de quel célèbre gangster le personnage de Depardieu est-il inspiré ?
La comédie policière "Inspecteur la Bavure" est diffusée cet après-midi sur France 2. A cette occasion, petit focus sur la source d'inspiration du gangster joué par Gérard Depardieu : Jacques Mesrine.
Dans Inspecteur la Bavure, qui réunit deux des acteurs les plus demandés de la fin des années 1970, Coluche et Gérard Depardieu, Michel Clément obtient de justesse son diplôme d'inspecteur stagiaire et rêve d'arrêter l'ennemi public numéro un, Roger Morzini. Celui-ci, devenu méconnaissable suite à une opération de chirurgie esthétique, se lie d'amitié avec lui... A l'occasion de la diffusion de cette comédie policière cet après-midi sur France 2, retour sur la source d'inspiration principale du personnage de Morzini : Jacques Mesrine, ex-véritable ennemi public numéro un tué par la police en 1979.
Capture d'écranGérard Depardieu et Coluche
Après avoir rejeté l'école, Jacques Mesrine officie en tant que parachutiste commando lors de la guerre d'Algérie et est même décoré. A son retour, il se tourne rapidement vers la criminalité en région parisienne et enchaîne les braquages et autres cambriolages, tout en se mariant et fondant une famille. En 1962, ses activités illicites l'amènent pour la première fois en prison. A sa sortie, un an plus tard, il trouve un travail mais le perd rapidement pour cause de licenciement économique. Il redevient alors criminel, et sévit en France, mais aussi à l'étranger, comme à Majorque ou en Suisse.
A la fin des années 1960, Jacques Mesrine se rend au Québec, où ses nombreux braquages le mènent dans une prison de haute sécurité, de laquelle il s'évade de manière spectaculaire. De retour en France, il se retrouve, là encore, condamné à une longue peine à la prison de la Santé, mais d'où il se fait, à nouveau, la malle (avec son complice François Besse). Il s'engage alors dans une longue et très médiatisée cavale, ponctuée de nombreux crimes. Jacques Mesrine est finalement abattu par la police en 1979, Porte de Clignancourt, dans sa voiture.
Un tel parcours a bien évidemment eu droit à ses adaptations au cinéma. Hormis le film de Claude Zidi qui s'en est inspiré de manière comique, l'histoire de ce criminel aguerri a plusieurs fois été racontée dans des polars et/ou biopics : La Guerre des polices de Robin Davis, Mesrine d'André Génovès et bien sûr le diptyque de Jean-François Richet, permettant à Vincent Cassel de livrer une prestation anthologique (Gérard Depardieu y joue d'ailleurs, dans le premier volet L'Instinct de mort, le malfrat expérimenté Guido qui se lie d'amitié avec le natif de Clichy).
Pour concevoir le personnage de Roger Morzini, le gangster se faisant passer pour un auteur dans Inspecteur la Bavure, les scénaristes Claude Zidi et Jean Bouchaud se sont donc inspirés de Jacques Mesrine (sans retranscrire sa violence comme il s'agit d'une comédie) : pour la capacité de ce dernier à passer inaperçu en se déguisant (il était surnommé "l'homme aux mille visages"), mais aussi pour son audace, son charisme et son éloquence. Des particularités ayant contribué à forger sa réputation et qui se retrouvent clairement dans le personnage de Depardieu !
A sa sortie, en 1983, Inspecteur la Bavure a réalisé pas loin de 3,7 millions d'entrées sur le sol français. Une solide performance, même si plusieurs comédies mises en scène par Claude Zidi ont mieux marché.
Après la défaite de Thapsus, en avril 46 avant J.C, Juba I avait tenté de regagner sa capitale, Zama mais, les Romains l’ayant devancé, il ne put accéder à la ville où était restée sa famille. Sur le point d’être capturé, le roi numide préféra se donner la mort. Son fils, le jeune Juba, fut pris et envoyé à Rome.
En septembre de la même année, César le fit figurer à son triomphe, aux côtés des chefs qu’il avait vaincu, dont Vercingétorix. L’enfant, qui avait tout juste cinq ans, suivit le char du vainqueur, à la place de son père.
Le même César prit sous sa protection le jeune Numide. A sa mort, ce dernier passa sous la protection d’Octave qui se chargea de son éducation. Intelligent et doté d’une grande mémoire, Juba s’initia à toutes les disciplines qu’on apprenait alors. Il parlait, avec la même aisance, le latin et le Grec, ce qui fit dire à Plutarque que " le Barbare numide était devenu le plus fin des lettrés grecs ". Le destin du petit captif ne devait pas s’arrêter là. Octave, qui était devenu son ami, lui fit obtenir la citoyenneté romaine et l’associa à ses campagnes d’Egypte, dans la guerre contre Antoine et Cléopâtre (31-29 avant J.C). Le même Octave, devenu Auguste, le rétablit dans ses droits de souverain et lui tailla un royaume sur le territoire de la Maurétanie dont Rome s’était emparé après la mort du roi Bocchus. En fait, Auguste avait trouvé en Juba la personne qu’il fallait pour administrer un pays réfractaire à la domination étrangère mais peut-être prêt à accepter un souverain d’origine africaine. Bien que numide, Juba fut, en effet, accepté par ses sujets auxquels il apporta, il est vrai, la stabilité.
Sur ordre d’Auguste, sans doute, Juba épousa quelques années plus tard Cléopâtre Séléné, fille de la grande Cléopâtre d’Egypte et du triumvir Antoine. La jeune princesse avait été, elle aussi, enlevée à sa patrie, après la défaite et la mort de ses parents et élevée à Rome. Auguste voulait, par cette union, montrer au monde la grandeur et la magnanimité de Rome qui, après avoir vaincu ses ennemis, s’alliait leurs enfants, allant jusqu’à les faire gouverner pour son compte. Conformément à la tradition égyptienne, Cléopâtre fut associée au règne de son époux : les monnaies frappées en son nom, entre 20 et 19 avant J.C., ainsi que les symboles égyptiens qui y figurent, le prouvent. Nous ne savons rien de la vie du couple sauf que Cléopâtre donna à Juba un fils, Ptolémée, appelé ainsi du nom d’un de ses aïeux égyptiens, et qui devait lui succéder. Cléopâtre Séléné mourut vers 6 ou 5 avant J.C. et, selon la tradition, Juba lui aurait élevé le fameux Mausolée Royal de Maurétanie (Tombeau de la Chrétienne), aux environs de Tipaza, à l’Est d’Alger
Le règne de Juba II, long d’une cinquantaine d’année, fut plutôt calme, même s’il fut traversé par des révoltes, comme celle des Gétules, en l’an 6 de l’ère chrétienne.
Jusqu’à sa mort, en 23 ou 24 après J.C, il fut un fidèle vassal de Rome et ne manqua pas de mettre à sa disposition, comme dans la guerre menée contre Tacfarinas, son armée et ses biens.
Son royaume connut, grâce à la stabilité dont il jouissait, une certaine prospérité. Sa capitale, Iol (l’actuelle Cherchell), rebaptisée Caesarea, en l’honneur d’Auguste, connut, sous son règne, un grand essor. Il l’agrandit, la dota d’un port et l’embellit de monuments et de statues de style grec.
Le commerce et l’industrie y florissaient, notamment les teintureries qui produisaient la célèbre pourpre de Gétulie, chantée par les poètes latins
Mais le tombeau a aussi sa légende, la voici : Un Arabe de la Mitidja, Ben Kassem ayant été fait prisonnier lors d’une attaque pirate, fut emmené en Espagne et vendu comme esclave à un vieux savant. Un jour, son maître lui dit : " Ben Kassem, je peux te rendre à ta famille et à ton pays, si tu peux me jurer de faire tout ce que je vais te demander. " L’arabe promis car ce qu’on lui demandait était très simple. Arrivé sur l’autre coté de la Méditerranée, il se rendit au tombeau de la Chrétienne et, là, il obéit à son ancien maître en faisant brûler un papier que le vieux savant lui avait confié. A peine le papier qu’il avait jeté dans le brasier fut-il consommé, qu’il vit le tombeau s’entrouvrir pour donner passage à un nuage de pièces d’or et d’argent qui s’élevait et filait vers l’Espagne. Ben-Kassem, pétrifié, réagit en lançant son burnous sur les dernières pièces et en ramena quelques-unes. Quant au tombeau, il s’était déjà refermé, le charme était rompu… Ben-Kassem garda longtemps le silence mais, finalement, ne put se retenir de conter cette aventure aussi prodigieuse. Le Pacha Salah-Rais, qui régna (1552 à 1556), envoya un grand nombre d’ouvriers pour démolir pierre par pierre le tombeau et en ramener le trésor. Le monument venait à peine d’être attaqué par les pics des démolisseurs qu’une femme chrétienne apparut sur le sommet du tombeau, étendit les bras en s’écriant " Halloula !! Halloula ! à mon secours ! " et aussitôt une nuée d’énormes moustiques dispersa les travailleurs. Plus tard, Baba-Mohamed-ben-Othmane, pacha d’Alger de 1776 à 1791, fit démolir à coup de canon le revêtement Est, toujours sans succès.
Puisque nous sommes à Tipasa, allons-nous promener dans les ruines, dans un site prestigieux en bordure de mer, avec comme fond la montagne du Chenoua.
Et si vous êtes vraiment curieux, imaginez ce que devait être la basilique chrétienne, construite après la mort de Juba II .
Si vous mêliez les vielles pierres, le site et l’esprit d’Albert Camus alors quelle belle journée vous aurez passée !
« […] Je gravissais l’un après l’autre des coteaux dont chacun me réservait une récompense, comme ce temple dont les colonnes mesurent la course du soleil et d’où l’on voit le village entier, ses murs blancs et roses et ses vérandas vertes. […]
La basilique Sainte-Salsa est chrétienne, mais à chaque fois qu’on regarde par une ouverture, c’est la mélodie du monde qui parvient jusqu’à nous : coteaux plantés de pins et de cyprès, ou bien la mer qui roule ses chiens blancs à une vingtaine de mètres.
La colline qui supporte Sainte-Salsa est plate à son sommet et le vent souffle plus largement à travers les portiques. Sous le soleil du matin, un grand bonheur se balance dans l’espace »
C’est ainsi qu’Albert Camus décrit le village de Tipasa et ses ruines antiques dans les célèbres Noces à Tipasa publiées en 1938.
