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Albert Camus et Tipasa

 

image from tipasa.eu

 

J'ai eu un professeur de français qui nous disait : « Je crois avoir lu presque tout Camus. Je l'ai surtout relu ». Il ne savait pas alors que je réciterais des pages entières des Noces en me promenant au milieu des ruines de Tipasa.
J'avais préparé pour le cinquantenaire de la disparition d'Albert Camus un document rempli de photos et de textes.
J'ai remanié le recueil, je l'ai reconstruit et j'en ai fait un site que je livre à votre curiosité.
J'ai fait mienne cette phrase de Baudelaire : « Bien qu'on ait du cœur à l'ouvrage, l'Art est long et le temps est court ». Aimerez-vous mon Albert Camus et Tipasa ?.. Dites-moi.

                                                                    

 

image from www.deuxarobases.fr
 

 Sensible tout particulièrement à votre approche poétique des lieux et du personnage, j'ai feuilleté les pages consacrées à Camus et Tipasa avec émotion... C'est là quand il décrit Tipasa dans Noces qu'il me bouleverse le plus. Ah, ces lieux que j'ai sillonnés en 2006 au côté de Sabah, guide passionnée, fille (ou petite-fille) du guide précédent. Nous avons été l'une comme l'autre sous le charme du nymphée, imaginant la vie à l'époque romaine, autour des bassins où se pressaient des porteuses d'eau. Nous avions Sabah comme moi, construit les mêmes représentations au-delà des différences de cultures. Quant à la forme donnée à votre site, il est très agréable à consulter. Merci de nous faire partager avec tant de passion votre connaissance d'Albert Camus.

Yvette Dutel 

 
 
 
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Published on Tuesday, 05 March 2013 09:55

image from www.deuxarobases.fr
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Pascal Pia est né à Paris le 15 août 1903. Selon l'état civil, il s'appelait Pierre Durand (un prénom et un nom trop communs). Il était d'une famille modeste. Il rencontra André Malraux, fit de la poésie (influencé par Rimbaud et Baudelaire) et fut tenté par le journalisme. Néanmoins il demeurait toujours un homme de l'ombre. Un jour cependant, venue des colonies, une bonne nouvelle le rasséréna. N'était-il point appelé pour devenir le rédacteur en chef du journal Alger Républicain ? A cette époque, Alger n'était même pas une ville de province mais plutôt pour les métropolitains la ville des chameaux, des dattiers et des mouquères voilées de blanc.

Pascal Pia, très vite a eu un trait de génie. Il a embauché Camus à la rédaction en septembre 1938. Selon l'écrivain-journaliste Roger Grenier, Pascal Pia était un homme sans envergure, pétri d'absurdité et il aurait retrouvé Pia dans Meursault le narrateur de La mort heureuse. Camus aurait été influencé par Pia dans ses méditations sur l'Absurde. Le mythe de Sisyphe est dédié à Pascal Pia. Déroulons encore le film, la guerre et la clandestinité pour Pia. En 1943, devenu rédacteur en chef de Combat dont la parution était illégale, donc très secrète et hors-la-loi. Il embaucha Albert Camus. La collaboration entre les deux hommes fut difficile et en juin 1947 Camus quitta le journal pour rejoindre la revue Les Temps modernes. Pia a été gaulliste, Camus jamais. Camus visionnaire ?

 
 
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Published on Friday, 22 February 2013 09:30
image from www.deuxarobases.fr

Cette peinture est parue en page 6 du n° 67-68 de la revue Algérie Littérature Action (Marsa Editions) consacrée à Louis Benisti, peintre, sculpteur et écrivain, revue que j'ai commandée en 2011. Louis Benisti : La maison devant le monde. Gouache exécutée de mémoire en 1990. (Photo Jean-Pierre Benisti).L'article est de Yvette Dutel.
C'est en ces termes qu'Albert Camus désigna la maison Fichu dans le roman La mort heureuse. Sur la terrasse devant la baie d'Alger sont représentées les trois femmes : Jeanne Sicart, Christiane Galindo, Marguerite Dobrenn ainsi que les deux chats Cali et Gula. « La maison s'accrochait sur une colline d'où l'on voyait la baie. Dans le quartier on l'appelait la maison des trois étudiantes (…) Rose, Claire, Catherine et le garçon l'appelaient la maison devant le monde. Tout entière ouverte devant le paysage, elle était comme une nacelle suspendue dans le ciel éclatant au-dessus de la darse colorée du monde. (La mort heureuse page 136.)

 

 

 

 

image from tipaza.typepad.fr

 

Published on Monday, 11 February 2013 09:55
 

Sentez-vous combien le temps glisse, glisse... Nous vieillissons tous et le cœur serré, nous voyons disparaître nos aînés. Nous campons sur nos positions et refusons d'oublier le vrai paradis, celui que nous avons perdu. Ainsi toutes les photos, les images, le moindre mot qui évoquent notre pays, nous tiennent en éveil et fixent notre attention, même ces mots si doux à nos oreilles : "Grâce à Albert Camus, j'ai la nostalgie, chaque fois que je vais en Algérie, de ne pas être né en Afrique du Nord”. La phrase passe mal ou elle est très mal construite. Elle est signée Nicolas Sarkozy qui évoque sans complexe Albert Camus et nous crache son charabia.
     Aujourd'hui, je préfère entendre Jeanine de la Hogue et dans ma tête coulent des larmes lorsqu'elle me dit à voix basse :"On pleure le paradis perdu, on veut se souvenir du bonheur, mais c'est souvent la souffrance qui vient en surface, qui trouble l'image comme une pierre lancée dans un lac paisible et qui n'en finit pas d'étendre ses cercles."

 



 

 

 

 

 

image from www.deuxarobases.fr

Mes filles qui sont littéraires et ont fait Philo (bien sûr qu'il ne s'agit pas de la classe Philo d'autrefois) me disent que les lignes qui vont suivre, c'est du nia nia nia... Quant à ma femme, elle a fait Math Elem alors pour elle, cet ensemble de mots, c'est de la bouillie pour chat.
Je suis un peu ou beaucoup de leur avis. Que nous diront les lecteurs ?

