La colonisation française a débuté avec le pillage du Trésor d’Alger (la Régence), l’indépendance a commencé avec la disparition des fonds et des bijoux collectés au titre de la Caisse de solidarité nationale sous prétexte de renflouer le trésor public pour finir par la dilapidation et le détournement de mille milliards de revenus pétroliers et gaziers par les gouvernants condamnant leur propre peuple à une pauvreté certaine.
L’ordre colonial français fût une occupation du territoire par « l’épée et la charrue » ; l’ordre étatique algérien serait une appropriation privative du sol et du sous-sol algériens par les «textes et le fusil».
Si la violence exercée par la colonisation était légitimée par la mission «civilisatrice » de la France, la violence légale de l’Etat algérien s’effectue au nom du « développement ». Les régimes déclinants résistent à la critique verbale. « La force de l’histoire contre la force des armes ». L’enjeu des pouvoirs colonial et postcolonial n’est en vérité que la soumission de l’homme à l’ordre établi c’est-à-dire l’acceptation de son statut de sujet par le « bâton » (la répression) et/ou la « carotte » (la corruption).
Les dirigeants, dans leurs délires, se déclarant être « l’incarnation du peuple » ; considèrent l’Algérie décolonisée comme un « butin de guerre » à se partager et la population comme un troupeau de moutons à qui on a confié la garde. Tantôt, le berger les amène à l’abattoir, tantôt aux pâturages selon les circonstances du moment et les vœux du propriétaire.
Cette gestion autocratique, anarchique et irresponsable de la société et des ressources du pays n’est nous semble-t-il pas étrangère à l’influence et l’attraction de la France sur/par les « élites cooptées » du pays, aujourd’hui vieillissantes pour la plupart, maintenue en activité malgré leur âge avancé et pour la plupart finissent presque tous dans un lit d’hôpital parisien entre les bras de « notre mère patrie la France ».
Elle s’insère parfaitement dans la stratégie de décolonisation du général De Gaulle, engagée dès 1958 à son retour au pouvoir et parachevée en 1962 par la signature des accords d’Evian dont la partie la plus secrète a été semble-t-il largement exécutée. Elle a permis à la France d’accéder à la pleine reconnaissance internationale en tant que grande nation (indépendance énergétique), à l’unité nationale retrouvée (menace guerre civile évitée) et au rang de puissance nucléaire (premiers essais concluants au Sahara) et a miné l’Algérie postcoloniale par la dépendance économique (viticulture, hydrocarbures, importations), par la division culturelle (langue, religion, ethnie), et par l’émergence d’un régime militaire autoritaire, peu soucieux des intérêts de la majorité de la population.
En imposant un schéma institutionnel dont la logique de fonctionnement était radicalement opposée à celle de la société indigène, et un modèle économique étranger aux réalités locales des populations, le colonisateur préparait en fait la société postcoloniale à l’échec de la modernisation politique et au développement économique.
Les services secrets français ont joué un rôle important. Ce n’est pas un pur hasard que la plupart des ambassadeurs qui sont passés par Alger se retrouvent le plus souvent à la tête de ces services. L’Algérie souveraine ne sera-t-elle finalement qu’un drapeau planté sur un puits de pétrole ?
Pour le gouvernement algérien après le pétrole c’est toujours du pétrole. Pour la France, elle ne peut se permettre le luxe d’ignorer le gaz de schiste. Le jeune Algérien qui n’a pas connu la France s’interroge, « Qu’est-ce que la France, je vous le demande ? Un coq sur un fumier. Otez le fumier, le coq meurt », lui répond Jean Cocteau.
Parce qu'ils n'avaient pas le choix, ils sont partis en Algérie entre 1954 et 1962 pour "faire leur service militaire". Ils étaient les "appelés du contingent". Ils partaient pour "pacifier". Ils ont fait la guerre. En ce soixantième anniversaire de la paix et de l'indépendance de l' Algérie, une poignée de ces hommes témoignent de ce qu'ils ont vu, de ce qu'ils ont vécu : une guerre où l'on mourait, une guerre où les civils ont payé le prix fort, une guerre où ils ont vu la torture. Une guerre qui les a marqués à jamais. Ils se sont tus pendant plus d'un demi-siècle. Ils disent leur vérité avant qu'il ne soit trop tard et qu'elle s'éteigne avec eux. Ce film, ils l'ont attendu toute leur vie.
L’organisation de défense des droits humains Amnesty International s’en prend au système cruel de domination sur la population palestinienne, qu’elle soit en Israël, dans les territoires occupés, à Gaza ou réfugiée. Ce tournant majeur d’Amnesty, qui réclame la saisine de la Cour pénale internationale, est un coup dur pour le gouvernement israélien. Orient XXI a lu le rapport en avant-première.
La première secousse a lieu en 2020, quand l’organisation de juristes israéliens Yesh Din emploie le terme « apartheid » pour qualifier un système autoproclamé démocratique qui, jusqu’à présent, passait entre les gouttes de l’analyse politique objective. La proximité rendant lucide, une autre ONG israélienne, B’Tselem, creuse le sillon en janvier 2021 en estimant qu’il est temps de dire « non à l’apartheid des rives du Jourdain à celle de Méditerranée ». Les deux ONG sont suivies dès avril 2021 par Human Right Watch (HRW). Cependant, l’organisation ne parlait d’apartheid que pour les territoires occupés et Gaza, distinguant les discriminations spécifiques des Palestiniens israéliens. Le rapport que publie Amnesty International ce mardi 1er février 2022 — et dont Orient XXI a eu la primeur — va beaucoup plus loin et emploie le terme d’apartheid pour tous les Palestiniens, quels que soient leur lieu de résidence et leur statut.
Pour la première fois, Amnesty International (AI), l’une des plus importantes organisations mondiales de défense des droits humains, l’une des plus précautionneuses aussi sur le choix de mots pour qualifier les situations, considère que « l’apartheid d’Israël contre la population palestinienne est un système cruel de domination et un crime contre l’humanité », dans un rapport qui devrait faire du bruit, publié ce mardi 1er février 2022. Le texte fera en outre date, car il traite sans distinction de la situation des Palestiniennes et des Palestiniens « qui vivent en Israël et dans les territoires palestiniens occupés (TPO), ainsi que les réfugié·e·s déplacé·e·s dans d’autres pays ».
Ce refus de segmenter les Palestiniens par tranches, de considérer que leurs intérêts auraient fini par diverger selon leur lieu de résidence est une révolution considérable dans le langage de la communauté humanitaro-diplomatique internationale. Il s’inspire des arguments de longue date de nombreux Palestiniens (et bien d’autres) sur l’unité d’un peuple fracturé par la création de l’État d’Israël en 1948.
REMETTRE LES COMPTEURS À ZÉRO
Ce document dense décrit l’oppression israélienne et les mécaniques de domination des Palestiniens. Des dizaines d’entretiens, des centaines de documents analysés pour l’essentiel sur la période2017-2021, des mois d’élaboration dans le plus grand secret : le rapport d’Amnesty porte un changement politique d’importance. Il offre aussi une somme considérable d’informations sur les réalités que vivent les Palestinien·ne·s, qu’ils et elles soient à Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem, à Haïfa… Et remonte le plus souvent aux origines de l’État d’Israël pour mieux comprendre les racines d’une politique dont le continuum avait déjà été mis en lumière par plusieurs historiens de toutes origines ces dernières années. Là encore, Amnesty International remet les compteurs à zéro.
« Il est en train de se passer exactement le contraire de ce qu’ils imaginaient », me disait de façon prémonitoire au printemps 2016 Yuli Novak, directrice générale de Breaking The Silence, une organisation de vétérans de l’armée israélienne qui collecte des témoignages sur les exactions commises par des militaires dans les territoires occupés1. Les rapports de Breaking The Silence, ainsi que ceux d’autres ONG israéliennes et palestiniennes, ont d’ailleurs nourri le travail des chercheurs d’Amnesty International, rencontrant enfin l’écho qu’ils méritaient.
Ce qu’il se passe, c’est tout simplement que le soft power israélien (et ses nombreux alliés de tous bords et tous continents, de Los Angeles à Dubaï) a échoué à étouffer les voix dissidentes en Palestine d’abord, mais aussi en Israël, chez les juifs comme chez les Arabes. Au contraire, la parole reprend. Avec ce nouvel engagement très ferme d’AI, l’usage du mot apartheid à propos d’Israël cessera d’être soumis à un intense pilonnage, même s’il ne faut peut-être pas rêver, notamment en France. Néanmoins, c’est un sacré bond en avant que propose Amnesty sur la scène mondiale.
UN CRIME CONTRE L’HUMANITÉ
Son rapport de 211 pages serrées analyse détentions administratives, saisies de biens fonciers et immobiliers, homicides illégaux, transferts forcés, restrictions des déplacements, entraves à l’éducation. Il s’appuie sur de nombreux exemples documentés, dans plusieurs endroits du pays, dans la vallée du Jourdain, à Gaza. Il rassemble beaucoup d’informations, ce qui a permis à l’organisation de se livrer à un minutieux inventaire du système mis en place par Israël. Il s’agit d’identifier autant de « facteurs constitutifs » d’un système d’apartheid au regard du droit international. Pour Amnesty, « ce système est perpétué par des violations qui constituent le crime contre l’humanité d’apartheid tel qu’il est défini dans le Statut de Rome et la Convention sur l’apartheid ». Agnès Callamard, nouvelle secrétaire générale de l’organisation de défense des droits humains depuis 2021, enfonce le clou :
Notre rapport révèle la véritable ampleur du régime d’apartheid d’Israël. Que ce soit dans la bande de Gaza, à Jérusalem-Est, à Hébron ou en Israël, la population palestinienne est traitée comme un groupe racial inférieur et elle est systématiquement privée de ses droits.
Amnesty International « appelle la Cour pénale internationale (CPI) à considérer la qualification de crime d’apartheid dans le cadre de son enquête actuelle dans les TPO et appelle tous les États à exercer la compétence universelle afin de traduire en justice les personnes responsables de crimes d’apartheid ».
UN SYSTÈME EN PLACE DEPUIS 1948
Le rapport détaille ce qu’Amnesty entend par « système d’apartheid », et sur ce point précis mérite d’être cité en longueur :
Le système d’apartheid a vu le jour avec la création d’Israël en mai 1948 et a été construit et maintenu au fil des décennies par les gouvernements israéliens successifs sur tous les territoires qu’ils ont contrôlés, quel que soit le parti politique au pouvoir à l’époque. Israël a soumis différents groupes de Palestiniens à différents ensembles de lois, de politiques et de pratiques discriminatoires et d’exclusion à différents moments, en réponse aux gains territoriaux qu’il a réalisés d’abord en 1948, puis en 1967, lorsqu’il a annexé Jérusalem-Est et occupé le reste de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Au fil des décennies, les considérations démographiques et géopolitiques israéliennes ont façonné les politiques à l’égard des Palestiniens dans chacun de ces domaines territoriaux.
