Samah Hamdan et sa famille ont rejoint les dizaines de milliers de naufragés de Gaza qui tentent de trouver refuge à Rafah. « On a dû monter notre tente tout seuls », raconte cette professeure de français originaire de Gaza-ville, en accompagnant son message d’une photo : une yourte noire, pas grande, en tout cas pas assez pour les 25 personnes qui s’y abritent depuis le 4 janvier : « On passe nos journées à chercher de l’eau et de la nourriture. On ne vit pas, on survit. »
85 % des Gazaouis déplacés
Samah en est à sa troisième évacuation. Le 3 janvier, l’armée israélienne a dispersé des feuillets au-dessus du camp de réfugiés d’Al-Nousseïrat, où son oncle l’hébergeait, invitant ses habitants à le quitter en vue d’une opération militaire.
La partie centrale de Gaza est désormais dans le viseur de l’armée : « Nous avons achevé le démantèlement du Hamas dans le nord de la bande de Gaza. Nous nous concentrons désormais sur le centre et le sud », a annoncé le contre-amiral Daniel Hagari, le 6 janvier, en précisant : « Nous procédons différemment, de manière approfondie, sur la base des leçons que nous avons tirées des combats jusqu’à présent. » Le même jour, l’armée se faisait l’écho de la mort d’Ismaïl Siraj, le commandant du bataillon de Nousseïrat, lors de frappes aériennes.
Les infrastructures existantes n’arrivent plus à absorber les vagues continues de naufragés : près de 85 % de la population ont été déplacés depuis le 7 octobre. Des familles entières s’entassent dans des tentes, faute de place dans les centres de l’UNRWA, l’agence de l’ONU. À Rafah, une des écoles primaires des Nations unies abrite ainsi 2 000 personnes, dont Amal Abu Abuhajar, son mari et ses six enfants : « On est trop nombreux. Il y a des problèmes d’assainissement, des remontées d’eaux sales… C’est dégoûtant. Les écoles ne conviennent pas à la vie humaine », raconte pudiquement cette autre professeure de français.
« Tout le monde est pauvre »
Dans la soirée du 4 janvier, la France a largué 4 tonnes d’aide humanitaire par voie aérienne aux côtés de la Jordanie, une première dont s’est félicité Emmanuel Macron, mais dont les bénéfices peinent à être ressentis sur le terrain : les quelque 150 camions qui entrent quotidiennement dans l’enclave ne permettent pas d’assouvir les besoins d’une population qui manque de tout.
a bande de Gaza, certains prix ont quintuplé. Il faut compter 5 € pour un kg d’oranges apportées d’Égypte, alors que 3 kilos valaient 2 € avant la guerre. Le prix de la viande a doublé : 10 € le kg avant la guerre, 20 € aujourd’hui. « Plus personne n’a de salaire, tout le monde est pauvre. Tout est cher. Certains commerçants en profitent », soupire Samah Hamdan. Mère de deux garçons, elle s’inquiète : « Ils sont malades, tout le monde est malade. À cause du froid, du manque de nourriture et de l’eau salée. »
L’hiver, l’insalubrité, la proximité et l’effondrement du système de santé sont propices au développement de maladies : diarrhée, infections des voies respiratoires, hépatite… « Gaza est tout simplement devenue inhabitable, s’alarmait le chef des affaires humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths, le 5 janvier. Sous le regard du monde entier, sa population est quotidiennement confrontée à des menaces qui pèsent sur son existence. »
À contre-pied du silence international, l’Afrique du Sud a engagé une procédure contre Israël devant la Cour internationale de justice. En accusant l’État hébreu de violer la Convention sur le génocide, l’Afrique du Sud espère que la Cour indiquera des mesures provisoires qui permettront d’orienter vers une fin des opérations. Les audiences auront lieu les 11 et 12 janvier à La Haye, mais leur verdict ne sera pas contraignant.
Trois mois de guerre ininterrompue
La guerre entre Israël et le Hamas palestinien est entrée, dimanche 7 janvier, dans son quatrième mois sans aucun signe de répit, l’armée de l’air israélienne menant de nouvelles frappes meurtrières à Gaza. Le ministère de la santé du Hamas a indiqué qu’une frappe aérienne avait tué deux journalistes palestiniens alors qu’ils circulaient en voiture : un vidéaste pigiste collaborant avec l’AFP et un journaliste de la chaîne Al-Jazira. En Cisjordanie, un raid des forces israéliennes a coûté la vie à six Palestiniens à Jénine, selon l’Autorité palestinienne. Un officier israélien a été tué dans l’explosion d’un engin.
Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.
Lundi 22 avril 2024.
Ce lundi, je suis allé au rond-point Nejma, qui veut dire l’étoile en arabe. C’est là qu’on trouve les marchands grossistes. Enfin, quand je dis grossistes, c’est à l’échelle de la ville de Rafah et en temps de guerre. On y trouve par exemple quelques dizaines de cartons de biscuits, ou un carton de mouchoirs en papier qui seront vendus au détail, pour se faire 20 ou 30 shekels (entre 5 et 7 euros) par jour, juste de quoi survivre.
On appelle cela « le business du quotidien », car ces personnes revendent le jour même la marchandise qu’ils ont achetée à un importateur au terminal de Rafah, à la frontière égyptienne. Avant la guerre, à l’époque où Rafah était prospère, le business des grossistes au rond-point Nejma était bien plus important. On venait de toute la bande de Gaza pour y acheter les marchandises qui passaient par les tunnels communiquant avec l’Égypte. Il y avait de tout : des fruits, des légumes, des réfrigérateurs, des téléviseurs… Les Égyptiens fermaient les yeux pour que Gaza, soumise au blocus israélien, puisse respirer. Aujourd’hui les tunnels n’existent plus et les quelques biens qui passent viennent de la frontière terrestre.
« ÇA, C’ÉTAIT LA BELLE ÉPOQUE »
Il y avait du nouveau au rond-point : des fruits — pommes, pastèques, melons — en petites quantités et moins chers que depuis le 7 octobre, mais sans revenir aux prix d’avant. On est passé de vingt fois, à dix fois et parfois cinq fois le prix normal.
rer Chaher Al-Helou, un jeune homme de trente ans, ancien voisin de Gaza-ville. C’était le meilleur producteur de volailles du quartier. Il avait un élevage et une boutique de vente. Chaher était connu pour ses prix raisonnables et pour la qualité de ses produits. Par réflexe, je lui ai posé la question que je posais toujours en entrant dans sa boutique : « C’est combien le kilo aujourd’hui ? » Il m’a regardé derrière ses lunettes, l’air désolé : « Abou Walid1, on ne vend plus de poulets. Ça, c’était la belle époque. Maintenant si tu veux, je vends des biscuits. »
Puis il a ajouté :
On a tout perdu : il n’y a plus de fermes, plus de volailles dans toute la bande de Gaza. Depuis qu’on a quitté Gaza-ville, on ne sait pas si notre maison est toujours là ; la zone a été détruite.
Il avait une maison à Chajaya, mais il est sûr en revanche que la maison de ses parents a été détruite. Déplacé à Rafah, ce jeune homme achète et revend ces cartons de biscuits qui arrivent au terminal via des transporteurs privés, « pour ne pas rester les bras croisés ». Le trentenaire arrive à récolter 25 shekels par jour, juste de quoi donner à manger à sa famille. Il est infiniment triste : « On était éleveurs de volailles de père en fils, je travaillais avec mes frères. Et me voilà avec quelques cartons de biscuits au rond-point Nejma. » Il a pu quitter Gaza-ville avec quelques économies et financer ce petit commerce.
J’ai voulu lui remonter le moral en lui disant qu’il pourrait revenir chez lui après la guerre. Mais il lui faut six mois pour relancer la production, plus quarante jours pour recommencer le cycle œuf-poulet. Chaher m’a dit aussi : « On a toujours recommencé : après la guerre de 2009, après celle de 2014… Mais là, c’est le pire du pire. Je crois qu’on ne va pas recommencer. » Lui et sa famille ne savent pas du tout ce qu’ils vont faire.
