Les Algériens la surnomment « l’Autoghoute Est-Ouest », en référence à Amar Ghoul, l’ancien ministre des Travaux publics, qui en a supervisé la réalisation, avant de finir en prison. Le dernier tronçon du « projet du siècle » vient seulement d’être livré, alors qu’il devait l’être en 2009. Récit d’un scandale d’État.
Les anciens présidents Chadli Bendjedid et Liamine Zeroual en ont rêvé, Bouteflika l’a fait. Le projet de doter l’Algérie d’une autoroute qui relierait la frontière marocaine à la frontière tunisienne remonte à 1983. Mais la crise économique qui a frappé le pays au milieu des années 1980 en avait décidé autrement. Il sera relancé dans les années 1990 avec la réalisation de plusieurs tronçons grâce à des financements européens, arabes et africains, à hauteur d’environ 470 millions de dollars. Mais là encore, la guerre civile dans laquelle l’Algérie est plongée durant cette « décennie noire » retardera ou bloquera aussi bien les travaux que les financements.
À partir de 2004, toutefois, la manne pétrolière qui commence à se déverser sur l’Algérie après le premier mandat de Bouteflika ouvre la voie aux grands projets structurants (routes, barrages, logements, chemins de fer…). C’est ainsi que le projet de construction de cette autoroute refait surface. Plutôt que de recourir à des financements étrangers, en sollicitant notamment la Banque mondiale, comme ce fut le cas précédemment, l’ancien chef de l’État opte alors pour un financement à 100 % algérien.
Pourquoi avoir choisi cette option ? Les organismes financiers internationaux étant très stricts en matière de transparence, d’éthique et de règles anti-corruption, la possibilité pour les responsables et les intermédiaires algériens et étrangers de détourner des fonds, de percevoir des commissions et des rétrocommissions serait ainsi devenue quasi-nulle. Or la tentation d’enrichissement illicite sera d’autant plus grande que les verrous et les digues anti-corruption ont précisément commencé à sauter à partir du début du deuxième mandat de Bouteflika, avec l’explosion des investissements publics et les factures des importations.
C’est ainsi qu’entre 2005 et 2009, les autorités algériennes alloueront une enveloppe globale de 140 milliards de dollars pour financer ces grands projets. Ces commandes publiques aiguisent l’appétit des hommes d’affaires – qu’on qualifiera plus tard d’oligarques –, des partenaires étrangers et d’une faune de responsables rôdant dans les ministères, les grandes administrations publiques, ainsi que dans l’establishment sécuritaire et militaire.
Prévarication et détournements
Ce sera alors le début d’un gigantesque processus de dilapidation, de prévarication et de détournements qui nourrira, à partir de 2019, les grands procès pour corruption impliquant oligarques, Premiers ministres, ministres et hauts gradés de l’armée. C’est ainsi que l’affaire de l’autoroute Est-Ouest deviendra l’un des scandales les plus retentissants de l’ère Bouteflika.
Le 12 août 2023, le dernier tronçon – 80 km reliant la ville d’Annaba à la frontière tunisienne – a été livré et inauguré par le Premier ministre, Aymen Benabderrahmane. Selon le calendrier initial, il devait être achevé en… 2009. Entre-temps, l’autoroute est devenue, pour beaucoup d’Algériens, l’« Autoghoute Est-Ouest », en référence à Amar Ghoul, l’ancien ministre des Travaux publics, qui en a supervisé la réalisation, avant de finir derrière les barreaux, où il purge depuis 2019 une peine de cinq ans de prison pour abus de fonction et corruption. Et le « projet du siècle » – surnommé ainsi en raison de la longueur record, 1 216 km, de l’autoroute – s’est transformé en scandale d’État, représentant un gouffre financier de plus de 17 milliards
Deux juges d’instruction estiment qu’il existe suffisamment de charges contre l’ancien patron des services du renseignement intérieur sous la présidence Sarkozy. Il lui est notamment reproché d’avoir utilisé les moyens de l’État au profit d’intérêts privés, comme ceux de la multinationale LVMH.
LeLe 28 juin 2021, avant de quitter le cabinet d’instruction où il a été interrogé pendant dix heures par les juges Aude Buresi et Virginie Tilmont, l’ancien homme fort des services secrets intérieurs français, Bernard Squarcini, esquisse un regret, presque un remords : « J’ai pu apparaître désinvolte, mais j’ai exercé ce métier pendant 35 ans. Je vis dans le renseignement depuis toute cette période et dans une espèce de routine. On m’appelle souvent, je dis que je suis informé, même si je ne le suis pas. Il y a des fois où on en rajoute un peu. En tout cas, si j’ai pu enfreindre certains textes, je n’y ai pas vu l’infraction mais une certaine continuité avec mes activités au service de la République. »
Deux ans plus tard, les deux mêmes juges ont finalement décidé, ce 1er septembre, de renvoyer l’ex-maître-espion de Nicolas Sarkozy devant le tribunal correctionnel afin d’y être jugé – à une date encore inconnue – pour onze délits différents, selon des informations de Mediapart, confirmant celles de l’AFP.
L’affaire, tentaculaire, porte sur la manière dont Bernard Squarcini a, quand il était en fonctions entre 2007 et 2012, utilisé les moyens des services secrets qu’il dirigeait au profit du milliardaire Bernard Arnault ou fait espionner illégalement l’un de ses propres agents ; puis, à partir de 2012, une fois reconverti dans le privé, la manière dont il a continué d’utiliser ses réseaux au sein de l’État, essentiellement au bénéfice de la multinationale LVMH, jusqu’à faire surveiller le futur député François Ruffin (La France insoumise), la bête noire de Bernard Arnault.
Au terme de leurs investigations, les juges estiment avoir réuni suffisamment de charges à l’encontre de l’ex-chef de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, aujourd’hui DGSI) : « atteinte au secret des correspondances », « abus de confiance », « faux en écriture publique », « complicité de violation du secret profession » et « recel », « compromission du secret défense », « recel de collecte frauduleuse de données personnelles », « trafic d’influence passif », « détournement de fonds publics », « complicité de l’exercice illégal de la profession d’agent de recherches privées ».
« Cette décision est malheureusement sans surprise, mais surtout sans considération aucune des nombreux moyens soulevés et des plus élémentaires explications données par M. Squarcini durant ces douze années d'instruction », a réagi auprès de Mediapart Mes Marie-Alix Canu-Bernard et Patrick Maisonneuve, les avocats de celui qui fut surnommé « Le Squale » du temps de sa splendeur. Bernard Squarcini, qui est présumé innocent, a par ailleurs profité d’un non-lieu concernant cinq autres délits pour lesquels il avait été mis en examen.
À ses côtés, dix autres personnes sont renvoyées devant le tribunal correctionnel, selon l’ordonnance de 237 pages signée par les juges. Un drôle d’aréopage, où l’on retrouve des anciens policiers, un préfet, un ancien agent des Renseignements généraux et deux autres de la DCRI, un ex-magistrat ou des barbouzes privées.