Bien que le système d’apartheid d’Israël se manifeste de différentes manières dans les diverses zones sous son contrôle effectif, il a toujours le même objectif d’opprimer et de dominer les Palestiniens au profit des Israéliens juifs, qui sont privilégiés par le droit civil israélien quel que soit leur lieu de résidence. Il est conçu pour maintenir une majorité juive écrasante ayant accès et bénéficiant du maximum de territoires et de terres acquis ou contrôlés, tout en limitant le droit des Palestiniens à contester la dépossession de leurs terres et de leurs biens. Ce système a été appliqué partout où Israël a exercé un contrôle effectif sur des territoires et des terres ou sur l’exercice des droits des Palestiniens. Il se concrétise en droit, en politique et en pratique, et se reflète dans le discours de l’État depuis sa création et jusqu’à ce jour.
DISCRIMINATION RACIALE ET CITOYENNETÉ DE SECONDE ZONE
Le rapport revient évidemment sur les discriminations globales d’un système dont la géométrie variable n’est finalement qu’un facteur d’ajustement.
Les guerres de 1947-1949 et 1967, le régime militaire actuel d’Israël dans les TPO, et la création de régimes juridiques et administratifs distincts au sein du territoire ont isolé les communautés palestiniennes et les ont séparées de la population juive israélienne. La population palestinienne a été fragmentée géographiquement et politiquement, et elle vit divers degrés de discrimination selon son statut et son lieu de résidence.
[…]
Les citoyen·ne·s palestiniens d’Israël ont actuellement plus de droits et libertés que leurs homologues des TPO, et le quotidien des Palestiniens·ne·s’est par ailleurs avéré très différent s’ils vivent dans la bande de Gaza ou en Cisjordanie. Les recherches d’Amnesty International montrent néanmoins que l’ensemble de la population palestinienne est soumis à un seul et même système. Le traitement des Palestinien·ne·s par Israël dans tous les territoires répond au même objectif : privilégier les juifs et juives israéliens dans la répartition des terres et ressources, et minimiser la présence de la population palestinienne et son accès aux terres.
Un seul et même système, fondé pour AI sur la discrimination raciale et des statuts de citoyens de seconde zone. Ce déclassement s’accompagne évidemment de dépossessions, et le rapport revient sur « la mise en œuvre à grande échelle de saisies foncières cruelles contre la population palestinienne », et la démolition « depuis 1948 » de centaines de maisons et bâtiments palestiniens. Il évoque également ces familles de quartiers palestiniens de Jérusalem-Est harcelés par des colons qui s’emparent de leurs logements « avec le soutien total du gouvernement israélien ».
Amnesty demande à tous les pays qui entretiennent de bonnes relations avec Israël « dont certains États arabes et africains » de ne plus soutenir un système d’apartheid. Pour sortir de ce « système », désormais documenté par Amnesty, « la réaction internationale face à l’apartheid ne doit plus se cantonner à des condamnations génériques et à des faux-fuyants. Il faut nous en prendre aux racines du système, sans quoi les populations palestiniennes et israéliennes resteront piégées dans le cycle sans fin des violences qui a anéanti tant de vies », conclut Agnès Callamard.
« MON IDENTIFICATION AVEC CETTE HISTOIRE A CESSÉ »
Yuli Novak est arrivée avec une autre histoire et par d’autres biais à la même conclusion qu’Agnès Callamard. Aujourd’hui âgée de 40 ans, elle a en 2017 quitté son poste à Breaking The Silence pour un voyage à destinations multiples, de l’Islande à l’Afrique du Sud. Elle y a rencontré des gens qui avaient lutté contre l’apartheid, tenté de saisir « les peurs » des uns et des autres. Mais elle a surtout compris l’apartheid de son propre pays. « Sa structure politique était destinée dès le départ à préserver une majorité juive et, en ce sens, elle était antidémocratique. Mon identification avec cette histoire a cessé », poursuit Yuli Novak dans un long portrait publié le 28 janvier 2022 par le quotidien libéral Haaretz.
Dans un livre qu’elle vient de publier, Yuli Novak décrit plusieurs années d’enfer, de harcèlement quotidien, la déception de découvrir qu’un salarié de Breaking The Silence était un agent du Shin Bet, les services secrets intérieurs. Elle a d’abord pensé que ce « type un peu bizarre, un peu solitaire, touchant » savait tout d’elle, de ses petits « commérages », avant de comprendre que la démocratie s’effondrait sous ses yeux. Elle saisit alors que son contrat avec son pays est en quelque sorte « conditionnel : tant que j’obéissais. Dès que quelque chose ne lui convenait pas, le système se retournait contre moi. On me disait : "Si tu es contre l’occupation et que tu penses qu’il faut manifester à propos de la situation à Gaza, alors tu ne fais pas partie de nous" ».
Elle constate que parler d’apartheid à propos d’Israël n’est qu’un fait. Et s’il devient douloureux psychologiquement et politiquement à supporter pour de nombreux Israéliens, il l’est encore plus et depuis bien longtemps par des millions de Palestiniens. Pour les uns comme pour les autres, les soutiens internationaux, s’ils font leur retour en force sans niaiserie, seront les bienvenus.
Saldae pour les Romains, Béjaïa pour les Arabes, Bougie pour les Français, Bgayet pour les Berbères..., la même ville, mais une histoire très riche en lieux, en hommes et en événements.
Ce qui fait qu'écrire l'histoire d'une ville millénaire comme Béjaïa n'est pas une mince affaire surtout lorsqu'il faut sortir des sentiers classiques (selon lesquels bien des ouvrages ont déjà été publiés).
Ici, l'auteur va se transformer en historien, de terrain certes, remontant le temps, évoquant, avec concision et précision les événements, les lieux et les figures historiques du passé mais aussi et surtout tous ceux et toutes celles du présent, ce qui augmente l'émotion à la lecture des textes et à la vision des photos.
Les événements ? Les dominations étrangères comme celle des Espagnols, des Turcs, des Français... Les résistances, les insurrections et les drames. La Révolution armée...
Les lieux ? La Casbah, Yemma Gouraya, les zaouïas, les fontaines, les quartiers mythiques...
Les figures historiques ? Abou Mediene Chouaïb el Ichbilli el Ansari, Sidi Abderahmane El Waghlissi, Sidi M'hamed Amokrane, Sidi Mohand Amokrane, Cheikh Mhand Ameziane Aheddad, Hanouz.
Les martyrs de la Révolution et les grands chefs militaires ? Les treize martyrs de la ville, les commandants Kaci et Hmimi, Abderahmane Mira, Hocine Salhi, Allaoua Ihaddaden, Abderrahmane Farès...
Les grandes figures politiques, culturelles, sociales et sportives de la ville et de la région ? Hadj Yala, Mohand Chérif Sahli, Reda Malek, Keramane, Haroun, Boumaza, Mouloud Kassim, Bouzouzou, les frères Ihaddaden, Boucheffa, El Hachemi Chérif, Yahia Henine, Mabrouk Belhocine, Chérif Kheddam, Bouguermouh Sadek El Béjaoui, Djamel Allem, Mohand Amokrane Maouche... Béjaïa, une histoire tout simplement lumineuse, une histoire racontée certes avec passion par l'auteur, mais aussi et surtout avec amour et respect.
L'Auteur : Licencié de français de l'Université d'Alger (1978), ancien ministre, ancien président de l'APN, ancien médiateur de la République. Auteur de plusieurs essais.
Sommaire : Avant-propos/ Chapitre I : Béjaïa dans l'histoire.../ Chapitre II : de Sidi Boumediene à Ibn Badis... /Chapitre III : de l'insurrection de 1871 aux massacres de Kherrata.../ Chapitre IV : la Révolution armée de 1954.../ Chapitre V : Béjaïa après l'indépendance nationale/ Chapitre VI : de grandes figures politiques.../ Chapitre VII : des hommes et des femmes.../ Chapitre VIII : la vie artistique/ Chapitre IX : le sport/ Conclusion/ Bibliographie.
Extraits : « L'identité d'une chose ou d'une culture, c'est ce qui fait qu'elle demeure la même à travers le temps malgré les changements liés aux circonstances, aux contextes, voire la façon dont sont portés les regards » (p 7), « Il est toujours difficile de faire abstraction de la dimension passionnelle qu'implique la visite guidée de sa ville tant les récits de vie, des uns et des autres, sont riches d'émotion partagée » (p 345).
Avis : Un livre d'histoire sur Béjaïa assez riche avec, peut-être, trop de détails alourdissant le texte. Par ailleurs, un prix trop élevé hors de portée du lecteur moyen, en raison, peut-être du nombre important de photos couleurs publiées.
Citations : « L'Histoire n'est pas un fleuve tranquille. Tantôt calme, elle suit son cours à travers son destin, tantôt remontée comme un torrent qui dévaste tout sur son passage » (p 18), « Les anecdotes ne font pas l'Histoire » (p 53).
Les jumeaux de la rue de Constantine et autres récits. Récits (souvenirs) de Rabah Toubal. RT Editions, Alger 2022. 133 pages, ???? dinars d'une ville
Je ne pense pas me tromper, mais je crois bien que c'est le premier livre rencontré racontant la vie d'une ville du pays non à travers son histoire mais à travers son vécu. Mais un vécu, toujours intense, durant la colonisation et après, dans ses quartiers populaires. Mais un vécu concernant surtout les jeunes, durant leur enfance, leur jeunesse puis devenus adultes. Avec leurs joies et peines, leurs réussites et leurs misères, leurs amitiés et leurs affrontements, leurs actes héroïques et leurs faiblesses...
On découvre donc Skikda de l'intérieur. Certes pas totalement, mais suffisamment pour apprécier, avec cette plongée à l'intérieur de la société, même superficiellement, le caractère de ses habitants et l'atmosphère de la ville. Une ville largement ouverte sur la Méditerranée et dont les habitudes de vie et l'arrière-pays assez rural ont été largement perturbés par une stratégie industrielle assez polluante.
Le récit commence assez fort avec la présentation de « la bande des 13 » qui a marqué l'histoire des quartiers populaires de la cité (il y en avait une cinquantaine dans les années 50, entre quartiers arabes et quartiers européens : français, italiens, maltais, espagnols, suisses, allemands...). Une bande légendaire, dont on parle encore aujourd'hui. Non pour ses activités « habituelles », mais pour ses activités tendant à rétablir la justice sociale largement bafouée par les occupants et leurs « soutiens » mais aussi et surtout parce que ses membres, en tout cas la plupart d'entre eux, étaient devenus, durant la guerre de libération nationale, de redoutables héros.
L'ouvrage se termine avec Aïssa Draoui, le footballeur génial de la JSM, du MCA et de l'équipe nationale des années 70..., décédé en juillet 2006 à l'âge de 56 ans. Un joueur surdoué, exceptionnel, généreux, populaire et très aimé pour sa modestie.
L'Auteur : Né en 1953 à Jijel ayant vécu à Skikda (études primaires et secondaires), diplomate (1979-2013). Auteur de plusieurs ouvrages.
Extraits : « Skikda entretient une relation charnelle avec la mer Méditerranée » (p 93), « Le verbe aller est peu usité par les Skikdis et les Skikdies, ployés non pas sous le poids des ans mais par l'ascension quotidiennement de leurs quartiers perchés sur les sommets des collines » (p 105).
Avis : Un petit ouvrage assez original qui nous plonge dans la vie quotidienne de la cité. Ceux qui connaissent la ville, tout particulièrement lorsqu'ils en sont originaires, ne peuvent contenir une émotion certaine à l'évocation de faits, de lieux ou de personnages. Un ruisseau de souvenirs !
Citation : « Sacré être humain, unique et multiple, à la fois ! Il y a autant d'humanités que d'êtres humains » (p 9).
