Parmi les éclaireurs de cet automne ouighour parisien figurait Erkin Ablimit, qui a organisé et présidé le tout récent congrès ouighour international dans la capitale. L'actuel président du gouvernement ouighour en exil, un des plus hauts représentant de la communauté avec Rebiya Kadeer et Dilnur Reyhan, avait pu mobiliser des intellectuels et des politiciens pour la circonstance.
L'approche de la manifestation du 3 décembre se voulait empreinte de détermination. C'est autour de la défense de l'identité culturelle que se sont beaucoup orientés les esprits pendant cette marche. Comme à son habitude, l'eurodéputé Raphaël Glucksmann était présent. A noter également, la présence de l’eurodéputé Yannick Jadot d’Europe Ecologie-Les Verts, d'Olivier Faure du Parti socialiste, de la figure militante Omer Alim, qui reste sans nouvelles de sa famille depuis 2017, ou encore d’Irfan Anka, anciennement important journaliste avant son départ pour l'exil.
Mais le rôle déterminant revient à l'universitaire Dilnur Reyhan. Une femme à l'allure discrète mais caractérisée par l'immensité de son talent oratoire au service de son peuple. Une personnalité intellectuelle qui insuffle la dignité comme fil conducteur de la manifestation, en mettant l'accent sur l'urgence de la tragédie. La fermeté du principal slogan du jour en est le reflet : « Génocide en cours, sauvons les Ouïghours ! »
Des Ouïghours attentifs pour sensibiliser à leur cause
De Bastille à la Place de la Nation, l'événement du week-end a été parfaitement organisé, avec une réelle symbiose entre service d'ordre privé et encadrement policier strict mais bienveillant. Une impression confirmée par un fonctionnaire de police en civil, qui nous a affirmé : « Le plus important est d’accomplir mon travail, quelle que soit la mission. Mais quand c'est pour une cause comme celle d'aujourd'hui, c'est une satisfaction d'y être. L'objet de la manifestation est vital. Avec les Ouighours, ça se passe très bien, mais restons vigilants quand même, comme pour tout sujet sensible. »
Le cortège discipliné mais convivial s'est caractérisé par l’aspect hétéroclite des manifestants. Les ressortissants ouighours avaient la mine grave mais étaient avenants envers leurs interlocuteurs qui prenaient la peine de les questionner sur la situation tragique au Turkestan oriental. Parmi les marcheurs extérieurs à la diaspora, on pouvait trouver des membres de la communauté tibétaine ou encore de la péninsule indochinoise.
Un échantillon représentatif varié
Des manifestants non originaires d’Asie étaient aussi présents à la marche comme Stéphane et Sandrine, tous deux « choqués par ce qui est en train de se passer, mais aussi par l'indifférence pendant des années » au sort des Ouïghours.
Anis, journaliste indépendant d'origine algérienne, a pris sur son temps pour participer au défilé tout en recueillant des impressions. Kyane, elle aussi Française d'origine algérienne, a mis un point d'honneur à braver le froid pour « défendre les Ouighours mais aussi un peu tout le monde, la dignité humaine en général », précisant être « venue malgré les mises en garde de nombreuses amies contre...le froid ! Ça prouve que les gens ont encore du chemin à faire pour prendre vraiment conscience de ce que vivent les Ouighours en Chine ».
Une analyse qui rejoint celle de Marion, vendeuse, qui a délaissé son commerce quelques instants au passage du défilé, pour soutenir momentanément le mouvement. La jeune fille explique ses motivations ainsi : « Je suis Italienne du Latium par mon père et Marocaine par ma mère. Donc ce qui arrive aux Ouighours me choque d'autant plus que j'ai une vraie double culture familiale. Le manque de tolérance en Chine est dégueulasse, surtout avec leurs méthodes. »
Nation comme destination finale
Place de la Nation. Terminus du convoi anti-génocide. Après le choix de la Place de la République l'an dernier, c'est une autre place qui recueille les honneurs de la délégation et ses doléances envers un appareil gouvernemental chinois inique. L'occasion d'une mise à jour sur la situation des Ouïghours en rappelant les dernières nouvelles scandaleuses comme l’incendie d'un immeuble survenu fin novembre et qui a coûté la vie à plusieurs occupants dont des enfants à Urumqi. Un très triste épisode qui a été rendu possible par des restrictions excessives appliquées pour bloquer toute sortie des habitations sous prétexte de recrudescence de la Covid-19 en territoire sino-turcophone. Des éléments magistralement expliqués par Dilnur Reyhan dont les talents oratoires servent sa communauté, basés aussi bien sur ses compétences indéniables que sur l’émotion palpable d’une sociologue qui ne prépare pourtant que peu souvent ses discours, dit-elle.
Tout comme l'an passé à la même saison, une place a été le lieu de conclusion d'une marche, celle de La Nation. Après le symbole de La République pouvant faire penser à la République française si liée originellement à la protection des droits de l'Homme. A la République chinoise anti-démocratique avec qui un bras de fer doit s'engager. A la République du Turkestan oriental qui veut recouvrer sa liberté, son indépendance.
Rédigé par Gianguglielmo Lozato | Jeudi 8 Décembre 2022 à 16:00
Gianguglielmo Lozato est professeur d'italien et auteur de recherches universitaires sur le football italien en tant que phénomène de société. Il est auteur de l'essai Free Uyghur (Editions Saint-Honoré, mai 2021).
La cérémonie de clôture du XXe congrès du Parti communiste s’est ouverte sur l’image curieuse de l’ex-président de la République chinoise Hu Jintao (2003-2013) quittant sa place auprès du numéro un, M. Xi Jinping, fermement escorté vers la sortie : simple malaise, comme a fini par dire la presse chinoise, ou geste autoritaire de M. Xi pour acter la fin de toute influence de l’ex-patron ? Ce qui est sûr, c’est que l’actuel président a obtenu son troisième mandat, que la charte du Parti stipule désormais « le rôle central du camarade Xi Jinping » (gare donc à qui le critique !) et que les organes dirigeants, fortement renouvelés, ne contiennent que des fidèles.
M. Xi a changé quatre des sept membres du Comité permanent, la plus haute instance, en faisant monter l’ex-dirigeant du Parti de Shanghaï, qui a confiné avec force sa ville pendant deux mois et qui devrait être nommé premier ministre l’an prochain. Le Bureau politique, réduit à 24 (contre 25), ne comprend plus une seule femme et reflète les préoccupations du moment : la « sécurité » militaire mais aussi intérieure, alimentaire, technologique… Le mot est revenu comme un leitmotiv dans le discours d’ouverture. M. Xi a resserré les rangs. Mais s’entourer de « bons camarades » n’est pas une garantie de réussite au moment où les signes de faiblesse s’accumulent.
Vers un troisième mandat de Xi Jinping à l’issue du XXe Congrès du Parti communiste
Quand, en 2018, M. Xi Jinping introduit dans la Constitution ses « pensées sur le socialisme à la chinoise » et la possibilité d’être élu à vie, nul n’imagine que la préparation du XXe Congrès, qui se tient le 16 octobre, sera agitée. Le malaise de la classe moyenne, le sort de Taïwan, les relations avec les États-Unis et la Russie, ont mis en évidence des failles jusque-là discrètes.
«Nous devons faire de la survie notre objectif principal (1). » L’alarme du très puissant fondateur de Huawei, M. Ren Zhengfei, a fait l’effet d’une minibombe dans le landerneau communiste chinois. Ce patron peu habitué à livrer ses pensées visait son groupe, bien sûr. Mais tout le monde a compris que le diagnostic allait bien au-delà, et il est rare qu’un dirigeant connu se montre publiquement aussi pessimiste. Surtout au beau milieu du mois d’août, quand les hauts dirigeants du Parti communiste chinois (PCC) se retrouvent en conclave dans la station balnéaire de Beidaihe, en pleine préparation du XXe Congrès.
Un congrès qui s’annonce hors norme. Son chiffre rond, témoin de la longévité du parti au pouvoir, y invite. Plus fondamentalement, il va marquer une rupture avec la tradition établie depuis la mort de Mao Zedong, en 1976, en désignant pour la troisième fois le même secrétaire général, M. Xi Jinping — jusqu’ici, on ne pouvait exercer plus de deux mandats. Enfin, cette réunion se déroule alors que le pays doit relever une série de défis internes (baisse de la croissance, Covid et politique de confinement total, pollution) et externes (relations dégradées avec les États-Unis, avec les voisins en mer de Chine, guerre russe en Ukraine), sans oublier les tensions avec Taïwan.
Il a fallu attendre début septembre pour en connaître la date : le 16 octobre, cinq ans, jour pour jour, après le XIXe Congrès. Cette précision de métronome est censée montrer aux 96,7 millions d’adhérents, aux 2 300 délégués de toute la Chine convergeant alors vers Pékin, et même aux simples citoyens que la direction aborde cette échéance avec sérénité. Il est vrai que, si l’essentiel des orientations et surtout de la composition de l’équipe dirigeante n’était pas réglé, le rendez-vous aurait été retardé. Car, contrairement à ce que l’on entend souvent en Occident, il y a débat au sein du saint des saints communiste. Feutré voire secret, mais réel. Cette année, les sujets de friction ne manquent pas — plus nombreux que ne s’y attendait le « président de tout », comme on surnomme parfois M. Xi pour signifier que rien de ce qui est important ne lui échappe.
Parmi les points de tension figurent les questions économiques et sociales. Certes, le bilan de sa décennie apparaît tout à fait honorable : une moyenne de 6 % de croissance, même si le taux à deux chiffres n’est plus de mise ; une éradication de la pauvreté absolue, même si la Chine reste au soixante-douzième rang mondial en termes de richesses par habitant, selon le Fonds monétaire international (FMI) ; la construction d’infrastructures modernes (chemin de fer, autoroutes, aéroport) dans un pays immense qui en manquait cruellement ; une montée en gamme réussie des productions, à tel point que, par exemple, la valeur ajoutée chinoise dans un iPhone d’Apple, qui s’élevait à 3,6 % il y a quinze ans, atteint aujourd’hui plus de 25 % (2).
Toutefois, cet exemple même prouve que l’industrie demeure dépendante des technologies étrangères, notamment pour les semi-conducteurs de la dernière génération conçus à Taïwan et pour les logiciels. La guerre économique américaine lancée par le président Donald Trump et renforcée par son successeur Joseph Biden, avec son cortège d’interdictions d’importations et d’exportations, compromet sérieusement l’avenir. Huawei, à la pointe mondiale pour la 5G et les réseaux de télécommunication, s’est ainsi fait couper les ailes.
Pourtant, loin de l’image véhiculée par les médias, « Xi Jinping a davantage ouvert l’économie au commerce extérieur et aux investissements », note l’économiste américain David Dollar, chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l’appui. En 2020, précise-t-il, « la Chine a dépassé les États-Unis pour l’accueil des investissements directs étrangers (IDE) : 253 milliards de dollars d’entrées, contre 211 milliards. Ils ont encore augmenté en 2021, notamment dans le secteur des services et de la haute technologie » (3). Chez les capitalistes, les profits servent de guide, plus que l’idéologie, et un marché de plus d’un milliard de consommateurs, cela ne se refuse pas. Ces capitaux étrangers se dirigent vers les branches à plus forte valeur ajoutée, tandis que les productions d’assemblage se délocalisent au Vietnam (comme Apple), en Malaisie ou au Bangladesh, qui « offrent » des salaires nettement moins élevés.