DES FRAISES EXCEPTIONNELLES
C’est toute l’industrie de l’alimentaire à Gaza qui est par terre. La situation avant le 7 octobre était complexe. Malgré le blocus, une zone industrielle d’environ 55 000 mètres carrés fonctionnait à côté du terminal de Karni, à l’est de la ville de Gaza, grâce à la compagnie Piedico. Les garanties des Israéliens permettaient à des donateurs européens d’investir. Il y avait une petite industrie de plastique, de meubles, de textiles et de produits laitiers, avec un grand homme d’affaires palestinien, Khaled Al-Wadiya.
Il y avait aussi de la production de boissons gazeuses, de jus de fruits, etc. C’était à l’est de la ville de Gaza, à côté de la frontière. Cette zone avait été fermée en 2007 après la prise du pouvoir par le Hamas, puis l’activité y a repris en 2018. Elle exportait en Israël, en Cisjordanie et même en Jordanie et à d’autres pays. Il y avait aussi des exportations de produits agricoles, comme les fraises – la fraise de Gaza était célèbre2.
Maintenant il n’y a plus d’exportation, il n’y a plus rien. Chaher dit que la majorité des industriels sont partis pour investir ailleurs. Beaucoup de Gazaouis ont perdu leur emploi. Khaled Al-Wadiya a perdu dix millions de shekels quand l’électricité a été coupée. Il est parti en Jordanie, et il ne veut plus revenir à Gaza.
Car tout le monde a bien compris la leçon : les Israéliens ne veulent plus d’industrie dans la bande de Gaza. Ils ont détruit tout ce qui ressemblait à un atelier ou à une usine. C’est toute l’histoire industrielle de Gaza qui se termine. Cela peut paraître surprenant, mais il y avait une tradition de production dans la bande de Gaza, qui remonte loin. Prenons l’industrie du textile par exemple : pendant des années, des dizaines d’ateliers cousaient pour l’industrie israélienne du vêtement. De Gaza sortaient des pièces griffées Levi’s ou Nike. Les Israéliens fournissaient les tissus, les Gazaouis maniaient la machine à coudre. Cette collaboration s’était arrêtée, puis avait repris dans la zone industrielle de Karni.
L’armée israélienne a détruit le système santé et le système d’éducation. Elle a aussi anéanti le troisième pilier de tout État : l’économie et le système de production. Je ne parle pas des gens qui profitent de la guerre pour se faire beaucoup d’argent. Depuis le retour de l’Autorité palestinienne (AP) et même avant, pendant l’occupation, il y avait des industriels qui faisaient quelque chose pour leur pays, qui créaient des emplois. Tout cela est parti en fumée. Cette fois, il n’y aura plus personne pour investir à Gaza.
Je me rappelle très bien qu’au retour de Yasser Arafat et l’installation de l’AP à Gaza en 1994, l’économie avait fait un bond. Des hommes d’affaires étrangers étaient venus ici pour faire du business. Maintenant tout le monde fuit, à commencer par les Palestiniens. Des centaines de petits entrepreneurs sont devenus des marchands ambulants, comme Chaher Al-Helou, l’éleveur de poulets qui essaie de gagner entre 20 et 100 shekels (entre 5 et 25 euros) par jour au rond-point Nejma.
Et on ose dire que les Israéliens ne veulent pas pousser les Gazaouis à émigrer…
Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.
26 février 2024. Des Palestiniens se rassemblent au bord de la mer Méditerranée à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
AFP
Mercredi 24 avril 2024.
Aujourd’hui, il faisait à peu près 36 degrés. En rentrant des courses, j’ai annoncé à famille qu’on allait à la plage. Ça les a un peu étonnés parce qu’on sait que c’est un endroit risqué, les navires de guerre israéliens tirent régulièrement. Je savais qu’on ne serait pas les seuls, vu la température. Beaucoup de gens vont à la plage car la chaleur est insupportable sous les tentes.
On aurait pu croire en arrivant que c’était une journée d’été ordinaire à Gaza : il y avait beaucoup de monde sur la plage comme avant la guerre, des enfants construisaient des châteaux de sable ou fabriquaient des cerfs-volants aux couleurs du drapeau palestinien. À cette différence près : pour voir la mer, il fallait descendre de la corniche envahie par les tentes des déplacés.
ON OUBLIAIT TOUT
Beaucoup de femmes étaient là pour laver le linge, parce qu’il n’y a pas d’eau. C’est vrai que l’eau de mer ne lave pas bien à cause du sel, mais elles n’ont pas le choix. Il y avait des marchands ambulants qui vendaient des petits gâteaux pour les enfants, d’autres qui faisaient du pain chaud et des feuilletés au fromage avec des fours en argile qu’ils avaient transportés jusque-là. Ils avaient du bois pour allumer le feu. Certains vendaient des vêtements d’occasion usés pour femmes ou pour enfants.
rière, parce qu’elles n’ont plus que ça. C’est une espèce de voile qui couvre tout le corps. Beaucoup d’entre elles n’avaient plus de chaussures. Chez nous, il n’y a plus ni tongs ni pantoufles, ou alors elles sont abîmées, déchirées. On voit aussi des gens qui ont des paires de chaussures dépareillées. Mais à la plage, on oublie tout cela.
Pour la première fois, Walid était très content. Avant, il avait peur des vagues. Mais cette fois, il s’est baigné avec ses frères. On a construit des châteaux de sable. C’était la première fois qu’il prenait conscience de la plage, de la mer, des châteaux.
Heureusement qu’il y a la mer à Gaza. C’est vrai qu’on vit dans une prison à ciel ouvert. Mais même dans les pires conditions, il y a cette petite fenêtre. Je regardais les gens heureux de se baigner, le sourire des enfants. On oubliait tout, la misère, l’humiliation, les tentes, les bombardements, les massacres… Et de voir les gens s’amuser comme si de rien n’était m’a fait d’autant plus plaisir que cela n’a pas plu, je le sais, ni à Benyamin Nétanyahou, ni aux Israéliens en général.
MAHMOUD CÉLÈBRERA SON MARIAGE SUR LES DÉCOMBRES DE SA MAISON
Nétanyahou a dit au ministre des affaires étrangères allemand qu’il n’y avait pas de misère à Gaza puisque les gens s’amusaient à la plage. Les Israéliens veulent que la population de Gaza reste toujours dans la misère et sous les bombes. Ils n’arrivent pas à comprendre que malgré toutes ces années d’occupation depuis 1948, malgré le blocus, malgré les incursions militaires et les bombes, nous sommes un peuple qui aime la vie et qui veut toujours vivre, même si la mort est le prix à payer. Ils croient que nous sommes un peuple qui recherche la mort, mais nous sommes un peuple qui recherche la vie.
On a pris des risques pour aller à la plage parce qu’on aime la vie. On a continué à célébrer des mariages sous les tentes de fortune, parce qu’on aime la vie. Mahmoud le frère de Sabah, ma femme, devait se marier le 3 novembre. Le mariage avait été reporté. Maintenant, après la mort de son papa, il a pris la décision de se marier en mémoire de son père qui voulait voir ce jour. Il célèbrera son mariage sur les décombres de sa maison.
Nous risquons notre vie parce que nous aimons la vie. Nous allons chercher des sacs de farine en sachant qu’on risque d’être bombardés. Nous allons à la plage parce que nous aimons la vie, même si l’on sait très bien que les navires israéliens peuvent nous tirer dessus, comme c’est arrivé plusieurs fois. On veut rester à Gaza, on ne veut pas quitter cet endroit parce qu’on aime la vie.
Mahmoud Darwich l’a bien dit :
Nous aimons la vie autant que possible Là où nous résidons, nous semons des plantes luxuriantes et nous récoltons des tués Nous soufflons dans la flûte la couleur du lointain, lointain, et nous dessinons un hennissement sur la poussière du passage Nous écrivons nos noms pierre par pierre. Ô éclair, éclaire pour nous la nuit, éclaire un peu Nous aimons la vie autant que possible
On voyait très nettement les navires israéliens à quelques milles nautiques de la plage de Rafah. On entendait les bombardements des F-16, surtout du côté de Nusseirat et de Deir El-Balah. Mais ce moment à la mer nous a fait oublier tout ce bruit de tonnerre et de mort.
