Hafsa Altaf a lancé sa marque, Fashion by Hafsa. Elle fait des créations de vêtements, amples et confortables, pour répondre aux besoins de femmes à Winnipeg, notamment de la communauté musulmane.PHOTO : RADIO-CANADA / RADJAA ABDELSADOK
Avec le printemps, plusieurs en profitent pour renouveler leur garde-robe. Cependant, ce n'est pas une mince affaire pour certaines femmes musulmanes qui portent le voile. Plusieurs déplorent que le marché de vêtements adaptés à la mode modeste, ou mode pudique, qui respecte les valeurs religieuses, est insuffisant à Winnipeg.
Originaire d'Algérie, Hadjer Bendifallah est installée à Winnipeg depuis 2020 avec sa famille. Elle dit vivre beaucoup de frustrations en raison du manque de vêtements qui correspondent à son mode de vie. Elle travaille comme ingénieure pharmaceutique.
À chaque fois que je me prépare pour faire du magasinage, je me sens frustrée par rapport à ce point. En trois ans, je n’ai pu trouver et acheter que cinq pièces qui me correspondent, affirme-t-elle.
« J’aimerais que tout le monde prenne en considération qu’il y a une minorité qui porte le voile et que nous avons des besoins de tenues très spécifiques qui respectent nos convictions et qui, à la fois, restent modernes. Toute femme souhaite être présentable en société, quel que soit son mode de vie. »
Hadjer Bendifallah est originaire d'Algérie. Elle est installée à Winnipeg depuis 2020 avec sa famille.
PHOTO : RADIO-CANADA / RADJAA ABDELSADOK
La mère de famille dit que, à Winnipeg, il y a certaines boutiques, mais elles vendent principalement des vêtements traditionnels ou bien portés pour les occasions, affirme-t-elle.
Hadjer Bendifallah affirme que, comme plusieurs de ses connaissances, elle s'approvisionne dans son pays d’origine.
Surtout l’été, c’est compliqué de trouver des longues tuniques, robes et voiles légers, déclare-t-elle. Alors lorsque je pars en Algérie, je remplis mes valises de vêtements en espérant couvrir mes besoins pour l’année.
La guerre que se livrent les anglophones et les francophones depuis des décennies au Québec se répercute sur les ressortissants algériens, particulièrement les étudiants qui ambitionnent de poursuivre leurs études au pays de l'érable. C'est ce qui explique que les autorités canadiennes refusent des visas aux étudiants francophones acceptés par les universités québécoises.
Selon une étude effectuée par l'Institut du Québec, reprise par RFI, environ 50 % des étudiants francophones qui ont été acceptés par des universités québécoises se voient refuser le visa de séjour à l'entrée du territoire par le Canada. « Une proportion qui grimpe à 72 % pour les étudiants africains qui ne peuvent accéder à leur établissement d'enseignement », ajoute-t-on de même source.
Étudiants algériens indésirables au Canada : L'indépendance du Québec en toile de fond
La ministre québécoise de l'Immigration Christine Fréchette et de nombreux élus de la province dénoncent ce qu'ils qualifient de « situation absurde » qui touche des étudiants originaires d'Algérie, mais aussi du Sénégal, de la Guinée et du Congo-Brazzaville. Une situation réellement absurde, puisque ces étudiants étrangers se retrouvent victimes d'une « guerre » qui n'est pas la leur. Une guerre entre le Québec qui veut « franciser » la province avec en toile de fond une future indépendance et le Canada qui rejette les visas aux francophones en guise de lutte contre une future indépendance du Québec.
Il faut dire cependant que dans ce cas de figure, c'est le Canada qui décide qui entre sur son territoire et fait donc en sorte que les francophones soient de moins en moins nombreux à venir. Et bien sûr, les Africains sont plus faciles à rejeter avec ce sempiternel argument de la peur que les étudiants du continent africain ne rentrent pas dans leurs pays respectifs après leurs études. Drôle d'argument pour un pays qui encourage l'immigration et qui dit avoir besoin de 460'000 nouveaux arrivants, rien que pour cette année1.
Les indépendantistes québécois encouragent la venue des Algériens
L'Institut du Québec estime que seulement 1 étudiant africain sur 4 obtient le droit de s'établir au Québec, en raison justement de la politique canadienne dans cette province, qui encourage la venue des anglophones au détriment des francophones. Et cette question de visas est utilisée par les autorités canadiennes comme une arme contre la francisation galopante du Québec qui risque de mener cette province vers l'indépendance.
Et c'est tout naturellement que les partisans de l'indépendance du Québec ne soient pas contents face à cette situation, à l'image du député Alexis Brunelle-Duceppe, conscient de l'importance des étudiants africains francophones. « L’avenir de la francophonie, il est en Afrique. Et l’avenir du Québec est en français. Donc, on a besoin de ces gens-là pour qu’on devienne une communauté francophone solidaire, puis on a besoin de ces étudiants-là pour qu’ils viennent ici au Québec, soit faire leur vie, soit par la suite devenir des ambassadeurs du Québec dans leur pays respectif », a-t-il affirmé, non sans exprimer l'espoir qu'Ottawa change sa politique à l'égard des étudiants africains, notamment les Algériens.
Au moins deux personnes sont mortes et près d’un million de Canadiens sont toujours privés de courant. De 3 à 4 cm de verglas sont tombés sur la ville en quelques heures.
A Montréal, le 5 avril 2023. GRAHAM HUGHES / AP
Au moins deux personnes sont mortes et près d’un million se trouvaient toujours sans électricité, jeudi 6 avril au soir, après le passage d’une tempête de glace dans l’est du Canada, qui a occasionné de nombreux dégâts matériels, notamment à Montréal.
La tempête a touché le Québec et l’Ontario, les deux provinces les plus peuplées du Canada. Il s’agit de la plus grosse panne sur le réseau électrique du Québec depuis la crise du verglas de 1998, qui avait plongé la province dans le chaos pendant plusieurs semaines.
Un homme d’une soixantaine d’années est mort jeudi matin au Québec, écrasé sous le poids d’une branche qu’il tentait de couper dans son jardin, à une soixantaine de kilomètres à l’ouest de la métropole francophone. Et un résident de l’est de l’Ontario a été tué par la chute d’un arbre mercredi.
« C’est une journée difficile pour les Montréalais, pour les gens à travers le Québec et les parties de l’Ontario qui souffrent des pannes d’électricité », a déclaré le premier ministre canadien, Justin Trudeau, en déplacement à Montréal.
— JustinTrudeau (@Justin Trudeau)
Jeudi soir, les services de voirie étaient toujours à pied d’œuvre pour dégager les rues et les routes jonchées par des milliers d’arbres tombés en raison du poids de la glace souvent en endommageant des lignes électriques.
« Montréal est dévastée » mais la situation est « sous contrôle », a estimé le ministre de l’économie et de l’énergie québécois, Pierre Fitzgibbon, lors d’un point presse, alors que les alertes aux pluies verglaçantes ont été levées. Les autorités ont toutefois appelé à la prudence, déconseillant notamment les zones boisées et à la population de s’approcher des arbres et des fils tombés au sol.