Des livres sur la guerre d’Algérie, y compris du seul côté algérien, il y en a déjà des centaines et des centaines, de toute sortes : récits plus ou moins exhaustifs de l’ensemble du conflit ou de tel ou tel épisode du combat pour l’indépendance, mémoires de moudjahidine ou de politiques (essentiellement du FLN mais parfois aussi du mouvement messaliste ou de la sphère communiste), essais sur les origines proches ou lointaines de la guerre et sur son déroulement et ses prolongations après l’indépendance…
Mais il reste pourtant des « trous » pour qui veut connaître ce qui s’est passé depuis le début de la colonisation en 1830, mais aussi et surtout au sein du FLN pendant la guerre de libération, de 1954 à 1962. Le principal d’entre eux, assurément, concerne les mémoires des acteurs principaux de la lutte armée, de ceux qui étaient « aux affaires » et pouvaient donc raconter en détail ce qu’ils ont fait et ce qu’ils ont vu.
Un document inédit
Si, parmi d’autres, les anciens présidents du Gouvernement provisoire de la République algérienne Ferhat Abbas et Benyoucef Ben Khedda, l’ancien ministre des Affaires étrangères du même GPRA Saad Dahlab ou l’ancien « patron » de la wilaya II Ali Kafi ont certes écrit des ouvrages, il s’agit plutôt d’essais, sans nul doute fort intéressants mais très subjectifs, que de récits et de textes. On ne pourra bien sûr jamais lire, écrits ou racontés oralement par eux-mêmes, les Mémoires d’un Larbi Ben M’hidi, d’un Abane Ramdane, d’un Zighout Youssef, d’un Mostefa Ben Boulaïd ou d’un Amirouche, tous ces dirigeants disparus pendant les hostilités.
Pas plus que ceux d’un Krim Belkacem, d’un Abdelhafid Boussouf, d’un Ahmed Ben Bella ou d’un Houari Boumédiène, pour ne citer que quatre de ces acteurs majeurs de la guerre jusqu’en 1962, morts bien après l’indépendance sans avoir laissé de quoi nourrir les historiens et tous ceux qui voudraient savoir comment la lutte a été pensée, organisée et menée par les dirigeants du FLN. Voilà pourquoi la récente publication en deux tomes copieux (aux éditions Chihab) des Mémoires de Lakhdar Bentobbal, militant nationaliste et indépendantiste depuis sa jeunesse à la toute fin des années 1930, constitue un véritable événement. L’homme politique algérien a été témoin au premier rang des combats du FLN, qu’il dirigea sur le terrain dans le Constantinois au milieu des années 1950, puis de l’action du GPRA, dont il a été sans discontinuer l’une des têtes principales de 1958 à 1962.
Boumédiène, Ferhat Abbas, Ben Bella…
Si le document est exceptionnel du fait de sa seule existence, n’ayant aucun véritable équivalent pour raconter de l’intérieur le parcours de la direction du FLN de 1954 à 1962, il l’est aussi par son contenu d’un bout à l’autre peu banal. Le récit que Bentobbal a livré à l’historien Daho Djerbal pendant six années entre 1980 et 1986 porte en effet la marque de l’auteur, un homme « pur et dur » qui se voulait un adepte intransigeant de la ligne révolutionnaire chez les indépendantistes, proche du peuple et tout particulièrement du peuple des campagnes. Un homme qui n’hésitait jamais à faire connaître son point de vue, en général très radical, face aux autres dirigeants nationalistes et, vers la fin de la guerre, lors des négociations auxquelles il participa, face aux représentants de l’État français. Et qui, éloigné du pouvoir après l’indépendance, a été sans doute d’autant plus enclin à parler sans filtre et sans tenir compte de la version « officielle » de l’histoire imposée par le régime.
Ce qui explique certainement pourquoi il a fallu attendre près de quarante ans pour que l’on puisse disposer de la transcription de ces propos, que la famille de l’auteur – contre la volonté de ce dernier – ne voulait pas autoriser. D’où cette publication finalement réalisée sans l’accord de celle-ci.
Les portraits que nous propose ici et là Bentobbal de ses compagnons de lutte dans les instances de pouvoir sont peu aimables et parfois féroces. Sont ainsi épinglés, entre autres, Boumédiène, décrit comme assoiffé de pouvoir dès l’époque de la célèbre « réunion des dix colonels » de l’Armée de libération nationale (ALN), à la fin de 1959, et comme capable de « traitrise » lors de l’exécution à sa demande, début 1960, du capitaine Zoubir, en violation d’une promesse solennelle de l’épargner.
Ferhat Abbas n’échappe pas non plus à la critique. Il est qualifié d’« abdicard » pour avoir été prêt à transiger lors des négociations de paix à propos du Sahara (« On ne peut pas se sacrifier pour du sable », aurait-il dit à un Bentobbal horrifié). Dahlab est quant à lui considéré comme « très superficiel ». Concernant Aït Ahmed, son étude proposant de donner une dimension maghrébine à la révolution algérienne est jugée « aberrante ». Ben Bella est décrit comme prêt à tout pour se retrouver à la tête du pays, Belkacem Krim, comme obsédé par son désir de diriger le GPRA. Mohammed Khider est « versé dans l’agitation » et « n’a pas l’envergure d’un homme d’État ». Et Amirouche est incapable de comprendre comment il a été manipulé lors de la terrible purge qu’il a ordonnée contre tous les « intellectuels » dans sa wilaya, en 1958 et 1959, qui a provoqué la mort de milliers de moudjahidine…
Des révélations sur la guerre
Bentobbal, on le voit, ne ménage pas les héros de la guerre d’indépendance qui furent ses camarades de combat. Il prend aussi ses distances avec les discours convenus pour raconter la guerre, de ses prémisses jusqu’à l’indépendance. Ce qui fait tout l’intérêt de ses récits de l’intérieur, pleins d’informations inédites, sur la plupart des moments cruciaux de cette guerre, comme la « réunion des 22 » (celle où les principaux « activistes » du parti nationaliste de Messali Hadj alors en pleine crise, futurs dirigeants du FLN, décident définitivement à l’été 1954 de lancer la lutte armée contre le colonisateur), le déclenchement des hostilités le 1er novembre 1954 aux résultats décevants dans la région du Constantinois, la conception et la mise en œuvre de l’offensive d’août 1955 dans la même région – qui relance spectaculairement la guerre d’indépendance moins d’un an après ses débuts –, la préparation et la tenue du Congrès du FLN de la Soummam dans la clandestinité à l’intérieur de l’Algérie à l’été 1956, laquelle voit triompher provisoirement, au grand regret de Bentobbal, les partisans de la prééminence des « civils » ou des « politiques » sur les « militaires » à l’initiative d’Abane Ramdane et de ses alliés.
Mais aussi la revanche des « militaires » (avec notamment, au premier chef, Bentobbal, allié de Krim et de Boussouf), qui prennent de facto un pouvoir qu’ils ne quitteront plus jamais à peine plus d’un an après la Soummam dont ils renversent les décisions (en particulier en accordant désormais la prééminence aux « militaires » sur les « civils », décision lourde de conséquences pour l’avenir de l’Algérie), la création du GPRA et les luttes incessantes pour le pouvoir en son sein ou entre ce gouvernement et nombre de dirigeants de l’ALN, la terrible période pour les combattants indépendantistes du regain militaire français après le retour au pouvoir en France du général de Gaulle en 1958 et les offensives ravageuses du Plan Challe à partir de 1959, la « réunion des dix colonels » de fin 1959, les initiatives diplomatiques pour obtenir un meilleur soutien des Soviétiques et des Chinois (qu’on voudrait voir envoyer des sortes de « brigades internationales » sur le théâtre des opérations).
Et enfin tous les épisodes des négociations secrètes ou publiques entre le gouvernement français et les indépendantistes auxquelles participe Bentobbal et qui verront finalement le FLN réaliser en 1962 tous ses buts de guerre, à commencer par l’indépendance sans la moindre perte de territoire.
Le mystère entourant la mort d’Abane Ramdane
Parmi toutes les révélations et les précisions que contiennent ces récits, il faut sans doute mettre à part celles qui concernent la prise du pouvoir au sein du FLN par les « militaires » et surtout sa conséquence, à savoir l’élimination d’Abane Ramdane fin 1957. On sait que l’assassinat de ce dernier, un temps l’homme fort du FLN, par ses camarades de combat, dont on n’a connu les circonstances, hormis les initiés, que longtemps après la fin de la guerre, reste en bonne partie une affaire controversée.
Pourquoi fallait-il se débarrasser à tout prix de cet homme dont nul ne niait l’envergure, la probité et les convictions révolutionnaires ? Qui, parmi les dirigeants du FLN, a décidé de la mise à mort de l’organisateur du Congrès de la Soummam ? Y avait-il d’autres hypothèses envisagées pour l’écarter définitivement du pouvoir ? Comment a-t-il été exécuté ? Dans l’ouvrage, s’il ne répond pas jusqu’au bout à toutes ces questions, Bentobbal, tout en réaffirmant comme il l’avait déjà fait qu’il était certes favorable à la mise à l’écart forcée d’Abane, mais personnellement contre l’assassinat, donne beaucoup de détails convaincants sur la responsabilité collective des principaux membres de la direction du FLN dans cette « affaire ». Voilà qui met à mal, si c’était encore nécessaire, les dénégations d’un Krim Belkacem, d’un Mahmoud Chérif ou d’un Amar Ouamrane, qui ont souvent tenté de s’exonérer du crime.
Des militants déterminés et déçus
Quelle impression générale garde-t-on de la lecture de ces Mémoires de Lakhdar Bentobbal ? On est impressionné d’abord par ce qu’ils révèlent de l’incroyable détermination de tous les militants nationalistes et combattants indépendantistes avant et pendant cette guerre d’Algérie dont il n’est nul besoin de souligner à quel point elle fut meurtrière et souvent à la limite, voire au-delà de la limite, de la barbarie. On est tout autant impressionné, même s’il ne s’agit pas là d’une révélation mais d’une confirmation, détails souvent inédits à l’appui, par l’âpreté des luttes internes permanentes au sein du FLN où les règlements de comptes entre chefs sont sans merci et où – pour reprendre une expression de Mao Zedong – on ne considérait pas la révolution « comme un dîner de gala ».
Enfin, s’agissant de révolution, on peut comprendre à quel point les « purs » comme Bentobbal ont pu être déçus par l’Algérie d’après l’indépendance où les dirigeants ne lui ont guère donné satisfaction quant à ce qui lui paraissait l’essentiel, à savoir une politique uniquement au service du peuple, loin des rivalités de personnes.
Lakhdar Bentobbal – Mémoires de l’intérieur – 400 p, 15,99€
Lakhdar Bentobbal – La conquête de la souveraineté – 304 p.
Propos recueillis, mis en forme et annotés par Daho Djerbal
En taxant les députés NUPES et singulièrement LFI d'antisémitisme en plein hémicycle, le gouvernement et les députés Renaissance, banalisent le crime et parachèvent la respectabilité présumée du RN.
Il ne leur reste que cela. En l'absence de majorité, dans un contexte socio-économique hyper tendu, ce 2 août, le gouvernement a abattu sa dernière carte face à l'opposition de gauche en la vouant aux gémonies de l'antisémitisme.
