Emmanuel Macron n'a "pas exclu" ces derniers jours l'envoi de troupes en Ukraine, une déclaration qui inquiète l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin, qui y voit un "risque". "La logique de la force, quand elle n'est pas maîtrisée, conduit à une escalade qui peut être mortelle", a-t-il prévenu sur LCI.
Depuis février 2022 et l'entrée des troupes russes sur le territoire de l'Ukraine, une question lancinante accompagne le soutien occidental à ce pays et revient régulièrement dans les débats :Jusqu'où l'aide occidentale peut-elle aller sans que le conflit provoque une conflagration mondiale ?
Les Occidentaux affirment régulièrement qu'ils ne sont pas en guerre contre la Russie. Leur objectif est purement défensif. L'aide multiforme qu'ils apportent à l'Ukraine vise d'abord à empêcher la Russie d'occuper tout le territoire ukrainien et ensuite à permettre à Kiev de récupérer les territoires occupés et annexés par son voisin, à savoir la Crimée (février 2014) et les oblast du Dombass (2022), et cela conformément au droit international et à ce qui fut convenu au début des années 1990.
Le plan en dix points énoncé par le président ukrainien en novembre 2022, au cours du G20 à Bali (Indonésie) résume cette position. Cependant que la Russie s'en tient à la neutralisation géopolitique de l'Ukraine et refuse son intégration à l'OTAN et à l'arrêt de l'extension sans limite de l'Alliance vers l'est.
Les militaires russes et américains suivent attentivement les opérations et tentent à chaque fois que nécessaire de lever le doute sur les faits et les intentions des uns et des autres pour éviter... l'irréparable.
Toutefois, les politiques, eux, préoccupés par d'autres impératifs, sont infiniment plus ambiguës et aujourd'hui franchement bellicistes.
C'est ainsi que le président américain ne s'interdit aucune attaque ad hominem depuis le début du conflit et se permet d'insulter son homologue russe en termes crus1. Les présidents américains de R. Nixon à D. Trump en passant par R. Reagan se sont illustrés par leur vulgarité même s'ils évitaient de le manifester publiquement.
Il est vrai que J. Biden a une espérance de vie électorale très courte, même si D. Trump est juridiquement empêché de se présenter.
L'année 2024 est une année électorale cruciale dans de nombreux pays, de l'Union Européenne aux Etats-Unis en passant par l'Inde, le Brésil, le Mexique, le Pakistan, le Bangladesh, l'Indonésie, la Russie, huit des dix Etats les plus peuplés au monde, soit plus de la moitié de l'humanité en âge de voter est appelée aux urnes.
Certains scrutins sont plus cruciaux, plus critiques que d'autres.
Au reste, les buts de guerre occidentaux sont à géométrie variable et tournent tous autour de l'idée que désormais la Russie ne doit pas gagner, c'est-à-dire qu'il est impératif qu'elle doive perdre. Peu à peu, on passe de la défense de l'Ukraine à la défense de l'Occident.
«La défaite de la Russie est indispensable à la sécurité et à la stabilité en Europe» déclare le président français. C'est ce qu'il ne cesse de répéter ces derniers mois après avoir à l'envi défendu l'idée que la Russie ne devait à aucun prix être humiliée. Ce qui lui a attiré les foudres des Ukrainiens et de nombreux pays appartenant à l'OTAN, résolus à en finir avec la Russie poutinienne.
C'est le même E. Macron, à l'issue d'une Conférence internationale pour le soutien à l'Ukraine organisée hâtivement à Paris qui se présente devant les caméras et annonce sa disposition à déployer des troupes en Ukraine.2
La co-belligérance, quelle limite ?
Une armée d'experts en chambres réunis régulièrement sur les plateaux de télévision d'information continue, s'épuisent à tenter de trouver une réponse à cette question.
La raison et le bon sens l'ont traditionnellement résumée en une formule simple : «l'ami de mon ennemi est mon ennemi». Avec une inférence logique : «l'ennemi de mon ami est mon ennemi» ou encore, «l'ennemi de mon ennemi est mon ami».
Les pays qui apportent leur soutien à l'Ukraine sont ipso facto des ennemis de la Russie.
Toutefois, la question est plus complexe qu'il n'y paraît. Elle ne renvoie pas à un état mais à une dynamique, un processus dont la qualification évolue selon les rapports de force sur le terrain.
En sorte que la question de savoir s'il y a ou non co-belligérance ne peut pas obtenir une réponse binaire. Elle est sans objet hors contexte.
Nous y reviendrons plus loin.
La Conférence de Paris qui s'est tenue ce 26 février s'est achevée dans la confusion.
Contrairement à l'habitude, E. Macron s'est présenté seul face aux journalistes.
La déclaration du président français va provoquer des remous auxquels personne ne s'attendait.
L'envoi de troupes occidentales au sol en Ukraine ne doit pas «être exclu» à l'avenir, affirme-t-il, reconnaissant néanmoins qu'«il n'y a pas de consensus aujourd'hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu'il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre».
E. Macron n'a pas souhaité apporter plus de précision, évoquant une «ambiguïté stratégique que j'assume». Mais «je n'ai absolument pas dit que la France n'y était pas favorable», a-t-il prévenu. «Je ne lèverai pas l'ambiguïté des débats de ce soir en donnant des noms. Je dis que ça a été évoqué parmi les options».
On ne sait pas au juste ce que recouvre cette «ambiguïté» («créatrice») dont s'était servi S. Perez naguère pour éluder les questions qui lui étaient posées au cours des négociations d'Oslo. Les Palestiniens de Ghaza en connaissent la signification aujourd'hui...
En revanche, on sait ce que pensent les homologues de E. Macron de son idée de déployer des troupes alliées en Ukraine. D'abord la parole à l'acteur principal.
«La Russie a adopté une agressivité non seulement contre l'Ukraine, mais contre nous en général», déclare le président français qui passe de «la Russie ne peut ni ne doit gagner» à (...) «nous avons la conviction que la défaite de la Russie est indispensable à la sécurité et à la stabilité en Europe»
«Beaucoup de gens qui disent Jamais, jamais' aujourd'hui étaient les mêmes qui disaient Jamais des tanks, jamais des avions, jamais des missiles à longue portée' il y a deux ans». «Ayons l'humilité de constater qu'on a souvent eu six à douze mois de retard. C'était l'objectif de la discussion de ce soir : tout est possible si c'est utile pour atteindre notre objectif».
Le président français a néanmoins versé dans l'acrobatique tour de passe-passe que les alliés de l'Ukraine n'étaient «pas en guerre avec le peuple russe», mais qu'ils ne voulaient «simplement pas les laisser gagner en Ukraine».
E. Macron reconnaît cependant que qu'«il n'y a pas de consensus aujourd'hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol».
Et ce n'est pas peu dire.
Solitude française.
E. Macron semble avoir pris de court la plupart de ses homologues, chacun d'eux a aussitôt rétropédalé et pris distance avec les propos du président français, tenant compte sans doute de leurs opinions publiques. N'oublions pas que la conduite occidentale de la guerre en Ukraine est tenue médiatiquement à l'écart comme si elle se déroulait sur une autre planète. Un mur étanche est érigé entre les effets des décisions des pays coalisés (inflation, érosion des pouvoirs d'achat, chute de la croissance, manifestations des agriculteurs européens...) et les causes, notamment à travers la politique de sanctions infligées à la Russie.
- Suède. Le premier ministre suédois, Ulf Kristersson: «La question n'est pas d'actualité». «La tradition française n'est pas la tradition suédoise».
- Slovaquie. Pour le premier ministre slovaque Robert Fico, aucun soldat slovaque ne sera envoyé en Ukraine. Il a qualifié la rencontre de Paris de «réunion de combat», dénonçant l'absence de plan de paix. «Tout ce qu'ils veulent, c'est que la tuerie continue», a déclaré le populiste, élu en octobre 2023. «Comme nous l'avions supposé lors de plusieurs réunions ce matin à Bratislava, il régnait à Paris une atmosphère purement combative favorable à la guerre. Il n'y avait pas un mot sur la paix, ce que je regrette personnellement». «Je peux confirmer qu'il y a des pays qui sont prêts à envoyer leurs soldats en Ukraine, il y a des pays qui disent jamais, la Slovaquie en fait partie, et des pays pour lesquels cette proposition devrait être prise en considération».
Dans son discours à la conférence, il a répété les positions de son gouvernement. «Notre gouvernement rejette la poursuite de la guerre, nous n'enverrons pas d'armes en Ukraine, nous nous concentrons uniquement sur des projets civils, et le plus important est l'accord au sein de la coalition gouvernementale selon lequel nous n'accepterons jamais qu'un soldat slovaque parte en Ukraine pour cette guerre», a ajouté celui qui, par le passé a remis en question la souveraineté de l'Ukraine et s'oppose aux sanctions dirigées contre la Russie.
- Pologne. Donald Tusk n'envisage pas d'envoyer des troupes en Ukraine. «La Pologne n'envisage pas d'envoyer ses troupes en Ukraine. Nous avons ici une position commune [avec Robert Fico, le premier ministre slovaque]», a déclaré Donald Tusk, au sommet du Groupe de Visegrad, à Prague. «Je crois qu'il ne faut pas spéculer aujourd'hui sur l'avenir, ni sur la question de savoir s'il y aura des circonstances qui modifieront cette position. Aujourd'hui, nous devons soutenir autant que possible l'Ukraine dans son effort militaire. Si tous les pays de l'UE étaient autant impliqués dans l'aide que la Pologne et la République tchèque, il ne serait peut-être pas nécessaire de discuter d'autres formes de soutien à l'Ukraine».
- Croatie. Le président croate Zoran Milanovic a affirmé mardi que son pays ne commettrait pas «l'acte de folie» d'envoyer des soldats en Ukraine, au lendemain d'une déclaration du président français Emmanuel Macron qui a évoqué l'éventualité d'un tel scénario. Le chef de l'Etat croate, dont les pouvoirs sont limités mais qui est le commandant en chef de l'armée, a assuré qu'«aucun soldat croate n'(irait) faire la guerre en Ukraine» tant qu'il serait président. La Croatie est membre de l'Otan et de l'Union européenne. «La seule solution pour la guerre en Ukraine est de parvenir à un accord de paix qui va prévenir de nouvelles victimes et sauver des milliers de vies», a déclaré Zoran Milanovic dans un communiqué de presse. Selon lui, le déploiement de troupes croates en Ukraine serait un «acte de folie».
- Les États-Unis non plus «n'enverront pas de soldats combattre en Ukraine», affirme la Maison-Blanche. J. Biden sait que s'il soutenait une telle idée, il mettrait un point final à sa carrière politique.
Et par le chancelier allemand.
- Allemagne. Contrairement à la France et au Royaume Uni, l'Allemagne refuse d'être impliquée directement dans le conflit. C'est la raison pour laquelle après avoir cédé aux pressions américaines pour fournir des armes et des munitions et cela contrairement traditions de ce pays en vigueur depuis 1945, le chancelier Scholtz a refusé de fournir à l'Ukraine des missiles longue portée Taurus (500 km) qui l'y entraînerait.
«C'est une arme de très grande portée, et ce qui est fait en ciblage et en accompagnement du ciblage de la part des Britanniques et des Français ne peut pas être fait en Allemagne», a déclaré Olaf Scholz à l'agence de presse allemande DPA, dans un entretien diffusé ensuite par son service de presse à l'ensemble des médias, en réponse à la demande de l'Ukraine de lui livrer des missiles Taurus.
