marquant à jamais les protagonistes de l’affaire. À commencer par François Mitterrand, lequel, dès son élection à la présidence de la République, n’abolit la peine capitale si rapidement – à en croire son ministre, ami et confident Roland Dumas – que parce qu’il pensait devoir « se racheter de l’Algérie ». Et qui, d’après Benjamin Stora, se souvenait suffisamment de cette exécution pour ne pas supporter qu’on prononce le nom du condamné devant lui. Iveton n’est assurément pas mort pour rien.
L’œuvre intitulée « Passage Abdelkader », qui représente l’émir Abdelkader découpé dans une feuille d’acier rouillé, a été largement abîmée au niveau de la partie basse de la structure.
« Indignation », « honte », « lâcheté ». Une sculpture en hommage à l’émir Abdelkader (1808-1883) a été vandalisée avant son inauguration, samedi 5 février, à Amboise (Indre-et-Loire), suscitant une large condamnation, a constaté sur place un journaliste du Monde. C’est dans cette commune d’Indre-et-Loire que le héros national algérien avait été détenu avec plusieurs membres de sa famille de 1848 à 1852.
L’œuvre intitulée Passage Abdelkader, qui représente l’émir Abdelkader découpé dans une feuille d’acier rouillé, a été largement abîmée au niveau de la partie basse de la structure.
« L’œuvre a été dégradée pendant la nuit, découpée par une meuleuse, sous la taille d’Abdelkader. Cette partie a été découpée et tordue, cela fait un énorme trou sur l’œuvre. La gendarmerie faisait des rondes jusqu’à 4 heures du matin, donc ça a eu lieu après », a précisé au Monde Hélène Mauranges, directrice générale des services de la ville d’Amboise.
Le procureur de Tours, Grégoire Dulin, a annoncé l’ouverture d’une enquête pour « dégradation grave de bien destiné à l’utilité publique et appartenant à une personne publique ».
« Le combat pour l’amitié entre la France et l’Algérie continue »
Sur place, le maire d’Amboise, Thierry Boutard, a dénoncé un « saccage ignoble » dans une « période où certains se complaisent dans la haine des autres ».
« J’ai eu honte qu’on traite une œuvre d’art et un artiste de cette sorte. Le deuxième sentiment est, bien sûr, l’indignation. C’est une journée de concorde qui doit rassembler et un tel comportement est inqualifiable », a-t-il commenté auprès de l’AFP. Le maire a également fait savoir que l’œuvre serait « restaurée et refaite ». L’artiste a estimé que la sculpture pouvait être refaite d’ici un mois.
Etaient également présents samedi matin pour l’inauguration, le sculpteur Michel Audiard, la sénatrice LR Isabelle Raimond-Pavero, le député LRM Daniel Labaronne, ainsi que le président LR du conseil départemental, Jean-Gérard Paumier.
L’artiste Michel Audiard a confié sa peine de voir son œuvre en partie détruite. « C’est réellement un saccage prémédité. Il faut une disqueuse, il faut couper, il faut tordre. C’est un acte de lâcheté, (…) ce n’est pas signé, c’est gratuit. On était là pour fêter un personnage emblématique dans la tolérance, et là, c’est un acte intolérant. Je suis atterré », a-t-il lâché.
Egalement présent à la cérémonie et revenu tout récemment à Paris après la crise ouverte par des propos du président de la République, Emmanuel Macron, l’ambassadeur d’Algérie en France, Mohamed Antar Daoud a réagi sur un ton d’apaisement :
« Le combat pour l’amitié entre la France et l’Algérie continue, pour faire de la Méditerranée non pas un lac de divisions mais un lac de paix partagée. Il faudra panser la blessure de ce qui n’est qu’un acte de vandalisme.»
Abdelkader, une figure de tolérance
Cette œuvre avait été proposée par l’historien Benjamin Stora dans son rapport sur « Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie », remis à Emmanuel Macron en janvier 2021. M. Stora a dénoncé samedi « l’obscurantisme et l’ignorance » de ceux qui ont vandalisé la sculpture, appelant à ce que l’inauguration soit maintenue et la statue restaurée.
« Je suis pour le maintien de l’inauguration coûte que coûte. Il faut reprendre le travail, faire en sorte que la statue soit relevée et que ne triomphent pas ceux qui sont dans l’obscurantisme, l’analphabétisme et l’ignorance », a-t-il estimé, jugeant l’acte de vandalisme « consternant ».