Ce fut d'abord le très sioniste soutien du gouvernement Netanyahou, M Habib qui sonna la charge. Ses insultes auraient pu en "toucher une sans faire bouger l'autre", tant l'homme est connu pour ces outrances pro-israéliennes et islamophobes. Cependant, le garde des sceaux, qui au lendemain des législatives fut l'un des tous premiers à tendre la main à l'extrême droite, reprend à son compte les accusations. Enfin ce fut au tour de Madame Borne, première ministre sans portefeuille ni pouvoir de tenter avec ses gros sabots de scinder l'opposition de gauche en déclarant que bien sûr PCF EELV et PS étaient dans le champ républicain tout en excluant LFI.
Madame la première ministre, sans doute oublieuse de la quasi réhabilitation de Pétain, puis de Maurras par son patron entre 2018 et aujourd'hui, trouvait ce qu'elle pensait être une issue.
L'accusation d'antisémitisme, jusqu'ici, faisait figure d'arme atomique à l'encontre de l'accusé. Or, l'utiliser en ce lieu et ainsi a deux effets délétères
D'abord, elle banalise la gravité de l'accusation. Si, en effet, 75 députés étaient effectivement antisémites, ces derniers devraient être interdits d'assemblée, traduits devant la justice et condamnés. Or bien sûr rien de tel dans le cas présent. Conclusion, l'antisémitisme peut être brandi en plein parlement, par les plus hauts personnages de l'État sans que cela soit suivi du moindre effet réel hormis d'agiter les plateaux et les réseaux sociaux pour 24 heures. L'antisémitisme devient donc une accusation banale, courante, un effet de manche pour quiconque dispose d'une tribune.
Le second but de l'opération médiatico politique est purement politicien : il consiste à accoler Gauche (radicale) à antisémitisme dans une sorte de délire révisionniste officiel afin de mieux disculper les vrais antisémites historique, le courant antisémite ultra majoritaire à savoir l'extrême droite. C'est ainsi que le délirant Onfray, en retraçant la généalogie de l'antisémitisme, évite soigneusement d'évoquer le nazisme... et même les antidreyfusards pour fustiger l'antisionisme. Tenter ainsi de bouter hors de la République le camp qui célèbre l'homme qui en a forgé la devise, Robespierre, (et qui se battit pour la citoyenneté pour les juifs !), pourrait être ridicule mais...
C'est le troisième acte de la tragédie qui se joue en fait. Après l'élection grotesque d'un Président détesté grâce à un électorat taxé aujourd'hui d'être antisémite, le deuxième acte fut celui de la trahison, par l'alliance manifeste de la minorité parlementaire avec les représentants fascistes du RN. Le troisième acte est celui où le noeud gordien se resserre sur les acteurs. En abattant un mois après les élections la carte offensive la plus disqualifiante pour l'opposition, la Macronie est déjà à nu. Une fois l'effet retombé, que lui restera-t-il ? Rien si ce n'est la gestion des pots cassés. La Macronie n'a plus rien en stock, ni contre LFI, ni surtout contre le RN.
La rentrée sera très compliquée à gérer et le quatrième acte sera celui de la dissolution, celui où les protagonistes en se débattant dans tous les sens se condamnent définitivement. Le dernier acte sera le triomphe de l'extrême droite aux prochaines législatives qui aura pu nouer des alliances de Reconquête à LR, et qui sera en position de force si par miracle elle n'est pas majoritaire.
Macron aura donc sa cohabitation avec Le Pen. Les deux seront d'accord pour restreindre le droit d'expression de la gauche jugée extrémiste, puis la radicale, puis la modérée. On y va tout droit. Les Français regardent ailleurs.
L’institutionnalisation de l’apartheid par Israël ne fait plus aucun doute pour les juristes internationaux, qu’ils opèrent dans les institutions officielles ou dans les grandes ONG.
Non, le crime d’apartheid ne se juge pas par l’identité de forme avec le régime imposé par le pouvoir blanc en Afrique du Sud, maintenant honni par tous quand il bénéficiait jusqu’à sa chute du soutien de bien des discoureurs d’aujourd’hui (notamment le soutien permanent d’Israël, soit dit en passant).
Oui par le refus du droit au retour des réfugiés, par les discriminations institutionnelles entre Juifs et Palestiniens en Israël même comme dans les territoires occupés, par le blocus de Gaza, Israël coche de nombreuses cases de l’énumération des caractéristiques d’un régime d’apartheid dans les différentes conventions internationales sur le crime d’apartheid.
Et le crime d’apartheid ne résume pas à lui seul tous les crimes de guerre et crimes contre l’humanité que commet Israël.
Nous avons déjà écrit que le geste de Jean-Paul Lecoq, député communiste de Seine Maritime, du groupe GDR et de députés LFI proposant un projet de résolution à l’Assemblée nationale avait l’immense mérite de faire entrer dans le débat politique officiel cette dénonciation de l’institutionnalisation du régime d’apartheid imposé au peuple palestinien.
Nous avons déjà dénoncé la campagne de calomnies qui s’est immédiatement développée dès la publication de ce projet : les défenseurs inconditionnels du sionisme, sans le moindre argument pour critiquer l’argumentation du projet de résolution, ont aussitôt brandi hors de toute décence l’argument de l’antisémitisme, dès lors que les fondements de la création d’Israël sont interrogés. Cette campagne d’une droite sioniste décomplexée (la LICRA, le CRIF, Goldnadel, Prasquier, Aurore Bergé, Sylvain Maillard, Meyer Habib…) bénéficie du silence des autorités de l’État, occupées à recevoir avec les honneurs le commanditaire de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, avant que cet après-midi même le Garde des Sceaux crée le buzz en relançant l’accusation inepte d’antisémitisme contre « l’extrême gauche ». Cette campagne se déroule au moment où précisément Israël est dans un temps fort de colonisation, notamment à Jérusalem Est, et dans un temps fort de discriminations légales visant à favoriser les expulsions et les départs des Palestiniens.
Cependant, nous devons dire un mot des critiques adressées au projet de résolution par ceux qui se veulent progressistes, mais veulent encore aujourd’hui protéger l’État d’Israël des accusations portées par le projet, en cherchant à tout prix et contre toute évidence à ne voir dans les crimes commis que le résultat des politiques des gouvernements de droite.
A titre d’exemple, on voit Christian Picquet, désormais dirigeant du PCF, exhorter dans son blog ses camarades députés à retirer leur projet qui alimenterait l’antisémitisme. Se parant du titre de fondateur unique du Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens (ce qui est un tant soit peu abusif), il se prétend fondé à « (…) démentir des assertions aussi ignorantes de l’histoire que totalement contraires aux valeurs et positions traditionnelles de mon propre camp, la gauche, et de mon parti, le Parti communiste français ».
On voit le Centre Medem, faisant fi de ses origines antisionistes du Bund, dénoncer de même ce projet. Lui aussi fait semblant de croire que seul le régime sud-africain mérite le terme d’apartheid. Et il ose même reprocher au projet d’ignorer « (…) délibérément la participation active des citoyens arabes aux instances de la démocratie israélienne », faisant probablement référence au parti de la droite islamiste arabe un temps associé en roue de secours aux projets réactionnaires du gouvernement Bennett !
Non, la destruction des Juifs d’Europe n’autorise pas Israël à se parer de cette Histoire pour justifier d’être hors-la-loi commune. L’égalité des droits est un combat qui vaut pour toutes et tous. Il vaut pour ici comme pour là-bas. Nous le poursuivrons sans relâche.
Comme une coïncidence il y a 2 ans, jour pour jour, le 2 août 2020 je mettais en ligne un article intitulé "Palestine, le cri de Gisèle Halimi".
ATTENTION PAS D'AMALGAME : ce qui est condamné ici c'est la politique extrémiste et colonialiste du pouvoir d'Israël. Nos amis de culture juive, s'ils n'approuvent pas cette politique terroriste et mortifère ne sont évidemment pas concernés.
Michel Dandelot
"Je ne veux pas me taire"
Appel. Gisèle Halimi est engagée depuis toujours pour la cause anticolonialiste et les droits de l’homme.
Un peuple aux mains nues – le peuple palestinien – est en train de se faire massacrer. Une armée le tient en otage. Pourquoi ? Quelle cause défend ce peuple et que lui oppose-t-on ? J’affirme que cette cause est juste et sera reconnue comme telle dans l’histoire. Aujourd’hui règne un silence complice, en France, pays des droits de l’homme et dans tout un Occident américanisé. Je ne veux pas me taire. Je ne veux pas me résigner. Malgré le désert estival, je veux crier fort pour ces voix qui se sont tues et celles que l’on ne veut pas entendre. L’histoire jugera mais n’effacera pas le saccage. Saccage des vies, saccage d’un peuple, saccage des innocents. Le monde n’a-t-il pas espéré que la Shoah marquerait la fin définitive de la barbarie ?
Gisèle Halimi
Ce cri prend toute sa force aujourd'hui !!!
Jérusalem - 2 août 2020
Israël détruit des maisons palestiniennes lors de la plus grande campagne de démolition depuis 1967
22.07.2019 – Des bulldozers israéliens rejoints par des centaines de soldats et de policiers ont démoli lundi des maisons palestiniennes à la périphérie de Jérusalem-Est, malgré les protestations locales et les critiques internationales.
Les forces israéliennes se sont rendues tôt le matin dans le village palestinien de Sur Bahir pour démolir 11 bâtiments, dont des dizaines de maisons, dans le quartier de Wadi Hummus, près de la clôture d’annexion qui sépare la Cisjordanie de Jérusalem. En fin d'après-midi, au moins un résident avait été arrêté et 10 bâtiments rasés, a rapporté le correspondant de MEE. Le Premier ministre palestinien Mohammed Shtayyeh a déclaré lundi lors d'une réunion de ministres que les démolitions constituaient une violation du droit international, tandis que d'autres responsables palestiniens ont demandé à la Cour pénale internationale de mener une enquête. Les responsables de l'ONU ont déclaré qu'ils étaient prêts à fournir une assistance aux personnes déplacées, mais a ajouté qu'aucune aide humanitaire ne pourrait remplacer la perte des propriétaires, dont certains avaient investi les économies de toute une vie. « Parmi les personnes déplacées de force ou autrement touchées figurent des réfugiés de Palestine, dont certains sont aujourd'hui confrontés à la réalité d'un deuxième déplacement, de mémoire d’homme », a déclaré un communiqué de l'ONU. Des habitants ont déclaré que les forces israéliennes ont traversé une section du mur d’annexion en le coupant à Sur Bahir [à cet endroit, le mur est constitué de barbelés électrifiés, ndt] en profitant de l'obscurité, vers 2 heures du matin lundi, et ont commencé à évacuer les gens avant d’installer des explosifs pour commencer les démolitions. Des activistes palestiniens, israéliens et internationaux qui s'étaient mobilisés pour tenter d'arrêter l'activité ont filmé et pris des photos de l’opération. (1) L'armée israélienne a déclaré la zone fermée pendant trois jours, interdisant aux gens d'entrer ou de rester dans le quartier. Elle a interdit aux Palestiniens de récupérer leurs biens ou d’ériger des tentes dans le secteur.
J’offre en hommage à mes amis palestiniens cette vidéo de 2015 (une partie en français, l’autre en arabe... Visualisez ce que vous comprenez) «Chanson pour la Palestine»
Pour le journaliste du « Boston Globe », auteur de ce qui constitue peut-être le meilleur récit d’une journée unique dans l’histoire américaine, le 11-Septembre a mis en évidence une collection d’erreurs, mais aussi de moments de bravoure extraordinaire.