L’ÂNE « PLUS FIDÈLE QUE LES HUMAINS »
Je voulais parler de ça parce que tout le monde croit que Gaza, c’est juste la mort et la destruction. Malgré toutes les années de blocus, on a continué à vivre, on a fait des fêtes, on a fait des mariages, on est allé à la plage, on y a fait des barbecues et des fêtes.
On rentre de la plage à pied, ou à bord d’une charrette tirée par un cheval ou un âne, comme les gens les plus pauvres en utilisent à Gaza ; parfois la charrette est attelée à une voiture. Il y a aussi le bus bondé où les gens s’entassent les uns sur les autres. Nous avons eu la chance de trouver une charrette tirée par un âne. Cela m’a rappelé le jour où l’on a quitté la ville de Gaza : Walid et ma femme étaient montés pour la première fois sur une charrette, avec l’humiliation d’être chassé de chez soi.
Mais aujourd’hui, à bord de cette charrette, nous étions heureux. Nous venions de passer un très beau moment à la plage qui nous avait rappelé la belle époque où l’on s’amusait tout le temps, où l’on pouvait faire la fête sans risquer la mort, sans crainte de bombardements. L’homme qui conduisait la charrette disait qu’on était un peuple qui n’a pas peur de la mort, et que même si tout le monde parle d’une prochaine incursion militaire israélienne à Rafah, les gens continuent de vivre. Il a ajouté : « Soit nous avons perdu le sens de la peur, soit nous fuyons la peur pour rechercher un moment de joie. » C’est vrai : nous fuyons la peur pour chercher la joie, oublier tout ce qui se passe autour de nous. Nous sommes un peuple qui a toujours su s’adapter au pire. Ce n’est pas forcément quelque chose de positif, c’est vrai. S’adapter au pire, c’est aussi ne pas se révolter et accepter tout ce qu’on vous fait subir.
J’ai demandé à notre chauffeur : « Et toi, tu es prêt s’ils entrent à Rafah ? » Il m’a répondu :
Moi, je suis un déplacé du nord de la bande de Gaza. Ma famille et moi sommes arrivés ici à bord de cette charrette. Nous avons été les premiers touchés à Beit Hanoun1. Nous avons été déplacés plusieurs fois, au début c’était à Deir Al-Balah, puis Khan Younès et nous avons fini à Rafah. Cette fois-ci c’est pareil. On s’installera là où ils nous diront de s’installer. À Mawassi, au bord de la mer ? À Nusseirat, au centre de la bande de Gaza ? Je ne sais pas si l’on va rester en vie — ce serait tant mieux — ou si l’on va mourir. On a déjà affronté la mort plusieurs fois.
Quand il parlait de son âne, il disait :
Il est plus fidèle que les humains. Il a transporté des blessés et des morts au risque de se faire tuer, surtout au début de l’offensive, quand on était pris pour cible. Il n’y avait plus d’ambulances, ni de secouristes.
J’ai aimé cette ironie, sa façon de parler de cet animal plus fidèle que les êtres humains, ça m’a vraiment, vraiment touché. Malgré la violence de la guerre, cet âne n’a pas fui. Au contraire, il était là quand il fallait, comme un vrai ami, pour aider les gens. Ces mots sont restés gravés dans ma tête : nous sommes abandonnés par le monde entier qui nous regarde nous faire massacrer, pourtant cet animal, lui, ne nous a pas abandonnés.
Manifestation à l'Université George Washington à Washington en soutien aux Palestiniens à Gaza.
Des centaines d'arrestations, des policiers antiémeute face à des étudiants qui ne décolèrent pas : la tension reste électrique jeudi sur les campus américains, où le mouvement de protestation contre la guerre à Gaza se généralise dans le pays.
De Los Angeles à Atlanta, d'Austin à Boston, en passant par Chicago, le mouvement d'étudiants américains propalestiniens grossit d'heure en heure après être parti il y a plus d'une semaine de l'Université Columbia à New York. Certaines des universités les plus prestigieuses du monde sont concernées, dont Harvard, Yale ou encore Princeton.
Les scènes se suivent et se ressemblent : des élèves installent des tentes sur leurs campus pour dénoncer le soutien militaire des États-Unis à Israël et la catastrophe pour l’humanité dans la bande de Gaza.
Puis, ils sont délogés, souvent de façon musclée, par des policiers en tenue antiémeute, à la demande de la direction des universités.
Des étudiants de l'Université Columbia participent à un campement propalestinien sur leur campus après l'arrestation, la semaine dernière, de plus de 100 manifestants, le 23 avril 2024, à New York.
PHOTO : GETTY IMAGES / STEPHANIE KEITH
Mercredi soir, plus d'une centaine de manifestants ont ainsi été arrêtés aux abords d'Emerson College, une université à Boston. À des milliers de kilomètres de là, des officiers à cheval ont appréhendé des étudiants à l'Université du Texas, à Austin.
À l'Université Emory d'Atlanta, dans le sud-est des États-Unis, des manifestants ont été délogés manu militari par la police, certains projetés au sol pour être arrêtés, selon des images d'un photojournaliste de l'AFP.
La police d'Atlanta a reconnu dans un communiqué avoir utilisé des agents chimiques irritants sur les manifestants en raison de la violence de certains.
Malgré tout, le mouvement grandit
Tôt jeudi, un nouveau campement a été installé à l'Université George Washington dans la capitale.
Sur celui de UCLA, à Los Angeles, plus de 200 étudiants ont installé un mini-village d'une trentaine de tentes, barricadés par des palettes et des pancartes.
Kaia Shah, une étudiante en sciences politiques de 23 ans, s'enthousiasme de l'élargissement du mouvement.
C'est formidable ce que nous voyons dans d'autres campus, cela montre combien de personnes soutiennent cette cause, estime-t-elle.
À Austin, ils étaient près de 2000 jeudià l'extérieur de l'Université du Texas pour manifester leur soutien à Gaza, aux sons de : Libérez la Palestine!
Pour Kit Belgium, une professeure de cette université, le campus a besoin de voir la libre expression et le libre-échange des idées.
Et si l'université ne peut pas tolérer cela, alors elle n'est pas digne de ce nom, ajoute-t-elle à l'AFP.
Contre-manifestation
Près du rassemblement propalestinien, une trentaine d'étudiants ont organisé une contre-manifestation.
Jasmine Rad, une étudiante juive à l'Université du Texas, croit que les manifestations de soutien à Gaza sont dangereuses pour les étudiants juifs.
Cela nuit aux étudiants juifs et aux étudiants qui ne se sentent pas en sécurité à cause de la violence sur notre campus, explique cette étudiante en journalisme de 19 ans.
L'Université de Californie du Sud, à Los Angeles, où 93 personnes ont été interpellées mercredi, a annoncé jeudi l'annulation de sa principale cérémonie de diplôme cette année, officiellement en raison de nouvelles mesures de sécurité.
Jason Miller, un conseiller de Donald Trump, s'est emparé de l'annonce, affirmant sur X, que sous Joe Biden, votre cérémonie de diplôme ne sera pas assurée de se dérouler.
L'ex-président républicain, qui affrontera son rival démocrate à la présidentielle de novembre, a dénoncé lui-même les manifestations propalestiniennes, les qualifiant sur sa plateforme Truth Social de honte pour les États-Unis.
Liberté d'expression
La veille, le ténor républicain au Congrès Mike Johnson s'était rendu à l'Université Columbia, où il a fustigé le virus de l'antisémitisme se propageant sur les campus.
La Maison-Blanche assure de son côté que Joe Biden, qui espère être réélu en novembre, soutient la liberté d'expression, le débat et la non-discrimination dans les universités.