L'existentialisme est un courant philosophique et littéraire qui postule que les individus créent le sens et l'essence de leur vie, par opposition à ce qu'elle soit créée pour eux par des doctrines théologique ou philosophique. L'existentialisme considère chaque personne comme un être unique qui est maître non seulement de ses actes et de son destin, mais également - pour le meilleur comme pour le pire - des valeurs qu'il décide d'adopter.
Simone de Beauvoir s'est toujours défendu d'avoir fait avec Les Mandarins un roman à clés. Mais aucun lecteur de 1954, familier des journaux de l'époque, ne pouvait s'empêcher d'opérer les identifications suivantes: Perron=Camus, Dubreuilh=Sartre, Anne=Simone de Beauvoir.

En 1954, j'étais trop jeune pour me souvenir de la vague soulevée par Les mandarins.

 
 

   
 
 

 

http://www.deuxarobases.fr/blogtipasa/index.php/en/

 

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Rédigé le 03/04/2022 à 21:02 dans Camus, Tipaza | Lien permanent | Commentaires (0)

Tipaza - L'ancien port

 

image from tipasa.eu

 

A ce moment, sur le port de Tipasa, ai-je peut-être appris à ne plus avoir de pensées ? Des garçons bruyants arrivèrent en groupe, posèrent leurs serviettes et plongèrent l'un après l'autre en parodiant les vrais plongeurs. Le saut de l'ange n'allait pas très haut dans le vide, le saut arrière simple n'était qu'un plongeon à l'envers et le saut carpé n'était qu'une illusion. Des filles sautaient en se bouchant le nez, tout simplement en faisant, disaient-elles, « la bombe ".

Je revois un garçon blond, le visage encadré par un collier de barbe, qui avait installé son chevalet et peignait dans un coin à peu près tranquille du port. Il attirait forcément les regards. J'étais moi aussi intéressé et j'aurais voulu passer un moment avec lui pour découvrir comment il allait progresser. Marcelin Arnaud essaya un peu bêtement de se faire expliquer pourquoi il déformait ainsi tout ce qu'il dessinait au lieu de le reproduire naturellement. La réponse fut banale et un instant je fus déconcerté.

- Je ne fais pas de la photo en couleur. Je laisse les paysages passer par mon esprit.

J'ai essayé de ralentir la marche des trois garçons mais Jean-Claude frappait dans ses mains en maugréant : "Allez, on y va..."

J'ai suivi avec une pointe de regret et sans le faire savoir.

Ecoutons Camus :

"... Le lendemain matin il se leva tôt et descendit vers la mer. Le jour était déjà dans toute sa clarté et le matin chargé de froissements d'ailes et de pépiements d'oiseaux. Mais le soleil effleurait seulement la courbe de l'horizon et, lorsque Meursault entra dans l'eau encore sans éclat, il lui sembla nager dans une nuit indécise jusqu'à ce que le soleil se levant, il enfonça ses bras dans des coulées d'or rouge et glacé. Il revint à ce moment et rentra chez lui. Il sentit son corps alerte et prêt à tout accueillir."

 

image from tipasa.eu

 

 

http://tipasa.eu/z_tipasa/le_port.html

 

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Rédigé le 03/04/2022 à 15:15 dans Tipaza | Lien permanent | Commentaires (0)

La vie de Camus va bientôt basculer.

 

Nous hésitâmes un instant pour passer puis marchâmes dessus puisqu'il n'y avait pas de d'autre solution.

J’avais 20 ans sur le port de Tipasa. Mais le temps passe trop vite. Camus nous explique que :" Si le temps coule si vite, c'est qu'on n'y répand pas de points de repères. Ainsi de la lune au zénith et à l'horizon. C'est pourquoi ces années de jeunesse sont si longues parce que si pleines, années de vieillesse si courtes parce que déjà constituées. Remarquer par exemple qu'il est presque impossible de regarder une aiguille tourner cinq minutes sur un cadran tant la chose est longue et exaspérante."

 

Ah, cette douleur qui sourd en moi à la vue de cette photo ! Je me dis : "Les hommes ne sont plus là pour ranger ces barques abandonnées? Nous ne sommes plus là. Abandonnées ? Le sont-elles vraiment ?"

Beaucoup d'hommes rêvent de voir Venise. J'ai navigué sur les gondoles noires mais c'est Tipasa qui m'attend. Ni les hommes absents de ce port et ni moi-même ne pourront refaire l'Histoire. Camus n’a pas vu Tipasa se vider de ses habitants français. Il serait devenu, comme moi,  un étranger dans son pays.

 

La vie de Camus va bientôt basculer.

Camus :

"Mais les hommes meurent malgré eux, malgré leurs décors. On leur dit : " Quand tu seras guéri..." et ils meurent. Je ne veux pas de cela. Car il y a des jours où la nature ment, il y a des jours où elle dit vrai."

 

Camus encore :

"J'ai trop de jeunesse en moi pour pouvoir parler de la mort. Mais il me semble que si je le devais, c'est ici (ici à Djémila et non à Tipasa) que je trouverais le mot exact qui dirait, entre l'horreur et le silence, la certitude consciente d'une mort sans espoir".

 

image from tipasa.eu

Nous hésitâmes un instant pour passer puis marchâmes dessu

image from tipasa.eu

Les hommes ne sont plus là pour ranger ces barques abandonnées.

image from tipasa.eu

 

 

http://tipasa.eu/z_tipasa/port_02.html

 

 

 

 

Rédigé le 03/04/2022 à 12:26 dans Camus, Tipaza | Lien permanent | Commentaires (0)

Camus encore et encore

 

"Certaines nuits dont la douceur se prolonge, oui, cela aide à mourir de savoir qu'elles reviendront après nous sur la terre et la mer. Grande mer, toujours labourée, toujours vierge, ma religion avec la nuit !"

 

Au-dessus du petit port, on peut apercevoir distinctement les fils de fer barbelés.