A Montréal, après le passage d’une tempête de glace, le 6 avril 2023. RYAN REMIORZ / A
Feux de signalisation, vélos, voitures, végétation… à Montréal, tout était recouvert par une épaisse couche glacée depuis mercredi soir. Les données préliminaires montrent que de 3 à 4 cm de verglas sont tombés sur la ville en quelques heures.
La plus grosse panne de courant au Québec en vingt ans
« Des vingt dernières années, c’est la pire tempête de glace que l’on a eue », raconte à l’Agence France-Presse (AFP) Jean-Marc Grondin. Ce retraité de 64 ans, qui habite le Plateau, un quartier central de la ville, est sorti pour voir le transformateur électrique qui a pris feu après la chute d’un arbre mercredi. Quelques mètres plus loin, des agents de la ville tentent de déblayer la rue, scies à la main. « Ça va prendre plusieurs semaines pour nettoyer toute la ville », explique un agent municipal.
A Montréal, le 6 avril 2023. GRAHAM HUGHES / AP
Des centres ont été ouverts pour accueillir les habitants sans électricité, alors que les températures frôlent le zéro et que rétablir le courant pour tout le monde pourrait prendre plusieurs jours. En début d’après-midi, deux des principaux ponts de la ville restaient partiellement fermés.
« Malheureusement, on peut penser qu’avec les changements climatiques, il va y avoir de plus en plus d’événements de ce type dans les prochaines années », a reconnu François Legault, premier ministre du Québec.
PARIS-MAGHREB. Ils sont 80 000 à vivre au Canada, auxquels s’ajoutent autant de Marocains. Installés pour la plupart à Montréal, les Algériens du Canada forment un groupe dynamique et bien intégré. Seule ombre au tableau : une loi sur la laïcité, qui a envenimé les relations entre communautés.
Ici, tout le monde le sait : il neige souvent au Maghreb. On y est habitué, il faut juste fermer les écoutilles quand le thermomètre tombe en dessous de moins 30 °C. Le reste du temps, ça grouille de monde. Les gens y font leurs emplettes, visitent les associations d’entraide et d’insertion, papotent entre voisins ou font une pause dans les bars à chicha. Le week-end, il y en a même qui viennent de Boston ou New York pour venir respirer l’« odeur de la maison », comme on dit en Algérie. Seul détail, il n’y a pas de palmiers. Et pour cause : le Maghreb, ou plutôt le Petit Maghreb, et ses 120 commerçants installés sur une artère d’un kilomètre, se trouve en plein cœur de Montréal.
Rien d’étonnant à cela. Depuis la grande vague d’émigration des années 1990, quand la guerre civile avait poussé des dizaines de milliers d’Algériens à quitter leur pays pour trouver refuge au Canada, la communauté algérienne est l’une des plus dynamiques du Québec, où vivent plus de 90 % de ses membres. En 2021, la province francophone comptait près de 73 000 immigrants nés en Algérie. Ajoutez-y les Marocains d’origine, le total de la population maghrébine (plus de 141 000) dépasse largement celle des Français d’origine (93 000).
Qui sont-ils, et pourquoi ont-ils choisi le lointain Canada, plutôt que le proche Hexagone ? Chaque parcours est unique, et les motivations changent d’une génération à l’autre. Aux réfugiés politiques des années 1990 – des émigrés souvent âgés de plus de 40 ans qui n’avaient pas prévu de quitter leur pays –, a succédé dans les années 2000 une immigration plus familiale, suivie aujourd’hui par celle d’étudiants choisissant Montréal, ville universitaire d’excellence, parce que les études y sont moins coûteuses qu’aux Etats-Unis.
Rayene Bouzitoun, étudiante en droit et bénéficiaire de la prestigieuse bourse Rhodes de l’Université d’Oxford. (RAYENE BOUZITOUN)
Pour certains, le refus de la France était un choix conscient, politique. « Au début, c’est ma mère qui voulait aller au Canada. Mon père ne voulait pas quitter l’Algérie », raconte Rayene Bouzitoun, 24 ans, une étudiante en droit qui vient de décrocher la très prestigieuse bourse Rhodes de l’Université d’Oxford. Finalement, dégoûté par les promotions-copinage et autres blocages de la société algérienne, le père ingénieur décide lui aussi de partir. « Mais il est très nationaliste, il ne voulait pas aller en France, “chez le colon”. » Après trois ans de démarches difficiles, les Bouzitoun arrivent en 2003 à Montréal, avec leur fille.
Rabah Hammachin, lui, n’aurait pas dit non à la France. L’Académie de Créteil avait même fait une offre d’emploi à ce docteur en chimie et chercheur. « Mais le visa ne venait pas, il fallait faire la queue des heures durant et j’ai perdu patience », raconte-t-il. Fin 1999, il débarque au Canada avec sa femme et ses deux enfants. « Je ne fuyais pas le terrorisme, mais je n’avais pas envie que mes enfants se retrouvent dans la même situation que les jeunes d’aujourd’hui en Algérie », se souvient-il.
Rabah Hammachin, docteur en chimie (RABAH HAMMACHIN)
« Ma femme m’a regardé et m’a dit : “On est au pôle Nord !” »
Mohamed Mimoun, coordonnateur du Forum Jeunesse de Saint-Michel, une association d’aide aux jeunes de Montréal, est quant à lui passé par la case France. Il s’y installe en 2001 et, après des études, fonde une start-up de livraison. Mais en 2007, il tombe sur une journée portes ouvertes d’une université canadienne et se laisse tenter. « Il fallait renouveler ma carte de séjour en France tous les ans, c’était galère », explique-t-il. « Et puis, c’était l’époque de Sarkozy, avec des problèmes dans les banlieues… » L’atterrissage à Montréal fut rude : « On est arrivés en pleine tempête de neige, il faisait moins 20 °C. Ma femme m’a regardé et m’a dit : “On est au pôle Nord !” »
Mohamed Mimoun (avec la casquette), coordonnateur du Forum Jeunesse de Saint-Michel (MOHAMED MIMOUN)
Pour d’autres, le Canada s’est imposé comme une évidence. « J’avais 17 ans quand je suis arrivé ici avec mes parents, en 2007 », témoigne Mehdi Houhou. « Ils étaient déjà venus ici en 1990, ils rêvaient le rêve américain et n’ont pas vraiment envisagé la France. Mon père était médecin, ma mère biologiste, leur profil correspondait parfaitement avec ce que recherche le Québec. »
Chaque génération a connu ses galères. Celle des années 1990, généralement qualifiée, a souvent subi l’épreuve du déclassement professionnel : sous-évaluation des diplômes acquis à l’étranger, exigence d’une expérience professionnelle canadienne, barrières érigées par les corporations professionnelles, tous ces obstacles ont été parfois difficiles à surmonter. « Etre immigré, c’est comme une entreprise : tu investis beaucoup, sans savoir ce que sera le retour sur investissement », sourit Rayene Bouzitoun. Mais globalement, « cette génération s’est très bien intégrée », indique Rabah Hammachin. L’émigration algérienne au Canada est une émigration choisie, souvent de classe moyenne. Elle est très différente de l’expérience française.