L’OBS. Comment vous est venue l’idée de raconter avec autant de détails, et sous cette forme, cette tragédie unique dans l’histoire américaine ?
Mitchell Zuckoff. J’étais le reporter principal du « Boston Globe » sur le 11-Septembre. J’ai écrit l’article de tête et un certain nombre de papiers tout au long des mois suivants. Donc c’était pour moi une histoire proche, personnelle.
Vous étiez où, quand c’est arrivé ?
J’étais basé à Boston, d’où deux des avions sont partis, je ne suis arrivé à New York que quelque temps plus tard. J’avais des voisins, et un membre de notre rédaction, David Filipov, dont le père était dans le premier avion. L’histoire m’était donc proche. J’avais écrit un livre retraçant en détail l’attaque contre le consulat à Benghazi le 11 septembre 2012, et en parlant avec les gens, je me suis rendu compte que personne n’avait essayé de faire cela pour le 11-Septembre – de construire un récit unique de tous les événements, des quatre détournements d’avion, de tisser ensemble ce qui s’était passé dans les airs et au sol.
Vous avez d’abord pris tout ce qui était public, y compris le travail des autres journalistes, puis avez choisi un certain nombre de témoins à interviewer.
Exactement. Avec l’aide d’une assistante de recherche extraordinaire, Sarah Kess, j’ai mis environ un an à construire ma propre chronologie de l’événement, très élaborée. Parallèlement, j’ai constitué des dossiers sur environ 300 personnes qui, selon moi, pouvaient être représentatives des différentes expériences. Je savais que j’avais besoin de gens présents dans chaque avion. Que j’avais besoin de personnes à chaque destination, chaque point final.
Je voulais couvrir toutes les grandes catégories de personnes impliquées, et m’assurer d’avoir un échantillon représentatif de celles-ci. Ensuite, il a fallu parler aux gens et les convaincre d’être interviewés.
Étaient-ils réticents, ou ont-ils eu envie de raconter leur histoire ?
J’ai eu les deux cas de figure. Certaines personnes étaient heureuses de me parler, elles étaient enthousiastes et ouvertes. D’autres, non. Elaine Duch, par exemple. C’est la survivante la plus gravement brûlée des tours jumelles, elle a été la dernière de ces victimes à quitter l’hôpital. Elle n’avait jamais raconté en détail son extraordinaire histoire. J’ai fait son siège pendant un an, comme elle n’aime pas les e-mails j’ai toujours dû lui envoyer des lettres ou l’appeler. Et elle n’a jamais refusé catégoriquement. C’est une personne adorable, elle était presque polie, je pense qu’elle espérait que je me lasserais.
Et puis un soir d’été, je suis assis dans mon jardin avec ma femme et je reçois un appel. C’est Elaine. Sa sœur jumelle, Janet, l’a convaincue : « Elaine, quelqu’un doit raconter ton histoire. » Elle a encore alors annulé quelques-uns de nos rendez-vous, mais dès qu’elle entrouvrait sa porte, je fonçais chez elle.
A l’inverse, dès que je l’ai contacté, Ron Clifford a dit banco.
Il a été l’un des plus touchés : il patientait dans le hall de l’hôtel Marriott à quelques mètres de la tour Nord, pour un entretien de boulot, quand le premier avion l’a percuté. En un instant, il s’est retrouvé secouriste. Mais il a aussi perdu sa sœur, Ruth, et sa nièce de 4 ans, Juliana, qui étaient dans le vol United Airlines 175.
Oui. Il traverse tellement de catégories qu’il en est une à lui seul. Quand je l’ai joint, il m’a tout de suite dit : « Oui. Si vous venez à Manhattan, je vous parlerai. » Je me suis donc précipité et nous avons passé la journée ensemble, puis avons eu de multiples conversations par la suite. Il est devenu un ami et l’est resté.
Le recul a-t-il été un avantage ? Ces officiels qui vous ont raconté leur histoire avec un luxe de détails auraient-ils seulement été autorisés à vous parler en 2002 ou 2004 ?
Non. Le temps a été un allié formidable pour moi, ce livre n’aurait pu être écrit en 2005 ni même en 2008.
L’histoire du vol United 93, qui s’est crashé dans un champ de Pennsylvanie après que les passagers ont assailli le cockpit où se trouvaient les terroristes, a été beaucoup racontée, y compris au cinéma, mais elle vous fascine toujours autant. Vous la retracez presque seconde par seconde…
Ces gens ne se connaissaient pas. A l’avant de l’avion, il y a un homme qui prétend avoir une bombe. Ce n’était probablement pas le cas, mais ils n’en sont pas sûrs et se disent qu’ils vont certainement tous mourir. En quelques minutes, ils se regroupent, échangent des informations et se soulèvent. Grâce à l’enregistreur de voix du cockpit et aux appels téléphoniques, 37 au total, nous savons qu’ils parlaient tous de ce qu’ils étaient en train de faire. Ils disent à leurs proches : « Nous nous levons. On se prépare à passer en première classe, quelques gars et moi. » C’est vraiment devenu un mouvement collectif d’inconnus dans un avion, un moment tout simplement extraordinaire.
Quand on lit les nécrologies de victimes d’attentats, il y a une sorte de discontinuité entre leur vie et la façon tragique dont elles sont mortes. Dans votre livre, vous comblez cette rupture : vous revenez un jour ou deux en arrière, racontez les histoires banales de ces gens et ce, jusqu’à leur mort. La seconde d’avant, tout est si ennuyeux, banal, et puis en une seconde, ils tombent en enfer. Vous avez recherché cet effet, en écrivant ?
C’était tout à fait intentionnel car j’ai été sans cesse frappé, en parlant à leurs proches, par la banalité et la normalité des choses. Le 10 septembre, vous vous inquiétez des devoirs des enfants ou pensez à repeindre la salle de bain. Prenez Dave Tarantino : « Est-ce que je reste médecin dans la Navy, ou bien j’ouvre mon propre cabinet médical ? Comment apporter ce gâteau d’anniversaire à ma fille ? » Dans toutes les interviews, j’ai cherché ce genre de points d’attachement pour que le lecteur puisse s’identifier à ces personnes.
L’expérience du 11-Septembre ne nous est pas familière à titre personnel, en tout cas certainement pas à tout le monde. Je ne voulais pas simplement « jeter » ces protagonistes dans le 11-Septembre, montrer par exemple le capitaine de pompiers Jay Jonas combattre un incendie. Je veux voir Jay Jonas comme un homme ordinaire qui se demande s’il va décrocher la promotion dont il rêve…
… et qu’il l’obtient à la suite de son héroïsme. Mais cela n’a alors plus d’importance pour lui. Plus vous montrez la normalité de la vie d’avant, plus le moment de la tragédie est extraordinaire.
Exactement. Et ce qui est intéressant, c’est que certaines des personnes qui m’ont dit non, en fin de compte, l’ont fait parce qu’elles ne voulaient pas se replonger dans cet « avant ». Il y a un couple dont le membre survivant était vraiment adorable, mais il a finalement refusé de participer. Il était heureux de me faire revivre tous les événements de la matinée, ils les avaient digérés en quelque sorte, cela était devenu un récit rationnel. Mais quand j’ai voulu revenir en arrière et parler de la vie d’avant, il a dit non. Trop douloureux.
Si l’on voulait se faire l’avocat du diable, ne pourrait-on dire que but des terroristes étant de terroriser, plus vous montrez l’horreur du 11-Septembre, plus vous accomplissez leur objectif ?
C’est une question pertinente. Mais toute tentative de raconter une histoire qui n’est pas simplement le triomphe du bien sur le mal court ce risque. Et au final, parce qu’il n’y avait aucun livre capturant tous les événements de cette journée, je pense qu’il était plus important de l’écrire que de s’inquiéter de faire avancer les objectifs de ceux qui ont commis ces actes.
L’autre volet du livre est celui des défaillances humaines et systémiques multiples. La liste est incroyable, depuis les ratés de la CIA jusqu’au manque de coordination entre la FAA [Federal Aviation Administration, N.D.L.R.] et le NEADS [Northeast Air Defense Sector, ou contrôle aérien militaire du Nord-Est, N.D.L.R.], en passant par la guéguerre entre la police et les pompiers de New York, qui ne partagent pas la même fréquence radio.
Ma préférée, si je puis dire, est cette liste d’interdiction de vol de la FAA, qui compte en tout et pour tout 12 noms de suspects de terrorisme…
Et le Directeur de l’aviation civile ne sait même pas qu’il existe une autre liste de suspects, celle tenue par le Département d’Etat…
Il n’est même pas au courant de cette liste de 60 000 personnes, sur laquelle figurent deux des pirates de l’air ! Oh, bien sûr, pourquoi le Département d’État se donnerait-il la peine de parler à la FAA de ces 60 000 personnes ? Je plaisante, évidemment.
Vous évoquez, par exemple, une pleine page de publicité publiée dans le « New York Times » le 2 mai 1968. Elle a été payée par un promoteur opposé au projet des tours jumelles, qu’il juge trop hautes et dangereuses pour le trafic aérien. Le photomontage montre un jet fonçant vers la tour Nord…
Ce n’est pas moi qui l’ai découverte : un article du « New York Times » mentionnait cette pub. Extraordinaire…
Il y a aussi, à l’été 2001, cette instruction de la FAA adressée aux responsables de la sécurité dans les aéroports, qui évoque explicitement les détournements suicides d’avions. Donc ce n’est pas comme si personne n’avait rien prévu…
Exactement. En écrivant le livre, certains récits autojustificatifs que le gouvernement a essayé de fixer dans nos esprits m’ont mis en colère. Cette tragédie n’était ni inattendue, ni inimaginable. Il y a eu de l’arrogance, une absence de planification et une multitude de manquements et d’échecs tout du long.
Il ne s’agit pas seulement du terrorisme international. Que pensez-vous, par exemple, de l’assaut contre le Capitole le 6 janvier dernier, qui a mis en évidence l’impréparation de la police, de la Garde nationale, de l’armée ? S’agit-il d’un manquement massif dans la capacité des pouvoirs publics américains à planifier, à agir ?
C’est tout cela et peut-être pire encore, s’il y a eu des ordres de mise en veille volontaire. Les événements du 6 janvier sont pour moi bouleversants, dans le contexte du 11-Septembre : nous ne savons pas exactement où se dirigeait le vol United 93, mais une cible très probable était la capitale, Washington. Et dans le cas du 6-Janvier, nous sommes en présence de terroristes domestiques qui atteignent cette capitale, ce que les quatre pirates de l’air du vol 93 n’ont pas réussi à faire.
Tout ce travail d’enquête et d’écriture a-t-il changé votre façon de voir ce qui s’est passé après le 11 septembre, notamment en Irak ou en Afghanistan ?
Plus que tout, il a renforcé mon point de vue. J’ai des sentiments très forts sur la guerre en Irak, sur l’arrogance et le gaspillage de cette aventure. Et que le 11-Septembre ait été utilisé pour justifier cela reste profondément troublant à mes yeux. Aussi, le fait d’avoir écrit ce livre et cherché à comprendre ce qui s’était réellement passé a renforcé ma conviction, en tant que journaliste, qu’il faut accueillir avec une dose de scepticisme tout ce que le gouvernement vous dit.