 

Camus :

"Quinze ans après, je retrouvais mes ruines, à quelques pas des premières vagues, je suivais les rues de la cité oubliée à travers des champs couverts d'arbres amers, et, sur les coteaux qui dominent la baie, je caressais encore les colonnes couleur de pain. Mais les ruines étaient maintenant entourées de barbelés et l'on ne pouvait y pénétrer que par les seuils autorisés."

 

Ajouter mes souvenirs : "Port désert. Fin de la nuit. J'ai vu l'aube se lever sur le port de Tipasa. Evoquer ces menus plaisirs imprimés en moi et regarder encore combien ces photos sont belles, ces photos qui déclenchent dans tout mon être le rappel d'un matin à peu près effacé mais toujours logé quelque part dans ma mémoire : Les premières nuances des lumières un jour d'été sur la mer. Et puis le jour effaçait l'embrasement du soleil naissant, éteignait les derniers feux et apparaissait l'azur. L'Azur ! L'Azur !...  Et Mallarmé qui nous poursuit. Disparition des couleurs, leur évanouissement. Spectacle d'une mort heureuse.

 

 

image from tipasa.eu

Làbas, le port, le phare…Et le Chenoua.

image from tipasa.eu

 

 

http://tipasa.eu/z_tipasa/port_03.html

 

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Rédigé le 03/04/2022 à 12:13 dans Camus, Tipaza | Lien permanent | Commentaires (0)

Je revois le parc Trémaux à Tipaza

 

   

L'ordre du parc et le gardien arabe si sympathique. Il avait posé avec nous.

D'après mes petites recherches, le musée a été créé en 1955. Nous le visitions peu après sa création. Seigneur, comme le temps passe.

Et les copains ? Que sont-ils devenus ? Ils vivent à Nice pour la plupart et je suis en contact avec les familles. Ils sont mariés, ont des enfants et coulent une retraite paisible. Ils parlent souvent de Marengo, de Tipasa et le pays leur colle à la peau. Peut-être pour mieux voir La Vénus de Tipasa

Ah !.. L'ombre fraîche de ces journées d'été dans le parc Trémaux. Puis-je redire combien je garde comme des trésors, ces vieilles photos prises en 1956, 1957 et 1958 ?

Camus :

"Vers le soir, je regagnais une partie du parc plus ordonnée, arrangée en jardin, au bord de la route nationale. Au sortir du tumulte des parfums et du soleil, dans l'air maintenant rafraîchi par le soir, l'esprit s'y calmait, le corps détendu goûtait le silence intérieur qui naît de l'amour satisfait. Je m'étais assis sur un banc. Je regardais la campagne s'arrondir avec le jour. J'étais repu. Au-dessus de moi, un grenadier laissait pendre les boutons de ses fleurs, clos et côtelés comme de petits poings fermés qui contiendraient tout l'espoir du printemps."

 

En 1854, un entrepreneur parisien, Demonchy, eut l'idée grandiose de rebâtir Tipasa. L'administration lui accorda une vaste concession; à charge pour lui de construire, à côté de sa ville, un village agricole. L'année suivante Demonchy meurt du paludisme (dans la vallée du Nador au pied du massif du Chenoua subsistait des marais), puis c'est le tour de son épouse du fait du climat malsain qui régnait alors. Le fils, découragé, vend la concession à son beau-frère, Jean-Baptiste Trémaux.

La ville de Tipasa ne renaîtra pas, mais Trémaux crée le jardin-musée pour protéger l'ancienne cité du vandalisme moderne, à côté du futur Parc Trémaux, parc national qui groupe l'essentiel des ruines romaines.

 

image from tipasa.eu

Avec le gardien arabe si sympathique.

 

image from tipasa.eu

Pour mieux voir la Vénus de Tipasa.

 

 

 

http://tipasa.eu/z_tipasa/le_parc_tremaux.html

 

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Rédigé le 03/04/2022 à 11:50 dans Tipaza, Tourisme | Lien permanent | Commentaires (0)

Tipasa ou le mystère des dieux

 

 Une des destinées mythiques de l'Algérie se trouve à 70 km à l'ouest d'Alger, là où se marient le soleil d'Afrique du Nord et le bleu de la Méditerranée.

 

 

Les quelques imprécisions historiques du gardien et l'incivisme de certains visiteurs qui laissent traîner bouteilles d'eau vides ou emballages de sandwichs ne devraient décourager celui qui vient admirer les ruines de Tipasa, à quelque 70 kilomètres à l'ouest d'Alger. Ici, à fleur de rochers plongeants dans la Méditerranée, on peut rêvasser devant les vestiges d'une puissante cité maritime romaine puis byzantine, bâtie sur elle-même sur l'emplacement d'un comptoir punique inféodé à Carthage. « Je comprends ici ce qu'on appelle gloire : le droit d'aimer sans mesure » : la citation d'Albert Camus a été gravée sur ce site dans une pierre, témoignage de la passion du Prix Nobel de littérature pour Tipasa.

image from static.lpnt.fr
 

Histoire de vestiges

Il faut se promener ici, profitant de l'ombrage des pins maritimes, à travers les vestiges ou en suivant une des deux voies pavées, le cardo maximus et le decumanus, en répétant la phrase qui ouvre ce texte magnifique « Noces à Tipasa » : « Tipasa est habitée par les dieux, et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes. » Il faut se perdre dans ce dédale de pierre, de sauge et de chants de cigales, apercevoir la mer en contrebas et le Chenoua, la grande montagne qui repose sur la mer côté ouest et imaginer les premiers marins arrivant de Carthage (ou d'ailleurs, Phéniciens ou autres) pour y mouiller dans ses eaux profondes leurs embarcations avant de continuer vers les Colonnes d'Hercule ; imaginer, en visitant les ruines de l'amphithéâtre, les combats des gladiateurs ou s'approcher encore de la mer pour se voir notable romain installé dans la villa des Fresques (de 1 000 mètres carrés), construite vers le IIe siècle de notre ère, quand la ville abritait quelque 20 000 habitants.

