Hayat, une infirmière algérienne de 29 ans, a réussi à s’installer en Gaspésie au Canada grâce à son diplôme. Le Journal du Québec raconte son histoire.
Le Canada est une destination de plus en plus privilégiée par les Algériens désirant s’installer à l’étranger.
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Si une grande partie d’entre eux se retrouvent à Montréal et sa région, d’autres ont choisi des destinations moins connues, comme la Gaspésie.
Le système de sélection mis en place par les autorités de ce pays fait que les immigrants réussissent généralement leur intégration.
Le critère de l’employabilité est primordial dans le processus de sélection. Le pays cible les profils qui correspondent à la demande du marché local de l’emploi.
Hayat, une infirmière algérienne de 29 ans, est de ceux qui ont pu s’installer en Gaspésie grâce à son diplôme. Elle fait partie de 38 infirmières d’Algérie, de Tunisie, du Maroc et du Cameroun, recrutées par le gouvernement local pour combler le déficit en personnel soignant en Gaspésie, une région du Québec.
Elle a raconté son expérience au Journal du Québec qui lui a consacré un portrait.
Hayat Tazairt est bachelière en Algérie où elle a opté pour le métier d’infirmière. Elle a exercé pendant six ans dans son pays avant de songer à s’expatrier. C’est, dit-elle, la pandémie de Covid-19 qui l’a poussée à envisager de s’installer au Canada.
Son diplôme et la maîtrise du français ont fait qu’elle a été acceptée après une procédure qui aura duré neuf mois.
Selon elle, c’est la disponibilité de moyens et des équipements dans ce pays d’Amérique du Nord qui l’a encouragée à postuler.
Malgré un écueil qui peut en dissuader plus d’un : le fait de devoir refaire presque toutes ses études. Elle doit en effet effectuer une formation de 915 heures avant de pouvoir commencer à exercer comme infirmière au Canada.
Mais Hayat se montre compréhensive, évoquant les noms des médicaments, le code de déontologie et les valeurs de la pratique du métier qui diffèrent entre l’Algérie et le Canada. « C’est normal d’avoir cette formation dans un milieu qui est nouveau pour nous », admet-elle.
Le parcours de Hayet, d’Algérie jusqu’à la Gaspésie
Cela, même si elle trouve « bizarre » de se retrouver de nouveau étudiante.
Car ses études, cela fait six ans qu’elle les a terminées en Algérie où, pour joindre les deux bouts, elle a dû cumuler les postes, travaillant dans l’oncologie dans un hôpital public et dans la cardiologie dans une clinique privée.
En août 2021, en pleine vague meurtrière du variant Delta du Covid-19, elle a décidé de tenter sa chance ailleurs. « C’était blessant de voir un malade sans ressource », raconte-t-elle.
Célibataire et fille unique, elle confie qu’elle a entamé les démarches à l’insu de ses parents à qui elle n’a rien dit jusqu’au jour où elle a eu la confirmation définitive qu’elle est acceptée au Canada.
Tout s’est fait à distance et avec célérité. En novembre 2021, elle a introduit sa demande directement au CISSS de Gaspésie, « les réponses venaient rapidement » et au bout de neuf mois, la voilà dans cette péninsule du nord-est du Canada.
Pour elle, tout est nouveau et elle ne connaît rien de la région. Mais elle ne se plaint pas. Au contraire, elle assure que le calme de la Gaspésie est mieux pour elle que le vacarme de Montréal où elle a transité à son arrivée d’Algérie.
Malgré la neige et le manque de logements dans la région, elle compte s’y installer définitivement. « C’est comme si je me lançais un défi et que je voulais aller au bout », dit-elle.
En ces jours où les femmes iraniennes luttent pour faire valoir leur vertueuse détermination à s’émanciper du dictat répressif et immonde des mollahs, où les jeunes filles afghanes se voient opprimées et interdites de scolarité, je rends hommage à une jeune martyre de la dignité féminine, victime innocente de l’atroce cruauté inhumaine des terroristes islamistes, ces fervents démons d’un islam des ténèbres.
Nombreux sont ceux qui ne la connaissent pas, même si son portrait pourrait leur rappeller quelqu’un. Mais néanmoins…
Elle s’appelle Amel Zouani Zenoune, jeune algérienne de 22 ans, une étudiante en droit à l’université, qui se prédestinait à devenir magistrate ou avocate au barreau d’Alger.
Il y a tout juste 26 ans, en ce 26 janvier 1997, à l’heure de la rupture du jeûne au 17ème jour du Ramadan d’alors, de prétendus musulmans haineux et assoiffés de sang, des algériens tout comme elle, mais démoniaques et sanguinaires, l’ont froidement et cruellement égorgée devant les autres passagers du car qui la ramenait à Sidi-Moussa, son village au sud d’Alger, pour avoir seulement refusé de porter le voile et d’incarner la femme libre.
Les assassins ne lui ont accordé aucun répit ni le moindre instant pour qu’elle leur explique que Dieu l’avait comblée de beaux cheveux, qu’Il lui offrait la vie et la liberté, et que nulle part il était écrit qu’elle devait s’obliger à se couvrir la tête, à cacher par honte la parure de Dieu qu’elle personnifiait avec élégance.
Une semaine auparavant, elle rassurait avec insistance sa maman qui s’inquiétait, avec effroi, de la tournure prise par les événements horribles et tragiques de cette guerre civile que traversait l’Algérie dans les années 90.
“Ne t’inquiète pas maman, j’espère que rien ne nous atteindra, mes sœurs et moi. Mais s’il nous arrive quelque chose à l’une d’entre-nous, maman, et que nous mourrons, ce sera au nom de l’instruction, du savoir et de la science. Nous irons au Paradis et, toi et papa, vous garderez la tête haute !”
Quelques courtes années plus tard, son honorable Papa qu’elle chérissait tant, effondré par le chagrin, la rejoignit là où elle est à présent, dans la Paix et l’Amour de Dieu. Puis, ce fût le tour tragique de sa douce, de sa tendre Maman, torturée par le terrible destin de sa fille adorée.
