Invitée de notre émission « À l’air libre », l’actrice et chanteuse franco-iranienne Golshifteh Farahani livre à Mediapart une puissante leçon de liberté et de courage.
ansDans un livre collectif paru aux éditions du Faubourg, seize femmes iraniennes prennent la plume en écho au puissant soulèvement Femme, vie, liberté en Iran. Elles clament haut et fort : « Nous n’avons pas peur », depuis l’exil ou les geôles de la dictature islamique.
Parmi elles, une voix emblématique de l’émancipation des femmes en Iran et au-delà : l’actrice et chanteuse Golshifteh Farahani. Invitée de notre émission « À l’air libre » aux côtés de l’éditrice Sophie Caillat, elle livre à Mediapart une puissante leçon de liberté et de courage.
Une double explosion s’est produite mercredi dans cette ville du pays, alors qu’une foule importante se rendait sur la tombe du général Ghassem Soleimani, le commandant des opérations extérieures des gardiens de la révolution, tué il y a quatre ans.
Une double explosion a provoqué la mort de 84 personnes à Kerman, en Iran, le 3 janvier 2024. L’organisation Etat islamique a revendiqué l’attentat le lendemain. SARE TAJALLI / AP
L’attentat perpétré mercredi en Iran a été revendiqué par l’organisation Etat islamique (EI) jeudi 4 janvier. La double explosion a eu lieu près de la tombe du général Ghassem Soleimani, ex-architecte des opérations militaires iraniennes au Moyen-Orient, dont le pays commémorait la mort, survenue en 2020. Le dernier bilan de cette attaque fait état de 84 morts.
Sur ses chaînes Telegram, le groupe djihadiste a fait savoir que deux de ses membres ont « activé leur ceinture explosive » au milieu « d’un grand rassemblement d’apostats, près de la tombe de leur leader Ghassem Soleimani hier à Kerman, dans le sud de l’Iran ».
Cet attentat s’inscrit dans le cadre d’une campagne baptisée « Et tuez-les partout où vous les trouvez », selon le communiqué de l’EI. Quelques minutes avant la revendication, l’organisation avait diffusé un enregistrement audio de son porte-parole affirmant que cette campagne était menée « en soutien aux musulmans où qu’ils se trouvent, notamment en Palestine ».
Jeudi, le ministre de l’intérieur iranien, Ahmad Vahidi, avait fait savoir à l’agence officielle IRNA que la sécurité serait renforcée aux frontières poreuses avec l’Afghanistan et le Pakistan, points de passage pour les groupes armés combattant le pouvoir iranien.
Attaque la plus meurtrière en Iran
Il s’agit de l’attaque la plus meurtrière en Iran depuis 1978, selon les archives de l’Agence France-Presse, quand un incendie criminel avait fait au moins 377 morts dans un cinéma d’Abadan.
Outre les 84 morts, l’attentat a fait « 284 blessés, parmi lesquels 195 sont toujours hospitalisés », a fait savoir à la télévision d’Etat le chef des services d’urgence du pays, Jafar Miadfar. Selon lui, l’état dégradé de certains corps après l’explosion a rendu difficile le recensement des victimes.
Cette dernière a eu lieu près de la mosquée Saheb Al-Zaman, qui abrite la tombe du général Soleimani, tué en janvier 2020 dans une attaque de drone américaine en Irak.
L’agence IRNA, citant « une source informée », avait rapporté qu’une première déflagration avait été provoquée par un kamikaze, dont le corps a été déchiqueté. Pour la seconde, l’enquête se poursuit mais il s’agirait également très probablement de l’acte d’un kamikaze, toujours selon l’IRNA.
L’attentat étant survenu dans un contexte régional très tendu depuis le début du conflit en octobre entre Israël et le Hamas, des responsables iraniens ayant accusé Tel-Aviv et Washington. Aux Etats-Unis, le département d’Etat avait jugé « absurde » toute suggestion d’une implication des Etats-Unis ou d’Israël, qui n’a, de son côté, pas réagi.
Le guide suprême de la République islamique, l’ayatollah Ali Khamenei, avait promis avant la revendication de l’EI une « réponse sévère » à cet acte. Le chef de L’Etat, Ebrahim Raïssi, a annulé un déplacement prévu jeudi en Turquie, selon un média d’Etat.
Je n'ai pas peur de leurs menaces de mort... J'ai déjà vécu plus que prévu. Nous sommes dans notre droit de combattre l'occupation. Nous n'arrêterons pas de résister quelles que soient les menaces des sionistes. Au Hamas, nous faisons partie de notre peuple. Nous sommes prêts, comme lui, au martyre. Il y a tous les jours des martyrs à Ghaza et en Palestine occupée. Le plus jeune des martyrs est une couronne sur nos têtes, parce qu'il nous a précédés», ce sont les paroles de Salah Al-Arouri, dans une interview accordée à la chaîne de télévision al-Aqsa, en août dernier, assassiné mardi soir dans la banlieue sud de Beyrouth.
Pas besoin d'une confirmation ou d'une revendication : l'assassinat de Salah Al-Arouri, chef adjoint du Bureau politique du Mouvement de la Résistance islamique (Hamas), est bien une signature de l'entité terroriste Israël. Il faut juste se rappeler que les officiels sionistes menacent, depuis le début l'agression contre Ghaza, de cibler les dirigeants du Hamas «où qu'ils se trouvent». Et quand Mark Regev, un des conseillers du sinistre Netanyahu, déclare sur MSNBC que l'attaque «visait uniquement le Hamas et non pas le Liban ou le Hezbollah», il ne fait aucun doute que c'est bien là une confirmation que l'assassinat d'Al-Arouri, d'une frappe de drone, avec d'autres membres du Hamas au Liban, est une signature israélienne.
Il faut se rappeler aussi que l'attaque terroriste fait partie de la doctrine sioniste de cibler, en Palestine et à l'étranger, les dirigeants palestiniens qu'ils soient de l'OLP, du Fatah, du FPLP, du FDLP, du Hamas ou du Jihad Islamique. C'est le même «modus operandi» qui a mené à l'assassinat de Khalil al-Wazir «Abou Djihab» en 1988, à Tunis, par un commando israélien, et d'autres dirigeants du Hamas, comme Salah Shehadeh (2002), puis du Dr. Abdelaziz Al-Rantissi et de Cheikh Ahmed Yassine en 2004.
L'attentat contre Salah Al-Arouri, dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah ne passera pas sans représailles. Le Hezbollah libanais a déclaré mardi que le meurtre d'Al-Arouri «ne restera pas impuni».
Selon Al Jazeera, le journaliste israélien Barak Ravid du média américain Axios, citant un responsable israélien anonyme, a affirmé que l'entité sioniste se préparait à des «représailles importantes» de la part du Hezbollah y compris par le «lancement de missiles à longue portée par le Hezbollah sur des cibles en Israël».
Pour le directeur du Bureau d'Al Jazeera à Beyrouth, Mazen Ibrahim, l'assassinat d'Al-Arouri devrait conduire à un changement de la situation sur le front libanais avec Israël.
Rappelons que le Secrétaire général du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, avait déjà mis en garde l'entité sioniste suite aux menaces proférées, en août dernier, par Netanyahu contre les dirigeants palestiniens au Liban.
«Tout assassinat sur le sol libanais d'un Libanais, d'un Palestinien, d'un Iranien ou d'un Syrien fera l'objet d'une réponse ferme. Nous ne pouvons pas rester silencieux et permettre l'ouverture de la scène libanaise aux assassinats», avait alors déclaré le Chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah.
ONU : SITUATION «EXTREMEMENT PREOCCUPANTE»
En annonçant l'assassinat par Israël de Saleh Al-Arouri, et deux dirigeants des Brigades Al-Qassam, lors d'une attaque de drone contre un bâtiment de la banlieue sud de Beyrouth, mardi soir, le Hamas, par la voix de Izzat Al-Rishq, membre du Bureau politique du Mouvement, a déclaré que les «lâches assassinats perpétrés par l'occupation sioniste contre les dirigeants et les symboles de notre peuple palestinien, à l'intérieur et à l'extérieur de la Palestine, ne parviendront pas à briser la volonté et la fermeté de notre peuple de lutter contre l'occupation».
Au Liban, le Premier ministre libanais par intérim Najib Mikati a déclaré que l'attentat est «un crime israélien visant à amener le Liban dans une nouvelle phase». Dans un communiqué, le Premier ministère libanais a indiqué que M. Mikati avait demandé au ministère libanais des Affaires étrangères de déposer une plainte urgente auprès du Conseil de sécurité de l'ONU, concernant l'explosion de Beyrouth.
L'Iran, par la voix de son ministère des Affaires étrangères, a appelé les Nations Unies à réagir en urgence à l'assassinat d'Al-Arouri qui «est le résultat de l'échec majeur de l'entité sioniste face à la résistance à Ghaza». «Nous condamnons fermement l'assassinat d'Al-Arouri, et l'entité sioniste porte la responsabilité des répercussions de sa nouvelle aventure», affirme l'Iran. De son côté, l'ONU a affirmé que la situation est «extrêmement préoccupante» suite à l'attentat contre Salah Al-Arouri et d'autres dirigeants du Hamas au Liban. Interrogée par Al Jazeera, Florencia Soto Nino, la porte-parole du Secrétaire général de l'ONU, a appelé «toutes les parties à faire preuve d'un maximum de retenue». «Nous ne voulons pas d'actions irréfléchies qui pourraient déclencher de nouvelles violences», a déclaré Mme Soto Nino.