La guerre a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent menée depuis Gaza contre Israël par des commandos du Hamas, et qui a entraîné la mort de 1170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
En représailles, Israël a promis de détruire le mouvement islamiste, et sa vaste opération militaire dans la bande de Gaza a fait jusqu'à présent 34 305 morts, majoritairement des civils, selon le Hamas.
Lors d'une recherche sur internet, Wikipedia indique : « Vous lisez un bon article labellisé en 2007 » où est écrit, il « lui arrive lui-même de fouetter (de ses 1,88 m) des femmes enceintes les accusant de mentir sur leur état...
Les esclaves travaillent du lever au coucher du soleil, soit environ 18 heures par jour. Lorsqu'un jour, un esclave tente de lui faire valoir que son bras en écharpe l'empêche de travailler, il lui montre comment utiliser un râteau avec une seule main et le réprimande en ces termes : « Si une seule main te suffit pour manger, pourquoi ne te suffit-elle pas pour travailler » ? Cet homme est George Washington le 1er Président des Etats-Unis. Il était l'un des planteurs les plus riches de Virginie.
Les historiens de la bourgeoisie, leurs romanciers, leur cinéma, leurs médias et leurs réseaux sociaux sont arrivés à faire respecter dans le monde leurs leaders et leur récit, compris à des arrières-petits-fils d'esclaves. Le but des bourgeois occidentaux est de nous faire aimer et accepter nos ennemis, c'est-à-dire leurs alliés, pour les innocenter de leurs crimes ou sinon recommencer les massacres, aidé en cela par leur 5e Colonne, formée de leurs obligés.
Thomas Jefferson, le 3e Président étasunien, était parmi les premiers à recourir aux marchés boursiers pour capitaliser sur les vies de son cheptel humain en adossant ses crédits à leur valeur titrée. C'était possible depuis 1810, quand la terre était moins cotée que le corps de l'esclave. Cette valeur entraîne la création d'usines d'exploitation industrielle des corps féminins pour la procréation par des violations et des accouplements forcés. Cette exploitation de la femme s'impose au capital pour pallier au manque de mains-d'œuvre, après la suppression de la traite négrière par la Grande-Bretagne en 1808. Le capitalisme est comme une hydre, qui a la tête des Présidents étasuniens sauf lors du fascisme nazi et du génocide de Ghaza lorsqu'elle épouse la tête d'Hitler et de Netannyahou.
La journaliste Christiana Martins révèle qu'au Portugal et en Espagne du XVIe siècle existaient de telles « usines » et pose la question : combien de centres de reproduction d'esclaves sous le couvert de reproduction d'animaux ?
Ce « commerce inscrit sous la vente de chevaux n'apparaît pas dans les chroniques historiques de façon claire et c'est la raison pour laquelle sans doute que ce trafic a rarement été cité par les historiens, le travail de recherches reste à faire, écrit Djemâa Chraïti sur son blog.
Pour assurer la pérennité de tels êtres vivants, élevés dans la peur et la corvée, la loi fait référence au dogme issu du droit romain, qui stipule que tout enfant né d'une esclave est propriété du maître et esclave perpétuel ou la goutte de sang est la marque génétique qui est indissociable dans le métissage.
L'esclavagiste et le colon deviennent semblables à l'esclave car « un être n'est pas une chose et surtout pas une peur irrationnelle de l'autre. Cette peur du monde, cette peur de soi-même s'entourant de murailles, de gardes-chiourmes, d'avions de chasse, de tanks, de tricherie, de bonne conscience et de tueurs, volant la terre et la vie, ne relève pas de l'être. Dans ce sens-là, malgré son enfermement depuis 22 ans, Marwan Barghouthi est un homme libre », écrit Cham Baya dans son blog. On peut extrapoler ses dernières paroles à tous les détenus politiques à travers le monde et particulièrement à Georges Ibrahim Abdallah et Léonard Peltier, cet Amérindien, moins connu, est en prison à vie depuis 1976, pour avoir mis hors d'état de nuire deux agents du FBI. Pour nous, son acte est non seulement légitime mais héroïque car il répond à la violence que subit le peuple indien depuis cinq siècles par une contreviolence de l'opprimé qui est « une revendication de dignité ouvrant la voie à un avenir historique et humain » comme le dit Jean Améry.
La voie des peuples suit toutes les révolutions et toutes les résistances au mépris, à l'oppression, à la servitude, au racisme, au capitalisme, au colonialisme. Cette voie trace l'histoire à très long court. Elle ne s'arrêtera que quand l'homme et la femme dans le monde seront libres et quand la nature sera respectée. Il est utile de rappeler qu'aucune victoire n'est irréversible tant que règne l'injustice.
La voie opposée est dans les marques des innombrables actes d'injustices au quotidien que subissent les peuples et dont la plus visible aujourd'hui est la poursuite du génocide en Palestine qui est aussi un avertissement de l'impérialisme pour dissuader tous ceux qui luttent pour leur indépendance, leur dignité et leur liberté. Dès que la possibilité d'un monde multipolaire a pointé son nez, le monde occidental s'est recroquevillé, laissant apparaître la transformation des patrons décideurs en esclavagistes des temps éculés. Il refuse tout autre monde que le leur, car pour eux, l'autre ne peut exister que soumis. Poutine, cet autre maure, a compris juste à temps et a lancé une offensive pour bloquer l'impérialisme à la frontière de son pays.
La résistance, en Irak, en Syrie et dans toute la région a affaibli les Etats-Unis au point de les acculer à ne pas céder toute la Palestine et particulièrement Ghaza qui est un carrefour névralgique pour le futur et un gisement gazier conséquent, surtout qu'ils ont toujours Israël, sous la main, comme nettoyeur et agent de déstabilisation. Un Etat nucléaire comme 5e Colonne au Moyen-Orient, au moment où le colon en s'accaparant des terres, l'aide à se maintenir. Ces derniers sont tous occidentaux, et on dit que les riches terres agricoles de l'Ukraine sont de plus en plus étasuniennes.
La résistance palestinienne et à sa tête Hamas leur a fait avaler leur accord d'Abraham le 7 octobre 2023 et les a vaincus puisque après 6 mois de bombardement et de terreur dans l'enclos, ni le peuple, ni son mouvement de libération ne semblent vaincus bien au contraire. La Palestine a gagné la bataille en cours puisque la résistance est toujours à l'offensive contre l'armée d'occupation et le peuple n'a pas abandonné malgré les bombardements, la famine et les colons.
Cette énième victoire de la résistance des peuples entraînera probablement une remise en cause de l'existence de l'Etat sioniste et installera plus de violence lors des élections présidentielles étasuniennes par un remake de l'assaut du Capitole du 6 janvier 2021 par les suprématistes blancs de Trump et consorts où à l'inverse, s'il est permis de rêver, la situation évoluera jusqu'à sortir les contestataires de la colonisation interne, les antiracistes pour occuper la rue et fait dire que Ghaza est aujourd'hui la ligne de démarcation politique et idéologique entre l'humanité révolutionnaire et la barbarie capitaliste.
J'ai lu une tribune qui commence par « Plus de 200 détenus en Algérie ». Des associations qui lancent l'appel pour leur libération ignorent combien ils sont exactement comme, nous, nous ne savons toujours pas qui sont-ils exactement. Oui, si je suis d'accord pour la libération des détenus politiques et d'opinion, je ne suis pas d'accord pour la libération des terroristes qui, en Algérie, sont l'avant-garde de la Réaction. J'ai l'impression que cet appel concerne plutôt ces derniers. Je dénonce donc l'amalgame entretenu dans cette tribune.
Une enquête de + 972 Magazines dévoile l'existence d'un système d'intelligence artificielle israélien, nommé «Lavender» et chargé de pointer des cibles humaines à Ghaza.