En ce douloureux et triste anniversaire, je me permets, à la mémoire d’Amel, juste ces quelques mots que j’adresse à toutes les musulmanes :
“Ne renoncez jamais, plus jamais, à votre liberté, à votre dignité et à votre indépendance. Dieu est avec vous, non contre vous, Il vous aime et Il vous a créées à l’égales des hommes, non en leur inféodation ! N’oubliez jamais !”
Elle aurait pu être ma fille, la vôtre aussi… Et je la pleure encore.
Par devoir de mémoire, pour que justice soit faite un jour, pour que l’âme d’Amel repose enfin en paix, sa soeur cadette Anissa nous rappelle inlassablement à son souvenir, car il est vrai, nul ne peut oublier cette horrible tragédie.
Musulman rationaliste, engagé et laïc, nommé en 2016 Délégué régional à l’instance nationale de dialogue avec l’islam, Mohammed Guerroumi est très impliqué dans le dialogue interreligieux. Auteur à Causeur, il est un des Signataires du “Manifeste contre le nouvel antisémitisme
J’ai retrouvé ta lettre où tu disais peut-être Un jour on s’ra trop vieux Pour s’écrire des poèmes Pour se dire que l’on s’aime Se r’ garder dans les yeux
Tu parlais de naufrage, D’un corps qui n’a plus d’âge Et qui s’en va doucement De la peur de vieillir et d’avoir à subir L’impertinence du temps
De n’ plus pouvoir s’aimer si la mémoire s’en va Et qu’on n’ se reconnaît plus Et perdre me disais-tu le plaisir de me plaire
L’ envie de me séduire
Peur de la dépendance Et de finir sa vie dans une maison de retraite De la fin qui commence De l’esprit qui divague Peur de ne plus pouvoir un jour Rire à mes blagues
Mais tout ça c’est des bêtises est-ce que tu réalises On s’ ra jamais trop vieux Pour s’écrire des poèmes, pour se dire que I’on s’aime Se r’ garder dans les yeux
Et je veillerai sur toi et tu veilleras sur moi Ce s’ ra jamais fini
On s’ dira mon amour jusqu’à la fin des jours Et le jour et la nuit Et le jour et la nuit
Et leur maison de retraite ça j’ te jure sur ma tête Nous on ira jamais On dormira dehors, on r’ gardera les étoiles On vivra libres et dignes !
On s’ tiendra par la main comme à nos 18 ans Qu’on marchait tous les deux sur des sentiers perdus Au début du printemps
Et on pourra toujours raconter des bêtises Et dire n’importe quoi On vivra libres et dignes !
Et si l’on doit partir un jour après le dernier mot Du tout dernier poème On partira ensemble Tu comprends…
On s’ ra jamais trop vieux Pour se dire que l’on s’aime Se r’ garder dans les yeux
On s’ ra jamais trop vieux Pour se dire que l’on s’aime Se r’ garder dans les yeux
Les rues de nos villes sont peut-être des miroirs qui reflètent notre véritable identité, avant nos usines, nos écoles et nos palais. En dépit de l'autorité qui sanctionne nos écarts de conduite, et en dépit des petites graines de lumière que sèment toujours nos esprits et nos cœurs, nous offrons chaque jour, dans les rues de nos villes, une image peu reluisante de nous-mêmes : un mélange d'intolérance, de laideur et d'anarchie. Pourquoi, dans les rues de nos villes, nous nous détestons cordialement, sans chercher à nous connaître, et n'attendons de nos voisins que le pire, et presque plus rien de nous-mêmes ?
Pourquoi dans les rues de nos villes, nous narguons les humbles mais craignons les puissants, jalousons ceux qui réussissent mais vénérons notre paresse? Pourquoi, dans les rues de nos villes, nous opprimons nos filles et nos femmes, et pourquoi, dès la nuit tombée, leur présence loin de nos murs devient suspecte, même pour aller acheter nos médicaments ? Pourquoi nous n'appliquons pas, dans les rues de nos villes, la même vertu que nous observons dans nos mosquées ? Pourquoi les rues de nos villes sont devenues inhospitalières pour les étrangers et réfractaires à l'altérité ? Pourquoi, dans les rues de nos villes, nous insultons nos poètes et nos savants et vouons aux gémonies notre patrie et nos héros ? Pourquoi, dans les rues de nos villes, la banalité a chassé le bon goût et le laisser-aller a remplacé l'amour du travail accompli avec soin ? Pourquoi, dans les rues de nos villes, nous jetons nos rêves à la poubelle ? Et pourquoi nous détruisons, chaque jour, ce que nous avons construit la veille ? Pourquoi les rues de nos villes sont désertées par le sourire et la beauté au quotidien ? Pourquoi nous n'aimons pas les livres et les fleurs ? Pourquoi les rues de nos villes n'invitent plus à la promenade ?
En s’attaquant à deux des derniers médias libres, Radio M et Maghreb Émergent, le pouvoir algérien renforce sa mainmise sur l’information et confirme son refus de tout débat.
Manifestation des employés de la télévision d’État contre la censure à Alger, le 15 avril 2019
Ryad Kramdi/AFP
L’information a provoqué une onde de choc au sein de l’opinion algérienne, suscitant une grande indignation : le siège d’Interface Médias, société éditrice de la webradio Radio M et du journal électronique Maghreb émergent1 a été mis sous scellés samedi 24 décembre par des agents de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Leur directeur, Ihsane El Kadi, arrêté la veille et qu’on a fait assister, menotté, à cette mise sous scellés, est toujours en garde à vue dans les locaux du même service, dépendant de l’armée. Quatre jours après son interpellation à Zemouri (est d’Alger) en pleine nuit, rien n’a encore filtré sur les accusations retenues contre lui et contre les deux médias qu’il dirige, visiblement pris pour cibles en même temps que lui à en juger par cette mise sous scellés effectuée de manière pour le moins spectaculaire.
Lundi 26 décembre, les avocats d’Ihsane El Kadi lui ont rendu visite au lieu de sa garde à vue, à la caserne Antar, siège de la DGSI, à Ben Aknoun, sur les hauteurs d’Alger. « On l’a trouvé déterminé, mais inquiet pour la mise sous scellés des locaux de Radio M et Maghreb émergent en privant trente familles de revenu », a simplement posté sur son compte Facebook Zoubida Assoul, membre du collectif de défense. Des déclarations similaires, reprises par Maghreb émergent, ont été rapportées par sa fille Tin Hinan qui lui avait rendu visite dimanche en compagnie de sa mère à la caserne où il est détenu. Selon Tin Hinan El Kadi, il n’avait pas encore été auditionné dimanche et aucun procès-verbal n’avait encore été établi.