« Il s’agit d’un dossier emblématique de la privatisation des renseignements, notamment par celui qui devait être garant du respect de la mission de service public dont il était chargé », commentent les avocats Mes William Bourdon et Vincent Brengarth, qui défendent l’une des parties civiles dans le dossier. Il s’agit en l’occurrence d’un ancien agent de la DCRI, Frank A., par lequel toute l’affaire Squarcini a débuté judiciairement.
Au service secret de Bernard Arnault
Franck A. avait en effet été mobilisé avec d’autres collègues de la DCRI fin 2008 pour une étrange mission, à Paris et à Aix-en-Provence : identifier un homme qui tentait de faire chanter, sur fond de questions purement privées, le milliardaire Bernard Arnault, patron de LVMH, leader mondial du luxe. C’est Bernard Squarcini, alors chef de la DCRI, qui a demandé cette mission après un simple coup de fil du numéro 2 de LVMH de l’époque, Pierre Godé (aujourd’hui décédé). Problème : l’opération n’a rien à voir avec la préservation de la sécurité nationale ou la défense du patrimoine économique – deux prérogatives de la DCRI –, selon l’enquête.
Les services secrets seront pourtant bien mobilisés en dehors de tout cadre judiciaire et administratif afin d’identifier (avec succès) le maître chanteur, d’où l’incrimination de « détournement de fonds publics » aujourd’hui reprochée au Squale.opération n’a étrangement laissé aucune trace écrite. Pas de comptes-rendus ou de rapports, ni même de remboursements de notes de frais… Devant les juges, Bernard Squarcini a expliqué que cela s’expliquait par l’« extrême confidentialité » qui avait été réclamée par l’état-major de LVMH sur le dossier. Un peu comme si le patron de la DCRI était devenu une sorte de détective privé doté des moyens de l’État mis à la disposition d’un milliardaire.
L’enquête judiciaire a depuis permis d’établir que l’agent de la DCRI, qui s’était plaint en interne de la mission au profit de LVMH, avait été placé sur écoute dans la foulée de ses récriminations, entre le 19 décembre 2008 et le 23 février 2009. « Une simple concomitance » de dates, selon Bernard Squarcini. Ce dernier avait justifié cette surveillance par la supposée trop grande proximité de l’agent en question avec des puissances étrangères, Israël et l’Algérie.
Des motifs de placement sur écoute désormais jugés par l’enquête judiciaire comme totalement fallacieux, les « doutes » de compromission de l’agent avec l’étranger ayant été « entièrement écartés », selon l’enquête.
Squarcini façon Trump
Des perquisitions menées en 2016 au domicile et dans les bureaux privés de Bernard Sqsuarcini ont par ailleurs permis de découvrir que l’ancien maître espion avait, façon Donald Trump aux États-Unis, conservé pas moins de 393 documents classifiés « confidentiel défense » ou « secret défense » qu’il a pris avec lui en quittant son bureau de directeur des services secrets intérieurs, en 2012.
Ces documents, qui émanent de plusieurs administrations (ministères de l’intérieur, de la défense, de l’économie, mais aussi de l’Élysée et de Matignon), ont été retrouvés dispersés dans une malle au domicile de Squarcini, dans un coffre de banque à son nom à la BNP ou dans ses bureaux de LVMH, qui l’a recruté après son départ de la DCRI.
De tels documents n’ont théoriquement rien à faire dans de tels endroits et leur potentielle révélation à des tiers non habilités au secret défense explique le délit présumé de « compromission du secret de la défense nationale » qui est aujourd’hui reproché à Bernard Squarcini.
Devant les juges Buresi et Tilmont, l’ancien maître espion de Sarkozy avait eu bien du mal à s’expliquer la raison de cette conservation de documents classifiés, d’autant que si certains concernaient la mouvance islamiste en France, d’autres avaient trait à des personnages au centre d’affaires financières et politiques explosives, comme Karachi ou Clearstream, les intermédiaires Ziad Takieddine et Alexandre Djouhri, l’informaticien et lanceur d’alerte de HSBC Hervé Falciani ou encore l’affairiste Thierry Gaubert…
Bernard Squarcini a assuré qu’après un départ précipité et brutal des services secrets à cause de l’alternance politique, il n’avait pas eu le temps de les remettre à qui de droit au sein de l’État, que pris par la suite par ses nouvelles missions dans le privé, il les avait oubliés, qu’en tout état de cause, il n’en avait fait aucun usage et que, de toutes les façons, il allait les détruire.
« J’ai repoussé à plus tard cet inventaire, je le regrette »,a-t-il toutefois convenu lors de son interrogatoire. « Ces documents étaient voués pour la plupart à être détruits et broyés », a-t-il ajouté à l’attention des juges, qui lui ont rétorqué que ce n’était pas à lui d’en décider.
Les magistrates formulent une autre hypothèse : l’ancien maître espion a conservé à dessein ces documents afin de les valoriser dans le cadre de ses nouvelles activités de renseignement privé pour le compte de grands groupes industriels, comme LVMH. « Pas du tout, c’était périmé », a répondu le Squale, qui, sur ce point, est contredit par le service juridique du ministère de la défense, lequel a au contraire estimé que ces documents « conservent à ce jour une réelle sensibilité qui interdirait leur déclassification ».
François Ruffin sous surveillance
Après l’alternance politique en 2012, Bernard Squarcini a trouvé refuge chez LVMH, une maison passée maîtresse dans le pantouflage d’anciens magistrats, policiers ou membres de cabinets ministériels.
Une reconversion très rentable pour le Squale : sur la période visée par l’enquête judiciaire (2013-2016), sa société de renseignement privée, baptisée Kyrnos (qui signifie « la Corse » en grec ancien), a perçu 2,2 millions d’euros de LVMH.
Selon l’enquête de la justice, il apparaît que Bernard Squarcini a surtout vendu à LVMH des facilités à débloquer des situations dans la sphère publique et à obtenir des informations de nature confidentielle.
Deux épisodes illustrent particulièrement ce soupçon dans le dossier judiciaire. Le premier concerne la guerre économique que se sont livrée LVMH et son concurrent le groupe Hermès. LVMH avait été accusé un temps d’avoir mené sur les marchés financiers une tentative de rachat caché de Hermès via des paradis fiscaux, donnant lieu à l’ouverture d’une enquête judiciaire.
