La Valise rouge du réalisateur iranien Cyrus Neshvad est sélectionné dans la catégorie du meilleur court-métrage. Verdict ce dimanche 12 mars.
Nawelle Evad, l’actrice française – née de mère algérienne – joue l’adolescente iranienne héroïne du court-métrage (capture d’écran
Centré sur la quête de liberté d’une adolescente iranienne de 16 ans, qui retire son voile en atterrissant en Europe, le court-métrage La Valise rouge promet de retenir l’attention à la cérémonie des Oscars ce dimanche 12 mars à Hollywood.
Le film, réalisé et produit par le Luxembourgeois Cyrus Neshvad, dont les parents ont fui la révolution islamique en Iran en 1979 lorsqu’il était enfant, compte parmi les cinq nommés dans la catégorie du meilleur court-métrage.
U
n destin jugé « fou », que Neshvad et son équipe n’avaient évidemment pas anticipé quand ce film de dix-sept minutes, aux dialogues minimalistes, a été tourné début 2021 dans le décor aseptisé de l’aéroport de Luxembourg.
Moins de deux ans plus tard, il se retrouve sous les projecteurs au moment où le monde entier s’émeut du soulèvement en Iran déclenché par la mort de Mahsa Amini, à laquelle il était reproché de mal porter son voile. La vague de protestations est très durement réprimée par le régime théocratique.
« Pour moi, le film parle d’une femme, c’est-à-dire des femmes en Iran qui sont sous la domination de l’homme », déclare dans un entretien à l’AFP le cinéaste âgé d’une quarantaine d’années.
Un moment de « courage »
En Iran, « si une femme veut faire quelque chose, ou aller visiter quelque chose, l’homme [son père ou son mari] doit donner son accord et rédiger le papier et le signer », explique-t-il.
Dans La Valise rouge, une adolescente débarquant seule de Téhéran retire son voile pour échapper au quinquagénaire qui l’attend à l’aéroport en costume-cravate, avec le bouquet de fleurs du mariage.
Ce geste est un moment de « courage », commente Cyrus Neshvad, une manière de dire au public « ‘’suivez-moi’’, et comme moi ‘’enlevez votre hijab, n’acceptez pas cette domination, et soyons libres’’ »
« Femme, vie, liberté » : un nouveau slogan retentit en Iran
Pour Nawelle Evad, l’actrice française – née de mère algérienne – qui joue l’adolescente iranienne, ce rôle a eu un écho particulier.
« Je suis partie de chez moi vers 19 ans et me suis aussi retrouvée seule dans une ville que je ne connaissais pas du tout, à Paris », raconte-t-elle à l’AFP. « C’est la même chose dans cet aéroport, qui figure vraiment l’entre-deux entre le passé et le futur ».
À propos du voile, la comédienne de 22 ans d’éducation musulmane explique avoir « eu l’habitude de le porter ».
« Pour moi cela n’a jamais été une obligation, l’objet est devenu limite plus culturel que religieux », poursuit-elle. Et dans le court-métrage son personnage « enlève son voile malgré elle, ce n’est pas sa volonté », juge l’actrice.
« C’est ce que je trouve si beau dans ce film... Les doutes auxquels tout le monde, dans n’importe quel pays, dans n’importe quelle culture, est confronté », enchaîne Nawelle Evad. « Que dois-je choisir pour moi-même ? Est-ce que j’écoute ma famille ? Est-ce que je fais mes propres choix ? ».
« C’est ce que je trouve si beau dans ce film... Les doutes auxquels tout le monde, dans n’importe quel pays, dans n’importe quelle culture, est confronté »
- Nawelle Evad, actrice principale du court-métrage
L’annonce de la sélection de La valise rouge pour les Oscars a enchanté Cyrus Neshvad, qui y voit l’occasion de sensibiliser encore davantage la planète à « la cause des femmes iraniennes ».
« C’est un sentiment fou de faire de l’art pour le réel. Je n’ai jamais eu autant le sentiment d’être dans le réel avec le cinéma », lâche de son côté Nawelle Evad.
Selon les Nations unies, qu’il s’agisse de célébrités, journalistes, avocats ou simples citoyens, au moins 14 000 personnes ont été arrêtées en Iran depuis le déclenchement en septembre 2022 de cette vague de protestations pour défendre la liberté des femmes.
Par Marc Burleigh au Luxembourg avec Éric Randolph à Paris.
Le prince héritier saoudien Mohamed Ben Salman (MBS) a développé, en politique étrangère, des qualités de funambule. Son dernier numéro d’équilibriste est sans doute le plus risqué. À la surprise générale, l’Arabie saoudite et l’Iran, ainsi que la Chine, ont annoncé que les deux pays rétablissaient leurs relations diplomatiques rompues en 2016.
L’accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran a été conclu lors d’une réunion en Chine des conseillers à la sécurité nationale des deux pays. Ce rare succès d’une médiation chinoise dans les conflits du Proche-Orient est un cadeau fait à Pékin par les deux pays. L’Arabie saoudite a rompu ses relations avec l’Iran après la prise d’assaut de l’ambassade du royaume à Téhéran en 2016, pour protester contre l’exécution d’un éminent religieux chiite saoudien.
RENFORCEMENT MILITAIRE DU ROYAUME
Le rétablissement des relations irano-saoudiennes est intervenu alors que l’Iran est préoccupé de la menace saoudienne. Téhéran s’inquiète des dépenses massives de l’Arabie saoudite pour créer une industrie de défense nationale, et de sa coopération avec les États-Unis pour transformer l’armée saoudienne en une force de combat efficace. Outre l’acquisition par Riyad de systèmes d’armes sophistiqués américains et européens auxquels l’Iran n’a pas accès, le royaume a pour objectif de créer des capacités qui ciblent l’épine dorsale de la stratégie de défense iranienne, à savoir les drones et les missiles balistiques.
Ces dernières années, l’Arabie saoudite a convenu avec la Chine de construire une usine de fabrication de drones dans le royaume. Il s’agira de la première usine de production chinoise à l’étranger. Et les États-Unis et l’Arabie saoudite ont l’intention d’organiser leur tout premier exercice expérimental de lutte contre les drones à la fin de ce mois.
Les images satellite de ces dernières années suggèrent que le royaume a construit des bases de missiles avec l’aide de la technologie chinoise.
Côté iranien, les efforts déployés dans le Golfe pour éviter une escalade n’ont pas empêché la République islamique d’accroître ses capacités militaires, avec l’ajout récent d’un nouveau navire et de 95 vedettes rapides lance-missiles à sa marine de guerre. On parle aussi de l’acquisition d’avions de combat russes Sukhoi-Su-35. En outre, l’armée iranienne et le corps des Gardiens de la révolution islamique sont aguerris et ont fait preuve de créativité pour compenser les handicaps résultant des sanctions sévères imposées par les États-Unis.
UN BILLARD À TROIS BANDES ?
Sur le plan stratégique, toutefois, la réconciliation irano-saoudienne fait suite à des informations selon lesquelles l’Arabie saoudite aurait suggéré d’établir des relations diplomatiques officielles avec Israël en échange d’un engagement juridiquement contraignant des États-Unis en faveur de la sécurité du Golfe, d’un soutien américain à un programme nucléaire pacifique saoudien et d’une augmentation des ventes d’armes américaines au royaume1. Téhéran considérerait cet accord, s’il venait à se concrétiser, comme visant la République islamique.
Si l’accord irano-saoudien a un sens, c’est de positionner l’Arabie saoudite et l’Iran comme des acteurs constructifs dans la réduction des tensions régionales. À condition que leur réconciliation contribue à mettre fin à la guerre au Yémen et aux guerres par procuration dans d’autres régions. Il pourrait permettre de relancer les négociations sur le nucléaire iranien. Mais pour cela, il faudrait aussi que les Saoudiens modifient leur proposition faite aux États-Unis. Israël reste pour Riyad un joker, même si l’importance d’une contribution significative d’Israël à la sécurité dans le Golfe, dans le cadre de l’établissement de relations diplomatiques formelles entre l’Arabie saoudite et l’État juif reste incertaine.
L’Arabie saoudite, comme les Émirats arabes unis, voit d’un œil favorable la guerre secrète d’Israël contre l’Iran, qui implique des attaques contre des cibles dans la République islamique et en Syrie. Dans le même temps, les États du Golfe craignent d’être la cible de représailles iraniennes. Un engagement des États-Unis en matière de défense pourrait atténuer cette crainte. Il pourrait également enhardir Israël à un moment où le rétablissement des relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran pourrait modifier la dynamique de la rivalité entre les deux pays.
« NOUS RIPOSTERONS DOUBLEMENT »
Au début du mois, l’amiral Alireza Tangsiri, commandant de la marine des Gardiens de la révolution, a mis en garde les pays du Golfe contre tout soutien à la guerre secrète d’Israël. « S’ils souhaitent nous attaquer depuis le territoire de n’importe quel pays ou profiter de l’espace aérien de n’importe quel pays… nous riposterons doublement. Nous riposterons doublement et nous écraserons toute zone d’où proviendraient les complots contre les intérêts de l’Iran » a déclaré Tangsiri.
Les craintes de représailles iraniennes pourraient toutefois passer au second plan dans le cadre de la négociation d’un accord américano-saoudo-israélien. Les avantages d’un accord tripartite sont évidents. Il permettrait à Mohamed Ben Salman (MBS) de répondre à ses besoins les plus immédiats en matière de défense, de redessiner de manière significative la carte géopolitique du Proche-Orient et d’établir un cadre pour les relations du royaume avec les États-Unis et la Chine.
S’il était conclu, l’accord créerait un pilier du nouvel ordre mondial du XXIe siècle, initialement bipolaire et, à terme, tripolaire, avec les États-Unis et la Chine comme superpuissances initiales, rejointes par l’Inde à un stade ultérieur, et de multiples puissances moyennes, comme l’Arabie saoudite, dotées d’un pouvoir et d’un effet de levier accrus. Il ouvrirait également la voie à la reconnaissance d’Israël par de nombreux États à majorité musulmane, en particulier en Asie. Tout aussi important, l’accord rétablirait la confiance du Golfe dans la fiabilité des États-Unis en tant que garant de la sécurité régionale.
Cette confiance a été entamée par plusieurs facteurs : l’accent mis par les États-Unis sur la Chine en tant qu’adversaire stratégique ; la priorité accordée plus récemment à la guerre en Ukraine ; la réticence passée des États-Unis à répondre aux attaques iraniennes contre des cibles saoudiennes et émiraties ; les désaccords sur les niveaux de production pétrolière et les droits humains.
LES RÉTICENCES DES ÉTATS-UNIS
Surmonter les multiples obstacles à l’accord proposé par l’Arabie saoudite impliquerait probablement un changement de politique, voire un changement politique, aux États-Unis, en Arabie saoudite, dans l’ensemble du monde musulman et en Israël. Il semble presque impossible d’obtenir un soutien bipartisan aux États-Unis pour un accord formel avec l’Arabie saoudite, de nombreux membres du Congrès, de part et d’autre de l’allée, se montrant réticents à l’égard du royaume. Pour qu’un engagement soit possible, MBS devra démontrer qu’il est un partenaire fiable.
Les doutes des États-Unis sur l’Arabie saoudite ont été alimentés par la répression brutale de MBS contre la dissidence et la liberté d’expression, sa conduite de la guerre au Yémen et, parfois, des mesures de politique étrangère perturbatrices, notamment le boycott économique et diplomatique du Qatar mené par l’Arabie saoudite pendant trois ans et demi. « Les Saoudiens doivent montrer qu’ils sont un partenaire responsable », a déclaré l’ancien diplomate américain et éminent analyste Martin Indyk. Le royaume « ne peut pas jouer sur les deux tableaux. S’il désire ce genre d’engagement de la part des États-Unis, il doit s’aligner sur les États-Unis… Si notre relation de sécurité avec l’Arabie saoudite doit être approfondie parce que les Saoudiens le veulent, alors il y a certaines obligations qui en découlent ».