«De mon point de vue, ce serait quelque chose qui ne serait pas responsable si nous participions de la même manière à la gestion du ciblage» de ces missiles, a-t-il ajouté, en pointant le risque que l'Allemagne se retrouve «d'une certaine manière impliquée dans la guerre» directement. «Les soldats allemands ne doivent en aucun cas et en aucun endroit être reliés aux objectifs atteints par ces systèmes», a encore expliqué Olaf Scholz, en précisant que cela concernait aussi l'implication de militaires allemands restant sur leur territoire national.
«Ce que d'autres pays font, qui ont d'autres traditions et d'autres institutions constitutionnelles, est quelque chose que nous ne pouvons pas faire dans la même ampleur», a encore argué le chancelier social-démocrate. Et d'ajouter : «Ce qui manque à l'Ukraine, ce sont des munitions pour toutes les distances possibles» de tir, «mais pas de manière décisive, cette chose venant d'Allemagne». (Le Monde, L. 26 février 2024)
- Italie. L'aide à l'Ukraine «ne prévoit» pas l'envoi de troupes, déclare le gouvernement italien. Le gouvernement italien a rappelé que l'aide occidentale à l'Ukraine «ne prévoit» pas le déploiement de troupes européennes ou de l'Otan, évoqué la veille par le président français Emmanuel Macron. «Depuis le début de l'agression russe, il y a deux ans, il y a eu une pleine cohésion de tous les alliés concernant le soutien à offrir à Kiev. Ce soutien ne prévoit pas la présence sur le territoire ukrainien de troupes d'États européens ou de l'Otan», a souligné le gouvernement dans un communiqué. En visite à Zagreb, le chef de la diplomatie italienne Antonio Tajani a appelé à «être très prudent» sur ce sujet, car «nous ne devons pas apparaître comme étant en guerre avec la Russie». «Personnellement, je ne suis pas favorable à l'envoi de troupes italiennes au combat en Ukraine», a-t-il déclaré mardi à des médias italiens.
- Otan. L'Otan n'a «aucun projet» d'envoi de troupes de combat en Ukraine, a indiqué mardi en début d'après-midi à l'AFP un responsable de l'Alliance. «L'Otan et les Alliés apportent une aide militaire sans précédent à l'Ukraine. Nous l'avons fait depuis 2014 et nous sommes passés à la vitesse supérieure après l'invasion russe à grande échelle. Mais il n'y a aucun projet de troupes de combat de l'Otan sur le terrain en Ukraine», a souligné ce responsable de l'Alliance.
Or, dans l'OTAN, n'y a-t-il pas la France ?... O. Scholtz confirme. Comprenne qui pourra.
Le chancelier allemand affirme au lendemain des propos du président français n'excluant pas cette perspective, qu'«aucun soldat» ne serait envoyé en Ukraine par des pays d'Europe ou de l'Otan. Il juge lors d'une conférence de presse que «ce qui a été décidé entre nous dès le début continue à être valide pour l'avenir», à savoir «qu'il n'y aura aucune troupe au sol, aucun soldat envoyé ni par les Etats européens, ni par les Etats de l'Otan sur le sol ukrainien».
Un désaveu total des déclaration du président français. Ces réactions montrent à l'évidence plus qu'une divergence entre alliés. La Conférence et la déclaration de E. Macron ont donné l'occasion de constater à quel point la coalition anti-russe est profondément divisée. Et c'est la France qui semble en faire les frais.
Critiqué à l'étranger, le président français l'est aussi dans son pays.
- «L'envoi de troupes en Ukraine ferait de nous des belligérants (...) Cette escalade verbale belliqueuse d'une puissance nucléaire contre une autre puissance nucléaire majeure est déjà un acte irresponsable» Jean-Luc Mélenchon
- Marine Le Pen à l'Assemblée Nationale ne s'est pas retenue : «Le premier devoir d'un pays c'est de ne disposer de la vie de ses soldats que pour défendre son indépendance ou pour préserver son intégrité ou alors s'engager, si, dans le cadre d'une alliance des obligations ont été contractées. Mais là sur un terrain extérieur, il faudrait intervenir militairement avec nos soldats ?», a critiqué la chef de file des députés RN ajoutant : «En affirmant que l'envoi de troupes au sol n'était pas exclu, Emmanuel Macron a franchi une étape supplémentaire vers la cobelligérance, faisant planer un risque existentiel sur 70 millions de Français et plus particulièrement sur nos forces armées».
Il en est de même des autres représentants du paysage politique français : les socialistes, les Républicains... et une multitude d'«alliés» qui désapprouvent en silence.
Chacun sait combien la légalité du président ne coïncide plus depuis longtemps avec sa légitimité. E. Macron aurait été inspiré de la tester si l'esprit de la Constitution avait été respecté. Mais le suicide politique n'est pas dans les moeurs de la «classe politique» française. La France n'est plus en 1969. Mais cela est une autre affaire...
Un exemple suffit pour le montrer.
Quelques heures après une polémique suscitée par ses déclarations E. Macron a demandé au gouvernement de faire devant le Parlement une déclaration «relative à l'accord bilatéral de sécurité conclu avec l'Ukraine» le 16 février. Un débat avec vote au Parlement sur l'accord de sécurité avec l'Ukraine a été décidé, conformément à l'article 50-1 de la Constitution.
1.- Ce débat n'a rien à voir avec la cause qui l'a provoqué. Ce n'est pas l'accord de sécurité avec l'Ukraine qui fait débat, mais l'annonce de l'envoi de soldats français en Ukraine.
2.- Le président français décide, signe un accord et demande après coup un débat à une Assemblée qui aurait du être préalablement consultée, comme dans n'importe quelle «démocratie». N'est-ce pas à cette situation que se trouve confrontée la Maison Blanche face au Sénat ?
Rétrospectivement, cette conférence était plutôt mal partie, rien qu'à constater la qualité des participants.
La communication élyséenne se félicitait de l'accueil de dizaine de chefs d'Etat.
Mais, Ni V. Zelensky (occupé à préparer sa visite en Arabie Saoudite et dans les Balkans), ni J. Biden (tout à sa campagne électorale dans le Michigan), ni R. Sunak (en fin de cycle difficile)... en somme les principaux acteurs de l'Occident en guerre, n'étaient présents.
Washington a délégué un anonyme sous-secrétaire d'Etat chargé de l'Europe.
C'est dire à quel point cette rencontre était stratégique. E. Macron va lui donner une dimension médiatique de première grandeur. Cela ne signifie pas que les questions abordées par le président français étaient sans importance.
Un peu d'histoire.
Commençons par noter qu'en réalité, le pavé qu'il a lancé est sans objet.
Le président français «prévoit» le passé en regardant l'Ukraine dans le rétroviseur. En effet, les soldats occidentaux sont déjà en Ukraine et cela depuis bien avant le 22 février 2022.
Ils le sont dans le cadre stratégique général de l'extension de l'OTAN vers l'est et cela depuis les premières années 2000 lorsque Washington s'est aperçu que le remplaçant de B. Eltsine à la tête de la Russie ne «consentait» plus.
La confirmation est venue lors du discours de V. Poutine à la Conférence de Munich en février 2007.
A l'évidence, un partenariat d'égal à égal n'est plus d'actualité pour l'«hyperpuissance» américaine dès 1991. Le ver était dans le fruit et la crise actuelle en est l'aboutissement inévitable. Toutes les autres explications n'ont pus qu'une valeur polémique, par ailleurs parfaitement compréhensible : la communication est un autre espace de la guerre.
La présence militaire occidentale en Ukraine est un secret de Polichinelle. Et les soldats de Macron (qui en a une exacte connaissance) ont été précédés par des légions armées jusqu'aux dents.
Cela commence par le «coup d'Etat de Maïdan» auquel les services occidentaux ont apporté un concours décisif.3
Cela n'a pas cessé depuis.
La CIA est présente en Ukraine contre la Russie.
A la veille de la Conférence de Paris et du pavé dans la mare macronien, le NY Times en a jeté un autre.4
Un reportage qui a nécessité plus de 200 entretiens en Ukraine, en Europe et aux États-Unis. En quoi consistent les révélations croustillantes du NYT ?
La Centrale américaine possède 12 bases secrètes en Ukraine, au plus proche du front ainsi que deux bases spécialisées dans l'interception des communications russes. La CIA fournit des renseignements opérationnels et aide les Ukrainiens à identifier les cibles russes. Elle communique toutes données nécessaires au suivi des mouvements des troupes russes et contribue à la formation et au soutien d'espions.
Les journalistes du NYT ont visité «un centre nerveux secret de l'armée ukrainienne». Ils y ont été accueillis par l'un des principaux responsables des services de renseignement. Ce général ne s'en cache pas : «la base est presque entièrement financée, et en partie équipée, par la C.I.A». À «Cent dix pour cent» précise-t-il. Le New York Times souligne que «ce partenariat en matière de renseignement entre Washington et Kiev est l'un des piliers de la capacité de l'Ukraine à se défendre».
Selon un responsable européen (qui a gardé l'anonymat), il ne s'agissait pas seulement d'aider, mais de «contrôler» l'Ukraine. (LCI, L. 26 février 2024)
Deux personnages joueraient un rôle essentiel. William Burns et Kyrylo Budanov (RFI, L. 26/02/2024).
W. Burns (directeur de la CIA) qui en est, depuis 2022, à sa 10ème visite en Ukraine le J 22 février 2024. Diplomate, polyglotte, ancien ambassadeur en Russie et en Israël, W. Burns est un acteur majeur dans le conflit.
K. Budanov, le chef de renseignement militaire ukrainien. Le NY Times révèle qu'il a été formé par la CIA, membre de l'unité 2245 encadrée par l'Agence.
Les seules questions qui vaillent et sur laquelle le NYT, ni d'ailleurs les médias qui le relaient, ne s'attarde pas est celle-ci : sachant que les informations sensibles sur les opérations militaires en Ukraine sont frappées du secret le plus hermétique, qui a fait fuiter les informations sur la participation de la CIA au conflit ukrainien et quels sont les réels objectifs de cette publication ?
La présence en Ukraine de combattants étrangers n'est pas révélée officiellement mais elle n'est niée par personne.
La Légion internationale pour la défense territoriale de l'Ukraine est une unité militaire de la légion étrangère volontaire de la force de défense territoriale ukrainienne créée par Kiev à la demande du président Volodymyr Zelensky pour combattre lors de l'invasion russe de l'Ukraine.
Le 6 mars 2022, selon le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba, plus de 20 000 personnes de 52 pays se sont portés volontaires pour se battre pour l'Ukraine ; plusieurs milliers d'autres auraient rejoint les rangs après cette annonce. Il n'a pas mentionné le nom des pays d'origine des volontaires, affirmant que certains pays interdisent à leurs citoyens de se battre pour d'autres pays.
Conçue sur le modèle des «brigades internationales» qui avaient en 1936 combattues pour la République en Espagne, la formation de la Légion internationale prend racine sur les bataillons de volontaires ukrainiens utilisés au début de la guerre du Donbass en 2014.
Bien que ces unités aient été officiellement intégrées à l'Armée ukrainienne, certaines unités telles que la Légion géorgienne jouirent d'une certaine autonomie au sein des forces armées. Naturellement, aucun pays, ni la France, ni l'Allemagne, ne reconnaîtrait ces combattants comme missionnés par eux.
Londres vient de concéder que des opérateurs britanniques sont sur le terrain pour assister et non pour combattre.