Il semble avoir pris le pouvoir sur les décisions humaines. «Lavender», auquel Israël a semble-t-il délégué parfois aveuglément ses tâches de tri de l'information et de choix des cibles.
i Géo.fr
ii Yuval Abraham journaliste et réalisateur israélien
iii Hannah Arendt philosophe allemande
iv Frantz Fanon psychiatre algérien et écrivain
«Where's Daddy ?» ou les bombardements en aveugle et automatique
C'est donc à «Lavender» qu'a été confiée cette tâche, de manière presque automatique. C'est ainsi que l'intelligence artificielle militaire israélienne a fini par pointer 37.000 personnes comme des cibles «légitimes» parmi la population de Ghaza pour établir une «kill list», une liste des personnes à abattre.
«Ils voulaient nous permettre d'attaquer les jeunes combattants du Hamas automatiquement. C'est un Graal. Une fois qu'on fait les choses de manière automatique, la génération de cible devient folle», explique ainsi l'un des officiers israéliens anonymes interrogés par la publication.
À partir de ce moment, écrit Yuval Abraham ii pour +972 Magazine, l'armée n'a plus eu qu'à exécuter les ordres de frappes, sans plus de vérification. «À cinq heures du matin, l'armée de l'air arrivait et bombardait toutes les maisons marquées», explique l'une des sources du journaliste, réalisateur. «Nous avons tué des milliers de personnes. Nous ne l'avons pas fait une par une nous avons tout entré dans un système automatique et à partir du moment où l'une des personnes ciblées était à la maison, il devenait immédiatement une cible. On le bombardait lui et sa maison.
Comme le prouve le nombre colossal de morts à Ghaza depuis le début de cette guerre, le ministère de la Santé du Hamas en ayant compté plus de 32.000 comme un tel système ne peut qu'être ravageur pour les vies, qu'elles soient celles de militaires et de militants, des civils qui accompagnent leurs vies, ou de celles et ceux qui ont le malheur de se tenir dans les environs.
L'édifiante enquête de Yuval Abraham explique également la genèse de «Lavender» et la manière dont le système a fini par prendre une place centrale, sinon le pouvoir, dans les mécanismes décisionnels de Tsahal. Il explique également le fonctionnement de la chose, par définition inhumaine.
Les bombardements en aveugle et automatiques
La situation que nous décrivons est extrêmement préoccupante. Les bombardements continus par l'armée israélienne sur Ghaza ont des conséquences dévastatrices pour la population civile, entraînant des pertes en vies humaines, des blessures graves et la destruction de biens essentiels, tels que les infrastructures civiles, les écoles et les hôpitaux. Dans de telles situations, il est crucial que la Communauté internationale agisse rapidement pour mettre fin aux violences et œuvrer à une solution durable au conflit israélo-palestinien. Cela peut nécessiter une intervention diplomatique intense, y compris des efforts de médiation pour négocier un cessez-le-feu et relancer les pourparlers de paix entre Israël et les autorités palestiniennes.
En attendant, il est impératif que des mesures soient prises pour garantir la protection des civils, dans la bande de Ghaza et pour répondre à leurs besoins humanitaires urgents, y compris l'accès à l'aide médicale, à la nourriture et à l'eau potable. Les parties au conflit doivent respecter le Droit international humanitaire et prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter les pertes civiles et les dommages collatéraux.
Il est également essentiel que les Nations unies et d'autres organisations internationales continuent de surveiller la situation de près et de faire pression sur toutes les parties impliquées pour qu'elles respectent les normes du Droit international et travaillent de manière constructive à une résolution pacifique du conflit. Il convient de noter que la Cour internationale de Justice (CIJ) a qualifié la situation à Gaza de «début d'un génocide». La CIJ est l'organe judiciaire principal des Nations unies et est chargée de régler les différends juridiques entre États conformément au Droit international. Bien qu'elle ait examiné plusieurs aspects du conflit israélo-palestinien, elle a émis un jugement spécifique qualifiant les événements à Ghaza de génocide.
En plus des organisations de défense des Droits de l'homme et des experts indépendants ont régulièrement exprimé des préoccupations concernant les violations des Droits de l'homme et du Droit humanitaire international dans la région, notamment des actes qui pourraient constituer des crimes de guerre ou des crimes contre l'Humanité. Il est important de poursuivre les efforts visant à garantir que toutes les parties respectent le Droit international humanitaire et les normes des Droits de l'homme, et à promouvoir une solution pacifique et juste au conflit israélo-palestinien. Cela nécessite un engagement ferme de la part de la Communauté internationale et des acteurs régionaux pour faire avancer le processus de paix et répondre aux besoins humanitaires urgents des civils touchés par le conflit. L'utilisation d'armes guidées par l'intelligence artificielle (IA) dans les conflits armés, y compris dans la bande de Ghaza, soulève en effet des préoccupations quant à la déshumanisation et à la responsabilité morale des acteurs impliqués. Les armes autonomes ou semi-autonomes, contrôlées par des algorithmes d'IA, peuvent prendre des décisions de ciblage et d'engagement, sans intervention humaine directe, ce qui soulève des questions éthiques importantes.
Dans le contexte de la philosophie d'Hannah Arendt
iii sur la banalité du mal, l'utilisation de telles armes pourrait être perçue comme une extension de la désensibilisation et de la déshumanisation des victimes.
Oui, la situation à Ghaza est étroitement liée à l'héritage colonial et aux conflits territoriaux qui ont marqué l'histoire de la région. La création de l'État d'Israël en 1948 a déclenché une série de conflits avec les États arabes voisins et a entraîné l'exode de centaines de milliers de Palestiniens de leurs foyers, ce qui est connu sous le nom de Nakba, ou «catastrophe» en arabe. Depuis lors, les tensions territoriales, les affrontements armés et les cycles de violence se sont perpétués, entraînant de nombreux morts, blessés et déplacés.
La situation actuelle à Ghaza est également influencée par les politiques d'occupation et de blocus menées par Israël, qui exerce un contrôle strict sur les mouvements de personnes et de biens dans la bande de Ghaza. Cette occupation et ce blocus ont des conséquences dévastatrices sur la population civile, notamment en limitant l'accès aux services de base tels que l'eau potable, les soins de santé et l'éducation.
De plus, les colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, considérées comme illégales par le Droit international, exacerbent les tensions et compliquent les perspectives de paix et de résolution du conflit.
En résumé, la situation à Ghaza est profondément enracinée dans l'histoire coloniale de la région et dans les conflits territoriaux qui ont émergé de la création de l'État d'Israël. Pour parvenir à une paix durable, il est nécessaire de reconnaître et de traiter ces questions fondamentales, tout en respectant les droits et la dignité de toutes les personnes touchées par le conflit.
Les défis éthiques:
L'utilisation de l'IA dans la guerre pose de nombreux défis éthiques. L'IA peut être utilisée pour cibler des civils, pour diffuser de la désinformation et pour mener des attaques autonomes qui échappent au contrôle humain. Il est important de mettre en place des garde-fous et des réglementations pour limiter les risques et garantir un usage responsable de l'IA dans les conflits armés.
Qu'aurait pensé Hannah Arendt et Frantz Fanon de cette nouvelle version de la violence
Hannah Arendt et Frantz Fanon face à la violence technologique à Gaza.
Hannah Arendt, philosophe politique allemande, s'est penchée sur les origines du totalitarisme et de la violence politique dans ses écrits. Elle aurait sans doute été consternée par l'utilisation de l'IA dans la guerre à Ghaza.
La banalité du mal: Arendt a analysé le concept de «banalité du mal» pour décrire les crimes nazis commis par des individus ordinaires. Elle aurait probablement vu dans l'utilisation de l'IA une nouvelle forme de «banalité du mal», où la technologie permet de tuer et de détruire à distance, en dépersonnalisant la violence et en diluant la responsabilité des actes.
La perte du monde commun: Arendt a également souligné l'importance du «monde commun» comme espace de dialogue et d'action politique. L'utilisation de l'IA pour la désinformation et la propagande menacerait cet espace commun, en fragmentant la réalité et en nourrissant la méfiance entre les individus.