MBS pourrait notamment faire preuve de responsabilité en négociant les conditions du soutien américain au programme nucléaire du royaume. L’Arabie saoudite souhaite construire seize centrales nucléaires. En février 2023, le royaume a reçu des offres pour la première installation. L’Arabie saoudite a toujours affirmé que son programme était destiné à des fins pacifiques et que le royaume s’engageait à placer ses futures installations sous la supervision de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Cependant, alors que l’Iran se rapproche de plus en plus d’une capacité de production d’armes nucléaires, l’Arabie saoudite vise également à acquérir les connaissances et les éléments technologiques nécessaires pour être au même niveau que l’Iran si celui-ci franchit le seuil de la production d’armes nucléaires. Les dirigeants saoudiens ont prévenu que l’Arabie saoudite développerait ses capacités si l’Iran devenait une puissance nucléaire.
AMBITIONS NUCLÉAIRES
L’Arabie saoudite a démenti les informations selon lesquelles elle construirait une installation d’extraction de yellow cake d’uranium avec l’aide de la Chine. Elle possède elle-même d’importants gisements d’uranium. Les États-Unis veulent stopper cette évolution en convainquant le royaume d’accepter les garanties exigées par la législation américaine, que les Saoudiens ont jusqu’à présent rejetées. Ces garanties obligeraient l’Arabie saoudite à renoncer à produire du combustible nucléaire, même si elle pourrait l’acheter moins cher à l’étranger. La loi américaine sur l’énergie atomique stipule que les pays qui coopèrent avec les États-Unis dans le domaine de l’énergie nucléaire doivent renoncer à l’enrichissement de l’uranium et au retraitement du combustible usé.
Les autorités américaines craignent que l’insistance des Saoudiens ne revienne à revenir sur un protocole d’accord conclu en 2009 avec les États-Unis, dans lequel le royaume s’engageait à acquérir du combustible nucléaire sur les marchés internationaux.
Pourtant, même si MBS parvenait à convaincre les États-Unis de son sens des responsabilités et à satisfaire aux conditions américaines en matière de coopération nucléaire, Israël reste son joker. Le prince héritier et d’autres hauts responsables saoudiens ont clairement indiqué qu’ils souhaitaient établir une relation officielle avec Israël, mais cela ne sera possible que si le conflit israélo-palestinien est résolu d’une manière qui tienne compte des intérêts des deux parties, or le premier ministre Benyamin Nétanyahou est à la tête d’un gouvernement qui veut tout sauf cela.
Nétanyahou semble croire que le soutien aux Palestiniens en Arabie saoudite, et ailleurs dans le monde arabe et musulman a diminué au point que, s’il a le choix entre le soutien aux Palestiniens et la coopération sécuritaire et technologique avec Israël, en particulier contre l’Iran, le royaume optera pour Israël.
Ce calcul ne peut fonctionner que dans le cas improbable où les États-Unis s’engagent juridiquement à assurer la sécurité de l’Arabie saoudite et du Golfe et où le royaume remplit les conditions nucléaires imposées par les États-Unis. Pour sa part, MBS peut supposer que si l’Arabie saoudite et les États-Unis s’entendent, Netanyahu fera de même, mais il s’agit là d’un pari risqué. Même si Netanyahou souhaite entretenir des relations officielles avec l’Arabie saoudite, il est peu probable qu’il mette son avenir politique en péril en risquant une crise avec ses partenaires de la coalition, majoritairement d’extrême droite et ultrareligieux, qui veulent se débarrasser des Palestiniens, le plus tôt étant le mieux.
Téhéran a manifesté son soutien au Front Polisario dans le but de se rapprocher de l'Algérie et de gagner en influence au Maghreb
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AFP/HO/PRÉSIDENCE IRAN - Membres du Corps des gardiens de la révolution islamique iranienne (IRGC)
En conséquence, le gouvernement iranien a pu détourner son attention vers de nouveaux objectifs à son programme, notamment l'expansion de son influence dans plusieurs régions géostratégiques. L'une des plus importantes est le Maghreb, où Téhéran cherche à prendre pied grâce à son soutien au Front Polisario et au déploiement des forces des Gardiens de la révolution en Mauritanie.
Cette démarche du régime des Ayatollahs inquiète le Maroc. La crise diplomatique entre Rabat et Alger ne semble pas près d'être résolue, et la souveraineté sur le Sahara reste une ligne rouge entre les deux administrations. C'est dans cette situation que l'Iran veut utiliser à son avantage son soutien au pays d'Abdelmajdid Tebboune et, en même temps, faire pression sur Rabat.
AFP/AFP - Carte montrant les zones d'influence des groupes armés au Sahel
La présence militaire accrue de l'Iran en Mauritanie est un autre signe du soutien du régime à l'Algérie. Selon des sources consultées par les médias d'Assabah, les Gardiens de la révolution ont reçu des instructions pour étendre leur activité dans plusieurs pays africains, la Mauritanie étant le plus important, mais pas le seul. Le Sénégal est un autre pays qui connaît déjà une augmentation de la présence de ses forces, ce qui a conduit, il y a une décennie, à des affrontements entre Iraniens et Sénégalais, et à la rupture des relations diplomatiques entre Téhéran et Dakar.
En outre, les Forces Al Quds - la branche armée du Jihad islamique - cherchent également à établir des relations et une coopération plus étroites avec le Polisario. Les observateurs estiment que la Mauritanie figure en tête de la liste des priorités du gouvernement iranien afin de se positionner progressivement au Maghreb. Cependant, ils notent également que la Mauritanie n'a pas l'intention de permettre l'avancée de l'Iran, car ils voient une intention claire du pays dirigé par Ali Khamenei d'impliquer leur pays dans une guerre avec le Maroc dans laquelle ils ne veulent pas entrer.
PHOTO/BUREAU DE L'IRAN via AP - Ayatollah Ali Khamenei
Le Maroc, qui est l'un des leaders régionaux, craint l'expansion non seulement des forces iraniennes, mais aussi de ses idées extrémistes. Il existe une intention de répandre le chiisme en Afrique du Nord et d'imposer sa vision. Par conséquent, Rabat a une double préoccupation et tente de contrer l'influence religieuse de l'Iran. Mais si cette préoccupation est double, la menace l'est aussi. Toute activité iranienne est précédée de l'approbation, voire du soutien de l'Algérie, qui semble déterminée à pousser à bout ses liens avec l'Iran.
La tendance à Alger est très claire. L'Iran tend à devenir un allié de poids des Algériens au fur et à mesure que ceux-ci approfondissent leurs relations avec la Russie. Ses manœuvres à Béchar coordonnées avec les forces de Moscou ne sont que le début de ce qui devrait être le premier de plusieurs exercices qui auront lieu en 2023. Ces manœuvres, que l'Algérie entendait garder secrètes, ont été confirmées par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui a également annoncé que d'autres exercices militaires devraient avoir lieu dans la région proche de la frontière avec le Maroc en novembre prochain.
Alors que les protestations et actes de désobéissance civile se poursuivent à petite échelle en Iran, la jeune génération espère une autre vague de manifestations nationales pour bientôt, mais les experts demeurent sceptiques quant à la survie du mouvement,
Manifestation faisant suite à la mort de Mahsa Amini, décédée après son arrestation par la « police des mœurs » à Téhéran, le 19 septembre 2022 (Wana via Reuters
La place Valiasr au centre de la capitale iranienne, Téhéran, ressemblait à un champ de bataille le jour où Soorena* a été arrêté dans une grande rue qui y mène.
« Un canon à eau blindé noir au milieu de la rue arrosait les manifestants qui, en réaction, lançaient tout ce qui leur tombait sous la main sur les vitres et les roues du camion », raconte le lycéen de 17 ans qui se rappelle ce jour de la fin de septembre 2022.
Un peu avant, Soorena avait quitté le magasin de son père, à un pâté de maison de la place, pour voir ce qui se passait et d’où venait cette forte odeur de gaz lacrymogène.
Mais cet après-midi-là, il n’est pas rentré à l’échoppe où, après l’école, il aide son père à vendre des sacs à dos. Pas plus que les sept jours suivants.
Soorena a été arrêté lors des premiers jours des manifestations nationales qui ont suivi la mort de Mahsa Amini en garde à vue. Cette jeune Kurde de 22 ans est décédée le 16 septembre après avoir été transférée, inconsciente, depuis un centre de la « police des mœurs » vers l’hôpital de Kasra à Téhéran.
« L’atmosphère m’a hypnotisé », confie Soorena, se remémorant le jour de son arrestation. « Je ne pouvais pas rester là sans rien faire. Soudain, je me suis retrouvé parmi les gens qui attaquaient le camion. »
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Une heure plus tard, alors qu’il rentrait au magasin de son père, cinq bassidjis (paramilitaires) l’ont jeté sur le trottoir, lui ont bandé les yeux et l’ont embarqué à l’arrière d’un fourgon de police.
Soorena a toutefois eu de la chance : après une nuit en garde à vue, il a été transféré dans une maison de correction et traduit devant un tribunal pour enfants. Une semaine plus tard, il a été relâché avec une condamnation de six mois de prison assortie de deux ans de sursis, parce qu’il était mineur.
Quatre mois plus tard, alors que Soorena se rappelle les événements qui ont conduit à son arrestation, la place Valiasr et les rues qui l’entourent ont l’air bien différentes. L’importante circulation à Téhéran avance lentement, les motos se faufilent rapidement entre les voitures et les piétons. On ne voit plus le moindre signe de contestation dans ces rues.
« Oui, les rues sont calmes, mais on sent encore la tension partout », assure Soorena à Middle East Eye.
« Pendant ma semaine de détention, j’ai vu de nombreux autres détenus de mon âge et je ne pense pas que le gouvernement puisse tous nous réprimer pendant longtemps. En particulier les étudiants de l’université, qui avaient un ou deux ans de plus que moi, qui étaient bien organisés et informés en matière politique. »
Les étudiants de l’université à l’avant-garde
En cette journée calme de janvier 2023 sur la place Valiasr, à environ un kilomètre au sud, deux Mercedes de la police sont garées devant le complexe du théâtre municipal.
Ces voitures de luxe ont été importées d’Allemagne lorsque l’actuel président du Parlement était chef de la police au début des années 2000, juste après la répression meurtrière du soulèvement étudiant en 1999.
Six policiers en uniforme vert olive se tiennent à côté des deux Mercedes, montant négligemment la garde dans la rue. Tout semble calme. Mais plus on avance en direction de l’ouest, vers l’entrée principale de l’université de Téhéran, plus la présence des voitures de police, des officiers en civil et des miliciens Basij à moto se densifie.
Malgré la répression meurtrière des manifestations, qui a fait au moins 481 morts, l’agitation et les manifestations se poursuivent au sein des campus à Téhéran et dans d’autres grandes villes.
« Je pense qu’une nouvelle grande vague de manifestations commencera très bientôt, même s’ils continuent à exécuter des innocents »
- Ronak, étudiante
« Les forces de sécurité gèrent et s’en prennent aux étudiants plus prudemment », indique Ronak, étudiante en master à l’université de Téhéran. « On se sert de ce petit privilège et on poursuit le combat tandis que la police et les Gardiens de la révolution répriment les manifestations dans les rues en tuant des gens. »
Cependant, les forces de sécurité ne tirent pas à balles réelles contre les étudiants sur les campus. Au lieu de cela, la direction des universités gère la situation en suspendant et en expulsant des étudiants.
Les étudiants suspendus ne peuvent pénétrer sur les campus et le seul lieu où ils peuvent montrer leur opposition au gouvernement, c’est dans la rue où sont tirées des balles réelles.