Sans établir de fausses équivalences, avez-vous jamais pensé à l’absence de détails qui entoure les frappes américaines ? A l’anonymat des victimes ? Ne pourrait-on pas avoir un Mitchell Zuckoff irakien écrivant un livre détaillé sur ce village où des civils et des enfants ont été bombardés ?
J’aime la façon dont vous formulez la question. En fait non, je n’avais jamais pensé à cela, à l’idée qu’un Irakien puisse écrire un tel livre. C’est intéressant, hier encore, j’ai eu une conversation avec mon agent à propos du film « La Chute du faucon noir » [réalisé par Ridley Scott, et relatant les combats de Mogadiscio, en 1993, au cours desquels dix-neuf militaires américains et plusieurs centaines de Somaliens trouvèrent la mort, N.D.L.R.]. Je lui disais que j’adore le livre et que j’ai beaucoup apprécié le film, mais qu’on pourrait faire le film inverse du point de vue des Somaliens. Je ne pense pas que l’on pourrait faire aujourd’hui ce film comme il l’a été fait à l’époque, en 2001.
Quand on entend aux infos que tel ou tel village a été bombardé par un drone et qu’il y a eu des victimes civiles, c’est abstrait. Ce n’est pas réel.
Je crois que nous commençons, nous autres journalistes américains – et cela aurait dû être fait depuis longtemps – à en prendre conscience. Quand vous voyez la façon dont le « New York Times » a couvert les derniers événements à Gaza, la quantité de reportages qu’ils ont consacré aux civils, il me semble qu’il y a du nouveau.
« Le jour où les anges ont pleuré : L’histoire vraie du 11 septembre », par Mitchell Zuckoff. Flammarion, 23,90 euros.
Par Philippe Boulet-Gercourt (correspondant à New York)
Pendant les mois qui ont précédé l’irruption de Daesh en Syrie, de jeunes Européens musulmans sont allés de bonne foi aider les populations martyrisées par Bachar Al-Assad en Syrie. « Rebel » est l’histoire de l’un d’entre eux, entrainé malgré lui dans la guerre menée par l'organisation État islamique. Il croisera des victimes et des bourreaux et devra faire un choix personnel entre les uns et les autres… Un film à la fois poétique et cruel, mais indispensable.
La situation dérape. Il est alors forcé de rejoindre un groupe armé ayant prêté allégeance à Daesh et se retrouve bloqué à Raqqa. On suit Kamal dans sa découverte de la guerre et de la violence des milices armées au drapeau noir, dans ses efforts pour survivre sans pour autant s’impliquer directement dans des violences qu’il n’approuve pas.
Parallèlement, nous sommes les témoins des étapes du « harponnage » psychologique de son petit frère par les recruteurs du jihad qui sévissent à Molenbeek, ce quartier de Bruxelles dont sont issus certains des combattants belges de Daesh. Nassim finira par le rejoindre en Syrie. Pour le pire. Après bien des expériences choquantes, il sera retrouvé par Leïla, partie là-bas au péril de sa vie.
Adil El Arbi et Bilall Fallah ont coécrit et coréalisé Rebel qu'ils expliquent être leur film le plus personnel. « En 2012 et 2013, des gens de notre âge, de notre génération, la plupart de la même origine marocaine, ont décidé de partir en Syrie. Il s’agissait de jeunes gens parfois qu’on connaissait, ou des amis d’amis. Tout le monde en Belgique, d’origine maghrébine, connait quelqu’un qui est parti là-bas », racontent-ils.
Puis, après 2014, Daesh installe son hégémonie dans la zone irako-syrienne et signe des attaques terroristes sur le sol européen. « Nous avons été témoins de tout ce phénomène progressif impliquant toute notre génération. C’était une guerre très proche de nous (...). C’était nouveau de voir des films de propagande d’organisations terroristes avec des gens qui nous ressemblaient, parlant le français qu’on parle ici. Des gens qui venaient de nos quartiers. On s’est dit qu’il fallait raconter ces histoires. (...) On devait raconter cette guerre comme d’autres cinéastes ont raconté la guerre du Vietnam ou la Seconde Guerre mondiale. »
Un pied de nez à Daesh à travers la musique
A l’instar de Francis Ford Coppola pour Apocalypse Now, le film sur la guerre du Vietnam sorti en 1979, Adil et Bilall ont fait une grande place à la musique dans leur film. Mais loin d’utiliser une bande originale ou un titre pour illustrer des moments d’action, ils ont choisi de réaliser des séquences pleinement musicales en y associant souvent la danse.
La guerre, les batailles, les meurtres, la torture, le bruit des armes sont rendus de façon très réaliste. Mais la réalité de la violence physique ou psychique est illustrée… jusqu'à un certain point au-delà duquel la danse et le chant prennent le relais pour nous épargner certaines scènes pénibles. Loin de paraître surajoutées, ces séquences ainsi que les calligraphies arabes utilisées pour passer de Belgique en Syrie ajoute une poésie cruelle qui accentue l’effroi.
« L’aspect musical est un outil parfait pour ce film, expliquent les réalisateurs. La musique est importante dans la culture arabo-musulmane. C’est autant le hip-hop moderne qu’une pure mélodie traditionnelle dans l’esprit de Shéhérazade racontant "Les milles et une nuits". (...) Elle est très riche, diverse et très signifiante dans notre culture. Elle est politique et très poétique, lyrique et nous influence. Ce qui était intéressant, c’est que l’État islamique était totalement contre la musique. Ils l’ont interdite à Mossoul. (...) Si on veut faire un film qui soit aussi une sorte de pamphlet contre Daesh, la musique est très appropriée. Quand Kamal chante et danse les raisons pour lesquelles il veut partir, il le fait avec un rap fort qui correspond à l’origine même du hip-hop, un genre engagé ».
Rebel est une tragédie musicale ; c’est aussi un film de guerre, développent les deux auteurs : « Le son "rend" vraiment l’environnement à travers lequel les personnages évoluent. Il permet cette immersion indispensable à ce type de cinéma. On est dans ce monde-là. Mais pas seulement. Le son permet aussi de jouer avec le réel et le surréel, le conscient et l’inconscient. » Dans certaines séquences, le spectateur est ainsi perdu entre la réalité vécue par un personnage et ses rêves ou son imaginaire.
Le film n’est pas basé sur l’histoire vraie d’une seule famille. Dès 2014, les deux cinéastes ont interrogé de nombreuses personnes pour recueillir les histoires de jeunes partis là-bas. Pour écouter leurs proches. Le scénario est basé sur tous ces témoignages de manière à « faire un film qui serait aussi comme un document historique, quelque chose d’assez complet. L’évolution de l’État islamique et les horreurs que ses membres ont commis, il fallait essayer d’en faire comprendre la complexité, car ce n’est pas seulement une histoire de radicalisation religieuse, c’est aussi l’histoire d’un mouvement que l’on pourrait qualifier de crime organisé », précisent Adil et Bilall, pour qui « il fallait livrer un récit le plus nuancé possible pour faire comprendre comment des jeunes se sont faits abuser » par Daesh.
Film inédit sur la radicalisation des « fous du jihad », façon Daesh, Rebel marquera les spectateurs autant pour le récit cru et, d’une certaine façon pédagogique, que par la poésie du scénario. Comme un aller et retour entre les horreurs commises au nom de Dieu aujourd’hui et au cours des siècles passés, et la beauté de la foi des croyants sincères. Une confrontation que nous avons vécue de loin, avant de la subir de près avec les attentats à Paris et à Bruxelles. Ce film se révèle être un outil précieux pour contrecarrer le discours radical de certains prédicateurs et rappeler au passage que les premières victimes des extrémistes se revendiquant de l'islam sont d’abord les musulmans eux-mêmes.
Rebel, de Adil El Arbi & Bilall Fallah Belgique, France, 2h15 Avec Aboubakr Bensaihi, Lubna Azabal, Amir El Arbi, Younes Bouab, Tara Abboud Sortie en salles le 31 août 2022
Rédigé par Lionel Lemonier | Mercredi 3 Août 2022 à 11:00
Le successeur de Ben Laden, considéré comme un des cerveaux des attentats du 11 septembre, tué dimanche 31 juillet par une frappe de drone, était un des hommes les plus recherchés au monde. Retour sur une opération qui aura duré plusieurs mois.
Héritant en 2011, à la mort de Ben Laden, d’une organisation affaiblie, Ayman al-Zawahiri avait dû, pour survivre, multiplier les « franchises » et les allégeances de circonstances, de la péninsule Arabique au Maghreb, de la Somalie à l’Afghanistan, en Syrie et en Irak (AFP)
Dimanche 31 juillet. Le soleil s’est levé depuis une heure sur Kaboul, où la température affiche 17 °C. Il est 6 h 18. Un drone survole la capitale afghane et une maison du quartier résidentiel aisé de Sherpur. Sur ordre du président américain Joe Biden, deux missile sont tirés sur l’homme déjà levé qui se tient sur le balcon.
Onze ans après la mort d’Oussama ben Laden, après des années de traque par les services secrets américains et des mois de repérage, l’Égyptien Ayman al-Zawahiri, chef d’al-Qaïda, est tué à l’âge de 71 ans.
« Justice a été rendue, et ce dirigeant terroriste n’est plus », a déclaré Joe Biden dans un discours prononcé depuis la Maison-Blanche lundi 1er août au soir.
« Nous disons encore clairement ce soir que peu importe le temps que cela prendra, peu importe où vous vous cachez, si vous constituez une menace contre notre population, les États-Unis vous trouveront et vous élimineront », a martelé Joe Biden (AFP)
Alors que l’homme était introuvable depuis des années, que les rumeurs le disaient terré entre le Pakistan et l’Afghanistan, Washington repère en 2022 sa famille dans une maison servant de cache à Kaboul, d’où l’armée américaine s’était retirée en catastrophe en août 2021 face à la prise de pouvoir des talibans.
Selon un haut responsable américain, un travail de renseignement confirme dans les mois qui suivent la présence d’Ayman al-Zawahiri. Les Américains étudient la structure de la maison, les risques pour les civils, son mode de vie : il ne sort jamais et passe beaucoup de temps sur son balcon.
« Nous avons identifié Zawahiri à de nombreuses reprises, et pour de longs moments, sur son balcon, là où il a finalement été abattu », a expliqué lundi soir un haut responsable américain.
Aucune explosion
Pendant la préparation, en mai et juin, seule une poignée de responsables américains sont tenus dans la confidence.
Le 1er juillet, un projet d’opération est présenté au président démocrate dans la « Situation Room », pièce ultra-sécurisée de la Maison-Blanche où, selon une photo devenue célèbre, Barack Obama suivait en direct l’assaut contre Ben Laden en 2011, Joe Biden, alors vice-président, à ses côtés.
À la suite de cette présentation, on amène même au président une maquette de la maison.
Célèbre photo de la pièce ultra-sécurisée de la Maison-Blanche où Barack Obama a suivi en direct l’assaut contre Ben Laden en 2011. Joe Biden, alors vice-président, est assis à sa droite (AFP)
Le 25 juillet, le président, positif au covid-19, rassemble ses principaux conseillers et « cherche à en savoir plus sur l’organisation des pièces derrière la porte et la fenêtre du troisième étage ». Il demande l’avis de tous puis « autorise une frappe aérienne précise et sur-mesure, » toujours selon un haut responsable américain ayant requis l’anonymat.