On devine que les armements concédés à l'Ukraine sont suivis avec une attention particulière à la fois pour aider les Ukrainiens à bien s'en servir mais surtout pour éviter de voir des armements disparaître dans la nature, dans un pays connu pour sa corruption «exemplaire».5
Le contexte explique le texte.
Deux séries de raisons expliquent l'intervention du président français.
1.- La fin de la «contre-offensive» ukrainienne.
L'état des rapports de forces sur le terrain n'est pas favorable à l'Ukraine et à ses soutiens.
Cogitée à la fin de l'année 2022, elle devait bouter l'armée russe d'Ukraine et aboutir in fine à la chute du régime poutinien à Moscou.
Un armement considérable a été fourni à l'Ukraine. La réalisation devait débuter au printemps 2023 mais ne commencera réellement qu'au début de l'été. Mais, très vite, le constat de l'échec est avéré.
Le Sommet de Vilnius sera le théâtre de controverses violentes entre alliés. Les Ukrainiens accusent leurs alliés de leur avoir chichement comptés leur soutien.
Les Occidentaux accusent les Ukrainiens d'incompétence militaire et stratégique pour avoir dispersé leurs efforts et concentré leurs actions sur des cibles mineures loin de ce qui avait été convenu.
L'échec ne sera reconnu officiellement qu'à l'automne 2023.
Le président ukrainien explique benoîtement à ceux qui veulent bien écouter un homme qui tient la scène sans s'épuiser depuis deux ans, que la cause de l'échec vient de ce que les services secrets russes ont subtilisé les plans d'attaque avant le début des opérations.
La polémique est aujourd'hui atténuée par l'urgence.
Et l'urgence c'est l'endiguement de l'avancée irrésistible des armées russes sur tout le front, de Zaporijia à Kharkov.
Les petits hameaux, villages et petites villes, autant de fortins imprenables construits depuis 2014, tombent les uns après les autres.
1.1.- L'échec des opérations militaires occidentales en Ukraine est désormais reconnu de toutes les parties. La crise ukrainienne visait un échec militaire russe relativement rapide suivi d'une chute du régime à Moscou. Un collapsus envisagé similaire à celui qui entraîna la chute de l'Union Soviétique.
1.2.- Ni le soutien militaire multiforme intense, ni l'avalanche de sanctions qu'aucun pays dans l'histoire n'a subi n'ont produit d'effet.
1.3.- Mieux : en deux ans de ce traitement la Russie n'a subi que des effets mineurs. A l'évidence, ce pays s'était préparé aux réactions de ses ennemis : réorganisation de son commerce extérieur, réaffectation de ses ressources intérieures...
Le «poison long» régulièrement rappelé par les médias occidentaux, bien qu'il soit difficile d'anticiper l'état futur de l'économie et de la société russe, fait de plus en plus figure de mythe.
1.4.- Malgré les alertes sur l'état de la «démocratie» en Russie, tous les observateurs conviennent que la réélection de V. Poutine dans quelques semaines est chose acquise. Ses indices de popularité font pâlir de jalousie la plupart des chefs occidentaux aux affaires.
Les stocks occidentaux sont en voie d'épuisement. La production d'armes et de munitions est bloquée à la fois par des contraintes industrielles et logistiques mais aussi par des questions de financement. Les question demeurent les mêmes : qui va payer et comment payer ?
Le lancement d'une «économie de guerre» que des politiques superficiels appellent de leurs voeux, fait face à un endettement mondial considérable (déjà creusé par une financiarisation accrue d'une économie ultralibérale) et à des déficits publics aggravés à la fois par les normes des traités et des banques centrales et les hausses successives des taux d'intérêt. Tout cela, consécutivement à une crise pandémique qui a considérablement affaibli les ressources publiques et privées.
1.5.- Une enveloppe d'aide pour l'Ukraine de quelque 60 milliards de dollars est pour l'heure bloquée par des élus républicains de la Chambre des représentants dont le président Mike Johnson, s'est refusé à la soumettre au vote.
Les déboires de l'actuel locataire de la Maison Blanche expliquent que les Etats-Unis, paralysés politiquement, ne sont plus capables d'apporter leur aide à l'Ukraine.
1.6.- Ceci expliquerait la multiplication d'accords bilatéraux pour des partenariats de sécurité sur le long terme.
Ces accords font suite aux engagements qui avaient été pris en format G7 en marge du Sommet de l'OTAN à Vilnius en juillet 2023.
- Le Royaume-Uni a été le premier à conclure un tel accord lors d'une visite du premier ministre Rishi Sunak à Kiev le 12 janvier.
- Allemagne et France : vendredi 16 février 2024. Déplacement de V. Zelensky à Berlin puis à Paris.
- Canada : 24 février Premier ministre canadien Justin Trudeau, en visite à Kiev.
- Italie : 24 février Première ministre Giorgia Meloni est également en déplacement en Ukraine.
2.- La tactique du «chat mort».
Les professionnels de la diversion politico-médiatique s'en donnent à coeur joie.
On s'est beaucoup gaussé du comédien que l'Ukraine a élevé à la plus haute des fonctions. Pas un jour, depuis deux ans, ne passe sans que V. Zelensky n'escamote de ses apparitions médiatiques, de sa voix monocorde et nasillarde, la réalité des abominations que subissent son pays et ses habitants.
La dimension médiatique de l'action politique est un fait, surtout depuis l'intrusion de la technologie qui en démultiplie les effets. Mais, contrairement à ce qui en est attendu, la performation des discours est inversement proportionnelle à leur efficacité.
La parole ne porte plus l'action politique. Elle en révèle l'impuissance.
La France est en tête des pays qui parlent le plus, mais au premier rang de ceux qui aident le moins.
Rien de neuf depuis au moins trois législature. Avant E. Macron, Nicolas Sarkozy avait usé et abusé du «carpet bombing», multipliant ses apparitions pour cacher ce que les tribunaux révèleront des années après devant lesquels il a passé le plus clair de son temps. Cela ne l'a pas empêché de continuer dans les coulisses à agir sur la politique de son pays.
Face au naufrage médiatique de sa visite chaotique du samedi 25 février au Salon de l'agriculture, chahuté, sous les sifflets et les appels à la démission, E. Macron aurait-il cru opportun d'ouvrir un autre front lundi pour faire oublier celui du samedi ? A-t-il été bien conseillé ? Il lui est si souvent arriver de jouer la scène internationale (qui ne lui a pas toujours réussie) contre son impopularité chronique sur le plan national.
A ce jeu E. Macron a un autre prédécesseur, l'ancien premier ministre anglais.
L'inénarrable Boris Johnson, ancien premier ministre britannique a remis au goût du jour un vieux procédé à l'usage des politiques inutiles sous le sobriquet «dead cat strategy».6
Depuis des décennies, les Zelensky sont partout au pouvoir en Europe.7
Tout cela devrait rassurer les hommes politiques français alarmés des déclarations bruyantes de leur président.
E. Macron n'a aucunement l'intention d'envoyer qui que ce soit en Ukraine. Il n'en a ni les moyens ni la volonté. Certes, la Constitution de la Vème République lui confère un pouvoir virtuel qu'aucun chef d'Etat occidental ne possède, mais cela ne suffit pas à déclencher une guerre mondiale.
Ni la situation économique et sociale, budgétaire, financière française, ni même sa puissance militaire.
1.- La France n'a pas les moyens d'intervenir. Il en est des soldats français comme des obus qu'ils fabriquent pour l'Ukraine : autour de 3 000 obus de 155 mm par mois alors que les Ukrainiens en consomment 5 000 par jour et les Russes entre 10 000 et 20 000.
Fin 2024 «J'ai bon espoir qu'on soit capable de faire 4000 à 5000 par mois», a déclaré Sébastien Lecornu, le ministre français des Armées lors d'une audition devant l'Assemblée nationale. Il a rappelé qu'au début de la guerre en Ukraine, la France en produisait un millier par mois avant de passer à 2.000 l'an passé. «Depuis ce mois de février, nous en sommes à 3.000 par mois. La pente est bonne, mais objectivement, c'est encore trop faible», a-t-il reconnu, pointant du doigt le problème de la disponibilité de la poudre et l'organisation des lignes de production.
3 000 obus français par mois, quelques heures de combat, une peccadille.
Le vrai «patron» et ses vassaux.
Le conflit ukrainien est une propriété exclusive des Etats-Unis. Ils sont seuls aux commandes. Les dirigeants européens donnent le change à leurs citoyens en leur faisant croire qu'ils participent d'un forum qui n'existe pas. Même les Britanniques jouent à se croire proches de Dieu à rappeler depuis W. Churchill des «special relationship» imaginaires.
De la co-décision le général de Gaulle a fait son deuil très tôt, lorsque MacMillan lui a transmis les propositions de Kennedy à propos des missiles Polaris (décembre 1962) que les Etats-Unis se proposaient de céder comme une cage pour enfermer ses alliés et leur souveraineté.
La France n'a plus les moyens politique d'une décision de cette nature. A partir du moment où elle est entrée dans l'OTAN et placé ses forces armées sous commandement américain, la France a rejoint la situation de la Grande Bretagne de MacMillan dont le Général a tout fait pour l'en préserver.
Il s'ensuit que le pouvoir de décider de la guerre et de la paix n'est pas entre les mains de l'Elysée, ni d'ailleurs dans les mains d'aucun pays européen. le sort de l'Europe échappe aux Européens, sans volonté, ni moyens.
Le problème est que si demain le conflit ukrainien dégénérait, ils seraient aux premières loges.
Les atlantistes européens n'osent pas en débattre publiquement mais ils doutent tous secrètement du caractère automatique et protecteur de l'article V de l'Alliance.
Tous les Européens savent ce qu'il en est réellement des dispositions de sécurité collective inscrite dans leurs traités.
Leur subordination au Traité de l'Atlantique Nord les réduits à des formules rhétoriques sans portée ni protection réelle. Il est un fait que la défense européenne n'existe pas. Il est un fait que la protection de l'Europe est exclusivement et unilatéralement une affaire américaine.
Ces réflexions débouchent sur une question essentielle.
La «vraie» question et sa réponse.
Si les Etats-Unis domine sa «coalition», la Russie est seule maîtresse de la belligérance qui lui est opposée. Explications :
De notoriété publique, il y a bel et bien belligérance étrangère contre la Russie dans le conflit ukrainien et cela depuis bien avant le «coup d'Etat de Maidan».
La question cependant doit être approchée autrement. Ce ne sont pas les Etats-Unis, et encore moins les Européens, qui décideront de savoir s'il y a ou non ingérence mais bien la Russie qui agira en conséquence si la sécurité du régime est menacée.
Le «seuil de belligérance» avancé par le ministre français des affaires étrangère est artéfact lexicologique qui renvoie à un pouvoir de définition et de décision qui ne lui appartient pas.
C'est à cette question que faisait allusion avec légèreté le président français à l'issue de la Conférence de Paris.
«Beaucoup de gens qui disent Jamais, jamais' aujourd'hui étaient les mêmes qui disaient Jamais des tanks, jamais des avions, jamais des missiles à longue portée' il y a deux ans». «Ayons l'humilité de constater qu'on a souvent eu six à douze mois de retard. C'était l'objectif de la discussion de ce soir : tout est possible si c'est utile pour atteindre notre objectif».
C'est cela que redoutent les Etats-Unis qui avancent au coup par coup en mesurant le danger de ce que leurs interventions produisent chez l'ennemi et à partir de quand un seuil, une limite, un bord sera franchi et dont ils ne seront peut-être pas avertis...