Aujourd’hui, ils sont médecins, ingénieurs, professeurs…
Ces Algériens sont aujourd’hui médecins, ingénieurs, professeurs, restaurateurs, et beaucoup vous parlent avec affection de leur terre d’adoption. Mais la plupart ont gardé des liens forts avec l’Algérie. Après une carrière dans la banque, Mehdi Houhou préside la Jeune chambre de Commerce algérienne du Canada et a cofondé la Société de Développement commercial du Petit Maghreb, qui regroupe 127 commerçants de 27 nationalités. Son principal business est une société de production et de commercialisation de dattes bio cultivées dans la région de Biskra, dont il est originaire. Rayene Bouzitoun, elle, retourne souvent dans ce pays qu’elle a pourtant quitté très jeune, à 4 ans. « Je me sens à la maison, là-bas, cela fait du bien. » Et il y a la famille, cette famille qui soude les Algériens.
eur de la Société de développement commercial du Petit Maghreb (MEHDI HOUHOU)« Ce qui me fait le plus rire, c’est que les familles québécoises les plus traditionnelles sont celles qui ressemblent le plus aux nôtres ! »
Mais l’Algérie reste l’Algérie, avec sa chape de plomb politique et ses libertés entravées, et le contraste est difficile à vivre pour ces émigrés. Beaucoup ne mâchent pas leurs mots sur le régime d’Alger, au risque de le payer cher s’ils s’avisent de remettre les pieds sur leur sol natal. Lazhar Zouaïmia en sait quelque chose : militant pro-démocratie et membre d’Amnesty International – « Amnistie Internationale » au Québec –, il a été arrêté à Constantine en février 2022, à sa descente de l’avion. « C’est le Département de la Sécurité intérieure qui m’a arrêté, il a fallu attendre le 30 mars pour qu’ils me libèrent », raconte-t-il, après une campagne vigoureuse de syndicats et associations canadiennes. Ayant plusieurs fois tenté de repartir, se retrouvant bloqué au dernier moment, il finit par reprendre l’avion le 5 mai. « Jusqu’à la dernière minute, ils ont aligné ordres et contre-ordres. Même pour diriger une dictature, ils sont incompétents ! »
D’autres ressortissants algériens ont connu des galères similaires, et donc, explique Lazhar, « il y a beaucoup de gens qui ne veulent plus s’exprimer sur l’Algérie. Si tu parles, tu ne peux pas regagner le pays. Et parmi ceux qui vont au pays, certaines personnes qui ne sont pas forcément impliquées politiquement sont tout de même arrêtées. Il s’agit juste de faire peur aux gens. »
Une loi qui a favorisé les propos haineux envers l’islam
L’autre écueil de la vie de ces immigrés est bien plus proche, et menaçant : la politique québécoise. Adoptée en juin 2019, la « loi 21 » indique explicitement que le Québec est « un Etat laïque » et interdit aux procureurs, policiers, enseignants, directeurs d’école et autres fonctionnaires d’arborer tout signe religieux dans l’exercice de leur métier. Elle est d’autant plus mal vécue par les Algériens qu’elle s’est accompagnée d’un ostracisme, voire d’une franche hostilité envers l’islam et la communauté musulmane. Dans un sondage Léger Marketing commandité au printemps dernier par l’Association d’Etudes canadiennes, qui a interrogé les communautés religieuses minoritaires, les musulmans signalent une détérioration importante de leur « sentiment d’être accepté comme membre à part entière de la société québécoise ».
Ce sentiment de détérioration touche 62 % des hommes et… près de 80 % des femmes. Dans les témoignages recueillis par l’étude, ces musulmans rapportent une multiplication de propos haineux : « Le hijab de mon amie a été arraché dans le métro », « En bus, une personne nous a craché dessus », « A l’annonce de la loi 21, un homme du bus dit que j’allais devoir enlever mon foulard », « Avec ma petite fille de 3 ans, je revenais de la garderie à pied. Un jeune homme a tenté de nous écraser volontairement avec un gros pick up. »
« Cette loi est vraiment venue pourrir l’atmosphère », témoigne le chercheur Rabah Hammachin.
« Beaucoup de garderies d’enfants sont tenues par des Algériennes qui portaient le hijab, et cela ne posait aucun problème. Je connais une fille qui a fait toutes les études pour être policière et qui, portant le hijab, ne peut plus le devenir. »
Cette hostilité est d’autant plus difficile à vivre que l’intégrisme islamique est pratiquement un non-sujet dans cette communauté. « Les premières années, j’étais catégorique dans mon hostilité aux islamistes et la façon dont ils faisaient du hijab un emblème, raconte Lazhar Zouaïmia. Mais avec le temps, j’ai constaté que ce n’est plus forcément le cas, parfois même des femmes avec le hijab sont plus tolérantes que des femmes sans. Je fréquente plutôt des laïcs et n’ai pas de position définie, mais ma fille, qui est née ici et ne porte pas le hijab, estime que les gens devraient être libres de choisir. »
Lazhar Zouaïmia, membre d’Amnesty International (SAMIR BENDJAFER)
« Les islamistes que je connais, quand ils sont arrivés ici, les premières années, ils avaient toujours la même hargne, se souvient Rabah Hammachin. Après cela, ils ont commencé à voir que les Québécois ne les regardaient pas d’un œil suspicieux – ils trouvaient un job normal, obtenaient des prêts bancaires, etc. J’en connais beaucoup qui ont rasé leur barbe, la plupart sont mariés à des Québécoises pures et dures et leurs enfants ont grandi en Canadiens. Il y en a même un dont le fils est rappeur, alors que lui était islamiste à fond la caisse ! »
Face à cette loi 21, Rayene Bouzitoun est perplexe : « comment peut-on devenir une menace ? le Québec étant loin de devenir musulman ». Mais elle cherche aujourd’hui à comprendre les motivations des Québécois. « D’une certaine façon, ils vivent un peu ce que nous vivons, mais à l’échelle nationale : nous vivons à l’échelle provinciale, celle du Québec, cette peur de ne pas avoir le droit d’être nous-mêmes, de ne pas avoir droit à nos valeurs et nos principes ; les Québécois, eux, vivent cela face au Canada, ils se sentent constamment menacés dans leur unité culturelle. Donc, je pense que l’on est dans une situation où l’on devrait plutôt se comprendre. »
« La société québécoise regarde toujours ce qui se passe en France, note Rabah. Si cela continue, cela va créer des antagonismes et devenir dangereux. » Ce serait dommage, pour une immigration qui reste un modèle d’intégration.
Hayat, une infirmière algérienne de 29 ans, a réussi à s’installer en Gaspésie au Canada grâce à son diplôme. Le Journal du Québec raconte son histoire.
Le Canada est une destination de plus en plus privilégiée par les Algériens désirant s’installer à l’étranger.
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Si une grande partie d’entre eux se retrouvent à Montréal et sa région, d’autres ont choisi des destinations moins connues, comme la Gaspésie.
Le système de sélection mis en place par les autorités de ce pays fait que les immigrants réussissent généralement leur intégration.
Le critère de l’employabilité est primordial dans le processus de sélection. Le pays cible les profils qui correspondent à la demande du marché local de l’emploi.
Hayat, une infirmière algérienne de 29 ans, est de ceux qui ont pu s’installer en Gaspésie grâce à son diplôme. Elle fait partie de 38 infirmières d’Algérie, de Tunisie, du Maroc et du Cameroun, recrutées par le gouvernement local pour combler le déficit en personnel soignant en Gaspésie, une région du Québec.
