La Chine – celle de Lao Tseu – fait depuis longtemps la distinction entre les Barbares[i] et l’Occident[ii]. Ces barbares, Chinois, Russes ou Indiens qui, dans le monde nouveau en gestation, sont en train de mettre en cause l’Empire américain
Une chronique de Xavier Houzel
Les Russes sont-ils eux aussi des « barbares »? Staline a créé une « civilisation unique » que l’ultranationaliste Alexander Prokhanov, pour qui la forme impériale est une constante de la puissance russe[iii], place au centre du monde. Ce « cinquième empire[iv]» est l’un des grands « rappels » de la guerre en Ukraine. Ce même Prokhanov a décelé dans le régime de Vladimir Poutine les signes d’une restauration de l’État fort de type impérial, qui évoque toutes les périodes de l’histoire russe[v]en associant à la fois le traditionalisme religieux et messianique de la Russie tsariste avec la puissance industrielle, technologique et militaire de l’Union soviétique.
Dès 2014, la Russie avait commencé d’entreprendre la dé-dollarisation[vi] de son économie et de son système financier afin de contourner les sanctions américaines. Après le 24 février 2022 et l’opération spéciale militaire russe en Ukraine, les entreprises occidentales ont été contraintes de quitter le pays, où le site « Russie Unie » leur proposa gentiment d’en nationaliser la production[vii]. Ce sera une véritable aubaine pour une nouvelle génération d’hommes d’affaires russes, qui n’ont absolument rien des oligarques d’hier et que l’on peut qualifier d’ores et déjà de repreneurs ou de « nouveaux Russes ».
Par un effet de masse critique et par le jeu sournois d’une série de cliquets, le blocus progressif imposé à la Russie s’est ajouté à l’entrelacs des autres sanctions concernant l’Iran et la Syrie, notamment. Cela a eu pour répercussion la dé-mondialisation partielle mais brutale de l’économie internationale – comme si l’économie chinoise, durement affectée par une pandémie du Covid 19 mal maîtrisée, en avait été directement la cible.
L’effet secondaire du chambardement induit des flux économiques et financiers entre l’Ouest et l’Est fut l’amorce d’un vaste mouvement de re-localisation, aussitôt provoqué par la hantise des pénuries – ici, le Gaz et le Pétrole et là, les microprocesseurs, notamment ! Ce n’est pas forcément un mal.
Ce sera le travail de ces messieurs des cabinets de conseil que de dé-tricoter une toile de soie qu’il avait fallu un demi-siècle pour tisser ! Petit à petit, les Européens – vassalisés – retireront leurs œufs du panier de la ménagère « Chine », géant aux pieds d’argile, et l’ « usine du monde » perdra une partie des marchés qu’elle s’était appropriés. Les Russes étaient à peine sanctionnés que les Américains en ont aussitôt chaussé les bottes sans le moindre état d’âme, comme si « le casse » avait été anticipé : le vieux continent ne manquera jamais ni d’un mètre cube de Gaz ni d’un baril de Pétrole Brut.
La Chine, dont Xi Jinping venait d’être consacré comme le maître absolu, devait en tirer les conséquences : la donne avait changé, le rapport de force était inversé, son économie redémarrait.
L’OPEP Plus (avec à sa tête la Russie et l’Arabie saoudite) n’était pas démantelée, au contraire. Les trois fournisseurs russes et iraniens non seulement faisaient à la Chine des prix imbattables (par ironie avec la « clause » du client le plus favorisé) mais l’Arabie saoudite et l’Irak (non sanctionnés) acceptaient aussi d’être réglés en Yuans ! La Fédération de Russie, le Royaume d’Arabie saoudite, les EAU, la République d’Irak et la République Islamique d’Iran cumulent, à eux cinq, les deux-tiers des réserves de Gaz et de Pétrole du monde. Washington était impuissant.
Et contre ça, contre l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), contre les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud et bientôt l’Iran), contre le Yuan, contre … le Bitcoin, le Dollar américain ne pourra pas lutter longtemps.
Fini, les Accords du Quincy et de Bretton Woods (et la planche à billets à discrétion) et ceux du Nouveau START[viii] L’Administration américaine aura beau faire voter un budget militaire colossal de 835 milliards de dollars pour l’exercice 2024, elle fera figure de tigre de papier – ou alors ce sera l’ « anéantissement ».
Quelque chose ne colle plus ! L’on ressent une impression de vide, de dépression, de malaise. Est-ce dû à l’absence de l’Union Européenne, corvéable à merci mais inerte ? La Chine, elle-même, se dépeuple à toute allure, quand la population de l’Inde et celle de l’Afrique augmentent à vue d’œil. Mais l’Inde se tait, s’abstient, ainsi que les pays dits non-alignés. Ils attendent. Le changement climatique, enfin, fausse tous les pronostics – la Russie étant le plus vaste pays du monde, la surface des terres arables y sera bientôt multipliée par dix. Ce cadeau du ciel n’était pas prévu… Pourquoi donc les Russes auraient-ils besoin d’une minuscule languette de terre le long du Don ?
Ce qui fait que la situation générale est incompréhensible et que plusieurs énigmes subsistent.
Où sont passés (par exemple) « les » douze mille chars russes que l’on attendait ? Où est l’ancienne armée soviétique : peut-être a-t-elle pris le parti – à l’instar, toujours, de « maître Sun Tzu » – de feindre la faiblesse afin que l’ennemi se perde dans l’arrogance ? Tel ou tel parmi les barbares (d’acception américaine) qu’il fallait disséminer continue de remuer ; tels ou tels parmi les vassaux qu’il fallait assujettir (dans l’OTAN) bougent encore ! Pendant que l’Angleterre (bréxitée) s’enroule sur elle-même au pied de son suzerain yankee, seule la Hongrie gigotte toujours, mais avec prudence ! Pékin vient de s’offrir le luxe de rabibocher l’Arabie saoudite avec l’Iran et les services de renseignement israéliens n’y ont absolument rien vu !
Et la France ? La France a le souffle court. Vassalisée, elle s’étourdit, le nez sur le guidon de ses syndicalistes, pour oublier… qu’elle a été. En une semaine, la carte du monde a changé, sans qu’elle y soit pour rien. Mieux vaudrait pour elle redevenir la vraie Barbare qu’au fond, elle a toujours été, plutôt que d’accepter le joug
Il va lui falloir s’en expliquer,
[i] Le taoïsme religieux, confronté au iiie siècle au développement du bouddhisme en Chine, a tenté un rapprochement audacieux entre ce personnage parti en pays barbare et le Bouddha qui serait son incarnation ou parfois son élève. Wang Fu, membre des Maîtres célestes, expose à la même période cette opinion dans La conversion des Barbares par Lao Tseu.