L’opération qui, selon Washington, n’a nécessité aucun effectif militaire au sol à Kaboul, est chirurgicale.
Autour de la maison où vivent sa femme, sa fille et ses petits-enfants, les traces de la frappe sont minimes : aucune explosion ne semble s’être produite, aucune autre victime n’est connue.
Les missiles Hellfire R9X « flying ginsu », du nom d’une marque américaine de couteaux inspirés du Japon, sont dépourvus de charge explosive mais dotés de six lames qui se déploient avant l’impact pour découper sa cible sans effet de souffle
« La frappe a finalement été menée […] par un aéronef sans pilote. Deux missiles Hellfire [sont tirés] sur Ayman al-Zawahiri, qui est tué », a affirmé un haut responsable américain.
Les États-Unis auraient utilisé une arme dont l’existence même n’a jamais été confirmée : les missiles Hellfire R9X « flying ginsu », du nom d’une marque américaine de couteaux inspirés du Japon.
Cette version modifiée du missile américain serait dépourvue de charge explosive mais dotée de six lames qui se déploient avant l’impact pour découper sa cible sans effet de souffle.
Une rarissime longévité
Zawahiri était l’un des terroristes les plus recherchés au monde et les États-Unis promettaient 25 millions de dollars pour tout renseignement permettant de le retrouver.
Le successeur de Ben Laden était considéré comme un des cerveaux des attentats du 11 septembre 2001, qui avaient fait près de 3 000 morts aux États-Unis.
Sa mort permettra aux familles de victimes tuées le 11 septembre dans les tours jumelles du World Trade Center, à New York, et au siège du Pentagone près de Washington « de tourner la page », a déclaré le président démocrate.
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« Nous disons encore clairement ce soir que peu importe le temps que cela prendra, peu importe où vous vous cachez, si vous constituez une menace contre notre population, les États-Unis vous trouveront et vous élimineront », a martelé Joe Biden.
Le théoricien à la barbe fournie et aux larges lunettes, aisément reconnaissable à sa bosse sur le front, aura survécu à plus de 40 ans de traque, une rarissime longévité, avant d’être tué.
Né le 19 juin 1951 à Maadi, près du Caire, au sein d’une famille bourgeoise – son père était un médecin réputé et son grand-père un grand théologien de la mosquée d’al-Azhar dans la capitale égyptienne –, Ayman al-Zawahiri devient chirurgien.
Ses convictions sont précoces : il intègre la confrérie des Frères musulmans dès l’adolescence.
Impliqué dans l’assassinat, en 1981, du président égyptien Anouar al-Sadate, il est emprisonné pendant trois ans puis il rejoint l’Arabie saoudite et le Pakistan au milieu des années 1980, où il soigne les combattants contre les Soviétiques et rencontre Ben Laden.
Photo datant de 2001, montrant Ayman al-Zawahiri à la droite d’Oussama ben Laden (AFP)
Longtemps à la tête du Jihad islamique égyptien (JIE), il ne rejoindra al-Qaïda qu’à la fin des années 1990.
Les États-Unis le mettent sur leur « liste noire » pour avoir soutenu les attentats contre les ambassades des États-Unis au Kenya et en Tanzanie en août 1998.
Il est également condamné à mort par contumace en Égypte pour de nombreux attentats, dont celui de Louxor, en 1997 (62 morts dont 58 touristes étrangers).
En 2002 puis en 2007, il est annoncé mort mais réapparaît. Devenu le bras droit de Ben Laden, il est également son médecin.
Il « n’est pas intéressé par le combat dans les montagnes. Il réfléchit plus sur le plan international », disait de lui Hamid Mir, biographe de Ben Laden, cité par le think tank Counter-Extremism Project (CEP).
Al-Qaïda décentralisée
Malgré son rôle dans les attentats de 2001, la signature fondamentale d’al-Qaïda, il n’aura jamais acquis l’aura macabre d’Oussama ben Laden.
Paradoxalement, les États-Unis offraient 25 millions de dollars pour sa capture, un record, tout en semblant, presque, se désintéresser de lui.
« Bien qu’il ait eu de nombreux défauts, il n’était pas aussi insignifiant que ne le supposaient de nombreux analystes », a nuancé lundi sur Twitter Thomas Joscelyn, expert du cercle de réflexion Foundation for Defense of Democracies.
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Héritant en 2011, à la mort de Ben Laden, d’une organisation affaiblie, Ayman al-Zawahiri avait dû, pour survivre, multiplier les « franchises » et les allégeances de circonstances, de la péninsule Arabique au Maghreb, de la Somalie à l’Afghanistan, en Syrie et en Irak. Et accepter que celles-ci s’émancipent peu à peu.
S’il fut l’un des concepteurs des attentats du 11 septembre 2001, « le plus grand succès de Zawahiri est d’avoir maintenu al-Qaïda vivante », selon Barak Mendelsohn, professeur à l’université Haverford de Pensylvannie.
Avec lui, « al-Qaïda est devenue de plus en plus décentralisée, l’autorité reposant principalement dans les mains des responsables de ses filiales », ajoute le CEP, qui lui attribue pour autant un rôle de premier plan dans la réorganisation de nombreux groupes islamistes radicaux armés.
Qu’il soit responsable de son déclin ou qu’il ait réussi à l’amortir, il laisse à tout le moins un réseau aux antipodes d’une organisation internationale en guerre contre les États-Unis, dont rêvait Ben Laden.
Une « violation claire » des accords conclus à Doha
Alors qu’il limitait ses apparitions à des vidéos de prêche monotones, Ayman al-Zawahiri avait récemment multiplié les signes de vie. « L’aisance et la capacité de communication apparemment accrues d’al-Zawahiri ont coïncidé avec la prise de contrôle de l’Afghanistan par les talibans », selon un rapport de l’ONU publié à la mi-juillet.
Au cours du week-end, le ministre afghan de l’Intérieur avait démenti les informations faisant état d’une frappe de drone à Kaboul, indiquant à l’AFP qu’une roquette avait touché « une maison vide » de la capitale.
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Dans un communiqué publié lundi sur Twitter avant l’intervention de Joe Biden, le porte-parole des talibans avait toutefois reconnu l’existence d’une « attaque aérienne », attribuée à un « drone américain ».
La présence d’Ayman al-Zawahiri à Kaboul constitue par ailleurs une « violation claire » des accords conclus à Doha en 2020 avec les talibans, qui s’étaient engagés à ne pas accueillir al-Qaïda sur leur sol, a noté le haut responsable américain.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a ajouté lundi soir qu’en « hébergeant et en abritant » Zawahiri, les talibans avaient « grossièrement violé l’accord de Doha » qui prévoyait le départ des troupes américaines d’Afghanistan.
Dans leur communiqué, les talibans ont également accusé les États-Unis d’avoir dérogé à ces accords, en conduisant une frappe sur leur territoire.
L’Arabie saoudite s’est pour sa part félicitée « de la mort du chef terroriste d’al-Qaïda », selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
Saif al-Adel, ex-lieutenant-colonel des Forces spéciales égyptiennes et figure de la vieille garde d’al-Qaïda, est souvent cité pour reprendre les rênes
Se pose maintenant la question de l’avenir d’al-Qaïda, qui avait déjà perdu son numéro 2, Abdullah Ahmed Abdullah, tué en août 2020 dans les rues de Téhéran par des agents israéliens lors d’une mission secrète commanditée par Washington, information révélée quelques mois plus tard par le New York Times.
Saif al-Adel, ex-lieutenant-colonel des Forces spéciales égyptiennes et figure de la vieille garde d’al-Qaïda, est souvent cité pour reprendre les rênes. Sauf si une jeune génération venait à émerger.
Dans tous les cas, la nébuleuse devra encore s’imposer vis-à-vis de son grand rival, le groupe État islamique, avec lequel elle s’affronte, idéologiquement et militairement, sur de multiples terrains de prédation.
Selon la dernière évaluation de l’ONU, le contexte international est toutefois « favorable à al-Qaïda, qui entend à nouveau être reconnu comme le fer de lance du jihad mondial et pourrait à terme constituer une menace plus importante ».
L’avalanche irréfléchie d’armes et d’argent au gouvernement Zelensky ne fait que prolonger le conflit, dévaster l’Ukraine et mener l’Europe et le reste du monde à la catastrophe.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’exprime après sa rencontre avec le Premier ministre irlandais à Kyiv le 6 juillet 2022 (AFP)
Les études universitaires sur la propagande, les intellectuels dissidents comme Noam Chomsky et Michael Parenti, et l’Histoire elle-même (Première Guerre mondiale, première guerre du Golfe, invasion de l’Irak, etc.) ont montré à quelle vitesse nos systèmes d’information peuvent se transformer en gigantesques machines de propagande dès que les États entrent en guerre.
Pris dans la guerre russo-ukrainienne, l’OTAN et l’Union européenne offrent un parfait exemple de ce type de « communication de guerre ». En matière de censure, de désinformation et de propagande, on assiste à la répétition de ce qui s’est passé lors de la guerre du Golfe et de l’invasion de l’Irak en 2003.
Partout, à de rares exceptions près surtout en France, les seules voix autorisées sont celles de la « ligne officielle du parti » : porte-paroles de l’OTAN, inévitables officiers retraités reconvertis dans le juteux business du « conseil en sécurité », « experts » en géopolitique (mais uniquement ceux qui s’en tiennent au scénario prescrit et dont on sait d’avance qu’ils diront ce que l’on attend d’eux), opposants politiques russes, députés ukrainiens et autres alliés du président Volodymyr Zelensky, lui-même objet d’un culte de la personnalité insensé.
La vénération voire la mythification du président ukrainien, qui a atteint des niveaux absurdes, s’explique en partie par la détestation compréhensible de l’agresseur Vladimir Poutine et par les talents d’acteur de Zelensky, un comédien professionnel qui a habilement saisi le moment pour changer radicalement d’image et se réincarner médiatiquement comme un symbole de résistance, de liberté et de démocratie – le camp du Bien contre le « Mal absolu » incarné par Poutine, une sorte de croisement entre Che Guevara et Rambo.
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Mais ce culte irréfléchi s’explique aussi par une faute logique, à savoir le sophisme selon lequel si Poutine est le super-vilain et qu’il attaque Zelensky, alors ce dernier est forcément le bon et noble héros qui mérite notre soutien inconditionnel. En d’autres termes, l’ennemi de mon ennemi est mon ami.
Cependant, si Poutine est bien le méchant et l’Ukraine un pays attaqué, cela ne fait pas automatiquement de son adversaire un saint devant qui tous, gouvernements et opinions publiques, devraient se prosterner comme cela est le cas.
Démystifier Zelensky
Car qui est vraiment Volodymyr Zelensky ? En un mot, c’est un démagogue populiste et un manipulateur ; un politicien corrompu et kleptocratique ; et un autocrate à la tête d’un régime que l’on peut qualifier de proto-fasciste, sans pour autant endosser le pathétique alibi de Poutine d’une Ukraine « nazifiée ».
Avec son slogan démagogique (« le peuple contre les élites »), son programme électoral rudimentaire, ses fausses promesses de lutte contre la corruption oubliées dès son élection et ses penchants autoritaires brutaux, Zelensky est un parfait exemple de populisme occidental, à des années lumières de son image médiatique soigneusement travaillée.