Elle a raconté son expérience au Journal du Québec qui lui a consacré un portrait.
Hayat Tazairt est bachelière en Algérie où elle a opté pour le métier d’infirmière. Elle a exercé pendant six ans dans son pays avant de songer à s’expatrier. C’est, dit-elle, la pandémie de Covid-19 qui l’a poussée à envisager de s’installer au Canada.
Son diplôme et la maîtrise du français ont fait qu’elle a été acceptée après une procédure qui aura duré neuf mois.
Selon elle, c’est la disponibilité de moyens et des équipements dans ce pays d’Amérique du Nord qui l’a encouragée à postuler.
Malgré un écueil qui peut en dissuader plus d’un : le fait de devoir refaire presque toutes ses études. Elle doit en effet effectuer une formation de 915 heures avant de pouvoir commencer à exercer comme infirmière au Canada.
Mais Hayat se montre compréhensive, évoquant les noms des médicaments, le code de déontologie et les valeurs de la pratique du métier qui diffèrent entre l’Algérie et le Canada. « C’est normal d’avoir cette formation dans un milieu qui est nouveau pour nous », admet-elle.
Le parcours de Hayet, d’Algérie jusqu’à la Gaspésie
Cela, même si elle trouve « bizarre » de se retrouver de nouveau étudiante.
Car ses études, cela fait six ans qu’elle les a terminées en Algérie où, pour joindre les deux bouts, elle a dû cumuler les postes, travaillant dans l’oncologie dans un hôpital public et dans la cardiologie dans une clinique privée.
En août 2021, en pleine vague meurtrière du variant Delta du Covid-19, elle a décidé de tenter sa chance ailleurs. « C’était blessant de voir un malade sans ressource », raconte-t-elle.
Célibataire et fille unique, elle confie qu’elle a entamé les démarches à l’insu de ses parents à qui elle n’a rien dit jusqu’au jour où elle a eu la confirmation définitive qu’elle est acceptée au Canada.
Tout s’est fait à distance et avec célérité. En novembre 2021, elle a introduit sa demande directement au CISSS de Gaspésie, « les réponses venaient rapidement » et au bout de neuf mois, la voilà dans cette péninsule du nord-est du Canada.
Pour elle, tout est nouveau et elle ne connaît rien de la région. Mais elle ne se plaint pas. Au contraire, elle assure que le calme de la Gaspésie est mieux pour elle que le vacarme de Montréal où elle a transité à son arrivée d’Algérie.
Malgré la neige et le manque de logements dans la région, elle compte s’y installer définitivement. « C’est comme si je me lançais un défi et que je voulais aller au bout », dit-elle.
Le Canada a fait d'importants progrès dans la réduction de l'arriéré des différentes demandes d'immigration sur son sol. En effet, en un mois, le nombre de demandes restées en attente ont sensiblement diminué, selon le service Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Ces chiffres révèlent que l’arriéré des demandes d’immigration au Canada a chuté à 2,4 millions en un mois.
L’inventaire des demandes de citoyenneté s’élève ainsi à 331 401 demandeurs au 31 octobre, comparativement à 351 964 le 3 octobre. Quant aux demandes de résidence permanente, il s’élève à 506 421 personnes au 3 novembre, contre 505 562 au 3 octobre, selon les données du service. De son côté, l’inventaire des résidences temporaires s’élevait à 1 537 566 personnes le 3 novembre, contre 1 651 649 personnes au 3 octobre. Les services de l'immigration ont donc fait un travail énorme dans ce domaine en traitant des milliers de dossiers en un mois.
Ces chiffres du IRCC indiquent ainsi que dans l’ensemble l’arriéré d’immigration est tombé à 2 411 388 personnes. Par ailleurs, les stocks d’entrée express du Canada s’élevaient à 39 589, selon les données reflétant le système qui fournit une voie vers la résidence permanente pour les travailleurs qualifiés au Canada ou à l’étranger. Le nombre total de demandes en attente pour le Programme des candidats des provinces du Canada était de 62 073.
En ce qui concerne l’inventaire de tous les programmes d’immigration de la catégorie du regroupement familial, il s’élève à 128 112 au 3 novembre, tandis que le programme des époux et partenaires est parmi les plus grands inventaires avec 61 118 dossiers. Dans l'objectif d'efficacité et de célérité l’IRCC a déclaré qu’il prenait des mesures pour accélérer le processus de demande afin d’avoir un arriéré inférieur à 50 % dans tous les secteurs d’activité d’ici la fin mars 2023. Ce service ministériel créé pour faciliter la venue des immigrants, et offrir de la protection aux réfugiés a aussi entamé la transition vers des demandes 100 % numériques pour la plupart des programmes de résidence permanente afin d’éliminer les arriérés d’immigration.
Le Canada vit un manque criant de main-d'œuvre et ses dirigeants comptent bien y remédier. En effet, pour combler cet important déficit, le gouvernement de Justin Trudeau a décidé d'accueillir près de 1,5 million d'étrangers d'ici l'année 2025. C'est le ministre de l'Immigration qui a fait cette annonce, mardi 1er novembre, lors d'une conférence de presse.
« Le Canada a besoin de plus de monde », a effectivement déclaré Sean Fraser, le ministre de l'Immigration du pays de l'érable qui a atteint un taux de chômage bas ces derniers mois. Le taux s'est établi à 5,2 % en septembre, selon des informations rapportées par le quotidien français Le Figaro, qui précise que plus de 900.000 postes sont actuellement à pourvoir dans de nombreux secteurs.
Dans le but de pourvoir ces postes et trouver une solution au problème du manque de main-d'œuvre, les autorités canadiennes prévoient d'accueillir pour une résidence permanente 465 000 personnes en 2023. Pour l'année suivante, le Pays de l'érable accueillera 20 000 de plus, soit 485 000 étrangers. Enfin, 500 000 étrangers auront la résidence permanente au Canada en 2025, selon les chiffres avancés par le ministre canadien de l'Immigration, Sean Fraser.
Le Canada veut encourager l'accueil de plus de migrants économiques
Dans ce sillage, le gouvernement fédéral canadien entend amender ses programmes de sélection pour encourager les migrants économiques, sur la base des besoins constatés sur le terrain. Comme par exemple orienter les arrivées de migrants vers les secteurs en crise de main-d'œuvre, à l'instar des soins de santé, des emplois spécialisés, du secteur manufacturier ainsi que les STEM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques).
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En fait, les autorités canadiennes visent à réduire le nombre de réfugiés à accueillir sur leur territoire. Comment ? En se fixant l'objectif d'accueillir plus de 60 % des admissions totales en migrants économiques. Mais aussi, en réunissant plus rapidement les familles dont certains membres sont à l'étranger. C'est, semble-t-il, le meilleur moyen pour le Canada d'améliorer la qualité de sa politique d'immigration.
Il importe de rappeler que le Canada, qui compte près de 39 millions d'habitants, enregistre une grande proportion d'immigrants. Le Pays de l'érable compte, en effet, un citoyen sur quatre né à l'étranger. Il y a même une certaine concurrence entre les provinces en matière d'accueil, certaines provinces comme l'Ontario revendiquant plus d'émigration et des prérogatives similaires à celles du Québec.