[ii] Dans Le Voyage en Occident, c’est Lao Tseu qui arrête d’abord le singe rebelle, Sun Wukong, avec l’aide de Guanyin et son cercle de métal,, lui encore qui l’enferme dans son énorme four aux huit trigrammes lui qui lui vient en aide par la suite lors de son voyage face à ses deux assistants, l’Enfant d’Or et l’Enfant d’Argent et son buffle sacré, devenus des monstres sur terre.
[iii] À partir de 2006, Prokhanov théorise le concept de « cinquième empire ». Il en distingue quatre périodes historiques : d’abord l’empire de la Russie kiévienne, puis la Russie moscovite, suivi par l’empire des Romanov et enfin l’empire soviétique.
Bakhmout est militairement tombée, ne reste que l’officialisation de sa chute par Kiev, le temps de retirer ses troupes avec «la permission» du groupe Wagner qui veut éviter un bain de sang à des hommes/femmes des deux armées. Les trompettes de Jéricho des «experts» de la guerre des mensonges ont déjà aiguisé leurs plumes pour crier «victoire» (1). Laissons-les à leurs blablas et essayons de saisir les éléments constitutifs du champ de bataille et de la pensée stratégique qui ont mené à cette victoire des Russes et à la défaite Ukraine/OTAN. Disons tout de suite que le titre de l’article n’est pas une figure de style. Il est venu à mon esprit en puisant dans l’histoire militaire qui enseigne qu’une bataille gagnée dans un lieu produit à une armée des gains ailleurs et décalés dans le temps. Je prendrai deux exemples parmi les innombrables batailles du XXe siècle.
La bataille de Stalingrad (1942-43) est à l’origine de la défaite totale de l’Allemagne nazie en 1945. Il en est de même de la défaite de Napoléon sur le fleuve russe la Bérézina, nom devenu synonyme de cuisante défaite. Ainsi, le drapeau de l’Union soviétique planté à Berlin sur la chancellerie de Hitler a été tissé à Stalingrad. De même, la défaite de Napoléon sur le fleuve Bérézina a débuté à Moscou dans l’immense palais vide où Napoléon fut envahi d’une profonde solitude quand il s’est aperçu qu’il dialoguait avec les murs du palais, lui qui espérait voir apparaître le Tsar de toute la Russie signer sa défaite…
Voyons les caractéristiques de la localisation de Bakhmout pour comprendre la fureur et l’âpreté des combats depuis 8 mois. C’est une ville dans une région russophone, industrielle, située dans un nœud de communication non loin de la plus grande ville de la province, Kramatorsk où siège le commandement militaire de ladite province. Pour toutes ces raisons, elle est une ville stratégique aussi bien sur le plan militaire que politique. C’est pourquoi le président Ukrainien voulait la garder coûte que coûte. Les zélateurs propagandiste du «chef de guerre» Zelensky l’ont soutenu bec et ongles. Mais une fois les Américains qui financent la guerre ont vu que la défaite est à la porte des Ukrainiens, le statut de Bakhmout devint uniquement symbolique. Il fallait donc que tout le monde se mette au garde-à-vous devant l’Oncle Sam. Pour les Russes, Bakhmout, ville russophone, est aussi une ville stratégique puisque sa conquête ouvre la voie au reste de la province encore aux mains des Ukrainiens…
Voyons à présent les caractéristiques militaires et les tactiques mises en œuvre pour atteindre les objectifs politiques de chaque camp. En vérité, la guerre se déroule à Bakhmout depuis 11 ans. Elle fait partie de la province de Donetsk, âprement disputée à la suite du coup d’Etat de 2014 contre un gouvernement élu. Les Ukrainiens ont eu le temps de construire de solides défenses dans le but de reprendre la région contrôlée par les Russophones aidés par la Russie…
La bataille de Bakhmout dure depuis 7 à 8 mois, selon le modèle classique de la défense contre un adversaire attaquant. On sait que l’avantage sied à la défense (ici des Ukrainiens) et les Russes occupant la posture plus risquée de l’attaquant. Sauf que les Russes ne sont pas à 10 000 kilomètres de chez eux comme les Américains au Vietnam. Ils guerroient dans un territoire russophone partageant une frontière avec la vieille Russie. Pas de surprise donc d’un ennemi dans le dos. Mais comme la doctrine militaire russe est basée sur la stratégie défensive par philosophie et que l’histoire leur a souvent imposée, la Russie a développé l’artillerie, la reine du champ de bataille, qui soumet les défenses ennemies à un déluge de feu et de bombes. Nous verrons plus loin pourquoi la bataille de Bakhmout a duré si longtemps. A Bakhmout, les Russes ont employé à la fois la tactique défensive avec leur artillerie et la guerre de mouvement avec leurs blindés accompagnés de commodos qui prennent d’assaut les poches de résistance dans les batailles urbaines. C’est ainsi qu’ils ont pris villages et petites villes autour de Bakhmout pour couper les routes d’approvisionnement de l’ennemi.
Pourquoi la victoire russe à Bakhmout a-t-elle commencé à Kherson ? On se souvient qu’un nouveau chef d’état-major a été nommé à la tête de l’armée russe. Cette nomination a eu lieu après les deux offensives ukrainiennes, l’une à Kherson et l’autre au nord-est (Kharkiv). Le nouveau chef Sorovikine se mit au travail pour répondre à ces deux offensives qui firent «accéder» l’armée ukrainienne, aux yeux de ses zélateurs, au statut redoutable des meilleures armées du monde. Tout ça, c’est du pipeau. La chute de Bakhmout et l’évacuation ces jours-ci de la ville de Koupiansk par des habitants âgés ou fragiles, une importante ville conquise lors de l’offensive «éclair» de septembre 2022, est la preuve que les villes conquises sont à nouveau menacées ou reconquises par les Russes. Mais revenons à Sorokivine…
Ce petit résumé des tactiques qui entrent dans un plan stratégique furent appliquées par Sorovikine qui commença par le retrait de la garnison de Kherson-ville. Les troupes retirées, le chef de l’armée russe les expédia à Bakhmout pour remplir deux actions tactiques qui vont jouer un rôle dans le destin de la guerre. Les Russes cherchaient à fixer l’armée ukrainienne à Bakhmout pour l’épuiser, ce sont les mots de Sorovikine. Et ensuite la conquérir, objectif fixé par le président russe. Le plan de Sorovikine allait fonctionner car la ville est militairement et politiquement capitale pour le président ukrainien. C’est pourquoi Zelensky a sacrifié tant de soldats, sacrifice qui n’a fait qu’amplifier le coût politique de la chute de la ville. Pour les Russes, la conquête d’un territoire est, certes, importante mais ce qui assure la fin de la guerre et donc la victoire c’est l’effondrement d’une armée.