Les Européens sont très intéressés par cette réponse. Ils le sont pour une raison très simple. Ils seront au premier rang des conséquences d'une décision qui ne leur appartient pas.
Encore des questions.
1.- L'Amérique prendrait-elle le risque d'attaquer la Russie si celle-ci décidait d'envoyer une bombe atomique sur Kiev ? Sur Varsovie ? Sur Paris ?...
A partir de quel moment, les Etats-Unis prendraient-ils le risque voir annihilé NY ou Washington ?
Le déchirement nationaliste entre Européens est notoire. La Russie le sait. Les Etats-Unis le savent. Les Européens le savent aussi.
2.- Qu'en serait-il de la Chine, de l'Inde, du Pakistan... et des autres pays du monde ?
C'est pourquoi toute cette affaire est une histoire de chat crevé.
Notes:
1- Cf. Abdelhak Benelhadj : « Tuer Poutine. » Le Quotidien d'Oran, 05 octobre 2023.
2- https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2024/02/27/conference-de-soutien-a-lukraine. La Conférence a réuni les représentants de 27 Etats avec 21 chefs d'Etat et de gouvernements.
3- O. Techynskyi, A. Solodounv et D. Stoykov ont consacré un documentaire instructif au coeur des événements en 2014. « Kiev en feu. Maïdan se soulève », 80 mn. Diffusé par ARTE le lundi 16 février 2015.
4- Adam Entous et Mickael Schwirtz : « La guerre des espions : comment la CIA aide secrètement l'Ukraine à combattre Poutine. » https://www.nytimes.com/2024/02/25/world/europe/cia-ukraine-intelligence-russia-war.html
5- En 2005, le film « Lord of war » dont l'action -ce qui n'est pas un hasard- se déroule en Ukraine, fait une description d'entomologiste d'une économie de la guerre et de la corruption qui n'est guère éloignée de la réalité. A recommander aux victimes des guerres médiatiques entreprises pour la défense de la « liberté », de la « démocratie » et des « valeurs morales ».
6- « BoJo » avait exposé cette stratégie dans une tribune publiée dans le Telegraph (D. 03 mars2013). Généralisée, « c'est une stratégie de communication qui a recours aux techniques d'indexation du SEO (Search engine optimization). De l'e-reputation », explique Théophile Ordinas, un expert consultant en SEO. « B. Johnson utilise la stratégie bien connue de l'enfouissement'. L'objectif est de faire désindexer certains résultats que l'on trouve en haut de page sur Google. Plus il y a de contenus sur un sujet, mieux on peut les ranker (positionner) ». https://www.20minutes.fr (V. 26 juillet 2019).
7- Cf. A. Benelhadj : « LA NATION INDISPENSABLE'. D. Trump rappelle aux vassaux de l'Amérique qui est le patron du monde libre' ». Le Quotidien d'Oran, 15 février 2023.
Evgueni Prigojine, tué dans le crash de son avion, laisse derrière lui des centaines de sociétés actives dans le mercenariat, le commerce ou la lutte informationnelle. Trop utiles à la Russie pour être liquidées, elles sont reprises en main par des proches du Kremlin.
QuelquesQuelques jours après la mutinerie du groupe Wagner et le début de la disgrâce de son dirigeant Evgueni Prigojine, qui finira par être tué le 23 août, le journal des élites financières états-uniennes, le Wall Street Journal, prédisait : « Vladimir Poutine est [désormais] confronté à une nouvelle épreuve : gérer l’une des acquisitions d’entreprise les plus complexes de l’histoire. » L’image est un peu étonnante s’agissant d’une entreprise dont les employés pratiquent la torture et pillent les ressources naturelles des pays où ils s’implantent, mais elle n’est pas complètement dénuée de sens.
L’empire militaro-commercial bâti par Evgueni Prigojine comptait plusieurs centaines de sociétés, actives en Russie et à l’étranger, aux activités fort diverses bien que souvent liées entre elles : mercenariat, restauration, immobilier, logistique, désinformation en ligne… Du vivant de son fondateur, le groupe Wagner pouvait aussi bien monter des opérations de déstabilisation d’élections (à travers son Internet Research Agency) que vendre de la vodka en République centrafricaine, combattre aux côtés de l’armée russe dans le Donbass ou sécuriser des champs de pétrole en Syrie.
Agrandir l’image : Illustration 1
Prigojine éliminé, vraisemblablement assassiné sur ordre du Kremlin après avoir osé le défier lors de sa rébellion avortée, que vont devenir la marque Wagner et ses succursales ?
Le Kremlin a laissé croire, un temps, qu’il comptait la liquider. Wagner « n’existe tout simplement pas », commentait lapidairement le président russe le 13 juillet, après la mutinerie des mercenaires. Une référence à l’absence d’existence légale du groupe qui avait alors surtout résonné comme la liquidation annoncée d’un outil pourtant né avec l’assentiment de Moscou, dont il était devenu le bras armé officieux.
Deux mois plus tard, son chef est mort mais Wagner bouge toujours. « Ils sont toujours là. Leurs positions sont à quelques kilomètres des nôtres et je peux vous assurer qu’il n’y a pas eu de départ massif, ni de remplacement par d’autres », indique à Mediapart le cadre d’un groupe armé centrafricain qui combat les hommes de Wagner. Ces derniers assurent la sécurité du président centrafricain Faustin-Archange Touadéra et disposent de bases à travers tout le pays, où ils sont implantés depuis 2018.
Trop précieux pour être liquidé
La perspective d’une dissolution pure et simple de l’empire monté par Evgueni Prigojine semble désormais éloignée. L’outil est probablement jugé trop précieux, aux yeux du Kremlin, pour être laissé à l’abandon. Le groupe s’est bâti un réseau, a formé des combattants expérimentés, a acquis un savoir-faire indéniable en matière de désinformation. Surtout, depuis près d’une décennie, Wagner a servi la politique étrangère russe sans que Moscou n’ait à rendre de comptes à son sujet – puisque, officiellement, le groupe n’avait pas de liens avec l’exécutif (Vladimir Poutine a fini par reconnaître, le 27 juin, qu’il avait bien été financé par l’État russe).
Sur le continent africain, les cadres de Wagner ont noué des liens avec de multiples chefs d’État ou de gouvernement, assuré le service après-vente des équipements militaires vendus par la Russie, et attisé (y compris grossièrement) le feu de la colère contre les anciennes puissances coloniales, en particulier la France. Autant de manœuvres servant à merveille les intérêts et les ambitions de Moscou. Les soldats de Wagner y ont aussi commis des massacres et volé des ressources naturelles mais, magie du mercenariat, l’État russe n’a pas eu à en répondre.
Quelques années plus tôt, en Ukraine, le groupe de mercenaires qui allait donner naissance à Wagner avait répondu à un autre besoin de l’État russe : apporter un soutien militaire aux séparatistes du Donbass sans que la Fédération de Russie n’ait l’air d’être directement impliquée dans le conflit. L’épisode a notamment été raconté par un ancien officier de Wagner, Marat Gabidullin, dans son livre Moi, Marat, ex-commandant de l’armée Wagner, paru en 2022.
Le Kremlin a donc tout intérêt à garder la main sur les sociétés de la galaxie Prigojine ; mais les passer dans son intégralité sous la coupe étatique semble exclu. D’abord parce que le montage perdrait l’un de ses intérêts principaux : n’avoir pas à assumer officiellement toutes ses activités. Ensuite parce que la tâche serait titanesque, pour une administration déjà fort occupée par la guerre en Ukraine et ses conséquences économiques. La passation ressemblera plutôt à une dissémination façon puzzle, sous l’œil attentif des autorités russes.
Côté militaire : Convoy et Redut, héritiers sous surveillance
La branche strictement militaire du groupe Wagner semble déjà s’être trouvée plusieurs héritiers. Les plus en vue se nomment Convoy et Redut, deux sociétés militaires privées au profil rassurant pour le Kremlin.
Convoy, créée début 2023, est commandée par Konstantin Pikalov, alias « Mazaï », qui a travaillé pour Wagner à Madagascar et en République centrafricaine, et est placé sous sanctions par l’Union européenne. « Tous les commandants [de Convoy] sont d’anciens employés de Wagner », assurait en mars 2023 un ancien soldat de Convoy au site russe iStories.
Après la mort d’Evgueni Prigojine, le numéro deux de cette nouvelle société militaire, Vasily Yashchik, a confirmé au Wall Street Journal que certains des combattants de Wagner avaient rejoint Convoy, même si le groupe n’avait pas organisé de campagne spécifique pour les recruter.
Au contraire de Wagner, ses dirigeants semblent avoir accepté une forme de rattachement au ministère russe de la défense. Le centre d’entraînement de Convoy se trouve à Perevalne, en Crimée, à côté d’un centre d’entraînement de l’armée russe. Convoy a le statut de « réserve militaire » et ses combattants signent, en s’engageant, deux contrats : l’un avec Convoy, l’autre avec le ministère. De son vivant, Evgueni Prigojine s’était toujours opposé à ce que les soldats de Wagner signent un contrat avec le ministère, avec lequel il avait des relations exécrables.
Surtout, selon l’ONG Dossier Center (organisation financée par l’opposant russe Mikhaïl Khodorkovski qui s’est donné pour objectif de « documenter les activités criminelles d’individus liés au Kremlin » et avec qui Mediapart a publié deux enquêtes sur les activités de Wagner en Afrique), Convoy est largement financée par l’État russe et des proches du président Poutine.
« “Convoy” a reçu 437,5 millions de roubles [un peu plus de quatre millions d’euros – ndlr] en seulement un mois et demi à l’automne 2022 », écrit ainsi Dossier Center, qui dit se baser sur l’analyse de documents bancaires. « Parmi eux, 120 millions de roubles provenaient d’une société détenue par un ami de Poutine », l’oligarque Arkadi Rotenberg, « 200 millions supplémentaires [proviennent] d’une banque d’État, et le reste de sociétés pétrolières sans lien avec la société militaire privée ».
Le 21 août, Convoy publiait sur sa chaîne Telegram une petite annonce afin de recruter des pilotes de drones « âgés de 45 ans maximum » pour travailler « dans la zone SWO », acronyme russe pour parler de l’« opération militaire spéciale », soit l’Ukraine, « et en Afrique ».Le groupe compterait pour l’heure quelques centaines de combattants.
La seconde société militaire privée qui pourrait récupérer une partie de l’héritage de Wagner, Redut, serait également financée par un oligarque identifié comme proche de Vladimir Poutine, Gennady Timchenko. Mais elle a davantage d’expérience que Convoy : Redut a été fondée en 2008 par des anciens des forces spéciales et du renseignement militaire.
Des ex-combattants de Redut ont assuré, avec de nombreux détails à l’appui, que le groupe avait participé aux toutes premières percées sur le territoire ukrainien lors de la grande invasion de février 2022. La société aurait également opéré en Syrie afin d’y protéger des installations de la société russe Stroytransgaz.
Elle cherche plus explicitement encore que Convoy à recruter d’anciens soldats de Prigojine, ce qui peut laisser penser que Redut sert de « véhicule de recrutement pour le ministère de la défense afin d’attirer d’anciens combattants de Wagner qui n’accepteraient pas de signer des contrats avec l’armée régulière », écrit le Wall Street Journal, s’appuyant sur une source proche du ministère russe des armées.