Du 24 au 30 juillet, le pape François se rend au Canada, là où les peuples autochtones ont subi d’atroces abus au sein des pensionnats gérés par l’Église de 1831 à 1996. Survivante de celui d’Ermineskin, dans l’Alberta, Flora Northwest, 77 ans, raconte ses souffrances et son chemin de reconstruction. Jusqu’au pardon.
La Croix L’Hebdo : Quels sont vos premiers souvenirs ici, au cœur de cette réserve des Premières Nations de Maskwacis (Alberta), dans le centre ouest du Canada, terre sur laquelle vous êtes née, avez grandi et toujours vécu ?
Flora Northwest : Ma famille, membre de la Nation crie de Samson, est installée là depuis des générations. J’y suis moi-même née le 15 janvier 1945. Je n’ai quasiment aucun souvenir de mes premières années ici, si ce n’est que mon grand-père me réveillait tous les matins au son de son tambour, en priant dans notre langue le « cri des plaines ».
Lorsque j’ai eu 6 ans, un attelage de chevaux s’est arrêté devant chez moi. À cause de la Loi sur les Indiens, on venait alors me chercher pour m’emmener dans le pensionnat d’Ermineskin, à une dizaine de kilomètres environ de chez nous.
Qu’avez-vous ressenti en arrivant dans cet établissement, géré par des missionnaires catholiques, de sa création, en 1894, à sa fermeture, en 1970 ?
F. N. : Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Je ne parlais pas un mot d’anglais, et on m’interdisait de parler le cri… C’était aussi la première fois que je voyais des Blancs. Les religieuses étaient voilées, en habit noir, les prêtres en soutane, tous avec de grandes croix. J’ai eu peur, parce que je ne savais pas qui ils étaient. Peut-être était-ce là mon premier traumatisme. On a aussi coupé mes longs cheveux, qui m’arrivaient en bas du dos, et retiré mes vêtements pour me faire mettre un uniforme. Certains de mes frères ont été scolarisés à Ermineskin, mais je n’avais pas le droit de leur parler, car ils étaient des garçons.
Des maltraitances, des violences et des traumatismes, vous en avez ensuite subi beaucoup d’autres, pendant les dix années passées entre ces murs…
F. N. : J’ai vu tant d’élèves se faire battre ou attacher par des professeurs… Cela m’est arrivé moi-même un certain nombre de fois. Les religieuses avaient des sortes de sangles avec un bord métallique, venant probablement d’une machine agricole, pour nous taper sur les doigts. Nous avons dû apprendre à tolérer la douleur. On nous traitait là-bas de sauvages, de païens. Et nous finissions par le croire. Notre propre identité devenait confuse, parce qu’on nous coupait de notre histoire, de notre culture, de nos traditions, de nos cérémonies. Oui, ils ont essayé de tuer les Indiens en nous. Quand nous étions punis – parfois sans même que nous en comprenions la raison, car nous essayions pourtant d’être de bons enfants –, nous étions envoyés au sous-sol, dans une sorte de cave à légumes. Nous l’appelions « le donjon ».
Là, nous devions rester sans manger, à éplucher, nettoyer et trier des pommes de terre, que nous avalions parfois crues tant nous avions faim. La nourriture était mauvaise, sauf quand des « officiels » venaient nous rendre visite, auquel cas nous avions droit à des plats un peu meilleurs. Mais c’était rare. Toute l’organisation était militaire : dès l’âge de 5 ou 6 ans, nous devions travailler – éplucher les légumes, faire les lits, récurer les toilettes… Et lorsque c’était mal fait, nous devions tout recommencer. Il y avait une forme d’esclavage. Même si c’était bien sûr interdit, nous étions nombreux à pleurer avant de nous endormir dans nos lits.
Au-delà des mots, des coups, vous avez été abusée sexuellement…
F. N. : Je devais avoir 8 ou 9 ans, et il y avait ce prêtre qui nous appelait par petits groupes : « mes enfants, mes enfants »… Il parlait alors dans notre langue, et essayait de nous attraper, de nous presser, en tenant par-derrière nos corps contre lui. Je ne sais pas précisément jusqu’où il est allé. Parfois, des flashs me reviennent, cela déclenche un état de retour à l’enfance… Je sais que j’ai été abusée, que de nombreuses autres petites filles ont eu leur vie détruite à cause de ce pédophile. Aujourd’hui encore, je ne supporte pas d’avoir quelqu’un dans mon dos. Mon corps se débat, mécaniquement, comme si la mémoire de ce traumatisme s’était imprimée en lui. Le prêtre est mort sans jamais avoir été jugé.
Y avait-il quand même des choses auxquelles vous pouviez vous raccrocher pour tenir ?
F. N. : Pour la nourriture, je me souviens que nous volions de temps en temps du beurre de cacahuète. Nous avions aussi appris à jouer comme nous le pouvions. Il y avait une clôture électrique tout autour du pensionnat, pour nous empêcher de nous enfuir. On s’amusait à se mettre en file, à s’accrocher à elle, et le dernier recevait une décharge. (Elle rit.) Bref, on se distrayait comme on pouvait… Je me rappelle qu’il y avait quand même aussi quelques professeurs et un prêtre – il s’appelait le père Latour – plutôt gentils avec nous.
Qu’avez-vous fait après votre départ du pensionnat d’Ermineskin, à l’âge de 16 ans ?
F. N. : Je suis devenue nounou dans une famille de la ville de Red Deer, à environ 80 kilomètres de Maskwacis. J’étais payée 60 dollars, et j’en reversais la moitié à ma mère pour l’aider à subvenir aux besoins de mes frères et sœurs, mon père étant décédé en 1959. Puis j’ai eu mon premier fils en 1966, et je suis devenue mère célibataire. En 1967, j’ai travaillé pour un institut spécialisé dans le soin aux personnes handicapées, avant de devenir aide-soignante – une mission que j’ai beaucoup aimée – puis de rejoindre, quelques années plus tard encore, une usine de fabrication de meubles.
C’est à cette période que les démons de votre passé ont commencé à resurgir. Quelles séquelles avez-vous gardées de cet enfermement au pensionnat ?
F. N. : Au début des années 1970, j’ai sombré peu à peu dans l’alcoolisme. Je n’avais à ce moment-là pas vraiment conscience que c’était intimement lié aux abus dont j’avais été victime. L’addiction, c’est un mal qui touche beaucoup de survivants. À cette époque, celui qui est devenu le père de mes trois autres enfants buvait aussi. Je pesais près de 90 kilos, je hurlais toute la journée sur mes fils et ma fille – pour qu’ils fassent leurs lits, rangent leurs affaires, mettent la vaisselle dans l’évier… Finalement, je reproduisais le schéma d’autorité, le seul que j’avais connu, des religieuses qui criaient sur nous au pensionnat : la colère que je n’avais pu exprimer enfant, parce qu’elle était aussitôt réprimée, ressortait.
Quand j’ai pris conscience de ce que j’étais en train de devenir, j’ai voulu arrêter. J’aurais pu perdre mes enfants si des services de protection de l’enfance étaient venus m’inspecter. Alors, le 17 février 1974, j’ai bu mon dernier verre, et j’ai entamé, lentement mais sûrement, une thérapie pour sortir de cette dépendance. Mon compagnon n’a pas réussi à suivre, et nous nous sommes séparés en 1975.