Ainsi, pour Sorovikine, Bakhmout concourt à l’épuisement des forces ennemies et ouvre la voie à Kramatorsk, siège de commandement militaire de la province. La durée de la prise de Bakhmout fait partie des tactiques de combat qu’on appelle art opérative. Celui-ci consiste a «rentabiliser» la tactique utilisée dont le but est de produire un effet sur le cours de la guerre mais aussi de causer le maximum de dégâts chez l’ennemi tout en préservant la vie de ses hommes et de leur matériel. Quand l’hécatombe des 100 000 morts et blessés révélée par les Américains, nos «experts» ont fait leur la tactique de Sorovikine en déclarant que les Ukrainiens ont piégé les Russes à Bakhmout pour les épuiser. Drôle de piège qui se traduit par une défaite cinglante militairement et politiquement.
Je me permets d’opposer à la «victoire chantée» de Kherson en novembre 2022 mon article dans Algeriepatriotique du 19 janvier 2023 où j’ai exposé le plan de Sorovikine à partir de sa fameuse intervention-surprise télévisée. Les mêmes «experts» ne juraient que par la technologie nouvelle et se moquaient de ces Russes mal équipés et mal commandés. Aujourd’hui, ils découvrent que l’armée russe ne s’est pas effondrée. Ils se sont mis alors à regarder les invariants de la guerre, le temps, les profondeurs stratégiques, la défensive et la guerre de mouvements, bref l’art de la guerre mis en œuvre avec brio par les Russes. Le résultat de cette intelligence conceptuelle mise en œuvre a d’ores et déjà renvoyé aux calendes grecques la fameuse offensive ukrainienne clamée et déclamée sur tous les tons. Les admirateurs du «chef de guerre» s’impatientent et attendent nerveusement les armes promises par l’OTAN. Tous les appareils de propagande sont d’ores et déjà mis en branle pour rabaisser l’impact de la chute de Bakhmout et promettent que la prochaine contre-offensive ukrainienne va effacer Bakhmout (on a le droit de rêver. Leurs tactiques pour faire oublier la défaite ukrainienne sont simples. Faire de la diversion en sortant de leur carton des «batailles» et des «exploits» imaginaires, la lutte des clans au Kremlin, les trésors cachés de Poutine, Prigogine et son Wagner, bref rien de nouveau à l’Ouest sinon la rage et l’infantilisme d’une propagande à bout de souffle.
La guerre en Ukraine a brouillé beaucoup de points de repère, aiguisé les contradictions sur la scène internationale. La défaite ukrainienne à Bakhmout va accentuer ces contradictions qui vont s’amonceler et déboucher sur l’inconnu et l’incertitude. Et les incertitudes augmentent dangers et menaces dans un monde qui s’est habitué à vivre dans le déni du réel et de l’effacement de l’histoire qui dérangent ses petits privilèges…
Un dernier mot sur la réaction américaine. Les Etats-Unis vont-ils fournir des armes pour la contre-offensive qui se préparerait ? Ou bien vont-ils profiter de l’amère défaite de Bakhmout pour calmer Zelensky et réduire son ambition à conquérir la Crimée ? Tout est possible avec les Américains qui ont mis les doigts dans l’engrenage et ne savent pas trop quoi faire. Après le mal de tête avec le joueur d’échecs Poutine, les voilà devant le casse-tête chinois ! Rester gendarme du monde, c’est du boulot !
1- Un journaliste de ces chaînes-robinets a déclaré sans rougir que Bakhmout est une victoire ukrainienne. J’avais honte pour lui, et plus il essayait d’argumenter sa «trouvaille» à deux sous plus je l’imaginais disparaître au-dessous de la table pour échapper aux regards des autres «experts» présents.
Le président américain a effectué, la semaine dernière, une visite surprise en Ukraine avant de se rendre dans la foulée en Pologne. A Kiev comme à Varsovie, Joe Biden a fait des annonces, des annonces d’aides militaires et financières substantielles (500 millions de dollars avant que ce chiffre soit porté à deux milliards de dollars) qui font craindre l’escalade. Mais il est aussi question de la mise en œuvre d’une batterie de sanctions contre la Russie, la dixième série depuis le déclenchement de l’opération militaire spéciale en Ukraine.
Les médias occidentaux ont assuré un large écho médiatique à cette visite qui est intervenue à l’occasion de l’an un du conflit. Avec le même récit que celui porté depuis le début par les Américains, les responsables européens et tous les russophobes : il y aurait d’un côté la grande méchante Russie et, de l’autre, la gentille Ukraine au chevet de laquelle veillent les sympathiques et tout aussi doux bisounours occidentaux. Comme si les deux guerres d’Irak ne sont qu’une légende ; la guerre en Afghanistan n’eut pas lieu ; la dislocation de la Libye et les massacres en Palestine ne sont que le fruit de l’imagination.
En revanche, ce que ni les médias, encore moins les tenants du schème de la pensée traditionnelle occidentale n’ont pas relayé, ni même commenté à la marge, c’est que, en annonçant d’autres mesures d’aides militaires et financières, Joe Biden dit clairement que la guerre ne fait que commencer. Le conflit est appelé à durer, en tout cas tant que l’objectif de cette guerre n’aura pas été encore atteint. Un objectif de plus en plus évident au fil des mois : affaiblir durablement la Russie et porter le territoire de l’OTAN aux seuils des portes de la Russie, quoi qu’il en coûtera à l’Ukraine. L’Occident sera, de toutes les façons, là pour prendre en charge les réparations.
Avec les nouvelles livraisons d’armes, de chars, de munitions, de systèmes antiaériens, de drones, annoncées par les différents pays de l’Union européenne et l’aide financière apportée par les Américains, c’est la preuve que l’option diplomatique en vue d’une sortie rapide de la guerre n’est pas, pour l’heure en tout cas, dans les papiers de la coalition occidentale. Dans l’agenda de cette ligue antirusse, la paix entre la Russie et l’Ukraine n’est pas à l’ordre du jour, s’accordent à dire des observateurs.
Des observateurs aux yeux desquels n’a pas échappé ce fait nouveau : se joue, indique-t-on, au travers de cette guerre par procuration, une nouvelle redistribution des rôles dans une Europe totalement soumise aux désidératas des Américains. L’on parle désormais de la mise en place d’un processus de mentorat visant à faire glisser le leadership européen vers l’Est, au profit de la Pologne, des Républiques baltes et, à terme, de l’Ukraine, au grand dam de l’Allemagne et de la France, les deux plus grands perdants de ce conflit. Avec l’aide américaine, la Pologne ambitionne de devenir la première puissance militaire de l’Union européenne à la place de la France.