Malgré les pressions sur les universitaires et les activistes étudiants, Ronak espère que ces petites manifestations dans différents quartiers de Téhéran, les slogans criés depuis les toits la nuit, les manifestations sur les campus et la désobéissance civile contre le hijab obligatoire permettront de garder le mouvement en vie.
« Je pense qu’une nouvelle grande vague de manifestations commencera très bientôt, même s’ils continuent à exécuter des innocents », affirme-t-elle à MEE, deux jours après la pendaison de deux jeunes hommes arrêtés lors des manifestations à Karaj en novembre dernier.
« Les condamnations à mort ne font qu’ajouter à ma frustration. Lorsque je lis des informations sur les exécutions, ma gorge se serre mais je ne vais pas renoncer. Moi et les autres jeunes crierons aussi fort que possible pour pouvoir respirer librement. »
Une attaque en deux temps contre les médias
Mettre à exécution quatre peines de mort liées aux manifestations, s’en prendre aux petits rassemblements contre le gouvernement dans les villes, selon la presse locale, arrêter plus de 15 000 personnes, condamner à de longues peines de prison les manifestants et suspendre les activistes étudiants ne sont pas les seules méthodes utilisées par le gouvernement iranien pour contenir le mouvement anti-establishment de 2022.
Les journalistes sont aussi particulièrement visés par la justice et les forces de sécurité. Plus de 75 journalistes ont été arrêtés et au moins une trentaine restent en détention depuis la mi-septembre.
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Le 10 janvier, un tribunal révolutionnaire islamique a prononcé l’une des plus lourdes peines de prison contre un journaliste iranien. Le tribunal de la ville de Sari au nord a condamné le journaliste sportif Ehsan Pirbornash à dix-huit ans de prison.
« Rien de nouveau, on savait que les journalistes paieraient un prix élevé pour être la voix des gens lambda », déclare une journaliste chevronnée qui a été témoin de plusieurs grandes attaques contre les médias ces vingt dernières années.
Cette journaliste explique que l’opération du gouvernement contre les médias s’est déroulée en deux temps. D’abord, les forces de sécurité ont arrêté des journalistes qui couvraient la mort de Mahsa Amini, interviewaient les membres de la famille de ceux tués lors des manifestations, ainsi que les journalistes actifs sur les réseaux sociaux.
« Depuis la fin décembre, on est entrés dans une nouvelle phase et le [gouvernement] a commencé à arrêter ceux qui ont interrogé les membres des familles des détenus condamnés à mort. En outre, les journalistes qui ont publié les remarques des avocats défendant les détenus ont également été arrêtés », ajoute-t-elle.
« Je ne sais pas, mais on pourrait assister à une troisième phase. »
Une lumière au bout du tunnel ?
Contrairement à la jeune génération, cette journaliste chevronnée et ceux qui ont été témoins ou ont participé au mouvement estudiantin de 1999, au mouvement vert de 2009 et à l’agitation de 2019 ne pensent pas que ces petits rassemblements et ces slogans criés depuis les toits insuffleront une nouvelle vie au mouvement de 2022.
« Lorsque les mouvements sociaux sous les systèmes dictatoriaux rencontrent des pressions insupportables, ils entrent généralement dans une phase de sommeil, et c’est ce à quoi on assiste maintenant en Iran »
- Un politologue basé à Téhéran
« Lorsque les mouvements sociaux sous les systèmes dictatoriaux rencontrent des pressions insupportables, ils entrent généralement dans une phase de sommeil, et c’est ce à quoi on assiste maintenant en Iran », indique à MEE un politologue qui vit à Téhéran, sous le couvert de l’anonymat en raison des risques de représailles du gouvernement.
Cet universitaire, expulsé d’une université lors de la révolution culturelle iranienne (1980-1983), ajoute que le gouvernement a mis en place une vieille stratégie, en parallèle des manifestations, pour accroître l’impact de la répression.
« L’analyse des précédents mouvements sociaux montre que le gouvernement s’en est d’abord pris aux leaders et personnalités connues qui étaient les voix de ces mouvements. Ensuite, les mouvements, déjà durement réprimés, ne pouvaient plus s’organiser et se mobiliser. Et c’est ce qui se passe encore une fois aujourd’hui », explique-t-il.
« C’est l’une des principales raisons pour lesquelles il n’y a qu’à Zahedan que les gens peuvent organiser des manifestations à grande échelle. Je pense que Molavi Abdol Hamid sera bientôt visé d’une façon ou d’une autre. »
Molavi Abdol Hamid est le plus connu et respecté des chefs religieux sunnites de Zahedan, la capitale provinciale du Sistan-et-Baloutchistan. Depuis le 30 septembre, il exprime ouvertement son soutien aux manifestants et critique le système clérical chaque semaine dans son sermon du vendredi, après lequel des milliers de personnes manifestent dans la ville.
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Le politologue prévoit également que le gouvernement iranien continuera à exercer des pressions sur les dissidents, les activistes et même la population lambda.
Chaque jour lorsqu’il se rend à son bureau dans le centre de Téhéran, cet analyste emprunte les mêmes rues que Soorena et Ronak. Mais son point de vue sur l’avenir est totalement différent de celui de la jeunesse.
Selon lui, la récente nomination du tristement célèbre général de brigade Ahmad Reza Radan en tant que chef de la police iranienne est le signe d’une répression plus dure à venir.
« Maintenant, l’establishment se sent victorieux », souligne-t-il.
« Donc, les autorités continueront certainement les arrestations, les condamnations à des peines de prison et les exécutions, à moins qu’un événement suscite une nouvelle vague de manifestations nationales. »
* Les noms ont été changés pour des raisons de sécurité.
Par
Correspondant de MEE
–
TÉHÉRAN, Iran
Published date: Mercredi 18 janvier 2023 - 08:20 |
Photomontage des manifestants exécutés ou condamnés à mort depuis le début du soulèvement iranien il y a quatre mois. De gauche à droite, de haut en bas : Mohsen Shekari (exécuté), Mohammad Mehdi Karami (exécuté), Majid Reza Rahnavard (exécuté), Seyed Mohammad Hosseini (exécuté), Shoeib Mirbaluchzehi Rigi, Ebrahim Narouyi, Kambiz Kharout, Mohammad Ghobadlu, Mansour Dahmardeh, Mehdi Bahman, Mohammad Boroughani, Saman Seydi, Arshia Takdastan, Manouchehr Mehman Navaz, Sahand Nourmohammad-Zadeh, Mahan Sadrat (Sedarat) Madani, Javad Rouhi, Saleh Mirhashemi, Saeed Yaghoubi, Mehdi Mohmmadifard, Hossein Mohammadi, Hamid Ghareh-Hassanlu, Majid Kazemi, Reza Aria
Ils sont 24. Ce sont tous des hommes. Ils ont entre 18 et 53 ans. Et ils ont été condamnés à mort par le régime iranien en raison de leur participation aux manifestations qui agitent le pays depuis quatre mois. Les chefs d’accusation retenus contre eux ? « Corruption sur terre » ou « guerre contre Dieu ». Quatre d’entre eux, Mohsen Shekari, Mohammad Mehdi Karami, Majid Reza et Seyed Mohammad Hosseini ont déjà été exécutés.
La révolte iranienne a surpris tout le monde, à commencer par le régime. Quatre mois après, celle-ci se poursuit sans toutefois réussir à provoquer des manifestations de masse. Dans un pays comme l’Iran, le simple fait que des mouvements de désobéissance civile aient lieu sans discontinuité depuis plusieurs mois est déjà, en soi, un événement de grande ampleur. C’est même le principal défi auquel est confrontée la République islamique depuis sa création il y a plus de quarante ans. Le régime répond avec la seule arme qu’il maîtrise encore : la répression. Au moins 481 personnes dont 64 mineurs et 35 femmes ont été tuées depuis le début du mouvement et plus de 15 000 personnes auraient été arrêtées.
Le guide suprême iranien s’est félicité de la réussite de cette stratégie répressive le 9 janvier, dans la ville religieuse de Qom. Dans son discours commémorant le soulèvement contre le chah d’Iran dans la même ville en 1978, l’ayatollah Khamenei a évoqué « l’échec » des États-Unis à « renverser la République islamique », considérant l’ennemi juré américain derrière le mouvement de protestation actuel.
Le régime a les moyens de tenir. L’appareil sécuritaire est puissant et globalement fidèle. Les ouvriers hésitent à rejoindre le mouvement compte tenu des répercussions que cela peut provoquer. Mais la rupture semble consommée entre un pouvoir gérontocratique et une population très jeune et très éduquée. « Le régime cherche à supprimer le mouvement de protestation par la violence, les arrestations massives et les exécutions. Cette répression a déjà fonctionné dans le passé, mais c’est une solution à court terme, car les problèmes de fond ne vont pas disparaître simplement en dispersant les manifestants », analyse Alex Vatanka, directeur du programme Iran au Middle East Institute.
Sur une idée du Guide suprême Khameini, la chanson « Salâm farmândeh » (Salut commandant), lancée ce printemps 2022, est un succès foudroyant en Iran. Aussitôt exportée dans les mondes chiites, le tube donne lieu à une multitude de versions locales. Leur tonalité reflète les adhésions et les réserves face à la puissance de l’Iran.
Des écolières chantent « Salâm farmândeh » dans le comté de Hajjiabad, dans la province d’Hormozgan, en Iran
L’émotion qu’il suscite et une campagne de promotion bien orchestrée sur les réseaux sociaux ont forgé le succès d’un nouvel objet de propagande, un clip vidéo. Avec des paroles où s’imbriquent le politique et le religieux, « Salut commandant » (Salâm farmândeh) vise le public des enfants, vus comme la future armée du messie attendu par les chiites, le Mahdi… et de son représentant Ali Khamenei. En Iran, puis partout où se trouvent des communautés chiites, « Salut commandant » s’est répandu comme une trainée de poudre ces derniers mois, devenant viral sur le Net. Toutefois, le modèle iranien y est adapté, revisité dans de multiples versions, et parfois contesté. L’hégémonie de l’Iran a ses limites et ses détracteurs.
Le clip dans sa version originale
Entre la chanson à gestes pour enfants et l’hymne national, « Salut commandant » se présente, dans sa version originale devenue une sorte de matrice, comme une performance réalisée par un chanteur et un groupe d’enfants que l’on voit arriver un à un, pour former le chœur ; filmée, elle devient un clip. La mélodie se retient facilement, l’instrumentation est simple, tout comme les paroles et les rimes, les gestes faciles à reproduire.
Ils commencent par un salut militaire, répété dès que les paroles reprennent, Salâm farmândeh. Toute l’ambiguïté du chant est là : farmândeh signifie commandant en persan et ce n’est pas, habituellement, la manière dont les fidèles s’adressent à l’Imam du temps, le Mahdi, ni en Iran ni ailleurs. Ici le locuteur — un enfant — interpelle à la fois Ali Khamenei (« Guide de la Révolution » et chef des armées) et le Mahdi à qui il exprime amour et dévotion, mais aussi allégeance et obéissance jusqu’au sacrifice. Il se déclare prêt à accueillir l’Imam du temps et se porte volontaire dans l’armée des 313 soldats que celui-ci dirigera contre les tyrans pour rétablir la justice sur terre.
Bien que je sois petit, je te promets de devenir le commandant de ton armée. Mon âme, la vie est dénuée de sens sans toi… Je te salue, sur la ligne des 313 soldats. Je fais le serment de devenir ton Qassem quand tu auras besoin de moi… de devenir ton serviteur comme Bahjat… et les martyrs inconnus.
Ces noms font référence à des personnages fameux : Qassem Soleimani, commandant de la force Al-Qods des Gardiens de la révolution, tué dans une frappe américaine en 2020, à Bagdad ; le cheikh Bahjat, autorité religieuse et mystique iranien décédé en 2009 ; les martyrs des guerres menées par l’Iran.