L'ESCALADE AURA UNE RECIPROCITE
Pour Marwan Bishara, chroniqueur et analyste politique pour Al Jazeera English, «Israël qui a mené des assassinats ciblés contre des dirigeants palestiniens, pendant des décennies, mais sans réussir à éliminer des groupes armés tels que le Hamas et le Hezbollah». «Cela fait 50 ans que les programmes d'assassinat sont menés par les renseignements militaires israéliens et le Mossad dans le monde entier», a déclaré Bishara, soulignant que les attaques réussies contre des personnalités telles que le fondateur du Hamas, Cheikh Ahmad Yassine, et le commandant du Hezbollah, Imad Mughniyeh, en 2015. Ajoutant : «Quel a été le résultat ? Israël aurait pu crier victoire à chaque fois qu'il assassinait l'un de ces dirigeants. Mais si vous regardez son ampleur et son histoire, le Jihad islamique est devenu plus fort. Le Hamas est devenu plus fort. Et le Hezbollah est devenu plus fort.»
Marwan Bishara est convaincu que «le fait que cela se soit produit dans la banlieue sud de Beyrouth, dans leur fief du Hezbollah, constitue une escalade encore plus grande. C'est une escalade contre le Hezbollah et contre le Hamas, et je pense qu'il y aura une réciprocité à cet attentat».
souvent les colères populaires. Entretenant le souvenir de ceux qui se sont battus au fil des siècles pour les libertés, les strophes des poètes sont autant de jalons d’une histoire marquée par les révoltes contre l’arbitraire depuis le début du XXe siècle.
Souviens-toi de la bougie éteinte, souviens-toi.
En Iran, ce vers est connu de tous. Si beaucoup de gens ignorent le nom du poète et le contexte dans lequel le poème a été écrit, ces mots sont subtilement entrés dans l’âme collective. Les citations et les références poétiques font partie de l’imaginaire des Iraniens. La poésie est l’un des éléments indispensables pour alimenter et transmettre les expériences individuelles et surtout collectives.
Chaque époque est illustrée par sa poésie, et chaque ébranlement historique a toujours été scandé par la poésie. Autrement dit, l’imaginaire des poètes iraniens marqué par les événements politiques a souvent contribué à mettre en mots les moments difficiles. Dans cette perspective, les images poétiques jouent un rôle primordial dans la constitution de l’imaginaire collectif iranien, dont l’un des piliers est l’œuvre épique de Ferdowsi, Le Livre des rois1 (en persan Shahnameh), rédigée au Xe siècle.
LA MÉTAPHORE DU SANG
L’un des personnages emblématiques de cette épopée s’appelle Siavash, et « le sang de Siavash » signifie métaphoriquement le sang versé par l’injustice. La figure de Siavash et la métaphore de son sang apparaissent dans plusieurs poèmes, dont les paroles d’une chanson culte du début du XXe siècle écrite par l’un des précurseurs des chansons engagées, Aref Qazvin, poète et compositeur iranien, surnommé « le Poète national » (1882-1934). Intitulé « Des tulipes ont fleuri du sang des jeunes du pays »*2, ce poème a été écrit pendant la révolution constitutionnelle (1905-1911) qui a mené à l’instauration du Parlement et à l’adoption d’une nouvelle Constitution en 1906.
Cette révolte s’inscrit aussi dans un mouvement pendant lequel les intellectuels modernistes publiaient des articles mettant en cause le pouvoir du chah et mettaient la liberté et la justice au centre de débats tenus au Parlement. Ce mouvement ainsi que les intellectuels et les journalistes qui le représentaient n’étaient pas du goût de la monarchie kadjare ni des religieux qui dénonçaient le régime parlementaire. Par conséquent, plusieurs révolutionnaires ont été persécutés ; parmi eux l’un des plus brillants éditorialistes de l’époque, Mirza Jahangir Khan (1875-1908), fondateur et l’éditorialiste du journal Sur-é-Esrafil, une des figures de la révolution constitutionnelle, fut arrêté et exécuté en 1908. Le roi opérait une sévère répression et il bannit les journalistes et écrivains, dont Ali Akbar Dehkhoda (1879-1959), fondateur et auteur du dictionnaire persan en seize volumes dont le premier tome était paru en 1939.
Quelques mois plus tard, exilé en Suisse, Dehkhoda publia un long poème intitulé « Souviens-toi de la bougie éteinte, souviens-toi »*. Ce poème composé de cinq strophes est précédé d’une note dans laquelle le poète dédie son texte à son ami journaliste exécuté.
Si dans la chanson « Des tulipes ont fleuri du sang des jeunes du pays » Aref Qazvini prend le mythe de Siavash pour évoquer les jeunes révolutionnaires tués et la prolongation de leur lutte symbolisée par les tulipes, Dehkhoda souligne l’importance de « se souvenir » de ceux qui se sont sacrifiés pour la liberté.
D’un coup d’État à l’autre, de révolution en révolution, comme en 1954 lorsque le pays est bouleversé par un renversement politique et une vague d’exécutions des membres du Parti communiste iranien (Toodeh), la poésie exprime les sentiments populaires. Le coup d’État de 1953, connu sous le nom d’« Opération Ajax », a renforcé le pouvoir du chah et entraîné la destitution du premier ministre nationaliste, Mohamad Mossadegh qui avait nationalisé les gisements pétroliers d’Iran. Ce coup d’État soutenu par l’intervention des États-Unis et du Royaume-Uni a profondément marqué l’imaginaire des poètes. Nima, Akhavan-Sales, Ebtehaj, Rahmani, Chamlou3 sont parmi ceux qui écrivent à cette époque sur le sentiment d’échec, la frustration et l’accablement. Les œuvres majeures de la poésie contemporaine iranienne pour lesquelles leurs auteurs ont subi des années d’emprisonnement font toujours partie des indispensables d’une librairie.
À cette époque, Ahmad Chamlou, l’un des grands poètes iraniens du XXe siècle et opposant au régime du chah a écrit une série de poèmes politiques. Parmi eux figure celui intitulé « Amour collectif » ou « Amour irradié »4 écrit après l’exécution collective des membres du parti Toodeh en 1954 :
J’ai pleuré pour ce qui vit Versant des larmes avec toi Et avec toi j’ai chanté des chants les plus exquis Dans les ténèbres du cimetière Car les morts de cette année Ont été les vivants les plus amoureux*.
Les poèmes de Chamlou et d’Ebtehaj, comme ce
ux des autres poètes engagés, sont connus et ont été chantés dans la ferveur du début de la révolution de 1979. La chanson d’Aref Qazvini « Des tulipes ont fleuri du sang des jeunes du pays » fut enregistrée plusieurs fois avec différents chanteurs et fait partie des chansons inoubliables du lendemain de la révolution de 1979.
UNE NOUVELLE GÉNÉRATION PASSÉE PAR LA PRISON
Aujourd’hui Ali Asadollahi, Mona Borzouei, Atefeh Chaharmahalian font partie de la nouvelle génération des poètes politiques et ont connu la prison pour avoir écrit ou récité leurs poèmes. Le soulèvement qui a suivi la mort tragique de Mahsa Amini, en septembre 2022, a mis en marche la révolution « Femme, Vie, Liberté » dont l’une des particularités réside dans son caractère culturel.
La poésie a toujours été omniprésente, tel un appui pour vénérer ce long combat pour la liberté. Le Livre des Rois est un ouvrage majeur que tous les Iraniens connaissent, et depuis plusieurs siècles ils n’ont cessé de le lire, de le réciter, de l’enseigner, de le raconter ou de le chanter. Certes, ceux qui l’ont lu en entier sont assez peu nombreux, mais tous les Iraniens connaissent au moins quelques personnages principaux de ce récit de plus de cinquante mille distiques, ainsi que quelques histoires marquantes de cette épopée.
Une de ces histoires est celle du Zahak, le roi-serpent. Zahak est un mythe persan transformé en un personnage marquant de l’épopée de Ferdowsi. Le roi Zahak est manipulé par le mal. Le diable embrasse les épaules du roi, et aussitôt deux serpents surgissent de là où il l’avait embrassé. Le roi se sent terriblement mal, et le seul remède pour calmer les serpents, c’est de les nourrir avec des cerveaux humains. Chaque jour, un certain nombre de jeunes sont arrêtés puis tués pour que leurs cerveaux nourrissent les serpents, jusqu’au jour où Kaveh, un forgeron dont les fils ont été tués par le tyran, se rebelle contre Zahak et obtient le soutien du peuple.
Le mythe de Zahak a toujours fait partie de l’imaginaire collectif des Iraniens. Mais depuis quelques années, sa figure est de plus en plus utilisée pour faire allusion à Khamenei, le Guide suprême. Ainsi, en 2009, la télévision iranienne a diffusé des images lors de la cérémonie de confirmation de la réélection du président sortant, qui montrait le président Ahmadinejad embrassant l’épaule du Guide. Khamenei portant des serpents sur ses épaules en allusion au mythe de Zahak a circulé sur les réseaux sociaux sous la forme d’images retouchées et de photomontages.
Depuis l’assassinat de Mahsa Amini, les poèmes évoquant Zahak circulent sur les réseaux accompagnés de photos de la révolte des femmes. Par exemple, un vers du poète Fereidoun Moshiri (1926-2000) décédé en 2000, se transforme rapidement en une des devises du mouvement « Femme, Vie, Liberté » :
Je suis déçu des hommes, Le prochain Kaveh de l’Iran sera sans doute une femme*.