Frantz Fanon, psychiatre et révolutionnaire algérien d'origine martiniquaise a analysé les effets de la colonisation et de la violence sur les peuples opprimés. Il aurait probablement vu dans l'utilisation de l'IA par Israël une nouvelle forme de colonialisme technologique.
La violence comme outil de domination: Fanoniv a soutenu que la violence est souvent utilisée par les oppresseurs pour maintenir leur domination et pour déposséder les peuples colonisés de leur humanité. Il aurait probablement vu dans l'utilisation de l'IA par Israël une nouvelle forme de violence coloniale, visant à déshumaniser et à assujettir le peuple palestinien.
Le droit à la résistance: Fanon a également défendu le droit des peuples opprimés à la résistance. Il aurait probablement encouragé le peuple palestinien à résister à l'invasion israélienne, y compris en utilisant les technologies disponibles pour se défendre et pour diffuser son message.
En conclusion, Hannah Arendt et Frantz Fanon auraient probablement condamné l'utilisation de l'IA, dans la guerre à Ghaza. Ils auraient vu dans cette technologie une nouvelle forme de violence et de domination, qui menace le monde commun et les droits des peuples opprimés.
Points importants à retenir: Arendt et Fanon se seraient opposés à l'utilisation de l'IA pour la guerre et la violence.
Ils auraient condamné la déshumanisation et la destruction causées par cette technologie. Ils auraient appelé à la responsabilité et à la réglementation de l'IA dans les conflits armés.
Notez que les opinions d'Arendt et Fanon sur ce sujet précis ne peuvent être que spéculatives, car ils ne sont pas en vie pour commenter les événements de Gaza. Néanmoins, leurs analyses de la violence et de la domination nous permettent de mieux comprendre les implications éthiques de l'utilisation de l'IA dans la guerre.
Israël vise un million de colons en Cisjordanie occupée d’ici dix ans et le monde regarde hypocritement, en premier les Américains, mais aussi les pays européens, y compris la France, sans réagir… en dehors des mots (sans valeur et impuissants)… en laissant se produire un génocide à Gaza.
Aux dernières nouvelles le bilan total est de 34183 morts Palestiniens, majoritairement des civils, et 77143 blessés (Source : le quotidien La Croix)
Un quart de million de Palestiniens ont quitté Rafah pour regagner le reste du territoire depuis le retrait partiel de Tsahal.
Au plus fort de l'opération militaire dans la bande de Gaza, 1,3 million de Palestiniens vivaient dans la grande ville du sud de Gaza.
Vue d'un camp de tentes de fortune pour les Palestiniens déplacés par l'offensive terrestre israélienne sur la bande de Gaza, à Rafah, dans la bande de Gaza, dimanche 18 février 2024.AP Photo/Mohammed Dahman
Depuis le retrait de la majorité des forces de Tsahal de la bande de Gaza, environ 250000 Palestiniens ont quitté la ville de Rafah, située au sud du territoire, pour s'installer dans des zones plus au nord, principalement entre Nuseirat et Khan Younès, au sud de la ligne de Wadi Gaza, a rapporté vendredi la chaîne Kan 11. Au plus fort de l'opération militaire dans la bande de Gaza, 1,3 million de Palestiniens vivaient à Rafah.
PHOTO AMMAR AWAD, ARCHIVES REUTERS
Des constructions israéliennes en Cisjordanie.
Ziad Majed, politologue et professeur d'études sur le Proche et Moyen-Orient à l'université américaine de Paris, était l'invité de France 24 ce dimanche 21 avril 2024. Il revient notamment sur la situation en Cisjordanie occupée.
Par micheldandelot1 dans Accueil le 24 Avril 2024 à 09:47
La prestigieuse université new-yorkaise est l’épicentre des crispations agitant les campus américains dans le sillage de la guerre à Gaza. Des arrestations ont déclenché des mouvements de solidarité dans tout le pays, où les tiraillements sont vifs entre les manifestants propalestiniens et leurs adversaires, qui pointent des dérives antisémites.
Quelques mois après l’apparition des premières tensions sur les campus dans le sillage de la guerre à Gaza, les universités sont à nouveau gagnées par des crispations aux États-Unis. L’épicentre des divisions se trouve ces jours-ci à New York, sur le campus de Columbia, théâtre de manifestations propalestiniennes quotidiennes. À tel point que la direction a annoncé lundi 22 avril que les cours se feraient à distance, le temps que le calme revienne.
Crispations à Columbia, et effet tache d’huile
L’arrestation, jeudi, de plus d’une centaine de manifestants protestant contre la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza n’a pas contribué à apaiser les esprits. Pour les uns, ces arrestations constituent une atteinte à la liberté d’expression, bienvenue sur les campus ; pour les autres, il s’agit de lutter contre l’essor de l’antisémitisme, des étudiants juifs dénonçant des actes d’intimidation. La mobilisation n’a toutefois pas faibli, des manifestants installant des dizaines de tentes sur l’esplanade centrale de Columbia. Parmi leurs revendications figure le boycott de toute activité de l’université en lien avec Israël, à commencer par un programme d’échanges avec Tel-Aviv.
Ces arrestations ont par ailleurs déclenché des mouvements de solidarité dans le pays. Lundi, plus de 130 personnes ont été interpellées à l’université Yale, au nord de New York, et à la New York University, à Manhattan. Le parc du campus de Harvard, dans les environs de Boston, est fermé au public toute la semaine. Un groupe propalestinien a annoncé sa suspension par l’université.
Des auditions au Congrès sur l’antisémitisme sur les campus
Depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, les universités américaines sont le théâtre de tensions et des voix s’élèvent pour dénoncer une montée de l’antisémitisme. Les républicains, majoritaires à la Chambre des représentants, se sont emparés du sujet, sous la houlette de l’élue trumpiste de l’État de New York, Elise Stefanik. Après une audition houleuse, la présidente de l’université de Pennsylvanie Elizabeth Magill, puis son homologue de Harvard Claudine Gay avaient fini par démissionner, en décembre et en janvier.
Auditionnée à son tour par le Congrès le 17 avril, la présidente de Columbia a été plus ferme que ces dernières. Nemat Shafik a assuré que l’« antisémitisme (n’avait) rien à faire sur notre campus». Ce qui n’a pas empêché les appels à sa démission d’élus républicains, qui dénoncent l’« anarchie » sur le campus new-yorkais.
La controverse est telle que, lundi, le locataire de la Maison-Blanche est intervenu dans le débat. Joe Biden a condamné les « manifestations antisémites » tout en dénonçant « ceux qui ne comprennent pas ce que vivent les Palestiniens ». Pour le président américain, la tâche est délicate : il s’agit d’être ferme contre toute flambée d’intolérance, sans écarter les militants propalestiniens, qui gagnent du terrain au sein de la gauche américaine et de la jeunesse.
Les événements publics de Joe Biden, en campagne pour sa réélection, sont régulièrement perturbés par des militants opposés au soutien américain à Israël. Et les médias évoquent déjà le spectre de l’élection présidentielle de 1968, perturbée, notamment lors de la convention démocrate de Chicago, par les militants opposés à la guerre au Vietnam
Le chef du renseignement militaire israélien, Aharon Haliva, a annoncé lundi 22 avril qu’il quittait ses fonctions, en reconnaissant son incapacité à prévenir et empêcher l’incursion sanglante du Hamas du 7 octobre 2023. Une démission qui accentue la pression sur d’autres responsables militaires et politiques, à commencer par Benyamin Netanyahou.
Est-ce le premier d’une longue série de dominos à tomber ? Beaucoup en Israël l’espèrent ardemment, deux cents jours après les attaques meurtrières perpétrées par le Hamas le 7 octobre 2023. Le directeur du renseignement militaire (Aman), le général Aharon Haliva, a annoncé lundi 22 avril qu’il quittait son poste, après trente-huit années de service dans l’armée, en reconnaissant sa « responsabilité » dans l’assaut sanglant. Il était devenu le visage d’un establishment sécuritaire incapable d’anticiper la menace du mouvement armé palestinien et de prévenir le carnage.