La presse iranienne elle-même le relève, le chant « brouille magistralement les pistes entre l’Imam caché et son député qui est l’ayatollah Khamenei ». Le texte est à la fois un engagement théologique où le fidèle renoue son pacte avec l’Imam et un credo politique où il fait le serment de servir le régime, voire de donner sa vie pour lui. L’émotion est intense, bon nombre d’enfants en pleurent et les caméras ne ménagent pas les gros plans sur les plus expressifs d’entre eux.
UN CHANT DESTINÉ AUX ENFANTS
À plusieurs reprises depuis 2014, Ali Khamenei avait appelé son entourage à se mobiliser et demandé aux artistes d’imaginer un chant que pourraient fredonner les enfants sur le chemin de l’école. Conscient du pouvoir de persuasion de la culture populaire si prégnante dans le chiisme, il affirmait vouloir ainsi toucher la génération des années 1390 du calendrier persan, qui commence en 2011, c’est-à-dire des enfants âgés d’une dizaine d’années.
La réponse à ses appels émana d’un obscur chanteur de la région du Gilan, Abuzar Ruhi et du groupe Mah. Ils présentèrent « Salâm Farmândeh » pour la première fois dans leur ville de Langrud à l’occasion de l’anniversaire de la naissance du Mahdi, en mars dernier. Puis Abuzar Ruhi entama une tournée en Iran et se produisit dans les lieux les plus symboliques de l’histoire du pays et du chiisme : Jamkarân, Takht-e Jamshit (Persépolis), Qom, Ispahan, Shiraz, etc. Le 26 mai, dans le stade Azadi de Téhéran, une foule de 100 000 personnes, des enfants et leurs familles portant des drapeaux iraniens ou arborant des tee-shirts Salâm Farmândeh vinrent chanter ensemble en lisant les paroles sur un énorme prompteur.
La campagne de promotion était lancée : Abuzar Ruhi alla chanter auprès d’enfants cancéreux à l’hôpital, les rassemblements se multiplièrent, générant autant de clips filmés qui se diffusèrent sur la toile, et « Salâm Farmândeh » se transforma, comme le releva la presse officielle, en un véritable phénomène social en Iran.
Cependant, les réactions ne se firent pas attendre. Alors même que le chant et ses promoteurs déplaçaient les foules à Téhéran, la colère grondait, par suite de l’effondrement d’un immeuble à Abadan qui fit des dizaines de victimes et à la répression des manifestations qui s’ensuivirent. Les gens qui se plaignaient de la cherté de la vie et des difficultés du quotidien n’étaient pas touchés par cet « hymne du ciel », comme l’appela le commandant des pasdarans. Si certains observateurs louaient la pudeur des filles chantant dûment voilées dans leurs tchadors, des Iraniens et des Iraniennes, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, réagirent à ce puritanisme sur les réseaux sociaux en postant des parodies de la performance, avec force danses, mimiques éloquentes, ou dévoilements provocateurs.
Détracteurs et humoristes ne manquèrent pas de s’emparer de cette facette du phénomène Salâm farmândeh. À l’extérieur de l’Iran, d’autres critiques fusèrent sur l’idéologie véhiculée par un chant vu comme un cheval de Troie iranien, l’instrumentalisation et l’endoctrinement des enfants, le caractère hollywoodien de la diffusion, la privation des communautés chiites extérieures de leur identité.
À TRAVERS LES MONDES CHIITES
« Salâm farmândeh » fut aussi exporté par ses promoteurs et se répandit rapidement dans les mondes chiites durant l’été, tel un phénomène de mode. Très tôt, les clips issus des rassemblements iraniens furent sous-titrés en arabe, en anglais ou en ourdou pour en élargir le public. Ensuite, Abuzar Ruhi partit en tournée au Pakistan, au Liban, en Irak et, ailleurs, des performances calquées sur le modèle iranien furent organisées grâce aux relais de l’Iran — centres culturels, centres islamiques, écoles, etc.
Les paroles de « Salâm farmândeh » furent traduites ou adaptées dans des langues diverses (arabe, turc, turkmène, azéri, ourdou, pashto, balti, haoussa, swahili, russe, anglais, etc.) et sa mise en scène reproduite à différentes échelles, en fonction de la taille et des moyens des communautés, mais aussi de leur proximité avec l’idéologie de la République islamique. Le résultat est une production foisonnante de versions qui sont pour certaines conformes au modèle original et aux codes de sa mise en scène (gestuelle ; portraits de Khamenei, de Soleimani, de Khomeini ; tchador pour les filles, parfois uniformes paramilitaires pour les garçons), alors que d’autres le nuancent, s’en éloignent, voire le détournent et le concurrencent pour marquer une prise de distance avec la Révolution et son Guide. Cette production reflète une géographie des positionnements par rapport à l’Iran comme à l’idéologie qu’il prêche et donne une large palette des manières de concevoir le chiisme et, particulièrement, la dévotion au Mahdi.
DES PERFORMANCES DU NIGERIA À L’AZERBAÏDJAN
Des communautés proches de l’Iran reprirent « Salâm Farmândeh » dès le mois de juin, à Kargil, au Cachemire, en Turquie, au Nigeria, où les enfants d’une école furent regroupés pour chanter en haoussa, en présence du cheikh Ibrahim Zakzaky, leader du Mouvement islamique du Nigeria. Plusieurs performances furent enregistrées à Bakou, dont une où les chanteurs étaient masqués : il n’est pas facile de prôner un chiisme politique militant, aujourd’hui, en Azerbaïdjan. « Salut mon imam » fut chanté en version russe à Derbent au Daghestan
Version cachemire
En Syrie, des enfants et des jeunes des villages de Nubl et Zahra chantèrent la version arabe du modèle original en tenant des portraits de leaders iraniens et de Hasan Nasrallah. Puis ceux du quartier Zayn al— ‘Abidin, à Damas, firent de même pour réaliser un clip qui se termine par l’image d’un jeune homme faisant un salut militaire devant le mausolée de Sayyida Zaynab.
Version syrienne
Au Liban, rompu aux opérations de communication, le Hezbollah produisit un clip qu’il présenta comme la version officielle libanaise et les scouts du Mahdi organisèrent des rassemblements des partisans dans la Bekaa (Hermel), la banlieue sud de Beyrouth ou le Sud-Liban. La version du Hezbollah, dans ses paroles comme dans les portraits brandis par les participants, prend modèle sur la version iranienne et y ajoute ses héros (Hasan Nasrallah, Imad Moughniyeh, Ragheb Harb, etc.). « Ce n’est pas un chant, c’est une frappe de missile !.. » lança un cheikh proche du parti, ajoutant, dans une rhétorique bien rôdée, que cette opération déjouait les conspirations de l’arrogance mondiale.
D’autres communautés chiites ne se sont pas strictement alignées sur le modèle iranien, soit par crainte des représailles ou souci de discrétion vis-à-vis de leurs autorités locales, soit pour prendre des distances avec l’Iran, tant politiques que culturelles. Il s’agissait, aussi, d’ancrer le chiisme dans le pays. À Londres, les paroles de la version anglaise furent dépolitisées.
Version anglaise
À Dar-Es-Salam, les paroles furent adaptées en swahili et transformées ; les chanteurs agitaient le drapeau tanzanien, s’adressant au Mahdi : « Nous nous sommes unis, tu peux apporter la paix ». Aucun référent politique dans leur prestation qui attire les congratulations d’usage, sur internet. Pas plus de contenu politique dans la version française : si le modèle iranien en est la matrice, les paroles ont été arrangées. Tournée au pied de la tour Eiffel ce qui, comme d’autres versions, affiche une situation géographie claire si ce n’est stéréotypée, elle est signée « la jeunesse chiite de France », un groupe qui ne dit pas son nom.
En arabe, face à la version du Hezbollah qui revendique deux millions de vues en ligne, une autre version affiche, elle, 12 millions de vues : un clip produit en juin de manière très professionnelle par des chiites du Bahreïn qui véhicule des images de paix et de douceur (une femme fait voler une colombe au bord de la mer, les enfants sont vêtus de blanc et les paysages sereins).
Celui-ci n’utilise pas de référents politiques, mais des codes renvoyant aux rituels chiites : les enfants se nouent mutuellement un ruban vert autour du poignet, ils portent de grands drapeaux blancs « Ô Mahdi », ne font pas le salut militaire, mais lèvent le bras en avant. La teneur du discours est à l’avenant, uniquement théologique, centrée sur le pacte de fidélité envers l’imam et l’attente de son retour. Cette version s’est imposée sur le Net et est devenue un modèle concurrent dont le texte est traduit ou adapté en d’autres langues.
LE CAS IRAKIEN
Dans les mondes chiites, les réactions d’adhésion, d’accommodement, ou de rejet de l’emprise iranienne sont souvent plus subtiles qu’il n’y paraît. Le « grand frère iranien » est d’emblée vu comme le fer de lance du chiisme avec lequel chaque communauté entretient des liens plus ou moins serrés, fondés sur des accointances linguistiques, historiques, culturelles, ou politiques, qui génèrent une forme de diplomatie particulière. Quant au régime iranien, après avoir œuvré pour exporter sa Révolution, il a opté pour une politique de soft power vers l’extérieur, mais ne s’empêche pas des formes d’intrusion plus énergiques.
L’Irak voisin, considéré comme « pouvoir chiite » après 2003, en a fait l’expérience puisque l’Iran y projette son État profond et y entretient des milices vouées à sa cause. On a vu, depuis les slogans contre la mainmise de l’Iran lors des manifestations populaires de 2019 jusqu’aux tensions récentes, que la pression politique et économique iranienne ne s’y exerce pas sans heurts. Si l’on ajoute les discrètes, mais fermes réserves de la marja‘iyya (l’autorité religieuse) face à l’Iran dans le contexte de la préparation de la succession d’Ali Sistani, on comprend tout l’intérêt de s’arrêter sur la réception de l’opération Salâm farmândeh en Irak.
Une version irakienne
Les premiers rassemblements furent organisés en juin à Basra par les partisans des milices du Hachd al-cha‘bî (mobilisation populaire) constitué à la suite de la fatwa d’Ali Sistani appelant à défendre le pays contre l’organisation de l’État islamique (OEI). Toute l’ambiguïté du Hachd, donc certaines factions sont très proches de l’Iran, voire actionnées par lui, mais qui clame son allégeance à Sistani, transparaît dans les nombreux clips réalisés. Les participants portent des tenues militaires, montrent des portraits de Qassem Soleimani et d’Abou Mahdi Al-Muhandis (tué avec le précédent dont il était l’alter ego irakien), affichant ainsi leur allégeance à l’Iran, mais, en même temps, ils montrent aussi des portraits de Sistani.
L’allusion à « Sayyid Ali », dans « Salut mon imam du temps », ne renvoie pas à Khamenei comme dans le modèle iranien, mais à Sistani, en rappelant la fatwa qui permit la création du Hachd. Toutefois, même si le drapeau que brandissent les participants est celui de l’Irak ou du Hachd, cette version reflète, pour bon nombre d’Irakiens, la présence iranienne dans le pays. Quant à Ali Sistani, son désaccord avec les milices pro-iraniennes est connu. Une autre performance de la même veine fut organisée dans la mosquée de Sahla, à Koufa, dont la tradition dit qu’elle sera le lieu de résidence du Mahdi à sa réapparition. Sans compter la tournée d’Abuzar Ruhi, de Kirkouk à Karbala en passant par Bagdad et Samarra, où il fut filmé en train de chanter « Salâm farmândeh » lors de sa visite du sanctuaire, face contre la châsse du tombeau de l’imam.