L’enquête montre aujourd’hui l’étendue du réseau de Bernard Squarcini au sein de l’État – un magistrat, un chef de la police ou un membre des services de renseignement – pour obtenir des informations couvertes par le secret sur les investigations en cours. En audition, le Squale avait expliqué avoir été passif face au flot d’informations reçues : « Oui. Je reçois un coup de fil, on me raconte des choses mais je n’en fais rien. »
Parmi les sources privilégiées de Squarcini, il y a l’ex-patron de la PJ parisienne, Christian Flaesch, dont le plaider-coupable a été refusé par un tribunal – il fera l’objet d’un procès annexe. Flaesch est soupçonné d’avoir informé illégalement Squarcini sur l’évolution du dossier Hermès.
Des écoutes téléphoniques, qui n’avaient pas été retranscrites par la police jusqu’à leur révélation par Mediapart, ont toutefois permis d’établir que Bernard Squarcini avait indiqué au numéro 2 de LVMH, Pierre Godé, souhaiter remercier « des gens qui [leur] ont rendu service » comme Christian Flaesch.
L’autre épisode qui illustre la méthode Squarcini au profit de LVMH porte sur la surveillance du futur député François Ruffin et de son journal Fakir au moment du tournage et de la sortie en salles du documentaire césarisé Merci Patron !, consacré à Bernard Arnault.
De la même manière, plusieurs services d’État ont été discrètement mis en branle par Bernard Squarcini pour obtenir des informations sur Ruffin et Fakir.L’affaire avait même mobilisé plusieurs membres d’une cellule de renseignement installée à l’Élysée, dont au moins un membre, réputé proche de cadres de LVMH, a reçu par la suite un lot de six bouteilles de Château d’Yquem, un grand cru propriété de la multinationale
Mais la surveillance des joyeux drilles de Fakir a aussi été opérée par l’entremise de sociétés privées de renseignement. Comme l’a déjà raconté Mediapart, un récent rapport de l’Office anticorruption (OCLCIFF) de la police judiciaire a d’ailleurs conclu que « la société LVMH […] a rémunéré une société privée afin d’obtenir des renseignements sur les activités associatives, politiques ou privées des membres de l’association Fakir et particulièrement de François Ruffin, ainsi que pour récupérer illégalement une copie du film Merci Patron ! ».
La société en question, qui avait réussi à infiltrer des sources au sein de Fakir, était dans les faits prestataire de celle de Squarcini, elle-même rémunérée par LVMH.
Devant les juges d’instruction, Bernard Squarcini a juré ne pas avoir été le donneur d’ordre de l’espionnage de Ruffin et de ses activités, mais avoir obtenu, une nouvelle fois de manière passive, des informations qui lui remontaient naturellement.
D’un commun accord, Bernard Squarcini et LVMH ont mis fin à leur collaboration à cause de l’affaire judiciaire qui entache leurs réputations respectives. Et LVMH a signé avec la justice un accord au terme duquel l’entreprise a reconnu les faits qui lui étaient reprochés (sur Hermès et Ruffin), évitant ainsi un procès contre le paiement d’une amende de 10 million d’euros.
Vendredi 25 août, les juges d’instruction décidaient de renvoyer Nicolas Sarkozy en correctionnel, dans l’affaire des financements libyens. Du jamais-vu dans l’histoire politique et judiciaire française, et assurément l’occasion pour les médias français d’en faire ses gros titres. En réalité, la nouvelle a engrande partie été occultée par la sortie de son livre, apparemment plus digne de l’intérêt journalistique.
DesDes interviews kilométriques sur TF1 ou Europe 1, des entretiens fleuves dans Le Parisien et Le Figaro, et un portrait-photo brossé au pinceau fin dans Paris Match. Depuis que Nicolas Sarkozy s’est lancé dans la promotion de son nouveau livre, Le Temps des combats, toute la presse, « bollorisée » ou pas, se l’arrache. Tous les sujets y passent : guerre en Ukraine, dialogue avec Poutine, immigration, révoltes des banlieues, police. La pensée de l’ancien président compte encore pour une bonne partie de la presse française, qui le fait savoir.
Un sujet en revanche fait rarement l’objet de plus d’une question, planquée généralement en fin d’interview, quand il n’est pas carrément occulté : les affaires judiciaires du sixième président de la Vᵉ République intéressent décidément peu ou pas les médias. Peu importe si Nicolas Sarkozy a voulu faire de la parution de son ouvrage « une campagne de défense contre ses soucis judiciaires », comme le rapporte le journal Le Point, avançant de plusieurs jours la date de publication pour coller au timing
Et pourtant, au rayon judiciaire, s’agissant de l’ancien chef d’État, il y aurait de quoi remplir des journaux entiers. Il a d’abord été condamné à un an de prison ferme pour financement illégal de campagne dans l’affaire Bygmalion. Il a fait appel (procès en novembre 2023). Il a aussi été condamné à trois ans de prison, dont un ferme, pour corruption et trafic d’influence en mai 2023 en appel dans l’affaire Bismuth. Il a formé un pourvoi en cassation et déjà promis de saisir la Cour européenne des droits de l’homme s’il était débouté.
Une affaire politico-judiciaire hors norme... pour quelques lignes dans les journaux
Le dernier épisode en date, et certainement pas le dernier, a mis un terme à dix années d’enquête judiciaire d’une affaire hors norme. Deux juges d’instruction ont estimé qu’il existait suffisamment de charges contre l’ancien chef de l’État pour qu’il soit jugé dans l’affaire des financements libyens. Un procès inédit s’ouvrira donc en 2025 et verra comparaître Nicolas Sarkozy et trois de ses anciens ministres devant un tribunal correctionnel.
Une affaire hors norme, où un ancien président de la République est soupçonné de s’être laissé corrompre par une dictature, celle de Mouammar Kadhafi. Du jamais-vu dans l’histoire politique et judiciaire française, et assurément l’occasion pour les médias français d’en faire ses gros titres. Et pourtant, la nouvelle n’a guère passionné : aucun grand journal national n’y a consacré sa « une ». La plupart se sont pour l’instant contentés de relayer dans un unique article l’information du renvoi devant le tribunal de l’ancien chef d’État. Idem pour les journaux télévisés. TF1 a évoqué le sujet quelques secondes au travers d’une brève. Le « 20 heures » de la 2, lui, n’en a pas dit un mot. Le vendredi 25 août, jour où l’information est tombée, consacrait de longues minutes à l’inculpation de l’ancien président américain Donald Trump.
Mais pourquoi les affaires d’atteinte à la probité de Nicolas Sarkozy occupent si peu de place dans les médias français, et a fortiori ceux qui l’interrogent pour la promotion de son livre ? Nous avons directement posé la question aux rédactions.
Le quotidien national consacrait la « une » de son magazine du 18 août à l’interview exclusive accordée par Nicolas Sarkozy. En plus des omissions nombreuses que nous nous étions permis de compléter dans cet article, le journal fait silence dans ses éditions du week-end du renvoi de l’ancien président en correctionnel. Les soupçons de « corruption passive », d’« association de malfaiteurs », et de « financement illicite de campagne électorale » n’apparaissent nulle part dans le journal. L’ex-chef d’État n’est pas pour autant absent des pages du Figaro. Loin de là.