Interpellé par six agents en civil dans deux voitures banalisées, Ihsane El Kadi avait été conduit à la caserne Antar. Sa garde à vue a été prolongée de 48 heures après l’expiration des premières 48 heures. Selon sa fille, Ihsane El Kadi avait reçu un appel téléphonique à 22 heures de la part de la DGSI l’invitant à se rendre « immédiatement dans leurs locaux » et avait répondu qu’il ne pouvait pas le faire, car il se trouvait loin d’Alger. Peu après cet appel nocturne, il a été arrêté chez lui. Le lendemain, samedi, les agents de la DGSI ont débarqué au siège d’Interfaces médias, à Alger centre, accompagnés d’Ihsane El Kadi menotté, et ont invité les journalistes et employés à vider les lieux avant de procéder à une perquisition en saisissant tout le matériel informatique, ainsi que tous les documents et cachets de l’administration. Avant de partir, ils ont mis les locaux sous scellés, sous les yeux médusés du personnel d’Interface Médias.
UNE OBSTINATION AU DÉBAT CONTRADICTOIRE
L’arrestation d’Ihsane El Kadi serait-elle liée à la diffusion quelques jours plutôt de deux émissions et à la publication d’un article évoquant les enjeux d’un éventuel deuxième mandat du président algérien Abdelmadjid Tebboune et les rapports entre l’institution militaire et la présidence ? On ne peut le savoir en l’absence de déclaration publique de la DGSI et des autorités judiciaires. Cette arrestation n’en semble pas moins sanctionner l’obstination de Radio M et de Maghreb émergent à rester ouverts au débat contradictoire et à tous les courants politiques.
Le harcèlement que « subit depuis trois ans notre plate-forme médiatique n’a pas de fondement autre que celui d’empêcher l’exercice libre du métier d’informer pourtant garanti par toutes les Constitutions depuis février 1989 », alertait il y a un mois, dans un communiqué, le conseil d’administration d’Interface Médias.
L’arrestation d’Ihsane El Kadi n’est que le dernier épisode en date d’une campagne de harcèlement et d’intimidation le ciblant ainsi que Radio M et Maghreb émergent, ainsi que leurs journalistes. Convoqué à trois reprises par la gendarmerie nationale (octobre 2020, mars et mai 2021) avant d’être relâché sans poursuites, Ihsane El Kadi a été placé sous contrôle judiciaire en mai 2021, une décision assortie d’une interdiction de sortie du territoire national et du territoire de la wilaya d’Alger. Cela faisait suite à une plainte déposée contre lui par le ministère de la communication relative à un article d’opinion dans lequel il évoquait la place du mouvement islamiste dans les contestations du Hirak. À la veille des élections législatives de juin 2021, il a été convoqué au siège de la DGSI en compagnie du journaliste Khaled Derarni et du militant politique Karim Tabbou.
En juin 2021, il a été condamné par un tribunal d’Alger, sur plainte du ministère de la communication, à une peine de six mois de prison ferme, sans dépôt, assortie d’une amende de 50 000 dinars (342 euros), et ce, pour « diffusion de fausses informations », « perturbation des élections » et « réouverture du dossier de la tragédie nationale » — guerre civile des années 1990 dont une loi, adoptée en 2005, interdit la simple évocation. Ce verdict a été confirmé il y a quelques jours par la Cour d’appel d’Alger.
MISE AU PAS
Deux mois plutôt, en mars 2022, Ihsane El Kadi avait même été accusé d’appartenance à une organisation terroriste, sur la foi d’un SMS trouvé sur le smartphone d’un activiste arrêté à Larbaa Nait Irathen, en Kabylie. Cette même accusation a été retenue contre Ihsane El Kadi, avant d’être finalement abandonnée, dans une affaire qui a vu le lanceur d’alertes Zaki Hannache accusé de terrorisme pour avoir recensé sur sa page Facebook les détenus d’opinion.
En novembre 2022, Ihsane El Kadi a été convoqué de nouveau par la gendarmerie nationale qui l’a longuement interrogé sur les activités de l’entreprise Interface Médias. Quelques jours plus tard, il a été interpellé par des agents de la DGSI et interrogé sur le « contenu éditorial » de Radio M.
La mise sous scellés de Radio M et de Maghreb émergent intervient dans un contexte de mise au pas de la presse, de contrôle répressif des réseaux sociaux et de crise aiguë de beaucoup de journaux nés à partir de l’ouverture démocratique éphémère qui a suivi la révolte d’octobre 1988. Le quotidien Liberté a été fermé en avril 2022 par son propriétaire, le milliardaire Issad Rebrab, alors qu’un autre titre, El Watan, est empêtré dans une grave crise financière et semble s’éteindre en silence.
Emmanuel Macron avait promis d’organiser un hommage national à la célèbre avocate peu après son décès, en 2020. Mais le projet semble au point mort. En raison des dissensions entre ses trois fils ? L’Elysée craint-il de fâcher harkis ou pieds-noirs ? Ou est-ce la militante subversive de la légalisation de l’IVG qui dérange ?
Emmanuel Macron s’est pris d’affection pour le Panthéon, cette église devenue temple de la liturgie républicaine. Il aime y faire résonner ses discours au ton d’homélie. Ce 4 septembre 2020, le chef de l’Etat fête les 150 ans de la proclamation de la République. Il préside une cérémonie de naturalisation, l’occasion de louer quelques parcours républicains méritants de l’histoire récente.
« Comment ne pas évoquer Gisèle Halimi, disparue cet été, souffle le locataire de l’Elysée. De sa chère Tunisie à notre Assemblée nationale, des prétoires, des hémicycles, de plaidoyers en manifestes, celle qui était née Zeiza Taïeb plaida pour l’émancipation des peuples et fit faire des bonds de géant à la cause des femmes. Un hommage national lui sera prochainement rendu dans la cour des Invalides. »
Le président de la République avait prévu de l’organiser la veille, mais l’explosion dans le port de Beyrouth, début août 2020, l’a conduit à effectuer un déplacement au Liban, bouleversant son calendrier. L’ancienne avocate est morte le 28 juillet 2020, à 93 ans. Plus de deux ans après, l’hommage promis n’a toujours pas été rendu.