De fait, même si les ex-Wagner ont été encouragés par les autorités russes à se « reconvertir » directement dans l’armée régulière, il est très loin d’être acquis qu’ils acceptent de se mettre au service d’un pouvoir qui a assassiné leur chef. Evgueni Prigojine avait, malgré tous ses méfaits, acquis une certaine popularité parmi ses combattants en leur rendant visite sur le front et en prenant publiquement et régulièrement la défense des « simples soldats » contre l’incurie de la bureaucratie d’État.
Pour garder ces nouvelles sociétés militaires privées sous contrôle, l’appareil d’État russe peut compter sur l’envie des oligarques qui les détiennent ou les financent de démontrer leur loyauté – et de gagner les rétributions matérielles qui vont avec – et sur l’effet dissuasif du précédent Prigojine – les traîtres savent désormais qu’ils risquent leur peau. Il n’est pas exclu qu’il ait également chargé le redouté GRU (service de renseignement militaires russe) de suivre attentivement l’évolution de ces sociétés.
« Il semble clair que le GRU va entrer en jeu », estime Lou Osborn, coautrice d’un livre-enquête sur Wagner paru ce 15 septembre (lire notre compte rendu). « Le chef des opérations clandestines du GRU, qui par définition est censé rester clandestin, s’est rendu au forum Russie-Afrique, et a rencontré les chefs d’État où Wagner était présent. Ce n’est pas anodin », observe-t-elle. « Par ailleurs, Convoy, Redut et toutes les autres sociétés militaires privées de Russie ont signé un contrat avec une entité du GRU, “l’unité 35 555”, qui se présente comme un laboratoire de recherche psychologique. »
Les trolls travaillent encore, mais qui les nourrit ?
Restent deux autres pans de la galaxie Prigojine : ses activités commerciales et celles dans le secteur de l’« influence » et de la guerre informationnelle.
On sait, pour l’heure, peu de choses de ce qu’il adviendra de ses activités commerciales. Les registres du commerce et des sociétés, prisés des enquêteurs en source ouverte, n’ont pas encore révélé de mouvement majeur parmi les dizaines de sociétés qui constituaient le groupe Concord, qui gérait les activités de restauration de l’empire Prigojine – celles qui ont fait sa richesse et lui ont valu le surnom de « cuisinier de Poutine ». L’éventuel rôle à venir du fils et de la femme de l’entrepreneur, qui occupaient tous les deux d’importants postes dans Concord, n’est pas encore connu.
Côté « influence », enfin, « une partie des activités [de Wagner] a été reprise, mais on ne sait pas encore par qui », avance Lou Osborn. Avec d’autres chercheur·es, elle dit avoir constaté que des comptes sur les réseaux sociaux, identifiés comme liés à des sociétés d’Evgueni Prigojine, avaient repris leurs publications. Cette tendance est confirmée par Maxime Audinet, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM), spécialiste de la Russie et des stratégies d’influence.
Il souligne, comme Lou Osborn, que cela concerne plus spécifiquement les activités de Wagner en Afrique. « Malgré sa mort, une forme de continuité se dessine dans cet appareil informationnel. Ces publications ne sont pas massives, mais elles continuent », observe le chercheur. Impossible, pour l’heure, de savoir qui paie les employé·es derrière ces comptes qui inondent la toile malienne ou centrafricaine.
Les portails d’information du réseau Prigojine basés en Russie, en revanche, ont été bloqués par les autorités – c’est le cas du site Ria Fan – ou ont annoncé cesser leurs activités. Il n’est pas exclu qu’une partie de leurs employé·es se soient recyclé·es au sein de médias d’État : la patronne de Russia Today, Margarita Simonyan, a en tout cas tenté de les y attirer, assurant à l’été 2023 que les salarié·es de Wagner étaient « parmi les meilleurs du pays en relations publiques » et qu’elle aimerait pouvoir embaucher ces « super-professionnels ».
L’enjeu, désormais, pour Vladimir Poutine, est de faire survivre ce qui peut lui être utile parmi l’héritage de Prigojine, sans donner naissance involontairement à un nouveau monstre qui lui échapperait jusqu’à menacer son pouvoir. « Ils vont tout faire pour ne pas aboutir à la même chose : un homme qui finit par concentrer beaucoup de pouvoir et détenir beaucoup de secrets », résume Lou Osborn. Si Vladimir Poutine fait face à une reprise d’entreprises particulièrement ardue, il a déjà sa méthode : la reprise en main du groupe Wagner se fera façon « vente à la découpe ».
On y voit le général, commandant emblématique de l'offensive russe en Ukraine, en tenue civile aux côtés d'officiers russes en uniforme militaire et de l'Imam de la mosquée, Abou Abdallah Zebar. "Une délégation russe de haut niveau a visité la Grande Mosquée Abdelhamid Ben Badis, et a été reçue par le Directeur des Affaires Religieuses et l'Imam de la Grande Mosquée", a indiqué celle-ci dans un message accompagnant ces photos. Moscou n'a pas communiqué sur cette visite en Algérie.
Disparu depuis la tentative de putsch de Wagner
Sergueï Sourovikine faisait l'objet de spéculations, ayant disparu de l'espace public depuis la rébellion avortée du groupe Wagner en juin dernier. Selon plusieurs médias russes, il a été limogé de son poste de commandant en chef des forces aérospatiales en août, un peu avant la mort d'Évgueni Prigojine dans un crash d'avion.
Le général était jugé proche du patron de Wagner, bien qu'il n'ait pas officiellement soutenu la mutinerie de Wagner. Pendant cette révolte qui n'a duré que 24 heures, Sergueï Sourovikine avait appelé les rebelles à "arrêter" et à rentrer dans leurs casernes "avant qu'il ne soit trop tard".
Selon l'éditorialiste sur LCI Pierre Servent, le général a "joué un double jeu" : "C'est certainement le fait d'avoir joué sur les deux tableaux qui explique pourquoi il est encore en vie", estime-t-il.
Vétéran de la guerre soviétique en Afghanistan et de la deuxième guerre de Tchétchénie dans les années 2000, Sergueï Sourovikine a participé à la campagne russe en Syrie en 2015, avant de devenir l'un des principaux commandants de l'intervention militaire russe en Ukraine.
Écarté de l'armée russe, le général Sourovikine, ex-proche de Wagner, réapparaît... en Algérie
Le général russe Sergueï Sourovikine a été limogé en raison de ses liens avec le groupe Wagner.
Il est réapparu lors d'une visite officielle en Algérie cette semaine.
Moscou n'a pas communiqué au sujet de cette rencontre.
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Le général russe Sergueï Sourovikine, limogé pour ses liens avec le groupe Wagner, est réapparu après des mois d'absence pour une visite officielle en Algérie. Les images de sa rencontre avec les autorités algériennes ont été publiées mardi sur le compte Facebook de la grande mosquée d'Oran et ce vendredi dans les médias russes.
On y voit le général, commandant emblématique de l'offensive russe en Ukraine, en tenue civile aux côtés d'officiers russes en uniforme militaire et de l'Imam de la mosquée, Abou Abdallah Zebar. "Une délégation russe de haut niveau a visité la Grande Mosquée Abdelhamid Ben Badis, et a été reçue par le Directeur des Affaires Religieuses et l'Imam de la Grande Mosquée", a indiqué celle-ci dans un message accompagnant ces photos. Moscou n'a pas communiqué sur cette visite en Algérie.
Le général était jugé proche du patron de Wagner, bien qu'il n'ait pas officiellement soutenu la mutinerie de Wagner. Pendant cette révolte qui n'a duré que 24 heures, Sergueï Sourovikine avait appelé les rebelles à "arrêter" et à rentrer dans leurs casernes "avant qu'il ne soit trop tard".
Selon l'éditorialiste sur LCI Pierre Servent, le général a "joué un double jeu" : "C'est certainement le fait d'avoir joué sur les deux tableaux qui explique pourquoi il est encore en vie", estime-t-il.
Vétéran de la guerre soviétique en Afghanistan et de la deuxième guerre de Tchétchénie dans les années 2000, Sergueï Sourovikine a participé à la campagne russe en Syrie en 2015, avant de devenir l'un des principaux commandants de l'intervention militaire russe en Ukraine.
Dans l’affaire de son prêt russe, Marine Le Pen prétend avoir signé « avec une banque, pas avec Poutine ». Des mails issus de la boîte du vice-président de la Douma Alexander Babakov démontrent pourtant comment le pouvoir russe s’est impliqué.
« Je« Je signe un prêt avec une banque, pas avec Vladimir Poutine. » En mai, interrogée par la commission d’enquête parlementaire sur le prêt russe de 9 millions d’euros obtenu par son parti en 2014, Marine Le Pen a réfuté toute ingérence du Kremlin. Questionnée sur le fait que la banque russe prêteuse « était dirigée par un proche du pouvoir » et que jamais elle « n’aurait fait ce prêt sans l’accord de Monsieur Poutine », la cheffe de file du Rassemblement national (RN) a assuré : « Je n’en savais absolument rien ! Mais rien ! »
Lors de la révélation de cet emprunt par Mediapart déjà, Marine Le Pen avait jugé « ridicule » de penser qu’il s’agissait d’un geste du pouvoir russe pour un parti ami.
Des documents rendus publics par des hackers ukrainiens, et analysés par Mediapart, mettent à mal son discours. Ils démontrent des contacts étroits entre le pouvoir russe et le Front national (FN) entre 2014 et 2016, et le rôle central joué par un conseiller de Poutine dans ce rapprochement, au moment où Marine Le Pen cherchait des fonds en Russie pour financer ses campagnes électorales.
Organisation de rencontres à un haut niveau à Moscou, aide pour l’obtention de visas, prise en charge de certains billets d’avion par les Russes : Alexander Babakov, nommé en 2012 représentant spécial du président Poutine pour la coopération avec les organisations de Russes à l’étranger, a ouvert les portes de la Russie à la présidente du FN.
Fin août, les hackers ukrainiens de Cyber Resistance – membre de l’Ukrainian Cyber Alliance, réputée proche des services de renseignement ukrainiens – ont annoncé avoir piraté la boîte mail du secrétariat de cet homme clé des réseaux d’influence du Kremlin en Europe, et actuel vice-président de la Douma : 21 677 fichiers portant sur la période 2008-2023 (lire notre Boîte noire).
Ces « Babakov Leaks » ont été révélés sans que le principal intéressé ne réagisse ni ne démente. Questionné par le média d’investigation russe en exil Agentstvo sur ces fuites, Alexander Babakov n’a pas souhaité faire de commentaire. Nos multiples sollicitations auprès de lui et de ses collaborateurs sont également restées sans réponse.
Dans ces messages, on retrouve une partie de l’état-major de l’époque du Front national et les piliers de ses recherches de financements : Marine Le Pen, son chef de cabinet Nicolas Lesage, son vice-président Louis Aliot, le trésorier Wallerand de Saint-Just, les eurodéputés Aymeric Chauprade et Jean-Luc Schaffhauser – qui ont servi d’intermédiaires dans les deux prêts russes des Le Pen – et l’avocat en droit des affaires Didier Bollecker, mandaté par Schaffhauser pour superviser le contrat de prêt.
Sollicités par Mediapart, aucun d’eux n’a contesté la véracité de ces mails. Jean-Luc Schaffhauser a indiqué n’avoir « rien à dire » sur des « mails confidentiels qui n’ont pas à être en [notre] possession ». Wallerand de Saint-Just nous a affirmé n’avoir « jamais rencontré Monsieur Babakov », n’avoir pas eu « connaissance de son rôle auprès du FN » et n’avoir eu « des contacts qu’avec la banque ». Les autres n’ont pas répondu.