Reste que l’économie patine : au deuxième trimestre 2022, la croissance est restée atone (0,2 %) — du jamais-vu depuis trente ans. La baisse du commerce mondial et la stratégie zéro Covid, qui paralyse des métropoles et des régions entières, expliquent, pour partie, ces faiblesses. Tout comme l’arrêt brutal de la folle construction immobilière des dernières décennies conduisant à une bulle que le pouvoir veut faire éclater en douceur, sans y parvenir tout à fait.
Chômage des jeunes qualifiés
S’y ajoutent la volonté de contrôle des géants de l’économie numérique qui avaient étendu leurs tentacules financiers, tel Alibaba (4), et les investissements devenus inefficaces dans les infrastructures publiques. Ainsi les trente-trois mesures de soutien fiscal et budgétaire (plus de 500 milliards d’euros) prises par le gouvernement en avril, puis en juin, n’arrivent pas à enrayer le ralentissement. David Dollar prend le cas significatif des chemins de fer : « Les premières lignes ferroviaires à grande vitesse desservaient des couloirs densément peuplés et étaient largement utilisées ; mais des investissements plus récents ont étendu le réseau dans des zones peu peuplées où il est peu utilisé. » Nul doute, comme il le suggère, que « davantage de services sociaux, pour les migrants [les ruraux venant travailler dans les villes], les personnes âgées et la population rurale, pourraient être financés en réduisant ces investissements inutiles dans les infrastructures » (5). La remarque ne vaut d’ailleurs pas seulement pour la Chine.
Au total, le chômage grimpe dangereusement, notamment pour les jeunes qualifiés : près d’un sur cinq (19,6 %) ne trouve pas d’emploi. Or, au pays de l’enfant unique, la situation est explosive. Si le contrat social — promesse d’avenir meilleur contre monopole du PCC — est entamé, l’avenir sera compromis (lire « La classe moyenne a besoin d’être rassurée »). On comprend que les plus hauts fonctionnaires et cadres du parti, qui jouent leur destin personnel, ne suivent pas comme un seul homme les directives du « président de tout »…
L’autre sujet de préoccupation s’appelle Taïwan. Le refus de laisser l’île déclarer son indépendance fait quasiment l’unanimité au sein du PCC et sans doute dans la société. En revanche, la façon de traiter Taipei est contestée, M. Xi n’apparaissant pas forcément comme le plus va-t-en-guerre. Certains, notamment dans les milieux militaires, estiment que Pékin devrait frapper vite et fort « avant que les États-Unis se servent de Taïwan pour faire à la Chine ce qu’ils ont fait avec l’Ukraine à la Russie, une guerre interposée », explique un cadre de l’armée de terre, aujourd’hui reconverti, qui trouve le président trop indécis. D’autres, défendant la même idée, estiment que le pays doit continuer à se préparer militairement (6). Les derniers, beaucoup plus discrets, regrettent que le président ne s’en tienne pas au « profil bas » de feu Deng Xiaoping et ne fasse pas preuve de patience. En fait, trois événements ont changé la donne taïwanaise au cours de ces dernières années.
En Chine, M. Xi a inclus l’unification du territoire dans son vaste projet de rajeunissement du pays. Taïwan est donc considéré comme la « pièce manquante (7) » à ramener dans le giron le plus rapidement possible. Selon la doctrine précédente, le temps jouait en faveur d’un rattachement jugé inéluctable, et il n’y avait aucune raison de précipiter l’affaire.
Dans l’île, les habitants ont tiré les leçons de la mise au pas de Hongkong. Ils en ont conclu que la formule « un pays, deux systèmes » prétendant assurer leur autonomie démocratique n’était qu’un slogan destiné à leur faire avaler la pilule d’une centralisation à outrance. Cela a d’ailleurs permis à Mme Tsai Ing-wen, au bilan social contesté, de se faire réélire triomphalement présidente en janvier 2020. Ce qui a encore amplifié les appréhensions de Pékin.
Aux États-Unis, la frénésie antichinoise et l’importance géostratégique de l’île poussent les dirigeants à sortir de la politique de reconnaissance d’« une seule Chine », en vigueur depuis 1979 (8). Un mois après la visite de Mme Nancy Pelosi à Taipei, l’administration Biden a annoncé une livraison d’armes d’un montant de 1,1 milliard de dollars. Le président lui-même a déclaré que « les États-Unis défendraient l’île (9) » en cas d’invasion — ce qui est perçu comme une incitation à déclarer l’indépendance. Dans la foulée, la commission des affaires étrangères du Sénat, composée d’élus démocrates et républicains, a adopté, le 14 septembre dernier, une nouvelle loi sur la politique pour Taïwan (Taiwan Policy Act). Elle comporte des mesures mettant en cause le statu quo, parmi lesquelles l’intégration de l’île en tant qu’« allié majeur non membre » de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) (10) au même titre que le Japon, l’Australie ou la Corée du Sud, et l’octroi d’une aide militaire de 4,5 milliards de dollars en quatre ans. Certes, la loi doit être adoptée en séance plénière au Sénat, puis à la Chambre des représentants, avant sa promulgation par M. Biden. Mais, sur cette question, démocrates et républicains sont sur la même longueur d’onde, et la peur sécuritaire des dirigeants chinois en est décuplée. Or la peur est rarement bonne conseillère.
Tout cela conforte M. Xi dans sa volonté de se tourner vers le monde non occidental et singulièrement l’Asie. S’il n’a pas réussi à contenir la puissance militaire et stratégique de Washington dans la région, il est parvenu à y consolider ses liens via le partenariat économique régional global (PERG), le plus grand accord de libre-échange jamais conclu, avec les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Anase, plus connu sous son acronyme anglais Asean), l’Australie, la Corée du Sud, le Japon et la Nouvelle-Zélande. « En 2012, les États-Unis étaient le plus grand marché pour les produits chinois », note David Dollar ; dorénavant, ils sont supplantés par les pays du PERG. Cette interdépendance économique amène la plupart des dirigeants de l’Anase à refuser de choisir entre Washington et Pékin, malgré les pressions de chaque camp.
Débats inattendus
La Chine pousse également ses pions du côté de l’Asie centrale. Pour sa première visite à l’étranger depuis deux ans et demi, le président Xi s’est rendu au Kazakhstan puis en Ouzbékistan, dans la ville mythique de Samarkand, où se tenait, début septembre, le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS). Celle-ci a pour particularité de réunir quatre des cinq républiques centrasiatiques (Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan), la Russie, la Chine, l’Inde, le Pakistan, membres de plein droit, auxquels se joignent les observateurs : Azerbaïdjan, Arménie, Cambodge, Népal, Sri Lanka, Mongolie, Turquie (membre de l’OTAN), Égypte, Qatar, Arabie saoudite et Iran, qui a demandé son adhésion.
Les dirigeants chinois citent souvent ce groupe de Shanghaï comme modèle de leur conception d’un nouvel ordre international, sans domination occidentale, où des pays s’opposant sur certains sujets parfois vitaux (l’Inde avec le Pakistan sur le Cachemire, ou l’Iran et l’Arabie saoudite…) peuvent travailler ensemble sur d’autres, ou en tout cas dialoguer.
Le sommet de septembre a surtout été marqué par la guerre russe en Ukraine et les rencontres bilatérales entre M. Vladimir Poutine et le président chinois d’une part, le premier ministre indien d’autre part. Peu de choses ont filtré, si ce n’est que le président russe a déclaré à M. Xi : « Nous apprécions fortement la position équilibrée de nos amis chinois quant à la crise ukrainienne (…). Nous comprenons vos questions et vos inquiétudes à propos de la guerre (11). » On n’a pas de précision sur les « inquiétudes chinoises » — la presse de Pékin étant restée silencieuse. On sait, en revanche, que le premier ministre indien, M. Narendra Modi, a clairement assuré que « l’heure n’est pas à la guerre », et reçu à peu près la même réponse : « Je connais vos inquiétudes. »
En fait, l’invasion de l’Ukraine contredit l’inviolabilité de la souveraineté nationale à laquelle la Chine est attachée. M. Wang Wenbin, porte-parole du ministère des affaires étrangères, a redit, en marge de l’assemblée générale de l’Organisation des Nations unies, que Pékin « appelle les deux parties à cesser le feu et à négocier (12) ». D’autant que la guerre perturbe les projets du président Xi de valorisation d’un monde multipolaire reconnaissant la puissance de l’empire du Milieu. Pékin ne veut pas s’aliéner totalement l’Occident ni laisser les États-Unis et leurs alliés écraser économiquement et diplomatiquement la Russie, qui s’oppose à l’ordre américain. L’équilibre est difficile à tenir.
Celui-ci est en tout cas fort discuté dans les rangs du PCC, où des personnalités de premier plan ont ouvertement contesté les choix actuels (13), tel que Hu Wei, vice-président du Centre de recherche sur les politiques publiques du Bureau du Conseil d’État, Gao Yusheng, diplomate et ancien ambassadeur en Ukraine, ou encore Sun Liping, ex-professeur à l’université Tsinghua (Pékin).
Les critiques ne se limitent pas aux relations sino-russes. Elles touchent, de plus en plus ouvertement, tous les aspects de la vie sociale. La répression et la censure, qui se sont renforcées, ne suffisent pas à les étouffer, comme l’explique Sun Liping dans un texte délicieusement intitulé « Pourquoi les moutons ne veulent pas être attachés » (14) : ils « ne veulent pas nécessairement faire quelque chose de mal (…). Mais il suffit de voir à quel point un mouton est heureux quand il est délié, comment il s’enfuit, et vous comprendrez à quel point les moutons n’aiment pas être attachés ». Reste à savoir si les délégués au XXe Congrès se montreront de bons bergers !
Beaucoup de gens ne savent pas ce qui s’est passé hier. Pour faire simple, Biden a obligé tous les Américains travaillant en Chine à choisir entre quitter leur emploi et perdre la citoyenneté américaine. Tous les cadres et ingénieurs américains travaillant dans l’industrie chinoise des semi-conducteurs ont démissionné hier, paralysant l’industrie manufacturière chinoise du jour au lendemain. Un seul cycle de sanctions de Biden a fait plus de dégâts que les quatre années de sanctions performatives de Trump. Bien que les exportateurs américains de semi-conducteurs aient dû demander des licences pendant les années Trump, les licences étaient approuvées en un mois.
Par Mike Whitney
Avec les nouvelles sanctions de Biden, tous les fournisseurs américains de blocs IP, de composants et de services sont partis du jour au lendemain, coupant ainsi tout service [à la Chine]. En bref, toutes les entreprises de semi-conducteurs de pointe sont actuellement confrontées à une interruption totale de l’approvisionnement, à la démission de tout le personnel américain et à une paralysie immédiate des opérations. Voilà à quoi ressemble l’anéantissement : L’industrie chinoise des semi-conducteurs a été réduite à zéro du jour au lendemain. Effondrement complet. Aucune chance de survie.
Posté sur le compte Twitter de Jordan Schneider @jordanschnyc à partir d’un fil de discussion traduit sur @lidangzzz.