Un mystérieux mutisme
La perspective des 50 ans du procès de Bobigny, le 8 novembre 1972, aurait pu réveiller l’Elysée. Certains intimes du chef de l’Etat lui ont même sonné les cloches. Pourquoi ne pas saisir l’occasion de célébrer le combat mené par Gisèle Halimi en défense de Marie-Claire Chevalier et de sa mère, poursuivies pour l’avortement illégal de la jeune femme, victime d’un viol à l’âge de 16 ans ?
Ce procès retentissant, qui s’était terminé par l’acquittement de l’adolescente (sa mère a été condamnée mais dispensée de peine), ouvrit la voie à l’autorisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), en 1974. Quelques années plus tard, l’avocate utilisa les prétoires pour inviter, cette fois, le législateur à faire du viol un crime.
Mais les suppliques de ses proches n’y font rien : Emmanuel Macron est enfermé dans un mutisme qui confine au mystère. Craint-il de déplaire aux descendants de harkis et de pieds-noirs, dont certains se montrent, aujourd’hui encore, effarouchés par le souvenir d’une femme qui défendit les militants de l’indépendance algérienne ? Fuit-il un dossier piégé par les divisions familiales du clan Halimi ? Les associations féministes, elles, ne décolèrent pas. Elles accusent le président de la République de volontairement oublier cette figure de proue du féminisme français du XXe siècle.
Lundi 4 avril, 20 heures. La foule se presse sur les gradins rouge, orange et jaune du studio 104 de la Maison de la radio. Des jeunes femmes, en particulier, qui viennent assister à l’émission spéciale consacrée par France Inter à une « visionnaire ». « Entre ici, Gisèle Halimi ! », clame la journaliste Sonia Devillers. L’ancienne militante du Front de libération nationale (FLN) algérien Djamila Boupacha, icône de la guerre d’indépendance – elle a été torturée et violée par des militaires français –, a obtenu un visa pour venir parler de sa sœur de lutte, qui l’a défendue devant la justice.
Au procès de Bobigny, le 21 novembre 1972, Gisèle Halimi obtient l’acquittement de Marie-Claire Chevalier (ici à droite de l’avocate), 16 ans, accusée d’avoir avorté après avoir été violée. VILLEDIEU / SIPA
Violaine Lucas, présidente de l’association Choisir la cause des femmes, fondée par Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir en 1971, prend sa suite. « Gisèle Halimi n’a pas eu son hommage national, elle n’est pas entrée au Panthéon ; ça pose problème, déplore la militante. Peut-être que son discours tellement subversif, sa triple conscience, de classe, de genre, de race, ne sont pas dignes, encore, d’entrer au Panthéon. Nous pensons le contraire. Ce soir, vous nous permettez de rendre cet hommage national. »
Les micros s’éteignent. Jean-Yves et Serge Halimi, les deux premiers fils de la défunte, se sont glissés dans la salle, chacun de son côté, sans s’annoncer. « Manu a bien fait les choses », félicite le premier, en avocat habitué des mondanités. « Manu », c’est Emmanuel Faux, son petit frère, né du troisième mariage de leur mère avec Claude Faux, ancien secrétaire de Jean-Paul Sartre. Un enfant de l’amour, rond, gentil, dont l’érudition et la voix douce firent des merveilles pendant trente ans à Europe 1, où il officia comme correspondant à Moscou et à Jérusalem avant de présenter, jusqu’à son départ, en 2017, les journaux sur la plupart des tranches d’information.
Une mère ambitieuse
Emmanuel Faux a conçu cette soirée d’hommage comme un palliatif aux absences d’Emmanuel Macron. Il l’a préparée pendant des mois avec les responsables de France Inter. Seul, sans ses frères. Emmanuel est en froid avec Jean-Yves depuis les obsèques de leur mère. Ils s’écharpent sur la succession. Une triste histoire immobilière.
Contrairement à son aîné, le benjamin ne souhaitait pas, par ailleurs, que le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, assiste aux funérailles, par refus de se plier à un défilé de politiques. Serge Halimi, lui, se tient éloigné de ces débats. Ce militant de gauche, réputé intransigeant, directeur du Monde diplomatique depuis 2008, goûte peu aux compromis.
Chez Jean-Yves Halimi, à Paris, une photographie de lui enfant, avec ses frères et leur mère. Ici, le 25 octobre 2022. LOUISA BEN POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE
Rien n’est simple dans la famille Halimi. A commencer par le fait d’être un garçon. Combien de fois les trois frères ont-ils entendu Gisèle se lamenter de ne pas avoir eu de fille, pour l’éduquer en féministe ? Pour rattraper, aussi, le rejet dont sa propre mère l’avait accablée. Elle l’aurait appelé Marie, dans un pied de nez à ses origines juives et tunisiennes. « Je n’aurais alors pas désiré d’autre enfant », a écrit un jour l’ancienne avocate. « A la longue, ça peut blesser un peu… », soupire Jean-Yves Halimi, attablé dans un restaurant du quartier de la Bastille, à Paris.
L’aîné de la fratrie voit le jour en 1952. Son cadet, Serge, arrive trois ans plus tard. Les deux frères, nés du mariage de leur mère avec un haut fonctionnaire, Paul Halimi, vivent une enfance ballottée au rythme de la guerre d’Algérie. L’avocate, qui défend des militants FLN, multiplie les allers-retours des deux côtés de la Méditerranée. Elle est menacée par les partisans de l’Algérie française, harcelée par les militaires. Pour sa sécurité, la famille change régulièrement d’appartement. Des étudiants de l’UNEF, le syndicat étudiant, montent la garde devant l’immeuble et escortent les enfants à l’école.