C’est dans l’ordre du possible puisqu’au moment où Joe Biden profite de la guerre en Ukraine, en vendant du gaz de schiste et du pétrole aux Européens, redessine les frontières de l’Europe, tandis que le président polonais arme son pays à tour de bras non pas chez les fabricants européens mais chez les Américains, Emmanuel Macron, lui, déambule entre les étals du marché de Rungis, goûtant au passage du bon fromage. Une sortie sur le terrain ayant pour but d’exister médiatiquement après plusieurs semaines d’absence, sans doute en raison du conflit social sur les retraites.
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a également assuré que les deux pays effectueront des exercices militaires en novembre 2023 dans la région algérienne près de la frontière avec le Maroc.
FP PHOTO / MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA RUSSIE - Le ministre russe des Affaires étrangères Sergey
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a révélé lors d'une interview accordée à Russia Today que son pays et l'Algérie ont organisé des manœuvres militaires à Béchar en novembre dernier. "En septembre 2022, les exercices militaires Vostok 2022 ont eu lieu en Russie avec la participation de militaires algériens. En novembre 2022, des unités russes ont pris part à des exercices de commandement et d'état-major dans la province de Béchar, en Algérie", a déclaré Lavrov, en parlant des relations bilatérales entre les deux nations.
AFP PHOTO / MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA RUSSIE - Le ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra avec son homologue russe Sergei Lavrov
Le gouvernement d'Abdelmadjid Tebboune a menti. "Cet acte trompeur est une nouvelle preuve irréfutable de l'hypocrisie et de l'inconstance de l'Algérie, un pays auquel on ne peut pas faire confiance", estiment les experts nord-africains.
AP/TOUFIK DOUDOU - Des véhicules militaires lors d'un défilé militaire à l'occasion du 60e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie
Malgré la guerre en Ukraine, l'Algérie reste le principal partenaire de la Russie dans la région. Cependant, les puissances occidentales ont fait pression sur Alger pour qu'elle prenne ses distances avec Moscou, et les États-Unis ont même appelé à des sanctions contre le gouvernement de Tebboune sur la base du CAATSA (Countering America's Adversaries Through Sanctions Act).
D'après les analystes, c'est la raison pour laquelle Alger a menti et tenté de désorienter l'opinion publique internationale.
AFP/ RYAD KRAMDI - Soldats algériens à In Amenas
Le délicat numéro d'équilibriste de l'Algérie
"Alger, adoptant une position opportuniste, ne voulait pas nuire à ses relations avec l'Occident, son principal client énergétique, en anticipant faussement l'annulation des manœuvres algéro-russes", expliquent-ils. Avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'Algérie est apparue comme un partenaire énergétique potentiel pour les pays européens qui cherchent à réduire leur dépendance au gaz russe. Cependant, il est très probable que, comme Moscou, l'Algérie utilise le gaz comme une arme politique.
Les experts estiment que cette situation confirme, une fois de plus,"le dilemme auquel l'Algérie est confrontée". Tebboune tente de renforcer les relations avec l'Occident dans des secteurs tels que l'énergie tout en maintenant intactes ses relations stratégiques et historiques avec la Russie.
AFP PHOTO / MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA RUSSIE - Malgré la guerre en Ukraine, l'Algérie reste le principal partenaire de la Russie dans la région
Cependant, dans cet équilibre compliqué,la balance de l'Algérie continue de pencher davantage vers Moscou. "Malgré les avertissements adressés à Alger, les décideurs politiques algériens restent déterminés à servir les intérêts de la Russie en lui offrant un accès stratégique à la Méditerranée occidentale", préviennent les analystes.
AP/ALEXANDER ZEMLIANICHENKO - Les remarques de M. Lavrov peuvent être interprétées comme un message adressé à l'Occident sur la nature immuable des liens russo-algériens et la coopération pertinente entre les deux pays
Après Chengriha, le président Tebboune doit se rendre en France en mai, où il se rendra également à Moscou. "L'Algérie se présentera faussement comme un pays non aligné et se placera à équidistance des puissances belligérantes", prédisent les analystes.
Près d’un an après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le discours occidental dénonçant une attaque « non provoquée » est devenu intenable.
Le président américain Joe Biden reçoit son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky à la Maison-Blanche, le 21 décembre 2022 à Washington (AFP)
l est particulièrement utile de prendre du recul pour analyser la guerre en Ukraine, près d’un an après l’invasion russe.
En février dernier, il semblait tout au moins superficiellement plausible de désigner la décision du président russe Vladimir Poutine d’envoyer des troupes et des chars chez son voisin comme rien moins qu’un « acte d’agression non provoqué ».
Poutine était soit un fou, soit un mégalomane qui tentait de raviver le programme impérial et expansionniste de l’Union soviétique. Sans opposition à son invasion, il allait devenir une menace pour le reste de l’Europe.
Une Ukraine vaillante et démocratique avait besoin d’un soutien sans réserve de l’Occident – et d’un approvisionnement quasi illimité en armes – pour tenir tête à un dictateur voyou.
L’Ukraine est devenue le champ de bataille permettant à Washington de revenir sur les dossiers inachevés de la guerre froide
Mais ce discours semble de plus en plus s’effilocher, du moins si l’on va au-delà des médias de l’establishment – des médias qui n’ont jamais semblé aussi monotones, aussi déterminés à battre le tambour de guerre, aussi amnésiques et aussi irresponsables.
Quiconque conteste les efforts incessants déployés au cours de l’année passée pour intensifier le conflit – qui entraîne un bilan humain et des souffrances incommensurables, fait grimper en flèche les prix de l’énergie, provoque des pénuries alimentaires à l’échelle mondiale et engendre en fin de compte un risque de guerre nucléaire – est accusé de trahir l’Ukraine et de faire l’apologie de Poutine.
Aucune dissidence n’est tolérée.
Poutine est Hitler, nous sommes en 1938 et quiconque cherche à faire baisser la température n’est qu’un adepte de la politique d’apaisement, à l’instar du Premier ministre britannique Neville Chamberlain.
C’est du moins ce qu’on nous dit. Mais le contexte est d’une importance cruciale.
Mettre fin aux « guerres éternelles »
Six mois à peine avant que Poutine n’envahisse l’Ukraine, le président Joe Biden a retiré l’armée américaine d’Afghanistanaprès deux décennies d’occupation. Il s’agissait en apparence de l’accomplissement de sa promesse de mettre fin aux « guerres éternelles » de Washington qui lui coûtaient « tant de sang et d’argent ».