À Karbala, il donna une performance, toujours en persan, dans le vaste espace qui se situe entre les deux sanctuaires de Hussein et de ‘Abbas, haut lieu de la piété chiite et de la convivialité pèlerine. « L’Iran, le Liban et l’Irak ne peuvent être séparés ! », déclara-t-il avant sa prestation. Face à lui, le public avait surtout apporté des drapeaux irakiens et des portraits de Sistani…
LA RELIGIOSITÉ MISE EN AVANT
Un clip fut réalisé par Karbala TV, avec Mohamed Ghuloom, le même chanteur que la version bahreïnie, entouré d’enfants. Il se déroule à Karbala, près d’un mausolée dédié au Mahdi et d’autres sanctuaires de la ville. Ni drapeaux ni portraits, mais des rubans verts, des bougies, quelques garçons vêtus à l’ancienne, le châle vert des sayyid enroulés sur des tarbouches comme les serviteurs des lieux saints. Piété et légitimité religieuse sont mises en avant.
Les célébrations de l’Achoura en août auraient pu détourner l’attention, mais ce ne fut pas vraiment le cas. « Salâm farmândeh » a continué de faire l’objet de réappropriations. La mélodie et le scénario de base mettant en scène des enfants ont été utilisés pour la production d’autres performances et d’autres clips dont, cette fois, le sujet est Hussein, tel « Husayn mawlânâ » (Hussein notre maître), produit au Bahreïn et ensuite repris au Liban par les scouts du mouvement Amal… L’histoire de cette chanson culte n’est pas terminée.
13 SEPTEMBRE 2022
SABRINA MERVIN
Directrice de recherche au CNRS, membre de l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (Iremam).
Les protestations se poursuivent malgré le fait que le régime a déjà commencé les exécutions. Au moins 28 personnes pourraient être tuées de manière imminente, s'ajoutant aux centaines de personnes déjà décédées ces derniers mois
AFP/JOHN MACDOUGALL - Le slogan "Jin, jiyan, azadî" (femme, vie, liberté en kurde) a atteint tous les coins du monde
Les femmes iraniennes mènent les protestations avec un soutien important des hommes
Bien que les manifestations en Iran aient commencé à la fin de l'année, elles sont devenues l'un des principaux événements de 2022. Le développement de ces protestations sera également l'un des événements à suivre dans l'année à venir. Plus de 40 ans après le triomphe de la révolution islamiste dans le pays, les citoyens iraniens mettent en échec le régime des Ayatollahs.
Tout a commencé par le meurtre brutal d'une femme kurde de 22 ans. Mahsa - ou Jina - Amini s'était rendue à Téhéran avec son frère lorsque la redoutable police des mœurs l'a arrêtée parce qu'elle ne portait pas correctement le voile islamique. Après plusieurs heures de garde à vue, la jeune femme a été emmenée en ambulance dans un hôpital de la capitale avec de graves blessures. Elle n'en est pas sortie vivante.
AFP PHOTO / UGC IMAG - Les femmes iraniennes mènent les protestations avec un soutien important des homm
Tout a commencé avec Mahsa Amini, même si d'autres aspects en coulisses ont facilité l'allumage de la mèche en Iran, comme la forte oppression et la censure, la crise économique et la corruption. De même, dans des régions telles que le Kurdistan - le lieu d'origine d'Amini - ou le Sistan et le Baloutchistan, le mécontentement à l'égard du gouvernement était fort après des périodes de discrimination et de répression. "Cette fois, le peuple veut renverser l'ensemble du régime et a pris pour cible la personne la plus haut placée du régime, Ali Khamenei", explique Mehdi Dehnavi, analyste du Moyen-Orient.
Au cours des premières semaines de protestations, il était courant de voir des femmes brûler des hijabs ou les enlever en public, car c'est la principale cause du meurtre d'Amini et de nombreuses autres femmes. Toutefois, au fil du temps, les Iraniens - tant dans leur pays qu'à l'étranger - ont souligné que les manifestations ne concernaient plus seulement le hijab ou la police des mœurs. Les Iraniens veulent un changement de régime.
AFP/ATTA KENARE - "Cette fois, le peuple veut renverser l'ensemble du régime et a pris pour cible la première personne du régime, Ali Khamenei"
Pour Ryma Sheermohammadi, activiste et traductrice hispano-iranienne, ce changement est inévitable. Sheermohammadi souligne que ce changement apportera sans aucun doute la stabilité et la paix au Moyen-Orient. À cet égard, elle rappelle l'ingérence iranienne en Syrie et au Liban, ainsi que dans la guerre au Yémen.
"Les gens veulent un changement de régime. Ils ne veulent pas de réformes, cela va au-delà", déclare Ali Nowroozi, un Iranien résidant au Royaume-Uni. Nowroozi est également confiant dans ce changement. "Cela s'est déjà produit et cela se reproduira", dit-il.
La vague de protestations qui a débuté en septembre dernier se transforme en une véritable révolution et, bien que ses conséquences soient encore inconnues, elle marque un avant et un après en Iran. Pour l'instant, ces protestations peuvent être qualifiées d'"historiques" car, pour la première fois, elles ont été menées par des femmes. "La révolution a commencé avec les femmes, c'est très puissant", ajoute Nowroozi.
AFP/YASIN AKGUL - Nasibe Samsaei, une Iranienne vivant en Turquie, coupe sa queue de cheval lors d'une manifestation devant le consulat d'Iran à Istanbul
Le rôle que jouent les femmes dans les manifestations est essentiel. Leur slogan "Jin, jiyan, azadî" (qui signifie en kurde "femme, vie, liberté") a atteint les quatre coins du monde, tandis que leur courage, leur bravoure et leur force ont inspiré des femmes dans des pays tout aussi oppressifs comme l'Afghanistan.
Beaucoup de ces femmes sont mortes en luttant pour leur liberté, tandis que d'autres ont été détenues par les forces de sécurité et subissent des abus constants tels que le viol et la torture. Un récent rapport du Guardian a révélé que de nombreuses femmes arrêtées avaient reçu des balles au visage et dans les parties génitales.
AP/ALESSANDRA TARANTINO - Une femme iranienne avant le début du match de football Pays de Galles-Iran
Partout dans le monde, le rôle des femmes et leur importance dans la réalisation de changements sociaux et politiques ont été reconnus. Même le célèbre magazine TIME a désigné les Iraniennes comme les héroïnes de l'année 2022. TIME a mis en lumière quelques-unes d'entre elles, comme Gohar Eshghi, Narges Mohammadi, Sepideh Gholian, Niloufar Bayani, Elnaz Rikabi, Zahra Amir-Ebrahimi, Nazanin Zaghari-Ratcliffe ou Roya Piraie.
AP/ANDRE PENNER - Des Iraniens vivant au Brésil protestent contre la mort de Mahsa Amini
Le combat inlassable de Gohar Eshghi
Gohar Eshghi est devenue un symbole de résistance et de force en Iran. Onze ans après que les autorités ont torturé et assassiné son fils Sattar Beheshti, un blogueur critique du régime, Eshghi continue de réclamer justice et de dénoncer la violence du gouvernement iranien.
À 76 ans, Eshghi est une défenseuse infatigable des droits de l'homme en Iran. En plus d'être membre des "Mères iraniennes dénonciatrices" - un groupe de femmes demandant justice pour les meurtres de leurs enfants - Eshghi s'est jointe aux manifestations qui ont suivi la mort d'Amini, allant jusqu'à retirer son foulard islamique par solidarité avec les manifestants.
En raison de son implication et de son influence, Eshghi est souvent menacée par les autorités. Elle a affirmé que le régime a récemment augmenté la pression sur elle et sa famille. "Si quelque chose nous arrive, Khamenei est responsable", a-t-elle déclaré dans une vidéo.
En plus des menaces et des pressions, Eshghi a subi des attaques. Comme le rapporte Iran International, elle a été agressée l'année dernière par deux inconnus alors qu'elle se rendait sur la tombe de son fils.
Ni la torture ni la maladie ne peuvent réduire Narges Mohammadi au silence
Narges Mohammadi est l'une des nombreuses personnes qui, Mohammedi, journaliste et vice-présidente du Centre des défenseurs des droits de l'homme - une institution dirigée par la lauréate iranienne du prix Nobel de la paix, Shirin Ebadi - a reçu de nombreux prix pour son travail de journaliste et de militante des droits de l'homme. Le prix le plus récent qu'elle a reçu est le Prix de la liberté de la presse 2022, décerné par Reporters sans frontières.
"Narges Mohammadi est un symbole de courage. Même depuis la prison, elle continue à rendre compte de la situation des prisonniers, en particulier des femmes. Sa vie est un combat permanent, dans lequel elle doit faire de nombreux sacrifices pour faire entendre sa voix. Mohammadi est connue pour ses nombreux articles dénonçant la situation des droits de l'homme en Iran, ainsi que pour son documentaire et son étude sur la "torture blanche", basés sur des entretiens avec des prisonniers.
AFP/BEHOURZ MEHRI - Narges Mohammadi
Après son séjour à Evin - une prison qui détient de nombreux prisonniers politiques et qui a été incendiée en octobre lors de manifestations - Mohammadi a été transférée à la prison de Shahr-e Ray, connue sous le nom de Qarchak. "La prison de Qarchak est notoirement connue pour le traitement inhumain des prisonniers, la torture, les abus et les violations des droits", avertit la Coalition des femmes journalistes (CFWIJ). Mohammadi partage une cellule avec sa collègue journaliste iranienne Alieh Motalebzadeh.
Amnesty International a dénoncé les actes de torture et les mauvais traitements infligés à Mohammadi, qui a été condamné à dix ans et huit mois de prison et à 154 coups de fouet en janvier. Le journaliste, qui souffre de problèmes cardiaques, n'a pas reçu d'attention médicale ni de traitement adéquat en prison. Les autorités ont également refusé à Mohammadi la possibilité de recevoir la visite de ses enfants.
Sepideh Gholian, la voix des femmes iraniennes en prison
Une autre femme iranienne emprisonnée pour avoir dénoncé la situation dans le pays est Sepideh Gholian, un écrivain de 27 ans qui a décrit les tortures et les abus auxquels les femmes sont confrontées dans les prisons du pays. Les passages à tabac, les humiliations, les menaces, les insultes et les interrogatoires de plus de 24 heures sont quelques-unes des méthodes utilisées par les autorités contre Gholian, a-t-elle déclaré à Amnesty International.
Gholian est actuellement détenue dans une prison éloignée de son domicile, malgré les supplications de sa famille. Selon Iran Wire, il s'agit d'une tactique couramment employée par le pouvoir judiciaire pour accentuer la pression sur les "prisonniers de conscience".
Niloufar Bayani, emprisonnée pour son action en faveur de l'environnement
Les autorités iraniennes emprisonnent non seulement les femmes qui critiquent ouvertement le régime, mais aussi celles qui exercent leur activité en dehors de la politique. C'est le cas de Niloufar Bayani, une chercheuse en environnement spécialisée dans la conservation de la faune et de la flore. En 2018, Bayani a été arrêté avec d'autres chercheurs pour avoir utilisé des caméras pour suivre des espèces en voie de disparition. Bien que Bayani et son groupe ne voulaient que surveiller le guépard asiatique, les autorités les ont accusés d'espionnage et de collecte d'informations classifiées sur des zones stratégiquement sensibles.
Bayani, qui a été condamnée à dix ans de prison, a déclaré à la BBC qu'après son arrestation, les gardiens de la révolution lui ont fait subir "les plus graves tortures mentales, émotionnelles et physiques, ainsi que des menaces sexuelles pendant au moins 1 200 heures".
La grimpeuse Elnaz Rikabi défie le régime en concourant sans hijab
En octobre, au milieu des protestations suscitées par la mort d'Amini, l'alpiniste iranienne Elnaz Rikabi participait à un championnat asiatique en Corée du Sud. Bien que se trouvant à des milliers de kilomètres de son pays d'origine, elle a trouvé le moyen d'exprimer son soutien aux manifestants.