Dans l’édition du samedi 26 août, le quotidien consacre une pleine page à ses interventions médiatiques de la semaine écoulée et aux réactions qu’elles ont suscitées, notamment sur le sort des territoires occupés par la Russie en Ukraine. Deux occasions manquées de rappeler un élément de contexte essentiel, susceptible d’éclairer les déclarations de Sarkozy sur la Russie de Poutine.
En effet, Nicolas Sarkozy vantait en novembre 2018 les mérites de Vladimir Poutine lors d’une soirée à Moscou organisée par le Russian Direct Investment Fund (RDIF), principal fonds souverain de l’État russe. Au même moment, l’ancien président a touché 300 000 euros d’une mystérieuse entité, portant le même nom qu’une des filiales de RDIF, comme l’a révélé Mediapart (à relire ici).
Dans « Le Figaro », un édito en lieu et place de l’info
D’abord, dans une tribune, Lionel Jospin répond aux prises de position de Nicolas Sarkozy sur la guerre en Ukraine, accusant notamment l’ancien chef d’État d’« adopter la thèse et servir les intérêts du pays agresseur d’un peuple dont nous nous déclarons l’ami ».
Sur la même page, on peut lire un éditorial du polémiste de CNews, Mathieu Bock-Côté, où est encensée la « présence » de l’ancien chef d’État, et aussi sa « capacité rare de faire croire à la politique ». Dans un paragraphe qui fait complètement l’impasse sur les faits, l’actualité judiciaire de Nicolas Sarkozy est retracée par une interminable périphrase qui évoque « un harcèlement judiciaire qui heurte le bon sens et n’enthousiasme qu’une gauche judiciaire qui n’a jamais pardonné à Nicolas Sarkozy d’avoir fait éclater [...] le tabou de l’identité nationale ».
Interrogés sur ces choix éditoriaux, les journalistes concernés ainsi que le directeur des rédactions, Alexis Brézet, n’ont pas répondu à nos questions.
Rappelons qu’en mai dernier, le directeur des rédactions du Figaro, Alexis Brézet, qualifiait la condamnation à trois ans de prison de l’ancien président dans l’affaire Bismuth de jugement « ahurissant, et j’ajouterais, franchement scandaleux ». Le directeur délégué de la rédaction du Figaro, Vincent Trémolet de Villers, reprenait également les éléments de défense du condamné. « Un ancien président de la République est donc condamné à trois ans de prison (dont deux avec sursis) pour avoir conversé au téléphone, sous une fausse identité, avec son avocat », tentait-il de résumer.
Autre entretien fleuve, celui accordé par Nicolas Sarkozy au Parisien et qui a fait la couverture de l’édition du dimanche 27 août. Une nouvelle fois, les interviewers, qui sont des lecteurs du journal, s’enquièrent de l’avis de l’ancien chef d’État sur une multitude de sujets : plusieurs questions portent sur la « crise d’autorité » que serait en train de traverser la France et l’insécurité qui régnerait dans le pays. Les journalistes font rapidement mention des démêlés judiciaires de Nicolas Sarkozy en tête de papier et l’interview y revient très succinctement au travers d’une question posée en fin d’article, sur un ensemble de 34 questions.
La veille, un papier factuel et relativement complet évoquait le renvoi de Sarkozy dans l’affaire des financements libyens, dans les pages police-justice du journal. La direction du quotidien se défend d’avoir « fait son travail de transmission de l’information auprès des lecteurs » et précise que lors de la rencontre entre Nicolas Sarkozy et les lecteurs du journal, « les journalistes de la rédaction sont là pour faire des relances et compléter les questions des lecteurs s’ils le jugent nécessaires ».
En 2021, un édito signé du directeur des rédactions de l’époque, Jean-Michel Salvator, et fustigeant « la sévérité » de la condamnation en première instance de l’ex-président dans l’affaire Bismuth, avait déclenché une vive réaction des journalistes, qui redoutaient une dérive éditoriale.
Le renvoi devant un tribunal d’un ancien président pour des soupçons de corruption est pour nous une information civique considérable.
Dov Alfon, directeur de la publication et de la rédaction de « Libération »
Une partie de la presse nationale a tout de même couvert cette actualité judiciaire. C’est le cas du Monde qui y a consacré un long article d’une page et de Libération, dont le site internet et la version papier ont produit des articles complets sur le sujet. Dov Alfon, directeur de la publication et de la rédaction du quotidien, est le seul patron de presse à s’être prêté au jeu du retour critique. Il évoque des choix éditoriaux guidés par la volonté de « donner l’information brute aux lecteurs dans un premier temps », même si elle ne figurait pas sur la couverture de l’édition papier du week-end, quitte à y revenir plusieurs jours après.
« Quand une nouvelle est donnée à tout le monde, ce qui compte pour nous, c’est de la relayer au plus vite, puis de trouver des angles différents, de continuer à la creuser pour trouver des informations propres à Libération. C’est de cette façon qu’on fait vivre cette actualité et qu’on la laisse en lumière plus longtemps. » Il l’assure, à Libération, « il n’y a pas de volonté de dire : “On en a trop entendu sur Sarkozy”. Le renvoi devant un tribunal d’un ancien président pour des soupçons de corruption est pour nous une information civique considérable. »
Paris Match, journal préféré du couple Sarkozy-Carla Bruni, consacre quant à lui huit pages de portrait-photo, où la journaliste, Catherine Nay, qui officie aussi sur Europe 1, raconte sa rencontre avec l’ancien président dans sa résidence de vacances au Cap Nègre. Elle en profite pour rappeler que dans le dernier sondage de popularité du magazine, « l’ex-président s’arroge une flatteuse cinquième place. Mais dans le baromètre du cœur de Carla, il reste le premier ». Rappelons que le magazine est la propriété du groupe Lagardère, dont Nicolas Sarkozy est membre du conseil d’administration.
En huit pages, la journaliste a semble-t-il manqué de caractères pour évoquer l’actualité judiciaire de Nicolas Sarkozy et ses condamnations passées. Étonnant quand on sait que l’hebdomadaire avait fait sa « une » au printemps 2020 sur la rétractation de Ziad Takieddine. Le revirement filmé de l’intermédiaire en fuite au Liban s’est plus tard avéré être une manipulation médiatique et judiciaire, destinée à peser sur le cours de l’affaire des financements libyens de Nicolas Sarkozy. Dans cette autre affaire judiciaire, qui vaut déjà à neuf personnes d’être mises en examen comme révélé par Mediapart, plusieurs personnes sont inquiétées, dont Mimi Marchand (mise en examen), femme d’affaires et papesse de la presse people, et l’ancien directeur de Paris Match, Hervé Gattegno (entendu sans mise en cause judiciaire).