L’émir Abdelkader Ibn Mahieddine (1808-1883) est une figure de l’histoire de l’Algérie. Celui qui était surnommé « le meilleur ennemi de la France » a joué un grand rôle dans le refus de la présence coloniale française en Algérie. Il est considéré comme l’un des fondateurs de l’Algérie moderne.
Après sa reddition, il a été emprisonné à Pau, Toulon, puis au château d’Amboise de 1848 à sa libération en 1852. Cet « homme passerelle », comme le qualifie Benjamin Stora, s’exile ensuite à Damas, où il s’illustre en 1860, en défendant les chrétiens de Syrie, en proie aux persécutions. Cet acte fera de lui un symbole de tolérance. Il sera récompensé de la grand-croix de la Légion d’honneur.
« Rappelons-nous ce qui nous unit. La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire. Elle n’oubliera aucune de ses œuvres. Elle ne déboulonnera pas de statues », a condamné Emmanuel Macron dans une réaction transmise à l’Agence France-Presse.
Le monument avait été "érigé dans une volonté de rapprochement entre la France et l'Algérie", explique Laurent Vignaud, sous-préfet de Chinon.
La statue de l'émir Abdelkader vandalisée quelques heures avant son inauguration, le 5 février 2022 à Amboise (Indre-et-Loire). (GUILLAUME SOUVANT / AFP)
"L'hommage de mémoire qui était prévu est devenu un hommage de combat contre la bêtise et la haine."
Suivant une recommandation du rapport de l’historien Benjamin Stora, une stèle en hommage à l'émir Abdelkader, héros de la lutte contre la conquête française de l’Algérie, a été inaugurée samedi, à proximité du château d’Amboise. L'œuvre a été vandalisée peu avant la cérémonie.
Une guerre pour rien ! L'expression est terrible, monstrueuse si on y réfléchit un instant. Et pourtant, après la débâcle occidentale en Afghanistan, ce sont les mots qui sont revenus le plus souvent , dans les médias occidentaux et dans la bouche des dirigeants occidentaux eux-mêmes .
20 ans donc de guerre «pour rien». Des torrents de sang, de larmes, de souffrances , de destruction «pour rien». Des centaines de milliers de morts et de blessés afghans pour rien. Et aussi des dizaines de milliers de morts et de blessés américains, anglais, français, allemands, danois, norvégiens etc..bref de tout l'occident représenté dans ce carnage, «pour rien».
Avec une franchise désarmante, le président Joe Biden explique que l'Afghanistan est «le cimetière des empires», qu'il fallait arrêter la guerre après la mort de Ben Laden, mais il ne dit pas pourquoi elle a continué vingt ans. Il explique cependant, discours nouveau, que la continuation de la guerre aurait fait encore plus de victimes, encore pour rien. Il dit que ces guerres ce sont des soldats américains morts, mais aussi blessés, d'anciens combattants qui sont handicapés à vie physiquement et moralement, qui se droguent qui se suicident. Il rappelle la mort de son fils après son retour d'Irak.Il dit qu'il ne faut plus de guerres de ce genre où on veut imposer un tout autre système à un peuple. Le prix Nobel de la paix pour Jo Biden ! On se demande si on a bien entendu. Des paroles inédites chez un président américain.
Un désastre aussi moral
Seul, en Occident, le président Macron, dans la pure tradition des croisés, parle de «guerre juste». Il a même l'idée de prolonger la présence française à l'aéroport de Kaboul. Rodomontades . Les soldats français quitteront l'aéroport avant même la date butoir du 31 aout. Quelques jours après, le président Macron récidivera et demandera une «zone protégée» à Kaboul. Le porte-parole des Talibans lui répondra sobrement «L'Afghanistan est un pays indépendant. Que diriez-vous si nous vous demandions une zone protégée à Paris ?».
Les dirigeants occidentaux ont donc entrainé leurs peuples dans une guerre «pour rien» pendant vingt ans. Des hommes et des femmes de chacun de ces pays sont donc morts «pour rien» et on le dit sans état d'âme ! A-t-on conscience de l'énormité de la chose, du cynisme de ce constat. Et ensuite ? On tourne tout simplement la page pour d'autres guerres?