Comme les femmes en Iran, Rikabi a retiré son hijab et a choisi de concourir sans lui en signe de protestation contre la mort d'Amini. Les images ont fait le tour du monde et les médias sociaux ont salué le courage de l'alpiniste, qui a été accueillie par une foule à son arrivée à l'aéroport de Téhéran. Cependant, avec son arrivée dans le pays, la crainte de représailles éventuelles de la part du régime a commencé à grandir.
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Quelques jours plus tard, lors d'une interview à la télévision d'État, Rikabi s'est excusée publiquement de ne pas porter le foulard islamique, affirmant qu'elle l'avait laissé tomber "par inadvertance". Cependant, des sources ont déclaré au service persan de la BBC que son interview était une confession forcée, une méthode récurrente pour le régime.
Malgré ces excuses, les médias britanniques ont rapporté il y a quelques jours que la maison familiale de Rikabi a été démolie par les autorités en guise de vengeance pour l'acte héroïque de Rikabi.
Zahra Amir-Ebrahimi, la protestation par le cinéma
Les dénonciations contre le régime des ayatollahs viennent aussi du monde du cinéma. Zahra Amir-Ebrahimi, une actrice iranienne exilée en France, est devenue l'un des visages les plus visibles de la lutte des femmes en Iran.
Amir-Ebrahimi a été la première Iranienne à remporter le prix de la meilleure actrice à Cannes pour sa performance dans "Holy Spider", un film basé sur l'histoire vraie d'un tueur en série qui tuait des prostituées en Iran pour, selon lui, "éradiquer le mal".
AFP/VALERY HACHE - L'actrice iranienne Zahra Amir Ebrahimi pose lors d'un photocall pour le film "Holy Spider" lors du 75e Festival de Cannes à Cannes
L'actrice, qui joue le rôle d'une journaliste enquêtant sur les féminicides, a déclaré lors du festival du film que "la société iranienne changera grâce aux femmes", ce qui explique, selon Amir-Ebrahimi, que "le gouvernement et les hommes ont tellement peur des femmes", comme le rapporte Euronews.
D'autres actrices iraniennes ont exprimé leur soutien aux protestations et aux manifestants, comme Golshifteh Farahani, qui a interprété la chanson "Baraye" avec Coldplay lors d'un concert en Argentine ; Nazanin Boniadi, connue pour ses rôles dans "Homeland", "How I Met Your Mother" et "The Rings of Power" ; et Hengameh Ghaziani et Katayoun Riahi, toutes deux arrêtées en novembre dernier.
Nazanin Zaghari-Ratcliffe, accusée de conspirer contre le régime
En 2016, la vie de la britannico-iranienne Nazanin Zaghari-Ratcliffe a été bouleversée. Peu avant d'embarquer dans un avion à destination du Royaume-Uni, Zaghari-Ratcliffe a été arrêtée par les autorités iraniennes à l'aéroport de Téhéran, où elle s'était rendue pour rendre visite à sa famille.
Zaghari-Ratcliffe a été condamnée à cinq ans de prison pour conspiration en vue de renverser le régime iranien. Après avoir purgé sa peine, elle a été condamnée à un an de prison supplémentaire pour avoir diffusé de la "propagande contre le système". Zaghari-Ratcliffe, bien qu'étant à moitié britannique, n'a pas pu recevoir d'assistance consulaire car Téhéran ne reconnaît pas la double nationalité.
AFP/VICTORIA JONES - Nazanin Zaghari-Ratcliffe
Le Gouvernement britannique a fait pression sur Téhéran pour qu'elle soit libérée, affirmant que sa détention était "arbitraire" et qu'il s'agissait de "représailles diplomatiques". L'affaire serait liée à une dette historique du Royaume-Uni envers l'Iran, évaluée à quelque 523 millions de dollars.
Finalement, grâce aux efforts diplomatiques, Zaghari-Ratcliffe a pu rentrer chez elle en même temps qu'Anoosheh Ashoori, un autre citoyen irano-britannique accusé d'espionnage.
Roya Piraie : "Je n'avais pas de larmes, pas de mots, juste de la colère qui brûlait en moi"
167. C'est le nombre de balles retrouvées dans le corps sans vie de la mère de Roya Piraie. "Ma mère a été tuée à bout portant. Elle participait à une manifestation pacifique", a déclaré la jeune femme de 25 ans lors d'une émission de France Inter à l'Élysée sur les manifestations en Iran, à laquelle assistait le président français Emmanuel Macron.
Minoo Majidi, sa mère, avait 62 ans et vivait à Kermanshah, la plus grande ville kurdophone d'Iran. Piraie se souvient que sa mère lui cachait son intention de manifester, craignant qu'elle n'insiste pour l'accompagner. Son père, quant à lui, a essayé de la convaincre de ne pas descendre dans la rue. "Si je n'y vais pas, qui défendra l'avenir de nos enfants ?", a demandé Majidi à son mari.
Piraie décrit également le moment où elle a appris la mort de sa mère. "Je n'avais pas de larmes, pas de mots, juste de la colère qui brûlait en moi", a-t-elle déclaré à la chaîne de télévision française.
Cette colère et ce désespoir ont duré jusqu'au jour des funérailles, lorsque Piraie a pris une paire de ciseaux et a décidé de se couper les cheveux, autre symbole des protestations. La photo de Piraie sur la tombe de sa mère, les cheveux à la main, est rapidement devenue virale sur les médias sociaux, devenant l'une des images les plus significatives de la révolution.
Ces femmes ne sont qu'un échantillon visible des milliers et des milliers de personnes qui risquent leur vie chaque jour en luttant pour leur liberté ou pour survivre en prison dans des conditions inhumaines, comme c'est le cas de Leila Hassanzadeh, Elham Afkari, Mahvash Sabet ou Fariba Kamalabadi.
Alors que Hassanzadeh est en prison et risque de perdre la vue, Afkari est en grève de la faim depuis 8 jours, également en prison. Afkari a été arrêtée en novembre dernier avec son mari devant leur petite fille, l'un de ses frères - Vahid - est en isolement depuis deux ans, tandis que l'autre a été tué par le régime.
En outre, après dix ans de prison, Sabet et Kamalabadi - dirigeants d'un conseil qui administre les affaires de la communauté bahá'íe - sont de nouveau condamnés à dix ans de prison supplémentaires.
En plus de ceux mentionnés ci-dessus, on pourrait également ajouter d'autres personnes qui, malheureusement, ne peuvent plus protester, comme Hadis Najafi, Nika Shakarami ou Sarina Esmailzadeh.
REUTERS/DILARA SENKAYA - Les autorités ont condamné plus de 10 personnes à mort et, selon Amnesty International, au moins 28 risquent d'être exécutées
Comme on peut le constater, le rôle des femmes devient extrêmement pertinent. Cependant, il est également nécessaire de souligner le soutien important des hommes iraniens qui, depuis le début, se sont impliqués, luttant aux côtés des femmes, qu'ils protègent et soutiennent. Comme l'explique Dehnavi, "les hommes sont également fatigués du fondamentalisme, il est donc normal qu'ils descendent dans la rue aux côtés des femmes".
Sheermohammadi se souvient qu'un de ses amis, aujourd'hui détenu, a été l'un des premiers à se rendre à l'hôpital d'Amini pour protester. "Ils se sont rendu compte que dans cette société, s'ils ont tout et qu'ils ne l'ont pas, les choses ne fonctionnent pas", ajoute-t-il.
"Chaque exécution alimente la protestation"
Majid Reza Rahnavard et Mohsen Shekari, tous deux âgés de 23 ans, sont les premiers Iraniens à être exécutés en public pour leur participation aux manifestations. Cependant, ils ne sont peut-être pas les seuls. Les autorités ont condamné plus de 10 personnes à mort et, selon Amnesty International, au moins 28 risquent d'être exécutées.
Afin de les défendre et d'empêcher leur assassinat, de nombreux hommes politiques européens ont commencé à "parrainer" les condamnés à mort. En fait, ils suivent leur situation au quotidien et envoient des lettres aux ambassades d'Iran pour faire suspendre leur peine.
Malgré la situation critique et les exécutions, les manifestations n'ont pas cessé. "Chaque exécution alimente la protestation", dit Dehnavi. Nowroozi partage cet avis et note que "les citoyens ne pardonnent pas et n'oublient pas tous ceux qui ont été tués".
Comme l'explique l'analyste Daniel Bashandeh, avec ces exécutions, les autorités veulent "créer un impact psychologique". Non seulement le régime rend les exécutions publiques, mais il est allé jusqu'à diffuser des images des derniers moments de la vie de l'une des personnes tuées. Toutefois, "le mur de la peur a déjà été abattu par les manifestants", souligne Bashandeh.
Les exécutions publiques n'ont pas empêché les Iraniens de dénoncer la répression et l'injustice. Malgré la terreur répandue par les autorités, il n'y a pas de retour en arrière, la révolution iranienne reste plus forte que jamais et pleine d'espoir de changement.
Le régime iranien a procédé ce lundi à une deuxième exécution liée au mouvement de protestation qui embrase le pays depuis trois mois. Selon Amnesty International, 27 personnes, arrêtées depuis le début des manifestations, risquent le même sort.
Ainsi en Iran, le processus inéluctable de la mise à mort des manifestants, dans ce régime martial qu’est devenue la République islamique, est enclenché. Et pour la deuxième fois en quelques jours, Téhéran a procédé lundi 12 décembre à une exécution liée au mouvement qui agite le pays depuis trois mois. C’est en public, dans la ville de Machhad (nord-est), que Majidreza Rahnavard a été pendu. Le 8 décembre, à l’aube, c’était Mohsen Shekari, 23 ans, qui était exécuté.
Le 5 décembre, les pasdarans (gardiens de la révolution, l’armée idéologique du régime) avaient félicité le pouvoir judiciaire pour « sa fermeté » et l’avait encouragé à accélérer les procédures à l’encontre des manifestants accusés de « corruption sur terre » ou d’« inimitié à l’égard de Dieu ». Deux concepts juridiquement flous qui permettent de condamner à mort à l’issue de procès expéditifs. Selon Amnesty International, 27 personnes, dont trois mineurs arrêtés pendant la contestation, attendent leur exécution. Au moins 450 civils ont été tués dans les rues et le nombre des « disparus » s’allonge…
On savait que la République islamique n’était plus, depuis un certain temps déjà, la République des mollahs. Que le turban blanc du Guide suprême, Ali Khamenei, n’arrivait plus à dissimuler les képis des gardiens de la révolution. Et que l’Iran, comme la Russie ou la Turquie, organisait la mise à mort à l’étranger de ses opposants. Ce qu’on savait moins, c’est que son gouvernement avait intensifié dans des proportions inquiétantes ses projets d’assassinat et de kidnapping contre des personnalités occidentales. Le « Washington Post » a ainsi révélé que plusieurs ex-membres du gouvernement américain auraient été visés, comme en France Bernard-Henri Lévy. Avec toujours les mêmes méthodes de barbouzes : des agents qui proposent une somme importante à des dealers en échange d’un crime.
Alors que l’Iran attend cette semaine de nouvelles journées de mobilisation contre le pouvoir, un haut responsable de la justice a annoncé l’abolition de la très controversée police des mœurs.
Le rôle de la police des mœurs a évolué au fil des années, mais il a toujours divisé, même parmi les candidats à la présidentielle (AFP/Behrouz Mehri)
Le procureur général Mohammad Jafar Montazeri, cité par l’agence de presse IRNA, a annoncé l’abolition de la police des mœurs à l’origine de l’arrestation de la jeune Mahsa Amini, dont la mort en détention a provoqué une vague de contestation en Iran qui perdure depuis près de trois mois.