Contactée par nos soins pour tenter de comprendre l’absence de ces informations, Catherine Nay a décroché, puis expliqué « avoir trop de travail, désolée », avant de nous raccrocher brutalement au nez. Le directeur délégué de la publication ne nous a pas davantage répondu.
BFMTV avait à l’automne 2020 aussi enchaîné les éditions spéciales au moment de la fausse rétraction de Ziad Takieddine. Ce week-end, l’information du renvoi de Nicolas Sarkozy devant un tribunal n’a pas connu le même sort dans les éditions de la chaîne d’information en continu. La direction de la chaîne n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Autre chaîne de télévision, pratiques différentes. Sur TF1, où l’ancien président de la République s’est entretenu 19 minutes avec le journaliste Gilles Bouleau, les liens troubles entre Sarkozy et la Russie de Poutine n’ont là encore pas été évoqués. Quelques jours plus tard, la présentatrice Anne-Claire Coudray évoque dans une brève d’une vingtaine de secondes le procès auquel devra faire face l’ancien président, aux côtés de trois de ses anciens ministres, dans l’affaire des financements libyens. Suit un long sujet sur l’inculpation de Donald Trump aux États-Unis.
La direction de la chaîne n’a pas répondu à nos sollicitations. Toutefois, une journaliste a bien accepté d’expliquer les choix éditoriaux de sa rédaction. « En télévision, c’est assez commun de donner une information sur la tenue d’un procès en plateau, sans traiter le fond de l’affaire, justifie-t-elle. On attrape tout en général au moment du procès, que l’on va surement couvrir, en récapitulant toute l’affaire. »
La tournée médiatique de Nicolas Sarkozy a connu sa dernière étape ce mardi sur Europe 1, au micro de Pascal Praud. Au cours de cet entretien fort complaisant, les démêlés judiciaires de l’ancien chef d’État sont évoqués très succinctement, à la toute fin, sans rappeler qu'il vient tout juste d'être renvoyé devant un tribunal. Contacté par Mediapart, Pascal Praud justifie ces omissions en évoquant « un entretien consacré uniquement au livre de Nicolas Sarkozy », même si dans cet ouvrage, l’ancien président s’en prend dans les grandes largeurs aux juges.
Après deux heures de discussion, le journaliste phare des médias sauce Vincent Bolloré, le milliardaire ami de Sarkozy, conclut l’interview, en s’adressant à l’ancien chef d’État : « Merci, on a vécu un moment formidable en vous écoutant ».
L'ancien Premier ministre Noureddine Bedoui et l'ancien ministre de la Santé Abdelmalek Boudiaf ont été lourdement condamnés, ce mercredi 21 juin, par le pôle pénal économique et financier du tribunal de Sidi M’hamed d’Alger. Les deux anciens hauts responsables de l'État étaient poursuivis en leur qualité d'anciens walis de Constantine dans une affaire en lien avec la réalisation de la nouvelle aérogare de la ville des ponts suspendus.
En effet, Noureddine Bedoui et Abdelmalek Boudiaf ont écopé d'une peine de 5 ans de prison ferme assortie d'une amende d'un million de dinars. C'est finalement trois années de moins que la peine proposée par le procureur dans son réquisitoire. Dans le même procès, qui s'est tenu du 7 au 13 juin, un autre ex-wali de Constantine, Tahar Sekrane, a été acquitté, de même que l'ex-Secrétaire général de la wilaya Aziz Benyoucef.
L'affaire est liée à la réalisation de la nouvelle aérogare de Constantine
Le tribunal a également prononcé des verdicts allant de l’acquittement à 2 ans de prison ferme contre le reste des accusés (une quarantaine) dans cette affaire en lien avec le retard de plus de 6 ans dans la réalisation de l’aérogare de Constantine. Un retard qui a coûté des sommes faramineuses au Trésor public, notamment en raison des réévaluations et des surfacturations.
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Selon l’arrêt de renvoi, il s’agit d’un marché douteux portant sur la réalisation de l’aérogare de Constantine, où la surfacturation a entraîné la perte d’importantes sommes d’argent dans ce projet qui a été réceptionné après un délai de 10 ans au lieu des 4 ans fixés dans le cahier de charges, indique l'agence de presse nationale APS.
En fait, les deux hauts fonctionnaires de l'État, Bedoui et Boudiaf, étaient poursuivis pour 3 chefs d'accusation principaux, à savoir « abus de fonction », « dilapidation de deniers publics » et « octroi d’indus privilèges ». Il est utile de rappeler que les deux accusés principaux dans ce dossier sont également poursuivis dans d'autres affaires liées à la corruption, déclenchés dès 2019 juste après la naissance de la contestation populaire appelée « Hirak »
Plus de 30 douaniers, dont le chef de l’inspection des services des douanes et le directeur régional du port d’Alger, ainsi que des agents, ont été placés en détention provisoire.
Il y a un changement profond qui s’opère au niveau des institutions
Les investigations menées par les services de recherche de la Gendarmerie nationale ont déclenché un scandale de grande envergure qui a touché le secteur, entraînant plus de 30 douaniers, dont des femmes travaillant au port d'Alger ainsi que des agents de transit, dans des opérations suspectes. C'est du moins ce que rapporte le site «echouroukonline» qui précise que le dossier est actuellement instruit par le juge d'instruction de la première chambre du pôle pénal économique et financier de Sidi M'hamed, qui a ordonné, dans la nuit de mardi à mercredi 31 mai, «le placement en détention provisoire de 13 douaniers, dont une femme, enceinte, 12 agents de transit de la législation douanière, surfacturation,pour évasion fiscale, abus de la fonction d'une manière qui viole les lois, l'acceptation d'un avantage illégal. Et la présentation du chef de l'inspection des services des douanes et le directeur régional du port d'Alger devant le même juge d'instruction. Il y a lieu de convenir que de telles opérations reflètent un changement profond dans l'organisation et dans le fonctionnement de cette institution. Elles renseignent sur la volonté de l'État à baliser les points névralgiques de la relance économique, à travers l'instauration de mécanismes transparents visant à booster les activités dépendantes de l'administration douanière. selon la même source,les faits du dossier, concernant l'importation de voitures de luxe telles que les marques Lamborghini, Porsche, Mercedes et autres, faisant l'objet de factures erronées à travers une réduction importante des montants, qui ont atteint la moitié du prix réel de la voiture, provoquant l'évasion fiscale, afin d'obtenir des réductions de la valeur des droits et droits de douane «TVA-DD». Le mode opératoire se base sur la manipulation de l'article 16 du Code des douanes en occultant, les tarifications données par la référence internationale en la matière, en l'occurrence le système «Argus». La valeur déclarée dans ce cadre constitue une base pour le calcul des droits des redevances obligatoires, qui est le résultat du prix approuvé dans la base de données, à partir de laquelle la valeur de la taxe sur la valeur ajoutée approuvée dans les pays européens, qui équivaut à 20%, est déduite, et le prix du fret maritime y est ajouté. Il faut dire que devant la lutte soutenue contre ces pratiques frauduleuses, qui entravent l'activité du commerce extérieur, la résistance aux changements persiste aveuglément. En dépit des transgressions et infractions commises par les douaniers de tous grades dans le processus initial de dédouanement des voitures et la réduction de leur valeur financière réelle, l'étau se resserre sur ces réseaux mafieux. Ce n'est qu'une question de temps avant de voir des pratiques aussi flagrantes, disparaître sous le poids d'une riposte forte.Cette dernière s'articule autour de l'impératif de réduire à néant les techniques qui consistent à faire passer les véhicules sous douane en zone de dépôt, alors qu'elles ne répondent pas aux textes réglementaires en matière de valeur, de type, ou encore sur le degré de conformité avec les déclarations faites.