Donnant sur la mer Méditerranée, située à quelques kilomètres à l’ouest d’Alger, la ville de Tipasa possède à la fois un site romain et une nécropole punique. Ils ont été classés à l’UNESCO en 1982.
Tipasa signifierait « passage » ou « point de passage » en phénicien. Située entre Icosium (Alger) et Iol (Cherchell), la cité protégée par des falaises était devenue un point de relâche des navigateurs phéniciens qui venaient s’y ravitailler en eau mais aussi s’arrêter la nuit.
Elle se développe sous le règne du roi numide Juba II et de Cléopâtre Séléné, l’unique fille d’Antoine et de Cléopâtre VII. Mais en 39 ap. J.-C le fils de Juba II, Ptolémée, est exécuté sur ordre de l’empereur Caligula. Le royaume de Maurétanie est alors annexé à l’empire romain.
En 46 ap. J.-C, le successeur de Caligula, Claude, accorde le droit latin à Tipasa selon Pline l’Ancien. Moins avantageux que le droit romain, il permet aux élites d’obtenir la citoyenneté romaine et accélère ainsi l’assimilation des populations locales.
En effet, environ un siècle plus tard, Tipasa devient une colonie romaine, Aelia Tipasensis, entre 145 et 150 ap. J.-C. L’agglomération va alors s’accroître considérablement, et atteindre son apogée dans la seconde moitié du IIe siècle ap. J.-C.
C’est le site romain que nous allons vous présenter dans cet article.
Visite du site romain
L’amphithéâtre
L’amphithéâtre est le premier monument que l’on rencontre en entrant dans le parc archéologique de Tipasa.
Il est dédié aux spectacles et notamment ceux de gladiateurs. Née en Italie, cette tradition s’est répandue en Afrique par les armées romaines. Il est notamment possible de remarquer un grand mur qui borde l’arène, ce qui permettait de protéger les spectateurs des bêtes sauvages utilisées dans les spectacles.
Son plan est celui d’une ellipse dans un rectangle, avec un grand axe de 80 mètres de longueur. Il est encore possible d’apercevoir ses gradins en grande partie détruits, leurs vomitoires, et les deux portes Est et Ouest. De nombreuses bases honorifiques ont été réutilisées en remploi pour le construire. Un petit columbarium fût également retrouvé, et serait soit un réemploi soit un cimetière des gladiateurs tués dans l’arène.
Enfin il s’agit certainement d’un monument tardif car il empiète sur la cella d’un temple du decumanus.
Les deux temples du decumanus
Entrons maintenant sur le decumanus maximus, un des deux grands axes des villes romaines avec le cardo.Large de 14 mètres il était doté de plusieurs temples et d’un arc monumental à quatre baies, dont on ne conserve plus que les soubassements. Il s’élargissait vers l’est pour former une grande place avec deux temples encore visibles aujourd’hui qui se font face.
Le temple anonyme. Il ne subsiste de ce sanctuaire que le podium et l’escalier menant à la cella. La cour était également ornée d’un triple portique. Si une jambe d’une statue colossale a été retrouvée, la divinité honorée dans ce temple n’a pas été identifiée.
Le nouveau temple. Ce dernier est daté de la fin du IIe siècle ou du début du IIIe siècle ap. J.-C. Comme le temple anonyme il est constitué d’un podium et d’une cour bordée d’un portique.
Il faut désormais rejoindre le cardo qui court jusqu’à la mer Méditerranée en contrebas. Au carrefour du decumanus et du cardo, se trouve le forum.
La basilique et le forum
Dominant la mer, le forum constituait le cœur de la vie romaine. On y prononçait l’oraison funèbre des citoyens importants, on y célébrait des sacrifices grâce aux autels qui s’y trouvaient et les magistrats pouvaient y présider le conseil municipal. Il est constitué d’une place piétonnière entièrement dallée, occupée par des magasins, dont on conserve encore des jarres qui contenaient notamment de l’huile d’olive, mais aussi des bases honorifiques et une basilique.
Sur un plan d’inspiration hellénistique, la basilique était composée de trois nefs. La majorité de son décor a disparu mais on conserve une de ses très belles mosaïques, aujourd’hui déposée au musée de Tipasa. On y distingue trois captifs ce qui permettrait d’affirmer qu’il s’agissait d’un lieu où l’on rendait la justice.
La mosaïque dite des captifs déposée au musée de Tipasa issue de Sites et monuments antiques de l’Algérie
Les captifs, peut-être des Maures, sont entourés de portraits d’Africains où on pourrait reconnaître des portraits d’habitants de Tipasa, ou la représentation des différentes ethnies pacifiées et désormais assimilées aux Romains.
Elle se situait dans l’abside de la basilique et daterait du IIe siècle ap. J.-C, alors que la ville connaît un essor important.
Pour autant le forum n’est pas uniquement constitué de bâtiments publics, mais aussi d’une des plus belles maisons de la cité antique,
C’est la découverte de décors muraux sur enduit qui a donné le nom à la maison. La villa des fresques a été construite sur l’emplacement d’une ancienne nécropole, probablement au milieu du IIe siècle ap. J.-C. Elle fût remaniée de nombreuses fois, et c’est un état tardif qui est visible aujourd’hui.
Plan de la villa des fresques issu de Sites et monuments antiques de l’Algérie p. 57
La maison couvre une superficie de 1000 m2.
On y entre par une porte cochère doublée d’une entrée pour piétons car le portique donne sur le cardo. On arrive ensuite sur une cour intérieure bordée d’un péristyle autour de laquelle s’organise les pièces d’habitation :
Un salon oecus qui offre la meilleure vue sur la cour intérieure et possède une belle mosaïque encore visible sur place.
Un solarium, en face du salon, qui donnait sur la Méditerranée.
Deux salles à manger, triclinia.
Trois chambres, cubicula.
Et enfin des thermes privés, des celliers…
Il paraît probable que la maison ait reçu un étage. Ainsi, s’il existe plusieurs autres demeures luxueuses à Tipasa, la villa des fresques est une des mieux conservées et montrent l’adoption du modèle architectural romain en Afrique.
Après le forum et la villa des fresques, il faut reprendre le decumanus maximus pour rejoindre le nymphée et le théâtre.
Le nymphée est un édifice public qui amène l’eau aux habitantsde Tipasa. Il est découvert par l’archéologue Adrien Berbrugger peu avant 1864 sur un terrain appartenant à un colon français, Trémaux. La fontaine constitue l’aboutissement d’un aqueduc qui alimente la ville en eau. Cet aqueduc prend naissance à 9 kilomètres au sud-ouest de Tipasa, près des oueds (rivières) Meurad, Bourkika et Bou Yersen. Le cours de cet aqueduc est en grande partie invisible, car souterrain.
L’eau descendait en cascade, degré par degré, jusqu’au bassin du bas où elle était puisée. Plusieurs éléments de décor de ce nymphée ont été conservés. On peut notamment voir six colonnes, des chapiteaux et des parements. Si dans un premier temps Serge Lancel dans sa monographie, Tipasa de Maurétanie en 1966, supposa que les colonnes et le parement du mur du fond étaient en marbre bleu, il s’agirait plus vraisemblablement de colonnes en calcaire gris indigo et bleuâtre, et de gneiss pour le placage du fond. En effet une fois poli, le gneiss permet d’imiter l’éclat du marbre. Les chapiteaux seraient quant à eux en tuf. Cette hypothèse paraît tout à fait probable car le calcaire, le gneiss et le tuf se trouvent dans les environs de Tipasa. Ils sont de plus beaucoup moins coûteux que le marbre.
Le décor permet de dater le nymphée entre lafin du IIIe et le début du IVe siècle ap. J.-C selon Stéphane Gsell et Pierre Aupert.
Les colonnes sont au nombre de six actuellement, mais Gsell pense qu’il y en avait dix à l’origine. Il y a également deux bases vides, qui devaient recevoir des statues aujourd’hui disparues. Le propriétaire français Trémaux possédait à la fin du XIXe siècle un fragment de statue masculine désormais disparue. De plus, Stéphane Gsell rapporte que le premier fouilleur du nymphée, Berbrugger, racontait avoir retrouvé une « belle statue de marbre blanc » qui avait ensuite été taillée en bénitier. Bien que cette information surprenne, il serait possible qu’il s’agisse de la deuxième statue disparue du nymphée.
Par sa fonction, le nymphée est lié aux divinités aquatiques. Il serait donc possible que les statues les représentaient. Enfin l’ordre des chapiteaux est corinthien selon la règle de Vitruve pour les fontaines.
Ainsi, bien que le nymphée soit fortement abîmé, il est possible de se faire une idée de sa magnificience. Si les matériaux ne sont pas des plus riches (il n’y a pas de marbre par exemple), ses jeux de cascade et sa décoration témoignent d’un grand raffinement.
L’archéologue Pierre Aupert propose une restitution du nymphée en 1974 :
Le théâtre
Il s’agit du dernier monument du site romain, étant situé à l’extrémité ouest du decumanus et donc à la sortie de la ville antique.
A la différence de l’amphithéâtre qui est un monument d’origine romaine, le théâtre vient des Grecs. S’il est moins bien conservé que le théâtre de Timgad, autre grand site romain algérien, le théâtre de Tipasa comporte encore des gradins, des vomitoires mais aussi les piliers qui supportaient le plancher de la scène.
Serge Lancel pense que le théâtre de Tipasa a été influencé par les théâtres grecs où le décor naturel jouait une grande place. En effet il se situe parmi la végétation (cyprès, oliviers…), en retrait de l’agitation du forum.
Conçu pour accueillir 3000 personnes, son plan est composé de trois gradins avec un orchestre semi-circulaire séparé de la scène par un mur de briques auparavant paré de marbre. Une grande partie de ses gradins a été démontée en 1847 pour la fondation de l’hôpital de Marengo destiné aux cholériques.
Conclusion
Bien que sa partie basse ait certainement disparue dans la mer Méditerranée, Tipasa reste un témoignage des tentatives d’assimilation des Africains par les Romains, que ce soit par les monuments, l’architecture ou le décor. Il connaîtra ensuite une occupation punique et chrétienne.
Pour visiter Tipasa
Tipasa est composé de trois sites distincts avec une tarification individuelle :
Le site archéologique romain que l’article vous a présenté
La nécropole punique
Le musée archéologique au cœur de la ville
Conseil de visite : Sur la route entre Alger et Tipasa, vous pouvez également vous arrêter pour visiter le mausolée, probablement de Cléopâtre Séléné, dit le Tombeau de la Chrétienne.