Un oligarque au cœur du pouvoir
Alexander Babakov, 60 ans, n’est pas n’importe qui. Deux fois vice-président de la Douma (en 2007-2011, puis depuis 2021), il a le profil typique d’un oligarque proche du Kremlin qui jongle avec plusieurs casquettes, mêlant politique et business dans le secteur de l’énergie. Son patrimoine en France, opportunément absent de ses déclarations de revenus et patrimoine, a fait l’objet d’une enquête de l’opposant Alexeï Navalny dès 2013. En 2017, son nom et celui de Vilis Dambins, gestionnaire de ses actifs offshore, sont apparus dans le scandale financier des Panama Papers.
Successivement député et sénateur depuis 2003, il a rejoint le parti de Vladimir Poutine en 2011 et grimpé les échelons. Jusque l’invasion de l’Ukraine, les deux hommes s’affichaient ensemble, recevant des chefs d’État européens. Alexander Babakov a été dûment récompensé pour sa loyauté : la présidence l’a décoré en 2008 de l’ordre de l’Amitié, en 2017 de l’ordre de l’Honneur et en 2020 de l’ordre du Mérite.
Les échanges de mails entre le « représentant spécial » de Poutine et le Front national interviennent à un moment charnière. Après l’annexion de la Crimée en mars 2014 et les sanctions économiques de l’Union européenne, isolé, Vladimir Poutine cherche des relais de propagande à l’Ouest, et joue les parrains des partis d’extrême droite européens. Alexander Babakov, lui, est déjà indésirable dans l’Union européenne : il figure sur la liste noire des hommes d’affaires visés par les sanctions.
Marine Le Pen l’a rencontré dès février 2014, en Russie. Un rendez-vous hors agenda, organisé en toute discrétion par l’eurodéputé et consultant international Jean-Luc Schaffhauser, ami de Babakov dont il a fait la connaissance « par le biais de l’Église orthodoxe, dans les années 2000 ».
Après cette entrevue, toute la galaxie Babakov s’est mobilisée dans les recherches de financement du Front national, comme Mediapart l’avait révélé. Avec une certaine efficacité. En septembre 2014, alors que le Donbass se creuse de tranchées, Marine Le Pen décroche un prêt de 9 millions d’euros auprès de la First Czech-Russian Bank (FCRB), une petite banque moscovite qui fera faillite deux ans plus tard.
En juin 2016, en vue de l’élection présidentielle, elle signe un nouveau projet de prêt russe de 3 millions d’euros, qui tombe finalement à l’eau car les deux banques russes envisagées perdent leurs licences bancaires dans d’obscures conditions. À chaque fois, ce sont Alexander Babakov et ses proches qui ont mis le parti d’extrême droite en contact avec ces banques au profil douteux, au cours de rencontres à Moscou, Paris et Genève.
Une lettre de Marine Le Pen sollicitant de l’aide
Les mails dévoilés par Cyber Resistance démontrent, noir sur blanc, le rôle de facilitateur et de mise en relation joué par ce fidèle lieutenant de Poutine entre 2014 et 2016.
Un document inédit montre que Marine Le Pen a clairement sollicité l’aide d’Alexander Babakov pour établir des connexions à haut niveau en Russie. Dans un courrier à en-tête du Parlement européen daté du 31 mars 2015, elle lui demande de « [les] aider », comme il l’a fait « la dernière fois », pour l’organisation d’une rencontre avec le président de la Douma, Sergueï Narychkine, et avec toutes les personnes qu’il jugera « utiles ». Elle conclut son courrier en lui exprimant « à nouveau toute [sa] sympathie et [sa] cordiale amitié pour tout ce qu’[il fait] pour [eux] ».
La réponse arrive le 30 avril. Alexander Babakov l’invite, « ainsi que le député européen Jean-Luc Schaffhauser », à venir à Moscou du 24 au 26 mai « pour des réunions et des entretiens », sans plus de détails. À l’exception d’une rencontre à huis clos avec Sergueï Narychkine à la Douma, rien ne filtre du séjour de la présidente du FN dans la capitale russe, qui ne figure pas sur son agenda prévisionnel.
Des visas obtenus grâce à Alexander Babakov
Lorsque Mediapart l’avait questionnée, Marine Le Pen avait parlé de simples « rencontres politiques ». Les mails piratés démontrent au contraire une imbrication entre ces entrevues politiques et les recherches de financements du parti.
En témoignent par exemple les lettres d’invitation signées de la main d’Alexander Babakov et adressées personnellement à l’ambassadeur de Russie en France, Alexander Orlov. Ces courriers, transmis à quelques jours des départs prévus, ont permis la délivrance express de visas russes à Marine Le Pen et à plusieurs élus ou cadres de son parti. Y compris pour aller signer le prêt russe.
Une première intervention a lieu en avril 2014. Elle permet à Marine Le Pen et Louis Aliot de s’envoler à Moscou, où ils sont reçus le 12 avril par le président de la Douma, Sergueï Narychkine. Lors de cette rencontre, officielle et médiatisée, la présidente du FN soutient le projet de fédéralisation de l’Ukraine souhaité par le Kremlin et rejeté par Kyiv. Ce que l’on ignorait jusqu’à présent, c’est qu’elle avait souhaité emmener dans ses bagages le consultant Jean-Luc Schaffhauser. L’artisan du futur prêt russe figure en tout cas dans la liste des demandes de visas.
C’est à nouveau une lettre d’invitation signée d'Alexandre Babakov qui permet au trésorier du FN, Wallerand de Saint-Just, et à l’avocat Didier Bollecker d’obtenir des visas pour se rendre à Moscou du 9 au 23 septembre, afin de finaliser le contrat du prêt russe – signé le 11 septembre –, puis en mai 2016, lorsque le parti repart à la chasse aux financements pour la campagne présidentielle. Questionné par Mediapart, Wallerand de Saint-Just affirme qu’il ignorait « que ces documents provenaient de Monsieur Babakov » et qu’il « ne sai[t] pas pourquoi le FN est passé par lui ».
D’autres lettres d’invitation dans l’optique de visas ont suivi : Marine Le Pen, son garde du corps Thierry Légier et Jean-Luc Schaffhauser, pour la visite de mai 2015 ; puis son chef de cabinet Nicolas Lesage, pour deux séjours en compagnie de Jean-Luc Schaffhauser, en octobre 2014 et en septembre 2015. La consigne au sein des équipes d’Alexander Babakov est claire : « Prière de rédiger une lettre à notre ambassadeur de la part de A. M. Babakov pour demander un visa à entrée unique pour J. L. Schaffhauser, député européen, et Nicolas Lesage, chef de cabinet de la présidente du Front National (France), du 1er au 4 septembre », peut-on lire dans un mail daté du 28 août 2015.
Des billets d’avion payés par les Russes
Des documents prouvent aussi que des billets d’avion ont été pris en charge par les Russes durant cette période.
En 2014, le conseiller international de Marine Le Pen, Aymeric Chauprade – qui a joué les intermédiaires dans le second prêt russe, obtenu par le microparti de Jean-Marie Le Pen en avril 2014 – est convié au forum parlementaire international, qui se tient à Moscou le 26 juin. Cet événement, organisé par la Fondation de l’oligarque orthodoxe Konstantin Malofeev et par des mouvements pro-life et réactionnaires, est conçu comme un ralliement des forces conservatrices russes et européennes.
D’après une facture et des échanges de mails entre l’assistante parlementaire russe de M. Chauprade, Tamara Volokhova, et le secrétariat de Babakov, les billets d’avion (2 825 euros) ont été payés depuis le compte d’une personne physique russe vers le compte du Front national. À aucun moment, le Front national ne semble s’être inquiété de cet étrange versement.
La même année, un mois après la signature du prêt russe, des billets d'avion sont aussi envoyés par un proche de Babakov, permettant à Jean-Luc Schaffhauser et Nicolas Lesage de s’envoler dans le Donbass, pour légitimer les élections organisées par les séparatistes prorusses et condamnées par la communauté internationale. Sur place, ils réalisent des films de propagande, diffusés notamment sur Nations presse info (NPI), un site du Front national supervisé par Louis Aliot. Celui-ci avait été informé du voyage en amont, selon des mails obtenus par Mediapart.
Questionné sur le principe de déplacements payés par les Russes, Jean-Luc Schaffhauser ne voit pas le problème : « La coutume parlementaire dans les relations entre Parlements est que la puissance invitante prenne en charge les frais. » De leur côté, Aymeric Chauprade et Tamara Volokhova n’ont pas répondu.
Le lobbying de deux proches de Babakov
Dans les mails hackés, on retrouve les noms de plusieurs Russes de la nébuleuse Babakov qui se sont activés pour le Front national.
Comme le businessman letton Vilis Dambins, l’homme des actifs offshore de Babakov, qui avait rencontré secrètement le trésorier du FN et l’avocat Didier Bollecker en novembre 2016 à Paris. Questionné par Mediapart, l’homme d’affaires avait alors démenti avoir été « un intermédiaire dans les accords mentionnés » et contesté avoir « pu agir sur les ordres de M. Babakov ». Dans les mails piratés, le même Vilis adresse pourtant à un proche de Babakov – qui fait le relais avec le secrétariat du député russe – le passeport de Didier Bollecker, en amont de sa venue à Moscou pour signer le prêt russe, en septembre 2014.
Traits d’union entre Alexander Babakov et le Front national, Alexander Vorobyev et Mikhail Plisyuk apparaissent abondamment dans les échanges. C’est par eux que transitent toutes les demandes. Ils sont à la tête de deux structures, l’institut de l’OTSC (Organisation de l’entente sur la sécurité collective, bras militaire de la CEI, dominée par la Russie), et l’Institut de recherche sur l’intégration internationale. Alexander Vorobyev est devenu officiellement en 2021 le conseiller de Babakov à la Douma. Le second fait figure de « Monsieur affaires internationales » dans leurs échanges.
Babakov, Plisiyuk et Vorobyev sont accusés par la justice américaine d’avoir, entre 2012 et 2017, utilisé l’Institut de recherche sur l’intégration internationale comme cheval de Troie pour leurs activités d’influence aux États-Unis et d’avoir mené des actions de propagande anti-ukrainienne auprès de membres du Congrès.
En France, Plisiyuk et Vorobyev ont été au cœur d’une première tentative de prêt au Front national de 10 millions d’euros, en juin 2014, via l’Académie européenne, une fondation créée par Jean-Luc Schaffhauser pour œuvrer au rapprochement avec la Russie. Le 29 juin 2014, le conseil d’administration de l’Académie s’était réuni au domicile strasbourgeois de l’eurodéputé pour valider l’entrée des deux Russes parmi ses membres et évoquer la question du prêt au FN.
Selon un témoin, Wallerand de Saint-Just était présent et aurait rencontré les deux hommes. Questionné, le trésorier nous a assuré que ces deux noms ne lui « disaient rien ». L’argent semble avoir finalement suivi un autre canal. Car trois mois plus tard, le Front national a décroché le fameux prêt de la FCRB, d'un montant équivalent.
L'influence des deux Russes sur Jean-Luc Schaffhauser semble importante. Plusieurs mails démontrent que l’eurodéputé, à peine élu au Parlement européen en juillet 2014, leur a soumis des projets de communiqués. Dans un mail, Alexander Vorobyev transmet par exemple à Schaffhauser un « exemple de déclaration » sur la situation en Ukraine, que l’eurodéputé transfère à Marine Le Pen et à son conseiller aux affaires européennes pour validation, et dont il reprendra les propositions dans sa première intervention au Parlement européen.