Gisèle Halimi n’a « pas peur ». « Sauf une nuit, je l’avoue, au centre de torture du casino de la Corniche, à Alger, où des militaires m’avaient jetée dans une cellule et où j’ai attendu mon exécution en pensant avec culpabilité à mes petits garçons de 3 et 6 ans », racontera-t-elle dans le livre Une farouche liberté (Grasset, 2020), écrit avec la journaliste du Monde Annick Cojean
Les frères vivent en pension. Ils s’habituent, parfois avec amertume, aux absences de cette mère ambitieuse, qui veut « tout », selon ses propres mots, « agissant comme un homme mais jugée comme une femme ». Le petit dernier, Emmanuel, naît en 1964. La guerre est terminée. Une vie de famille plus classique s’installe à Paris. Si tant est qu’il soit classique de voir François Mitterrand danser à la maison pour une boum.
Une politique mémorielle sensible
Les parrains d’Emmanuel Faux se nomment Louis Aragon et Jean Lurçat, artisan du renouveau de la tapisserie en France. Son père, Claude Faux, a mis sa carrière d’avocat entre parenthèses pour soutenir celle de sa femme. L’appartement du 102, rue Saint-Dominique, un triplex situé entre les Invalides et la tour Eiffel, est un lieu de vie, de travail et de mondanités. Les garçons grandissent au milieu de débats enfiévrés sur la liberté, le féminisme, l’ouverture au monde.
Le chanteur Julien Clerc et l’humoriste Guy Bedos sont des amis. Maxime Leforestier vient fredonner quelques airs pour l’anniversaire d’Emmanuel, féru de chanson française. Dans un reportage d’Antenne 2 consacré à sa mère, en 1979, on voit l’adolescent, avec son pull rouge et un col pelle à tarte, chanter un texte d’Henri Tachan raillant les « z’hommes » et « leur p’tit sceptre dans leur culotte » : « Et au nom de ce bout d’bidoche/qui leur pendouille sous la brioche/ils font des guerres, ils font des mioches/les z’hommes. »
Emmanuel Faux a partagé, au quotidien ou presque, la fin de vie de sa mère, au cours de soirées ciné et de confidences qui les ont rapprochés. Si bien que certains amis de la famille ont été surpris de voir son frère aîné, Jean-Yves, dont les relations avec Gisèle étaient tumultueuses, prendre en main l’organisation de l’hommage national à partir de l’été 2020.
L’avocat Jean-Yves Halimi, fils aîné de Gisèle Halimi, à Paris, le 25 octobre 2022. LOUISA BEN POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »
Des trois fils, Jean-Yves était certes le préféré, « dans le sens d’inoubliable », confessait-elle, car arrivé le premier. Mais les motifs de brouille ont été nombreux. S’il est le seul à avoir embrassé, comme elle, la carrière d’avocat – il est spécialisé en droit de la presse –, leur collaboration s’est mal terminée.
La naissance de sa fille – une fille, enfin ! – a aussi mis à mal l’équilibre familial. La grand-mère a voué à l’enfant une passion dévorante, dont son père tenta de l’extraire en l’empêchant de la voir pendant trois ans. Aujourd’hui, la jeune femme, devenue productrice audiovisuelle, parle de son aïeule avec une admiration distante. Elle n’a pas repris le flambeau du militantisme.
C’est pourtant vers Jean-Yves Halimi que l’Elysée se tourne après le décès de Gisèle. Le directeur du cabinet d’Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, l’appelle pour lui présenter les condoléances du président de la République. Le 28 août 2020, à 8 heures du matin, l’intéressé est reçu au palais par le haut fonctionnaire, flanqué, entre autres, de Bruno Roger-Petit, le conseiller mémoire.
Des idées sont évoquées : fonder un prix Gisèle Halimi, pourquoi pas inaugurer une statue, le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes… Le principe d’une cérémonie dans la cour des Invalides est acté. Comme pour Jean-Paul Belmondo, Jean d’Ormesson, Jean Daniel… Comme pour Simone Veil, surtout, se dit Jean-Yves Halimi, qui ne veut pas voir sa mère traitée avec moins d’égards que l’ancienne ministre de la santé, dont elle était proche.
Le fils s’amuse de l’ironie consistant à commémorer dans l’enceinte militaire celle qui dénonça les exactions de l’armée française. Il rejette la proposition d’un hommage à la Sorbonne. Selon l’Elysée, l’aîné se présente alors comme le porte-voix de la famille. Ce qu’il réfute.
Une proposition de Benjamin Stora
Après le raté du 3 septembre 2020, une date est envisagée pour le printemps 2021. Elle est une nouvelle fois repoussée, cette fois en raison de l’épidémie de Covid-19. Entre-temps, l’historien Benjamin Stora a remis un rapport à Emmanuel Macron, à sa demande, afin de sortir des tourments de l’histoire franco-algérienne. « L’entrée au Panthéon de Gisèle Halimi, grande figure féminine d’opposition à la guerre d’Algérie », figure dans la liste des recommandations adressées au président de la République.
Gisèle Halimi a défendu la jeune militante algérienne torturée Djamila Boupacha – ici, à Rennes, lors de sa sortie de prison, le 21 avril 1962. AFP
« J’étais persuadé que c’était consensuel, comme Simone Veil », rembobine après coup Benjamin Stora. Mais la pétition en faveur du projet stagne à 35 000 signatures. Les voix de gauche et à l’intérieur du gouvernement – à l’exception de la ministre de l’égalité entre les femmes et les hommes, Elisabeth Moreno – sont rares ou peu audibles.
Une semaine après la remise du rapport, quarante-neuf « filles et femmes de harkis », ces supplétifs de l’armée française abandonnés à leur sort à la fin de la guerre, publient une tribune dans Le Figaro. Elles reprochent le dédain exprimé par Gisèle Halimi à l’endroit des « femmes harkis ». « Est-ce ainsi que Benjamin Stora veut favoriser la réconciliation ? Gisèle Halimi, qui a affiché en plusieurs autres occasions son mépris pour les harkis, n’est pas une femme de réconciliation », tranchent-elles.
La polémique tombe mal. Emmanuel Macron, après avoir reconnu au nom de l’Etat français plusieurs exactions commises pendant la guerre, veut rééquilibrer sa politique mémorielle en concédant, aussi, un geste en direction des harkis et des pieds-noirs. Des actes « contradictoires », conviennent les trois frères. Dans ce contexte, comment célébrer Gisèle Halimi, accusée en son temps par certains partisans de l’Algérie française d’avoir été une porteuse de valises du FLN ?