Ce sevrage marque, plus largement, le début d’un chemin de guérison psychologique, de réconciliation avec votre histoire, avec vos proches…
F. N. : J’ai eu la chance de rencontrer un peu plus tard un homme qui m’a acceptée telle que j’étais, et qui a comme « adopté » mes quatre enfants, tous alors âgés de moins de 10 ans. Avant son décès d’un cancer, en 2015, nous avons été mariés quarante ans ! Lui n’était pas un survivant, mais il a été vraiment à l’écoute de ce que j’avais vécu. Il m’a aidée à grandir, à mûrir.
J’ai aussi demandé pardon à mes enfants pour la mère que j’avais été, sous l’influence de l’alcool. Je leur ai posé cette question : « Comment avez-vous fait pour vivre avec moi ? » Ils m’ont répondu : « Nous avons appris à faire la sourde oreille. » Et ils m’ont pardonnée, Dieu merci. J’ai dû réapprendre à être une maman, en allant de l’avant.
La libération de ma parole a pris du temps. Pendant longtemps, j’ai eu très peu confiance en moi. Et puis je suis intervenue dans des prisons, devant des détenus – dont un grand nombre d’abuseurs sexuels – pour leur dire ce que cela faisait d’être du côté des victimes. Tout cela m’a fait avancer, mais j’ai dû beaucoup travailler sur moi pour devenir la personne que je suis aujourd’hui.
En 2013, vous avez été auditionnée par la Commission de vérité et de réconciliation (NTCR), créée par les autorités pour faire la lumière sur les exactions commises au sein des pensionnats. Qu’a marqué cette étape dans votre processus de reconstruction ?
F. N. : Chercher à regarder la vérité en face, comme l’a fait cette commission, est toujours important. À partir de 1992, notamment, j’ai commencé ce que j’ai appelé mon « périple » vers la guérison. Pour mieux appréhender la mienne, j’ai commencé par étudier l’histoire des pensionnats, je me suis plongée dans les archives, je suis même physiquement retournée dans l’un d’eux… Mes plaies se sont rouvertes, béantes, et je me suis sentie envahie par une grande colère en mesurant toute la responsabilité du gouvernement dans ce système qui nous envoyait dans des établissements dont la gestion était déléguée aux Églises (catholique, mais aussi protestantes, NDLR).
Par là, les autorités ont cherché à nous contrôler, et cette colonisation a eu des effets dramatiques sur nombre d’entre nous ! Cette Commission a permis de le réaffirmer, de le faire entendre un peu plus. Devant elle, nous avons aussi pu redire combien nous refusions d’être assimilés. Nous sommes les premiers peuples ici, au Canada, et nous n’allons pas abandonner nos droits au nom de quelque politique que ce soit.
En 2010, le premier ministre d’alors, Stephen Harper, a présenté des excuses aux survivants. À ce poste depuis 2015, Justin Trudeau lui a emboîté le pas en 2021. Qu’attendez-vous désormais de la part des autorités pour la réparation ?
F. N. : Principalement, peut-être, la reconnaissance de nos besoins spécifiques, liés en grande partie au passé des pensionnats. Certains membres de nos communautés souffrent du spectre de l’alcoolisme fœtal, beaucoup d’autres sont tombés dans d’autres addictions : il faut encourager le développement de centres de thérapie, de désintoxication dans nos réserves. Je crois sincèrement que les gens qui souffrent de ces problèmes peuvent, à près de 80 %, se rétablir avec des traitements.
Nous avons aussi besoin de plus d’éducation. Si une étude sociologique était menée aujourd’hui dans les prisons fédérales et provinciales pour hommes et femmes au Canada, on verrait que l’immense majorité des détenus sont des enfants ou petits-enfants de survivants. Il faudrait parvenir à briser ce cycle, car cet impact intergénérationnel continue d’éprouver nos communautés. Nous ne demandons pas de pitié. Nos aînés nous avaient appris beaucoup de valeurs : à s’honorer, à se respecter, à ne pas voler, à ne pas se battre… et ce dont nous avons vraiment besoin, c’est que les gens comprennent que nous ne pouvons être blâmés pour certains de nos problèmes (psychologiques et sociaux, NDLR), étant donné ce que nous avons enduré.
L’an dernier, les découvertes des tombes anonymes de 215 enfants aux abords du pensionnat de Kamloops (Colombie-Britannique), puis de 751 autres près de celui de Marieval (Saskatchewan), ont provoqué une onde de choc à travers le pays, renforçant la prise de conscience collective des drames vécus…
F. N. : Oui, cela a été très médiatisé. Comme beaucoup, j’ai été très blessée d’apprendre ces découvertes. On m’a demandé s’il y avait une possibilité qu’on retrouve des tombes près d’Ermineskin. J’ai répondu que je ne savais pas. De nombreux autochtones sont morts dans les pensionnats, mais un grand nombre d’archives n’ont pas été retrouvées. Quand un enfant mourait, les parents étaient-ils prévenus ? Ou était-il enterré directement ? Il y a toujours des zones d’ombre.
Comment voyez-vous les prochaines étapes du processus de réconciliation ?
F. N. : Nous devons continuer à parler du passé pour que les gens comprennent tout ce qui s’est vraiment produit, en étant dans une dynamique sincère de révélation de la vérité. C’est la condition préalable pour moi, afin que nous puissions travailler tous ensemble à la réconciliation, en allant, sur cette base, de l’avant. Beaucoup de gens sont encore très en colère, contre les Églises et contre le gouvernement.
Or, je suis convaincue que cette émotion-là ne mène nulle part. Si vous la contenez en vous, elle peut même finir par vous étrangler. C’est difficile, mais il faut réussir à la surmonter pour l’exprimer de manière positive… C’est ce que j’essaye de faire, à mon niveau, dans ma vie désormais.
Au pensionnat, les religieux ont cherché à vous convertir de force au catholicisme. Quelle est aujourd’hui votre relation à l’Église, et quelles sont vos autres ressources spirituelles ?
F. N. : Je ne suis plus retournée à l’église depuis cette époque-là, mais, s’il le faut, je serais prête à y aller pour des enterrements. Au pensionnat, nous devions prier en permanence, peut-être au moins seize fois par jour. En faisant notre lit, avant le petit déjeuner, après le dîner, etc. Parfois nous étions même réveillés à 5 ou 6 heures pour aller à la messe. Alors forcément, les paroisses, j’ai un peu de mal maintenant. Ça remue trop de souvenirs… Après ces années-là, j’ai réappris à prier en assistant à nouveau à nos cérémonies, et c’est là que je suis pleinement revenue à mon identité de femme autochtone. Mais, finalement, je ne me suis jamais éloignée de Dieu, car je suis intimement convaincue qu’il n’y en a qu’un seul. Pour nous, c’est le grand esprit.
Qu’attendez-vous de la visite historique du pape François, du 24 au 30 juillet, au Canada, visite dont l’une des premières étapes sera justement de se rendre sur l’ancien site d’Ermineskin, à Maskwacis ?