L’élu organise aussi, avec Mikhail Plisyuk, une table ronde sur l’Ukraine à Bruxelles, intitulée : « Ukraine, information et désinformation mais réelle guerre civile en Europe : que peuvent faire les députés européens ? » Ces éléments, et l’accélération du lobbying prorusse au FN durant cette période, accréditent l’hypothèse d’une contrepartie politique au prêt russe, fermement démentie par Marine Le Pen.
Questionnés par Mediapart sur leur rôle dans les recherches de financements du Front national, aucun d’eux n’a répondu.
Interrogée en mai par la commission d’enquête sur nos révélations concernant ses liens avec Alexander Babakov, Marine Le Pen avait évoqué un « ami de Jean-Luc Schaffhauser » qu’elle avait rencontré deux fois, réfutant le caractère « secret » de ces entrevues. Sans en dire plus.
Le prêt russe et son soutien au Kremlin jusque l’invasion de l’Ukraine sont devenus les principaux boulets de la cheffe de file du RN. Lors du débat de l’entre-deux-tours de la présidentielle, c’est sur ce sujet qu’Emmanuel Macron l’avait mise en difficulté, l’accusant de « dépendre du pouvoir russe » : « Vous parlez à votre banquier quand vous parlez de la Russie, c’est ça le problème. »
Bien conscient que ce sujet est devenu un « angle d’attaque politique », Jordan Bardella, président du RN, a annoncé cet été que le remboursement du prêt, initialement prévu en 2019 et rééchelonné jusqu'en 2028, interviendrait « avant la fin de l'année, sauf dépense exceptionnelle ». Les commissions versées en marge de ce prêt font, elles, toujours l’objet d’une enquête du Parquet national financier.
Marine Turchi et Madeleine Leroyer
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Selon l’agence du transport aérien russe Rossaviatsia, le patron du Groupe Wagner, Evgueni Prigojine, 62 ans, se trouvait à bord d’un avion privé qui s’est écrasé, mercredi 23 août, dans la région de Tver, à environ 180 kilomètres au nord-ouest de Moscou. De nombreuses zones d’ombre et des interrogations entourent les circonstances et l’origine de l’accident. Voici ce que l’on sait.
Que s’est-il passé ?
L’avion, immatriculé RA-02795, a décollé de Moscou en direction de Saint-Pétersbourg entre 16 heures et 17 heures (heure de Paris). Selon Rossaviatsia, l’appareil appartenait à la société MNT-Aero, spécialisée dans l’aviation d’affaires.
Le jet a parcouru environ 180 kilomètres avant que le signal ADS-B (un système de géolocalisation utilisé par le contrôle du trafic aérien) qu’il émettait ne disparaisse, sans qu’il soit possible d’en déterminer la cause. Il se trouvait alors à 8 000 mètres, proche de son altitude de croisière.
Environ une heure plus tard, les images publiées sur les réseaux sociaux montraient la carcasse en feu d’un avion dont la forme des réacteurs, ainsi que les derniers caractères de son immatriculation (« 795 ») révèlent qu’il s’agit bien du même jet.
A l’aide d’autres vidéos montrant la chute de l’appareil, Le Monde est parvenu à localiser le site du crash, dans une prairie au sud du village de Koujenkino, dans le raïon Bologovski (oblast de Tver). Plusieurs corps étaient visibles, sans qu’il soit encore possible de les identifier.
Une enquête a été ouverte pour « violation des règles de sécurité du transport aérien ». « Une équipe d’enquêteurs a été envoyée sur les lieux (…) pour établir les causes de l’accident », a fait savoir le comité d’enquête de la Fédération de Russie.
La chaîne Telegram Grey Zone, proche de M. Prigojine et du Groupe Wagner, a accusé explicitement l’armée russe d’avoir abattu l’avion avec un missile antiaérien. Grey Zone assure que des témoins ont entendu « deux explosions caractéristiques du travail de la défense antiaérienne » et se fonde également sur des traces observées dans les vidéos du crash diffusées en ligne.
Qui se trouvait dans l’avion qui s’est écrasé ?
« Il y avait dix personnes à bord, dont trois membres d’équipage. Selon les premières informations, toutes les personnes à bord sont décédées », a d’abord annoncé sur Telegram le ministère des situations d’urgence russe.
L’agence Rossaviatsia a confirmé qu’Evgueni Prigojine se trouvait à bord de l’avion, ainsi que son bras droit, Dmitri Outkine, « Wagner », selon son nom de guerre, un homme discret, connu pour ses tendances néonazies.
Selon l’agence de presse russe Interfax sur Telegram, citant les services de secours, les corps des dix personnes qui se trouvaient à bord de l’avion ont été retrouvés. Les recherches sont terminées, a-t-elle ajouté, sans préciser si les victimes ont pu être identifiées.
Prigojine et Vladimir Poutine ?
Après avoir passé neuf ans en prison à l’époque soviétique pour des délits de droit commun, Evgueni Prigojine a monté un groupe de restauration qui a officié au Kremlin, ce qui lui a valu le surnom de « cuisinier de Poutine », et la réputation d’être devenu milliardaire grâce aux contrats publics. C’est cet argent qu’il aurait utilisé pour fonder le Groupe Wagner, une milice privée d’abord composée de vétérans endurcis de l’armée et des services spéciaux russes.
A l’occasion du conflit en Ukraine, il a recruté des dizaines de milliers de prisonniers pour aller combattre sur le front là où l’armée russe était en difficulté. En mai 2023, après près d’un an de combats sanglants, M. Prigojine a atteint son objectif, en revendiquant la prise par les Wagner de Bakhmout, dans l’est de l’Ukraine, célébrant une rare victoire russe, malgré son coût humain important.
Il a ensuite lancé une rébellion contre l’état-major russe et le ministre de la défense, Sergueï Choïgou, menée par ses hommes, qui ont brièvement capturé des sites militaires dans le sud de la Russie avant de se diriger vers Moscou. Le chef mercenaire a renoncé au coup de force au bout de vingt-quatre heures, négociant un exil pour lui et ses fidèles en Biélorussie. Il a échappé à la prison, à la justice, mais Vladimir Poutine avait dénoncé, sans prononcer son nom, la « trahison » d’Evgueni Prigojine, « provoquée par les ambitions démesurées et les intérêts personnels ».
En juillet, le président russe avait assuré qu’il avait proposé aux hommes de Wagner de servir sous le commandement d’une autre personne au sein de l’armée, mais que leur chef, Evgueni Prigojine, avait refusé cette offre.
Que faisait Evgueni Prigojine en Russie ?
Pour une raison inexpliquée, le patron de Wagner semblait aller et venir en Russie malgré son statut de paria, jusqu’à participer quelques jours après sa révolte à une réunion au Kremlin.
Lundi soir, il est apparu dans une vidéo diffusée par des groupes proches de Wagner sur les réseaux sociaux, où il affirmait se trouver en Afrique. Dans un paysage désertique et armé d’un fusil d’assaut, il disait travailler à « rendre la Russie encore plus grande sur tous les continents et l’Afrique encore plus libre ».
Quelles ont été les réactions à l’annonce de la mort d’Evgueni Prigojine ?
Un conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak, a sous-entendu que le rival de Vladimir Poutine a pu être éliminé par le Kremlin. « L’élimination spectaculaire de Prigojine et du commandement de Wagner deux mois après [leur] tentative de coup d’Etat est un signal de Poutine aux élites russes avant les élections de 2024 », a-t-il écrit sur X (anciennement Twitter), estimant que « Poutine ne pardonne à personne ».
Le président des Etats-Unis, Joe Biden, a déclaré qu’il n’était « pas surpris » de la possible mort du patron du Groupe Wagner. « Peu de choses se passent en Russie sans que Poutine y soit pour quelque chose », a-t-il estimé.
La meneuse de l’opposition biélorusse en exil, Svetlana Tsikhanovskaïa, a estimé qu’Evgueni Prigojine était un « meurtrier » qui « ne manquera à personne ». Elle a espéré sur X que « sa mort pourrait démanteler la présence de Wagner en Biélorussie », un pays allié de Moscou.
Le Kremlin a-t-il réagi ?
Vladimir Poutine a prononcé mercredi un discours à l’occasion du 80e anniversaire de la bataille de Koursk, au cours de la seconde guerre mondiale, se rendant dans cette région du sud-ouest de la Russie, frontalière de l’Ukraine. Sans mentionner le crash, le président russe a salué sur scène devant la foule le « dévouement » et la « loyauté » des soldats russes en Ukraine, qui « combattent avec courage et détermination ».
A Saint-Pétersbourg, près des locaux de la société Groupe Wagner, un mémorial a été improvisé dans la soirée de mercredi. Des bougies, des fleurs, des écussons et des banderoles à l’effigie du groupe paramilitaire ont été déposés et des sympathisants de la milice armée se recueillaient.
Le Monde avec AFP
Publié aujourd’hui à 04h32, modifié à 09h38
https:/Publié aujourd’hui à 04h32, modifié à 09h38/www.lemonde.fr/international/article/2023/08/24/ce-que-l-on-sait-de-la-mort-annoncee-d-evgueni-prigojine-le-patron-de-wagner_6186353_3210.html
Le patron du groupe Wagner, Evgeniy Prigozhin, figurait sur la liste des passagers d'un avion qui s'est écrasé, tuant tous ses occupants, a déclaré l'autorité russe de l'aviation civile.
Un peu plus tôt, la chaîne Telegram Grey Zone, liée à Wagner, a indiqué que l'avion Embraer avait été abattu par les défenses aériennes dans la région de Tver, au nord de Moscou.
Le jet, qui reliait Moscou à Saint-Pétersbourg, transportait sept passagers et trois membres d'équipage.
Prigozhin a mené une mutinerie avortée contre les forces armées russes en juin.
Selon Grey Zone, les habitants de la région ont entendu deux détonations avant le crash et ont vu deux traînées de vapeur.
L'agence de presse Tass a déclaré que l'avion avait pris feu en touchant le sol, ajoutant que quatre corps avaient déjà été retrouvés.
L'avion avait volé pendant moins d'une demi-heure.
Cette information de dernière minute est en cours d'actualisation et de plus amples informations seront publiées sous peu.
Prigozhin, 62 ans, a mené une mutinerie ratée contre les forces armées russes en juin après que le groupe Wagner se soit allié au Kremlin dans l'invasion de l'Ukraine en envoyant des mercenaires faire la guerre aux côtés des soldats russes.
Les 23 et 24 juin, le chef du groupe Wagner a retiré ses troupes de la ligne de front en Ukraine pour marcher sur la ville de Rostov-sur-le-Don, dans le sud de la Russie, tout en menaçant d’avancer jusqu’à Moscou.
Cette brève mutinerie faisait suite à des mois de tension avec les commandants militaires russes au sujet du conflit en Ukraine.
L'impasse a été résolue par un accord qui stipulait que Prigozhin renonçait à sa mutinerie et permettait aux troupes de Wagner de se rendre en Biélorussie ou de rejoindre l'armée russe.
Prigozhin lui-même a accepté de se rendre en Biélorussie, mais a apparemment pu se déplacer librement. Il a été vu en Russie et aurait également visité l'Afrique.
CRÉDIT PHOTO,WAGNER TELEGRAM ACCOUNT/ANADOLU AGENCY VIA GETTY IMAGES
Prigozhin avait été qualifié « d'homme mort qui marche »
"Un homme mort qui marche", c'est ainsi que plusieurs observateurs de l’actualité russe décrivaient le chef mercenaire de Wagner, Evgeniy Prigozhin, depuis qu'il a mené sa mutinerie sur Moscou en fin juin.