En même temps, un autre texte de l’un des plus grands poètes iraniens contemporains, Mohamad Reza Shafiei Kadekani (né en 1939), se fait remarquer et s’affiche sur les réseaux. Ce chercheur et universitaire est connu du grand public pour ses poèmes mis en musique par des musiciens et chanteurs iraniens. Dès le début des révoltes de septembre et octobre 2022, l’un de ses poèmes lyriques écrits en 1995 circule sur les réseaux sociaux, et un vers du début de ce poème de 26 vers devint viral : « Si tu es un homme, reste en Iran et sois une femme ». Le poème commence par ces deux distiques :
Viens ici mon ami et reste au pays Partageons les joies et les chagrins de nos âmes Ici les femmes luttent comme les braves lions Si tu es un homme, reste ici et sois une femme*.
La dernière phrase est reprise notamment — et partiellement — en graffiti sur un mur à Téhéran :
L’effet de la poésie est exaltant, et les citations poétiques inspirent les Iraniens. Par exemple, au début du soulèvement, une citation d’Abou Said Abou Al-Kheir (967-1049), maitre spirituel et poète, qui a joué un rôle important dans la cohabitation culturelle entre les penseurs des deux langues persan et arabe, a également circulé sur les réseaux sociaux :
Faites un pas en avant d’où que vous soyez *.
Personne ne sait comment, quand et par qui cette phrase du Xe siècle a resurgi sur les réseaux soucieux, mais tout le monde l’a vue puisqu’en quelques jours elle fut twittée des milliers de fois. L’idée se transforme en message : « On ne peut pas rester indifférent ». La solidarité inouïe et inédite des Iraniens au pays et en diaspora pendant les manifestations en 2022 et 2023 serait d’une certaine manière l’interprétation de cette citation du Xe siècle.
UNE FORME DE DÉSOBÉISSANCE CIVILE
La poésie escorte les révoltes, et renoue sans cesse avec des créations plus anciennes. Ainsi le poème de Chamlou écrit après l’exécution collective des membres du parti de gauche Toodeh en 1954, a fait partie en 1979 avec d’autres poèmes politiques d’un livre avec un CD récité par le poète. Certains des poèmes de ce livre ont été revivifiés à l’occasion des exécutions massives des prisonniers politiques en 1988 ainsi qu’en 2009 ; et ils resurgissent en octobre et en novembre, quand les exécutions des manifestants ont pris de l’ampleur.
Les réseaux sociaux, qui transmettent des photos et les noms des exécutés, affichent des poèmes comme cet extrait d’un texte de Chamlou :
… Les morts de cette année Ont été les vivants les plus amoureux*.
Pour les Iraniens, la poésie fait partie de la vie quotidienne et pendant les moments difficiles, fonctionne comme un remède contre l’oubli, une lueur dans l’obscurité, un espoir pour survivre, une résistance face aux répressions ; l’art de raconter est l’art majeur dans ce pays. De ce fait, le conte des Mille et une Nuits n’est pas qu’un conte, c’est aussi un mode de vie : raconter pour vivre et survivre.
La poésie construit une réserve dans laquelle le peuple puise pour continuer à combattre. Le pouvoir craint les écrivains et les poètes parce qu’il est conscient de du caractère primordial de la poésie et de la fiction dans la vie de ce peuple. La preuve, entre le 18 septembre et le 18 novembre 2022, 34 écrivains et poètes ont été arrêtés.
À l’anniversaire du mouvement « Femme, Vie, Liberté » les photos des jeunes tués par le régime s’affichent sur les réseaux, accompagnées de vers comme, entres autres, « Des tulipes ont fleuri du sang des jeunes du pays » et « Souviens-toi de la bougie éteinte, souviens-toi ».
Sans aucun doute, dans les années à venir, nous pourrons lire les poèmes s’inspirant des expériences vécues depuis septembre 2022 qui ont allumé le feu poétique de cette révolution en marche.
Si les manifestations sont étouffées, si les protestataires sont tués ou en prison, la résistance iranienne est plus solide que jamais, renforcée par une opiniâtreté culturelle. Quand la répression s’abat sur la culture, la création devient l’art de la résistance. La parolière Mona Borzouei fut ainsi arrêtée en septembre 2022 pour la publication de ce poème :
Pourquoi partir ? Reste et reprends l’Iran Étouffe le pouvoir du tyran Chante Pour que l’hymne des femmes résonne partout Pour que cette patrie redevienne celle de tous.
Depuis la sinistre prison iranienne d’Evin, Narges Mohammadi, prix Nobel de la paix 2023 pour son combat pour les femmes, livre un entretien exclusif à Mediapart. Une leçon de liberté, de courage, de féminisme.
C’estC’est un entretien exceptionnel parce qu’il a traversé clandestinement les murs d’une des pires prisons au monde : celle d’Evin, en Iran, que l’on surnomme avec ironie « l’université », car la République islamique y entasse un grand nombre d’intellectuel·les, d’étudiant·es, de journalistes, d’artistes.
C’est un entretien exceptionnel parce qu’il donne à entendre la voix d’une personnalité hors norme, une femme qui va recevoir dimanche 10 décembre à Oslo (Norvège), non pas en main propre mais dans celles de sa famille à laquelle elle a été arrachée, le prix Nobel de la paix 2023 « pour son combat contre l’oppression des femmes en Iran et sa lutte pour la promotion des droits humains et la liberté pour tous » : la journaliste et militante Narges Mohammadi.
Pour des raisons de sécurité, nous ne détaillerons pas les conditions de la réalisation de cet entretien exclusif donné à Mediapart, mais nous remercions celles et ceux qui l’ont permise. Car la voix de Narges Mohammadi doit porter hors des barreaux d’Evin. Elle le dit elle-même à Mediapart : « Les murs de cette prison ne pourront pas étouffer ma voix, elle portera jusqu’au reste du monde. »
Infatigable militante de la cause des femmes, figure emblématique du soulèvement Femme, vie, liberté violemment réprimé, vice-présidente du Centre des défenseurs des droits humains fondé par l’avocate Shirin Ebadi, elle aussi Prix Nobel en 2003, Narges Mohammadi, 51 ans, est dans le viseur de la dictature des mollahs depuis des décennies.
Arrêtée et condamnée à de multiples reprises à diverses peines, dont plus de trente et un ans de prison au total, ainsi qu’à des traitements cruels (notamment 154 coups de fouet), à nouveau incarcérée depuis 2021, elle paie cher son engagement contre l’apartheid de genre en Iran, contre le voile obligatoire, contre la peine de mort.
Leçon de courage, de liberté, de féminisme, d’humilité, Narges Mohammadi n’a jamais abdiqué malgré les sacrifices immenses, à commencer par la séparation forcée d’avec les siens, d’avec son mari, le journaliste et écrivain Taghi Rahmani, exilé à Paris depuis 2012 après plus d’une décennie en prison, et d’avec leurs deux enfants qu’elle ne peut voir grandir, Kiana et Ali, 17 ans, qui ont rejoint leur père en 2015. « Être loin de mes enfants est ce qu’il y a de plus dur et de plus douloureux dans l’enfermement. C’est l’une des tortures les plus insupportables »,témoigne-t-elle auprès de Mediapart.
Elle résiste aux souffrances, aux tortures, parce que son combat, ses combats ont « du sens », dit-elle, « convaincue que nous obtiendrons la démocratie, la liberté et l’égalité, que nous serons victorieux ». Même en prison, elle continue de résister, de manifester, de se battre pour les droits des femmes au prix de nouvelles condamnations. Début novembre, elle a fait une grève de la faim pour avoir le droit d’être admise à l’hôpital sans porter le voile et y être soignée.
Elle raconte à Mediapart son engagement, le quotidien derrière les barreaux, rend hommage à Mahsa Amini − dont la mort sous les coups de la police des mœurs en septembre 2022 a impulsé le puissant mouvement Femme, vie, liberté − ainsi qu’à la lycéenne Armita Garavand, morte elle aussi un an plus tard pour n’avoir pas respecté l’obligation de port du voile. Narges Mohammadi dit aussi son espoir pour l’Iran, interpelle la communauté internationale et nous toutes et tous.
Mediapart : Vous n’êtes pas autorisée à recevoir une photo de vos enfants, âgés de 17 ans, ni de votre mari, encore moins à leur parler. Comment surmontez-vous le fait d’être séparée de votre famille ?
Narges Mohammadi : Être loin de mes enfants est ce qu’il y a de plus dur et de plus douloureux dans l’enfermement. C’est l’une des tortures les plus insupportables. La première fois que Kiana et Ali m’ont rendu visite, c’était juste après leur anniversaire, ils avaient 5 ans et 3 mois. À l’époque, j’étais en cellule d’isolement dans la section de sécurité maximale de la prison, les conditions y étaient très différentes comparées à la section de droit commun. Là-bas, il n’y avait pas la possibilité de passer des appels ou d’avoir des visites, j’étais complètement sans nouvelles de mes enfants.
Je ne pense pas avoir les mots pour décrire pleinement le déchirement que cela était d’être séparée de Kiana et Ali. Quand je repense à ces jours sombres, je ne sais pas comment j’ai pu les surmonter. La deuxième fois que j’ai été mise en cellule d’isolement, Ali et Kiana avaient 5 ans et 5 mois, Taghi venait de quitter le pays. Seule depuis ma cellule, il m’était insupportable de penser à la solitude de Kiana et Ali, si petits et inoffensifs.