« Que d'heures passées à écraser les absinthes, à caresser les ruines, à tenter d'accorder ma respiration aux soupirs tumultueux du monde ! Enfoncé parmi les odeurs sauvages et les concerts d'insectes somnolents, j'ouvre les yeux et mon cœur à la grandeur insoutenable de ce ciel gorgé de chaleur. » De chaleur et d'histoire, fracas des époques, de crépuscules catalytiques d'empires. Ses remparts (2 200 mètres défendus par une trentaine de tours, construites par l'empereur Claude Ier) avaient protégé la cité prospère contre les assauts de la révolte du général berbère Firmus (vers 732) contre l'Empire, mais la puissante enceinte de pierre n'a pas résisté à la vague destructrice des Vandales de Genséric (en 430).

 
image from static.lpnt.fr

Sous le soleil brûlant de Tipasa

La reprise de l'Afrique du Nord par les Byzantins, un siècle plus tard, n'offre qu'un sursis à la belle cité portuaire qui finira enlisée et oubliée dès le VIe siècle, avant que les recherches archéologiques, au XIXe siècle, ne révèlent au monde l'incroyable trésor dormant sous les sédiments et les ombres des pins maritimes, balayés par la brise marine et la rumeur des légendes. Tiens, en voilà une de légende : celle du martyre de sainte Salsa ! Sur la colline surplombant les ruines se dressent les vestiges de la Basilique Sainte-Salsa, un sarcophage en pierre à moitié préservé est même réputé être celui de la jeune sainte chrétienne, qui à 14 ans se révolta contre le rituel d'adoration d'une statue de dragon qu'elle jeta à la mer. Noyée, la mer se déchaîna, et un pêcheur gaulois, Saturnin, récupéra le corps de la jeune Fabia Salsa, et c'est ainsi que les flots se calmèrent. Montez tout en haut (la pente n'est pas si rude) et touchez ces pierres élevées pour la gloire de cette si jeune et frêle habitante de Tipasa. Et là, relisant Camus, encore une fois : « La basilique Sainte-Salsa est chrétienne, mais à chaque fois qu'on regarde par une ouverture, c'est la mélodie du monde qui parvient jusqu'à nous : coteaux plantés de pins et de cyprès, ou bien la mer qui roule ses chiens blancs à une vingtaine de mètres. La colline qui supporte Sainte-Salsa est plate à son sommet et le vent souffle plus largement à travers les portiques. Sous le soleil du matin, un grand bonheur se balance dans l'espace. »

À ne pas rater dans les environs :

 

Les musées de Tipasa et de Cherchell : avec celui de Cherchell (l'antique Césarée, tout près par la route), ces deux musées offrent une belle représentation des pièces archéologiques de ces deux sites romains-bérbères. Au musée de Cherchell, une statue colossale d'un empereur romain (probablement Auguste) et un magnifique Apollon attribué à Phidias ainsi que les mosaïques d'une rare beauté, dont une représentant Ulysse et ses marins tentés par le chant des sirènes.

Le Tombeau de la chrétienne ou Mausolée royale de Maurétanie : ce tumulus de pierre de 80 000 mètres carrés, orné de soixante demi-colonnes et de portes géantes condamnées, surplombant la route rapide Alger-Tipasa, serait la sépulture du roi numide Juba II (qui régna de 25 av. J.-C. à 23 ap. J.-C.) et de son épouse, la reine, aimée du peuple, Cléopâtre Séléné, fruit de l'union entre l'illustre reine d'Égypte et Marc Antoine.

 

 

 

Par Adlène Meddi, à Tipasa

Publié le 30/08/2017 à 13h10

 
https://www.lepoint.fr/culture/site-a-re-decouvrir-4-tipasa-ou-le-mystere-des-dieux-30-08-2017-2153237_3.php
 
 
Camus :
 
image from tipasa.eu
Devant l'entrée du musée.
 
image from tipasa.eu
 
Objets funéraires.+

« Bien pauvres sont ceux qui ont besoin de mythes. Ici les dieux servent de lits ou de repères dans la course des journées. Je décris et je dis :"Voici qui est rouge, qui est bleu, qui est vert. Ceci est la mer, la montagne, les fleurs." Et qu'ai-je besoin de parler de Dionysos pour dire que j'aime écraser les boules de lentisques sous mon nez ?
Est-il même à Démèter ce vieil hymne à quoi plus tard je songerai sans contrainte :"Heureux celui des vivants sur la terre qui a vu ces choses."Voir, et voir sur cette terre, comment oublier la leçon ? Aux mystères d'Eleusis, il suffisait de contempler. »  
Notre musée. J’avais pris la photo et coupé les pieds des copains peut-être pour mieux voir le hall d’entrée.
 
Camus :
 
image from tipasa.eu

"Les dieux éclatants du jour retourneront à leur mort quotidienne. Mais d'autres dieux viendront. Et pour être plus sombres, leurs faces ravagées seront nés cependant dans le cœur de la terre".
"Le ciel se fonce. Alors commence le mystère, les dieux de la nuit, l'au-delà du plaisir. Mais comment traduite ceci ? La petite pièce de monnaie que j'emporte d'ici a une face visible, beau visage de femme qui me répète tout ce que j'ai appris dans cette journée, et une face rongée que je sens sous mes doigts pendant le retour.
 
 
 
Les captifs
 
image from tipasa.eu

Cette mosaïque décorait l'abside de la basilique civile. Le tableau central représente 3 captifs, les mains liées : un chef de tribu maure assis près de son bouclier, son épouse et leur enfant.

 
 
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Rédigé le 01/04/2022 à 17:02 dans Camus, Tipaza, Tourisme | Lien permanent | Commentaires (0)

Noces de pierres dans la ville d'eau

 

Texte d´un Hadjouti amoureux comme nous tous de Tipaza.

 

 

Qui, après Camus, ose écrire sur Tipasa sans trembler ? La ville est tellement marquée par son empreinte qu'on est saisi de frayeur à l'idée d'en parler. C'est que Noces et Retour à Tipasa donnent le vertige. Ils demeureront à tout jamais l'étalon d'or pour évaluer tout texte que quiconque osera écrire sur une ville qui, si elle n'est peut-être pas habitée par les dieux, l'est certainement par l'âme de Camus. Qui ose défier Camus ? Tipasa lui appartient comme Paris appartient à Zola, Dublin à James Joyce et La Havane à Hemingway.