Cette annonce, considérée comme un geste envers les manifestants, est intervenue après la décision samedi des autorités de réviser une loi de 1983 sur le port du voile obligatoire en Iran, imposé quatre ans après la révolution islamique de 1979.
C’est la police des mœurs qui avait arrêté le 13 septembre Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, à Téhéran en l’accusant de ne pas respecter le code vestimentaire strict en République islamique, qui impose aux femmes le port du voile en public.
Sa mort a été annoncée trois jours plus tard. Selon des militants et sa famille, Mahsa Amini a succombé après avoir été battue, mais les autorités ont lié son décès à des problèmes de santé, démentis par ses parents.
Son décès a déclenché une vague de manifestations durant lesquelles des femmes, fer de lance de la contestation, ont enlevé et brûlé leur foulard, en criant « Femme, vie, liberté ».
« Abolie par ceux qui l’ont créée »
« La police des mœurs n’a rien à voir avec le système judiciaire et a été abolie par ceux qui l’ont créée », a déclaré Mohammad Jafar Montazeri.
Cette police, connue sous le nom de Gasht-e Ershad (patrouilles d’orientation), a été créée sous le président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, pour « répandre la culture de la décence et du hijab ». Elle est formée d’hommes en uniforme vert et de femmes portant le tchador noir, qui couvre la tête et le haut du corps.
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Cette unité a commencé ses premières patrouilles en 2006.
Le rôle de la police des mœurs a évolué au fil des années, mais il a toujours divisé, même parmi les candidats à la présidentielle.
Sous le mandat du président modéré Hassan Rohani, on pouvait croiser des femmes en jeans serrés portant des voiles colorés.
Mais en juillet 2022, son successeur, l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi, a appelé à la mobilisation de « toutes les institutions pour renforcer la loi sur le voile », déclarant que « les ennemis de l’Iran et de l’islam voulaient saper les valeurs culturelles et religieuses de la société en répandant la corruption ».
Samedi, il a toutefois déclaré que les fondations républicaines et islamiques de l’Iran étaient constitutionnellement établies « mais qu’il existe des méthodes de mise en œuvre de la Constitution qui peuvent être flexibles ».
Mohammad Jafar Montazeri a annoncé le même jour que « le Parlement et le pouvoir judiciaire travaillaient » sur la question du port du voile obligatoire, sans préciser ce qui pourrait être modifié dans la loi.
Selon le correspondant de RFI à Téhéran, Siavosh Ghazi, qui cite un député iranien, la police pourrait cesser toute arrestation et mettre en place des amendes pour non-respect du voile.
« De fait, ces dernières semaines, on voit de plus en plus d’Iraniennes, en particulier des jeunes, non voilées sans que les forces de l’ordre interviennent », rapporte-t-il.
« Certaines femmes se promènent dans la rue en pantalon et avec une simple veste, sans même avoir sur elles un simple foulard au cas où la police leur ferait des remarques », fait remarquer Siavosh Ghazi.
Traduction : « La police des mœurs sur le point d’être dissoute par le régime islamique d’Iran ? Cela a déjà était fait par la révolution des femmes en Iran. Idem pour les lois sur le port obligatoire du voile. Les femmes, avec le soutien des hommes, ont enlevé et brûlé leurs voiles, marchant dans les rues sans voile. »
Des « émeutes »
Le correspondant de RFI à Téhéran estime que cette décision a été prise pour « apaiser les esprits ». Il note que ces derniers temps, les membres de la police des mœurs ont disparu des rues de la capitale.
« On voit beaucoup de femmes ou de jeunes filles se balader sans voile, sans même porter un voile de précaution sur les épaules comme elles le faisaient auparavant », relève-t-il.
« Mais cela va-t-il suffire ? », se demande-t-il aussi, les slogans des manifestants ces dernières semaines étant plutôt des slogans politiques contre les dirigeants iraniens. Et malgré la répression qui a fait des centaines de morts, le mouvement de contestation se poursuit.
La question du voile obligatoire est une question ultrasensible en Iran, sur laquelle s’affrontent deux camps : celui des conservateurs qui s’arc-boutent sur la loi de 1983 et celui des progressistes qui veulent laisser aux femmes le droit de choisir de le porter ou non.
Selon la loi en vigueur depuis 1983, les femmes iraniennes et étrangères, quelle que soit leur religion, doivent porter un voile et un vêtement ample en public.
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Depuis la mort Mahsa Amini et les manifestations qui ont suivi, un nombre grandissant de femmes se découvrent la tête, notamment dans le nord huppé de Téhéran.
Le 24 septembre, soit une semaine après le début des manifestations, le principal parti réformateur d’Iran a exhorté l’État à annuler l’obligation du port du voile.
L’Iran, qui voit dans la plupart des manifestations des « émeutes », accuse notamment des forces étrangères d’être derrière ce mouvement pour déstabiliser le pays.
Selon un dernier bilan fourni par le général iranien Amirali Hajizadeh, du corps des Gardiens de la Révolution, il y a eu plus de 300 morts lors des manifestations depuis le 16 septembre.
Sur les réseaux sociaux, de nombreux Iraniens appellent à rester prudents face à l’annonce de la dissolution de la police des mœurs.
Traduction : « C’est de la désinformation de dire que la République islamique d’Iran a aboli sa police des mœurs. C’est une tactique pour arrêter le soulèvement. Les manifestants n’affrontent pas des armes à feu et des balles pour abolir la police des mœurs. Ils veulent la fin du régime islamique. »
Traduction : « Un rappel amical : ces crimes ont été commis sans la police des mœurs en Iran. Les appareils de la sécurité de la République islamique sont forts, partout, et continuent, sans se décourager ni être redevables, à commettre des crimes. »
Traduction : « Deux choses : l’Iran n’a pas ‘’officiellement’’ aboli ce qu’on appelle la police des mœurs. Ce qu’un officiel dit lors d’une [conférence de presse] n’est pas une annonce officielle. La problème des manifestants n’est pas lié à la police des mœurs, il est lié au régime dans son ensemble. Ils veulent un changement de régime. »
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Par
MEE et agences
Published date: Dimanche 4 décembre 2022 - 11:08 | L
Vue d’un drone lors d’un exercice militaire dans un lieu non divulgué en Iran, le 24 août (Reuters)
Le bourdonnement des drones de fabrication iranienne est devenu un bruit familier dans les villes ukrainiennes, alors que la Russie intensifie ses attaques dans le pays, détruisant des centrales électriques et des infrastructures civiles et militaires.
Alors que les stocks de missiles russes s’amenuisent à vue d’œil, Moscou s’est tourné vers l’Iran pour bloquer rapidement et à moindre coût les avancées militaires ukrainiennes et éviter de perdre de nouveaux territoires.
Un ecclésiastique iranien se tient près d’un drone lors d’un exercice militaire dans un lieu non divulgué en Iran, le 24 août (Reuters)
Selon les informations relayées, la Russie a acheté plusieurs centaines de drones iraniens et un millier d’exemplaires supplémentaires ont été commandés. Moscou et Téhéran démentent pour leur part ces transactions.
Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a toutefois fait allusion à une utilisation potentielle en Ukraine en vantant le programme de drones du pays.
Par le passé, a-t-il déclaré, les gens doutaient des technologies iraniennes et pensaient qu’elles étaient fausses. « Maintenant, ils disent que les drones iraniens sont dangereux. Ils nous demandent pourquoi on les vend à untel ou untel. »
Une priorité nationale
En direct à la télévision, un expert militaire russe pro-Kremlin, Ruslan Pukhov, ne s’est pas rendu compte que son micro était déjà ouvert et a laissé échapper le secret le plus mal gardé du pays : « Nous savons tous qu’ils sont iraniens, mais le gouvernement ne le reconnaîtra pas. »
Depuis leur déploiement début septembre, les drones iraniens sont un outil efficace pour la Russie sur le champ de bataille en Ukraine. Selon le ministère ukrainien de la Défense, au moins 300 drones kamikazes iraniens Shahed 136 ont été utilisés à partir de mi-octobre pour détruire une grande partie du réseau de centrales électriques du pays.
L’utilisation de ces drones offre à l’Iran l’occasion de les mettre à l’épreuve dans un conflit dynamique et permet ainsi à ses scientifiques de tirer des enseignements et à ses responsables politiques de mettre en valeur le matériel iranien.
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Le major-général Yahia Rahim Safavi, ancien commandant du corps des Gardiens de la révolution islamique et principal conseiller militaire du guide suprême iranien, a récemment déclaré qu’au moins 22 pays étaient intéressés par l’acquisition de drones militaires de fabrication iranienne.
La maîtrise iranienne en matière de drones représente une priorité nationale depuis des décennies, que les autorités entretiennent et coordonnent en dépit des sanctions visant l’économie du pays.
Depuis la révolution islamique de 1979 et l’éclosion de l’hostilité entre l’Iran et l’Occident, les sanctions internationales incitent Téhéran à devenir autosuffisant pour toutes sortes de produits, notamment militaires.
En raison d’un embargo occidental de longue date sur les armes, l’Iran n’a pas été en mesure de moderniser son armée, alors que ses voisins régionaux ont progressé quantitativement et qualitativement avec le soutien de l’Occident, selon Hamidreza Azizi, spécialiste de l’Iran à l’Institut allemand des affaires internationales et de la sécurité (SWP).
« L’Iran a commencé à ressentir une faiblesse très particulière, à savoir son incapacité à moderniser sa force aérienne de manière significative », explique-t-il à Middle East Eye. « La République islamique a hérité de l’armée de l’air du shah, mais elle n’est fondamentalement plus adaptée à un quelconque conflit militaire avec des adversaires régionaux ou mondiaux. »
« L’Iran a développé son programme de missiles et de drones pour compenser l’absence d’une force aérienne efficace »
– Hamidreza Azizi, expert à l’Institut allemand des affaires internationales et de la sécurité
C’est au cours de la guerre Iran-Irak, au milieu des années 1980, que l’intérêt de Téhéran pour les drones a réellement vu le jour, avec un premier drone baptisé Ababil (volée d’oiseaux), un nom qui préfigure l’utilisation stratégique des drones par le pays sur le champ de bataille.
L’utilisation des Ababil par l’Iran, soit comme munition rôdeuse, soit pour des opérations de surveillance et de reconnaissance, soulignait l’impératif militaire consistant à préserver des ressources limitées tant sur le plan du capital humain que des forces aériennes, puisque la maintenance dépendait d’entreprises américaines et n’était donc plus assurée.
Au cours des décennies qui ont suivi, « le programme iranien de drones a été conçu comme une partie intégrante de l’armée du pays », indique Hamidreza Azizi.
La stratégie du pays en matière de drones est l’un des quatre piliers de la stratégie militaire iranienne, les autres étant son programme de missiles, son réseau d’alliés et d’intermédiaires non étatiques et ses capacités croissantes dans le domaine de la cyberguerre.
Selon Hamidreza Azizi, ces éléments réunis constituent les piliers de la « dissuasion asymétrique » développée par l’Iran face à des sanctions paralysantes.
« L’Iran a développé son programme de missiles et de drones pour compenser l’absence d’une force aérienne efficace », explique Hamidreza Azizi, qui souligne que « le développement local a commencé à prendre le pas dans la réflexion militaire de l’Iran ».
Une flotte de drones
La prédominance croissante des drones dans la pensée stratégique iranienne a en grande partie décollé au cours des dernières années, selon Anoush Ehteshami, professeur à l’université de Durham (Royaume-Uni) et auteur de Defending Iran: From Revolutionary Guards to Ballistic Missiles.