F. N. : Ses excuses pourraient remonter à plus loin que les deux siècles derniers. Il y a cinq cents ans, il y a eu des bulles papales, de Nicolas V et Alexandre VI, expliquant comment les explorateurs européens devaient traiter les autochtones, qualifiés de « barbares ». (Elle entame la lecture d’un article consacré à ce sujet.) C’est toute cette mentalité-là, ancrée dans l’Église depuis si longtemps, qui a participé au développement du système des pensionnats. Ici, la venue du pape François suscite des émotions mitigées, certains estiment qu’ils n’ont pas besoin d’entendre ce qu’il va dire. Moi, j’irai le voir. Je sais que cela pourra peut-être m’aider à compléter mon « périple » vers la guérison. Je crois, plus que tout, à la puissance du pardon.
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Ses dates
1945 Naissance dans la réserve des Premières Nations de Maskwacis, dans l’Alberta (Canada).
1951 Entrée au pensionnat d’Ermineskin, qu’elle quittera dix ans plus tard.
1974 Après être tombée dans l’alcoolisme, elle entame une thérapie pour en sortir.
1992 Début de ce qu’elle appelle son « périple » vers la guérison.
2013 Déposition de son témoignage devant la Commission de vérité et de réconciliation du Canada.
2022 Elle ira voir le pape François lors de son passage à Maskwacis.
Sa danse - La valse
« C’est peut-être très classique, mais c’est une danse que j’ai apprise à l’école et que j’aime beaucoup, même si je n’ai que peu d’occasions de la pratiquer. (Rires.) J’aime aussi nos danses traditionnelles, comme celle en rond. Enfin, j’apprécie également la musique country, et celle autochtone, qui me rappelle le son du tambour de mon grand-père. »
Sa source - Ses enfants et petits-enfants
« Ils sont ma fierté. C’est pour eux que j’ai arrêté de boire, et prolongé mon existence de quarante-sept ans ! Pour leur donner une chance d’avoir une vie meilleure, pour qu’ils puissent aller plus loin dans leurs études, pour qu’ils puissent voyager à travers le monde afin de découvrir d’autres cultures. Et c’est ce qu’ils font ! »
Son lieu - Hawaï
« J’y suis déjà allée avec ma famille et je rêve d’y retourner. Ma sœur avait l’habitude de dire que si Dieu avait laissé une île pour que nous puissions, en la visitant, nous rappeler qui était notre Créateur, c’était bien celle-ci. C’est joliment pensé. »
Recueilli par Malo Tresca, envoyée spéciale à Maskwacis (Canada),
François est arrivé dimanche 24 juillet au Canada, où il doit renouveler ses excuses historiques pour la responsabilité de l’Église au sujet des violences commises dans les pensionnats pour enfants autochtones. Dans le pays, les traumatismes liés à cette page de l’histoire sont encore latents. L’Église locale doit composer avec ce sombre passé et tente d’ouvrir une voie vers la réconciliation avec ces populations.
Bandana noir noué autour de son catogan, larges lunettes vissées sur le nez et mâchoire édentée, Pierre-Paul tourne en rond, cet après-midi-là, autour des tables de l’aide alimentaire du Centre de l’amitié autochtone de Québec. Perché sur son déambulateur électrique, cet habitué du lieu d’aide sociale, réservé aux autochtones en milieu urbain, est venu demander un « coup de main » administratif pour le versement de sa pension de retraite. Et sous l’écho lointain de la musique d’attente d’un organisme dédié, le sexagénaire tue lentement le temps.
À l’évocation de la visite du pape François, arrivé dimanche 24 juillet dans le pays pour demander pardon pour le rôle de l’Église dans les drames des anciens pensionnats pour autochtones, l’œil s’éclaire. « Je suis un survivant de celui de Sept-Îles (est du Québec) », gronde alors l’Innu, sans s’épancher sur ce passé d’enfant brisé. Quand François sera là, Pierre-Paul entend bien aller manifester. « J’amènerai une grande croix avec un enfant mort dessus. Croyez-vous vraiment que Dieu ait envoyé des prêtres pour nous faire subir tout ça ? Pour que des milliers d’enfants périssent entre les murs de leurs pensionnats ? », fulmine-t-il. Avant de lâcher, après un long silence : « Moi, sincèrement, je ne pense pas. »
Plaies béantes
Maltraitances, abus sexuels, spirituels, physiques, psychologiques… En les coupant de leurs croyances et de leurs traditions pour leur faire adopter un mode de vie euro-canadien, les exactions commises, entre 1831 et 1996, à l’encontre des près de 150 000 enfants autochtones passés par ces établissements dont la gestion avait été déléguée par l’État aux Églises – majoritairement catholique mais aussi protestantes – ont laissé des plaies béantes dans le pays.
« Là-bas, ils m’ont pris mon esprit. Comment survivre après ça ? Comment retourner dans une église sans que cela remue trop de choses ? Moi, je n’y suis pas retournée depuis », témoigne Flora Northwest, 77 ans, membre de la Nation crie de Samson et survivante de l’ex-pensionnat d’Ermineskin, à Maskwacis (Alberta). En mai 2021, les découvertes des restes de 215 enfants inhumés dans des tombes anonymes aux abords de l’établissement de Kamloops (Colombie-Britannique), puis de plus de 750 autres le mois suivant près de celui de Marieval (Saskatchewan) ont renforcé l’onde de choc au sein de la société canadienne. Et les semaines suivantes, une dizaine d’églises ont été incendiées dans des conditions troubles.
« Profond remords »
Comment l’Église locale entend-elle cette colère ? Qu’a-t-elle déjà engagé dans cet épineux chantier de demande de pardon et de réconciliation avec les autochtones ? « Beaucoup ont été blessés par ces pages de notre histoire et nous avons besoin de guérir notre mémoire », reconnait le cardinal Gérald Lacroix, archevêque de Québec. « Des hommes et des femmes d’Église n’ont pas été de bons témoins de l’Évangile sur nos terres. Ils ont commis des fautes, en défigurant le message du Christ. Il faut, indéniablement, le reconnaître. »
En septembre 2021, la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) a déjà exprimé son « profond remords »aux populations autochtones en leur présentant des « excuses sans équivoque » : « Nous (les) invitons à cheminer avec nous dans une nouvelle ère de réconciliation, en nous aidant (…) à prioriser les initiatives de guérison, (…) à éduquer les membres de notre clergé (…) de même que les fidèles laïcs, sur les cultures et la spiritualité autochtones. » Peu après, elle annonçait allouer trois millions de dollars canadiens (2,28 millions d’euros), sur cinq ans, pour financer des programmes destinés à « améliorer la vie des survivants, de leurs familles et de leurs communautés ».
« Connexion »
« Au niveau national, nous avons fait ces dernières années des efforts supplémentaires pour rétablir des connexions avec ces populations », précise Mgr Richard Smith, archevêque d’Edmonton (Alberta). Pendant plus de deux ans, ce dernier a lui-même fait partie d’un groupe de travail sillonnant le pays à la rencontre des communautés autochtones. « Nous avons participé à ce qu’elles appellent des “cercles d’écoute” ou “de partage”, pour y entendre les douleurs et les espoirs qu’elles portent dans leurs esprits et dans leurs cœurs », explique-t-il.