Ce qui m’a permis de tenir bon et de persévérer, encore aujourd’hui, c’est ma profonde conviction du droit à la liberté de chaque individu. Le rêve de la liberté est un grand rêve pour celui qui ne peut que la penser, la liberté est une réalité distante, mais pour celui qui met un pied dans l’arène de la lutte, la liberté devient palpable, imaginable. Je suis convaincue que nous obtiendrons la démocratie, la liberté et l’égalité, que nous serons victorieux.
Sur le long chemin qui y mène, les souffrances humaines trouvent un sens. Le poids de la souffrance n’en est pas diminué, mais il mène à un but. Donner un sens à ces émotions est une manière pour l’humain de se donner un but. Même au regard de ces expériences douloureuses et difficiles, je ne peux pas me plaindre.
Comment affrontez-vous l’enfermement, le quotidien en prison où vous subissez la torture ?
Les premières années d’incarcération sont totalement différentes de celles qui ont suivi. En gagnant de l’expérience, en prenant de plus en plus conscience, en comprenant les effets de l’enfermement, tout cela influence l’espoir et les causes qui nous animent et nous font vivre la lutte.
Mon emploi du temps quotidien est très resserré. Je lis, j’échange avec mes codétenues, je fais du sport, j’accomplis des tâches du quotidien, et à travers cela j’ai l’impression que la vie continue. Après le début de la révolution Femme, vie, liberté, nous avons mené beaucoup d’actions collectives dans le quartier des femmes.
À cause de ces rassemblements et des tracts que j’ai écrits depuis la prison, six nouvelles charges ont été ajoutées à mon dossier. J’ai été condamnée à deux reprises, d’abord à vingt-sept mois d’enfermement puis à quatre mois additionnels. L’un de mes dossiers a été confié au tribunal révolutionnaire pour jugement.
Lundi 4 décembre, j’ai reçu comme peine la privation de visites et de communication avec l’extérieur pour avoir enfreint les règles de la prison. Mais je reste déterminée à continuer le combat, et je suis certaine que les murs de cette prison ne pourront pas étouffer ma voix, qu’elle portera jusqu’au reste du monde.
À quoi ressemble la solidarité entre prisonnières ?
Après toutes ces années en prison, je crois pouvoir dire que la solidarité, l’empathie et l’esprit de la lutte sont les plus forts dans le quartier des femmes. Les prisonnières politiques sont d’horizons divers, mais leur but est le même : mettre fin à la République islamique. Ce nouveau chapitre de la lutte a donné naissance à de nouvelles collaborations et à des formes d’entraide entre nous.
Les prisonnières s’occupent et aident particulièrement les mères prisonnières séparées de leurs enfants. Parmi les 86 prisonnières du quartier des femmes, quatre ont plus de 70 ans, elles sont pour toutes les prisonnières des mères qu’elles chérissent et respectent. Parmi nous, six femmes ont moins de 25 ans, elles sont choyées. Nous sommes une grande famille, nous partageons ensemble nos joies et nos tristesses.
Vous êtes une figure de la lutte des droits des femmes et des droits humains, un modèle à travers le monde pour de nombreuses femmes. Que représente le féminisme pour vous ?
L’oppression des femmes est l’une des discriminations les plus anciennes, les plus étendues. Elle est celle qui a les racines les plus profondes dans nos sociétés et elle est révélatrice des autres systèmes d’oppression. Lorsque l’oppression des femmes s’exprime à travers les normes religieuses, la violence faite aux femmes se transforme et atteint des niveaux insoutenables.
Cela perdure tant qu’une société ne se saisit pas de la cause des femmes, et du respect des droits humains. En Iran, le régime religieux et dictatorial opprime les femmes à travers un système d’apartheid de genre. Le voile obligatoire a fait partie dès le commencement du projet théologique et politique de la République islamique, non pas comme un objet religieux ou culturel, mais comme un outil d’emprise politique à travers lequel ce régime asservit et opprime la société tout entière.
Si une société ne porte pas le combat du droit des femmes en son sein, parler de démocratie et de respect des droits humains n’a pas de sens.
Agrandir l’image : Illustration 3
Quel rôle ont joué vos parents dans votre engagement ?
Ma mère a toujours été mon plus grand soutien, elle m’a encouragée à poursuivre mes études, trouver un emploi et m’investir pleinement dans la société. C’était une femme indépendante et engagée dans le combat des femmes, j’ai été témoin de ses luttes et de ses déceptions.
En nous soutenant financièrement, mon père nous a offert à moi et mes sœurs une forme de protection. Dans notre famille, l’entrée des filles à l’université était un moment de célébration. Je pense que le soutien qu’offrent les mères joue un réel rôle social en encourageant les femmes à poursuivre des études et à aller à l’université.
Parvenez-vous à envisager le futur de l’Iran depuis les geôles du régime ?
Le mouvement révolutionnaire Femme, vie, liberté est le fruit de la solidarité de multiples groupes issus de différents milieux et horizons. La société iranienne est animée par de nombreux mouvements, des mouvements sociaux et contestataires, le mouvement des femmes, des étudiants, des jeunes, des enseignants, des travailleurs, etc. Cela a beaucoup joué dans la construction de ce mouvement révolutionnaire.
En élargissant les cercles d’action et en mobilisant massivement à travers la désobéissance civile, ce mouvement a su contrer la répression massive dans les rues. Le mouvement Femme, vie, liberté est un élan démocratique, libertaire et égalitaire pour le pays, sans équivalent, qui a articulé toutes les demandes politiques et sociales et leur a donné un sens nouveau.
Ce mouvement a fondamentalement changé le paysage politique du pays et a influencé jusque dans les sphères religieuses. Ces changements sont profondément ancrés dans l’histoire de la lutte dans notre pays. Cette nouvelle conscience est un point de non-retour.
J’ai beaucoup d’espoir quant à l’avenir de l’Iran. J’espère que la communauté internationale est sensible et a conscience de ces changements profonds et de l’essor du mouvement prodémocratie à travers les couches de la société iranienne. Une sensibilité nouvelle au respect des droits humains exige de la classe dirigeante l’application des valeurs démocratiques.
En septembre 2022, la mort de Mahsa Amini, pour n’avoir pas porté « correctement » le voile obligatoire, a provoqué un soulèvement populaire inédit, mais pas celle de la lycéenne Armita Garavand, agressée un an plus tard, en octobre 2023, selon les ONG, par la police des mœurs car elle ne portait pas de foulard. Comment l’expliquez-vous ?
D’après moi, il y a plusieurs facteurs. Le mouvement Femme, vie, liberté a fait face à une répression brutale. Un an après, lors de la mort d’Armita Garavand, la répression sourde du gouvernement a vidé les rues de la contestation. Cet événement aurait pu être une étincelle, mais l’appareil répressif du régime a œuvré, en détenant les journalistes impliqués dans l’affaire, en contrôlant les caméras de sécurité du métro, en menaçant et en surveillant l’hôpital, l’école et la famille afin qu’aucune information ne puisse filtrer.
Face au refus de plus en plus de femmes de porter le hidjab, le pouvoir se crispe et contre-attaque, même si les réformistes tentent de se faire entendre. Pendant ce temps, la population rit des « sextapes » qui circulent impliquant des religieux.
« Espionnage« Espionnage en relation avec une puissance étrangère. » C’est l’accusation qu’a finalement retenue début août un tribunal révolutionnaire de Téhéran à l’encontre de Niloufar Hamedi et d’Elaheh Mohammadi, les deux journalistes qui avaient révélé, en septembre dernier, l’histoire de Mahsa Amini, cette jeune Kurde iranienne de 22 ans battue à mort à Téhéran par une unité du gasht-e ershad (littéralement « les patrouilles de l’orientation islamique »),la police des mœurs, pour un voile mal porté.
À l’issue des deux premières audiences d’un procès à huis clos qui a commencé fin mai sans même la présence de leurs proches, les juges ont requalifié les chefs d’inculpation des deux jeunes femmes. Pour les magistrats, leur mise en accusation n’aurait aucun rapport avec leurs enquêtes sur ce meurtre qui a embrasé l’Iran pendant plusieurs mois et leur a valu d’être arrêtées quelques jours après le début de la révolte. Cette fois, d’après leurs avocats, ce qui leur vaut d’être poursuivies est tout simplement ahurissant : avoir assisté il y a environ un an et demi à un séminaire sur le journalisme en Écosse dirigé par « un juif ». Des accusations qui pourraient leur valoir, si des circonstances aggravantes sont retenues, la peine de mort.
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Niloufar Hamedi, 30 ans, reporter pour le journal Shargh (L’Orient), est spécialisée dans tout ce qui relève des droits des femmes dans son pays. C’est elle qui avait révélé le tabassage de Mahsa Amini, cherché et trouvé l’hôpital où elle se trouvait dans le coma, rencontré des témoins et sa famille, et publié des photos de la victime sur Twitter le jour même où elle décédait. Une semaine plus tard, la seconde journaliste jugée, spécialiste des questions de société au quotidien Ham-Mihan, faisait le déplacement en taxi jusqu’à la petite ville de Saqqez dans le Kurdistan iranien, pour rendre compte des funérailles de la jeune Kurde, point de départ des manifestations qui ont suivi.