Le verdict de la 6e chambre pénale près la cour d’Alger est tombé, ce dimanche 16 avril 2023, dans le procès en appel de l’affaire Sonatrach qui s’est tenu la semaine passée, au niveau du pôle pénale, économique et financier du tribunal de Sidi M’hamed d’Alger.
L’ancien ministre des travaux publics, Amar Ghoul, a vu sa peine réduite de dix ans à cinq ans de prison ferme. Amar Ghoul a en outre bénéficié de la levée du gel de sa pension de retraite et du séquestre de sa maison familiale, située à Draria. Le veinard.
Les accusés sont poursuivis pour dilapidation de deniers publics, détournement de fonds et conclusion de marchés publics en violation de la réglementation en vigueur… rien que ça.
Au total, ce sont 37 personnes qui ont jugées dans cette affaire dont l’ancien PDG de Sonatrach, Abdelhamid Zerguine et l’ex-vice-président du groupe, chargé des activités amont, Boumediene Belkacem qui ont été condamnés, chacun à 2 ans de prison avec sursis.
La cour a maintenu les peines prononcées en première instance à l’endroit des anciens PDG de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour et Mohamed Meziane Meziane condamnés, respectivement, à 10 et 5 ans de prison ferme.
L’ancien ministre de l’Energie, Noureddine Bouterfa (jugé en tant qu’ancien PDG de Sonelgaz) est condamné à cinq ans de prison ferme. Toujours en fuite à l’étranger, Chakib Khelil a vu sa peine de 20 ans de prison ferme maintenue.
La Cour a acquitté toutes les sociétés étrangères (SNC Lavalin, Petrovic, Saipem et GGC) mises en cause dans le dossier. Une bien belle aubaine pour ces majors qui vont pouvoir continuer à faire des affaires tranquillement en Algérie.
L’ancien ministre des Transports, Amar Ghoul, a été placé sous mandat de dépôt, jeudi 18 juillet 2019, en pleine dissidence populaire, après sa comparution devant le conseiller enquêteur près la Cour suprême à Alger, dans le cadre des enquêtes liées à des affaires de corruption. Quant à Ould Kaddour, il a été extradé le 4 août 2021 par Dubaï.
Qui peut douter de la détermination de l'Etat à récupérer les biens mal acquis par d'ex-hauts responsables et hommes d'affaires véreux, condamnés par la justice dans des affaires de corruption, de trafic d'influence et de détournement de deniers publics ? C'est l'un des engagements du Président Tebboune qui fait bouger les autorités dans plusieurs directions, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Plus qu'un engagement, la récupération des biens mal acquis et la lutte en faveur de la moralisation de la vie politique sont élevées au rang de principes sacrés, palpables à travers les textes de lois qui ont éloigné l'argent de toute opération électorale et mis sous haute surveillance les hauts fonctionnaires notamment, ainsi que d'autres efforts initiés tous azimuts pour restituer tout ce qui a été détourné par les membres de la « Issaba », se trouvant dans les prisons ou en fuite à l'étranger. Et pourtant, certains ne manquent pas de tenter de semer le scepticisme au sein de l'opinion.
Ces jours-ci, ce dossier tient le haut de l'actualité suite à la déclaration du Président Tebboune, lors de la dernière rencontre avec des médias locaux, faisant état de la récupération de près de 20 milliards de dollars, dans le cadre des opérations de restitution des biens mal acquis. Il n'en fallait pas plus pour braquer les projecteurs sur ce chiffre, jugé faramineux par des opposants, alors que les autorités publiques ont pris l'initiative de donner des détails dans ce sens qui confondent les détracteurs, qui n'expliquent pas que cette somme d'argent résulte, en fait, en sus de l'argent liquide récupéré dans des comptes bancaires, de l'équivalent des biens mobiliers et immobiliers saisis dans le cadre de l'exécution des décisions de justice définitives prononcées contre les mis en cause. C'est le ministre de la Justice qui a, dans ce sens, laissé entendre qu'il n'y a pas lieu de s'étonner par ce chiffre de 20 milliards cité par le Président Tebboune. Un chiffre appelé à la hausse, a-t-il soutenu. Affirmant dans ce sillage que «la justice a mis la main sur ces biens répartis sur les différentes wilayas du pays », dont la confiscation d'habitations, de biens touristiques, des villas luxueuses, à travers les wilayas du pays, ainsi que des dizaines d'usines, dont des usines de montage automobile et d'autres activant dans divers domaines, outre la saisie de bijoux et des pierres précieuses et la confiscation de 6.447 comptes bancaires et 4.203 véhicules, tous types confondus, ainsi que la confiscation de 23.774 biens mobiliers, de 425 habitations, et de 14 promotions immobilières, chacune comprenant jusqu'à 1.000 logements». Il s'agit d'actions réalisées grâce «à la poursuite des procédures judiciaires de saisie et de confiscation au niveau national », a précisé le ministre de la Justice, qui a, en toute franchise, convenu que sur le plan international les choses s'annoncent plus compliquées.
Dans ce contexte, l'émission de 224 commissions rogatoires pour la récupération des fonds détournés, réparties sur 30 pays, n'a pas encore donné ses résultats. Cela pourrait se concrétiser dans un an ou deux, voire plus, mais une chose est sûre, bien mal acquis ne profite jamais.
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a révélé que 20 milliards de dollars de l’argent détourné dans des affaires de corruption ont été récupérés par l’État.
« Nous avons récupéré environ 20 milliards de dollars et il existe des mécanismes pour récupérer l’argent stocké (fonds détournés, ndlr) ici et là », a-t-il expliqué.
Concernant les affaires internationales, Tebboune a démenti toute médiation de quelque partie que ce soit entre l’Algérie et le Maroc. « S’il y a une médiation, le peuple a le droit de le savoir », a-t-il dit
Ali Haddad, les frères Kouninef, Mahiedine Tahkout… ont amassé des fortunes colossales avec la complicité, le concours et l’assentiment de l’ancien pouvoir. Leurs procès révèlent les principaux ressorts de la corruption sous le règne du président déchu.