Marquée de l'empreinte des dieux et d'un chantre par ces mêmes dieux inspiré, Tipasa n'a plus rien à recevoir mais tout à offrir, pourvu seulement qu'on en soit digne. Et cette passion qu'elle reçoit en retour est son dû, la dîme à payer en échange des parfums et des sons et de ces jeux d'ombres et de lumières sur un rocher ou sur une barque au bord de l'eau. C'est le prix à payer pour que la ville reste encore là et ne disparaisse dans une brume matinale, faute d'être aimée. Déjà que Tipasa a un pied ici et un autre posé sur la rive opposée qui, par deux fois, l'a engendrée. N'est-elle pas issue de ces innombrables va-et-vient des marchands et des guerriers aux impatients navires ? N'est-elle pas née de l'échange entre les races et les cultures méditerranéennes, elle qui fut phénicienne puis romaine pendant des siècles et qui a beaucoup appris de la Grèce comme sa voisine Cesarea (Cherchel) et comme en témoigne son musée ? Succédant aux Romains en 534, 534 ap. J.-C., les Byzantins occupèrent Colonia Aelia Tipasensis pendant deux siècles et lui redonnèrent sa ferveur chrétienne mais aussitôt après leur départ, la cité sombra dans le silence des ruines. Cependant, au XIXe siècle, le fabuleux site ne laissa pas insensibles les derniers conquérants, qui y édifièrent une ville au milieu des figuiers et des ruines. Tant de poésie à la fois ! Après l'oubli, Tipasa Oppidium, la cité ainsi nommée dans la cosmographie de Julius Honorius, renaissait comme le sphinx de ses cendres, ville blanche d'Occident posée telle une perle sur une rive d'Afrique. Depuis, Tipasa ne cesse de se prosterner face à la mer et peu importe que nous ne sachions pour quel dieu.
A tous ces mythes et ces charmes, ajoutez les parfums de bougainvilliers et de jasmin et les odeurs enivrantes de l'absinthe ! Mais c'est trop ! Même pour Camus, c'est irrésistible.

Tipasa, tel un mirage

Au sortir de Bérard, entre pins maritimes et roseaux, surgit le Chenoua, gigantesque odalisque couchée sur le dos avec presque tout le ciel pour lit. Etendue bleue sur fond bleu. Un panache d'excès. On a hâte d'y être.
Voilà, voilà qui coupe le souffle ! Mais c'est depuis la colline ardente de la Sainte Salsa que l'on voit mieux la ville splendide émerger dans un écrin de verdure : blancheur immaculée et chapeaux de tuiles rouges. De ce promontoire, à l'aube, elle jaillit tel un mirage : un halo tremblant ou une espèce de voile blanchâtre qui soudain se déchire et c'est déjà le jour. Une lumière écrue, torride vient de frapper la ville de plein fouet ! Cinglée par tant de lumière, Tipasa se remue un peu, puis apparaît dans son absolue nudité, majestueuse dès cet instant.
Sur le quai, la sardine frétille dans les cageots. Des grappes humaines se déversent dans les rues, les rideaux grincent, les commerçants arrosent les trottoirs, des bus bondés s'ébranlent. Ici le nouveau jour toujours recommencé est jour de noces pour les uns et synonyme de labeur et parfois de peine pour d'autres.
Le soleil est oblique. La ville hurle déjà sous ses dards. Même les bougainvilliers, cascades purpurines sur les façades, implorent pitié ; les pierres se calcinent et les rues semblent vouloir, dans la ville, laisser s'engouffrer la mer, comme si un naufrage valait mieux qu'un incendie. Mais la mer ne se fait jamais prier. Les clameurs habitent déjà la ville. Souveraine est la mer. Plus souveraine encore est la mer à Tipasa.
De quelque direction que l'on arrive ici, on accède toujours par les lieux où se reposent les morts. A l'ouest, nous accueille un petit cimetière punique et à l'est, l'immense nécropole chrétienne antique, presque mitoyenne du cimetière musulman où les géraniums sourient à fleurs rouges et roses au soleil qui se fracasse sur une ville comme née de ses entrailles. Alors, pour la mémoire des morts et des peuples bâtisseurs d'autrefois - qui ne nous ont pas légué des pierres seulement la beauté de l'esprit - entrons dans le royaume des ruines avant d'entrer dans la ville limpide.
Un soleil vorace tournoie comme un vautour avant d'abattre sur Tipasa une nuée de rayons semblables à des coups de poing. La mer : multitude de paillettes d'acier sous un ciel, plutôt une tôle chauffée à blanc, d'un éclat insoutenable. On croit entendre hurler la pierre. Allons nous réfugier dans le cœur des ruines, auprès de nos ancêtres ! Certes, venir ici pour y rechercher des légendes et des mythes n'est pas une passion commune, mais peut-on vraiment aimer des paysages si on ne sait pas à quel point d'autres avant nous les ont aimés ?
Il est des moments où on oublie même les siens et on se rapproche des pierres, alors, fidèle aux légendes, moi je m'en vais là-haut sur la colline.
“La basilique Sainte Salsa est chrétienne, mais chaque fois qu'on regarde par une ouverture, c'est la mélodie du monde qui parvient jusqu'à nous : coteaux plantés de pins et de cyprès, ou bien la mer qui roule ses chiens blancs à une vingtaine de mètres. La colline qui supporte Sainte Salsa est plate à son sommet et le vent souffle plus largement à travers les portiques.” ( Noces, Albert Camus).

Cette colline est une immense zone d'inhumation, considérée comme l'une des plus belles nécropoles du monde occidental. Les excavations ont livré un important mobilier funéraire dont une partie est exposée au musée de la ville. Utilisé dès l'époque punique, ce cimetière continua à l'être jusqu'au Ve s. ap. J.-C.