La promesse implicite était que l’administration Biden allait non seulement ramener les troupes américaines des « bourbiers » du Moyen-Orient que représentaient l’Afghanistan et l’Irak, mais aussi veiller à ce que les impôts américains cessent de partir à l’étranger pour remplir les poches de fournisseurs militaires, de fabricants d’armes et de responsables étrangers corrompus. Les dollars allaient être dépensés sur le territoire national pour résoudre les problèmes nationaux.
Mais depuis l’invasion russe, cette hypothèse s’est effondrée. Dix mois plus tard, il semble fantaisiste d’imaginer qu’il y ait eu la moindre intention de la part de Biden.
En décembre, le Congrès américain a approuvé une augmentation colossale du « soutien » essentiellement militaire à l’Ukraine, portant le total officiel à une centaine de milliards de dollars en moins d’un an, avec sans doute beaucoup plus de coûts cachés au public. Ce montant dépasse de loin le budget militaire annuel total de la Russie.
Guerre en Ukraine : vers un « super-combat » d’un nouveau type ?
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Washington et l’Europe déversent en Ukraine des armes toujours plus offensives. Ainsi encouragé, Kyiv pousse de plus en plus le champ de bataille à l’intérieur du territoire russe.
Les responsables américains, tout comme leurs homologues ukrainiens, entendent combattre la Russie jusqu’à ce que Moscou soit « vaincu » ou que Poutine soit renversé, transformant ainsi ce conflit en une nouvelle « guerre éternelle » identique à celle à laquelle Biden venait de renoncer – cette fois-ci en Europe plutôt qu’au Moyen-Orient.
Début janvier, dans le Washington Post, Condoleezza Rice et Robert Gates, deux anciens secrétaires d’État américains, ont appelé Biden à « offrir de toute urgence à l’Ukraine une augmentation considérable de ses fournitures et capacités militaires ». […] Il est préférable [d’]arrêter [Poutine] maintenant, avant que l’on n’exige davantage des États-Unis et de l’OTAN. »
En décembre, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a averti qu’une guerre directe entre l’alliance militaire occidentale et la Russie était une « possibilité réelle ».
Quelques jours plus tard, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été accueilli en héros lors d’une visite « surprise » à Washington. La vice-présidente américaine Kamala Harris et la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi ont déployé un grand drapeau ukrainien derrière leur invité, telles deux groupies, pendant qu’il s’adressait au Congrès.
Les législateurs américains ont offert à Zelensky une ovation de trois minutes, plus longue encore que celle accordée à l’autre fameux « homme de paix » et défenseur de la démocratie, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Le président ukrainien s’est fait l’écho de Franklin D. Roosevelt, président américain durant la Seconde Guerre mondiale, en réclamant une « victoire absolue ».
Tout cela n’a fait que souligner le fait que Biden s’est rapidement approprié la guerre en Ukraine en exploitant l’invasion russe « non provoquée » pour mener une guerre américaine par procuration. L’Ukraine est devenue le champ de bataille permettant à Washington de revenir sur les dossiers inachevés de la guerre froide.
Compte tenu du timing, les esprits cyniques pourraient se demander si Biden ne s’est pas retiré de l’Afghanistan non pas pour se concentrer enfin sur le redressement des États-Unis, mais pour préparer son entrée dans une nouvelle arène de confrontation, afin de donner un nouveau souffle à cet éternel scénario américain d’une domination militaire tous azimuts.
Fallait-il « abandonner » l’Afghanistan pour permettre à Washington d’investir son argent dans une guerre contre la Russie dans laquelle il n’y aurait pas de pertes humaines américaines ?
Des intentions hostiles
La réponse qui vient, bien sûr, est que Biden et son administration ne pouvaient pas savoir que Poutine était sur le point d’envahir l’Ukraine. C’était la décision du dirigeant russe, pas celle de Washington. Sauf que…
De hauts responsables politiques américains et des experts des relations américano-russes – de George Kennan à William Burns, actuellement directeur de la CIA sous Biden, en passant par John Mearsheimer et feu Stephen Cohen – avertissaient depuis des années que l’expansion de l’OTAN jusqu’aux portes de la Russie sous l’égide des États-Unis ne pouvait que provoquer une réponse militaire russe.
Des partisans des rebelles ukrainiens pro-russes brandissent des photos montrant des dégâts, tandis qu’un enfant tient une pancarte aux couleurs de l’Ukraine sur laquelle on peut lire « Ukraine, dis non au fascisme » et « Stop aux nazis en Ukraine ! », le 16 mars 2015 à Berlin (AFP)
Poutine avait mis en garde contre ces dangereuses conséquences en 2008, lorsque l’OTAN a soumis pour la première fois l’idée d’une candidature de l’Ukraine et de la Géorgie – deux ex-États soviétiques frontaliers avec la Russie – à une adhésion. Il n’a laissé aucune place au doute en envahissant presque immédiatement la Géorgie, bien que brièvement.
C’est cette réaction « non provoquée » qui a vraisemblablement retardé l’exécution du plan de l’OTAN. Néanmoins, en juin 2021, l’alliance a réaffirmé son intention d’intégrer l’Ukraine à l’OTAN. Quelques semaines plus tard, les États-Unis ont signé avec Kyiv des pactes distincts en matière de défense et de partenariat stratégique, offrant ainsi à l’Ukraine de nombreux avantages liés à une appartenance à l’OTAN sans en faire officiellement un pays membre.
Entre les deux déclarations de l’OTAN en 2008 et 2021, les États-Unis n’ont cessé de signaler leurs intentions hostiles à l’égard de Moscou et de montrer comment l’Ukraine pourrait contribuer à leur position géostratégique agressive dans la région.
Washington se soucie moins de l’avenir de l’Ukraine que de son objectif consistant à épuiser la force militaire de la Russie tout en l’isolant de la Chine, qui semble être la prochaine cible des États-Unis dans leur quête de domination totale
En 2001, peu après le début de l’expansion de l’OTAN vers les frontières russes, les États-Unis se sont retirés unilatéralementdu traité ABM (« Anti-Ballistic Missile ») de 1972, destiné à éviter une course aux armements entre les deux ennemis historiques.
Libérés du traité, les États-Unis ont ensuite déployé des batteries de missiles dans le périmètre élargi de l’OTAN, en Roumanie en 2016 et en Pologne en 2022. Le discours employé pour couvrir ces mesures était que ces sites étaient purement défensifs et visaient à intercepter tout missile tiré par l’Iran.