Une «guerre pour rien» , pas de sanctions, pas de jugements, pas de Tribunal pénal international, pour ceux qui ont déclenché cette guerre et d'autres du même genre. Même pas des excuses au monde, à l'ONU, enfin n'importe quoi, bref au moins quelque chose de moral. Le désastre occidental est aussi moral.
Mais ce qui est peut-être le plus monstrueux dans cette expression d'une «guerre pour rien», c'est l'état d'esprit qu'elle révèle. D'évidence, par définition, elle ignore les Afghans . Elle ne les prend pas en compte : leurs morts, leurs souffrances, on n'en parle pas, pas une seule seconde, sous aucun plateau de TV mainstream . Et pour cause, car de ceux-là, on ne peut dire qu'ils sont morts pour rien. Quel que soit l'habit idéologique par lequel a pu s'exprimer et se conforter leur patriotisme, Il reste le fait qu'ils sont morts pour libérer leur pays de l'occupation étrangère.
On a alors la liste de toutes ces guerres «pour rien», les anciennes comme les récentes:. Vietnam, Algérie, Afrique du Sud, Irak, Libye, Liban, Palestine etc. etc. une liste jamais close.
Pire que tout cela
Pire que tout cela, le projet a été, dès le départ de transformer la guerre en Afghanistan en guerre civile. Deux mille milliards de dollars ont été dépensés pour cela, pour créer une armée afghane proaméricaine . Ironie du sort, cette armement a été récupéré sans coup férir par les Talibans qui deviennent du même coup une armée dotée des armements les plus modernes qui soient.
En vérité, lorsque le président Joe Biden affirme avoir voulu qu'il n'y ait plus de victimes américaines, ce n'est qu'à moitié vrai. Jusqu'à la dernière minute les États Unis et l'Occident ont cherché à entretenir une guerre entre Afghans. Là se situe un épisode tragicomique et qui pourrait expliquer la débâcle, le départ en désordre de l'armée américaine et des supplétifs occidentaux. Jusqu'à la veille de l'entrée des Talibans à Kaboul, le chef du gouvernement officiel, le président Ashraf Ghani, disait qu'il maitrisait la situation. A la télévision, sa tranquillité et son assurance étaient stupéfiantes. Le soir même, il allait à l'aéroport et quittait Kaboul. D'où la surprise puis la débandade des Américains et des Occidentaux. C'est un épisode que l'Histoire peut être clarifiera. Ashraf Ghani l'a-t-il fait délibérément. A-t-il voulu éviter un bain de sang. Si c'est le cas, on peut dire de cet homme, et peut être aussi des généraux qui l'ont imité, des hommes qui ont pourtant collaboré avec une armée d'occupation étrangère, qu'ils ont commis là un acte patriotique. Ce qui prouve qu'on peut toujours servir la patrie. Les américains et leurs alliés ont donc été pris de court. Ils espéraient donc préserver le sang américain et européen dans des torrents de sang afghan. Aux dernières nouvelles, toute l'armée gouvernementale afghane a été intégrée dans l'armée Taliban.
La mission civilisatrice de l'Occident
Les occidentaux tentent de «vendre» tout cela à leur opinion par une construction compliquée où ils expliquent que leurs efforts pour exporter la démocratie et les valeurs occidentales se heurtent hélas à des régimes corrompus. En dehors de ce vieil argument colonial de la mission civilisatrice de l'Occident qui ne mérite même plus d'être débattu, cette référence récurrente à la corruption des dirigeants des pays non occidentaux sous tutelle est surprenante par son absence totale de cohérence. Comment s'attendre au contraire? Quel patriote afghan, quel homme honnête donc, accepterait de collaborer avec des armées étrangères qui font la guerre dans son pays. Il ne reste donc plus que les autres et ceci explique cela.