Sarcophages et pierres taillées

Un sentier sinueux se faufile au milieu d'enclos funéraires, de tombes à caissons et de sarcophages, par centaines, par milliers peut-être, et de toutes tailles ! Il nous promène. Nous prenons même le temps de regarder la mer, à l'ombre bienvenue d'un figuier ou d'un tamaris. Toutes ces tombes, tous ces sarcophages, alignés dans un ordre parfait, comme pour le jour où les âmes rejoindraient le Seigneur, nous deviennent vite familiers. Déjà nous avons l'impression que nous ne nous promenons pas au milieu des mânes mais dans le domaine d'êtres encore en vie. En tout cas, leur esprit est là, dans la beauté nue des sarcophages, dans cet alignement mathématique et dans l'austérité et la dignité qui s'en dégagent. Non, ce lieu n'est pas habité par la mort mais par la force lisse, diamantine de l'esprit !


L'air est léger. Quelques arbres ébouriffés par la brise. La mer palpite à peine - grande colère contenue - mais à son bruit sourd, on sait qu'elle est en train de mordre la falaise. En haut, le soleil guette une proie. Dans cette harmonie, qui soudain apparaît comme un brouillon de choses incompatibles, comme un chaos d'éléments jetés au hasard, seules les sépultures semblent ordonnées, profondément sereines dans leur alignement, dans leur grâce et leur dignité. Et c'est là, grâce à la beauté nue des sarcophages, que je comprends que sans toutes ces pierres taillées et retaillées par les hommes, tout le site, aussi loin que porte le regard, ne serait qu'un vulgaire paysage, qu'un ordonnancement banal d'arbres, de collines, de falaises…
Une force x a créé la Nature, mais c'est l'Homme qui rends cette dernière plus belle, plus digne d'admiration, puis les Hommes créent des dieux pour se sentir peut-être plus humbles.
Voilà pourquoi même la mer paraît fade devant cet alignement tombal plus remuant en nous que la vulgaire tache bleue qui pourtant va plus loins que l'horizon. Quelques pierres façonnées par les hommes pour y mettre leurs morts nous parlent soudain un langage plus fort que celui de la nature toute entière ! Les arbres, les rochers, les collines et le ciel où tournoie un soleil devenu fou, semblent pathétiques. Et plus pathétique encore, la mer ! Devant ces sarcophages, qui ne bougent pas, qui ne s'agitent pas inutilement, qui ne remuent rien et que rien ne remue, pas même le ciel s'il venait à voler en éclats. Le temps s'est arrêté et les ruines sont là, traces éternelles de la main humaine qui, dans la mutité du minéral, à immortaliser la force de l'esprit.
Tous les hommes ne le savent peut-être pas mais nous venons tous à Tipasa pour ces pierres et non pas pour la mer qui, d'ailleurs, partout est toujours la même : bleue, inutilement bleue. H2O.
C'est avec ces certitudes que je me dirige enfin vers la basilique de la Sainte Salsa, avec la certitude aussi que ce n'est pas pour y voir un amoncellement de ruines mais pour y découvrir la quintessence de l'esprit humain, cette lumière plus vive que le soleil et que rien, oui, rien, pas même les ténèbres dites éternelles ne pourront effacer ni éteindre. Enfant, j'y allais avec d'autres collégiens y chercher des pièces romaines, aujourd'hui c'est le parfum de l'âme que je suis convaincu d'y trouver, l'âme des Berbères Maures, l'âme des Puniques, l'âme romaine, tous ces bâtisseurs d'antan. Les côtés sombres, il faut s'en f… car désormais nous sommes convaincus que l'histoire à enseigner aux hommes ne doit plus être une histoire de haine mais une histoire d'amour. Elle doit nous apprendre à aimer l'Autre pour le bien qu'il nous a fait et pour toutes les leçons d'art et de sciences qu'il nous a apprises - et Dieu sait qu'elles sont nombreuses - et seulement pour cela, d'autant qu'il est notre semblable. Il ne sert à rien de rappeler les fracas des armes et les factices épopées guerrières ni de faire tinter les os de nos martyrs car il a aussi les siens, qui sont aussi les nôtres, comme les nôtres sont siens. Approcher cette basilique avec des pensées d'exclusion ou de règlement de comptes avec d'autres peuples par l'entremise de l'histoire, c'est offenser Sainte Salsa, la martyre si douce, “plus douce que le nectar” et qui est Tipasienne, notre lointaine compatriote dont l'âme avait été illuminée par la foi nouvelle. Chrétienne était-elle ? Ou seulement une agnostique révoltée contre des pratiques cruelles ? L'hagiographie nous dit que “Salsa avait quatorze ans quand, dans son indignation de voir adorer une idole de bronze, elle la jeta à terre, la brisa et en jeta la tête à la mer. Revenant au temple pour y rechercher d'autres fragments, elle se heurta à la population déchaînée qui la lapida et, à son tour, la précipita dans les flots… La mer se déchaîna dès qu'elle reçut le corps de l'enfant. Et un voyageur venant de Gaule retrouva miraculeusement la petite morte… Dès lors, la mer s'apaisa et le vent tomba. Et le corps de la jeune martyre fut porté dans une humble chapelle au-dessus même du port.” (J. Bardez, cité dans un texte de F. Djelti et S. Ferdi, intitulé Site et antiquités de Tipasa).
Nous aimons cette adolescente à peine pubère qui a ennobli l'esprit par un acte de révolte et parce qu'elle était une martyre, sans pour autant haïr ceux qui l'ont tuée. D'ailleurs, cette histoire est trop lointaine pour pouvoir susciter de la haine. Néanmoins, dans dix mille ans, elle nourrira encore de l'amour comme si elle était de la veille. Quelques murs, une abside, des arcades, voilà ce qui reste de la basilique qui, vers le IVe s., lui fut dédiée, mais avec les yeux du cœur vous verrez que tout l'édifice est là, suspendu sur ses colonnes de lumière, éternel comme l'esprit qui habite la colline.
Venez ici en automne ou en hiver par un jour de soleil frileux et vous entendrez, entre les rafales de vent et le hurlement des vagues, une espèce de souffle, je dirais divin. Ou sont-ce les soupirs chagrinés de Sainte Salsa qui pleure l'égarement des âmes hors des sentiers lumineux de sa foi ? Pourtant, même lorsque souffle le vent le plus glacial, des pêcheurs viennent ici jeter leurs hameçons et Sainte Salsa se sent moins seule.
C'est peut-être pour cela que parfois, on croit entendre un chant qui caresse la colline et descend vers Tipasa à l'heure où, en toussotant, des barques bleues et blanches reviennent au port.
Mais ce n'est plus dans les ruines qu'on trouvera le fil d'Ariane de la ville aujourd'hui paresseuse comme les bougainvilliers qui couvrent encore quelques murettes de ses villas comme ses ruelles qui déambulent en pentes douces vers le port, le point où convergent à la fois le labeur, l'ennui quotidien et une certaine douceur de vivre. C'est qu'on ne peut pas être plus exigeant que cela dans une ville où une beauté nue, désormais sans esprit, épouse l'innocence. Il est (pourtant) des jours où, en flânant à Tipasa, on s'attend à rencontrer un esprit éclairé, Camus ou Juba II - qui, quoique roi, fut un intellectuel et un homme très sensible - mais aussitôt on se ravise et on va rejoindre la foule, à la plage ou dans un café sombre où l'on remue des dominos - on est aussi venu pour ça, pardi ! Ensuite on les quitte définitivement, ces ruines, on disparaît, mais elles restent toujours là, vestiges de la première intelligence, témoins vivants de l'esprit qui a su épouser les contours du grès.