Toutefois, Moscou ne pouvait ignorer que ces systèmes d’armement étaient également aptes à une utilisation offensive et que des missiles de croisière à tête nucléaire pouvaient pour la première fois être lancés vers la Russie dans un délai très court.
En 2019, le président Donald Trump a renforcé les inquiétudes de Moscou en se retirant unilatéralement du traité de 1987 sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. Cela a ouvert la porte aux États-Unis pour lancer une première frappe potentielle sur la Russie avec des missiles stationnés dans les nouveaux pays membres de l’OTAN.
Alors que l’OTAN flirtait une fois de plus avec l’Ukraine au cours de l’été 2021, la capacité des États-Unis à lancer une frappe préventive avec l’aide de Kyiv – et de détruire ainsi la capacité de Moscou à riposter efficacement, tout en brisant sa dissuasion nucléaire – était un danger qui devait vivement préoccuper les décideurs russes.
Le sceau des États-Unis
Cela ne s’est pas arrêté là. L’Ukraine post-soviétique était profondément divisée, tant sur le plan géographique qu’électoral, sur la question de savoir si elle devait se tourner vers la Russie ou vers l’OTAN et l’Union européenne pour préserver sa sécurité et son commerce. Au fil d’élections très serrées, elle a oscillé entre ces deux pôles. L’Ukraine était un pays en proie à une crise politique permanente et à une corruption profonde.
C’est dans ce contexte que s’est produit à Kyiv en 2014 un coup d’État/une révolution qui a renversé un gouvernement élu pour préserver les liens avec Moscou. Un gouvernement ouvertement anti-russe a été installé à sa place. Le sceau de Washington – sous couvert de « promotion de la démocratie » – était un élément omniprésent du changement soudain de gouvernement au profit d’un gouvernement étroitement aligné sur les objectifs géostratégiques américains dans la région.
De nombreuses communautés russophones d’Ukraine – concentrées dans l’est, le sud et la péninsule de Crimée – ont été révoltées par cette prise de pouvoir. Craignant que le nouveau gouvernement hostile installé à Kyiv ne tente de mettre fin à son contrôle historique de la Crimée et du seul port dont dispose la Russie dans les mers chaudes, Moscou a annexé la péninsule.
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D’après un référendum ultérieur, la population locale a soutenu cette décision à une écrasante majorité. Les médias occidentaux ont largement décrit un résultat frauduleux, mais des sondages occidentaux ultérieurs ont laissé entendre que les Criméens le jugeaient fidèle à leur volonté.
C’est toutefois la région orientale du Donbass qui a été l’élément déclencheur de l’invasion russe en février dernier. Une guerre civile a rapidement éclaté en 2014, opposant les communautés russophones de la région à des combattants ultra-nationalistes et anti-russes, originaires pour la plupart de l’ouest de l’Ukraine, parmi lesquels des néonazis décomplexés. Plusieurs milliers de personnes sont mortes au cours des huit années de combats.
Alors que l’Allemagne et la France ont négocié les accords dits de Minsk avec l’aide de la Russie pour mettre fin au massacre dans le Donbass en promettant à la région une plus grande autonomie, Washington a semblé encourager l’effusion de sang.
Les États-Unis ont déversé de l’argent et des armes en Ukraine. Ils ont formé les forces ultranationalistes ukrainiennes et se sont efforcés d’intégrer l’armée ukrainienne dans l’OTAN par le biais de son principe d’« interopérabilité ». En juillet 2021, alors que les tensions s’intensifiaient, les États-Unis ont organisé un exercice naval conjoint avec l’Ukraine en mer Noire, l’opération Sea Breeze, lors de laquelle la Russie a dû tirer des coups de semonce contre un destroyer de la marine britannique qui était entré dans les eaux territoriales de la Crimée.
À l’hiver 2021, comme l’a souligné le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, Moscou avait atteint son « point d’ébullition ». Les troupes russes se sont massées à la frontière ukrainienne dans des proportions sans précédent, signe manifeste que Moscou avait perdu patience face à la collusion de l’Ukraine avec ces provocations orchestrées par les États-Unis.
Le président Zelensky, qui a été élu pour sa promesse de rétablir la paix dans le Donbass mais qui s’est montré incapable de maîtriser les éléments d’extrême droite au sein de sa propre armée, a poussé dans la direction opposée.
Les forces ultra-nationalistes ukrainiennes ont intensifié le bombardement du Donbass dans les semaines qui ont précédé l’invasion. Dans le même temps, Zelensky a fait fermer des médias de premier plan et s’apprêtait à interdire les partis politiques d’opposition et à exiger des médias ukrainiens qu’ils mettent en œuvre une « politique d’information unifiée ». Alors que les tensions montaient, le président ukrainien a menacé de développer des armes nucléaires et de réclamer une adhésion accélérée à l’OTAN, vouée à embourber encore plus l’Occident dans le massacre du Donbass et à intensifier le risque d’une confrontation directe avec la Russie.
Éteindre la lumière
C’est alors, après quatorze années d’ingérence américaine aux frontières de la Russie, que Moscou a envoyé ses soldats – de manière « non provoquée ».
L’objectif initial de Poutine, quoi qu’en aient dit les médias occidentaux, semblait être le plus léger possible étant donné que la Russie lançait une invasion illégale. Dès le départ, la Russie aurait pu mener ses attaques dévastatrices actuelles contre l’infrastructure civile ukrainienne, fermer les voies de communication et éteindre la lumière dans une grande partie du pays. Mais elle semble avoir délibérément évité une campagne de choc et stupeur à l’américaine.
Un soldat d’une unité d’artillerie ukrainienne tire en direction de positions russes à la périphérie de Bakhmout, le 8 novembre 2022 (AFP)
À la place, elle s’est d’abord concentrée sur une démonstration de force. Moscou semble avoir supposé, à tort, que Zelensky aurait reconnu que son pays avait exagéré, qu’il se serait rendu compte que les États-Unis – situés à des milliers de kilomètres – ne pouvaient pas être les garants de sa sécurité et qu’il aurait été contraint de désarmer les ultra-nationalistes qui s’en prenaient aux communautés russes de l’est du pays depuis huit ans.
Ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées. Du point de vue de Moscou, l’erreur de Poutine n’est pas tant d’avoir lancé une guerre non provoquée contre l’Ukraine que d’avoir trop tardé à l’envahir. L’« interopérabilité » militaire de l’Ukraine avec l’OTAN était bien plus avancée que ce que les planificateurs russes semblent avoir estimé.