Il y a aussi l'argument du terrorisme qui est martelé à l'opinion. Après le désastre militaire, la campagne s'oriente désormais vers « l'aggravation de la menace terroriste» du fait de la victoire des Talibans. 20 ans de guerre n'auront pas suffi à montrer que l'Afghanistan menait une guerre nationale, comme pour les précédentes contre l'Angleterre puis l'URSS. Ben Laden et El Qaida ont été les raisons avancées au départ. Y avait-il un seul Afghan dans les avions qui ont attaqué les tours le 11 septembre ? Finalement Ben Laden sera tué au Pakistan. On découvrira, si c'est lui, un vieillard malade, isolé et inoffensif qu'on s'empresser d'enterrer...dans la mer. Les Américains ont-ils pour autant quitté l'Afghanistan ? Puis ce fut l'Irak. Y avait-il , là aussi, un seul irakien dans les avions du 11 septembre ? Peu importe, ce fut alors le mensonge des armes de destruction massive. Le résultat , 500 000 morts irakiens, qu'on ne cite évidemment jamais , et un pays détruit. Le mensonge est même reconnu, mais sans plus. On passe ensuite à autre chose. Qui jugera les bourreaux puisqu'ils sont en même temps les juges. ? Tout le Machrek entrainé dans les horreurs de guerres civiles sans fin. Puis la Libye. Et maintenant le Maghreb ?
L'Occident fonctionne comme une machine à produire du terrorisme. Y avait-il Daesh en Irak avant la guerre américaine ? Durant tous ces jours ci, sur les plateaux de télévision français, je n'ai vu qu'une personne, une seule, rappeler ces évidences. Il s'agit du philosophe Michel Onfray. Le 3 septembre, il est sur la chaine d'information LCI. À une question sur l'échec de l'Occident en Afghanistan à «diffuser la démocratie et ses valeurs», il fait remarquer que vouloir imposer à un peuple uneculture, et des valeurs par les armes s'appelle tout simplement le colonialisme . Il fait remarquer qu'il n'y avait pas d'Afghans dans les avions du 11 septembre mais des Saoudiens sans que l'Arabie saoudite ne soit inquiétée, pour bien montrer que tout cela n'est que prétextes .
La propagande concerne aussi ceux qui ont collaboré avec les armées occidentales. Il faut les sauver, clame-t-on, des «terribles talibans». On retrouve, par ce biais, le thème de l'humanitaire, arme préférée de la panoplie médiatique mainstream, que ce soit pour «les bombardements humanitaires», censés être applaudis par les populations qui les «reçoivent sur leur tête», ou le sauvetage des populations en otage. C'est toujours la même histoire: Harkis d'Algérie, boatpeople du Vietnam,... Question: comment appelle-t-on dans tout pays quelqu'un qui collabore avec des armées étrangères ? L'occupation est doublement criminelle , directement par les massacres, et indirectement par les trahisons qu'elle suscite et encourage, et qui vont laisser des traces profondes.
Les migrants
Les pays européens , si sourcilleux d'habitude sur la question de l'émigration, ouvrent soudain les bras aux migrants afghans. La foule de ceux-là suppliante, grouillante et désordonnée à l'aéroport sert à masquer la débâcle et tenter de la transformer en exploit humanitaire. Dans les avions cargos, les gens entassés par milliers, hommes , femmes , enfants, rappelle les migrants européens des siècles précédents entassés dans les cales des bateaux vers l'Amérique. On parle du «plus grand pont aérien de l'histoire». Les images sont dramatisées à outrance. On laisse accroire que l'Europe et les États Unis vont accueillir généreusement une masse énorme d'hommes et de femmes réfugiés afghans. Mais dans les informations données, il y a des omissions, par exemple les chiffres réels qui montrent qu'il y a bien plus de migrants afghans dans les pays voisins, Pakistan, Iran, Turquie etc.. et ce depuis longtemps et pour des raisons essentiellement économiques. Il est d'ailleurs évident pour tous, que parmi cette foule de l'aéroport, il y a vraisemblablement de tout, certes les collaborateurs des puissances étrangères qui ceux-là fuient mais aussi ceux qui veulent profiter de l'occasion. L'occasion est si belle, et ce n'est pas demain que les causes des migrations économiques vont disparaitre, en Afghanistan comme ailleurs. Mais la dramatisation , la campagne menée a un but évident, celui de dédouaner à posteriori la guerre occidentale en Afghanistan, et son échec, par le spectacle de ces populations qui «fuient la dictature Taliban».
La fin de la guerre en Afghanistan aura probablement des conséquences géopolitiques majeures. Elle a cette particularité qu'elle apparait comme une défaite militaire et morale de l'Occident tout entier coalisé contre un seul peuple. Du côté Afghan, c'est une guerre de libération nationale et d'indépendance, quoi qu'on fasse en Occident pour l'enfermer dans une signification étroitement religieuse..