Bibliographie
AUPERT Pierre,
Le nymphée de Tipasa et les nymphées « septizonia » nord-africains, Rome : Ecole française de Rome, 1974
BLAS DE ROBLES Jean-Marie et SINTES Claude,
Sites et monuments antiques de l’Algérie, Aix-en-Provence : Archéologies, 2003
BOUCHENAKI Mounir,
Cités antiques d’Algérie, Alger : Ministère de l’Information et de la Culture, Collection Art et Culture, 1978
FERRANTI Ferrante,
Algérie antique, Arles : Actes Sud, 2013
LANCEL Serge,
Tipasa de Maurétanie, Alger : Direction des Affaires culturelles, 1966
SINTES Claude,
Algérie antique, catalogue d’exposition (Musée de l’Arles et de la Provence antiques du 26 avril au 17 août 2003), Arles : Editions du Musée de l’Arles et de la Provence antiques, 2003
Camus : La basilique Sainte-Salsa est chrétienne, mais chaque fois qu'on regarde par une ouverture, c'est la mélodie du monde qui parvient jusqu'à nous : coteaux plantés de pins et de cyprès, ou bien la mer qui roule ses chiens blancs à une vingtaine de mètres. La colline qui supporte Sainte-Salsa est plate à son sommet et le vent souffle plus largement à travers les portiques. Sous le soleil du matin, un grand bonheur se balance dans l'espace. Encore une fois, sur l'écran de ma mémoire défilent les images d'un week-end passé à la ferme de Marengo. Nous avions déjeuné dans la grande cuisine paysanne et c'est la mauresque de la maison qui nous avait servis. Mes cousins s'adressaient à elle en arabe. Jean-Claude affirma que les fellaghas venaient toutes les nuits sur les hauteurs de la grande propriété et qu'elle était obligée de leur servir un repas. C'était connu, même de l'armée. Elle n'avait pas le choix si elle tenait à la vie. Elle jouait sur deux tableaux : elle se dévouait pour les Français dans la matinée et nourrissait les hommes de la rébellion dans la nuit.
Nous avions décidé de passer l'après-midi à Tipasa et nous sommes partis dans la 2 CV ainsi que dans la Simca Aronde, en nous serrant un peu. Un jeune lieutenant basé dans la région, passa la journée avec nous. Il ne disait pas les fellaghas mais les fells ou les fellouzes . Il ajouta que lorsque les militaires envoyaient un message, le code était HLL , traduire Hors La Loi . Nous étions tous chaussés pour marcher confortablement dans la campagne car la terre n'était pas très sèche. J'eus envie d'aller flâner vers Sainte Salsa et Jocelyne, la sœur de Jean-Claude, trouva que j'avais des goûts morbides. Elle a quand même fini par acquiescer et elle est venue avec nous. Camus écrivait :
« Les tombeaux de Sainte-Salsa. (Les sarcophages pleins d’eau noire, sous les tamaris détrempés). »
J'ai cheminé devant les autres, le nez au vent et nous avons attendu le que ciel s'assombrît un peu pour rentrer.
Cliché que j’avais pris sur la plage de Matarès où venait se baigner Albert Camus en compagnie de José Lenzini et du sculpteur Louis Bénisti. Sur la photo, Jocelyne, tout à fait à droite. La route n'était pas longue et l'armée veillait mais nous n'étions jamais à l'abri d'un attentat. Le lieutenant qui nous avait demandé de le tutoyer, n'était pas armé. J’ai parlé à mes cousins d'Albert Camus qui était contre la peine de mort. Jean-Claude s'est exclamé que Camus ferait bien de revenir à Marengo et qu'il aurait vite fait de comprendre. Pour le moment, l'armée française montrait son courage et les officiers leur bravoure, souvent aussi leur audace dans les combats, ils croyaient avec beaucoup de fermeté à l’Algérie française, mais, mais, mais... Cette guerre ne serait-elle pas sans fin? Ce soir-là, j'avais été bien pessimiste.
Voici une lettre écrite par Camus à destination de Jean Sénac, deux mois avant notre sortie à Tipasa avec les cousins de Marengo et les copains. Des sorties, des promenades il y en eut tant et tant que souvent les souvenirs se bousculent et les dates s'emmêlent dans ma tête. Les photos sont un point de repère. C'était au printemps 1957. Cette lettre a été publiée, d'après ce que je lis, par Nicolas Philippe pp.174-176. Albert Camus. Réflexion sur le terrorisme avec la contribution de Jacqueline Levi-Valensi, Antoine Garapon et Denis Salas. Samedi 1er mars 2003 par Francis BOUCHER. Je travaille avec le livre d’Hamid Nacer-Khodja, Hamid à qui je dois une fière chandelle. La violence est à la fois inévitable et injustifiable. Je crois qu'il faut lui garder son caractère exceptionnel et la resserrer dans les limites qu'on peut. » Albert Camus
Il me semble que cette lettre n’est pas trop difficile à lire, elle n’a pas ce côté pénible que nous redoutons tous lorsqu’il nous faut déchiffrer du blabla. Bien sûr, c’est du Camus. Dois-je la laisser telle quelle ou retirer les phrases principales pour les faire publier.Il me semble que cette lettre n’est pas trop difficile à lire, elle n’a pas ce côté pénible que nous redoutons tous lorsqu’il nous faut déchiffrer du blabla. Bien sûr, c’est du Camus. Dois-je la laisser telle quelle ou retirer les phrases principales pour les faire publier ?
Paris, le 10 février 1957 Mon cher Sénac, Je suppose que c'est à vous que je dois l'envoi de votre article d'Exigence. Je suis surpris cependant d'y trouver une note qui mérite que j'y réponde, bien que j'aie décidé de me taire en ce qui concerne l'Algérie, afin de n'ajouter ni à son malheur, ni aux bêtises qu'on écrit à son propos.
Je vous rappelle votre note : « Celui qui écrit ne sera jamais à la hauteur de ceux qui meurent, déclarait naguère Camus, à une époque où il ne reniait pas encore l'injustice des Justes. » Ce « pas encore » est de trop. Le sujet des Justes est précisément celui qui nous occupe aujourd'hui et je pense toujours ce que je pensais alors. Le héros des Justes refuse de lancer sa bombe lorsqu'il voit qu'en plus du grand-duc qu'il a accepté d'abattre, il risque de tuer deux enfants. Ce refus, cette certitude passionnée qu'il y a dans le meurtre et dans l'injustice une limite à ne pas dépasser, je les ai donnés en exemple, dans ma pièce et dans l'Homme révolté parce qu'ils sont les seuls selon moi à garder à la révolte sa vérité et sa grandeur. Ma position n'a pas varié sur ce point, et si je peux comprendre et admirer le combattant d'une libération, je n'ai que dégoût devant le tueur de femmes et d'enfants. La cause du peuple arabe en Algérie n'a jamais été mieux desservie que par le terrorisme civil pratiqué désormais systématiquement par les mouvements arabes. Et ce terrorisme retarde, peut-être irréparablement, la solution de justice qui finira par intervenir. L'objection qui consiste à dire que les Français en font autant pourrait être discutée utilement si des intellectuels ou des responsables arabes avaient protesté contre ces meurtres d'innocents, comme nous l'avons fait, et publiquement, contre la répression collective. Il n'en a rien été. Nous sommes donc restés seuls avec nos bons sentiments pendant qu'on tirait sur (phrase inachevée, ajoutée à la plume à la dactylographie) Que du moins vous ne me fassiez point approuver, fût-ce dans le passé, des actes qui me répugnent. Je continue au contraire, non pas à renier mais à condamner absolument, aujourd'hui comme hier, l'assassinat de civils innocents. J'ajouterai enfin que votre « pas encore » n'est pas seulement inexact, il est encore légèrement injurieux, s'adressant à un homme dont vous savez qu'il a été seul de son état, en Algérie, il y a vingt ans, à prendre la défense du peuple arabe. Je n'ai pas certes de leçon à vous donner. Laissez-moi vous dire cependant que je continue de penser que celui qui écrit n'est jamais à la hauteur de ceux qui meurent. Il y a beaucoup de gens qui meurent aujourd'hui en Algérie, et des deux côtés. Vous qui écrivez, pensez bien, avant de vous donner l'air, contre moi, d'accepter la trop fameuse injustice des justes. Cette formule, légère ici, pèse là-bas son poids de sang. Tout ce qu'un écrivain doit veiller à faire, tant qu'il ne se bat pas, est de ne pas ajouter, en cédant aux facilités de langage, à ce poids de sang. Vôtre A.C.
En arrivant d’Alger, on voyait, à droite, le cimetière, près de la basilique de Sainte-Salsa. Là, des chrétiens se firent enterrer pour reposer près de leur sainte, martyrisée au IVème siècle. Albert Camus : "La lune s'est levée. Elle illumine d'abord faiblement la surface des eaux, elle monte encore, elle écrit sur l'eau souple. Au zénith enfin, elle éclaire tout un couloir de mer, riche fleuve de lait qui, avec le mouvement du navire, descend vers nous, inépuisablement, dans l'Océan obscur. Voici la nuit tiède, la nuit fraîche que j'appelais dans les lumières bruyantes, l'alcool, le tumulte du désir."
Parfois, la nuit, j'imagine la nécropole sous le vent et la pluie de l'hiver, dans un pays où les chrétiens sont partis et ne reviendront plus tant que je vivrai. Tant que je vivrai... J'ai appris à ne plus m'effrayer du temps qui passe. Camus : « Cette distance, ces années qui séparaient les ruines chaudes des barbelés, je les retrouvais également en moi, ce jour-là, devant les sarcophages pleins d'eau noire, sous les tamaris détrempés. Elevé d'abord dans le spectacle de la beauté qui était ma seule richesse, j'avais commencé par la plénitude. Ensuite étaient venus les barbelés (...) »
Lorsque nous sommes arrivés aux ruines, en 1977 et avant de passer les barbelés, une horde de petits Arabes nous ont poursuivis pour nous vendre des cartes postales rougies par la terre du lieu. Je n’aime pas renvoyer les enfants. Encore une contrariété que j’enregistre dans ce pays que j’ai aimé.
