Samah Hamdan et sa famille ont rejoint les dizaines de milliers de naufragés de Gaza qui tentent de trouver refuge à Rafah. « On a dû monter notre tente tout seuls », raconte cette professeure de français originaire de Gaza-ville, en accompagnant son message d’une photo : une yourte noire, pas grande, en tout cas pas assez pour les 25 personnes qui s’y abritent depuis le 4 janvier : « On passe nos journées à chercher de l’eau et de la nourriture. On ne vit pas, on survit. »

85 % des Gazaouis déplacés

Samah en est à sa troisième évacuation. Le 3 janvier, l’armée israélienne a dispersé des feuillets au-dessus du camp de réfugiés d’Al-Nousseïrat, où son oncle l’hébergeait, invitant ses habitants à le quitter en vue d’une opération militaire.

La partie centrale de Gaza est désormais dans le viseur de l’armée : « Nous avons achevé le démantèlement du Hamas dans le nord de la bande de Gaza. Nous nous concentrons désormais sur le centre et le sud », a annoncé le contre-amiral Daniel Hagari, le 6 janvier, en précisant : « Nous procédons différemment, de manière approfondie, sur la base des leçons que nous avons tirées des combats jusqu’à présent. » Le même jour, l’armée se faisait l’écho de la mort d’Ismaïl Siraj, le commandant du bataillon de Nousseïrat, lors de frappes aériennes.

Les infrastructures existantes n’arrivent plus à absorber les vagues continues de naufragés : près de 85 % de la population ont été déplacés depuis le 7 octobre. Des familles entières s’entassent dans des tentes, faute de place dans les centres de l’UNRWA, l’agence de l’ONU. À Rafah, une des écoles primaires des Nations unies abrite ainsi 2 000 personnes, dont Amal Abu Abuhajar, son mari et ses six enfants : « On est trop nombreux. Il y a des problèmes d’assainissement, des remontées d’eaux sales… C’est dégoûtant. Les écoles ne conviennent pas à la vie humaine », raconte pudiquement cette autre professeure de français.

« Tout le monde est pauvre »

Dans la soirée du 4 janvier, la France a largué 4 tonnes d’aide humanitaire par voie aérienne aux côtés de la Jordanie, une première dont s’est félicité Emmanuel Macron, mais dont les bénéfices peinent à être ressentis sur le terrain : les quelque 150 camions qui entrent quotidiennement dans l’enclave ne permettent pas d’assouvir les besoins d’une population qui manque de tout.

a bande de Gaza, certains prix ont quintuplé. Il faut compter 5 € pour un kg d’oranges apportées d’Égypte, alors que 3 kilos valaient 2 € avant la guerre. Le prix de la viande a doublé : 10 € le kg avant la guerre, 20 € aujourd’hui. « Plus personne n’a de salaire, tout le monde est pauvre. Tout est cher. Certains commerçants en profitent », soupire Samah Hamdan. Mère de deux garçons, elle s’inquiète : « Ils sont malades, tout le monde est malade. À cause du froid, du manque de nourriture et de l’eau salée. »

L’hiver, l’insalubrité, la proximité et l’effondrement du système de santé sont propices au développement de maladies : diarrhée, infections des voies respiratoires, hépatite… « Gaza est tout simplement devenue inhabitable, s’alarmait le chef des affaires humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths, le 5 janvier. Sous le regard du monde entier, sa population est quotidiennement confrontée à des menaces qui pèsent sur son existence. »

À contre-pied du silence international, l’Afrique du Sud a engagé une procédure contre Israël devant la Cour internationale de justice. En accusant l’État hébreu de violer la Convention sur le génocide, l’Afrique du Sud espère que la Cour indiquera des mesures provisoires qui permettront d’orienter vers une fin des opérations. Les audiences auront lieu les 11 et 12 janvier à La Haye, mais leur verdict ne sera pas contraignant.

 

Trois mois de guerre ininterrompue

 

La guerre entre Israël et le Hamas palestinien est entrée, dimanche 7 janvier, dans son quatrième mois sans aucun signe de répit, l’armée de l’air israélienne menant de nouvelles frappes meurtrières à Gaza. Le ministère de la santé du Hamas a indiqué qu’une frappe aérienne avait tué deux journalistes palestiniens alors qu’ils circulaient en voiture : un vidéaste pigiste collaborant avec l’AFP et un journaliste de la chaîne Al-Jazira. En Cisjordanie, un raid des forces israéliennes a coûté la vie à six Palestiniens à Jénine, selon l’Autorité palestinienne. Un officier israélien a été tué dans l’explosion d’un engin.

 

 

  • Cécile Lemoine (correspondante, Jérusalem), 

https://www.la-croix.com/international/guerre-israel-hamas-a-gaza-on-ne-vit-pas-on-survit-20240107

 

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