En 2017, l’ONG israélienne Gisha, qui étudie la liberté de circulation des Palestinien·nes, avait constaté que pour les deux tiers de la population israélienne, la stratégie du gouvernement à Gaza mettait en péril la sécurité d’Israël. Nétanyahou, qui, pour apaiser les éruptions de colère sporadiques des Gazaoui·es, alternait les frappes aériennes et les attributions de permis de travail en Israël à des dizaines de milliers de résident·es de l’enclave, n’y avait apparemment pas pris garde.

Au pouvoir depuis huit ans, le premier ministre avait, il est vrai, d’autres soucis que l’évaluation de sa politique à Gaza : développer la colonisation en Cisjordanie et échapper aux procès pour corruption qui le menaçaient. C’est pourtant cette même colère contre Israël, radicalisée par seize ans d’emprisonnement à ciel ouvert, qui habitait les terroristes du 7 octobre.

Et sur ce point encore, Nétanyahou et son gouvernement ont failli. Dénoncée depuis près d’un an par des mobilisations géantes de la société civile lui reprochant ses projets de réforme antidémocratiques, la coalition gouvernementale d’extrême droite rassemblée autour de « Bibi » n’a, par exemple, tenu aucun compte des quatre rapports communiqués au gouvernement par la branche « renseignement » de l’état-major au cours des six derniers mois.

Des rapports aux oubliettes

Documentés et alarmants, ces rapports mettaient en garde le pouvoir politique contre le net affaiblissement de la capacité de dissuasion de l’armée, provoqué par la démobilisation de nombre de réservistes et d’officiers qui avaient rejoint le mouvement de la société civile contre le « coup d’État » préparé par le premier ministre et ses alliés. L’un de ces rapports notait même que « l’axe radical Iran-Hezbollah-Hamas avait identifié plusieurs moments propices pour frapper Israël », sans cependant signaler que le danger viendrait du Hamas et de Gaza.

Un autre document, consacré au déploiement des unités sur le territoire, critiquait la concentration excessive de troupes en Cisjordanie, destinées à assurer la sécurité de colons dont les actions n’étaient pas toutes légales. Ce qui avait contraint à alléger la protection d’autres zones pourtant plus exposées, comme le nord et le voisinage de Gaza.

« Nétanyahou, dit un officier qui a eu connaissance de ces rapports, a considéré que ces documents révélaient la volonté des militaires de se mêler de politique, ce qui n’est pas leur métier, et a refusé d’en tenir compte. »

Plus récemment, le gouvernement ne semble pas non plus avoir accordé l’intérêt qu’ils méritaient aux rapports, pourtant communiqués par la voie hiérarchique, en provenance d’une unité basée près de Sdérot, à 2 kilomètres au nord de Gaza. Chargées de surveiller les mouvements et les communications au sein de l’enclave, des équipes de soldat·es avaient remarqué, plusieurs semaines avant l’attaque du 7 octobre, des mouvements inhabituels et surtout des fluctuations anormales des communications, qui semblaient révéler l’usage d’autres réseaux, moins détectables, peut-être dans le but de dissimuler la préparation ou la réalisation d’une opération que les islamistes voulaient garder secrète.

Les massacres et les prises d’otages du 7 octobre auraient-ils eu lieu si les observations des soldates et soldats de Sdérot avaient été considérées par des regards plus attentifs ? Par un premier ministre moins soucieux de son destin personnel que de la sécurité de son pays ? Une commission d’enquête le révélera peut-être un jour. Après avoir tenté de prétendre qu’il n’avait jamais été informé des projets terroristes du Hamas et de rendre responsables de la réussite de l’attaque les chefs de l’armée et des services de renseignement militaires et intérieurs qui avaient, sans l’attendre, admis leurs responsabilités dans cet échec, Nétanyahou a retiré ses accusations, dimanche 30 octobre, à la demande de l’ancien général Benny Gantz, membre de son « cabinet de guerre ».

Il a même ajouté, lors d’une conférence de presse : « Après la guerre, tout le monde, moi compris, devra répondre à des questions difficiles. » Juste auparavant, après trois interminables semaines de réflexion, il avait reçu les familles des otages. Sans pouvoir les rassurer.

Non seulement il a été incapable d’empêcher la tragédie historique du 7 octobre, mais surtout il a contribué à la faire advenir. Chacun·e en Israël a aujourd’hui compris que derrière ses pathétiques tentatives de postures churchilliennes se cache un politicien médiocre et vaniteux qui ne reculera devant aucun mensonge pour préserver ses intérêts personnels. Le « roi Bibi » est mort.

 

 

 

René Backmann

30 octobre 2023 à 13h21

https://www.typepad.com/site/blogs/6a00d834529ffc69e200d834529ffe69e2/post/6a00d834529ffc69e202c8d3a17d74200b/edit?saved_added=n

 

.