Ecoutons le Camus du Retour à Tipasa. Encore, oui, du grand Camus. "(...) Si nous pouvions le nommer, quel silence ! Sur la colline de Sainte-Salsa, à l'est de Tipasa, le soir est habité. Il fait encore clair, à vrai dire, mais, dans la lumière, une défaillance invisible annonce la fin du jour. Un vent se lève, léger comme la nuit, et soudain la mer sans vagues prend une direction et coule comme un grand fleuve infécond d'un bout à l'autre de l'horizon. Le ciel se fonce. Alors commence le mystère, les dieux de la nuit, l'au-delà du plaisir". « Il apprit à se promener. L'après-midi, quelquefois il marchait le long de la plage jusqu'aux ruines sur l'autre pointe. Il se couchait alors dans les absinthes et la main sur la chaleur d'une pierre il ouvrait les yeux et son cœur à la grandeur insoutenable de ce ciel gorgé de chaleur. »
Albert Camus et Tipasa par Marc Boronad http://tipasa.eu/z_tipasa/Accueil.html
José Lenzini nous explique dans son très beau livre L’Algérie de Camus : « Dans cette ignorance qui prend, au fil du temps, des allures de marginalisation, de «sectarisation» (1), les petits Européens en arrivent à ignorer les «indigènes» ou les «Arabes», à telle enseigne que ce dernier qualificatif -largement employé- n'a rien de péjoratif. Les deux "communautés" vivent éloignées dès l'enfance. Le plus souvent c'est le terme "Arabe" qui était employé. Si bien que les Algériens furent très étonnés quand, en 1956, ils entendirent Camus, dans son appel "pour une trêve civile" parler des "Arabes" qui se considéraient déjà comme des "Algériens". (1)Un mot que je n’ose pas changer.
Tipasa, pour nous, pour moi, c'est d'abord Albert Camus. Albert Camus que ma mère et son frère Antoine avaient bien connu lorsqu'ils habitaient le quartier de Belcourt à Alger. Albert et Antoine étaient nés en 1913. Leur jeunesse à tous les trois, on la retrouve et on l'imagine dans L'été à Alger, un essai extrait des Noces ainsi que dans L'Etranger, deux œuvres maîtresses d'Albert Camus. Mes notes : Je me souviens de cette sortie ou longue promenade du printemps à Tipasa. C'était en 1957. Nous étions partis d'Alger tôt le matin. Nous étions quatre copains dans la voiture et c'est moi, le plus passionné, qui racontais Tipasa : Ville phénicienne puis romaine qui gardait de nombreux vestiges du passé. La route : la Pointe-Pescade, les Bains-Romains, le cap Caxine, Guyotville, Staouéli, Zéralda, Daouda, Fouka, Castiglione, Chiffalo, Bou Aroun, Bérard, Bérard et ses merveilleux platanes aux deux bords de la route et Tipasa. Tant de noms que je prends plaisir à récrire. Le port, j'en garde encore l'image distincte. Sur le bord, des pêcheurs avaient étendu leurs filets. Et encore bien des réminiscences.
'ai revu Tipasa en 1977. Camus nous avait quittés depuis dix-sept ans et il était toujours là, nous semblait-il et il nous regardait.
Camus : "Au printemps, Tipasa est habité par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes, la mer cuirassée d'argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres. A certaines heures, la campagne est noire de soleil."
Ecoutons encore Albert Camus (La mort heureuse, chapitre IV)
"Après un peu moins de deux heures Mersault arriva en vue du Chenoua.... C'était là qu'il allait vivre. Sans doute la beauté de ces lieux touchait son cœur. C'était pour eux qu'aussi bien il avait acheté cette maison. Mais le délassement qu'il avait espéré trouver là l'effrayait maintenant. Et cette solitude qu'il avait recherchée avec tant de lucidité lui paraissait plus inquiétante maintenant qu'il en connaissait le décor. Le village n'était pas loin, à quelques centaines de mètres. Il sortit. Un petit sentier descendait de la route vers la mer. Au moment de le prendre, il s'aperçut pour la première fois qu'on apercevait de l'autre côté de la mer la petite pointe de Tipasa. Sur l'extrémité de cette pointe, se découpaient les colonnes dorées du temple et tout autour d'elles les ruines usées parmi les absinthes qui formaient à distance un pelage gris et laineux. Les soirs de juin, pensa Mersault, le vent devait porter vers le Chenoua à travers la mer le parfum dont se délivraient les absinthes gorgées de soleil.
Camus :
"Il lui fallait installer sa maison et l'organiser. Les premiers jours passèrent rapidement. Il peignit les murs à la chaux, acheta des tentures à Alger, recommença l'installation électrique. Et dans ce labeur coupé dans la journée par les repas qu'il prenait à l'hôtel du village et par les bains de mer, il oubliait pourquoi il était venu ici et se dispersait dans la fatigue de son corps, les reins creusés et les jambes raides, soucieux du manque de peinture ou de l'installation défectueuse d'un va-et-vient dans le couloir. (...) ; les filles qui se promenaient le soir sur la route qui dominait la mer (elles se tenaient par le bras et leurs voix chantaient un peu sur les dernières syllabes des mots); Pérez, le pêcheur, qui fournissait l'hôtel en poissons et n'avait qu'un bras. Ce fut là aussi qu'il rencontra le docteur du village, Bernard. Mais le jour où dans la maison tout fut installé, Mersault y transporta ses affaires et revint un peu à lui. C'était le soir. Il était dans la pièce du premier, et derrière la fenêtre deux mondes se disputaient l'espace entre les deux pins. Dans l'un, presque transparent, les étoiles se multipliaient. Dans l'autre, plus dense et plus noir, une secrète palpitation d'eau annonçait la mer.
C’est dans la pénombre que je croyais retrouver l’odeur du maquis et des absinthes chères à Camus. Cette fausse fenêtre, une illusion.
Je pensais à nos plages, aux filles qui me complimentaient lorsque je nageais, je revoyais nos petits ports, nos paysages de garrigue et de ruines. Mes jours de repos, je me promenais interminablement, à toute heure et de préférence à des heures insolites. C’est en me déplaçant à pied que j’ai connu Paris. Parfois, par temps brumeux, je marchais sur les quais et je regardais la Seine rouler ses eaux grises. La Conciergerie m’intriguait.
Camus (La chute) : « Paris est loin, Paris est beau, je ne l’ai pas oublié. Je me souviens de ses crépuscules, à la même époque, à peu près. Le soir tombe, sec et crissant, sur les toits bleus de fumée, la ville gronde sourdement, le fleuve semble remonter son cours. J’errais alors dans les rues. Ils errent aussi, maintenant, je le sais ! Ils errent,s faisant semblant de se hâter vers la femme lasse, la maison sévère… Ah ! mon ami, savez-vous ce qu’est la créature solitaire, errant dans les grandes villes ? . .
Moi aussi, dans Paris, j’errais dans les rues en 1962 et 1963. Je pensais à Tipasa et au Chenoua où j’avais été si heureux.
Au fond le Chénoua.
Albert Camus et Tipasa par Marc Boronad http://tipasa.eu/z_tipasa/Accueil.html
Le 10 décembre 1957, Albert Camus reçoit son prix Nobel à Stockholm, au cours d'une cérémonie très solennelle. Il a alors 44 ans. Une phrase célèbre :"Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice". Elle est morte après lui. Pour ce prix Nobel, il faut user d'un éclairage que je ne puis donner tout seul. Voici une lettre qui fait partie de la correspondance de Jean Sénac avec Albert Camus, Jean Sénac que je n'avais jamais lu. Il aura fallu que je travaille sur ce livre Albert Camus et Tipasa pour que je m'intéresse à cet écrivain. Les lettres inédites, réunies par Hamid Nacer-Khodja et son essai Le Fils rebelle, racontent l'histoire de l'amitié profonde qui lia un temps Camus et Sénac. Hamid est le frère de mon fidèle lecteur Rabah dont j'ai publié une photo dans Alger Le Clos-Salembier. Voici donc ce que j'ai trouvé pour donner un peu de lumière à des pages qui peuvent être sombres. Je souligne que la prose et les lignes qui suivent, ne sont pas toutes de moi. J'ai aussi recopié certaines lignes et ce n'est pas du plagiat. Je suis très aidé par Hamid. Jean Sénac (1926-1973). Né de père inconnu à Béni-Saf en Oranie, le " poète qui signait d'un soleil ", fut assassiné à Alger le 30 août 1973. Son meurtre reste encore, volontairement (?) non élucidé (il se savait traqué par le FLN et la cible d'un assassinat proche). Lorsque le crime fut annoncé par les media ma mère s'écria :"Voilà, justice est faite. Il a trahi son peuple (Il fallait entendre "le peuple des Français d'Algérie") eh bien il y a laissé sa vie. Adios Sénac ! Etait-il Algérien ou Français, ce Sénac ? Européen par son ascendance et Algérien à coup sûr si l’on considère que la naissance de la nation algérienne fut par lui revendiquée. Il chanta la lutte révolutionnaire en laquelle il mettait toute son espérance. Il y associa son propre combat : recherche d'identité profonde, à la fois personnelle et culturelle et sa lutte pour faire accepter son homosexualité : "Ce pauvre corps aussi Veut sa guerre de libération". Grand admirateur de Nerval, de Rimbaud, d'Artaud, de Genet.
Lorsque Sénac, qui était encore un jeune poète de 20 ans, écrivit pour la première fois à Albert Camus, ce dernier était déjà internationalement connu.