Dans une récente interview, l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel, qui a supervisé les négociations de Minsk visant à mettre fin au massacre du Donbass, a semblé – bien que par inadvertance – se faire l’écho de cette opinion : les pourparlers ont servi de couverture pendant que l’OTAN préparait l’Ukraine à une guerre contre la Russie.
Beaucoup plus d’argent sera dépensé et beaucoup plus de sang sera versé. Il n’y aura pas de gagnants, à l’exception des faucons néoconservateurs en charge de la politique étrangère qui dominent Washington et des lobbyistes de l’industrie de la guerre qui tirent profit des aventures militaires sans fin de l’Occident
Au lieu d’empocher une victoire rapide et un accord sur de nouvelles dispositions en matière de sécurité régionale, la Russie est désormais engagée dans une guerre par procuration prolongée contre les États-Unis et l’OTAN, où les Ukrainiens servent de chair à canon. Les combats et les pertes humaines pourraient se poursuivre indéfiniment.
Alors que l’Occident est résolu à ne pas rétablir la paix et à expédier des armes aussi vite qu’elles sont fabriquées, l’issue s’annonce sombre, qu’il s’agisse d’une nouvelle division territoriale sanglante de l’Ukraine entre un bloc pro-russe et un bloc anti-russe par la force des armes ou d’une escalade vers une confrontation nucléaire.
Sans l’intervention prolongée des États-Unis, la réalité est que l’Ukraine aurait dû parvenir à un arrangement il y a de nombreuses années avec son voisin beaucoup plus grand et plus fort, tout comme le Mexique et le Canada ont dû le faire avec les États-Unis. L’invasion aurait été évitée. Aujourd’hui, le destin de l’Ukraine ne lui appartient guère. Elle est devenue un pion de plus sur l’échiquier des superpuissances.
Washington se soucie moins de l’avenir de l’Ukraine que de son objectif consistant à épuiser la force militaire de la Russie tout en l’isolant de la Chine, qui semble être la prochaine cible des États-Unis dans leur quête de domination totale.
En parallèle, Washington a atteint un objectif plus large en anéantissant tout espoir de compromis en matière de sécurité entre l’Europe et la Russie, en renforçant la dépendance tant militaire qu’économique de l’Europe vis-à-vis des États-Unis et en poussant l’Europe à s’associer à ses nouvelles « guerres éternelles » contre la Russie et la Chine.
Beaucoup plus d’argent sera dépensé et beaucoup plus de sang sera versé. Il n’y aura pas de gagnants, à l’exception des faucons néoconservateurs en charge de la politique étrangère qui dominent Washington et des lobbyistes de l’industrie de la guerre qui tirent profit des aventures militaires sans fin de l’Occident.
- Jonathan Cook est l’auteur de trois ouvrages sur le conflit israélo-palestinien et lauréat du prix spécial de journalisme Martha Gellhorn. Vous pouvez consulter son site web et son blog à l’adresse suivante : www.jonathan-cook.net.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Jonathan Cook is the author of three books on the Israeli-Palestinian conflict, and a winner of the Martha Gellhorn Special Prize for Journalism. His website and blog can be found at www.jonathan-cook.net
Jonathan Cook
Lundi 13 février 2023 - 08:19 | Last update:7 hours 22 mins ago
- Jonathan Cook est l’auteur de trois ouvrages sur le conflit israélo-palestinien et lauréat du prix spécial de journalisme Martha Gellhorn. Vous pouvez consulter son site web et son blog à l’adresse suivante : www.jonathan-cook.net.
On peut se poser la question comment la Russie a mené son « opération militaire spéciale » en Ukraine alors que l'Ukraine avait tout le soutien de l'Occident et surtout a été armée par l'Occident depuis l'annexion de la Crimée par la Russie, en 2014. L'annexion de la Crimée a été opérée à la suite de la révolution de Maïdan en Ukraine qui a conduit à la destitution du président Viktor Ianoukovitch et son exil en Russie. Et la guerre a commencé dans la région du Donbass depuis cette date jusqu'au 24 février 2022 avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Pour appeler « opération militaire spéciale » par la Russie, le choix du nom a tout son sens. En effet, l'opération de guerre est effectivement spéciale, elle repose essentiellement sur la terreur qu'inspirerait l'emploi d'armes nucléaires par la Russie si elle venait à les utiliser. Sans les armes nucléaires, la Russie n'aurait jamais mené une telle opération qui aurait été certainement suicidaire.
Comme en 1939, si la Russie avait envahi l'Ukraine, et n'avait pas d'armes nucléaires pour tenir en respect les armées occidentales, ce sont toutes ces armées dont les principales (États-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Japon, Australie, Canada) et bien sûr celles de l'Europe du Nord, d'Europe centrale et de l'Est qui viendraient à entrer en force en Ukraine et repousseraient la Russie voire même occuper la Russie. Ce qui nous fait dire que la Russie n'aurait jamais envahi l'Ukraine, ce serait au-dessus de ses forces. Mais, avec les armes nucléaires, oui, la Russie n'a pas hésité, elle est passée à l'action.
Comment alors comprendre l'action des armes nucléaires dans l'action d'hostilité, de guerre entre les hommes, ou tout court entre les humains ? Dès lors que l'œuvre de destruction qui se trouve dans l'arme nucléaire n'est pas l'œuvre des hommes, elle se trouve dans les propriétés de certains matériaux fissiles qui font partie de la Création, et donc de Dieu, on peut comprendre que Dieu a permis aux humains au moyen de la pensée qui appartient aussi à Dieu à découvrir cette force apocalyptique et de l'utiliser à bon escient puisqu'elle a été permise par Dieu.
Mais qu'est-ce qu'on entend par « utiliser à bon escient l'arme nucléaire » ? La « Dissuasion nucléaire », par exemple, est un usage à bon escient, puisque la pensée qu'inspirerait une « apocalypse nucléaire » est suffisante pour dissuader les humains du moins ceux qui détiennent ces armes nucléaires, i.e. les puissances nucléaires de faire la guerre. D'autant plus qu'une guerre nucléaire pourrait être l'affaire de quelques heures ou au maximum quelques jours par des frappes nucléaires continentales et intercontinentales, et c'est fini plus de villes, plus de puissances nucléaires, sinon le désert nucléaire appelé aussi l'« hiver nucléaire ».
En fait, ce qu'on peut dire est que Dieu a octroyé le moyen nucléaire pour un suicide collectif, un suicide intercontinental. Les êtres humains souvent ne savent pas que toute l'œuvre humaine relève en fait de Dieu qui Lui n'accorde que le libre-arbitre. Mais toute force dans la nature quelle qu'elle soit d'une brise de vent, du rayon solaire aux propriétés de la Terre et de la structure des êtres humains sont essentiellement œuvre de Dieu. Souvent la pensée humaine oublie de se le rappeler ou même en est ignorante ; parfois elle reste comme voulue dans l'ignorance.