L’administration Biden a intensifié sa guerre contre la Chine la semaine dernière en faisant exploser une bombe thermonucléaire au cœur de l’industrie technologique florissante de Pékin. Dans un effort pour bloquer l’accès de la Chine à la technologie cruciale des semi-conducteurs, l’équipe Biden a annoncé de nouvelles règles d’exportation onéreuses visant à « couper complètement l’approvisionnement » en technologie essentielle des semi-conducteurs, ce qui, selon un analyste, a entraîné une « paralysie immédiate des opérations« . La terreur déclenchée par cette annonce a été résumée avec justesse dans un fil de discussion posté sur le compte Twitter de Jordan Schneider à partir d’un fil de discussion traduit sur @lidangzzz (voir la citation ci-dessus).
Naturellement, le gouvernement chinois a été pris de court par les nouvelles règles draconiennes qui incluent « toutes les entreprises chinoises de conception de puces informatiques avancées » et qui, sans aucun doute, « assureront l’élimination de tous les produits et technologies américains de l’ensemble de l’écosystème. » Le nouveau régime de sanctions infligera probablement des dommages importants à l’industrie technologique chinoise, qui est florissante, tout en causant un préjudice considérable aux partenaires américains qui n’ont pas été consultés à ce sujet.
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Par Peter Lee – Le 15 octobre 2022 – Source Patreon
Les restrictions américaines sur les ventes de puces et d’équipements, et même sur les citoyens américains travaillant pour soutenir l’industrie des semi-conducteurs de la RPC, annoncées le 7 octobre, ont fait l’effet d’une bombe.
Les restrictions ont pris la forme d’une mise à jour des contrôles à l’exportation annoncée par le Bureau de l’industrie et de la sécurité du ministère du commerce, censé être un bastion de la guerre contre la Chine sous la direction du secrétaire Raimondo, mais les empreintes digitales du conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan sont partout. [Un pdf de l’annonce du BIS est disponible sur cette page].
Contrairement aux interdictions sanctionnant Huawei, qui ont été expliquées comme étant une punition pour le mauvais comportement de Huawei, aucun effort n’est fait pour présenter ces restrictions comme une réponse punitive au piratage, au vol de technologie, ou autre. Les interdictions actuelles sont ouvertement destinées à paralyser les avancées de la RPC en matière d’intelligence artificielle et de supercalculateurs.
Par conséquent, l’annonce selon laquelle l’hégémon technologique mondiale envisagerait gracieusement l’octroi de certaines exceptions pour certains produits, appareils et individus méritants ne semble pas avoir fait grande impression.
Après tout, selon la doctrine américaine de lutte contre la fusion civile/militaire de la RPC, les opérations et les capacités menées n’importe où en Chine sont automatiquement considérées comme un renforcement de la capacité militaire de la RPC.
Alors quel est le critère pour obtenir une licence ? Que l’armée chinoise vous considère comme stupide et incompétent et qu’elle vous déteste ?
Cela a été perçu davantage comme un aveu ouvert et embarrassant que les États-Unis ont abandonné leur hypothèse optimiste considérant que l’ingéniosité des Yankees permettrait aux États-Unis de toujours garder une confortable avance sur les Chinois qui s’intéressent aux semi-conducteurs.
La victime visée est donc, bien sûr, la Chine, même si je pense qu’elle trouvera des solutions de contournement.
En fait, je soupçonne que l’annonce américaine a été déclenchée par la prise de conscience que les interdictions et blocus précédents ne ralentissaient pas suffisamment la Chine et qu’il était nécessaire de lâcher la plus grosse enclume à portée de main.
Selon le New York Times, le moment « Sputnik » a été l’annonce que la société chinoise Semiconductor Manufacturing International Corporation ou SMIC avait réussi à fabriquer une puce de 7 nanomètres sans utiliser la lithographie EUV. Il s’agit de la lithographie par ultraviolets extrêmes, que les États-Unis considéraient auparavant comme la solution miracle ou le point d’étranglement pour la fabrication des petites puces à haute performance dont tout le monde se soucie tant.
A part la Chine, les autres victimes, bien sûr, sont les fournisseurs de puces, d’équipements et de services de semi-conducteurs. Et pas seulement les fournisseurs américains comme NVIDIA. Les restrictions couvrent les fournisseurs étrangers qui utilisent des technologies ou des équipements américains. C’est le cas d’AMSL, une société néerlandaise, qui est jusqu’à présent le seul fabricant de machines EUV.
L’explication étasunienne est que, comme les entreprises étrangères ont tardé à signer l’initiative américaine par crainte d’offenser la Chine, les États-Unis ont généreusement promulgué les interdictions mondiales eux-mêmes à la place, afin de prendre la température.
Les explications les plus probables sont les suivantes : 1) personne ne voulait céder volontairement des marchés et 2) tout le monde avait peur que ses concurrents les remplacent à leur dépens, de sorte que les États-Unis ont dû sortir le gros marteau et tout chambouler d’un coup, pour tout le monde.
Ce qui en fait un autre exercice classique de non-diplomatie américaine.
Les États-Unis ont déjà annoncé qu’ils accordaient une dérogation d’un an à la République de Corée pour lui permettre de réduire certaines de ses opérations en Chine, en partant du principe que le président de la République de Corée, M. Yoon, devra obéir pour plaire aux États-Unis en matière de politique de sécurité en Asie du Nord, faute de quoi ses champions des semi-conducteurs, qui sont très exposés à la Chine, en subiront les conséquences.
Eh bien, Team Semicon devra se contenter de la perte du haut de gamme d’un marché de plus de 300 milliards de dollars et, apparemment, personne n’est très heureux de cela. Mais il faut espérer que la cascade d’aides provenant de la loi CHIPS et une utilisation judicieuse des contrats de défense adouciront la pilule.
À en juger par l’expérience passée, je m’attends à ce que la RPC joue la carte de la victime/martyre en se positionnant comme le champion de la mondialisation et de l’ouverture.
Cette position lui vaudra une certaine sympathie dans le monde entier, notamment dans ce que l’on appelle le « reste du monde« , c’est-à-dire les sombres royaumes situés en dehors du G7.
Mais je soupçonne que même l’Europe, où la glorieuse croisade en Ukraine s’est transformée en une destruction systématique de l’industrie européenne lourde et à forte intensité énergétique et, selon un politicien allemand, en une sollicitation active des entreprises européennes pour qu’elles s’installent aux États-Unis afin de profiter de notre délicieux gaz à bas prix, considérera cette position comme un ajout malvenu à ses problèmes économiques et diplomatiques.
Ironiquement, si l’industrie des semi-conducteurs de la RPC s’effondre, cela rend plus probable une attaque de la RPC contre Taïwan. Il n’y a pas d’ « ordre international » à protéger, ni d’accès aux puces taïwanaises à prendre en considération, et la mise à genoux des capacités occidentales en matière de semi-conducteurs pourrait être considérée comme une mesure de rétorsion justifiée/uniformisation des règles du jeu.
Une confrontation avec Taïwan, associée à la possibilité que la RPC lance un missile en direction de la TSMC ou qu’elle fasse du sabotage, accélérerait le retrait de la TSMC et d’autres producteurs de semi-conducteurs de l’île, rendant ainsi le fameux « bouclier de silicium » sans objet.
À propos, je pense que vous pouvez écarter l’idée que la RPC tentera d’envahir Taïwan et de s’emparer des précieuses installations de la TSMC. S’il y a la moindre menace que la RPC accède à ces usines, que ce soit par la conquête, par la reddition ou peut-être simplement par une coexistence pacifique, les États-Unis les élimineront en moins d’une heure.
Les véritables victimes dans cette affaire ont été les experts, les actifs et les complices des États-Unis qui se cachaient derrière le mythe utile selon lequel les États-Unis défendaient l’ordre international fondé sur des règles contre l’agression chinoise. L’interdiction des semi-conducteurs est une agression nue et sans équivoque contre la Chine et le prétexte peu convaincant selon lequel elle est justifiée par la politique de « fusion civile/militaire » de la RPC ne passe même pas le test de l’odeur et encore moins celui du rire.
Il y aura un réajustement déchirant lorsqu’ils pivoteront vers le mantra « c’est la faute de la Chine si les États-Unis ont dû renverser l’ordre économique mondial » . Cela pourrait arriver subitement, en une journée.
Paul Krugman a écrit une chronique sur le thème « Quand le commerce devient une arme » . Il aurait dû l’intituler « Nous sommes tous des Trumpistes maintenant » . Il y a eu une continuité remarquable entre les politiques anti-RPC de Trump et Biden.
La guerre technologique américaine de l’ère moderne a débuté à l’époque de Trump avec l’hypothèse que l’étranglement de Huawei paralyserait les capacités de télécommunication 5G de la RPC.
Eh bien, aujourd’hui, l’hypothèse est que l’étranglement des capacités d’intelligence artificielle de la RPC assurera la domination américaine dans les applications militaires, et permettra également aux entreprises occidentales de récolter les milliards de dollars de la manne mondiale des voitures à conduite autonome qui, autrement, pourraient être récupérées par la RPC.
Et vous savez, avant l’IA et avant la 5G, il y avait la DRAM.
La guerre moderne des semi-conducteurs contre la Chine a en fait commencé lorsque l’élection du gouvernement pro-américain de Tsai Ing-wen a rendu possible un assaut frontal contre les aspirations de la RPC en matière de semi-conducteurs.
Le point d’inflexion clé a été atteint en 2017, lorsque Taïwan s’est associé aux États-Unis pour écraser une usine de DRAM à 700 millions de dollars que la RPC tentait de construire.
La RPC en a bien sûr pris note et a accéléré ses efforts pour développer la technologie nécessaire en interne ou du moins sans aide occidentale.
Vous n’en avez probablement entendu trop parler car, sous les aspects juridiques, il s’agissait d’un acte d’agression économique.
Les personnes qui étudient les prétextes des États-Unis pour justifier la guerre économique noteront qu’en 2018, l’attaque contre l’industrie des semi-conducteurs de la RPC était justifiée par le fait que la Chine, qui importait à l’époque 90 % de ses puces, poursuivait des plans infâmes pour dominer le marché mondial des puces.
Aujourd’hui, nous avons supprimé ces qualificatifs de domination mondiale.
Ah, que de chemin parcouru en seulement quatre ans !
Je décris l’affaire DRAM ci-dessous, dans un article que j’ai réalisé en 2018 pour Newsbud. Il fournit le contexte des machinations américaines et montre clairement que, si pour les observateurs américains la guerre des semi-conducteurs à spectre complet a commencé aujourd’hui, en réalité, elle se déroule déjà depuis 5 ans.
Nous n’avons simplement pas pris le temps de l’annoncer avant cette semaine.
À Taïwan débute une nouvelle ère de rivalité militaire sino-américaine
Que cherchait Mme Nancy Pelosi, troisième personnage de l’État américain, en se rendant début août à Taipei ? Un simple coup de publicité ? Ou voulait-elle provoquer Pékin, obligeant M. Joseph Biden et son gouvernement à accélérer le changement de la politique historique des États-Unis ? Celle-ci combine la reconnaissance d’« une seule Chine » et une certaine protection de Taïwan.