L'Étranger date de 1942 et La Peste venait de paraître. L'écrivain répondit pourtant aussitôt à Jean Sénac (24 juin 1947). (Camus avait aussi répondu à ma mère mais tous deux se connaissaient bien). On peut penser que ces deux lettres inaugurèrent une correspondance presque affectueuse, peut-être exigeante et en tous les cas, confiante. Elle dura, cette correspondance, jusqu'en 1958. Les lettres témoignent d'une époque riche et bouillonnante : les deux hommes parlaient de littérature tandis que l'œuvre de Jean Sénac s'ébauchait. Camus devenait Prix Nobel, plusieurs écrivains de l'époque étaient mentionnés dans ces échanges. Cette correspondance concernait aussi leur histoire personnelle face à la lutte pour l'indépendance de l'Algérie, que Sénac soutenait de toute son âme en métropole, oui en métropole sinon en Algérie il aurait peut-être été lapidé par ses frères européens. (Pensons aux collaborateurs durant la période de Vichy pendant la deuxième guerre mondiale). Observons ici une « retenue » de Camus qui souffrait de la guerre et des événements tragiques qui déchiraient cette noire période. En avril 1958, Jean Sénac reprocha son silence avec véhémence à Camus et lui adressa une lettre de rupture. « Camus, notre frère Taleb vient d'être guillotiné. Ils n'ont pas pu avoir Djamila Bouhired et Henri Alleg (Deux personnages du F.L.N.). Ils se sont vengés. Je sais à quel point je dois vous irriter, mais quoi ! Ne me suis-je pas juré d'être avec vous d'une insupportable franchise ? De ceux qui voudraient faire de vous le Prix Nobel de la Pacification ne pouviez-vous exiger la grâce de l'étudiant Taleb ? » (Introduction à un entretien de Hamid Nacer-Khodja publié dans La Dépêche de Kabylie, Le "frère" Taleb a été guillotiné et Albert Camus n'a pas sourcillé. La tête d'un Arabe venait de rouler dans la sciure et il a dû se sentir à la fois très loin et très près de son ouvrage L'étranger. L'étranger qui n'était pas un "indigène" mais un Arabe, L'étranger écrit au passé composé avec des dialogues rapportés et qui se trouvait depuis seize ans sur les rayons des bonnes librairies, L'étranger, un récit qu'il avait beaucoup travaillé alors qu'il ne contenait que cent quatre-vingts petites pages et par lequel il disait son horreur de la peine de mort. Je crois que le passé composé a été utilisé pour indiquer une période morte. En Algérie, les hommes du peuple refusent le mot « indigène ». Pourquoi ? Mystère. Une fois encore, devant la justice ou l'injustice d'une exécution, Camus choisissait la vie de sa mère et de son peuple.
L'étranger qui n'était pas un "indigène" mais un Arabe.
Et puis un jour ce fut la fin.
Carnets de Camus. mai 1935 – février 1942
« La seule liberté possible est une liberté à l'égard de la mort. L'homme vraiment libre est celui qui, acceptant la mort comme telle, en accepte du même coup les conséquences –c'est-à-dire le renversement de toutes les valeurs traditionnelles de la vie. Le « Tout est permis » d'Ivan Karamazov est la seule expression d'une liberté cohérente. Mais il faut aller au fond de la formule. » (Fragment qui servira pour le Mythe de Sisyphe). Albert Camus mourut dans un accident d'auto avec Michel Gallimard (à droite). L'été à Alger : "Les dimanches d'Alger sont parmi les plus sinistres. Comment ce peuple (1) sans esprit saurait-il habiller de mythes l'horreur profonde de sa vie ? Tout ce qui touche à la mort est ici ridicule ou odieux. Ce peuple, sans religion et sans idoles meurt seul après avoir vécu en foule. Je ne connais pas d'endroit plus hideux que le cimetière du boulevard Bru, en face d'un des plus beaux paysages du monde. Un amoncellement de mauvais goût parmi les entourages noirs laisse monter une tristesse affreuse de ces lieux où la mort découvre son vrai visage. "Tout passe, disent les ex-voto en forme de cœur, sauf le souvenir." Et tous insistent sur cette éternité dérisoire que nous fournit à peu de frais le cœur de ceux qui nous aimèrent. Ce sont les mêmes phrases qui servent à tous les désespoirs. Elles s'adressent au mort et lui parlent à la deuxième personne :"Notre souvenir ne t'abandonnera pas", feinte sinistre par quoi on prête un corps et des désirs à ce qui au milieu est un liquide noir. Ailleurs, au milieu d'une abrutissante profusion de fleurs et d'oiseaux de marbre, ce vœu téméraire : " Jamais ta tombe ne restera sans fleurs." Mais on est vite rassuré : l'inscription entoure un bouquet de stuc doré, bien économique pour le temps des vivants (comme ces immortelles qui doivent leur nom pompeux à la gratitude de ceux qui prennent leur tramway en marche). Comme il faut aller avec son siècle, on remplace quelquefois la fauvette classique par un ahurissant avion de perles, piloté par un ange niais que, sans souci de la logique, on a muni d'une magnifique paire d'ailes.
(1) Le peuple des Français d'Algérie. Encore une fois il occulte bien naturellement les Arabes. Lorsqu'il parle des autochtones, c'est pour les placer, et c’est peut-être vrai, en toile de fond. En revanche, dans L'Etranger oui, il campe un Arabe et il le sort vraiment du lot ... pour le tuer. Je n’invente rien.
Voici du beau et grand Camus. Quatre lignes de ses carnets 1939-1942 que ma mère lisait en pleurant : " 18 mars 1941. Les hauteurs au-dessus d'Alger débordent de fleurs au printemps. L'odeur de miel des roses jaunes coule dans les petites rues. D'énormes cyprès noirs laissent gicler à leur sommet des éclats de glycine et d'aubépine dont le cheminement reste caché à l'intérieur. Un vent doux, le golfe immense et plat. Du désir fort et simple – et l'absurdité de quitter tout cela." -Et l'absurdité de quitter tout cela, soupirait encore ma mère en reniflant un peu. Enfin, il nous a quittés sans voir notre drame. Notre drame aurait été le sien. Il avait quand même un cœur. Ah, cet absurde accident ! Camus : La mer au plus près. « Certaines nuits dont la douceur se prolonge, oui, cela aide à mourir de savoir qu'elles reviendront après nous sur la terre et la mer. Grande mer, toujours labourée, toujours vierge, ma religion avec la nuit ! Elle nous lave et nous rassasie dans ses sillons stériles, elle nous libère et nous tient debout. A chaque vague, une promesse, toujours la même. Que dit la vague ? Si je devais mourir, entouré de montagnes froides, ignoré du monde, renié par les miens, à bout de force enfin, la mer, au dernier moment, emplirait ma cellule, viendrait me soutenir au-dessus de moi-même et m'aider à mourir sans haine. » Quand en 1958 il acquiert sa maison de Lourmarin, il écrit à son maître Jean Grenier : « Je mets mes pas dans les vôtres ». Remarquons qu'avec l'argent du prix Nobel, il a donc acheté une ferme à Lourmarin, près de Marseille. Il n'a pas investi son argent en Algérie. Il a entendu, de loin, les « événements » et le coup d’Etat de mai 1958. Il était bien trop intelligent pour se faire berner par les promesses du général. Il ne nous a rien dit. Il a laissé faire. Albert Camus : «La mer, le soleil, le sable chaud, les géraniums et... les bois d'eucalyptus ? On touche le bonheur. Je ne pourrai jamais vivre en dehors d'Alger. Jamais. Je voyagerai car je veux connaître le monde mais, j'en ai la conviction, ailleurs, je serai toujours en exil. » Oui, il était en exil. C'est ainsi que les grands écrivains fixent l'Histoire ou plutôt leur Histoire. J'ai souvent pensé à ma pauvre grand-mère qui soupirait : « Que veux-tu que je te dise ? Les Camus, comme nous, c'était des pauvres... » Quant à ma mère, elle s'exclamait dans son studio (car mes parents se sont retrouvés dans un studio) de la rue Maurice Ripoche dans le XIVème arrondissement de Paris, qu’elle avait connu Camus avec des souliers troués mais que le prix Nobel lui avait tourné la tête. Elle tordait ses mains et entre deux sanglots elle disait : « Il nous a laissés tomber, à nous les Français d’Algérie, des Français comme lui. Et des Arabes fidèles à la France, il n'en a rien eu à faire. Nous sommes revenus une main devant, une main derrière et les yeux pour pleurer. » C’était le langage de ma mère avec ses côtés fleuris et excessifs. Mon père, lui, a toujours baissé la tête et gardé le silence dans la misère de notre rapatriement. Une misère sans haillons, sans soupe populaire, sans abus de mauvais vin. Une misère révélée dans notre regard et dans les beaux yeux bleus de mon père. Il est resté noble jusqu'à la fin de sa vie.
Albert Camus et Tipasa par Marc Boronad http://tipasa.eu/z_tipasa/Accueil.html
Camus : "Vers le soir, je regagnais une partie du parc plus ordonnée, arrangée en jardin, au bord de la route nationale. Au sortir du tumulte des parfums et du soleil, dans l'air maintenant rafraîchi par le soir, l'esprit s'y calmait, le corps détendu goûtait le silence intérieur qui naît de l'amour satisfait. Je m'étais assis sur un banc. Je regardais la campagne s'arrondir avec le jour. J'étais repu. Au-dessus de moi, un grenadier laissait pendre les boutons de ses fleurs, clos et côtelés comme de petits poings fermés qui contiendraient tout l'espoir du printemps." En 1854, un entrepreneur parisien, Demonchy, eut l'idée grandiose de rebâtir Tipasa. L'administration lui accorda une vaste concession; à charge pour lui de construire, à côté de sa ville, un village agricole. L'année suivante Demonchy meurt du paludisme (dans la vallée du Nador au pied du massif du Chenoua subsistait des marais), puis c'est le tour de son épouse du fait du climat malsain qui régnait alors. Le fils, découragé, vend la concession à son beau-frère, Jean-Baptiste Trémaux. La ville de Tipasa ne renaîtra pas, mais Trémaux crée le jardin-musée pour protéger l'ancienne cité du vandalisme moderne, à côté du futur Parc Trémaux, parc national qui groupe l'essentiel des ruines romaines.
Camus. La fin du Retour à Tipasa (1952) .