Les procès instruits contre d’anciens Premiers ministres, ex-ministres, hauts gradés de l’armée et hommes d’affaires ont révélé l’ampleur de la corruption et de la prédation sous le régime de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika. Ces procès sans précédent dans l’histoire de l’Algérie ont mis en lumière les montants faramineux obtenus par ces oligarques dans le cadre de leurs diverses activités, ainsi que des avantages et des biens acquis durant cette période. Mais pas seulement.
Ces procès, bien que tenus en suspicion par une partie de l’opinion, ont été autant d’occasions de mieux connaître et cerner les schémas corrupteurs qui ont permis à des hommes d’affaires d’amasser des fortunes colossales avec la complicité, le concours et l’assentiment de hauts responsables de l’État. Les Algériens savaient que la corruption était endémique. Ils connaissent aujourd’hui un peu mieux ses ressorts et ses mécanismes.
Président bis
Dénominateur commun de presque tous les procès qui ont vu d’anciens membres du gouvernement et des oligarques lourdement condamnés : Saïd Bouteflika, frère cadet de l’ex-chef de l’État et puissant conseiller de l’ombre qui agissait comme un président bis.
PUISSANT CONSEILLER DE L’OMBRE, SAÏD BOUTEFLIKA SE COMPORTAIT COMME LE CHEF DU CLAN PRÉSIDENTIEL
Durant les quatre mandats d’Abdelaziz Bouteflika, notamment à partir du troisième, qui a commencé en 2009, Saïd s’est comporté comme le chef du clan présidentiel, dont le noyau était constitué par une poignée de businessmen et de ministres, dont Ali Haddad, PDG du groupe ETRHB et président du Forum des chefs d’entreprise (FCE), les frères Kouninef (Réda, Karim et Tarek) et Abdeslam Bouchouareb, ancien ministre de l’Industrie et des Mines, en fuite à l’étranger. Pendant des années, les membres de ce petit groupe se réunissaient régulièrement dans une villa sur les hauteurs d’Alger, propriété des Kouninef.
C’est dans ce lieu cossu et discret que les affaires de l’État se réglaient, que les marchés se concluaient, que les projets et des prêts bancaires s’octroyaient, que les ministres, walis (préfets) et hauts responsables de l’administration étaient promus ou frappés de disgrâce. Si le cœur du pouvoir se trouvait à la résidence de Zéralda, le bunker dans lequel Bouteflika s’était installé depuis son AVC de 2013, la villa de Kouninef en était l’annexe.
Mélange des genres
Un mélange des genres complet, donc, entre les oligarques et le pouvoir incarné par les frères Bouteflika. Le deal était simple : les chefs d’entreprise, ainsi que les grosses fortunes finançaient à coups de millions de dollars les campagnes électorales de l’ex-chef de l’État (2004, 2009, 2014 et 2019).
LES HOMMES D’AFFAIRES QUI REFUSAIENT DE METTRE LA MAIN À LA POCHE POUR SOUTENIR LA CANDIDATURE DE BOUTEFLIKA ÉTAIENT BLACKLISTÉS
En échange, ils obtenaient marchés publics, terrains, prêts bancaires et de multiples avantages fiscaux et facilités administratives. Les hommes d’affaires qui refusaient de mettre la main à la poche pour soutenir la candidature de Bouteflika étaient blacklistés.
Le cas d’Issad Rebrab, patron du groupe privé Cevital, est édifiant. Pour avoir refusé de verser son obole au clan présidentiel, Rebrab a vu plusieurs de ses projets retardés, bloqués, voire compromis. Il souhaite investir dans un port ? Son projet est confié à un concurrent. Il veut monter une usine de trituration de graines oléagineuses ? Initiative bloquée pour permettre aux Kouninef de monter le même projet pour un investissement de 250 millions de dollars, dont une grande partie provenait d’un prêt bancaire. Le groupe Rebrab possède la concession de voiture de la marque Hyundai depuis des années ? Elle lui est retirée pour être accordée à l’homme d’affaires Mahiedine Tahkout, lequel purge aujourd’hui une peine de dix-huit ans de prison dans un pénitencier de Khenchela.
Prédation
Amis et proches parmi les proches de Saïd Bouteflika, les frères Kouninef, à la tête du conglomérat dénommé KouGC, sont la parfaite illustration de ce système de corruption et de prédation mis en place grâce à la manne pétrolière qui s’est déversée sur le pays au cours des deux dernières décennies. Leur procès, qui s’est déroulé du 9 au 12 septembre, aura été l’occasion d’évoquer leurs méthodes, même si leurs avocats rejettent en bloc les accusations et estiment que leurs clients ont été condamnés avant d’être jugés.
Fondé dans les années 1970 par Ahmed Kouninef, KouGC a obtenu au cours des dernières années 1,5 milliard de dollars de crédits bancaires, ainsi que 600 millions de dollars d’avantages fiscaux. Selon la justice, le groupe ne présentait pas de garanties suffisantes pour être éligibles à ces prêts. Il n’empêche que les banques, ainsi que le Fonds national d’investissement (FNI) ont continué à soutenir le groupe de frères Kouninef.
QUI POUVAIT DIRE NON AUX KOUNINEF, DONT LES RELATIONS TRÈS ÉTROITES AVEC LES BOUTEFLIKA ÉTAIENT CONNUES DE TOUS ?
Ces derniers sont en outre accusés d’avoir illégalement transféré vers l’étranger l’équivalent de 125 millions de dollars. Qui pouvait dire non aux Kouninef, dont les relations très étroites avec les Bouteflika étaient connues de tous ?
Autre dossier qui illustre le système en vigueur sous Bouteflika : en avril 2014, quelques jours après la réélection de Bouteflika pour un quatrième mandat, les Kouninef, qui avaient financé la campagne du président à hauteur de 310 000 euros, obtiennent deux marchés sans passer par un bureau d’études et accordés par l’Agence nationale d’intermédiation et de régulation foncière (Aniref) pour un montant de 61 millions de dollars.
Pour ces deux projets, le groupe Kouninef a mobilisé le même matériel et les mêmes travailleurs pour les mêmes délais de réalisation. Or, durant le procès, l’on a appris que non seulement ces deux projets n’ont pas été réalisés, mais que les responsables chargés de rappeler à l’ordre les Kouninef sur les retards dans les chantiers étaient priés de garder le silence.
Au tribunal, la directrice régionale de l’Aniref avoue avoir obtenu plusieurs promotions pour avoir fermé les yeux sur ces retards et autres anomalies. Pis, alors même que ces deux projets n’avaient pas été achevés, KouGC obtenait, en février 2017, un nouveau marché d’un montant de 81 millions de dollars.