Gisèle Halimi, dans les tribunes de l’Assemblée nationale, lors du débat du projet de loi Veil dépénalisant l’avortement, le 26 novembre 1974. GILBERT UZAN / GAMMA-RAPHO
« Pour certains harkis, Gisèle Halimi, c’est une sorcière ! Emmanuel Macron ne veut pas fâcher un électorat marqué par l’Algérie », croit savoir l’ancienne ministre de la culture Roselyne Bachelot, qui a combattu auprès de la militante en faveur de la parité en politique.
Dans le magazine Elle, en juillet 2021, Emmanuel Macron semble évacuer l’hypothèse du Panthéon. « Je n’ai aucun tabou pour faire entrer des femmes au Panthéon, je l’ai d’ailleurs fait à parité, avec Maurice Genevoix et Simone Veil. Mais je ne le ferai jamais sous la pression. Je rendrai un hommage à Gisèle Halimi, mais on ne doit pas considérer que la panthéonisation est la seule manière », élude-t-il.
En réalité, le chef de l’Etat a en tête une figure plus consensuelle : Joséphine Baker (qui entrera au Panthéon le 30 novembre 2021). La relative faiblesse des soutiens en faveur de Gisèle Halimi a convaincu l’Elysée de temporiser. « En accord avec sa famille, la nation lui rendra hommage début 2022 aux Invalides », réitère néanmoins Emmanuel Macron. Une promesse sans lendemain, une fois de plus.
Des dissensions familiales
Fin 2021, Emmanuel Faux, le benjamin de la fratrie, entre en contact avec l’Elysée pour faire état de ses divergences avec son frère Jean-Yves : il ne souhaite pas que la cérémonie soit organisée aux Invalides. Le froid bâtiment militaire ne résonne pas, à ses yeux, avec la vie de sa mère.
Une opinion partagée par Serge Halimi, mais ce dernier se garde d’intervenir dans le débat. Emmanuel Faux plaide alors en faveur du palais de justice de Paris, plus approprié, selon lui, aux combats menés par sa mère en tant qu’avocate. Ce dont le conseiller mémoire, Bruno Roger-Petit, convient.
« Toutes sortes de lieux ont déjà honoré ma mère. Sa mémoire et sa place dans l’histoire peuvent donc parfaitement se dispenser d’un discours d’hommage d’Emmanuel Macron. » Serge Halimi
Le 31 janvier, Patrick Strzoda prend la plume pour signifier à Jean-Yves Halimi que, en raison des « graves dissensions » entre les trois frères, aucune cérémonie ne peut être organisée. « Je ne peux que vous suggérer de vous mettre d’accord avec vos frères pour identifier un lieu qui permettra au chef de l’Etat de rendre à votre mère l’hommage que méritent ses engagements et de me faire connaître votre choix », griffe, dans un courrier au ton sec, le directeur du cabinet d’Emmanuel Macron.
Le hic, c’est qu’Emmanuel Faux et Jean-Yves Halimi ne se parlent plus. L’aîné trouve la proposition de son cadet « paresseuse ». « Aucun des procès célèbres » que leur mère a plaidé n’a eu lieu sur l’île de la Cité, défend-il. L’avocat charge le député macroniste de Paris Gilles Le Gendre de jouer les intermédiaires avec l’Elysée. En vain. « La décision d’un hommage, quels qu’en soient la forme, le moment et le lieu, appartient au seul représentant de la nation qu’est le président de la République et il ne saurait y avoir de “captation d’héritage” par la famille, dans laquelle naturellement je m’inclus », répond Jean-Yves Halimi à Patrick Strzoda, le 2 mars. Depuis, le canal est rompu.
Emmanuel Faux meurt d’un arrêt cardiaque, le 6 août, à 58 ans. Ses amis, journalistes ou pas, d’Europe 1 et d’ailleurs, lui rendent hommage, trois semaines plus tard, dans une cérémonie où son frère, Serge, prend la parole. Jean-Yves, lui, reste assis au dernier rang, muet. La situation est bloquée.
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L’Elysée assure que, en l’absence de la « preuve irréfutable » qu’Emmanuel Faux se serait finalement rangé au choix des Invalides, rendre hommage à Gisèle Halimi paraît improbable. Plusieurs sources proches du dossier accusent Bruno Roger-Petit, proche de l’hebdomadaire réactionnaire Valeurs actuelles et partisan d’un rapprochement avec la droite culturelle, de freiner l’organisation de l’événement. Ce dont l’intéressé se défend, arguant que le différend familial empêche toute initiative.
Aucune perspective d’hommage officiel
« Il y a une sorte de cynisme de la part d’Emmanuel Macron et de l’Elysée à instrumentaliser les nuances pouvant exister entre les frères pour ne pas prendre leurs responsabilités à l’égard de la mémoire de Gisèle Halimi », estime pour sa part l’avocat William Bourdon, chargé par Jean-Yves Halimi, avec son confrère Jean-Pierre Mignard, de construire un dossier en faveur de la panthéonisation de la féministe.
« La façon dont le président de la République a justifié l’entrée de Joséphine Baker au Panthéon pour en écarter plus facilement ma mère, moins consensuelle, m’a paru relever du calcul politicien d’un candidat se souciant surtout de sa réélection », nous assure de son côté Serge Halimi dans un e-mail.
« Je ne vois pas pourquoi, à un moment où les Iraniennes et les Afghanes se battent, Gisème Halimi ne serait pas reconnue par la nation pour ce qu’elle a fait pour notre pays. » Elisabeth Moreno, ex-ministre
Le directeur du Monde diplomatique laisse toute latitude à l’Elysée pour prendre une décision. « L’entrée au Panthéon ne relève pas de moi, ne réclame pas mon accord et, à vrai dire, n’a pas une si grande importance, estime-t-il. Toutes sortes de lieux ont déjà honoré ma mère et le feront à l’avenir. Sa mémoire et sa place dans l’histoire peuvent donc parfaitement se dispenser d’un discours d’hommage d’Emmanuel Macron. »
Comme l’indique Philippe Bélaval, président des Monuments nationaux, le choix de panthéoniser une personnalité appartient « au secret de l’entourage du président de la République et de son cœur, c’est sa prérogative ». Le 18 octobre, Emmanuel Macron a reçu, le temps d’un déjeuner, des proches de l’ancien président du Conseil Pierre Mendès-France. Un rendez-vous lors duquel a été évoquée la perspective de faire entrer dans le monument de la montagne Sainte-Geneviève l’ancien héraut de la gauche modérée. Comme si Gisèle Halimi était déjà oubliée.
