Après s’être tenue à distance des grandes médiations de paix internationales pendant des décennies, la Chine entend à son tour jouer sa partie. Fort de son succès diplomatique, comme facilitateur surprise du rapprochement entre Téhéran et Riyad en mars, Pékin a de nouveau proposé ses bons services aux Israéliens et aux Palestiniens en avril. Les Chinois lorgnent un rôle actif dans une éventuelle reprise des pourparlers en vue d’un accord de paix, au point mort depuis presque une décennie. La République populaire n’en est pas à la première offre de service : elle avait déjà proposé un plan de paix en quatre points en 2013 autour d’une solution à deux États. Quatre ans plus tard, elle avait reçu une délégation israélo-palestinienne. Et en mars 2021, elle avait proposé un plan en cinq points.

 

 

 

Si aucun de ces plans n’a abouti – le rôle de médiateur en temps de crise aiguë échouant plutôt à l’Égypte ou au Qatar –, Pékin affirme désormais plus clairement sa volonté d’exister sur ce registre dans la région. La visite en Chine de Mahmoud Abbas du 13 au 16 juin s’inscrit dans ce contexte. Le président de l’Autorité palestinienne, qui n’en est pas à son premier voyage sur place, avait déjà rencontré son homologue chinois en décembre, lors du sommet sino-arabe de Riyad en Arabie saoudite. Xi Jinping avait alors affirmé son soutien aux efforts palestiniens pour que la Palestine obtienne un statut de membre à part entière à l’ONU, où Pékin est membre du Conseil de sécurité.

La Chine, qui présente le cacique palestinien de 87 ans comme « un vieil et bon ami du peuple chinois »,« a toujours fermement soutenu la juste cause du peuple palestinien pour restaurer ses droits nationaux légitimes », a récemment fait valoir le porte-parole de la diplomatie chinoise.

 

 

Pékin se présente comme un défenseur de la cause palestinienne, et des peuples arabes en général, depuis la Conférence des non-alignés de Bandung (Indonésie) en 1955. Jusqu’à la mort de Mao, la Chine fournit un soutien financier et militaire aux groupes armés palestiniens, dont l’Organisation de la libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat, qui s’est personnellement rendu en Chine à 14 reprises. La Chine reconnaît l’État de Palestine en 1988 et établit des relations diplomatiques l’année suivante.

La Chine, deuxième partenaire commercial d’Israël

Il faut attendre 1992 pour que la République populaire fasse de même avec Israël, dont elle prônait la destruction dans les années 1960… Aujourd’hui, Pékin souligne n’avoir « aucun intérêt égoïste » dans le conflit israélo-palestinien et entretient de bonnes relations avec les deux parties. Mais les échanges de la Chine avec l’État hébreu n’ont cessé de monter en puissance ces dernières années, jusqu’à devenir son deuxième partenaire commercial après les États-Unis, avec plus de 16 milliards de dollars d’exportations en 2022. Pékin y vend notamment des semi-conducteurs, investit dans des secteurs stratégiques comme la haute technologie, et plusieurs grandes entreprises chinoises ont installé des centres de recherche et développement sur le sol israélien. Un rapprochement surveillé de près par les Américains, alliés de longue date d’Israël, dans un contexte de tension croissante avec les Chinois.

 

 

Pékin, qui se présente en honest broker (« intermédiaire impartial »), est-il en mesure de réussir là où tout le monde a échoué et alors que la solution à deux États paraît appartenir aux illusions du siècle dernier ? « Il n’est jamais trop tard pour faire ce qu’il faut », avançait en avril le porte-parole de la diplomatie chinoise.