Mémoire des ruines

C'est l'heure où le soleil repeuple de ses flèches chaque pierre, chaque grain de sable. Il s'attarde sur une colonne, balaie le péristyle d'une demeure en ruines, se projette avec violence sur les toits rouges de la ville maintenant muette et cloîtrée dans la sieste qui la sauve du grand vautour en furie, pénètre à travers les frondaisons d'oliviers où crécelle un grillon inconsolable, griffe un mur et se faufile derrière une ombre bleue pour fendre de tous ses dards sur la place nue près du port où l'on vient se faire écorcher vif par cette charrue qui vous laboure tout entier.
Si vous êtes venu pour le culte du bronzage, le soleil à son zénith s'impatiente de vous rôtir.
Des pêcheurs reviennent au port. En toussotant, la barque fait une ellipse et caracole lentement vers l'abri où depuis plus de deux millénaires un immense tombeau punique, jeté là par Dieu sait quel hasard ou quelle force, se prend lui aussi pour un bateau. Pour l'anecdote, chère aux archéologues, c'est ce mausolée à moitié englouti qui a permis de dater Tipasa de l'époque punique.
En été, même les jetées servent de plongeoirs pour tous ces corps jeunes et bronzés qui célèbrent le culte immortel de Dionysos, mais dans leurs plongeons, dans leur regard et même dans leurs rires qui pourtant éclatent comme des pastèques trop mûres, on décèle une impatience : celle de revoir les touristes d'antan.
Ici, les jeunes ont les plages pour unique passion, voilà pourquoi ils s'ennuient en hiver, car en concevant des espaces pour festoyer le corps, la ville a oublié l'esprit. Puis, Tipasa nous étreint avec son charme, alors on oublie l'hiver et on se fait à l'idée qu'une belle ville n'est pas forcément une ville de l'esprit, d'autant que Tipasa n'a pas la prétention d'être une Rome ou une Syracuse en miniature. Site archéologique et balnéaire sans plus ! Et si Camus l'a rendue célèbre, la ville quant à elle n'a jamais cherché à glaner des lauriers. Pourtant, son passé la raccorde aux villes prestigieuses et c'est pour cela que vers le crépuscule, lorsque la mer est outremer et que le ciel flamboie, on a l'impression que la ville tremble comme pour s'arracher à la terre et s'en aller rejoindre la Grèce ou l'Italie. Depuis la fin de l'empire romain, Tipasa a perdu cette assurance royale qui ancrait les hommes à leur présent et une ville à une plus vaste contrée. Et si, aujourd'hui encore, il n'est pas rare d'entendre quelques-uns se vanter d'une certaine filiation latine, c'est tout simplement parce que le passé est têtu et qu'il n'est pas seulement dans la mémoire des ruines mais aussi dans celle des hommes.
Il y a à peine quinze siècles de cela, ici on parlait à la fois le punique, le latin et le berbère. Il y avait aussi un théâtre et un amphithéâtre.
C'est dans le crépuscule, une lumière rose se pose sur les épaules du Chenoua. Des milliers d'automobilistes prennent la route, repus de clameurs marines, d'orgies de soleil et d'agapes inoubliables dans une ville comme conçue pour le culte de Dionysos. Les Tipasiens, quant à eux, continueront à travailler pour ceux qui sont venus y passer tout l'été. Ah, j'allais l'oublier : à l'heure où le soleil bourdonne, prêt à exploser en bourrasques de plomb fondu, il vous est peut-être arrivé de voir, comme il m'arrive souvent de voir, sur l'esplanade du Forum, près de la Nymphée ou du Temple anonyme, quelques silhouettes anciennes habillées de toges ou de pagnes et qui disparaissent aussitôt qu'apparues. Pour moi, ces fantômes sont aussi réels que ces ruines et ce sont eux surtout qui m'attirent à Tipasa.

 

 

Ali El Hadj Tahar

Rédigé par : nodine | 12/12/2008 à 12:30

https://tipaza.typepad.fr/mon_weblog/2008/12/les-ruines-de-tipaza.html

 

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Rédigé le 22/02/2022 à 20:38 dans Camus, Tipaza | Lien permanent | Commentaires (0)

La passion de Salsa ou le martyre d’une sainte de 14 ans …

 

image from babzman.com

  • Photo : Tombeau de Sainte Salsa – Tipasa

 

Salsa était une petite chrétienne à l’époque où les tipasiens adoraient encore des idoles. Elle est considérée comme l’une des martyres du début de cette religion. Deux manuscrits relatant La passion de sainte Salsa avait été retrouvés en 1891, écrits par un habitant de Tipasa quelques années après le martyre de Salsa.