Le 2 novembre, le peintre Pierre Soulages, lui, a eu droit à un hommage national au Louvre. Tout juste une semaine après sa mort. « Je ne vois pas pourquoi, à un moment où les femmes iraniennes ou afghanes se battent, où les Etats-Unis reculent sur le droit à l’avortement, cette femme ne serait pas reconnue par la nation pour ce qu’elle a fait pour notre pays », s’émeut l’ancienne ministre Elisabeth Moreno. Aucune perspective d’hommage n’a été dessinée dans le communiqué publié par l’Elysée, le 8 novembre, pour les 50 ans du procès de Bobigny.
« Je suis frappée de voir qu’on refuse Gisèle Halimi, après que François Hollande en a fait de même avec Olympe de Gouges, s’indigne la philosophe Geneviève Fraisse, spécialiste de la pensée féministe. Qu’ont-elles en commun ? D’être “impures”, d’avoir fauté, l’une sur la guerre d’Algérie, l’autre car elle ne souhaitait pas que Marie-Antoinette soit guillotinée. A la place, on va chercher des femmes qui cochent les bonnes cases, des résistantes, comme Joséphine Baker. Les hommes ont droit à la faute, pas les femmes. » « Aux grands hommes la patrie reconnaissante », proclame le Panthéon sur son fronton. Comme un rappel involontaire que les femmes figurent souvent parmi les oubliées de l’histoire.
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Publié le 16 novembre 2022 à 06h00, mis à jour le 18 novembre 2022 à 18h28https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/11/16/a-gisele-halimi-la-patrie-peu-reconnaissante_6150054_4500055.html.
A partir de janvier 2023, les affaires de viol ne seront plus jugées par une cour d’assises, mais par les cours criminelles. Ce dont s’insurge, dans une tribune au « Monde », Laure Heinich, pour qui les parlementaires réclamant sa panthéonisation détruisent dans le même temps son combat.
Soixante-seize parlementaires interpellent Emmanuel Macron pour faire entrer Gisèle Halimi au Panthéon. De qui se moquent-ils ? L’avocate est la figure de trois luttes principales : la défense des militants du FLN pendant la guerre d’Algérie, le droit à l’avortement et, enfin, le fait que le viol soit jugé comme un crime.
Il est aujourd’hui question de constitutionnaliser le droit à l’avortement, mais que faisons-nous du viol ? S’il a toujours été considéré comme un crime au sens de la loi, l’institution judiciaire le disqualifiait en délit, celui de « violences » dans les années 1970 puis d’« agressions sexuelles » dans la période plus récente.
Pourquoi ? Parce que les cours d’assises compétentes pour juger les crimes, composées de juges professionnels et de jurés-citoyens, coûtent trop cher et que les viols y sont trop nombreux, ils encombrent la société autant que la justice. Par manque de moyens – ce qui n’est rien d’autre qu’un choix politique –, les délais d’attente pour un procès aux assises sont devenus déraisonnables et les juges proposent aux femmes la « correctionnalisation » de leur « affaire », ils gomment la pénétration, et le crime se transforme en simple agression.
Le viol ne sera plus jugé par une cour d’assises
Les femmes acceptent souvent, le consentement contraint par la volonté que le procès se tienne dans un délai qui ait encore du sens. Je me souviens du regard de Gisèle Halimi sur moi, stupéfaite et qui m’interpellait lorsque je lui disais que celle que nous défendions acceptait : « Mais Laure, qu’est-ce que vous faites ? Je me suis battue toute ma vie pour que le viol soit jugé comme un crime. »
A partir de janvier 2023, sous le regard bienveillant des parlementaires qui prétendent panthéoniser l’avocate, plus aucun viol ne sera jugé par une cour d’assises, trop chère pour ce crime dans lequel on investit finalement peu malgré le bruit dont on l’entoure. Et la question de l’avocate au Panthéon n’est rien d’autre que du bruit pour cacher la forêt.
Pour faire taire tout le monde, et d’abord les femmes, le législateur a décidé de se dispenser des jurés, qui siègent pourtant depuis la Révolution française, et de créer, pour les crimes punis de moins de vingt ans d’emprisonnement – ce sont à 90 % des viols –, une juridiction spéciale : la cour criminelle, composée de cinq juges professionnels uniquement.
Cette loi fait violence aux femmes
Exit les jurés. Exit le regard public, l’œil extérieur, les témoins. Exit l’oralité des débats et la pédagogie citoyenne. Trop cher pour le viol. Les crimes « les plus graves », selon l’expression de l’ancienne garde des sceaux, punis de plus de vingt ans d’emprisonnement, demeureront jugés par une cour d’assises et sa démocratie directe, tandis que les viols seront, eux, disqualifiés d’office. Au moins, on ne demandera plus aux femmes leur consentement.
Une réforme annoncée prétendument « pour leur bien » puisque les délais devraient se trouver raccourcis, que les femmes se rassurent donc, on jugera « vite fait ». Il ne s’agit pas que des femmes, bien sûr, des enfants et des hommes sont victimes aussi, mais puisqu’on parle d’honorer une féministe, on me pardonnera de parler des femmes pour ce crime dont j’ignore s’il est « moins grave », mais dont je comprends qu’il « ne vaut pas ».
C’est donc au moment précis où ils détruisent et déshonorent le combat de Gisèle Halimi que les parlementaires réclament sa panthéonisation. Il faut reconnaître que construire des mythes, y compris au mépris des causes, ne coûte pas bien cher. Plutôt que de s’arroger leur symbole, on attend surtout des politiques qu’ils reconsidèrent cette loi qui fait violence aux femmes. Chacun sait que l’avocate se retournerait dans sa tombe à l’évocation de ces cours criminelles. Elle n’aurait pas moins mal dans son Panthéon.