Chou Tai-chun. — « Détails triviaux dans l’incident », 2021
Bien avant que l’avion de la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi ne touche le sol taïwanais le 2 août dernier, les relations sino-américaines se trouvaient déjà dans une spirale négative. M. Joseph Biden et son gouvernement s’étaient attachés à tisser un réseau d’alliances hostiles pour encercler la Chine ; de son côté, Pékin multipliait les manœuvres militaires agressives en mer de Chine orientale et en mer de Chine méridionale. Il reste que leurs relations bilatérales ne s’étaient pas détériorées au point de rendre impossible tout dialogue de haut niveau sur le changement climatique ou sur d’autres questions vitales. Pour preuve, les présidents Biden et Xi Jinping ont discuté de ces sujets, lors de leur entretien par visioconférence, le 28 juillet.
En fait, la visite de Mme Pelosi a créé une nouvelle faille dans la relation entre les deux puissances, balayant toute perspective de coopération. Ne subsiste qu’une rivalité militaire exacerbée.
Depuis le rétablissement des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine (RPC) en 1978, sous l’administration de James Carter (1977-1981), les dirigeants américains ont toujours adhéré (au moins publiquement) au principe d’une « Chine unique », Taïwan et le continent constituant un seul pays bien que ne dépendant pas nécessairement d’une même entité politique. Ce que résume la célèbre formule adoptée un peu plus tard « Une Chine, deux systèmes ». Dans le même temps, avec le Taiwan Relations Act (TRA) voté par le Congrès en 1979, les États-Unis sont tenus de livrer des armes défensives à Taipei selon ses besoins et de considérer toute tentative chinoise de modifier le statut de l’île par la force comme un fait « extrêmement préoccupant » — une formulation connue pour son « ambiguïté stratégique », dans la mesure où elle ne dit pas clairement si Washington interviendrait ou pas.
Combinés, ces deux préceptes ont jusqu’ici contribué à garantir une forme de stabilité : en laissant supposer l’existence d’un lien intrinsèque entre Taïwan et le continent, le principe d’« une seule Chine » dissuade Pékin de toute tentative précipitée de s’emparer de l’île ; de son côté, l’« ambiguïté stratégique » laisse les Taïwanais comme les Chinois dans l’incertitude sur la réponse américaine en cas de déclaration d’indépendance des premiers ou de projet d’invasion des seconds. De quoi dissuader les uns et les autres de toute prise d’initiative irréfléchie (1).
Degré de tolérance abaissé
Même si les dirigeants américains assurent toujours adhérer à ces deux principes, les plus hauts responsables du gouvernement et du Congrès ont donné l’impression ces derniers mois qu’ils s’en étaient éloignés, au profit d’une politique suggérant l’existence de deux États : la Chine d’une part, Taïwan de l’autre (« one China, one Taïwan ») et en faveur d’une plus grande « clarté stratégique ». M. Biden lui-même y a contribué : interrogé sur Cable News Network (CNN) pour savoir si Washington défendrait Taïwan en cas d’attaque chinoise, il a répondu clairement. « Nous sommes tenus de le faire (2) », a-t-il déclaré, bien que ce ne soit pas la ligne officielle.
Le président comme d’autres dirigeants ont aussi suggéré un changement de politique, en cherchant à obtenir de leurs alliés dans la région — l’Australie, le Japon et la Corée du Sud — qu’ils s’engagent à assister les forces américaines, dans le cas où celles-ci seraient impliquées dans une guerre contre la Chine. De plus, le Congrès a encouragé ce processus en apportant un soutien bipartite aux livraisons d’armes à Taïwan, en y organisant à de nombreuses reprises des visites de délégations de niveau élevé et en projetant de modifier le TRA de 1979 pour en finir avec l’« ambiguïté stratégique », laquelle serait remplacée par un engagement ferme à aider l’île à se défendre (3). La Chine a observé ces développements avec un désarroi grandissant. Pour ses dirigeants — et particulièrement pour M. Xi, qui brigue un troisième mandat de cinq ans au poste suprême de premier secrétaire du Parti communiste et de président de la RPC —, la réunification s’est imposée comme l’objectif ultime de la politique gouvernementale, une condition sine qua non de la « renaissance » nationale (4). « Le peuple chinois, fort de plus de 1,4 milliard de personnes, est déterminé à défendre résolument la souveraineté de la Chine et son intégrité territoriale, a-t-il déclaré à M. Biden lors de leur échange du 28 juillet, selon le communiqué chinois. Nul ne peut s’opposer à la volonté du peuple, et quand on joue avec le feu, on finit par se brûler (5). »
Mme Pelosi savait parfaitement que sa visite ne pourrait conduire qu’à aggraver la situation. Les responsables du Pentagone comme ceux de la Maison Blanche l’ont avertie que l’effectuer à ce moment-là susciterait l’ire des dirigeants chinois et provoquerait d’une façon ou d’une autre une réaction cinglante de leur part. Elle a malgré tout fait le choix de se rendre à Taipei — tout en s’assurant d’attirer au maximum l’attention internationale en faisant planer le doute sur sa visite. On ne peut pas ne pas se dire qu’elle a fait le voyage avec la ferme intention de provoquer et d’accélérer le processus d’inflexion de la politique américaine vers la doctrine « la Chine d’une part, Taïwan de l’autre », avec tous les risques que cela comporte.
Si telle était son intention, son entreprise a largement été couronnée de succès. En dépit des efforts déployés par les responsables de la Maison Blanche pour assurer leurs homologues chinois de la séparation des pouvoirs au sein du système politique américain, Pékin a eu du mal à croire que Mme Pelosi ne représentait qu’elle-même — et non le gouvernement des États-Unis. Aux yeux des dirigeants chinois, cette visite n’est que l’aboutissement d’une campagne conjointe du Congrès et de la Maison Blanche pour répudier le principe d’une seule Chine, un premier pas vers la reconnaissance de Taïwan comme État indépendant. L’administration Biden a bien tenté de sauver la situation en soulignant avec insistance qu’« aucun changement » n’était intervenu dans sa politique, mais ces déclarations n’ont pas semblé convaincre.
Le 10 août, une semaine seulement après le voyage de Mme Pelosi, le Bureau d’information du Conseil des affaires d’État (gouvernement) a publié un nouveau Livre blanc sur « la question de Taïwan », réaffirmant la volonté de Pékin de réaliser la réunification de l’île par des moyens pacifiques, sans exclure le recours à des moyens militaires afin de briser toute résistance de la part des forces indépendantistes taïwanaises ou de leurs soutiens étrangers : « Nous sommes prêts à créer un vaste espace [de coopération] afin de parvenir à une réunification pacifique, mais ne céderons pas le moindre pouce de terrain aux activités sécessionnistes, quelle que soit la forme qu’elles puissent prendre, peut-on lire. La question de Taïwan est une affaire intérieure qui concerne les intérêts fondamentaux de la Chine (…), aucune ingérence extérieure ne sera tolérée (6). »
Les déclarations officielles ont été accompagnées de toute une série d’opérations militaires et diplomatiques, visant à démontrer que les dirigeants avaient abaissé leur degré de tolérance à l’égard des « ingérences extérieures » comme celle de Mme Pelosi. Ils ont haussé le niveau de préparation du pays en vue d’un éventuel blocus de l’île ou même de son invasion si celle-ci s’engageait plus loin dans la voie de l’indépendance. Plusieurs mesures préoccupantes reflètent cette nouvelle position.
• Le 4 août, l’Armée populaire de libération (APL) a tiré onze missiles balistiques DF-15 dans les eaux situées à l’est, au nord-est et au sud-est de Taïwan — ce qui laisse entrevoir son intention d’organiser un blocus en cas de crise ou de conflit. Cinq d’entre eux ont atterri dans la zone économique exclusive du Japon, signe que toute guerre liée à Taïwan pourrait s’étendre rapidement à l’archipel nippon, qui abrite de nombreuses bases militaires américaines (7).
• Le 6 août, des représentants du gouvernement chinois ont annoncé que le dialogue entre les responsables de l’APL et ceux de l’armée américaine visant à prévenir toute confrontation involontaire entre leurs forces navales et aériennes respectives était interrompu. Les discussions sur des questions aussi vitales que le changement climatique et la santé mondiale sont, quant à elles, suspendues (8).
• Le 7 août, plusieurs médias d’État chinois ont annoncé que l’APL mènerait désormais « régulièrement » des exercices militaires à l’est de la ligne médiane du détroit de Taïwan (côté taïwanais), alors que les forces chinoises avaient jusqu’ici principalement mené leurs opérations à l’ouest de cette ligne (côté chinois). De quoi accentuer la pression psychologique sur l’île, tout en se donnant la possibilité d’effectuer des simulations d’une invasion.
Toutes ces mesures ont été qualifiées d’« irresponsables » et de « provocatrices » par les Américains. « Nous ne devons pas prendre en otage la coopération sur des sujets d’intérêt mondial, au nom des divergences entre nos deux pays, a déclaré le secrétaire d’État Antony Blinken lors d’une conférence de presse, à Manille, le 6 août. Les autres [pays] attendent de nous, à juste titre, que nous continuions à travailler sur les questions qui touchent à l’existence et aux moyens de subsistance de leurs peuples tout comme des nôtres (9). »
Malheureusement, les propos de M. Blinken comportent une grande part de vérité. Mais il serait erroné de tenir Pékin pour seul responsable de l’impasse dans laquelle se trouve la relation entre les deux pays. Le secrétaire d’État lui-même a consacré la plus grande partie de l’année dernière à nouer des alliances pour tenter de contenir la montée en puissance de la Chine, et à adresser aux dirigeants chinois des ultimatums sur un large éventail de problèmes internes, tels que la persécution des Ouïgours du Xinjiang ou la répression politique à Hongkong — ultimatums auxquels ils ne pouvaient céder. Certes, M. Blinken a aussi appelé à une coopération accrue en matière de changement climatique, mais toujours dans un second temps. Du point de vue chinois, c’est Washington qui prend en otage les discussions sur les sujets à enjeu crucial pour la planète.
N’est-il pas temps de mettre fin à ce petit jeu consistant à rejeter sur l’autre la responsabilité de la situation, et de reprendre des discussions sur les mesures permettant de réduire le risque d’un conflit violent ? Les États-Unis devraient s’engager à ne plus faire transiter leurs navires de guerre par le détroit de Taïwan, et Pékin à ne pas en franchir la ligne médiane avec leurs forces militaires. S’il est impossible de revenir à l’ère de l’avant-visite de Mme Pelosi, tout doit être fait pour empêcher que cette nouvelle configuration ne dégénère en conflit armé.
Michael Klare
Professeur au Hampshire College, Amherst (Massachusetts). Auteur d’All Hell Breaking Loose : The Pentagon’s Perspective on Climate Change, Metropolitan Books, New York, 2019.
(1) Lire Michael J. Green et Bonnie S. Glaser, « What is the US “one China” policy, and why does it matter ? », Centre d’études stratégiques et internationales, Washington, DC, 13 janvier 2017.
(2) John Ruwitch, « Would the US defend Taiwan if China invades ? Biden said yes. But it’s complicated », National Public Radio (NPR), Washington, DC, 28 octobre 2021, www.npr.org
(3) Cf. Olivier Knox, « Senate looks to update and deepen US-Taiwan relationship », Washington Post, 1er août 2022.
(4) Lire Tanguy Lepesant, « Taïwan, pièce manquante du « rêve chinois » », Le Monde diplomatique, octobre 2021.
(5) « President Xi Jinping speaks with US president Joe Biden on the phone », ministère des affaires étrangères de la RPC, Pékin, 29 juillet 2022.