Les faits remontent au début du quatrième siècle, alors que les chrétiens étaient encore peu nombreux dans la ville de Tipasa. Les cultes païens, bien que privés d’appui officiel, se poursuivaient, notamment sous la forme de l’adoration par la foule d’un serpent de bronze, le dieu Draco, et de pratiques fanatiques qui rappellent celles du culte de Cybèle et d’Attis, selon Stéphane Gsell.

Ce serpent qu’on décrit fait de bronze et d’or et dont les yeux brillants seraient des pierres précieuses, se trouvait dans un temple élevé sur une colline de rochers dominant la ville et baignant dans les flots sa base rocheuse. Ce lieu avait été consacré dès les temps les plus reculés au culte des faux dieux, d’où son appellation de colline des Temples. Il abritait aussi une vaste nécropole de sépultures serrées les unes contre les autres.

Un jour, Salsa, une jeune fille âgée de 14 ans déjà convertie au christianisme, a été emmenée par ses parents païens à ce lieu de culte. Tremblante et frémissante à la vue de pratiques qu’elle trouvait écœurantes, sa colère fini par éclater : «Ah ! malheureux parents, dit-elle, malheureux concitoyens, le démon vous trompe encore une fois ! Que faites-​vous ? où courez-​vous ? à quoi pensez-​vous ? Dans quels précipices vous a poussés le tortueux serpent ! Ne voyez-​vous point sous quel joug vous courbez vos têtes ? Cette bête que vous adorez, malheureux, n’est qu’un airain fondu. L’argile lui a servi de modèle, le plâtre l’a remplie, le marteau l’a façonnée, la lime l’a polie, finalement c’est la main d’un homme qui, guidée par l’esprit du mal, a fait votre dieu. Qu’il vous rende donc quelque oracle au milieu de tout ce tumulte ! Écoutons ce que pourra dire ce dragon qui trompe d’ordinaire et n’ouvre la bouche que pour dire le mal. Il n’y a qu’un Dieu que nous devions prier et adorer sur les autels, celui qui a fait le ciel, établi les fondements de la terre, creusé le bassin des mers, trouvé la lumière, créé les animaux, disposé les éléments, ordonné les saisons, distribué les divers ordres de la nature et façonné l’homme pour qu’il s’applique toujours aux choses divines. Il faut, dis-​je, adorer ce Dieu qui n’a pas eu de commencement et qui n’aura pas de fin. Ce que vous adorez, ce ne sont pas des dieux, car si vous ne veillez sur eux, ils ne sont pas capables de se défendre eux-​mêmes. Retirez-​vous, calmez votre fureur insensée, mettez fin à vos cruautés, que votre frénésie s’apaise. Laissez-​moi lutter avec votre dragon, et s’il est plus fort que moi, tenez-​le pour dieu, mais si je l’emporte sur lui, reconnaissez qu’il n’est pas dieu, abandonnez les sentiers de l’erreur, convertissez-​vous et rendez au vrai Dieu votre culte et vos adorations. »

Les païens la regardaient comme une folle et n’y prêtèrent pas plus d’importance. Salsa, profitant de leur ivresse, fit une dernière prière et s’introduisit courageusement dans le temple pour détruire le faux dieu. Elle enleva au dragon sa tête et l’envoya rouler à travers les rochers jusque dans la mer, sans être vue de personne. Elle retournera au sanctuaire «avec l’intention de jeter dans les flots le corps même de l’idole. Elle y réussit, mais la statue de bronze fit en tombant un tel bruit que les gardiens accoururent ».  La foule réveillée de son ivresse s’empara de la jeune fille. « Lapidée, percée de coup d’épées, piétinée, mise en pièces, elle fut enfin jetée à la mer, afin que son corps restât sans sépulture », écrit Stéphane Gsell et de poursuivre plus loin «Presque à ce moment, un certain Saturninus, venant de Gaule, y jetait l’ancre par un temps calme. Mais tout à coup une tempête violente s’éleva et fit courir au vaisseau les plus grands dangers. Pendant que Saturninus dormait, il reçut en songe l’ordre de recueillir le corps de la martyre qui se trouvait sous son vaisseau, et de lui donner sépulture : sinon il périrait. »

Le marin n’exécuta l’ordre que tardivement, alors que la tempête redoublait de violence et que son rêve se répéta par deux fois encore. Il plongea dans l’eau et ramena le corps de Salsa. Aussitôt, la mer s’apaisa et les vents tombèrent.

La jeune martyre du début du christianisme, fut transportée par les adeptes de la nouvelle religion dans un cortège funèbre, vers la colline des Temples où une chapelle, et bien plus tard, une basilique sera élevée avec les pierres de l’ancien temple païen pour devenir le sanctuaire de la sainte Salsa.

Un sarcophage en marbre de très belle qualité, mais entièrement brisé, a été retrouvé, devant la place qu’occupait l’autel de la basilique, avec le caisson funéraire de Fabia Salsa, sans doute aïeule de la petite martyre. Découverte par Stéphane Gsell et l’abbé Grandidier, la basilique de Sainte Salsa était ornée de mosaïques dont il ne reste à peu près plus rien de nos jours.

Sur la sépulture de la sainte Salsa, une inscription confirmait son existence : « au lieu où brille le saint autel, repose la martyre Salsa, toujours plus douce que le nectar, qui a mérité d’habiter toujours au Ciel, en pleine béatitude ».

Synthèse : Khadija T.

Sources :

  • Stéphane Gsell, « Recherches archéologiques en Algérie », Ernest Leroux,‎ 1893.
  • Toutain Jules, «Fouilles de M. Gsell à Tipasa : Basilique de Sainte Salsa » In: Mélanges d’archéologie et d’histoire, tome 11, 1891.
  • « Les Martyrs » Recueil de pièces authentiques sur les martyrs depuis les origines du christianisme jusqu’au XX° siècle en 15 volumes. Traduites et publiées par le R. P. Dom H. LECLERCQ, Moine bénédictin de Saint-​Michel de Farnborough, de 1903 à 1924.
  • Photo : Tombeau de Sainte Salsa – Tipasa

 

Par admin11 avril 2016
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Rédigé le 09/01/2022 à 17:00 dans Souvenirs, Tipaza, Wilaya de Tipaza | Lien permanent | Commentaires (0)