Le développement des évènements semble donner raison à ces érudits qui, dans leurs prêches sur les chaînes TV notamment, ne cessent de provoquer le doute et la polémique en dénonçant l'origine non halal' de certains produits alimentaires importés de l'étranger et qu'on retrouve dans les rayons des centres commerciaux et dans nos assiettes. Le ministère du Commerce vient, dans ce sens, de donner mandat à l'Institut islamique de la Grande Mosquée de Paris, en matière de certification «Halal», l'habilitant à apposer ce label de manière exclusive sur tous les produits de consommation exportés par la France vers l'Algérie. Avant d'élargir cette mesure aux produits provenant de tout le continent européen, puis du reste des pays de par le monde. Plus aucun doute à formuler quant à la conformité à la Chariâ islamique des produits importés de l'étranger ? Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems Eddine Hafiz, qui a reçu la décision d'habilitation de la part du ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Kamel Rezig, en marge de la Foire de la production nationale au Palais des Expositions au Pins maritimes (Alger), a affirmé que «la Mosquée de Paris sera digne de la confiance que l'Etat algérien a placée en elle». En d'autres termes, les Algériens peuvent, désormais, avoir la conscience tranquille quand ils consommeront des produits alimentaires provenant de France, et qui porteront le label «halal» apposé par l'Institut islamique de la Grande mosquée de Paris. En France, le marché «halal», qui recouvre tous les aliments autorisés aux musulmans, essentiellement d'origine animale, dont la viande, est sous le contrôle des organismes de certification «halal» habilités par la Grande Mosquée de Paris, la Mosquée d'Évry et la Grande Mosquée de Lyon. Pour dire que la Grande Mosquée de Paris est déjà bien installée dans ce circuit, qu'elle va seulement élargir au marché algérien.
Au cours des tout prochains jours, l'opération d'importation concernant les denrées alimentaires certifiées «Halal», sera réglementée, le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, qui a signé, lundi dernier, le cahier des charges relatif au label «Halal» pour certifier les différents produits de consommation exportés par la France vers l'Algérie, confirme bien que le marché algérien n'était pas assez prémuni contre les produits illicites, ou les interdits coraniques concernant l'alimentation, comme la viande de porc ou la viande d'un animal qui n'a pas subi le rituel d'abattage islamique, des boissons alcoolisées ajoutées dans la composition de certains produits (chocolat) et autres ingrédients ou des additifs dans des produits transformés. Tant il est vrai que le marché «halal», qui pèse des milliards d'euros, affûte les rapacités.
Lorsqu'on fait un tour dans les rues de nos villes, l'une des premières choses que l'on remarque est la prolifération des lieux où on mange (restaurants, gargotes, rôtisseries, pâtisseries) et la rareté des espaces où on se cultive (librairies, cinémas, théâtres, musées). Autant les premiers endroits ne désemplissent pas, sont très fréquentés, drainent beaucoup de monde, autant les seconds sont presque vides, paraissent abandonnés, meurent à petit feu. Faut-il alors en conclure, par une extrapolation rapide, que l'Algérie (comme nombre de contrées du tiers-monde) est, aujourd'hui, plus un pays qui mange et se nourrit d'aspirations prosaïques et terre-à-terre qu'une nation qui lit, apprend et veut devenir meilleure, une nation qui a une vision, des ambitions et se projette dans le futur ? Sur ce sujet précis, les Algériens se divisent en deux camps diamétralement opposés : les plus désabusés ou les plus pessimistes ne mâchent pas leurs mots et proclament qu'en Algérie, les carottes sont cuites, que nous sommes devenus l'équivalent d'un tube digestif, que la passion et le rêve ont déserté nos rangs, que nous passons notre temps à flemmarder, à tricher, à décrier, puis, comble de l'ironie, à nous lamenter sur notre sort. Les autres, plus sages ou plus tenaces, ne veulent surtout pas baisser les bras et appellent à un sursaut et à reprendre notre destin en main, plaident pour qu'on se serre les coudes et qu'on se rassemble autour d'un grand dessein national, insistent sur le fait qu'il faut miser sur le travail, le sérieux, le talent, et sur notre belle jeunesse instruite afin de bâtir une Algérie prospère où il fait bon vivre.
Nous laisserons, pour notre part, chaque lecteur choisir laquelle de ces deux convictions lui semble la plus plausible. Mais juste une dernière remarque avant de conclure ce modeste billet : que chacun de nous se demande honnêtement s'il pense avoir fait son devoir vis-à-vis de sa patrie, s'il en a pris soin correctement, ou s'il s'est contenté de téter son sein sans contrepartie ? Il est peut-être bon alors de rappeler ici cette célèbre phrase du président américain John Fitzgerald Kennedy prononcée durant son discours d'investiture, le 20 janvier 1961 : «Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays».
Dès l’aube, Korichi se dirige vers l’usine d’Haumont avec des centaines d’ouvriers. La douleur de l’exil ne se dissipe pas depuis qu’il a quitté l’Algérie en 1948, mais il doit continuer, accumuler les jours de travail pour couvrir les dettes d’une famille de dix enfants, et espérer donner à ces derniers la chance d’une autre vie.
Après l’usine, il trouve du réconfort au café, où les communautés de travailleurs immigrés commentent l’actualité et organisent la solidarité. Rayonnante même dans le dénuement et l’adversité, Yamina élève leurs enfants dans un entre-deux complexe : son rêve d’un retour au pays natal se mêle à la détermination de les voir s’intégrer et réussir, et peut-être embrasser l’idéal républicain.
À travers une déambulation dans l’histoire française, de la guerre d’Algérie aux soubresauts du xxe siècle, Si j’avais un franc appelle à réfléchir aux questions d’identité et d’intégration. Mêlant intime et politique, cette autofiction familiale lumineuse donne voix à ces femmes et ces hommes de l’immigration algérienne qui ont subi l’exploitation et le mépris, et rend hommage à un père et une mère condamnés malgré eux à l’héroïsme.
Les éditions Anne Carrière proposent d'en découvrir les premières pages :
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