(6) « The Taiwan question and China’s reunification in the new era », Bureau d’information du Conseil des affaires d’État, Pékin, août 2022.
(7) Sam LaGrone et Heather Mongilio, « 11 Chinese ballistic missiles fired near Taiwan, US embarks USS America from Japan », US Naval Institute News, Annapolis (États-Unis), 4 août 2022.
(8) Vincent Ni, « China halts US cooperation on range of issues after Pelosi’s Taiwan visit », The Guardian, Londres, 6 août 2022.
(9) « Blinken : China should not hold global concerns “hostage” », Associated Press, 6 août 2022.
Le conflit entre la Russie et l’Ukraine était prévisible, pourtant rien n’a réellement été fait pour l’éviter. Un signe inquiétant alors que les tensions s’avivent entre grandes puissances, en particulier autour du sort de Taïwan.
Notre monde, plus que jamais, court de graves dangers créés et entretenus par l’homme. Le dérèglement climatique n’est plus une menace. Il est déjà là avec toutes ses conséquences, aussi bien sur la santé des hommes que sur leur sécurité et la paix.
Cette arme nouvelle est différente de tout l’arsenal thermonucléaire existant. C’est une arme qui menace l’existence même de l’humanité et dont on commence à voir les conséquences sur toutes les parties du globe. Une arme qui n’épargnera aucun pays, puissant ou faible, riche ou pauvre. Pour preuve, la grande sécheresse qui frappe l’Europe, accompagnée de l’incendie de dizaines de milliers d’hectares de terre. Sans compter l’impact de ces phénomènes qui bouleversent toutes les certitudes et accélèrent la crise économique mondiale. Pour y faire face, rien de mieux que de renforcer les mesures collectives pour atténuer les effets néfastes de l’homme sur la terre, notre bien commun.
Pendant longtemps, la course aux armements fut la plus grande menace pour l’avenir de l’humanité. Elle existe toujours et se précise. Les mots contenus dans l’excellente tribune publiée dans Le Figaro, le 13 mai 2022, par Claude Guéant, l’ancien conseiller du président Nicolas Sarkozy, au début de la guerre d’Ukraine, nous interpellent tous. « Nous avançons vers la guerre comme des somnanbules. »
Les deux guerres les plus meurtrières qui ont marqué l’Europe – entraînant le reste du monde – se sont déroulées dans la première moitié du XXe siècle. Elles ont causé environ 18,6 millions de morts pour la première et plus de 60 millions de victimes pour la seconde, et ont vu la bestialité franchir toutes les limites avec les crimes odieux perpétrés dans les camps de la mort nazis.
Au lendemain de ces effroyables événements, les hommes ont pensé que plus jamais le spectre de la guerre ne menacerait l’existence de l’humanité. Ils ont imaginé un nouveau mécanisme pour assurer la sauvegarde de la paix dans le monde, par la création de l’organisation des Nations unies. Peine perdue. Les foyers de guerre sont demeurés.
À peine sorti de ces deux guerres, le monde a frôlé une autre confrontation en Corée entre les nouvelles puissances militaires dominant le monde, l’alerte maximum étant atteinte lors de la crise des missiles soviétiques de Cuba, en 1962.
Géostratégie politique malavisée
Aujourd’hui, nous assistons, impuissants, à une nouvelle guerre aux portes de l’Europe qui, si elle n’est pas maîtrisée, pourrait entraîner tous les pays européens et, à terme, une confrontation entre les puissances nucléaires. Je reste persuadé que la guerre d’Ukraine aurait pu être évitée. Abstraction a été faite de tous les mécanismes de prévention et de règlement des conflits existants. La diplomatie n’a pas usé de toutes ses capacités. Il est regrettable de constater que plutôt que de prévenir l’émergence de ce conflit, les pays continuent de l’attiser, au nom d’une géostratégie politique.
Dans cette guerre, il était évident dès le départ que la Fédération de Russie, se sentant menacée par son encerclement par les forces de l’Otan, prendrait la décision d’envahir militairement l’Ukraine. Une violation flagrante des principes du droit international unanimement condamnée. Les pays occidentaux nourrissent l’envie de voir la Russie s’embourber dans cette guerre avec, à la clé, la panoplie de sanctions imposées pour paralyser l’ogre russe. Ils continuent d’attiser le feu en fournissant à l’Ukraine des armes de dernière génération.
Les sanctions imposées à la Russie auront naturellement de nombreux impacts sur ce pays, mais les pays européens commencent à se rendre compte qu’ils sont les victimes collatérales de ces mesures de rétorsion, tant leur dépendance énergétique à l’égard de Moscou est évidente. D’autres conséquences aux dimensions planétaires se font sentir à plusieurs niveaux : la crise alimentaire, l’effet négatif sur le développement de l’agriculture avec la rareté des engrais produits, pour une grande part, par la Russie et l’ Ukraine.
Les menaces nucléaires proférées par le président Vladimir Poutine doivent aussi être prises au sérieux. L’usage de ce type d’arme n’est pas une chimère. L’histoire de l’humanité atteste que l’homme, depuis son apparition sur la terre, a utilisé toutes les armes qu’il a inventées. Du bâton à la pierre, des pieux à la lance, du couteau à l’épée , du fusil au canon et, depuis les deux dernières guerres, l’arme chimique, l’aviation, la marine, et, le comble, l’arme atomique. Toutes les sources attestent que les États-Unis n’avaient nullement besoin d’utiliser la bombe atomique à Hiroshima ou à Nagasaki en 1945, le Japon étant déjà vaincu militairement. Mais, puisque l’arme atomique était née, il fallait l’utiliser.
L’on est en droit de s’inquiéter des tournures de ce conflit russo-ukrainien qui commence à toucher la Crimée, que la Russie avait annexée des années auparavant et qu’elle considère comme partie intégrante de son territoire – guerre qui pourrait toucher rapidement d’autres pays européens membres de l’Otan. Une confrontation majeure pourrait surgir alors, pour le malheur du monde entier.
Dans une autre partie du monde, une menace pèse également sur la paix mondiale. Cette fois, elle pourrait mettre face à face deux puissances militaires, nucléaires de surcroît, la première et la deuxième économie mondiale. Deux foyers sont déjà identifiés, avec des intensités différentes, mais tous deux susceptibles de déclencher un conflit entre les États-Unis d’Amérique et la République populaire de Chine.
La reconquête de l’île de Taïwan, détachée de la Chine populaire à la fin de la guerre civile qui avait opposé nationalistes et communistes et été suivie de la victoire des troupes de Mao Tsé-toung, en est un. Le leader nationaliste Tchang Kaï-check, après sa fuite le 8 décembre 1949, se réfugia sur l’île de Formose où il établit son gouvernement, soutenu par les États-Unis d’Amérique et bénéficiant de leur appui militaire. Depuis, la longue lutte de la République populaire de Chine pour recouvrer sa place aux Nations unies, et elle n’a jamais renoncé à recouvrer sa légitimité sur l’île de Taïwan, qu’elle considère comme une partie intégrante de son territoire.
La modification du statut quo sur les îles chinoises de la mer de Chine est aussi une source réelle de confrontation entre les États-Unis d’Amérique et la République populaire de Chine.
Mâle dominant et harem
L’histoire des empires ressemble au règne animal, au sein duquel la loi du plus fort est la règle et où, en filigrane, règne le mâle dominant. Chaque fois qu’un jeune se sent la force d’affronter le dominant, une lutte féroce s’établit entre eux pour désigner celui qui prendra le contrôle du harem. Il en est de même pour les empires qui connaissent débuts, apogée et déclin, comme ce fut le cas de ceux des pharaons, des Romains, des Grecs, des Ottomans ou des Britanniques.
Zbigniew Brzezinski, l’ancien conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter, écrivait dans son livre L’Amérique face au monde. Quelle politique étrangère pour les États-Unis, que le déclin des États-Unis arriverait. Mais ni aussi tôt que le prédisent certains dans le monde, ni aussi tard que le pensent les Américains.
Plusieurs signes avant-coureurs de cette évolution sont perceptibles de nos jours. L’Amérique d’aujourd’hui est très différente de celle des années 1940 et de l’après-guerre, période durant laquelle les États-Unis avaient investi 16,5 milliards de dollars (l’équivalent de 173 milliards de nos jours) dans la reconstruction des pays européens dévastés par le conflit, sans compter le relèvement du Japon.
Aujourd’hui, la République populaire de Chine, devenue la seconde puissance économique du monde dominant le commerce mondial et disposant d’un impressionnant cash flow, se sent en mesure de défier les États-Unis. Selon plusieurs sources, elle a dégagé, en 2021, un excédent commercial de 690 milliards de dollars, pendant que les États-Unis, eux, traînent un déficit budgétaire colossal de 668 milliards de dollars.
Toutefois, l’Amérique conserve encore une avance économique et financière, militaire et culturelle, sans compter son succès en matière d’innovation technologique. Cet écart lui permet de maintenir son hégémonie mondiale et sa place de première puissance planétaire.
Mais le débat sur la mutation est engagé à plusieurs niveaux. Des chercheurs, politologues, dont mon ancien excellent collègue singapourien au Conseil de sécurité Kishore Mabubani, estiment que le XXIe siècle est celui de l’Asie, la Chine jouant le rôle moteur.
Pékin tente de changer le statut quo en mer de Chine, en déployant une impressionnante flotte dans cette partie du monde pour contrer l’influence de la 7e flotte américaine. Le premier test se fera sur l’île de Taïwan. Si, d’aventure, Taïwan décidait de proclamer son indépendance, il est loisible de penser que l’île, qui est à portée de main de la République populaire de Chine, serait envahie immédiatement par les forces armées de Beijing. L’autre hypothèse est une invasion de Taïwan par l’armée chinoise. Dans ces deux cas de figure, que feront les États-Unis d’Amérique face à l’annexion d’un territoire auquel ils sont liés par un accord de défense ?
Actuellement, les regards se portent sur deux parties du monde, l’Europe et l’Asie. Une réédition de la situation qui prévalait durant la Deuxième Guerre mondiale, avec l’Allemagne d’un côté et le Japon de l’autre. Les dernières manœuvres militaires des forces russes et chinoises sont-elles le signe d’une nouvelle alliance face au monde occidental ?
Je n’oublierai pas de mentionner des conflits récurrents non résolus comme la crise du Moyen-Orient, le nucléaire iranien, l’apparition des extrémismes violents comme al-Qaïda, Daech ou l’État islamique.
Il est temps que la communauté internationale prenne la mesure des menaces réelles qui pèsent sur la paix mondiale pour trouver les moyens de désamorcer cette tension visible qui risque de plonger le monde dans des jours sombres pour la survie de l’humanité.
8 septembre 2022 à 08:48
Par François Louncény Fall
François Louncény Fall est ancien secrétaire général adjoint des Nations unies, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU et chef du Bureau régional des Nations unies pour l’Afrique centrale (Unoca).
Dans un rapport publié mercredi 31 août, l’ONU dénonce de possibles « crimes contre l’humanité » menés par les autorités chinoises contre les populations ouïghoures dans le Xinjiang. Pour Laurence Defranoux, journaliste et autrice d’un livre (1) sur l’histoire de ce peuple sacrifié, cette répression, reconnue par la France comme un génocide, prend racine dans les années 1990.
La Croix : À quand remonte le début de la persécution des Ouïghours au Xinjiang ?