Convaincu que le rétablissement des liens se jouera avant tout au niveau local, il encourage la pérennisation de ces espaces de dialogue, encore peu répandus. « À l’exception de quelques rares diocèses – notamment ceux d’Amos et Baie-Comeau –, il y a peu d’interactions entre les catholiques autochtones et ceux descendants des Européens », confirme le père Gilles Routhier, théologien et professeur titulaire de la chaire Monseigneur-de-Laval, à l’université de Laval (Québec). Une carence qu’il explique d’abord par « le fait culturel, dans la mesure où ces communautés ont une liturgie davantage inculturée, dans leur langue et avec leurs symboliques propres ».
« D’autre part, le système de “réserve”, créé pour ces populations par l’Etat fédéral, a contribué à créer une forme d’apartheid ; ils se réunissent entre eux sur ces terres. Pour sortir de l’ignorance, tout l’enjeu va être de réussir à créer des ponts, sans nier leurs spécificités », poursuit-il. Au sein de l’Église canadienne, quelques lieux tentent de relever cet épineux défi. C’est le cas de la paroisse du Sacré-Cœur des Premières Nations à Edmonton. En ce dimanche matin, la communauté locale s’est réunie pour assister à sa traditionnelle « messe autochtone » dans le gymnase temporairement prêté par un établissement scolaire voisin, en attendant que son clocher historique – en rénovation, après avoir été ravagé par un incendie en août 2020 – ne rouvre officiellement ses portes la semaine suivante.
« Une nouvelle culture de la réconciliation »
Fait notable, cette célébration intègre des rituels issus des traditions des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Devant l’image d’un Christ crucifié au centre d’un cercle sacré, Fernie Marty, 73 ans, bénit avec une grande plume d’aigle les prêtres et fidèles arrivant devant un récipient dans lequel brûlent des bâtons de sauge. « Je crois au Créateur, quel que soit son nom. C’est une chance de pouvoir venir ici se purifier, prier et adorer d’une manière différente, tout en restant ancrés dans la foi catholique. Il y a une combinaison de nos cultures avec celle de l’Église, et cela donne quelque chose de très puissant… », s’enthousiasme l’homme tatoué.
Crâne rasé, chapeau à plume et tee-shirt orange – couleur symbolisant la mémoire des victimes des pensionnats –, Johan, 67 ans, est ici un paroissien blanc. « Nous sommes une grande famille, quelles que soient nos origines. Moi, j’identifie mieux le message du Christ aux choses telles qu’elles se vivent ici », poursuit celui qui a adopté avec son épouse deux enfants des Premières Nations, dont la mère, « survivante », est tombée, comme tant d’autres, dans l’alcoolisme. Alors que la société canadienne reste déchirée par les effets du colonialisme, « nous essayons de promouvoir une nouvelle culture de la réconciliation. C’est, en soi, déjà un signe que des gens issus de toutes les nations prient ensemble », martèle le père Mark Blom, prêtre associé de cette paroisse où doit s’arrêter François lundi 25 juillet.
La messe autochtone du Sacré-Cœur intègre des rituels issus des traditions des Premières Nations, des Métis et des Inuits. À Edmonton, dimanche 10 juillet. / Amber Bracken/The Globe and Mail pour La Croix
« J’espère que le pape reconnaîtra qu’il est ainsi possible d’embrasser différentes cultures, d’honorer leur spiritualité, sans que cela ne dévoie notre identité catholique », confie-t-il. Que peuvent même apporter ces traditions à l’Église ? « Cela dépend de chaque nation, mais certainement une plus grande conscience de notre lien à la Création et du fait que nous sommes tous frères », répond le père Garry LaBoucane, lui-même métis.
Depuis 2002, ce dernier est aussi le directeur spirituel du Pèlerinage du lac Sainte-Anne, événement qui fait chaque année affluer, le 26 juillet – jour de la fête de la mère de la Vierge –, près de 40 000 autochtones de tout le pays aux abords de cette paisible étendue d’eau, à une soixantaine de kilomètres d’Edmonton. Un moyen de garder le lien : « C’est le plus grand rassemblement spirituel autochtone d’Amérique du Nord. C’est à la fois un pèlerinage, un temps de prières, mais aussi simplement un moment de retrouvailles familiales, amicales… »
Mots justes
Comment trouver les mots justes pour parler de Dieu devant ces assemblées, sans réveiller les traumatismes du passé ? L’exercice est délicat. Devant la communauté du Sacré-Cœur des Premières Nations, le père Blom axe son homélie sur la parabole du bon Samaritain, qui « s’arrête et panse les blessures de son prochain ». Brandissant deux tombes découpées en carton, il implore soudain : « Nous prions pour que notre paroisse soit en mesure d’inverser les préjudices causés aux peuples autochtones, par les colons et par le système des pensionnats. »
D’autres paroles, parfois plus difficilement audibles, peuvent encore accompagner le processus. Sans nier l’ampleur des exactions commises, « peut-être est-ce bon de rappeler que nous avons aussi des raisons d’être fiers d’autres pages de notre passé, assure le cardinal Lacroix. Regardons les figures des saints missionnaires François de Laval – premier évêque de Québec, qui avait défendu bec et ongles les droits des autochtones –, ou de Marie de l’Incarnation, fondatrice des ursulines de la Nouvelle-France, qui a eu une attention si spéciale aux besoins éducatifs des filles autochtones ».
« Tout le monde souffre de ce douloureux héritage historique. Y compris – et nous l’oublions souvent – les hommes et les femmes qui ont travaillé dans ces pensionnats et qui ont essayé de faire de bonnes choses dans un système défectueux, renchérit Mgr Smith. Ils sont aussi brisés de savoir que cela était mauvais. » Selon lui, outre la volonté d’établir des structures de dialogue au niveau national, les évêques canadiens devraient réfléchir, à l’automne lors de leur prochaine assemblée plénière, à la manière dont chacun peut désormais approfondir la relation avec les populations autochtones sur son territoire pastoral.
Fernie Marty bénit avec une grande plume d’aigle les fidèles lors de la messe autochtone du Sacré-Cœur, à Edmonton, dimanche 10 juillet. / Amber Bracken/The Globe and Mail pour La Croix
Car beaucoup en sont convaincus : la réconciliation ne pourra « pas se faire par le haut », mais en partant des spécificités culturelles des communautés, et des désirs et besoins qu’elles expriment sur le terrain. En attendant, tous espèrent que la visite de François contribuera à apaiser la situation, et à faire avancer les survivants et leurs descendants sur le chemin de la guérison. À la messe autochtone du Sacré-Cœur, l’homélie du père Blom touche à sa fin. Il a toujours à la main ses deux tombes en carton, et le voilà qui les retourne lentement, en les semi-juxtaposant. Ainsi apparaît, devant l’assemblée subjuguée, un grand cœur rouge vif.
En décembre 2021, le gouvernement canadien a signé "le plus important accord d'indemnisation dans l'Histoire du Canada", mettant fin à une saga judiciaire de près de 15 ans. Il devra payer 40 milliards de dollars pour avoir imposé un système discriminatoire et raciste de services à l'enfance depuis les années 1990. Une somme colossale destinée à des réparations financières et une réforme du système. Dans les communautés autochtones, l'accord est accueilli avec prudence, tant la confiance en Ottawa est faible.
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