Ce n’est pas la première fois que des journalistes iraniens sont accusés d’espionnage en relation avec une puissance étrangère, en général Israël, les États-Unis et la Grande-Bretagne. Depuis la création de la République islamique, en 1979, quelque cent vingt cas de ce genre ont été instruits par la justice iranienne avec des dossiers vides et des aveux extorqués sous la torture. Cette fois, le régime entend punir celles qui ont révélé la mort scandaleuse de la jeune femme, sans vouloir le montrer ouvertement, craignant à l’évidence qu’une condamnation en relation avec son meurtre attise la contestation à l’occasion du premier anniversaire de sa mort, le 16 septembre. C’est aussi la liberté d’informer et d’enquêter en Iran qui est en jeu.
Car ces derniers mois, une répression intense s’est abattue sur les journalistes, les femmes en particulier, dont trois d’entre elles ont été condamnées à quatre ans de prison.
Ligne rouge absolue
Par ailleurs, l’avocate Narges Mohammadi, une figure emblématique des combats féministes et la porte-parole de l’organisation Defenders of Human Rights Center (DHRC), s’est vu infliger le 4 août un an d’emprisonnement et 154 coups de fouet pour avoir fait sortir clandestinement de la maison d’arrêt une lettre dénonçant le harcèlement sexuel des prisonnières et fait campagne contre « la torture blanche », cette pratique qui consiste en un isolement total des détenu·es – elle-même l’avait subie pendant plus de deux mois dans le quartier 2A de la prison d’Evin, l’un des plus durs du fait de sa gestion par les pasdarans (gardiens de la révolution). Avec cette nouvelle peine, sa condamnation s’élève à présent à dix ans et six mois de prison et plus de 200 coups de fouet.
Depuis le soulèvement, la fustigation est aussi devenue l’une des principales armes de la répression. Selon le site de l’ONG Iran Prison Atlas, 117 militant·es et opposant·es politiques, dont 13 femmes, ont été condamné·es depuis septembre à un total de 7 404 coups de fouet.
Autre nouvelle accablante pour la société civile iranienne, Nasrin Sotoudeh, autre grande figure des combats pour les droits de femmes – elle a été la première avocate à défendre celles qui refusaient de porter le voile, ce qui lui a valu d’être emprisonnée à son tour –, serait malade, ce qui expliquerait pourquoi elle a été relâchée sous caution il y a quelques mois alors qu’elle avait été condamnée à 38 années et demie de prison et 148 coups de fouet.
Sur la question du voile, l’institution judiciaire, le président Ebrahim Raïssi et son gouvernement ainsi que le Guide suprême Ali Khamenei campent sur une position résolument dure, faisant de cette question une ligne rouge absolue. Les fermetures de commerces qui n’interdisent pas l’entrée aux femmes non voilées se poursuivent au quotidien. Trois des plus importants sites de vente en ligne iraniens sont également sous le coup d’une menace après la diffusion d’images d’employées sans voile. De nouvelles punitions ont été imposées aux femmes arrêtées comme celle d’aller laver des cadavres ou l’obligation de se faire examiner dans des cliniques psychiatriques, ce qui est arrivé, outre des peines de prison, à deux actrices bien connues en Iran, Afsaneh Bayegan et Azadeh Samadi.
Cependant, on note les premiers craquements au sein du régime et des signes de plus en plus flagrants d’hésitation. Si la police des mœurs a repris sa chasse aux femmes bi-hidjab (sans voile) dans les rues des grandes villes, y compris avec des policiers à moto, personne au sein du régime n’a osé assumer cette décision. Dès lors, on ignore à quel niveau elle a été prise. L’agence de presse Tasnim, liée au corps des gardiens de la révolution, en a crédité le président Raïssi et le chef du pouvoir judiciaire Gholamhossein Mohseni Ejei avant de faire machine arrière et d’effacer cette partie de l’article après avoir été contactée, précise-t-elle, par « des personnes au gouvernement ».
Une loi sur le hidjab, destinée à sanctionner le dévoilement des Iraniennes et comportant 70 articles, est en attente d’être votée au Majlis (l’Assemblée islamique). Mais, quand bien même cette institution est un fief des radicaux – le 6 novembre 2022, 227 des 290 membres avaient appelé l’appareil judiciaire à exécuter les manifestants arrêtés –, un certain nombre de députés l’estiment néanmoins inapplicable. Le président du Majlis, et proche du Guide suprême, Mohammad Bagher Qalibaf, a même fait savoir qu’elle ne servirait à rien. Curieusement, Ali Khamenei, dont personne n’ignore qu’il est farouchement déterminé à ne rien céder, reste silencieux sur ce sujet.
La meilleure punition ? « Des coups de fouet ! »
Pour les réformistes, dont le mutisme sur la répression des manifestations a été accablant, ce qui a encore aggravé leur discrédit aux yeux des Iraniens, c’est l’occasion de se démarquer des factions conservatrices dans la perspective des élections législatives de mars. D’où le retour sur le devant de la scène de leur chef de file, l’ancien président (1997-2005) Mohammad Khatami, qui, le 30 juillet, a ouvertement reconnu que la campagne pour imposer le port du foulard obligatoire « n’était pas une réussite » et que la majorité de la société n’en voulait pas.
La réaction des milieux conservateurs a été violente. Le journal Kayhan, dont le directeur est nommé par le Guide suprême, l’a accusé « d’agir en coordination avec l’ennemi dans son projet de chasser la chasteté » de la société iranienne.
« Le port obligatoire du hidjab pour toutes les femmes, c’était un acquis absolu de ce régime et force est de constater qu’il l’a perdu,souligne le politiste et spécialiste des droits humains Reza Moini. On voit bien que la police peine à l’imposer et ne veut surtout pas d’affrontements. Elle se retire quand elle entend les gens crier, comme on l’a vu récemment à Racht (nord-ouest de l’Iran) et dans le nord de Téhéran. On n’avait jamais vu cela auparavant. »
Même chez les religieux, le débat aussi s’est ouvert. Certains campent sur des positions extrêmes. « La sanction contre les femmes non voilées doit être dissuasive et une amende ne résout pas le problème. La meilleure punition est de leur administrer des coups de fouet », a lancé début août Ali Moalemi, un dignitaire religieux proche du Guide. Mais pour d’autres clercs, le port du hidjab, puisqu’il n’est pas expressément prescrit par le Coran, ne saurait être obligatoire.
« Je ne sais pas si l’on peut parler de révolution culturelle mais il y a, à l’évidence, un changement culturel, dont on ne peut pas mesurer l’importance à cause de la répression, ajoute Reza Moini. Cet acquis culturel va demeurer même si la répression gagne encore du terrain. Cela dépasse la question du voile : si je prends le cas du quartier de Ekhbatan [célèbre quartier de grands immeubles à la périphérie de Téhéran, construit au départ pour les gens du régime qui les ont ensuite revendus à la classe moyenne, où la contestation a été particulièrement intense – ndlr], on peut voir à l’œil nu que les relations des habitants entre eux ont changé. »
Malgré la répression, les Iranien·nes qui n’aiment rien tant que rire des travers de la République islamique ont un nouveau sujet de moquerie : une histoire de sextapes qui frappe de plein fouet le régime au point de gagner les plus hautes sphères de l’État, dont le Conseil suprême de sécurité nationale, qui l’a évoquée. Diffusées par GilanNews, un canal de la messagerie Telegram, connu pour communiquer des informations de caniveau et administré depuis l’Allemagne par un journaliste iranien, ces vidéos, mises en ligne les 18 et 21 juillet, montrent des scènes explicitement sexuelles entre plusieurs mollahs et de l’un d’eux avec de jeunes hommes.
Le scandale frappe d’autant plus fort le pouvoir que l’un des religieux Reza Seghati est le directeur général du bureau pour la province de Gilan (nord-ouest de l’Iran) du ministère de l’orientation islamique et qu’il a récemment mené une campagne de surveillance baptisée « hidjab de quartier et chasteté vertueuse » visant à faire respecter les lois sur le voile.
Un autre religieux impliqué, Mahdi Haghshenas, est l’ancien directeur du Bureau de la propagation de la vertu et la prévention du vice, une organisation d’État très active dans la répression des milieux LGBTQ+, des femmes non voilées, et partisane d’une application la plus radicale possible de la charia, laquelle prévoit la peine de mort pour les relations homosexuelles.
En novembre 2005, selon le site Iran International, deux jeunes hommes, âgés de 24 et 25 ans avaient été pendus en public pour des relations homosexuelles à Gorgan, également dans le nord de l’Iran, ce qui avait provoqué une vague de terreur parmi les LGBTQ+.
La Valise rouge du réalisateur iranien Cyrus Neshvad est sélectionné dans la catégorie du meilleur court-métrage. Verdict ce dimanche 12 mars.
Nawelle Evad, l’actrice française – née de mère algérienne – joue l’adolescente iranienne héroïne du court-métrage (capture d’écran
Centré sur la quête de liberté d’une adolescente iranienne de 16 ans, qui retire son voile en atterrissant en Europe, le court-métrage La Valise rouge promet de retenir l’attention à la cérémonie des Oscars ce dimanche 12 mars à Hollywood.
Le film, réalisé et produit par le Luxembourgeois Cyrus Neshvad, dont les parents ont fui la révolution islamique en Iran en 1979 lorsqu’il était enfant, compte parmi les cinq nommés dans la catégorie du meilleur court-métrage.
U
n destin jugé « fou », que Neshvad et son équipe n’avaient évidemment pas anticipé quand ce film de dix-sept minutes, aux dialogues minimalistes, a été tourné début 2021 dans le décor aseptisé de l’aéroport de Luxembourg.