Si Poutine est bien le méchant et l’Ukraine un pays attaqué, cela ne fait pas automatiquement de son adversaire un saint devant qui tous, gouvernements et opinions publiques, devraient se prosterner comme cela est le cas
Pas plus tard que l’année dernière, les Pandora Papers révélaient comment lui et son entourage proche bénéficiaient d’un réseau de sociétés offshore et parlaient même d’ « économie parallèle ». Depuis l’invasion russe, tous semblent avoir commodément « oublié » ces faits.
Selon l’indice de corruption de Transparency International, l’Ukraine sous Zelensky obtient un score de 32 sur 100, sur une échelle où 0 signifie très corrompu et 100 signifie très propre. L’Ukraine est ainsi le second pays le plus corrompu de tout le continent européen, ironiquement juste après la Russie, et à égalité avec des pays ravagés par la corruption ailleurs dans le monde comme la Zambie, l’Algérie et l’Égypte.
Et c’était le cas avant même que ce pays, qui ne compte désormais plus que 34 millions d’habitants après la fuite à l’étranger de plus de 9 millions d’Ukrainiens en cinq mois de guerre, ne devienne une gigantesque pompe à milliards occidentaux.
Quant à la cote d’approbation de Zelensky, elle était en chute libre juste avant que la guerre n’éclate, étant passée de 78 % à 22 % avant l’invasion russe, 54,5 % des électeurs ukrainiens se disant même opposés à sa candidature à un second mandat.
Zelensky a ainsi été littéralement sauvé par l’invasion de Poutine, qui s’est révélée être un véritable miracle pour lui et son entourage d’amis d’enfance et partenaires en affaires promus aux plus haut postes.
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Le régime de Kyiv présente également un nombre croissant de caractéristiques proto-fascistes : culte de la personnalité faisant du chef de l’État une figure vénérée et intouchable ; militarisation de la société même avant la guerre ; saturation des espaces médiatiques et culturels par la propagande de guerre ; mise en scène constante d’un machisme guerrier (en mode selfies) tout aussi grossier que celui de Poutine ; corruption systémique ; et, bien sûr, intégration dans l’armée régulière ukrainienne de groupes néo-nazis dont le régiment Azov n’est que le plus connu.
Propagande de guerre
Il est profondément ironique qu’avant l’invasion russe, les médias occidentaux reconnaissaient la réalité de ce problème, dont ils nous avaient eux-mêmes informés. Mais dès le début de la guerre, le problème a disparu comme par magie.
Dès le 24 février, ces groupes qui en Ukraine tenaient le haut du pavé ont été blanchis à la chaux pour être désormais présentés et glorifiés par ces mêmes médias comme des « combattants de la liberté », des résistants héroïques.
Quiconque soulève aujourd’hui la question est immédiatement accusé de diffuser la propagande de Poutine sur « l’Ukraine nazie » voire d’être un agent du Kremlin.
Encore plus choquant mais également typique de ces revirements orwelliens propres à la propagande de guerre est la censure systématique par les grands médias occidentaux de toute information susceptible de saper le culte de Zelensky
Encore plus choquant mais également typique de ces revirements orwelliens propres à la propagande de guerre est la censure systématique par les grands médias occidentaux de toute information susceptible de saper le culte de Zelensky et le soutien inconditionnel au régime de Kyiv.
D’ailleurs, dans un décret présidentiel de mars 2022, le président ukrainien a carrément décapité son opposition politique en suspendant toutes les activités de pas moins onze partis politiques à la fois, tous d’opposition.
L’invasion russe est depuis le début utilisée le plus cyniquement du monde comme l’excuse commode et toute trouvée pour réprimer l’opposition via de fausses accusations de « collaboration avec l’ennemi », la meilleure preuve étant le fait que même des partis s’opposant violemment à l’invasion russe et appelant les Ukrainiens à prendre les armes pour résister aux forces russes se sont trouvés bannis par ce décret.
Dans la même ligne, Zelensky a également invoqué la guerre pour éliminer la liberté des médias en fusionnant et en nationalisant les chaînes de télévision ukrainiennes en une seule plateforme d’information appelée « United News » – et entièrement dédiée à sa propagande.
Volodymyr Zelensky en déplacement dans la ville de Bucha, au nord-ouest de Kyiv, le 4 avril 2022 (AFP)
Il devrait de plus être clair que le régime de Zelensky est contrôlé par les plus bellicistes et extrémistes des va-t-en-guerre, ukrainiens et étrangers, à commencer par le président américain Joe Biden qui s’efforce d’écarter toute discussion sur de possibles négociations diplomatiques.
Zelensky lui-même, étourdi par le culte insensé de la personnalité dont il est l’objet et par son pouvoir désormais absolutisé, est ainsi encouragé dans l’illusion qu’il peut « gagner » militairement – sans même définir ce que pourrait signifier « victoire » dans cette situation, et encore moins ce qu’il en coûterait à son peuple.
Bien qu’initialement disposé à négocier et à faire des compromis, il s’est depuis aligné sur ses faucons de guerre et ultranationalistes les plus extrémistes, dont aucun, malgré leurs beaux et faux discours, ne se soucie du reste de l’Europe, qu’ils considèrent simplement comme une entité à exploiter pour toujours plus d’armes et d’argent, et qu’ils auraient volontiers déjà entraîné dans une guerre directe avec la Russie, puissance nucléaire, s’ils avaient pu.
L’Ukraine a évidemment le droit de résister à l’agression russe, mais l’Europe a tout autant le droit de résister à la pression ukrainienne visant à l’entraîner dans une confrontation frontale avec la Russie, ou dans le meilleur des cas à la garder engluée toute entière dans un bourbier sanglant pendant des années.
Désastreuse escalade
Au lieu de s’enhardir dans une catastrophique escalade guerrière qui dévaste sa propre population et son pays, Zelensky devrait plutôt être poussé vers la table des négociations. Pour son propre bien, celui de son peuple qui souffre, et le bien du monde, qui subit maintenant une série de revers désastreux à tous les niveaux : inflation, pénuries d’énergie et de nourriture, complexe militaro-industriel extatique à l’idée de voir des milliards de dollars venir gonfler ses poches pour les années à venir, etc.
D’autant qu’un plan de paix que mêmes les États-Unis ont jugé raisonnable et équilibré est sur la table depuis des semaines.
En outre, l’invasion russe a davantage fracturé en trois blocs « l’ordre mondial » de l’après-guerre, dit « libéral » et jusque-là dirigé par les États-Unis.
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Cet ordre mondial, en piteux état, est désormais un champ de bataille entre d’une part une Amérique redevenue sous Biden et après le moment isolationniste trumpien de plus en plus belliciste, arrogante et impérialiste, n’hésitant pas à instrumentaliser de la façon la plus hégémonique et intéressée les grandes institutions internationales et mondiales comme l’OTAN et le G7, et d’autre part un bloc anti-occidental axé sur l’alliance Chine-Russie, désormais toutes deux officiellement désignées comme les principales menaces existentielles géopolitiques de l’Occident.
Entre les deux, on trouve un troisième bloc, numériquement le plus important, composé des pays non alignés.
Il est important de noter ici deux autres faits majeurs : ces deux derniers blocs comprennent la grande majorité des États et de la population mondiale ; et malgré son triomphalisme dû à son unité retrouvée (pour le moment) face à la Russie, l’Occident n’a pas réussi à entraîner le reste du monde dans sa guerre contre la Chine et la Russie.
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Ainsi, bien qu’ils aient largement condamné l’invasion russe et votent de plus en plus avec l’Occident à l’ONU, appelant cependant non pas à la poursuite de la guerre mais à une solution pacifique négociée, la quasi-totalité – à l’exception de la Syrie – des pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), mais aussi la majorité des pays du monde, visent en fin de compte à rester neutres et poursuivre voire accroître leurs relations avec toutes les parties en conflit, Russie, Chine, États-Unis et Union européenne y compris.
Compte tenu de leur forte dépendance vis-à-vis de toutes les parties antagonistes pour leur approvisionnement alimentaire et énergétique ainsi que pour leur sécurité nationale, ces pays savent qu’ils n’ont rien à gagner mais beaucoup à perdre d’une implication directe dans ce conflit.
Ils s’efforcent donc depuis le début de la guerre de conserver une saine équidistance sans s’aliéner personne – un difficile exercice d’équilibriste qui peut les exposer aux accusations de trahison pour avoir par exemple refusé de suivre le régime de sanctions occidentales.
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En un mot, à l’injonction de style 11 septembre « Vous êtes avec nous ou contre nous », la région MENA a jusqu’à présent répondu : « Nous ne sommes avec personne – ou plutôt, nous sommes avec vous tous ». Mais aussi : « l’ennemi de mon ami n’est pas forcément mon ennemi ».
Ce refus de s’impliquer directement dans un conflit perçu comme étranger, occidental et lointain se reflète clairement dans les sondages d’opinion. Malgré les efforts américains pour enrôler les régimes du Moyen-Orient, un sondage auprès des citoyens de la région a révélé que les deux tiers n’avaient « aucune position » sur la guerre, tandis qu’une minorité se répartit presque également entre le soutien à la Russie (16 %) et à l’Ukraine (18 %). L’Ukraine n’est tout simplement pas leur guerre.
En fait, beaucoup refusent activement de se ranger du côté de l’Ukraine et de l’Occident contre la Russie pour un certain nombre de raisons, comme l’hypocrisie occidentale sur les principes invoqués de non-agression et de respect de la souveraineté territoriale (l’Irak, la Libye et l’Afghanistan ont clairement laissé des traces) ; les deux poids, deux mesures racistes concernant le traitement des réfugiés et demandeurs d’asile ; et une méfiance généralisée à l’égard de l’Occident.
Vu l’atmosphère actuelle, dominée par les émotions plus que la raison et par les pires des faucons de guerre dans tous les camps, ce nouveau non-alignement – à ne pas confondre avec de l’apathie et encore moins avec une quelconque « trahison » – est énormément rafraîchissant et sage.
Il signale de la part et des gouvernements et des opinions publiques, pour une fois unies, une bonne compréhension des intérêts de leurs nations, une détermination à les prioriser face aux pressions occidentales, et une volonté résolue d’indépendance vis-à-vis des deux autres blocs hégémoniques.
- Alain Gabon est professeur des universités américaines et maître de conférence en « French Studies » à l’université Wesleyenne de Virginie (Virginia Beach, États-Unis). Spécialiste du XXe siècle, il a écrit de nombreux articles sur, entre autres sujets, l’islam et les musulmans en France et dans le monde, pour des médias grands publics et alternatifs ainsi que des revues universitaires.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Traduit de l’anglais (original) par l’auteur.
Dr Alain Gabon is Associate Professor of French Studies and chair of the Department of Foreign Languages & Literatures at Virginia Wesleyan University in Virginia Beach, USA. He has written and lectured widely in the US, Europe and beyond on contemporary French culture, politics, literature and the arts and more recently on Islam and Muslims. His works have been published in several countries in academic journals, think tanks, and mainstream and specialized media such as Saphirnews, Milestones. Commentaries on the Islamic World, and Les Cahiers de l'Islam. His recent essay entitled “The Twin Myths of the Western ‘Jihadist Threat’ and ‘Islamic Radicalisation ‘” is available in French and English on the site of the UK Cordoba Foundation.
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