« C’est toujours le programme de missiles de l’Iran qui a occupé le devant de la scène en raison de sa valeur dissuasive, notamment vis-à-vis d’Israël », indique Anoush Ehteshami à MEE. « Ce n’est qu’au cours des dix dernières années que le développement des drones a vraiment décollé en Iran. Et ceci est lié en partie à l’acquisition par l’Iran d’un drone américain qui a été abattu dans son ciel. »
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En parvenant à abattre quelques drones américains dans son ciel, l’Iran au pu développer son savoir-faire technologique en matière de drones. Par ailleurs, les scientifiques iraniens n’ont pas ménagé leurs efforts pour apprendre de leurs adversaires.
En 2011, les forces armées iraniennes ont abattu un drone américain RQ-170 Sentinel intact, dont elles ont effectué la rétro-ingénierie en l’espace d’un an. Elles ont fini par produire leur propre version par le biais d’une compétence affinée depuis les années 1980.
« L’Iran a développé son expertise en matière de rétro-ingénierie au cours des dernières décennies », souligne Anoush Ehteshami. « Vous pouvez leur donner à peu près n’importe quel appareil, et leurs ingénieurs et scientifiques, en particulier dans le complexe militaro-industriel, peuvent ensuite le démonter et trouver comment le reconstituer. »
L’Iran possède désormais une flotte de drones capables de tirer des missiles à guidage de précision d’une portée de 2 000 km, en plus de nombreux drones de surveillance.
Isolé de ses anciens fournisseurs d’armes, l’Iran a principalement mis l’accent sur l’autosuffisance. L’attaque américaine qui a détruit une grande partie de la marine iranienne en 1988, et que la Cour internationale de justice a jugée injustifiée par la suite, n’a fait que catalyser la nécessité d’instaurer une dissuasion face à la puissance aérienne américaine.
« Vous pouvez leur donner à peu près n’importe quel appareil, et leurs ingénieurs et scientifiques, en particulier dans le complexe militaro-industriel, peuvent ensuite le démonter et trouver comment le reconstituer »
- Anoush Ehteshami, professeur à l’université de Durham
Le développement du programme national de drones a été principalement confié à plusieurs entreprises du secteur de la défense. La Qods Aviation Industry Co., l’Iran Aircraft Manufacturing Industrial Co. et Shahed Aviation Industries ont mené la charge en concevant certains des drones les plus redoutables du pays.
Comparés aux drones israéliens, turcs ou américains, ils paraissent certes simples mais se montrent efficaces, souligne Anoush Ehteshami.
« Au cours de la dernière décennie, les drones iraniens ont connu un essor considérable. L’Iran dispose désormais d’une gamme très complexe de drones qu’il utilise pour la surveillance, mais aussi de plus en plus pour la livraison de munitions, le brouillage de radars, le déplacement d’objets et l’essaimage, comme on l’observe dans le golfe Persique. »
Le Shahed 136, également connu pour sa capacité à être déployé en essaim et désormais largement utilisé en Ukraine, ne fait que souligner le chemin parcouru par l’Iran pour s’imposer comme une puissance dans le domaine des technologies de drones.
Présenté officiellement par l’Iran en 2021, le Shahed 136 a pour objectif de contourner les systèmes de défense aérienne d’un adversaire et de submerger les forces terrestres. Il transporte une ogive d’environ 35 kg. Il est parfois qualifié de drone « kamikaze », puisqu’il fonce directement sur sa cible.
Une diplomatie des drones
L’arsenal iranien comporte un autre drone de combat létal avancé, le Shahed 129, qui a été testé au combat dans divers environnements au Moyen-Orient, notamment en Syrie, au Liban et dans la région du Golfe.
Conscient de l’impossibilité de se confronter directement aux États-Unis, l’Iran consacre ses ressources limitées à la construction de « drones à grande échelle, relativement rudimentaires et peu coûteux, mais efficaces », selon Thomas Juneau, de l’université d’Ottawa.
Les drones de la terreur : bienvenue dans la barbarie « civilisée »
Expert en politique étrangère iranienne, Thomas Juneau explique à MEE que le développement des drones par Téhéran est également le résultat de son habileté à bâtir un « vaste réseau mondial de contrebande » permettant au pays frappé par les sanctions « d’obtenir des pièces et des technologies, dont certaines à double usage, dans le monde entier, y compris depuis des pays européens ».
Même si les autorités américaines et européennes tentent de réprimer ces activités illicites, leurs efforts s’apparentent souvent à un jeu du chat et de la souris.
« Même si ces divers drones sont moins avancés que les drones américains, l’Iran montre qu’il peut les transférer à des partenaires, tels que les Houthis [yéménites] [et maintenant aussi la Russie], qui peuvent ensuite les utiliser à diverses fins, notamment les envoyer s’écraser contre les défenses aériennes de l’adversaire ou dans des zones civiles », souligne Thomas Juneau.
Si la genèse du programme de drones iranien était motivée par la nécessité de défendre le front intérieur, ces derniers sont devenus avec le temps un complément utile pour renforcer le réseau d’alliances de Téhéran avec d’autres États et acteurs non étatiques.
Vue de drones iraniens lors d’un exercice militaire dans un lieu non divulgué en Iran, en août (Reuters)
Cette année, l’Iran a ouvert sa première usine de drones au Tadjikistan, en Asie centrale, afin de produire et d’exporter l’Ababil-2, une variante d’un de ses premiers drones.
Le Tadjikistan, pays à majorité musulmane sunnite, est dirigé par un régime farouchement laïc. Les autorités interdisent le port du hijab dans les institutions publiques et mènent régulièrement des campagnes pour obliger les hommes à se raser la barbe, ce qui contraste fortement avec les règles en vigueur au sein de la société iranienne.
Néanmoins, l’Iran est un État pragmatique. Le Tadjikistan permet à Téhéran d’améliorer ses relations bilatérales tout en développant son programme de drones à l’abri d’un éventuel sabotage israélien.
« L’une des raisons pour lesquelles l’Iran coopère avec le Tadjikistan pour la production de drones est qu’ils partagent les mêmes préoccupations en matière de sécurité face aux talibans et à L’EI-K en Afghanistan », indique Eric Lob, professeur associé au département de politique et de relations internationales de l’université internationale de Floride.
« L’Iran utilise [également] son industrie des drones pour renforcer ses relations avec des acteurs étatiques comme le Venezuela, l’Éthiopie et la Russie, en particulier depuis l’expiration de l’embargo sur les armes de l’ONU à son encontre en octobre 2020 », explique-t-il à MEE.
Israël cherche à contre-attaquer
La coopération de Téhéran avec la Russie en matière de drones remonte au moins à 2016, lorsqu’un général iranien de haut rang a indiqué que Moscou avait demandé de l’aide pour faire décoller son programme.
Les décideurs politiques iraniens n’hésitent pas non plus à fournir leurs technologies de drones à des acteurs non étatiques de la région.
« L’Iran et ses partenaires et intermédiaires en Syrie et en Irak utilisent ses drones, ses technologies et sa formation pour surveiller et frapper les alliés et les possessions des Américains, ainsi que les groupes extrémistes comme al-Qaïda et l’EI », souligne Eric Lob.
« La différence apportée par le soutien des Iraniens aux Houthis dans cette région est extrêmement significative »
– Giorgio Cafiero, PDG de Gulf State Analytics
L’une des forces des drones iraniens, estime Eric Lob, est leur capacité à offrir « des alternatives abordables et des avantages tactiques similaires à des acteurs étatiques et non étatiques au Moyen-Orient et au-delà qui présentent des contraintes budgétaires et disposent d’une puissance aérienne faible ou inexistante ».
Dans des endroits comme le Yémen, « les technologies de drones iraniennes ont changé la donne », affirme Giorgio Cafiero, PDG de Gulf State Analytics, une société de conseil en risques politiques basée à Washington.
Les attaques de drones spectaculaires menées par les rebelles houthis soutenus par l’Iran au Yémen ont amené la guerre des Saoudiens au Yémen sur leur propre territoire en faisant de leurs installations énergétiques une cible fréquente.
« La différence apportée par le soutien des Iraniens aux Houthis dans cette région est extrêmement significative. Les attaques de drones des Houthis au cœur du territoire saoudien constituent une source d’influence considérable pour les rebelles soutenus par l’Iran au Yémen », explique Giorgio Cafiero à MEE.
Alors même que l’Iran poursuit son programme de développement de drones, son principal adversaire régional, Israël, cherche à contre-attaquer.
Israël utilise le Nord de l’Irak comme tremplin pour attaquer des installations iraniennes de production de drones, des agissements que l’Iran tente de dissuader avec des frappes de missiles. Fin octobre, plus près de son territoire, Israël a bombardé une usine iranienne d’assemblage de drones en Syrie.
Une mise à l’épreuve en Ukraine
C’est toutefois la guerre en Ukraine qui met à l’épreuve les drones iraniens et qui devrait rendre le matériel iranien plus commercialisable.
En venant en aide à la Russie en Ukraine, l’Iran ne cherche pas seulement à tirer profit de la vente de drones ou à approfondir ses relations avec Moscou.
« L’aide urgente apportée par l’Iran à un allié important qui se révèle impuissant vise à empêcher une défaite humiliante à la fois pour Poutine et pour la Russie, mais aussi à mettre un terme à ce qui est perçu comme “les aspirations de l’OTAN à s’étendre vers l’est” », affirme à MEE Farzin Nadimi, analyste basé à Washington et spécialisé dans les affaires de sécurité et de défense de l’Iran et de la région du golfe Persique.
Les drones turcs Bayraktar TB2 déployés par l’Ukraine jugés « efficaces » contre les forces russes
Ces dernières années, les généraux américains ont formulé des mises en garde contre la puissance des drones iraniens. Les progrès des technologies de drones iraniennes ont permis à Téhéran de bénéficier d’une « supériorité aérienne localisée ».
« Pour la première fois depuis la guerre de Corée, nous opérons sans bénéficier d’une supériorité aérienne totale », a déclaré un général au Congrès.
En s’impliquant dans le conflit ukrainien, l’Iran cherche également à « se projeter en tant que partenaire égal à la Russie dans le nouvel “ordre mondial multipolaire” », explique Farzin Nadimi à MEE.
Alors que la Russie est confrontée à des sanctions similaires à celles auxquelles l’Iran a dû faire face au cours des dernières décennies, Téhéran cherche désormais à synchroniser davantage ses relations avec Moscou pour renforcer sa propre résilience.
Un accord énergétique de 40 milliards de dollars conclu cette année entre le ministère iranien du Pétrole et la société russe Gazprom a mis en évidence l’entrée de la relation dans une nouvelle phase et la constitution d’un front anti-américain plus large en Eurasie.
Il est également considéré comme quelque peu ironique que la Russie, qui a voté de concert avec l’Occident en faveur de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des Nations-unies entre 2006 et 2010 qui ont aggravé les difficultés économiques de l’Iran, se tourne désormais vers ce pays pour obtenir une aide militaire et financière.
« L’Iran espère qu’à un moment donné, les Russes lui rendront la pareille et lui fourniront le matériel militaire qu’il a toujours demandé – des avions de combat de pointe, par exemple des Su-35, ou des systèmes de défense aérienne plus avancés », poursuit Hamidreza Azizi, du SWP.
Alors que le maintien des sanctions à l’encontre de l’Iran limitera les ventes de drones, la guerre en Ukraine devrait avoir le même effet pour les drones iraniens que le conflit arméno-azerbaïdjanais pour les drones turcs, en prouvant leurs capacités et leur efficacité dans des conflits entre États.
Si l’Iran n’est pas parvenu à s’imposer comme un fournisseur d’armes fiable, « leur utilisation par la Russie pourrait changer cette image », selon Anoush Ehteshami, de l’université de Durham.
« Si les drones iraniens n’ont pas encore une valeur économique importante, ils présentent en revanche une valeur politique considérable. Plus le monde voit leur force militaire, plus ils se sentent à l’aise à Téhéran. Et, bien sûr, cela fait partie intégrante de la stratégie de dissuasion de l’Iran. »
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