La première réaction du président Poutine à ce défi lancé à l'establishment de la défense russe a été vitriolique : il l'a qualifié de trahison et de coup de poignard dans le dos dans un message vidéo diffusé le 24 juin.
Le fait qu'un accord ait ensuite été conclu à la hâte, permettant à Prigozhin de rester en liberté et de réapparaître ensuite en Biélorussie, à Saint-Pétersbourg et, cette semaine, quelque part en Afrique, ne signifiait pas qu'il était hors d'état de nuire.
"La vengeance", a commenté le directeur de la CIA William Burns, "est un plat que Poutine préfère servir froid."
Bien entendu, rien de tout cela ne prouve que Prigozhin et son entourage ont été délibérément pris pour cible.
Mais compte tenu des circonstances, toute affirmation selon laquelle sa mort, si elle est confirmée, est un accident, suscitera une levée de boucliers.
Les spéculations sur les canaux Telegram suggèrent que l'avion qui s'est écrasé était un Embraer Legacy portant le numéro de série RA-02795.
Les données de suivi de FlightRadar24 - un site web populaire de suivi des vols - n'indiquent pas le lieu de départ de l'avion.
Plus tôt dans la journée, il est apparu près de Moscou, où il a grimpé jusqu'à une altitude de près de 29 000 pieds (8 800 m) avant que les données ne montrent qu'il a soudainement chuté, terminant sa course à 0 pied.
L'avion est enregistré au nom d'Autolex Transport, que le gouvernement américain a associé à Evgeny Prigozhin.
Les enregistrements de vol de l'avion sont désormais partiellement inaccessibles via FlightRadar24.
Mais il a effectué plusieurs voyages à destination et en provenance de Moscou et de Saint-Pétersbourg au cours des derniers mois, et a été photographié par les médias locaux au Belarus, où le groupe Wagner serait désormais basé.
Les données montrent qu'un deuxième avion a décollé vers Moscou
Certains chaines de Telegram russes ont émis l'hypothèse que le patron de Wagner, Yevgeny Prigozhin, aurait pu se trouver à bord d'un autre avion que celui qui s'est écrasé aujourd'hui.
L'autre jet, un autre Embraer 600, porte le numéro d'immatriculation RA-02748.
Les enregistrements de vol de l'avion sont partiellement inaccessibles via FlightRadar24, un site web populaire de suivi des avions.
Mais les données montrent qu'il a décollé de Saint-Pétersbourg plus tôt dans la journée et qu'il s'est dirigé vers Moscou. La trace disparaît près de l'aéroport d'Ostafyevo, dans la capitale russe.
La BBC n'a pas été en mesure de confirmer s'il était à bord de l'avion.
23 août 2023, 18:11 GMT Mise à jour il y a une heure
https://www.bbc.com/afrique/articles/c2vjpezl8ljo
ujourd'hui
10 VICTIMES
Selon l'agence russe Interfax sur Telegram, les corps des dix victimes qui se trouvaient à bord de l’avion d’affaires ont été retrouvés. Le média cite les services de secours, qui annoncent que les recherches sont terminées.
RÉCAPITULATIF
Un avion privé avec 10 personnes à son bord s'est écrasé mercredi en Russie. Le patron de Wagner, Evgueni Prigojine, fait partie des victimes. Après avoir temporisé, le groupe paramilitaire a confirmé la mort de son chef dans la soirée.
Le QG du groupe Wagner à Saint-Pétersbourg a été éclairé d'une croix ce mercredi, après l'annonce de son patron Evgueni Prigojine.
"UN MEURTRIER QUI NE MANQUERA À PERSONNE"
Evgueni Prigojine était un "meurtrier" qui "ne manquera à personne", estime la meneuse de l'opposition biélorusse Svetlana Tikhanovkaïa. "C'était un meurtrier et il faut s'en souvenir comme tel", martèle-t-elle.
CONFIRMATION EN RUSSIE
"Evgueni Prigojine et Dmitri Outkine se trouvaient à bord de l'avion qui s'est écrasé", confirme l'agence de presse russe TASS. Selon L'agence russe du transport aérien Rossaviatsia, le vol se déroulait "en vertu d'un permis d'espace aérien dûment délivré".
WAGNER ANNONCE LE DÉCÈS DE PRIGOJINE
"Evgueni Prigojine, chef du groupe Wagner, héros de la Russie, véritable patriote de sa patrie, est mort à la suite des actions des traîtres à la Russie", annoncent les chaînes Telegram Grey Zone, réputée proche de la milice, et Wagner Group, qui se présente comme le canal officiel de ce groupe.
QUELLES CAUSES DU CRASH ?
"Sur une image, on a un panache de fumée qui vient de l'extérieur avec deux couleurs. Une couleur blanche, qui correspond à la propulsion d'un missile, et un panache gris qui correspond à l'explosion. C'est exactement le même type d'image que des explosions par des missiles anti-aériens. J'ai vraiment l'impression que ça a été tiré de l'extérieur. Et ensuite, selon leurs témoignages, des gens au sol ont entendu des missiles", détaille sur LCI Xavier Tytelman, ancien aviateur militaire, spécialiste aéronautique Air et Cosmos. "La structure de l'avion a été détériorée. C'est une collision aérienne, c'est un missile. Une explosion venant de l'intérieur, une bombe par exemple, n'aurait pas laissé une deuxième traînée", ajoute l'expert.
"Je viens de parler avec des éminents wagnériens. Ils me confirment la mort d'Evgueni Prigojine et Dmitri Outkine (le bras droit du patron du groupe Wagner)", a indiqué Vladimir Rogov, le chef de l'administration pro-russe de la région de Zaporijia.
BIDEN "PAS SURPRIS"
"Je ne sais pas encore tout à fait ce qu'il s'est passé, mais je ne suis pas surpris", a déclaré Joe Biden à des journalistes. "Peu de choses ne se passent en Russie sans que Poutine n'y soit pour quelque chose," a ajouté le président américain depuis les montagnes de l'Ouest américain où il est avec sa famille.
CHAÎNE D'ÉTAT
La chaîne d'État russe Rossiya 24 a annoncé le décès d'Evgueni Prigojine.
HUIT CORPS
Huit corps ont, jusqu'ici, été découverts sur le lieu du crash, ont annoncé les services d’urgence, cités par l’agence russe Ria Novosti.
PORTRAIT DE PRIGOJINE
Le patron du groupe paramilitaire Wagner aurait perdu la vie ce mercredi 23 août dans un crash aérien en Russie. Selon les agences de presse russe Ria Novosti, TASS et Interfax, se référant à l'agence du transport aérien Rossaviatsia, le nom d'Evgueni Prigojine figure sur la liste des passagers de cet avion qui devait relier Moscou à Saint-Pétersbourg. Ancien proche de Vladimir Poutine, le chef de guerre est tombé en disgrâce en juin dernier après une rébellion avortée de sa milice contre l'état-major.
La mort d'Évgueni Prigojine ne "serait une surprise pour personne", a estimé mercredi la Maison Blanche. "Nous avons vu ce qui a été rapporté. Si cela était confirmé, ce ne serait une surprise pour personne", a indiqué Adrienne Watson, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de l'exécutif américain.
Joe Biden, dans les montagnes de l'Ouest américain avec sa famille, a par ailleurs été tenu informé de la situation, a fait savoir la présidence américaine.
"UN SIGNAL AUX ÉLITES RUSSES"
Selon la présidence ukrainienne, le crash de l'avion où se trouverait Évgueni Prigojine, est un "signal de Vladimir Poutine aux élites russes". "L'élimination spectaculaire de Prigojine et du commandement de Wagner deux mois après (leur) tentative de coup d'État est un signal de Poutine aux élites russes avant les élections de 2024", a estimé Mykhaïlo Podoliak, conseiller de Volodymyr Zelensky, estimant que le président russe "ne pardonne à personne".
POUTINE LORS D'UNE CÉRÉMONIE
Alors qu'Evgueni Prigojine est donné pour mort, le président Vladimir Poutine a prononcé un discours à l'occasion du 80ème anniversaire de la bataille de Koursk au cours de la Deuxième guerre mondiale. Sans mentionner le crash, le président russe a salué sur scène devant la foule les soldats russes en Ukraine, qui "combattent avec courage et détermination". "Le dévouement à la patrie et la loyauté au serment militaire unissent tous les participants à l'opération militaire spéciale", a-t-il déclaré, en référence au conflit en Ukraine.
SECOND AVION
Selon Flight Radar, un deuxième avion qui appartiendrait au groupe Wagner a atterri à Moscou.
Prigojine mort dans le crash d'un avion en Russie ?Source : TF1 Info
LES IMAGES DE L'ACCIDENT
Un avion s'est écrasé en Russie ce mercredi 23 août dans la région de Tver, à près de 200 km de Moscou. Selon les agences de presse russes, Evgueni Prigojine figurerait sur la liste des passagers.
Le patron du groupe paramilitaire Wagner était à l'origine d'une rébellion avortée contre le Kremlin en juin.
"Le ministère russe des Situations d'urgence mène des opérations de recherche" sur le site du crash de l'avion, près du village de Kujenko, a-t-il indiqué sur Telegram.
LE GROUPE WAGNER NIE LA MORT DE PROGOJINE
Le groupe Wagner affirme, sur Telegram, qu’un deuxième avion aurait fait demi-tour et pourrait transporter Evgueni Prigojine, le patron du groupe Wagner. "Le deuxième avion, qui appartient à Evgueni Prigojine , fait demi-tour au-dessus de la capitale et se dirige vers l'aéroport. Malgré le fait que de nombreuses chaînes écrivent que Prigojine est mort, il a pu voler dans un autre avion", écrit le groupe paramilitaire.
Découvrez les images du crash d'un avion en Russie, dans lequel se trouverait Evgueni Prigojine, le patron du groupe Wagner.
ON DE WAGNER DANS L'AVION ?
Selon les agences de presse russes, le patron de Wagner, Evgueni Prigojine, se trouvait sur la liste des passagers de l'appareil. "Une enquête a été ouverte sur l'accident d'avion qui s'est produit dans la région de Tver ce soir. D'après la liste des passagers, les nom et prénom d'Evgueni Prigojine figuraient sur cette liste", a indiqué l'Agence fédérale russe pour le transport aérien, rapporte l'agence TASS.
CRASH D'AVION
Un avion privé avec 10 personnes à son bord s'est écrasé mercredi près du village de Kujenkino, dans la région de Tver, en Russie, alors qu'il effectuait une liaison Moscou-Saint-Pétersbourg, sans laisser de survivants, ont annoncé les services de secours.
"Il y avait 10 personnes à bord, dont 3 membres d'équipage. Selon les premières informations, toutes les personnes à bord sont décédées", a indiqué sur Telegram le ministère russe des Situations d'urgence. Le vol aurait duré moins de 30 minutes.
BIENVENUE
Bonsoir à toutes et à tous, bienvenue dans ce direct consacré au crash d'un avion privé en Russie.
Personne n'aurait survécu. Un avion privé avec dix personnes à son bord s'est écrasé mercredi dans la région de Tver, en Russie, alors qu'il effectuait une liaison entre Moscou et Saint-Pétersbourg, sans laisser de survivants, ont annoncé les services de secours. "Il y avait dix personnes à bord, dont trois membres d'équipage. Selon les premières informations, toutes les personnes à bord sont décédées", a indiqué sur Telegram le ministère russe des Situations d'urgence. Le patron de
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