« Mais peut-être un jour, quand nous serons prêts à mourir d'épuisement et d'ignorance, pourrai-je renoncer à nos tombeaux criards, pour aller m'étendre dans la vallée, sous la même lumière, et apprendre une dernière fois ce que je sais. »
Camus quand il avait 39 ans. « Le secret que je cherche est enfoui dans une vallée d'oliviers, sous l'herbe et les violettes froides, autour d'une vieille maison qui sent le sarment. Pendant plus de vingt ans, j'ai parcouru cette vallée, et celles qui lui ressemblent, j'ai interrogé des chevriers muets, j'ai frappé à la porte de ruines inhabitées. Parfois, à l'heure de la première étoile dans le ciel encore clair, sous une pluie de lumière fine, j'ai cru savoir. Je savais en vérité. Je sais toujours, peut-être. Mais personne ne veut de ce secret, je n'en veux pas moi-même sans doute, et je ne peux me séparer des miens. Je vis dans ma famille qui croit régner sur les villes riches et hideuses, bâties de pierres et de brumes. Jour et nuit, elle parle haut, et tout plie devant elle qui ne plie devant rien : elle est sourde à tous les secrets. Sa puissance qui me porte m'ennuie pourtant et il arrive que ses cris me lassent. Mais son malheur est le mien, nous sommes du même sang. Infirme aussi, complice et bruyant, n'ai-je pas crié parmi les pierres ? Aussi je m'efforce d'oublier, je marche dans nos villes de fer et de feu, je souris bravement à la nuit, je hèle les orages, je serai fidèle. J'ai oublié, en vérité : actif et sourd, désormais. Mais peut-être un jour, quand nous serons prêts à mourir d'épuisement et d'ignorance, pourrai-je renoncer à nos tombaux criards, pour aller m'étendre dans la vallée, sous la même lumière, et apprendre une dernière fois ce que je sais. » (1952) José Lenzini nous explique que lors de ses pérégrinations dans le parc Trémaux, à Tipasa, Camus observait souvent les "génies des saisons" figurant sur un sarcophage. Il se penchait aussi sur les stèles.
Camus : « Bien pauvres sont ceux qui ont besoin de mythes. Ici les dieux servent de lits ou de repères dans la course des journées. Je décris et je dis :"Voici qui est rouge, qui est bleu, qui est vert. Ceci est la mer, la montagne, les fleurs." Et qu'ai-je besoin de parler de Dionysos pour dire que j'aime écraser les boules de lentisques sous mon nez ? Est-il même à Démèter ce vieil hymne à quoi plus tard je songerai sans contrainte :"Heureux celui des vivants sur la terre qui a vu ces choses."Voir, et voir sur cette terre, comment oublier la leçon ? Aux mystères d'Eleusis, il suffisait de contempler. » Notre musée. J’avais pris la photo et coupé les pieds des copains peut-être pour mieux voir le hall d’entrée.
Camus : "Les dieux éclatants du jour retourneront à leur mort quotidienne. Mais d'autres dieux viendront. Et pour être plus sombres, leurs faces ravagées seront nés cependant dans le cœur de la terre". "Le ciel se fonce. Alors commence le mystère, les dieux de la nuit, l'au-delà du plaisir. Mais comment traduite ceci ? La petite pièce de monnaie que j'emporte d'ici a une face visible, beau visage de femme qui me répète tout ce que j'ai appris dans cette journée, et une face rongée que je sens sous mes doigts pendant le retour.
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The Kubber Romeah, The Roman Sepulchre, or The Sepulchre of the Christian Woman, is situated upon the mountainous Part of the Sea Coast, seven Miles to the E. of Tipasa. According to the Discoveries hitherto made, It is a solid and compact Edifice; built with the finest Free Stone. The Height I computed to be a hundred Foot. The Figure of this Structure and the received Opinion of It's being erected over a large Treasure, might induce the Turks to call It The Treasure of the Sugar Loaf. The Point is now wanting; and, by the frequent Searches after This Treasure, several other Parts of It are broken down and defaced. However, It is still of a sufficient Height to be a convenient Landmark for Mariners. (..) The Kubber Romeah should be the same Structure (..) that Mela (Pomponius Mela, a Ist century AD Roman geographer) placed betwixt Lol (Cherchell) and Icosium (Algiers) and appropriateth to the Royal Family of the Numidian Kings. Thomas Shaw - Travels, or, observations relating to several parts of Barbary and the Levant - 1738
Mausoleum of the Mauretanian Kings
The resemblance to the Medrassen (a mausoleum in the region of Cirta), or Tomb of the Numidian kings, from whom Juba II was descended, is a presumption that it was erected by him in imitation of his ancestral mausoleum. Juba II married Cleopatra Selene, daughter of the celebrated Egyptian queen and of Marc Antony, and there is every probability that this monument served only as his tomb and that of his wife who died before him. It is hardly likely that the remains of his son Ptolemy, the last of his race, could have been transferred from Rome to Africa. The tomb must have been violated at a very early period in search for hidden treasure. A careful examination of the accumulated earth and dust within revealed traces of successive races who had visited the place, some of whom had even made it a place of residence, but none whatever of the bodies for whose reception it had been erected. John Murray - Handbook for Travellers in Algeria and Tunis - 1878 When it was in a perfect state of preservation, with its covering of marble, its bronze ornaments, and crowned by some colossal statue, it must have presented a grand appearance. Even to-day, in spite of the ravages of time and man, when seen carved against the sky, it is difficult to take one's eyes from it. Gaston Boissier - Roman Africa, Archaeological Walks in Algeria and Tunis - 1898 - Translation by A. Ward
Mausoleum of the Mauretanian Kings: (left) one of the fake doors; (right) details of the decoration
It is called by the Arabs Tomb of the Roman, or rather Christian woman. (..) Various explanations are given of this name. (..) The colonnade has at the cardinal points four false doors, the four panels of which, producing what may have been taken to represent a cross, probably contributed to fix the appellation of Christian to it. (..) The base is 198 feet in diameter, and forms an encircling podium, or zone, of a decorative character, presenting a vertical wall, ornamented with sixty engaged Ionic columns, surmounted by a frieze or cornice of simple form. (..) Above the cornice rise a series of thirty-three steps, which gradually decrease in circular area, giving the building the appearance of a truncated cone. Murray
Tipasa
Cardo Maximus (main south-north street)
Tipasa is but a small village created in 1859. It is beautifully situated on rising ground close to the sea, with a splendid stretch of sandy beach to the west. It is much frequented by sea-bathers in summer, and is at all times a pleasant place of sojourn for a few days. It has a small harbour in which coasting steamers or yachts can lie in safety during ordinary weather. The great interest of Tipasa, however, lies in its past history and its extensive Roman remains. Excepting on the site of the present village, the outlines of the ancient city are still clearly distinguishable. The sea, which is constantly advancing, has thrown down part of the rocks on which it stood, and like too many other places in Algeria, it has served as a quarry for modern buildings both in Turkish and French times. Murray 1895 Edition
A section of Decumanus Maximus (main east-west street) in the foreground and steps of the "New" Temple in the background; the image used as background for this page shows a relief on a sarcophagus along the street
The Decumanus Maximus is a section of the road which linked Icosium to Caesarea Mauretaniae (Cherchell), the capital of the Roman province. Tipasa was founded by the Phoenicians/Carthaginians and Emperor Claudius granted its citizens "Latin rights", a status inferior to that of Roman citizenship, but which allowed them to freely trade and migrate. Emperor (Aelius) Hadrian gave them full Roman citizenship rights and the town was renamed Colonia Aelia Augusta Tipasensium. The new status meant also that the town was directly ruled by Rome; Emperor Antoninus Pius ordered the construction of new walls.
"Anonymous" Temple
The "New" temple stands opposite the "Anonymous" one and it is so named because it was built after the latter. As a matter of fact archaeologists have not been able to identify the deities which were worshipped in these two temples. They do not stand in the Forum, thus they are unlikely to have been a Capitoliumdedicated to Jupiter, Juno and Minerva (as at Thugga or Thuburbo Majus) or to be otherwise connected with Rome or the Emperors. Their location along the road which crossed the town suggests that perhaps they were temples to Hercules or Mercury, two gods who were highly popular among tradesmen (see the Temple to Hercules in Rome and the Temple to Mercury at Mactaris).
When the municipal magistrates wished to leave some souvenir of their administration, they often erected fountains, and some of these, the ruins of which remain, must have been elegant monuments, combining beauty with utility. There is one found at Tipasa, near Shershell, which formed a sort of hemicycle or water-works with statues and columns of blue marble. The water flowed from above into small superposed basins in such a way as to fall from one into the other and give out that gentle trickle that was so restful and refreshing during the hot hours of the day. Boissier The IInd and IIIrd century AD were a period of great prosperity for Tipasa, when it probably had a population of about 20,000 inhabitants. The surrounding countryside was carefully cultivated, and remains of Roman villas and farms have been found in many directions. Tipasa did not have particularly imposing monuments, but it had all the public facilities, including an aqueduct, of a flourishing Roman town.
Theatre
Still farther to the S.W. are the ruins of a theatre in a very bad state of preservation. It was small and could hardly have contained more than 2,000 spectators. Murray 1895 Edition. Ancient theatres have often suffered more from tourist development authorities than from the injuries of time, so it is better to find out that the theatre of Tipasa is approximately as it was in 1895, than to see it covered by brand new concrete facilities as at Carthage or Caesarea Maritima. Its current appearance, similar to that of the theatre of Euromos, is very evocative and it brings to mind some monuments of Angkor in the Cambodian jungle.
Amphitheatre (IIIrd century AD)
The Amphitheatre can only be traced; its major axis was about 95 metres in length. Murray 1895 The northern side of the building was excavated and parts of the walls which supported the seating section are now visible. It had two main entrances and three minor ones and it was located in a very central position near Decumanus Maximus.
Walls of Baths near Cardo Maximus, not far from the sea
The Baths were in the centre of the city; but they are so deeply buried in earth as to be hardly visible. Murray 1895. Archaeologists have found evidence of four bath establishments. Unfortunately they had been deprived of the marbles and works of art which most likely decorated them.
"Garum" factory: (left) jars for storing the finished product; (right) basins for macerating the fish
A garum factory was identified near the baths. Garum was a sauce made up of small fish and intestines of large ones which were macerated with herbs. It was very popular in Rome and it was one of the main exports of the African and Iberian provinces. The better preserved remains of a garum factory can be seen at Neapolis.
In 1936 a fragment of a fine floor mosaic was discovered in the proximity of the garum factory. It was not possible to ascertain to which building it belonged and to avoid further damage it was almost immediately detached and restored. It shows two scenes from the early life of Achilles, but most likely the whole floor mosaic included other scenes showing events of the War of Troy. The upper "strip" perhaps showed Thetys, the mother of Achilles with other women at the centre of the scene between Chiron, the centaur to whom the education of Achilles was entrusted (you may wish to see an interesting sarcophagus portraying Achilles in the arms of Chiron), and Patroclus, Achilles' best friend.