Laurence Defranoux : Après la chute de l’URSS et les manifestations de Tian An Men en 1989, les éléments les plus anciens et les plus conservateurs du Parti communiste chinois (PCC) abandonnent toute idée de réforme démocratique du pays et prennent le virage de la répression. Les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale prennent leur indépendance. Pékin craint que les Ouïghours(ethnie musulmane qui peuple la province du Xinjiang, NDLR), très proches de leurs voisins, ne suivent cet exemple.
À partir des années 1990, tout ce qui s’apparente à une identité distincte dans les marges de la Chine va être réprimé : les artistes sont censurés et les pratiques culturelles, comme le port de la moustache ou la célébration de fêtes religieuses, sont interdites aux fonctionnaires. Les autorités ciblent tout ce qui peut faire le ciment d’une identité parallèle au discours officiel. Le sens de la fête, les arts, la solidarité traditionnelle des Ouïghours sont perçus comme une menace contre l’hégémonie du PCC, et le ferment d’une opposition à son pouvoir absolu.
Il y a de fait eu des attentats menés par des Ouïghours, mais il s’agissait essentiellement d’actes de rébellion isolés, très courants dans toute la Chine. Le chercheur Sean R. Robert évoque la notion de « prophétie autoréalisatrice » pour expliquer comment la politique répressive menée par la République populaire de Chine contre une menace terroriste très largement imaginaire peut mener à des attaques réelles.
Et de fait, compte tenu du harcèlement permanent que subit la population du Xinjiang – tout y est surveillé, de la navigation sur Internet à l’intimité des chambres à coucher –, une forme de résistance s’est développée. Mais il est impossible que ces actes, extrêmement réprimés, soient orchestrés par des organisations rebelles structurées.
Comment cette persécution évolue-t-elle après les événements du 11 septembre 2011 ?
L. D. : Avant les attentats du World Trade Center, les autorités chinoises justifiaient la répression dans le Xinjiang par un « séparatisme » ouïghour qui serait manipulé depuis Washington. Mais dès le 11-Septembre, ce discours change de façon spectaculaire. De « séparatistes », les Ouïghours deviennent des « terroristes » disciples d’Al-Qaida, pilotés par Ben Laden. Ce dernier n’a pourtant jamais parlé du Turkestan oriental.
Un mois après les attentats, les autorités chinoises ont voulu faire reconnaître un groupe ouïghour comme organisation terroriste aux États-Unis. Les experts américains ont d’abord refusé, tant les accusations ne reposaient sur rien. Un an plus tard, en contrepartie d’un soutien pour l’invasion en Irak, l’administration américaine s’est pourtant pliée aux demandes de la Chine. C’est en se servant de l’imaginaire occidental sur le terrorisme que Pékin a pu faire passer la persécution d’une ethnie à des buts politiques et économiques comme une facette de la lutte internationale contre le terrorisme.
Comment ce discours présage-t-il de la mise en place du génocide aujourd’hui perpétré contre le peuple ouïghour ?
L. D. : À l’automne 2013, Xi Jinping dévoile le projet des « nouvelles routes de la soie » qui doit permettre à la Chine, via de nouveaux axes commerciaux, d’étendre son influence sur l’Asie centrale, l’Europe et le reste du monde. Le Xinjiang, frontalier de huit pays, devient plus important que jamais.
Il faut que ce territoire soit stable et entièrement exploitable à merci. Pékin délocalise au Xinjiang les industries polluantes, exproprie les terres. Les « lois antiterroristes » vont alors s’étendre à toutes les formes « d’extrémisme religieux ». Arrêter de fumer, porter une jupe longue, appeler son fils Mohamed, réciter une prière à ses enfants… tout est considéré comme une forme de radicalisation permettant une répression toujours plus violente et un contrôle toujours plus accru de la population.
En 2014, la « guerre du peuple » est déclarée, et les pratiques totalitaires commencent. Les autorités chinoises sont obsédées par la question des quotas ethniques et cherchent à tout prix à inverser la balance démographique dans la région. Depuis des décennies, elles font venir des Hans – l’ethnie majoritaire chinoise – en masse, mais cela ne suffit pas. Alors elles mettent en place des politiques pour limiter les naissances d’Ouïghours, enferment les hommes en âge de procréer, imposent aux femmes contraception et stérilisation. L’objectif final est clairement de dissoudre l’identité ouïghoure.
(1)
La Croix : À quand remonte le début de la persécution des Ouïghours au Xinjiang ?
Laurence Defranoux : Après la chute de l’URSS et les manifestations de Tian An Men en 1989, les éléments les plus anciens et les plus conservateurs du Parti communiste chinois (PCC) abandonnent toute idée de réforme démocratique du pays et prennent le virage de la répression. Les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale prennent leur indépendance. Pékin craint que les Ouïghours(ethnie musulmane qui peuple la province du Xinjiang, NDLR), très proches de leurs voisins, ne suivent cet exemple.
À partir des années 1990, tout ce qui s’apparente à une identité distincte dans les marges de la Chine va être réprimé : les artistes sont censurés et les pratiques culturelles, comme le port de la moustache ou la célébration de fêtes religieuses, sont interdites aux fonctionnaires. Les autorités ciblent tout ce qui peut faire le ciment d’une identité parallèle au discours officiel. Le sens de la fête, les arts, la solidarité traditionnelle des Ouïghours sont perçus comme une menace contre l’hégémonie du PCC, et le ferment d’une opposition à son pouvoir absolu.
Il y a de fait eu des attentats menés par des Ouïghours, mais il s’agissait essentiellement d’actes de rébellion isolés, très courants dans toute la Chine. Le chercheur Sean R. Robert évoque la notion de « prophétie autoréalisatrice » pour expliquer comment la politique répressive menée par la République populaire de Chine contre une menace terroriste très largement imaginaire peut mener à des attaques réelles.
Et de fait, compte tenu du harcèlement permanent que subit la population du Xinjiang – tout y est surveillé, de la navigation sur Internet à l’intimité des chambres à coucher –, une forme de résistance s’est développée. Mais il est impossible que ces actes, extrêmement réprimés, soient orchestrés par des organisations rebelles structurées.
Comment cette persécution évolue-t-elle après les événements du 11 septembre 2011 ?
L. D. : Avant les attentats du World Trade Center, les autorités chinoises justifiaient la répression dans le Xinjiang par un « séparatisme » ouïghour qui serait manipulé depuis Washington. Mais dès le 11-Septembre, ce discours change de façon spectaculaire. De « séparatistes », les Ouïghours deviennent des « terroristes » disciples d’Al-Qaida, pilotés par Ben Laden. Ce dernier n’a pourtant jamais parlé du Turkestan oriental.
Un mois après les attentats, les autorités chinoises ont voulu faire reconnaître un groupe ouïghour comme organisation terroriste aux États-Unis. Les experts américains ont d’abord refusé, tant les accusations ne reposaient sur rien. Un an plus tard, en contrepartie d’un soutien pour l’invasion en Irak, l’administration américaine s’est pourtant pliée aux demandes de la Chine. C’est en se servant de l’imaginaire occidental sur le terrorisme que Pékin a pu faire passer la persécution d’une ethnie à des buts politiques et économiques comme une facette de la lutte internationale contre le terrorisme.
Comment ce discours présage-t-il de la mise en place du génocide aujourd’hui perpétré contre le peuple ouïghour ?
L. D. : À l’automne 2013, Xi Jinping dévoile le projet des « nouvelles routes de la soie » qui doit permettre à la Chine, via de nouveaux axes commerciaux, d’étendre son influence sur l’Asie centrale, l’Europe et le reste du monde. Le Xinjiang, frontalier de huit pays, devient plus important que jamais.
Il faut que ce territoire soit stable et entièrement exploitable à merci. Pékin délocalise au Xinjiang les industries polluantes, exproprie les terres. Les « lois antiterroristes » vont alors s’étendre à toutes les formes « d’extrémisme religieux ». Arrêter de fumer, porter une jupe longue, appeler son fils Mohamed, réciter une prière à ses enfants… tout est considéré comme une forme de radicalisation permettant une répression toujours plus violente et un contrôle toujours plus accru de la population.
En 2014, la « guerre du peuple » est déclarée, et les pratiques totalitaires commencent. Les autorités chinoises sont obsédées par la question des quotas ethniques et cherchent à tout prix à inverser la balance démographique dans la région. Depuis des décennies, elles font venir des Hans – l’ethnie majoritaire chinoise – en masse, mais cela ne suffit pas. Alors elles mettent en place des politiques pour limiter les naissances d’Ouïghours, enferment les hommes en âge de procréer, imposent aux femmes contraception et stérilisation. L’objectif final est clairement de dissoudre l’identité ouïghoure.
(1) Les Ouïghours Histoire d’un peuple sacrifié, Tallandier (2022)
La gestion de la Chine du Covid-19 dissimule une stratégie militariste. D. R.
Certes, la Chine se prépare depuis plusieurs années à une guerre de haute technologie avec les Etats-Unis, menée au moyen de bombardiers furtifs, de missiles hypersoniques, voire de troupes Terminator. Mais la Chine se prépare surtout à une guerre mondiale avec des armements biologiques. En effet, les dirigeants chinois s’apprêtent à affronter une troisième guerre mondiale combattue avec des armes biologiques et génétiques. C’est dans cette perspective qu’il faut inscrire la théorie, répandue au début de la pandémie du coronavirus par certains médias occidentaux, relative à la fuite du virus d’un laboratoire chinois, notamment l’Institut de virologie de Wuhan. Plusieurs médias avaient affirmé que le Covid-19 serait le résultat d’une fuite dans un laboratoire de Wuhan. Certains présidents, Trump et Jair Bolsonaro, avaient accusé la Chine d’avoir créé le Covid pour déclencher une «guerre» bactériologique.
La majorité des experts s’accordent sur le fait que la prochaine guerre mondiale sera biologique, contrairement aux deux premières guerres qui ont été décrites respectivement comme chimique (l’usage du chlore, du phosgène – un agent suffocant –, du gaz moutarde – qui inflige des brûlures de la peau douloureuses) et nucléaire (Hiroshima et Nagasaki), précisant que les armes biologiques seront «l’arme principale de la victoire» dans cette guerre du XXIe siècle high-tech. Sans conteste, une attaque à l’arme biologique entraînerait une augmentation considérable du nombre de patients nécessitant des soins hospitaliers, provoquant inévitablement l’effondrement du système médical de l’ennemi. Or, en cas d’afflux de millions de personnes atteintes par de nouvelles armes biologiques méconnues médicalement, aucun système hospitalier ne peut les soigner. Pour parer à ces attaques biologiques, le pouvoir chinois prépare sa stratégie de défense. Aussi, depuis deux ans, procède-t-il à de multiples expérimentations militaro-médicales défensives sur sa population.
D’aucuns postulent que le «déclenchement étatique» de la crise sanitaire du Covid-19 s’intègre dans le cadre des préparatifs de la troisième guerre mondiale. Avec comme épicentre, donc la Chine, cible principale. En effet, si les deux premières guerres mondiales se déroulèrent principalement sur le continent européen, la prochaine s’invitera en Asie. Et le déclenchement de la guerre d’Ukraine a pour dessein de neutraliser, autrement dit de mettre hors état de nuire, le principal allié (militaire) de la Chine, la Russie. Et surtout faire main basse sur les précieuses richesses naturelles du pays, en particulier ses matières énergétiques.