Moins de deux ans plus tard, il se retrouve sous les projecteurs au moment où le monde entier s’émeut du soulèvement en Iran déclenché par la mort de Mahsa Amini, à laquelle il était reproché de mal porter son voile. La vague de protestations est très durement réprimée par le régime théocratique.
« Pour moi, le film parle d’une femme, c’est-à-dire des femmes en Iran qui sont sous la domination de l’homme », déclare dans un entretien à l’AFP le cinéaste âgé d’une quarantaine d’années.
Un moment de « courage »
En Iran, « si une femme veut faire quelque chose, ou aller visiter quelque chose, l’homme [son père ou son mari] doit donner son accord et rédiger le papier et le signer », explique-t-il.
Dans La Valise rouge, une adolescente débarquant seule de Téhéran retire son voile pour échapper au quinquagénaire qui l’attend à l’aéroport en costume-cravate, avec le bouquet de fleurs du mariage.
Ce geste est un moment de « courage », commente Cyrus Neshvad, une manière de dire au public « ‘’suivez-moi’’, et comme moi ‘’enlevez votre hijab, n’acceptez pas cette domination, et soyons libres’’ »
« Femme, vie, liberté » : un nouveau slogan retentit en Iran
Pour Nawelle Evad, l’actrice française – née de mère algérienne – qui joue l’adolescente iranienne, ce rôle a eu un écho particulier.
« Je suis partie de chez moi vers 19 ans et me suis aussi retrouvée seule dans une ville que je ne connaissais pas du tout, à Paris », raconte-t-elle à l’AFP. « C’est la même chose dans cet aéroport, qui figure vraiment l’entre-deux entre le passé et le futur ».
À propos du voile, la comédienne de 22 ans d’éducation musulmane explique avoir « eu l’habitude de le porter ».
« Pour moi cela n’a jamais été une obligation, l’objet est devenu limite plus culturel que religieux », poursuit-elle. Et dans le court-métrage son personnage « enlève son voile malgré elle, ce n’est pas sa volonté », juge l’actrice.
« C’est ce que je trouve si beau dans ce film... Les doutes auxquels tout le monde, dans n’importe quel pays, dans n’importe quelle culture, est confronté », enchaîne Nawelle Evad. « Que dois-je choisir pour moi-même ? Est-ce que j’écoute ma famille ? Est-ce que je fais mes propres choix ? ».
« C’est ce que je trouve si beau dans ce film... Les doutes auxquels tout le monde, dans n’importe quel pays, dans n’importe quelle culture, est confronté »
- Nawelle Evad, actrice principale du court-métrage
L’annonce de la sélection de La valise rouge pour les Oscars a enchanté Cyrus Neshvad, qui y voit l’occasion de sensibiliser encore davantage la planète à « la cause des femmes iraniennes ».
« C’est un sentiment fou de faire de l’art pour le réel. Je n’ai jamais eu autant le sentiment d’être dans le réel avec le cinéma », lâche de son côté Nawelle Evad.
Selon les Nations unies, qu’il s’agisse de célébrités, journalistes, avocats ou simples citoyens, au moins 14 000 personnes ont été arrêtées en Iran depuis le déclenchement en septembre 2022 de cette vague de protestations pour défendre la liberté des femmes.
Par Marc Burleigh au Luxembourg avec Éric Randolph à Paris.
Le prince héritier saoudien Mohamed Ben Salman (MBS) a développé, en politique étrangère, des qualités de funambule. Son dernier numéro d’équilibriste est sans doute le plus risqué. À la surprise générale, l’Arabie saoudite et l’Iran, ainsi que la Chine, ont annoncé que les deux pays rétablissaient leurs relations diplomatiques rompues en 2016.
L’accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran a été conclu lors d’une réunion en Chine des conseillers à la sécurité nationale des deux pays. Ce rare succès d’une médiation chinoise dans les conflits du Proche-Orient est un cadeau fait à Pékin par les deux pays. L’Arabie saoudite a rompu ses relations avec l’Iran après la prise d’assaut de l’ambassade du royaume à Téhéran en 2016, pour protester contre l’exécution d’un éminent religieux chiite saoudien.
RENFORCEMENT MILITAIRE DU ROYAUME
Le rétablissement des relations irano-saoudiennes est intervenu alors que l’Iran est préoccupé de la menace saoudienne. Téhéran s’inquiète des dépenses massives de l’Arabie saoudite pour créer une industrie de défense nationale, et de sa coopération avec les États-Unis pour transformer l’armée saoudienne en une force de combat efficace. Outre l’acquisition par Riyad de systèmes d’armes sophistiqués américains et européens auxquels l’Iran n’a pas accès, le royaume a pour objectif de créer des capacités qui ciblent l’épine dorsale de la stratégie de défense iranienne, à savoir les drones et les missiles balistiques.
Ces dernières années, l’Arabie saoudite a convenu avec la Chine de construire une usine de fabrication de drones dans le royaume. Il s’agira de la première usine de production chinoise à l’étranger. Et les États-Unis et l’Arabie saoudite ont l’intention d’organiser leur tout premier exercice expérimental de lutte contre les drones à la fin de ce mois.
Les images satellite de ces dernières années suggèrent que le royaume a construit des bases de missiles avec l’aide de la technologie chinoise.
Côté iranien, les efforts déployés dans le Golfe pour éviter une escalade n’ont pas empêché la République islamique d’accroître ses capacités militaires, avec l’ajout récent d’un nouveau navire et de 95 vedettes rapides lance-missiles à sa marine de guerre. On parle aussi de l’acquisition d’avions de combat russes Sukhoi-Su-35. En outre, l’armée iranienne et le corps des Gardiens de la révolution islamique sont aguerris et ont fait preuve de créativité pour compenser les handicaps résultant des sanctions sévères imposées par les États-Unis.
UN BILLARD À TROIS BANDES ?
Sur le plan stratégique, toutefois, la réconciliation irano-saoudienne fait suite à des informations selon lesquelles l’Arabie saoudite aurait suggéré d’établir des relations diplomatiques officielles avec Israël en échange d’un engagement juridiquement contraignant des États-Unis en faveur de la sécurité du Golfe, d’un soutien américain à un programme nucléaire pacifique saoudien et d’une augmentation des ventes d’armes américaines au royaume1. Téhéran considérerait cet accord, s’il venait à se concrétiser, comme visant la République islamique.
Si l’accord irano-saoudien a un sens, c’est de positionner l’Arabie saoudite et l’Iran comme des acteurs constructifs dans la réduction des tensions régionales. À condition que leur réconciliation contribue à mettre fin à la guerre au Yémen et aux guerres par procuration dans d’autres régions. Il pourrait permettre de relancer les négociations sur le nucléaire iranien. Mais pour cela, il faudrait aussi que les Saoudiens modifient leur proposition faite aux États-Unis. Israël reste pour Riyad un joker, même si l’importance d’une contribution significative d’Israël à la sécurité dans le Golfe, dans le cadre de l’établissement de relations diplomatiques formelles entre l’Arabie saoudite et l’État juif reste incertaine.
L’Arabie saoudite, comme les Émirats arabes unis, voit d’un œil favorable la guerre secrète d’Israël contre l’Iran, qui implique des attaques contre des cibles dans la République islamique et en Syrie. Dans le même temps, les États du Golfe craignent d’être la cible de représailles iraniennes. Un engagement des États-Unis en matière de défense pourrait atténuer cette crainte. Il pourrait également enhardir Israël à un moment où le rétablissement des relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran pourrait modifier la dynamique de la rivalité entre les deux pays.
« NOUS RIPOSTERONS DOUBLEMENT »
Au début du mois, l’amiral Alireza Tangsiri, commandant de la marine des Gardiens de la révolution, a mis en garde les pays du Golfe contre tout soutien à la guerre secrète d’Israël. « S’ils souhaitent nous attaquer depuis le territoire de n’importe quel pays ou profiter de l’espace aérien de n’importe quel pays… nous riposterons doublement. Nous riposterons doublement et nous écraserons toute zone d’où proviendraient les complots contre les intérêts de l’Iran » a déclaré Tangsiri.
Les craintes de représailles iraniennes pourraient toutefois passer au second plan dans le cadre de la négociation d’un accord américano-saoudo-israélien. Les avantages d’un accord tripartite sont évidents. Il permettrait à Mohamed Ben Salman (MBS) de répondre à ses besoins les plus immédiats en matière de défense, de redessiner de manière significative la carte géopolitique du Proche-Orient et d’établir un cadre pour les relations du royaume avec les États-Unis et la Chine.
S’il était conclu, l’accord créerait un pilier du nouvel ordre mondial du XXIe siècle, initialement bipolaire et, à terme, tripolaire, avec les États-Unis et la Chine comme superpuissances initiales, rejointes par l’Inde à un stade ultérieur, et de multiples puissances moyennes, comme l’Arabie saoudite, dotées d’un pouvoir et d’un effet de levier accrus. Il ouvrirait également la voie à la reconnaissance d’Israël par de nombreux États à majorité musulmane, en particulier en Asie. Tout aussi important, l’accord rétablirait la confiance du Golfe dans la fiabilité des États-Unis en tant que garant de la sécurité régionale.