20 ans après
La fin de la guerre en Afghanistan coïncide avec le 20eme anniversaire des attentats du 11 septembre 2001. Qui aurait pensé alors que ces attentats horribles allaient être instrumentalisés par les États Unis et leurs alliés pour déclencher des guerres interminables, pour déstabiliser des États, des nations, des régions toutes entières, pour encore plus de souffrances, de sang et de larmes à une échelle démesurée, au nom de la lutte contre le terrorisme. Les paroles du Président Joe Biden , que nous avons citées au début de ce texte, peuvent-elles inaugurer une nouvelle approche de ces «guerres pour rien» ? On ne pouvait mieux parler, telle qu'i l'a fait, de leurs conséquences destructrices sur l'homme et de leur inutilité tragique. Moment d'humanisme ou orientation durable? L'avenir le dira. Étrangement pourtant, ces paroles ne semblent pas avoir soulevé beaucoup d'écho en Occident où elles ont même été passées sous silence. Mais à contrario, des voix se sont vite élevées pour dire que l'Occident ne devait pas renoncer « à ses valeurs» du fait de la défaite en Afghanistan, mais qu'il fallait désormais «changer de tactique». La principale leçon à tirer de l'Afghanistan , disent-ils est ...qu'il ne faut plus intervenir militairement directement au sol, mais appuyer les luttes pour «les droits de l'homme» et que la période sera désormais à la défense des minorités sociales ou nationales. En France, les spécialistes du «droit d'ingérence humanitaire» comme Bernard Henry Lévy, commencent déjà à évoquer la Kabylie ? Quelle prétention et quelle arrogance .Mais attention, là... La Kabylie n'est pas une minorité nationale, c'est le cœur battant de l'Algérie. La France coloniale est bien placée pour le savoir depuis un certain premier novembre 54 , et bien avant, depuis Mokrani, Lalla Fatma N'Sumer, Cheikh El Haddad, et d'autres héros de la patrie.
Quand donc l'Occident laissera -t- il les peuples en paix.
Le chef de guerre du Panchir, assassiné le 9 septembre 2001, a progressivement été repeint en Che Guevara afghan, francophile et admirateur de De Gaulle.
Ahmad Massoud, fils du légendaire commandant et qui rêve d’incarner aujourd’hui, à son tour, la résistance aux talibans, avait à peine 12 ans… Il n’a fallu que quelques heures, le dimanche 9 septembre 2001, pour que la rumeur se répande comme une traînée de poudre. Son père, Ahmed Chah Massoud, 48 ans, aurait été gravement blessé lors d’un attentat commis dans son fief du Panchir, au nord-est de l’Afghanistan. Les informations les plus contradictoires circulent.
Les ruines fumantes du World Trade Center
Son porte-parole Waisuddin Salik promet qu’il n’est que légèrement blessé, son frère comme son bras droit Yunes Qanouni le disent « vivant, blessé mais conscient », tandis que l’agence russe Itar-Tass ou le département d’État américain ne font plus de mystère sur sa mort, dans un hélicoptère en route vers un hôpital de Douchanbé, la capitale tadjike.
Jusqu’au vendredi suivant, l’entourage du commandant laissera planer l’incertitude, alors que le monde entier a les yeux tournés vers les ruines fumantes du World Trade Center, à New York, et que Washington désigne l’Afghanistan comme le sanctuaire abritant Oussama Ben Laden, commanditaire présumé des attentats du 11 Septembre. Les talibans contrôlent les deux tiers du territoire afghan et encerclent le Panchir, cette vallée de montagnes et de rivières d’où le commandant Massoud avait repoussé plusieurs offensives de l’armée soviétique et gagné ses galons de stratège.
Message à George W. Bush
Quelques mois avant sa mort dans l’explosion d’une ceinture bourrée de TNT portée par le faux cameraman Bouraoui El-Ouaer, un Tunisien résidant en Belgique, le chef de guerre afghan effectuait une tournée européenne à la recherche de soutiens financiers et militaires.
Au Parlement européen ou en France, il fait des déclarations prophétiques sur la menace représentée par al-Qaida et Oussama Ben Laden, prêts selon lui à attaquer l’Occident, États-Unis en tête. Lors d’une conférence de presse, le « lion du Panchir » s’adresse même directement au président états-unien : « Mon message à George W. Bush est le suivant : les problèmes auxquels nous faisons face seront bientôt ceux des Américains et du reste du monde. »
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