Detail showing Odysseus/Ulysses (with the "pileus", a felt cap) and Achilles (naked)
Thetys knew that her son would never return from Troy if he joined the expedition. (..) She disguised him as a girl, and entrusted him to Lycomedes, king of Scyros (..) Odysseus, Nestor, and Ajax were sent to fetch Achilles from Scyros, where he was rumoured to be hidden, Lycomedes let them search the palace, and they might never have detected Achilles, had not Odysseus laid a pile of gifts - for the most part jewels, girdles, embroidered dresses and such - in the hall, and asked the court-ladies to take their choice. Then Odysseus ordered a sudden trumpet-blast and clash of arms to sound outside the palace and, sure enough, one of the girls stripped herself to the waist and seized the shield and spear which he had included among the gifts. It was Achilles, who now promised to lead his Myrmidons to Troy. (Robert Graves - The Greek Myths). The subject of this scene was popular throughout the whole Roman Empire from the River Rhine (Cologne) to the Euphrates (Zeugma). Ulysses was often portrayed wearing a pileus in mosaics, as at Thugga, and in statues as at Villa di Tiberio at Sperlonga.
« Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l’odeur des absinthes, la mer cuirassée d’argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillon dans les amas de pierre. » A l’endroit où Camus aimait se tenir, une stèle toute simple lui rend un vibrant hommage avec ses mots gravés par Louis BENISTI, un artiste peintre, enfant d’Alger, comme le prix Nobel de littérature:
« Je comprends ici ce qu’on appelle gloire. Le droit d’aimer sans mesure. » Ces mêmes mots que l’on retrouve dans « Noces *»
Comment ne pas partager l’exaltation d’Albert Camus devant cet expressif panorama naturel ? Comment ne pas s’extasier, devant cette rencontre improbable entre la réalité de l’histoire et la légende des temps anciens, avec pour toile de fonds, les courbes douces du Mont Chenoua, éternel témoin silencieux de la grande histoire et des petites histoires ?
Comment se lasser de courtiser ces pierres soutirées jusqu’à épuisement, de la mal nommée montagne, Fontaine du Génie (Hadjret Nouss), en retenant notre respiration à l’écoute de l’esprit vital d’un monde disparu ? On gamberge en visualisant les allées transversales, décorées des éternels chênes et pins parasols aux troncs encore vierges des sculptures de l’homme, désormais serpentées par des sentiers amoureux où l’on se perd volontiers. On entend surtout cette voix tourmentée du siècle naissant répondant à la grande voix, disant son vague à l’âme face à cette renonciation à notre mémoire ancestrale.
. Tipasa revient de loin. De par son histoire tumultueuse aux IV et V èmes siècle certes, mais aussi, au regard des années de méprises culturelles, entre 2002 et 2006, où le site archéologique, pourtant classé depuis 1982, comme patrimoine de l’humanité, a miraculeusement échappé à son déclassement par l’UNESCO, en figurant pendant ces années, dans la liste infâme, des sites en péril… Ironie du sort, cette catastrophe culturelle aux conséquences relevant plus du prestige nationaliste écorché d’un pays, que de son historicité, a failli se concrétiser quasiment un siècle après les premières véritables fouilles, effectuées par A.Berbrugger (en 1892), à la basilique principale.
Mais déjà en en 1854, un entrepreneur parisien, Demonchy, eut la monumentale idée de rebâtir la cité antique de Tipasa. L’administration lui accorda une vaste concession, à condition, toutefois, d’implanter un village de colonisation sur des terrains situés au cœur de la colonie romaine. Les maquis de lentisques et de palmiers nains firent peu à peu place, à de somptueuses villas de maitre qui effacèrent à jamais, un patrimoine de l’humanité.
Cependant, ce projet sera enseveli (provisoirement), en même temps que son promoteur, puisque l’année suivante il décédera du paludisme, suivi quelques temps après, de son épouse. Découragé par ces deuils successifs, son héritier décide de céder la concession à son beau frère, Jean Baptiste Trémaux. Cette opportune transaction permit de sauver en partie, la cité antique d’un vandalisme moderne certain. En effet Trémaux créera un parc/musée qui regroupe la majorité des vestiges romains connus, les mettant ainsi à l’abri de nouvelles destructions.
Cette cité historique qui n’est qu’à 70 kilomètres et 1 h de route seulement d’Alger, est maintenant, une destination touristique phare pour des centaines de milliers de visiteurs, attirés non seulement par ses grandes plages, ses criques rocheuses morcelées d’anfractuosités bizarres, ses spécialités de poisson, mais aussi par ses vestiges archéologiques qui s’étalent devant les visiteurs, comme les plus belles offrandes, n’en déplaise à celle qui n’était pas encore Sainte Salsa.
« Un site spécifiquement méditerranéen, où la couleur ocre des roches et des terres contraste avec le vert brillant des lentisques et avec les panaches pâlement argentés des armoises. C’est à la fois un ensemble archéologique méritant à lui seul un voyage d’études et un paysage délicat de dessin très pur, dont la lumière sans cesse changeante, plus douce et plus nuancée qu’en tout autre point de l’Algérie, impose fréquemment la comparaison avec les îles grecques. Côte découpée aux multiples anfractuosités limitant de minuscules ou vastes plages, falaises à pic alternant avec des criques, coteaux couverts de pins, sur les pentes desquels ondulent les riches vignobles et les belles plantations d’amandiers, masse rugueuse du Mont Chénoua fermant l’horizon du côté de Cherchell, végétation luxuriante du Parc National, tel est l’écrin des ruines de Tipasa. Il est peu de lieux plus évocateurs et plus émouvants pour qui veut se pencher sur les témoignages des premiers siècles du christianisme, sur ses angoisses, sur ses martyrs, sur son
triomphe, sur son déclin ».
A l’entrée Est du village de Tipasa le premier vestige que l’on rencontre est justement le promontoire de Sainte Salsa. « Cette jeune fille, chrétienne, avait 14 ans quand elle fut indignée de voir des rites païens et l’adoration d’une idole faire la joie des habitants de sa ville. Elle s’empara de nuit de l’idole vénérée, conservée au temple, en brisa la tête et la jeta à la mer. Il restait cependant le corps de l’idole…trop lourd, ce dernier fit un bruit terrible en se brisant sur les rochers, ce qui réveilla les gardes du temple malgré leurs libations de la veille. Les gardes firent subir le même sort que la statue à la jeune fille, en la précipitant dans les flots où elle périt noyée. Son corps fut retrouvé sur la berge…
On l’inhuma sur le promontoire qui porte d
epuis son nom ».
Cette histoire a été écrite par un tipasien. Elle aurait pu inspirer Albert Camus, l’autochtone, qui a aimé Tipaza au point de ne jamais y passer plus d’une journée d’affilée, car « il vient toujours un moment où l’on a trop vu un paysage, de même qu’il faut longtemps avant qu’on l’ait assez vu ».
Il n’est pas de ruines qui s’offrent dans un cadre plus séduisant que celles de Tipasa. On devient ici archéologue, même quand on n’a pas la vocation, ne serait-ce que pour se donner un prétexte à de charmantes promenades dans un des sites les plus pittoresques de l’Algérie.» aurait confirmé par anticipation, dans ses « Promenades Archéologiques «, Stéphane Gsell, cet algérien d’adoption et «inventeur» du site Tipasa .
Tipasa est un nom phénicien que l’on retrouve en en plusieurs endroits, à l’exemple de Thubirsicum Numiradum (Khemissa) : il signifie » lieu de passage » ou « escale », il serait plus plausible d’admettre que le toponyme Tipasa est la déformation du mot berbère « Tafsa », qui signifie le grès ou la pierre calcaire. On pouvait donc s’attendre à y découvrir les restes d’un de ces nombreux relais de cabotage jalonnant, à une distance moyenne d’une trentaine de kilomètres, la route maritime de Carthage aux Colonnes d’Hercule. En venant d’Ikosim (Alger) pour se rendre à Iol (Cherchell), les navigateurs phéniciens disposaient très probablement d’une escale, vers l’estuaire de l’oued Mazafran (entre Zeralda et Douaouda Marine). Il leur fallait une sécurité intermédiaire : ce fut Tipasa. Les fouilles de M. P. Cintas précisèrent, seulement en 1943, l’emplacement de la petite nécropole qui accompagna le port pendant environ cinq siècles précédant la chute de Carthage. Ces fouilles expliquèrent en même temps la présence étonnante de l’étrange vaisseau de pierre échoué dans le port.
C’est le plus ancien caveau punique de Tipasa, les autres ayant été creusés de plus en plus vers l’Est. Il remonte au VI e ou Ve siècle avant notre ère. Respecté par les carriers romains qui débitaient les pierres de la falaise, il se coucha un jour sous l’action de la
mer.
En dehors du témoignage que les Phéniciens nous ont laissé avec leurs sépultures, nous savons peu de choses de l’histoire de Tipasa avant le 1er siècle de notre ère. A quel point le passage des navigateurs en ce lieu fut-il également un passage de la mer vers l’intérieur, un comptoir d’échange, un point de contact avec les populations libyques? Rien ne permet de l’attester. Comme en bien d’autres lieux d’Afrique, certains caissons funéraires et des stèles portant le « signe de Tanit », traces indiscutables de l’influence phénicienne à Tipasa ont été trouvés. Cependant on ne sait pas avec certitude à quelle époque, la présence carthaginoise a définitivement disparu de Tipasa qui était sous la domination des Aguellids (princes ou rois Numides).
Située au centre des pays maures qui couvraient, les territoires de l’espace correspondant approximativement, au nord de l’Algérie actuelle, Tipasa avait donc une position géographique stratégique. Elle était un passage incontournable pour les échanges commerciaux, non seulement avec les autres ports africains, mais avec l’Espagne, la Gaule et l’Italie ; prospérité d’une escale sur les routes maritimes comme sur la grande voie côtière de Maurétanie, à l’aboutissement d’un réseau routier venant de la Mitidja occidentale, terre à céréales, de la riche vallée supérieure du Chélif, de la région de Médéa et des Hauts Plateaux si favorables à l’élevage, sous la surveillance, à quelques encablures seulement., du mausolée royal de Maurétanie dénommé improprement » Tombeau de la Chrétienne »
Pline l’Ancien nous apprend que, quelques années à peine après l’annexion de la Maurétanie, sous l’empereur romain Claude Ier, en 39, Tipasa prend le statut de municipe latin et se dote d’une muraille longue de plus de deux kilomètres. Hadrien éleva par la suite Tipasa au rang de colonie honoraire.