Les prémices de cette troisième guerre mondiale, initiée et attisée par les Etats-Unis, ont ainsi débuté en Ukraine. Cette région de l’Europe de l’Est est ciblée depuis plusieurs années par les Etats-Unis. L’objectif est l’encerclement, la déstabilisation, puis l’annihilation (militaire et économique) de la Russie. Depuis plusieurs années, à la suite de la désagrégation de l’URSS, la Russie, principale puissance militaire de la région, est menacée sur ses frontières. Les membres de l’OTAN, les pays atlantistes, ne cessent d’affaiblir la zone d’influence russe par l’intégration de plusieurs pays de l’Est à l’Union européenne et à l’OTAN. Effectivement, en moins de deux décennies, la Russie a assisté à l’entrée dans l’OTAN de 14 pays qui avaient été longtemps dans sa sphère d’influence. Par ailleurs, tous les bouleversements politiques opérés ces dernières années en Europe de l’Est participent de la déstabilisation de la Russie, actionnée par les pays atlantistes, en particulier leur parrain, l’Oncle Sam. Depuis l’éviction de l’ex-président géorgien, Chevardnadze, en 2003, lors de la «révolution des Roses» ayant permis l’intronisation au pouvoir d’une faction pro-américaine, en passant par la «révolution Orange» de 2004 en Ukraine, et l’appui politique des pays atlantistes apporté à l’opposition pro-européenne en Biélorussie, sans oublier le conflit dans le Haut-Karabakh alimenté par la Turquie, membre de l’OTAN, et les règlements de comptes au sommet de l’Etat kazakh, toutes ces machinations, orchestrées par les pays atlantistes, ont fini par susciter l’inquiétude au sein du Kremlin.
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les Etats-Unis, épaulés par leurs vassaux européens, ont décidé de livrer une vraie guerre d’usure contre Moscou. Il s’agit, selon la cheffe de la diplomatie européenne, de «dévaster l’économie russe». L’objectif de Washington est de pérenniser la guerre jusqu’à l’ultime phase de l’effondrement total de la Russie.
Derrière cette escalade, les va-t-en-guerre américains entendent entraîner les pays européens dans une action militaire directe, notamment par une intervention militaire en Russie. Les conséquences prévisibles de l’escalade seraient le risque d’extension de la guerre en Asie, autrement dit en Chine, en réalité cible principale des Etats-Unis.
En réalité, par la création du chaos en Ukraine, et corrélativement de l’ensemble des pays européens impactés par le déferlement de millions de réfugiés et le renchérissement des prix des matières énergétiques, les Etats-Unis s’activent à entraver l’avancement de la Chine vers l’Europe, compromettant la réalisation des «routes de la soie», censées transiter également par les pays de l’Europe de l’Est. Ainsi, dans le cadre plus global de leur stratégie d’endiguement de la Chine (cet ennemi à combattre et abattre), après avoir créé l’alliance Aukus en 2021 pour torpiller les voies maritimes de la Chine dans la région de l’Indo-Pacifique, les Etats-Unis ouvrent un second front de déstabilisation économique par l’obstruction des voies terrestres européennes destinées à l’acheminement des marchandises en provenance de Chine. Au final, Washington aura déstabilisé et la Russie et l’Europe (un concurrent de moins pour l’Amérique, notamment la puissante Allemagne) et la Chine.
Pour revenir à la Chine, une chose est sûre, le confinement à Shanghai n’a aucun fondement médical, sanitaire et scientifique. Il répond à un agenda politique, sécuritaire et militaire. Derrière le zéro Covid se dissimule le «zéro dissidence politique», le 100% soumission à la stratégie expérimentale de défense contre la guerre bactériologique. Y compris l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que la politique zéro Covid qu’applique la Chine est insoutenable et infondée.
Au vrai, dans le cadre de la préparation à la guerre mondiale bactériologique, le régime chinois mène une politique d’expérimentation sur la population. Notamment sur les 25 millions d’habitants de Shanghai, ville-laboratoire d’expérimentation militaire, soumise à un confinement totalitaire. En effet, depuis 45 jours, les habitants de Shanghai sont confinés comme des rats de laboratoire sélectionnés pour les besoins d’expérimentation de recherche biomédicale, notamment en matière de modifications génétiques. Tout laisse à penser que la population chinoise, tels des rats de laboratoire, est soumise à une expérimentation militaire pour procéder à des modifications comportementales au moyen de la manipulation psychologique et du terrorisme policier, en vue de favoriser son adaptabilité politique à la militarisation de la société, son acclimatation aux mesures de confinement durables (de dépistage systématique, d’isolement et de contrôle social) par l’entraînement sanitaire spartiate visant à contrer les potentielles armes biologiques susceptibles d’être utilisées lors de l’imminente guerre mondiale bactériologique.
A menaces de guerre, mesures de guerre. La Chine s’applique ainsi à mettre en œuvre cette stratégie de défense contre la guerre en préparation. D’abord, par le contrôle total de l’information. La neutralisation de toute opposition politique. L’endiguement des mouvements de contestation sociaux. La destruction psychologique des habitants des villes réputées pour leur libéralisme et esprit frondeur (Hongkong, Shanghai, Pékin). Par sa stratégie anticipatrice, le régime chinois veut démontrer sa capacité à juguler une attaque bactériologique, notamment par la construction d’hôpitaux en une semaine, les dépistages massifs et répétés de millions de personnes par jour. Mais, principalement, par la «protection» de la population au moyen du confinement total, cette mesure salvatrice qui soutient la population comme la corde soutient le pendu.
Aucune maladie, même une épidémie, ne justifie une telle politique sanitaire inhumaine. Aujourd’hui, à Shanghai, bientôt à Pékin, on assiste aux restrictions des déplacements. A la fermeture de nombreux lieux publics (restaurants, cafés, salles de sport, gymnases…). Y compris des services de livraison. Ainsi, aucun commerce de proximité, ni aucun centre commercial n’est ouvert. La consommation et les services sont en berne.
Seules les entreprises dites essentielles continuent de fonctionner mais dans des conditions professionnelles dignes des camps de concentration. Dans de nombreuses entreprises, les salariés sont contraints de travailler et de dormir sur le lieu de leur exploitation.
De toute évidence, la stratégie zéro Covid impacte gravement l’économie du pays. Toutes les chaînes d’approvisionnement sont bloquées et les ports fonctionnent au ralenti.
Force est de relever que cette stratégie chinoise de sabordage économique s’intègre également dans les plans des préparatifs à la troisième guerre mondiale bactériologique et à l’aggravation de crise économique actuelle.
En prévision du chamboulement du commerce international marqué par l’écroulement des échanges mondiaux provoqué par l’accentuation de la crise et l’exacerbation des tensions militaires internationales, l’Empire du Milieu semble anticiper la désintégration de l’économie par la réduction délibérée de la production, le réajustement de la consommation à la nouvelle conjoncture économique anémique. L’oligarchie chinoise compte assurer cette transition récessive en douceur, par le contrôle étatique et despotique de la situation politique et sociale de la société. Elle ne compte pas subir la crise économique mondiale, mais l’apprivoiser. Et surtout domestiquer les prolétaires chinois par un asservissement encore plus tyrannique et sadique. Par un contrôle social totalitaire. Une surveillance électronique militarisée.
Selon certains experts, en réalité environ 350 millions de personnes en Chine subissent actuellement une forme de confinement psychologiquement destructeur, à des degrés divers. Et les zones concernées, une quarantaine de villes, représentent 40% du PIB du pays. Cette politique économique suicidaire interpelle. Elle soulève des interrogations sur le fondement réel de ces mesures restrictives. Déjà, de l’avis du célèbre professeur Didier Raoult, le confinement est, par essence, une mesure moyenâgeuse. Comment analyser et expliquer ce recours irresponsable à ces mesures contre-productives décrétées par le pouvoir chinois, sinon par une politique de sabordage économique stratégiquement orchestrée. Tout se passe comme si l’oligarchie étatique chinoise, consciente de la gravité de la crise économique mondiale, illustrée par un ralentissement de la demande, procède par anticipation à un réajustement de son économie par la contraction de sa production. Il est évident que ces mesures restrictives freinent lourdement la croissance économique.
Cette crise économique se manifeste déjà par la baisse de la consommation interne, l’érosion du tourisme (le pouvoir ne compte pas rouvrir complètement ses frontières extérieures cette année, et peut-être même pas en 2023. Voyager à l’intérieur de la Chine est toujours aussi difficile. Les passeports ne sont pas renouvelés, à moins d’un motif impérieux). Et par la diminution de l’investissement immobilier et des infrastructures. Par ailleurs, en 2022, la Chine pourrait enregistrer sa croissance la plus faible depuis le début des années 1990. La croissance chinoise sera probablement au mieux de 4% à 4,5%. Au reste, impactés par les confinements à répétition, le blocage des chaînes d’approvisionnement, la hausse du prix des matières premières, la chute de la consommation, les profits des entreprises chinoises dégringolent, entraînant de nombreuses faillites. Dernier rebondissement : la guerre en Ukraine pourrait rabattre les cartes du commerce mondial, ce qui pénaliserait plus gravement la croissance chinoise.
Ainsi, pour lutter contre un virus grippal, l’Etat chinois décrète le confinement démentiel de la population, la mise à l’arrêt de l’économie. Au prix de l’affamement et de la destruction psychologique d’une partie des habitants. En effet, les habitants de Shanghai sont affamés, précipités dans la détresse psychologique et le suicide. Enfermés de force dans des camps surnommés centres de quarantaine aux conditions d’hygiène déplorables, voire périlleuses. Par ailleurs, de nombreuses entrées d’immeubles ont été scellées, suscitant exaspération et protestations des habitants. En effet, pour contrôler totalement les habitants confinés de Shanghai, par des méthodes d’une perversion sadique criminelle, le régime chinois a érigé des barrières hautes de près de deux mètres autour de certains immeubles ou à l’entrée de certaines artères pour empêcher les résidents de quitter leur logement ou leur rue.
Cette stratégie dite «zéro Covid», consistant à vouloir prétendument endiguer totalement la propagation du virus, est drastiquement appliquée en Chine. A rebours de bon nombre de pays qui ont opté désormais pour une cohabitation avec le virus, et ont donc levé les restrictions, à l’instar de l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou la Corée du Sud, sans subir aucune flambée de cas de contamination, ni de rebond de mortalité. Cela interpelle. Particulièrement avec le variant Omicron réputé, certes, plus contagieux, mais absolument pas létal. Dans certains pays, le Covid-19 a même été classé comme une simple endémie grippale. Notamment en Espagne où le Covid-19 est désormais considéré comme une «maladie endémique», autrement dit une maladie infectieuse présente de façon latente ou en permanence, à l’instar de la grippe. Sans conteste, dans cette gestion sanitaire despotique du Covid-19, le jusqu’au-boutisme du régime chinois dissimule une réalité politique, une stratégie militariste.
Alors qu'une vague de sanctions internationales s'intensifie contre la Russie, la Chine s'est gardé de condamner l'invasion de l'Ukraine. Le ministre chinois des Affaires étrangères a néanmoins assuré, lundi 7 mars, que son pays était "disposé" à participer "le moment venu" à une médiation internationale pour mettre fin à la guerre.