Dans une lettre adressée au général Herzi Halevi, chef d’état-major de l’armée, Aharon Haliva assume ses défaillances dans ce qui est devenu la journée la plus meurtrière de l’histoire d’Israël. « Le 7 octobre 2023, (…) le service du renseignement placé sous mon commandement n’a pas rempli la mission qui lui avait été confiée », écrit le responsable, qui était en vacances à Eilat le jour de l’assaut survenu en pleine fête de Sim’hat Torah. « Je porte avec moi ce jour noir depuis. Jour après jour, nuit après nuit. Je porterai pour toujours cette terrible douleur », ajoute-t-il, dans ce texte publié au premier jour de Pessah, la Pâque juive assombrie par l’absence des otages retenus à Gaza depuis plus de six mois (lire les repères en bas de l’article).
L’appel à une commission d’enquête
Le général de 56 ans, qui quittera l’armée une fois son successeur nommé, avait laissé entendre au lendemain des attaques qu’il prendrait ses responsabilités à l’issue de la guerre. « Son annonce, six mois plus tard, s’explique par le fait que la phase intensive, sous la forme de grandes manœuvres interarmées, est quasi terminée », note David Khalfa, codirecteur de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à la Fondation Jean-Jaurès. « Et le fait qu’elle soit acceptée par le chef d’état-major en pleine guerre montre que l’armée estime qu’il est temps de revenir en arrière et de faire un examen de conscience. »
Aharon Haliva, qui devient ainsi le premier membre de l’establishment sécuritaire à endosser la responsabilité de cette débâcle, réclame également la création d’un comité d’enquête étatique. Un appel qui fait écho à la commission Agranat sur les défaillances de l’armée sur la guerre du Kippour en 1973, ou plus récemment à celle de Winograd en 2006 après le conflit avec le Liban.
« Le fait qu’un des personnages les plus respectés du pays réclame une enquête n’est pas anodin. Sa déclaration donne le coup d’envoi d’une grande autocritique collective qui va se mettre en place pour examiner la responsabilité du personnel militaire et politique dans les prochains mois », ajoute le spécialiste du Proche-Orient. Une demande à laquelle les familles des otages et les manifestants anti-Benyamin Netanyahou devraient rapidement s’associer.
Un nouveau souffle pour les manifestations anti-Netanyahou
Cette annonce accentue de facto la pression sur d’autres hauts responsables et sur le premier ministre qui, contrairement à Herzi Halevi et à Ronen Bar, le chef du renseignement intérieur Shin Bet, n’a jamais reconnu son rôle dans l’échec du 7 octobre. Le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, l’a d’ailleurs aussitôt exhorté à emboîter le pas de Aharon Haliva. « L’autorité s’accompagne de lourdes responsabilités », a-t-il écrit sur le réseau social X.
« Cette démission est le geste inaugural d’une nouvelle crise qui sera longue. Elle va enclencher un processus en interne qui aboutira tôt ou tard à la démission du général HerziHalevi, de responsables du commandement sud, de brigadiers… Mais la pression va s’accroître sur le personnel politique et donner un nouveau souffle aux manifestations anti-Netanyahou, ajoute David Khalfa. La droite pro-Netanyahou fera tout pour échapper à une enquête, en diabolisant l’état-major pour s’exonérer. Mais le soutien de la population à l’armée reste très important, contrairement à celui pour le premier ministre. Je ne vois pas comment il pourra tenir sur le long cours. »
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1 170 morts et encore 129 otages dans la bande de Gaza
Le 7 octobre 2023, l’incursion sanglante du Hamas a causé la mort de 1 170 personnes, essentiellement des civils, d’après un décompte de l’Agence France-Presse fondé sur des chiffres officiels israéliens.
Les commandos du mouvement islamiste palestinien ont aussi enlevé 250 personnes, dont une centaine ont été libérées au cours de la trêve de la fin novembre.
Parmi les otages toujours captifs, 34 seraient morts, selon Israël.
Lundi 22 avril, premier jour de Pessah, les juifs israéliens ont laissé une chaise vide lors de leur repas de fête, symbole de l’espoir de voir revenir les 129 otages toujours détenus dans l’enclave palestinienne.
Officier ! Quand on a quelque lien de parenté avec Crésus, on peut bénéficier de quelques milliards de plus. Le mauvais sang rend d’office les uns et les autres, complices. Complices des mêmes méfaits et des mêmes forfaits. Je ne vous apprends rien, le grand banditisme est un fait et non un conte de fées.13 milliards de dollars octroyés généreusement à l’armée Israélienne pour qu’elle parachève la raison Palestinienne.
La solidarité avec la Palestine est devenue un délit. Vouloir l’exprimer par la parole, l’écrit ou la manifestation, est passible de convocation policière, de condamnation pénale ou d’interdiction préalable. Tous les démocrates devraient s’en inquiéter.
DesDes préfets aux parquets en passant par les policiers, le gouvernement a donc fait passer la consigne : afficher sa solidarité avec la Palestine est un délit potentiel.
Tandis que ne sont aucunement inquiétés les excès des ultras de la cause israélienne, dont le député LR Meyer Habib se fait le bruyant porte-parole, le moindre soupçon d’ambiguïté vis-à-vis des actions du Hamas ou de la légitimité d’Israël sert de prétexte pour faire taire, intimider ou stigmatiser les voix militantes de la cause palestinienne, promptement accusées de terrorisme ou d’antisémitisme.
Qu’on en juge. Un syndicaliste CGT a été condamné à un an de prison avec sursis pour un simple tract diffusé après les massacres du 7 octobre 2023. Dans une formulation malvenue, qu’il reconnaîtra volontiers à la barre du tribunal, il entendait dénoncer cet engrenage fatal dans lequel la violence coloniale entraîne la violence terroriste.
Avant le procès, de nombreuses personnalités syndicales et associatives s’étaient inquiétées de cette volonté « d’assimiler toute contestation politique ou sociale à du terrorisme », tandis que la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, alertait sur un « contexte de répression […] inédit depuis l’après-guerre ».En vain, le tribunal de Lille ayant suivi à la lettre les réquisitions de la procureure de la République.
Pour avoir pareillement, sur les réseaux sociaux, inscrit l’attaque terroriste du Hamas dans la longue durée du conflit israélo-palestinien, plusieurs activistes, dont la militante antiraciste Sihame Assbague, sont convoqué·es par la police pour des auditions au motif d’une « apologie du terrorisme ». Parmi eux, la juriste franco-palestinienne Rima Hassan qui fait campagne aux élections européennes, en septième position sur la liste de La France insoumise.
Sa convocation lui a été notifiée au lendemain de la double interdiction, par le président d’université puis par le préfet de région, du meeting pour la Palestine qu’elle devait tenir à Lille, en compagnie de Jean-Luc Mélenchon. Dénonçant « un climat général tendant à faire taire les voix qui s’élèvent pour appeler à la protection des droits des Palestiniens et condamner les exactions commises par Israël dans la bande de Gaza », son avocat, Me Vincent Brengarth, s’alarme d’un dévoiement de l’infraction d’apologie du terrorisme « au profit d’une criminalisation évidente de la pensée ».
Suspicion générale et impunité audiovisuelle
Le même jour, le tribunal administratif, statuant en référé, s’alarmait d’une « atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifestation » en annulant la décision du préfet de police de Paris d’interdire la marche du 21 avril« contre le racisme, l’islamophobie et pour la protection de tous les enfants », au prétexte qu’elle pouvait « porter en son sein des slogans antisémites ». Dans son jugement, le tribunal souligne, au contraire, que les organisateurs avaient prévu « de contrôler les prises de parole au micro afin de faire obstacle à tout discours antisémite ».
Ce ne sont là que les manifestations les plus visibles d’une suspicion générale qu’amplifient les médias de masse, radio et télévision, aux mains de propagandistes d’extrême droite grâce à l’impunité audiovisuelle dont bénéficie le groupe Bolloré dans le camp présidentiel. Mais elle déborde bien au-delà jusqu’à être relayée par des figures politiques se réclamant de l’opposition de gauche socialiste, dont certaines n’hésitent d’ailleurs pas à l’exprimer sur ces mêmes chaînes dévolues à la haine du musulman, de l’Arabe et de l’immigré.