Cette confiance a été entamée par plusieurs facteurs : l’accent mis par les États-Unis sur la Chine en tant qu’adversaire stratégique ; la priorité accordée plus récemment à la guerre en Ukraine ; la réticence passée des États-Unis à répondre aux attaques iraniennes contre des cibles saoudiennes et émiraties ; les désaccords sur les niveaux de production pétrolière et les droits humains.
LES RÉTICENCES DES ÉTATS-UNIS
Surmonter les multiples obstacles à l’accord proposé par l’Arabie saoudite impliquerait probablement un changement de politique, voire un changement politique, aux États-Unis, en Arabie saoudite, dans l’ensemble du monde musulman et en Israël. Il semble presque impossible d’obtenir un soutien bipartisan aux États-Unis pour un accord formel avec l’Arabie saoudite, de nombreux membres du Congrès, de part et d’autre de l’allée, se montrant réticents à l’égard du royaume. Pour qu’un engagement soit possible, MBS devra démontrer qu’il est un partenaire fiable.
Les doutes des États-Unis sur l’Arabie saoudite ont été alimentés par la répression brutale de MBS contre la dissidence et la liberté d’expression, sa conduite de la guerre au Yémen et, parfois, des mesures de politique étrangère perturbatrices, notamment le boycott économique et diplomatique du Qatar mené par l’Arabie saoudite pendant trois ans et demi. « Les Saoudiens doivent montrer qu’ils sont un partenaire responsable », a déclaré l’ancien diplomate américain et éminent analyste Martin Indyk. Le royaume « ne peut pas jouer sur les deux tableaux. S’il désire ce genre d’engagement de la part des États-Unis, il doit s’aligner sur les États-Unis… Si notre relation de sécurité avec l’Arabie saoudite doit être approfondie parce que les Saoudiens le veulent, alors il y a certaines obligations qui en découlent ».
MBS pourrait notamment faire preuve de responsabilité en négociant les conditions du soutien américain au programme nucléaire du royaume. L’Arabie saoudite souhaite construire seize centrales nucléaires. En février 2023, le royaume a reçu des offres pour la première installation. L’Arabie saoudite a toujours affirmé que son programme était destiné à des fins pacifiques et que le royaume s’engageait à placer ses futures installations sous la supervision de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Cependant, alors que l’Iran se rapproche de plus en plus d’une capacité de production d’armes nucléaires, l’Arabie saoudite vise également à acquérir les connaissances et les éléments technologiques nécessaires pour être au même niveau que l’Iran si celui-ci franchit le seuil de la production d’armes nucléaires. Les dirigeants saoudiens ont prévenu que l’Arabie saoudite développerait ses capacités si l’Iran devenait une puissance nucléaire.
AMBITIONS NUCLÉAIRES
L’Arabie saoudite a démenti les informations selon lesquelles elle construirait une installation d’extraction de yellow cake d’uranium avec l’aide de la Chine. Elle possède elle-même d’importants gisements d’uranium. Les États-Unis veulent stopper cette évolution en convainquant le royaume d’accepter les garanties exigées par la législation américaine, que les Saoudiens ont jusqu’à présent rejetées. Ces garanties obligeraient l’Arabie saoudite à renoncer à produire du combustible nucléaire, même si elle pourrait l’acheter moins cher à l’étranger. La loi américaine sur l’énergie atomique stipule que les pays qui coopèrent avec les États-Unis dans le domaine de l’énergie nucléaire doivent renoncer à l’enrichissement de l’uranium et au retraitement du combustible usé.
Les autorités américaines craignent que l’insistance des Saoudiens ne revienne à revenir sur un protocole d’accord conclu en 2009 avec les États-Unis, dans lequel le royaume s’engageait à acquérir du combustible nucléaire sur les marchés internationaux.
Pourtant, même si MBS parvenait à convaincre les États-Unis de son sens des responsabilités et à satisfaire aux conditions américaines en matière de coopération nucléaire, Israël reste son joker. Le prince héritier et d’autres hauts responsables saoudiens ont clairement indiqué qu’ils souhaitaient établir une relation officielle avec Israël, mais cela ne sera possible que si le conflit israélo-palestinien est résolu d’une manière qui tienne compte des intérêts des deux parties, or le premier ministre Benyamin Nétanyahou est à la tête d’un gouvernement qui veut tout sauf cela.
Nétanyahou semble croire que le soutien aux Palestiniens en Arabie saoudite, et ailleurs dans le monde arabe et musulman a diminué au point que, s’il a le choix entre le soutien aux Palestiniens et la coopération sécuritaire et technologique avec Israël, en particulier contre l’Iran, le royaume optera pour Israël.
Ce calcul ne peut fonctionner que dans le cas improbable où les États-Unis s’engagent juridiquement à assurer la sécurité de l’Arabie saoudite et du Golfe et où le royaume remplit les conditions nucléaires imposées par les États-Unis. Pour sa part, MBS peut supposer que si l’Arabie saoudite et les États-Unis s’entendent, Netanyahu fera de même, mais il s’agit là d’un pari risqué. Même si Netanyahou souhaite entretenir des relations officielles avec l’Arabie saoudite, il est peu probable qu’il mette son avenir politique en péril en risquant une crise avec ses partenaires de la coalition, majoritairement d’extrême droite et ultrareligieux, qui veulent se débarrasser des Palestiniens, le plus tôt étant le mieux.
Téhéran a manifesté son soutien au Front Polisario dans le but de se rapprocher de l'Algérie et de gagner en influence au Maghreb
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AFP/HO/PRÉSIDENCE IRAN - Membres du Corps des gardiens de la révolution islamique iranienne (IRGC)
En conséquence, le gouvernement iranien a pu détourner son attention vers de nouveaux objectifs à son programme, notamment l'expansion de son influence dans plusieurs régions géostratégiques. L'une des plus importantes est le Maghreb, où Téhéran cherche à prendre pied grâce à son soutien au Front Polisario et au déploiement des forces des Gardiens de la révolution en Mauritanie.
Cette démarche du régime des Ayatollahs inquiète le Maroc. La crise diplomatique entre Rabat et Alger ne semble pas près d'être résolue, et la souveraineté sur le Sahara reste une ligne rouge entre les deux administrations. C'est dans cette situation que l'Iran veut utiliser à son avantage son soutien au pays d'Abdelmajdid Tebboune et, en même temps, faire pression sur Rabat.
La présence militaire accrue de l'Iran en Mauritanie est un autre signe du soutien du régime à l'Algérie. Selon des sources consultées par les médias d'Assabah, les Gardiens de la révolution ont reçu des instructions pour étendre leur activité dans plusieurs pays africains, la Mauritanie étant le plus important, mais pas le seul. Le Sénégal est un autre pays qui connaît déjà une augmentation de la présence de ses forces, ce qui a conduit, il y a une décennie, à des affrontements entre Iraniens et Sénégalais, et à la rupture des relations diplomatiques entre Téhéran et Dakar.
En outre, les Forces Al Quds - la branche armée du Jihad islamique - cherchent également à établir des relations et une coopération plus étroites avec le Polisario. Les observateurs estiment que la Mauritanie figure en tête de la liste des priorités du gouvernement iranien afin de se positionner progressivement au Maghreb. Cependant, ils notent également que la Mauritanie n'a pas l'intention de permettre l'avancée de l'Iran, car ils voient une intention claire du pays dirigé par Ali Khamenei d'impliquer leur pays dans une guerre avec le Maroc dans laquelle ils ne veulent pas entrer.
Le Maroc, qui est l'un des leaders régionaux, craint l'expansion non seulement des forces iraniennes, mais aussi de ses idées extrémistes. Il existe une intention de répandre le chiisme en Afrique du Nord et d'imposer sa vision. Par conséquent, Rabat a une double préoccupation et tente de contrer l'influence religieuse de l'Iran. Mais si cette préoccupation est double, la menace l'est aussi. Toute activité iranienne est précédée de l'approbation, voire du soutien de l'Algérie, qui semble déterminée à pousser à bout ses liens avec l'Iran.
La tendance à Alger est très claire. L'Iran tend à devenir un allié de poids des Algériens au fur et à mesure que ceux-ci approfondissent leurs relations avec la Russie. Ses manœuvres à Béchar coordonnées avec les forces de Moscou ne sont que le début de ce qui devrait être le premier de plusieurs exercices qui auront lieu en 2023. Ces manœuvres, que l'Algérie entendait garder secrètes, ont été confirmées par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui a également annoncé que d'autres exercices militaires devraient avoir lieu dans la région proche de la frontière avec le Maroc en novembre prochain.
Alors que les protestations et actes de désobéissance civile se poursuivent à petite échelle en Iran, la jeune génération espère une autre vague de manifestations nationales pour bientôt, mais les experts demeurent sceptiques quant à la survie du mouvement,
Manifestation faisant suite à la mort de Mahsa Amini, décédée après son arrestation par la « police des mœurs » à Téhéran, le 19 septembre 2022 (Wana via Reuters
La place Valiasr au centre de la capitale iranienne, Téhéran, ressemblait à un champ de bataille le jour où Soorena* a été arrêté dans une grande rue qui y mène.
« Un canon à eau blindé noir au milieu de la rue arrosait les manifestants qui, en réaction, lançaient tout ce qui leur tombait sous la main sur les vitres et les roues du camion », raconte le lycéen de 17 ans qui se rappelle ce jour de la fin de septembre 2022.
Un peu avant, Soorena avait quitté le magasin de son père, à un pâté de maison de la place, pour voir ce qui se passait et d’où venait cette forte odeur de gaz lacrymogène.