L'amitié entre les deux peuples [russe et chinois] est solide comme un roc et les perspectives de coopération future sont immenses", a assuré lundi 7 mars le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, lors de sa conférence de presse annuelle en marge de la session parlementaire. Il a par ailleurs estimé que Pékin et Moscou "contribuent" à la paix et à la stabilité dans le monde.
Attachée à son partenariat avec Moscou, la Chine s'est abstenue de condamner l'intervention russe en Ukraine, se refusant même à parler "d'invasion", alors qu'une vague de sanctions internationales s'intensifie contre la Russie après son invasion de l'Ukraine.
"La Chine et la Russie, toutes deux membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, sont [...] les partenaires stratégiques les plus importants l'un pour l'autre."
Le chef de la diplomatie chinoise a par ailleurs indiqué que son pays était "disposé" à jouer un rôle dans la crise ukrainienne, notamment en participant "le moment venu" à une médiation internationale pour mettre fin à la guerre. Pékin va également envoyer de l'aide humanitaire en Ukraine, a ajouté Wang Yi.
Reçu en grande pompe à Pékin pour les Jeux olympiques d'hiver, le président russe Vladimir Poutine a assuré en février dernier que l'amitié sino-russe est un "exemple de relation digne, où chacun aide et soutient l'autre dans son développement".
La Chine est depuis 12 ans le premier partenaire commercial de Moscou, selon le ministère chinois du Commerce. La Russie fournit à la Chine 16 % de son pétrole, et le gaz naturel russe représente 5 % de la consommation chinoise, très loin des exportations de Moscou vers l'Europe.
La Chine à "l'heure du choix"
L'attitude de la Chine vis-à-vis du conflit a été critiquée dans plusieurs pays.
Le Premier ministre australien Scott Morrison a estimé lundi 7 mars que la Chine se trouvait à "l'heure du choix", exhortant Pékin à mettre fin à son soutien politique et économique tacite à la guerre : "Aucun pays n'aurait de plus grand impact en ce moment sur l'agression violente de la Russie envers l'Ukraine que la Chine". Il avait auparavant accusé Pékin de jeter "une bouée de sauvetage" au régime de Vladimir Poutine en accroissant ses achats à Moscou.
De son côté, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a plaidé, dans le quotidien espagnol El Mundo, pour que la Chine joue un rôle de médiateur, estimant qu'il "n'y a pas d'alternative".
Parallèlement, le Premier ministre israélien Naftali Bennett a entamé une médiation, rencontrant samedi 5 mars à Moscou Vladimir Poutine tout en échangeant avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Naftali Bennett a estimé que ses efforts étaient "un devoir moral" même s'il y avait peu de chances de réussite.
Selon les autorités ukrainiennes, une troisième session de négociations directes avec les Russes devait se dérouler lundi 7 mars.
Mais les chances de parvenir à des progrès paraissent infimes, Vladimir Poutine ayant prévenu que le dialogue avec Kiev ne serait possible que si "toutes les exigences russes" étaient acceptées, notamment un statut "neutre et non-nucléaire" pour l'Ukraine et sa "démilitarisation obligatoire".
Les gouvernements américain et anglais s’indignent après une enquête de la BBC sur des violences sexuelles contre des femmes ouïghours.
Des militantes du collectif Collages Féminicides Paris affichent des messages sur les murs d’entreprises comme Samsung ou Amazon, sur l’exploitation des Ouïghours dans leurs usines et le génocide en Chine. 29 juillet 2020 à Paris (Fiora Garenzi / Hans Lucas via AFP
Londres et Washington ont exprimé leur indignation après la diffusion d’une enquête de la BBC faisant état d’actes de torture et de violences sexuelles contre des femmes de la minorité musulmane ouïghoures dans des camps chinois.
Dans une longue enquête basée sur des témoignages, la BBC a rapporté mercredi des allégations de viols systématiques, d’abus sexuels et de torture dont des viols à l’aide de bâtons électrifiés, sur des femmes détenues au Xinjiang, région de l’ouest de la Chine où les Ouïghours constituent le principal groupe ethnique.
Les femmes ont été victimes de viols collectifs et de stérilisation forcée, affirment des témoins.
Le secrétaire d’Etat britannique chargé des Affaires étrangères, Nigel Adams, a déclaré jeudi 4 février que le reportage de la BBC révélait « des actes clairement abominables ».
« Les preuves de l’ampleur et de la gravité de ces violations sont désormais d’une portée considérable, elles brossent un tableau vraiment atroce », a déclaré Nigel Adams au Parlement britannique.
« Ces atrocités heurtent la conscience et doivent avoir de graves conséquences », a déclaré un porte-parole du Département d’Etat américain, réitérant le point de vue de l’ancienne et de la nouvelle administration américaine selon laquelle la Chine est en train de perpétrer un « génocide » contre les Ouïghours. « Nous examinerons tous les outils appropriés pour demander que les responsables rendent des comptes et dissuader de futurs abus », a déclaré ce porte-parole.
En septembre 2020, Emmanuel Macron avait affirmé que « ces pratiques » contre la minorité musulmane de Chine « sont inacceptables », et « nous les condamnons avec la plus grande fermeté ».
Cette enquête a également provoqué l’indignation des responsables politiques australiens et suscité de nouveaux appels à la Chine pour qu’elle autorise des inspecteurs de l’ONU à se rendre au Xinjiang.
Auditions à venir à Londres
Ces réactions surviennent au moment où un « tribunal populaire » s’est formé pour examiner les allégations portées contre la Chine de brutalités anti-ouïghoure. Il a été constitué à la demande de Dolkun Isa, président du congrès mondial ouïghour, et il est présidé par le Britannique Geoffrey Nice, ancien procureur du Tribunal pénal international (TPI) pour l’ex-Yougoslavie.
Ses huit jurés ont l’intention d’entendre plus de 30 témoins, pour la plupart des Ouïghours qui accusent la Chine de violences, et des experts en droit international.
Deux séries d’auditions se tiendront à Londres, en mai et septembre, avant une décision attendue d’ici la fin de l’année sur la question de savoir si la Chine est coupable de génocide ou de crimes contre l’humanité.
Un million de Ouïghours détenus en camps, de la « formation professionnelle » selon Pékin
L’ambassade de Chine à Londres a été invitée à participer mais n’a pas donné de réponse.
« Nous espérons les persuader qu’il est véritablement dans leur intérêt de nous fournir des informations pour notre enquête », a souligné Geoffrey Nice auprès de journalistes.
Un autre tribunal indépendant dirigé par le Britannique avait conclu l’année dernière que la Chine continuait de prélever les organes de prisonniers, y compris des Ouïghours et des membres du mouvement interdit Falungong, malgré les démentis officiels.
Selon des experts, plus d’un million de Ouïghours sont ou ont été détenus dans des camps de rééducation politique au Xinjiang.
Cette vaste région semi-désertique, frontalière notamment avec le Pakistan et l’Afghanistan, est placée sous étroite surveillance policière depuis une série d’attentats meurtriers commis en Chine et attribués à des séparatistes et islamistes ouïghours.
Pékin récuse le terme de « camps » et affirme qu’il s’agit de centres de formation professionnelle, destinés à fournir un emploi à la population et donc à l’éloigner de l’extrémisme religieux.
Les gouvernements américain et anglais s’indignent après une enquête de la BBC sur des violences sexuelles contre des femmes ouïghours.
Des militantes du collectif Collages Féminicides Paris affichent des messages sur les murs d’entreprises comme Samsung ou Amazon, sur l’exploitation des Ouïghours dans leurs usines et le génocide en Chine. 29 juillet 2020 à Paris (Fiora Garenzi / Hans Lucas via AFP
Londres et Washington ont exprimé leur indignation après la diffusion d’une enquête de la BBC faisant état d’actes de torture et de violences sexuelles contre des femmes de la minorité musulmane ouïghoures dans des camps chinois.
Dans une longue enquête basée sur des témoignages, la BBC a rapporté mercredi des allégations de viols systématiques, d’abus sexuels et de torture dont des viols à l’aide de bâtons électrifiés, sur des femmes détenues au Xinjiang, région de l’ouest de la Chine où les Ouïghours constituent le principal groupe ethnique.
Les femmes ont été victimes de viols collectifs et de stérilisation forcée, affirment des témoins.
Le secrétaire d’Etat britannique chargé des Affaires étrangères, Nigel Adams, a déclaré jeudi 4 février que le reportage de la BBC révélait « des actes clairement abominables ».
« Les preuves de l’ampleur et de la gravité de ces violations sont désormais d’une portée considérable, elles brossent un tableau vraiment atroce », a déclaré Nigel Adams au Parlement britannique.
« Ces atrocités heurtent la conscience et doivent avoir de graves conséquences », a déclaré un porte-parole du Département d’Etat américain, réitérant le point de vue de l’ancienne et de la nouvelle administration américaine selon laquelle la Chine est en train de perpétrer un « génocide » contre les Ouïghours. « Nous examinerons tous les outils appropriés pour demander que les responsables rendent des comptes et dissuader de futurs abus », a déclaré ce porte-parole.
En septembre 2020, Emmanuel Macron avait affirmé que « ces pratiques » contre la minorité musulmane de Chine « sont inacceptables », et « nous les condamnons avec la plus grande fermeté ».
Cette enquête a également provoqué l’indignation des responsables politiques australiens et suscité de nouveaux appels à la Chine pour qu’elle autorise des inspecteurs de l’ONU à se rendre au Xinjiang.
Auditions à venir à Londres
Ces réactions surviennent au moment où un « tribunal populaire » s’est formé pour examiner les allégations portées contre la Chine de brutalités anti-ouïghoure. Il a été constitué à la demande de Dolkun Isa, président du congrès mondial ouïghour, et il est présidé par le Britannique Geoffrey Nice, ancien procureur du Tribunal pénal international (TPI) pour l’ex-Yougoslavie.
Ses huit jurés ont l’intention d’entendre plus de 30 témoins, pour la plupart des Ouïghours qui accusent la Chine de violences, et des experts en droit international.
Deux séries d’auditions se tiendront à Londres, en mai et septembre, avant une décision attendue d’ici la fin de l’année sur la question de savoir si la Chine est coupable de génocide ou de crimes contre l’humanité.
Un million de Ouïghours détenus en camps, de la « formation professionnelle » selon Pékin
L’ambassade de Chine à Londres a été invitée à participer mais n’a pas donné de réponse.
« Nous espérons les persuader qu’il est véritablement dans leur intérêt de nous fournir des informations pour notre enquête », a souligné Geoffrey Nice auprès de journalistes.
Un autre tribunal indépendant dirigé par le Britannique avait conclu l’année dernière que la Chine continuait de prélever les organes de prisonniers, y compris des Ouïghours et des membres du mouvement interdit Falungong, malgré les démentis officiels.
Selon des experts, plus d’un million de Ouïghours sont ou ont été détenus dans des camps de rééducation politique au Xinjiang.
Cette vaste région semi-désertique, frontalière notamment avec le Pakistan et l’Afghanistan, est placée sous étroite surveillance policière depuis une série d’attentats meurtriers commis en Chine et attribués à des séparatistes et islamistes ouïghours.
Pékin récuse le terme de « camps » et affirme qu’il s’agit de centres de formation professionnelle, destinés à fournir un emploi à la population et donc à l’éloigner de l’extrémisme religieux.
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