La Palestine sert ici d’énième prétexte pour banaliser ces thématiques discriminantes en assumant l’importation en France d’un conflit de civilisation, où Israël serait une bastille occidentale face au péril islamiste. Loin du bruit médiatique, il faut imaginer les conséquences muettes et silencieuses pour les concerné·es, pas forcément militants, encore moins radicaux, que tous ces mots et tous ces actes blessent au plus profond de leur être.
Au point qu’ils se sentent désormais exclu·es de leur propre pays ; tellement grande est leur solitude en l’absence d’indignation massive et de solidarité étatique face aux stigmatisations qu’ils vivent. Bientôt en librairie sous l’intitulé La France, tu l’aimes mais tu la quittes(Seuil), une vaste enquête sociologique sur la diaspora française musulmane montre que des milliers de Français et Françaises ont déjà quitté leur pays, depuis la terrible année des attentats de 2015 (lire cette récente enquête du Monde).
Polémiques récurrentes sur les tenues des élèves musulmanes, sanctions administratives contre des lycées privés musulmans, intolérance vis-à-vis du jeûne du ramadan dans le football : en s’en tenant aux seuls derniers mois, c’est peu dire que cette persécution est devenue banale, acceptée par la plupart des courants politiques. La diabolisation des engagements en faveur de la cause palestinienne s’y ajoute, moyen polémique de jeter, s’il en était encore besoin, un peu plus d’huile sur le feu. Un feu qui se répand depuis si longtemps déjà, dans une sinistre indifférence.
Car les interdits qui, aujourd’hui, frappent l’expression de la solidarité avec la Palestine s’inscrivent dans la continuité de la décennie écoulée. Déjà, à l’été 2014, le pouvoir socialiste incarné par François Hollande et Manuel Valls s’était saisi de la précédente guerre d’Israël contre Gaza pour porter atteinte aux libertés fondamentales par des interdictions préalables de manifestations. Mais aussi pour installer l’assimilation à une renaissance de l’antisémitisme de toute critique du sionisme, en tant que mouvement national juif ayant dénié ses droits au mouvement national palestinien (lire mon parti pris à l’époque).
Depuis, il y eut les rengaines sur l’islamo-gauchisme, la chasse au wokisme universitaire, la théorisation d’un « djihadisme d’atmosphère ». En 2020, la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France marquait un saut dans la répression de l’auto-organisation des populations ciblées par ces campagnes. En 2021, un cran supplémentaire fut franchi avec le vote de la loi contre le séparatisme dont on a rapidement compris, avec l’invention de l’« écoterrorisme » contre les activistes écologistes, qu’elle viserait toute dissidence.
Aucun désaccord politique à propos du conflit israélo-palestinien ne saurait s’accommoder de cette dérive qui, en définitive, ruine non seulement la démocratie, en violant ses libertés fondamentales, mais surtout abîme la France, en humiliant la diversité de son peuple. La référence historique qui convient est le maccarthysme états-unien du début des années 1950 – par ailleurs homophobe et antisémite. Il instaura une ignominieuse « chasse aux sorcières » visant tout ce qui pouvait être suspecté de compromission avec le communisme. Oui, tout : idées, engagements, créations, œuvres, écrits, biographies, professions, relations, amitiés, fréquentations, etc.
En France, mais aussi en Allemagne comme en témoigne la scandaleuse censure à Berlin de Yánis Varoufákis, un nouveau maccarthysme s’installe, prenant en otage le drame vécu par Palestiniens et Israéliens pour faire taire toute interrogation dérangeante sur le cours périlleux du monde, sur le respect universel de l’égalité des droits, sur la violence de toute colonisation, sur les exigences d’un droit international, sur le surgissement de barbaries au cœur des civilisations, sur les indifférences et les aveuglements qui mènent aux catastrophes, etc.
La politique de la peur
Le maccarthysme fut surnommé « peur rouge » (« Red Scare »), et c’est bien de peur qu’il s’agit. « Politique de la peur » : cette expression fut forgée dans le débat américain pour décrire la réaction des États-Unis après les attentats terroristes du 11 septembre 2001. Elle résume une réaction politique insufflée par une panique existentielle qui, loin de mettre fin à la menace et au péril qu’elle entendait juguler, ne fit qu’accroître les désordres qui les alimentent. Deux décennies plus tard, le terrorisme islamiste s’est démultiplié, la puissance iranienne s’est renforcée et le ressentiment anti-occidental s’est enraciné.
Entre-temps, que de principes reniés et que d’humanités brisées ! Du « Patriot Act », loi d’exception, à Guantánamo, bagne illégal, en passant par le feu vert à la torture durant les interrogatoires et, surtout, par l’invasion guerrière de l’Irak sur la foi d’un mensonge médiatique, cet aveuglement nord-américain a violenté toutes les valeurs démocratiques au nom desquelles cette riposte se faisait. Le monde entier en paye aujourd’hui le tribut, gagné par une brutalisation sans frein, dans les relations internationales comme en politiques intérieures, qu’illustrent aussi bien Vladimir Poutine que Donald Trump.
Les voix minoritaires, dont la notable exception française portée par Dominique de Villepin, qui ont alerté sur cette course au désastre, en appelant au secours le droit international et en défendant la Charte des Nations unies, avaient donc raison, même si elles furent impuissantes à l’enrayer. Tout comme, de nos jours, ont raison les voix, au premier rang desquelles celle du secrétaire général de l’ONU, qui condamnent la fuite en avant guerrière, et potentiellement génocidaire selon la Cour internationale de justice, d’Israël dans sa riposte aux massacres terroristes du 7 octobre 2023.
Vivant l’attaque du Hamas à l’instar du 11-Septembre comme une menace existentielle, l’appareil politico-militaire israélien réédite cette « politique de la peur » en infligeant au peuple palestinien une terrible punition collective qui, loin de garantir la sécurité future de l’État d’Israël, accroît sa fragilité géopolitique et son discrédit diplomatique. Que seul un veto solitaire des États-Unis ait empêché, cette semaine, la reconnaissance de l’État de Palestine comme membre de plein droit des Nations unies, résume cet engrenage fatal où la force aveugle se révèle l’aveu d’une faiblesse.
Car c’est évidemment la non-résolution de la question palestinienne qui est à l’origine de cette situation éminemment périlleuse où se joue la paix du monde. Tant qu’il ne sera pas mis fin à l’injustice durable, ancienne, réitérée et répétée, faite au peuple palestinien, tant que ne sera pas reconnu par les dirigeants israéliens son droit à vivre dans un État souverain après qu’il eut subi en partie l’expulsion de 1948, puis la colonisation depuis 1967, aucun des deux peuples ne pourra vivre en sécurité pour lui-même, encore moins en sérénité avec l’autre.
L’histoire ne s’est pas arrêtée au 7 octobre 2023, pas plus qu’elle ne s’est immobilisée le 11 septembre 2001. La « politique de la peur » voudrait nous enfermer dans un présent éternel, figé sur la date d’un massacre qui serait sans cause, sans histoire, sans contexte. Interdisant l’explication, la complexité et la sensibilité, elle est une sommation à ne plus penser librement et différemment, ce que résume l’exigence d’inconditionnalité qui signifie le renoncement à toute critique.
Dès lors, dans sa diversité, la solidarité avec la Palestine, qui elle-même ne saurait être inconditionnelle, est légitime, ne serait-ce que pour sauver ce principe démocratique de liberté de pensée et du droit à la critique. Ce n’est pas seulement affaire d’humanité, face au martyre incommensurable de Gaza, mais une question de politique, face au péril autoritaire ici même en France. Par-delà leurs différences et leurs divergences, toutes les forces qui se revendiquent d’une démocratie vivante et pluraliste devraient donc, d’une même voix, unie et ferme, exiger que cette solidarité puisse s’exprimer librement.
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