Mais cet après-midi-là, il n’est pas rentré à l’échoppe où, après l’école, il aide son père à vendre des sacs à dos. Pas plus que les sept jours suivants.
Soorena a été arrêté lors des premiers jours des manifestations nationales qui ont suivi la mort de Mahsa Amini en garde à vue. Cette jeune Kurde de 22 ans est décédée le 16 septembre après avoir été transférée, inconsciente, depuis un centre de la « police des mœurs » vers l’hôpital de Kasra à Téhéran.
« L’atmosphère m’a hypnotisé », confie Soorena, se remémorant le jour de son arrestation. « Je ne pouvais pas rester là sans rien faire. Soudain, je me suis retrouvé parmi les gens qui attaquaient le camion. »
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Une heure plus tard, alors qu’il rentrait au magasin de son père, cinq bassidjis (paramilitaires) l’ont jeté sur le trottoir, lui ont bandé les yeux et l’ont embarqué à l’arrière d’un fourgon de police.
Soorena a toutefois eu de la chance : après une nuit en garde à vue, il a été transféré dans une maison de correction et traduit devant un tribunal pour enfants. Une semaine plus tard, il a été relâché avec une condamnation de six mois de prison assortie de deux ans de sursis, parce qu’il était mineur.
Quatre mois plus tard, alors que Soorena se rappelle les événements qui ont conduit à son arrestation, la place Valiasr et les rues qui l’entourent ont l’air bien différentes. L’importante circulation à Téhéran avance lentement, les motos se faufilent rapidement entre les voitures et les piétons. On ne voit plus le moindre signe de contestation dans ces rues.
« Oui, les rues sont calmes, mais on sent encore la tension partout », assure Soorena à Middle East Eye.
« Pendant ma semaine de détention, j’ai vu de nombreux autres détenus de mon âge et je ne pense pas que le gouvernement puisse tous nous réprimer pendant longtemps. En particulier les étudiants de l’université, qui avaient un ou deux ans de plus que moi, qui étaient bien organisés et informés en matière politique. »
Les étudiants de l’université à l’avant-garde
En cette journée calme de janvier 2023 sur la place Valiasr, à environ un kilomètre au sud, deux Mercedes de la police sont garées devant le complexe du théâtre municipal.
Ces voitures de luxe ont été importées d’Allemagne lorsque l’actuel président du Parlement était chef de la police au début des années 2000, juste après la répression meurtrière du soulèvement étudiant en 1999.
Six policiers en uniforme vert olive se tiennent à côté des deux Mercedes, montant négligemment la garde dans la rue. Tout semble calme. Mais plus on avance en direction de l’ouest, vers l’entrée principale de l’université de Téhéran, plus la présence des voitures de police, des officiers en civil et des miliciens Basij à moto se densifie.
Malgré la répression meurtrière des manifestations, qui a fait au moins 481 morts, l’agitation et les manifestations se poursuivent au sein des campus à Téhéran et dans d’autres grandes villes.
« Je pense qu’une nouvelle grande vague de manifestations commencera très bientôt, même s’ils continuent à exécuter des innocents »
- Ronak, étudiante
« Les forces de sécurité gèrent et s’en prennent aux étudiants plus prudemment », indique Ronak, étudiante en master à l’université de Téhéran. « On se sert de ce petit privilège et on poursuit le combat tandis que la police et les Gardiens de la révolution répriment les manifestations dans les rues en tuant des gens. »
Cependant, les forces de sécurité ne tirent pas à balles réelles contre les étudiants sur les campus. Au lieu de cela, la direction des universités gère la situation en suspendant et en expulsant des étudiants.
Les étudiants suspendus ne peuvent pénétrer sur les campus et le seul lieu où ils peuvent montrer leur opposition au gouvernement, c’est dans la rue où sont tirées des balles réelles.
Malgré les pressions sur les universitaires et les activistes étudiants, Ronak espère que ces petites manifestations dans différents quartiers de Téhéran, les slogans criés depuis les toits la nuit, les manifestations sur les campus et la désobéissance civile contre le hijab obligatoire permettront de garder le mouvement en vie.
« Je pense qu’une nouvelle grande vague de manifestations commencera très bientôt, même s’ils continuent à exécuter des innocents », affirme-t-elle à MEE, deux jours après la pendaison de deux jeunes hommes arrêtés lors des manifestations à Karaj en novembre dernier.
« Les condamnations à mort ne font qu’ajouter à ma frustration. Lorsque je lis des informations sur les exécutions, ma gorge se serre mais je ne vais pas renoncer. Moi et les autres jeunes crierons aussi fort que possible pour pouvoir respirer librement. »
Une attaque en deux temps contre les médias
Mettre à exécution quatre peines de mort liées aux manifestations, s’en prendre aux petits rassemblements contre le gouvernement dans les villes, selon la presse locale, arrêter plus de 15 000 personnes, condamner à de longues peines de prison les manifestants et suspendre les activistes étudiants ne sont pas les seules méthodes utilisées par le gouvernement iranien pour contenir le mouvement anti-establishment de 2022.
Les journalistes sont aussi particulièrement visés par la justice et les forces de sécurité. Plus de 75 journalistes ont été arrêtés et au moins une trentaine restent en détention depuis la mi-septembre.
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Le 10 janvier, un tribunal révolutionnaire islamique a prononcé l’une des plus lourdes peines de prison contre un journaliste iranien. Le tribunal de la ville de Sari au nord a condamné le journaliste sportif Ehsan Pirbornash à dix-huit ans de prison.
« Rien de nouveau, on savait que les journalistes paieraient un prix élevé pour être la voix des gens lambda », déclare une journaliste chevronnée qui a été témoin de plusieurs grandes attaques contre les médias ces vingt dernières années.
Cette journaliste explique que l’opération du gouvernement contre les médias s’est déroulée en deux temps. D’abord, les forces de sécurité ont arrêté des journalistes qui couvraient la mort de Mahsa Amini, interviewaient les membres de la famille de ceux tués lors des manifestations, ainsi que les journalistes actifs sur les réseaux sociaux.
« Depuis la fin décembre, on est entrés dans une nouvelle phase et le [gouvernement] a commencé à arrêter ceux qui ont interrogé les membres des familles des détenus condamnés à mort. En outre, les journalistes qui ont publié les remarques des avocats défendant les détenus ont également été arrêtés », ajoute-t-elle.
« Je ne sais pas, mais on pourrait assister à une troisième phase. »
Une lumière au bout du tunnel ?
Contrairement à la jeune génération, cette journaliste chevronnée et ceux qui ont été témoins ou ont participé au mouvement estudiantin de 1999, au mouvement vert de 2009 et à l’agitation de 2019 ne pensent pas que ces petits rassemblements et ces slogans criés depuis les toits insuffleront une nouvelle vie au mouvement de 2022.
« Lorsque les mouvements sociaux sous les systèmes dictatoriaux rencontrent des pressions insupportables, ils entrent généralement dans une phase de sommeil, et c’est ce à quoi on assiste maintenant en Iran »
- Un politologue basé à Téhéran
« Lorsque les mouvements sociaux sous les systèmes dictatoriaux rencontrent des pressions insupportables, ils entrent généralement dans une phase de sommeil, et c’est ce à quoi on assiste maintenant en Iran », indique à MEE un politologue qui vit à Téhéran, sous le couvert de l’anonymat en raison des risques de représailles du gouvernement.
Cet universitaire, expulsé d’une université lors de la révolution culturelle iranienne (1980-1983), ajoute que le gouvernement a mis en place une vieille stratégie, en parallèle des manifestations, pour accroître l’impact de la répression.
« L’analyse des précédents mouvements sociaux montre que le gouvernement s’en est d’abord pris aux leaders et personnalités connues qui étaient les voix de ces mouvements. Ensuite, les mouvements, déjà durement réprimés, ne pouvaient plus s’organiser et se mobiliser. Et c’est ce qui se passe encore une fois aujourd’hui », explique-t-il.
« C’est l’une des principales raisons pour lesquelles il n’y a qu’à Zahedan que les gens peuvent organiser des manifestations à grande échelle. Je pense que Molavi Abdol Hamid sera bientôt visé d’une façon ou d’une autre. »
Molavi Abdol Hamid est le plus connu et respecté des chefs religieux sunnites de Zahedan, la capitale provinciale du Sistan-et-Baloutchistan. Depuis le 30 septembre, il exprime ouvertement son soutien aux manifestants et critique le système clérical chaque semaine dans son sermon du vendredi, après lequel des milliers de personnes manifestent dans la ville.
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Le politologue prévoit également que le gouvernement iranien continuera à exercer des pressions sur les dissidents, les activistes et même la population lambda.
Chaque jour lorsqu’il se rend à son bureau dans le centre de Téhéran, cet analyste emprunte les mêmes rues que Soorena et Ronak. Mais son point de vue sur l’avenir est totalement différent de celui de la jeunesse.
Selon lui, la récente nomination du tristement célèbre général de brigade Ahmad Reza Radan en tant que chef de la police iranienne est le signe d’une répression plus dure à venir.
« Maintenant, l’establishment se sent victorieux », souligne-t-il.
« Donc, les autorités continueront certainement les arrestations, les condamnations à des peines de prison et les exécutions, à moins qu’un événement suscite une nouvelle vague de manifestations nationales. »
* Les noms ont été changés pour des raisons de sécurité.
Par
Correspondant de MEE
–
TÉHÉRAN, Iran
Published date: Mercredi 18 janvier 2023 - 08:20 |
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