À la fin du IIe siècle, la ville connaît son apogée avec une population qui s’élève, selon les estimations de Stéphane Gsell, à 20 000 habitants. Un fragment d’inscription, trouvé au cours des fouilles de 1951, prouve que c’est sous le dernier de ces empereurs que fut construite la porte orientale de la grande enceinte, à l’intérieur de laquelle la colonie tipasienne put se réfugier. Il est à remarquer que cette construction coïncide avec une époque d’insécurité et de troubles qui donna lieu à une guerre impitoyable contre les Maures.
Pour Tipasa, comme pour presque toutes les autres villes d’Afrique, c’est au second siècle et au début du troisième — sous les derniers Antonins et sous les Sévères — que commence une magnifique ère de prospérité. Prospérité des gros propriétaires du Sahel riche en blé et en huile ; prospérité de négociants en relations commerciales non seulement avec les autres ports africains, mais avec l’Espagne, la Gaule et l’Italie ; prospérité d’une escale sur les routes maritimes comme sur la grande voie côtière de Maurétanie, à l’aboutissement d’un réseau routier venant de la Mitidja occidentale, terre à céréales, de la riche vallée supérieure du Chélif, de la région de Médéa et des Hauts Plateaux si favorables à l’élevage. Toutes ces voies rendaient bien aux Tipasiens, par le courant commercial qu’elles leur apportaient, les sacrifices pécuniaires qu’ils consentaient pour leur entretien : certaines bornes milliaires, retrouvées le long de ces voies, prouvent qu’elles étaient entretenues, au moins en partie, par les Tipasiens, auteurs des
dédicaces aux Empereurs.
Tipasa ne présentait pas alors l’aspect luxueux de la proche capitale ou même des grandes villes de Numidie et de Proconsulaire ; mais ses monuments nous prouvent l’aisance de nombreux habitants et la richesse d’une république dont la limite des terres extérieures s’étendait jusqu’à la Mitidja. Il semble que le christianisme fit son apparition ici au début du IIIe siècle se consolida en prenant lentement la place des cultes païens.
En 372, Firmus, berbère révolté contre Rome, vient mettre le siège devant Tipasa, à la tête de bandes armées de pillards et de mécontents. S’ils étaient tous attirés par l’appât que représentait le sac d’une ville, les donatistes étaient animés d’une haine religieuse d’autant plus forte que les Tipasiens étaient plus attachés au christianisme de Rome. La partie Est de cette enceinte défendue avec acharnement par les habitants, résista victorieusement aux assauts répétés de Firmus. La capitale Caesarea, avec son immense muraille longue de sept kilomètres, et Icosium (Alger), n’eurent pas le même bonheur : elles furent prises et saccagées, ce qui eut sans doute pour résultat un accroissement rapide de la prospérité de Tipasa.
La fin du IV e siècle et le début du Ve , époque tragique pour le monde romain menacé de la mer du Nord à la mer Noire par les barbares venus d’outre Rhin dont l’immense migration ne s’arrêtait que pour progresser à nouveau, fut, pour Tipasa comme pour le reste de l’Afrique, une période d’illusions, car ici, le commerce était florissant et la population nombreuse : 10.000 à 15.000 habitants, vraisemblablement. Le christianisme se développait en toute quiétude, les récoltes se vendaient bien, et les malheurs de
l’Empire semblaient ne jamais devoir atteindre les heureuses provinces.
Quand eurent-elles connaissance des événements terribles et quelle attention apportèrent-elles à ce 31 décembre 406 où le Rhin, à moitié gelé près de Mayence, donna le signal de la mise en marche à une partie des populations qui n’attendaient qu’une occasion pour franchir le limes naturel qu’était le Rhin ? Pouvait-on s’imaginer, sous le beau ciel de Tipasa, que ces Vandales si lointains, que cette population mouvante de 80.000 individus, vieillards, femmes et enfants compris, contenue un instant en Espagne par un traité qui en faisait des fédérés, se mettrait à nouveau en marche et traverserait Gibraltar ? Tipasa tomba, comme toute l’Afrique, vers l’an 430. Les murailles furent abattues, sans doute par les habitants eux-mêmes, contraints par une poignée de vainqueurs, au démantèlement de cette enceinte jusque-là inviolée.
C’est ainsi que Tipasa tomba ensuite dans l’ombre que confère la misère et la décadence. Une partie des vestiges en pierre et en marbre firent l’objet d’un réemploi dans d’autres lieux, durant les périodes d’occupation successives.À l’inverse de Timgad et Djemila dont les ruines apparaissent compactes et facilement lisibles, Tipasa offre à décrire un site éclaté. Ceci est dû au fait que tout n’a pas été dégagé et qu’une bonne partie de la ville, explorée en 1891 par Stéphane Gsell
est encore sous les sédiments.
En l’état actuel, les vestiges se présentent en deux grands ensembles. Le premier, situé en dehors des murs, à l’entrée de la ville actuelle, à droite de la route qui vient d’Alger, face à au Centre arabe d’archéologie, correspond à une grande nécropole avec la basilique funéraire de Sainte Salsa. Le second, c’est le parc archéologique, situé à la sortie ouest du centre de la ville coloniale, au quartier des restaurants, qui regroupe la majorité des monuments mis au jour. Entre les deux, près du port, le musée
Farid GHILI Lions Club Alger Liberté Administrateur du groupe HPA Histoire et Patrimoine de l’Algérie Faridghili@gmail.com
*Extrait de Noces, d’Albert Camus, essai écrit en 1939 Sources : Unesco/L Baranes/Berbrugger/S. Gsell Crédit photo linda G.
The archaeological area of Tipasa includes two of the hills along the coast upon which the ancient town stood. The eastern one, where the harbour was located, is part of the modern town. The very Mediterranean landscape which surrounds the ancient ruins attracted the attention of Albert Camus (1913-1960), a French writer born in Algeria and best known for his novel The Plague. In 1939 he wrote Nuptials at Tipasa, a short account of his stay in the small town and of his visit to its ancient monuments.
View of Villa of the Frescoes and in the background the western hill and Mount Chenoua, which hides the view of Cherchell, ancient Caesarea Mauretaniae
A number of rich houses stood near the shore of the central hill. One of them was accessed from Cardo Maximus via a portico which led to a large courtyard. Fragments of paintings were found on the remaining walls of some rooms and thus it is called Villa of the Frescoes, although the proper term should be Domus(house). It enjoyed a commanding view and it must have belonged to a very wealthy family.
Mosaic of the "oecus" of Villa of the Frescoes
There is not much remaining evidence of the frescoes after which the building is named, but the oecus, the main hall, retains a fine geometric mosaic.
Vegetation near the Forum
In this marriage of ruins and springtime, the ruins have become stones again, and losing the polish imposed on them by men, they have reverted to nature. To celebrate the return of her prodigal daughters Nature has laid out a profusion of flowers. The heliotrope pushes its red and white head between the flagstones of the forum, red geraniums spill their blood over what were houses, temples, and public squares. Like the men whom much knowledge brings back to God, many years have brought these ruins back to their mother's house. Today, their past has finally left them, and nothing distracts them from the deep force pulling them back to the center of all that falls.
Albert Camus - Nuptials at Tipasa - Translated by Ellen Conroy Kennedy The Forum of Tipasa was identified in ruins at the top of the central hill. It was a large rectangular square with porticoes along three sides.
Civil Basilica
The only building of the Forum which retains more than its foundation is a basilica which was unearthed in 1914. It had three naves and an apse. It is called civil basilica to distinguish it from the basilica-shaped churches which were built on the western hill. It is dated late Ist or early IInd century AD and it served as a tribunal and as a covered meeting place.
Museum of Tipasa: Mosaic of the Slaves and a detail of it
A fine floor mosaic was found in the apse of the Civil Basilica and after extensive restoration it was moved to a very small museum at the entrance to the archaeological site. It has an elaborate geometric decoration based on pelta, the shield of the Amazons. Twelve small portraits of heads surround a central panel depicting a family of slaves or prisoners.
Mosaic of the Slaves: detail
The frizzly hair of the "slaves" and of the twelve surrounding figures is the Roman iconographical featurewhich identified the native people of the provinces of northern Africa. A modern politically oriented interpretation of the mosaic purpose suggests it was meant to humiliate the inhabitants of Tipasa of non-Roman origin. It might not have had such a general significance and perhaps it was made to celebrate a specific event. We know that Emperor Antoninus Pius ordered the construction of walls to protect Tipasa; the town was therefore threatened by something, possibly a raid by nomadic tribes who lived in the Sahara desert, similar to the Garamantes in Libya. The mosaic therefore might have celebrated a fight in which an attack by these tribes was repelled or a successful punitive expedition in their territories.
Museum of Tipasa: steles with a half moon surrounding the sun, a symbol of Tanit, a Carthaginian goddess
A number of very interesting antiquities are collected together in the garden of the principal proprietor, Monsieur Trémaux. Murray 1878.
The small museum of the archaeological site originates from that of the Trémaux family who owned a large estate which included the ancient town. An effect of the Carthaginian rule over Tipasa and other towns in northern Africa is the adoption of Phoenician deities by the local tribes, at least from an iconographical aspect.
Museum of Tipasa: steles of Roman cavalrymen
Although Tipasa was not a military town a number of steles of army officers were found there. Some of them are of particular interest because they depict the weapons of members of the Roman heavy cavalry at the time of Emperor Septimius Severus. The two cavalrymen shown above attacked the enemy by using a contus, a very long lance which was wielded two-handed and that was widely used by the armies of the Achaemenid and Sassanid rulers of Persia.
Museum of Tipasa: sarcophagi decorated with: (above) a sea thiasos, a procession of tritons and sea nymphs; (below) scenes from the chariot race between Pelops and Oenomaus
In the first sarcophagus the portrait of the dead inside a clipeus (round shield) was left unfinished so that it could be retouched to depict the actual person for whom the sarcophagus was bought. This is something which often occurred in the "global" manufacturing and trading of sarcophagi in the Roman Empire.
The second sarcophagus shows events related to the race between Pelops and Oenomaus; it was an event which was depicted by statues on the front of the Temple of Zeus at Olympia and so it was well known throughout the ancient world. The relief shows on the left the meeting between Pelops and Oenomaus sitting on his throne and on the right the beginning of the chariot race. Notwithstanding the loss of most of the heads the relief is a very fine piece of work. The image used as background for this page shows the head of Pelops which is carved on one of the short sides of the sarcophagus.
Museum of Tipasa: (left) the chariot of Oenomaus; (right) head of Jupiter
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