Soutien indéfectible
Sans être aussi intime avec Saïd que ne l’étaient les frères Kouninef, Ali Haddad, qui purge lui aussi une peine de dix-huit ans de prison à Tazoult, est l’autre symbole de l’intrusion de l’argent privé dans la politique. Soutien indéfectible de la présidence à vie de Bouteflika, Haddad se targuait de faire et de défaire des ministres, de promouvoir des préfets et même de recevoir des ambassadeurs à Alger.
Au cours des quinze dernières années, le groupe ETRHB des frères Haddad a obtenu 214 marchés publics dans plusieurs secteurs pour un total de plus de 6 milliards de dollars. En 2012, Haddad a acquis un hôtel de luxe à Barcelone pour 68 millions d’euros.
DEVANT HADDAD, SELLAL ET OUYAHIA NE POUVAIENT PAS RESPIRER
Lorsque les services de renseignements algériens ont souhaité l’entendre sur cette acquisition qui pouvait laisser penser à du blanchiment d’argent, Saïd Bouteflika a fait pression pour bloquer une éventuelle audition de son ami. Non seulement ce dernier pouvait s’appuyer sur sa proximité avec le frère de l’ex-président, mais il avait également le soutien de Sellal, de Ouyahia et de Bouchouareb.
« Devant Haddad, Sellal et Ouyahia ne pouvaient pas respirer, confie un connaisseur du sérail. Personne n’osait dire non à Saïd et donc à Haddad. » En mai 2015, Ali Haddad est même parvenu à faire nommer son ami Mustapha Karim Rahiel ministre directeur du cabinet du Premier ministre Sellal. Avant d’occuper cette fonction, Rahiel travaillait au sein du groupe ETRHB. Autant dire qu’avec lui à un tel poste Haddad était dans le saint des saints du pouvoir. Placé en détention préventive en juin 2020, Rahiel est la « boîte noire » des liens opaques entre le pouvoir et le groupe des Haddad.
Des oligarques au bras long
Leur puissance et leur influence, Haddad et les oligarques aujourd’hui en prison en ont fait la démonstration à l’été 2017. À l’époque, Abdelmadjid Tebboune, alors Premier ministre, avait décidé de s’attaquer à l’argent sale en ciblant notamment le groupe de Haddad. La riposte est foudroyante : avec le concours décisif de Saïd Bouteflika, Tebboune est remercié, quatre-vingts jours seulement après sa nomination à la tête du gouvernement.
Le prochain procès d’un autre membre éminent du clan présidentiel, Tayeb Louh, pourrait éclairer davantage les pratiques en vigueur sous l’ancien régime. Entre 2013 et 2019, Tayeb Louh était ministre de la Justice. Il était en contact direct avec Saïd Bouteflika, qui lui transmettait ses instructions oralement ou par SMS, lesquels ont été versés au dossier en cours d’instruction.
En tant que garde des Sceaux, Tayeb Louh faisait pression sur les procureurs et les juges pour influer sur le cours de dossiers en instruction ou encore sur des décisions de justice. L’audition de magistrats et des responsables de ce ministère offre un aperçu de ses méthodes.
LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE ET AHMED OUYAHIA S’IMMISÇAIENT DANS LE TRAITEMENT DE LA JUSTICE
Interrogé par un juge de la Cour suprême, l’ex-secrétaire général du ministère de la Justice affirme que la présidence de la République et Ahmed Ouyahia s’immisçaient dans le traitement de la justice. « Ils appelaient les procureurs pour intervenir en faveur de Tahkout et de Haddad », confie-t-il, selon le quotidien Le Soir d’Algérie.
Le cas de Chakib Khelil, ex-ministre de l’Énergie, aujourd’hui en fuite aux États-Unis, est une autre illustration de l’instrumentalisation de la justice au service des puissants. En août 2013, Khelil et sa famille sont inculpés par la justice algérienne dans le cadre d’une affaire de corruption à la Sonatrach.
Des mandats d’arrêt sont lancés contre eux. Aussitôt nommé ministre de la Justice, Louh commence à faire pression sur les magistrats pour enterrer le dossier. Trois ans après sa fuite, Chakib Khelil fait un retour triomphal en Algérie. Il est blanchi de toutes les accusations sans même mettre le pied chez un juge d’instruction.
Interrogé sur le cas Khelil à la prison militaire de Blida, où il purge une peine de quinze ans, Saïd Bouteflika a indiqué que l’ordre d’annuler le mandat d’arrêt contre Khelil a été donné par le président à Tayeb Louh. C’est Saïd qui a joué les messagers.
Le Tribunal de Sidi M’hamed a rendu son verdict dans l’affaire Kouninef, et 10 anciens ministres ont écopé de lourdes condamnations. Dzair daily vous en dit plus dans la suite de cette édition du 1er décembre 2022.
En effet, un verdict a été prononcé dans l’affaire Kouninef en Algérie. Le tribunal de Sidi M’Hamed a ainsi condamné 10 anciens ministres. Ahmed Ouyahia a ainsi été condamné à une peine de 12 ans de prison, assortie d’une amende d’un million de dinars. Il s’agit de ce que rapporte le site d’information arabophone El Khabar, dans son édition d’aujourd’hui.
Par ailleurs, l’ancien wali de Constantine, puis Premier ministre Bedoui Noureddine a également été condamné dans la même affaire. Il devra passer les 10 prochaines années en prison. Et payer une amende d’un million de dinars. Il sera donc incarcéré suite à cette condamnation.
Aussi, l’ancien ministre des Ressources en eau, Berraki Arezki, aussi directeur de l’Agence nationale des barrages et transferts, a été condamné à 8 ans de prison et à un million de dinars d’amende. Un autre ancien ministre des Ressources en eau a été condamné. Il s’agit de Hocine Necib. Celui-ci a écopé d’une peine de 8 ans de prison et d’un million de dinars d’amende.
Affaire Kouninef : de lourdes peines à l’encontre des accusés
Par ailleurs, l’ancien ministre des Transports Amar Ghoul a été condamné à 4 ans de prison et à un million de dinars d’amende. De son côté, l’ancien ministre de la Promotion des investissements a été condamné à 20 ans de prison assortis d’une amende d’un million. Un mandat d’arrêt a été lancé contre lui.
La liste des condamnés est encore longue, et l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie en fait partie. Mohamed Loukal a ainsi été condamné à 8 ans de prison et à un million de dinars d’amende. Il en est de même pour Abdeslam Bouchouareb, ancien ministre de l’Industrie. Il a été condamné à 20 ans de prison et un million de dinars d’amende. Avec un mandat d’arrêt international à son encontre.
Pour finir, l’ancienne ministre des Postes, Houda Feraoun a été condamnée à 4 ans de prison et un million de dinars d’amende. Tandis que l’ancien ministre des Transports Amar Tou a été acquitté. Ces condamnations font suite aux poursuites des mis en cause dans une ancienne affaire de corruption.
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