Pour comprendre prenons la nucléarisation des Villes japonaises, Hiroshima et Nagasaki, le 6 et 9 août 1945. Comment le bombardement de ces villes s'est-il opéré ? A peine la première bombe atomique, appelée « Gadget », a été testée le 16 juillet 1945 dans le désert près de Alamogordo (Nouveau-Mexique), aux États-Unis que, moins de 20 jours, la première bombe atomique à l'uranium, appelée « Little Boy », fut larguée sur Hiroshima. La ville a pratiquement été rasée. Après trois jours, le 9 août 1945, c'est le tour de Nagasaki d'être frappée par une bombe au plutonium, appelée « Fat man ». Drôle de nom pour des bombes apocalyptiques « Petit Garçon et Gros Homme » qui déciment instantanément 75 000 vies humaines et 50 000 qui meurent quelques semaines après pour la ville d'Hiroshima et pratiquement autant pour la ville de Nagasaki.
Pourquoi en 25 jours, le destin de l'humanité a été changé par trois bombes atomiques ? Pourquoi le Japon a été frappé par deux bombes atomiques ? Pourquoi ce sont les États-Unis qui ont été les maîtres de l'œuvre dans la réalisation de ces bombes, et il faut le dire dans sa phase finale ? Alors que la découverte de la bombe a commencé avec les savants Avogadro, Dalton, Lavoisier, Proust dans les années 1700 et d'autres savants plusieurs siècles avant juillet-août 1945.
Il est évident que la découverte de la bombe atomique est survenue selon un processus historique précis. Elle devait survenir et mettre fin à la guerre entre les États-Unis et le Japon. Sans cette bombe atomique et compte tenu de l'éloignement, la guerre nippo-américaine aurait continué indéfiniment. Le peuple japonais n'aurait jamais capitulé et la guerre se serait transformée en guérilla jusqu'à épuisement des forces US.
L'avènement de l'arme atomique devait être une arme radicale de dissuasion pour les grandes puissances après deux Guerres mondiales. Elle a mis le holà aux guerres mondiales, i.e. elle a interdit les guerres mondiales et montré à Hiroshima et Nagasaki ce qui en coûterait au genre humain en un temps infinitésimal.
Enfin, un dernier point, ce ne sont pas les États-Unis ni l'espèce humaine qui a conçu la bombe absolue, mais Dieu qui a éclairé les humains dans leurs pensées en leur communiquant le processus réactif nucléaire dans certains matériaux fissiles terrestres et la science et technique pour arriver à l'arme nucléaire. Donc aussi bien les deux Guerres mondiales comme l'avènement de l'arme atomique en 1945 avec effets réels sur des objectifs humains entrent dans la marche absolue de l'humanité.
De plus, l'arme absolue est montée d'un cran, devenant mille fois plus puissante avec la découverte de l'arme thermonucléaire (à hydrogène H), et a dépassé la fission nucléaire, qui se compte désormais en mégatonnes de TNT (trinitrotoluène) et non en kilotonnes comme la précédente, elle est donc devenue plus radicale que radicale.
De la même façon, cette découverte dès le départ n'est pas restée pour les seuls États-Unis, elle a été « distribuée » aux autres puissances avant même que l'arme soit devenue thermonucléaire. En effet, en 1949, l'URSS qui a fait son premier essai nucléaire s'est placé à parité avec les États-Unis. Entre 1952 et 1953, les deux puissances sont arrivées pratiquement en même temps à parité sur le plan des armes thermonucléaires (1er novembre 1952 pour les États-Unis, et 12 août 1953). Ensuite vient la Chine en 1967, la France en 1968... C'est dire que l'ordre de l'humanité est bien « agencé » par Celui qui l'a créé et qu'Il suit pas à pas cette humanité qui ne cesse d'être frondeuse, belliqueuse. Mais il demeure qu'Il l'a assagie par ce mystère qu'est la bombe qui ne s'emploie encore que sur Son Ordre. Impossible aux humains bien qu'ils soient concepteurs éclairés de cette arme nucléaire d'en faire appel.
Il ne faut pas croire parce que Dieu a octroyé le libre-arbitre aux humains que ces humains peuvent faire ce qu'ils voudront. En réalité, tant dans les questions les plus petites que les questions les plus grandes, Dieu laisse faire mais oriente toujours et « corrige » en permanence les « erreurs ». Le Bien et le Mal est consacré dans la Création de l'univers et donc l'être humain est confronté à ce monde dual qui entre dans la nature humaine. Qu'il soit frondeur, belliqueux ou épris de paix, c'est ainsi qu'il peut voguer entre les deux extrêmes. Mais ces extrêmes sont aussi régis par Dieu et bien qu'il laisse l'humain libre, l'humain n'est libre que parce que c'est consenti par Dieu pour que l'humain se sente libre, se sente maître de son destin. Mais, dans l'absolu, il ne l'est pas si ce n'est sa conscience sur laquelle il ne sait rien qui lui dicte ce dont il a besoin pour exister. Et cela se situe dans son « esprit » humain.
Comme aujourd'hui, on le constate dans la guerre en Ukraine. Les humains font la guerre et croient chacun dans son camp qu'ils sont dans leur droit d'envahir ou dans leur droit de repousser celui qui veut l'envahir. Si la Russie a opté pour envahir l'Ukraine, et lancé son « opération militaire spéciale », c'est aussi parce qu'il y a des causes. L'OTAN, le pacte Atlantique, a voulu s'étendre jusqu'aux frontières de la Russie, et s'est étendu à la plupart des pays de l'ex-aire de l'URSS devenue la Fédération de Russie.
De même, le peuple ukrainien globalement a opté pour l'Occident, ce qui est dans son droit de peuple libre. Mais, dans la géopolitique mondiale, il n'y a pas que le droit d'un peuple libre ou de peuples libres ; bien qu'il y ait des droits de peuples libres, il existe aussi des contingences dans le choix des peuples libres. En effet, un peuple libre peut lutter pour son choix vers le régime qui l'attire mais il faut encore qu'il sache que ce choix n'affecte pas l'autre peuple libre qui lui aussi a fait son choix. Le peuple russe comme le peuple ukrainien est un peuple libre et peu importe le régime politique qui l'administre ; c'est le choix de tout peuple libre.
Un occidental peut dire, par exemple, que le régime russe n'est pas démocratique et déduire que le peuple russe n'est pas libre, et réciproquement, le russe peut dire que le régime occidental est certes démocratique mais capitaliste et qu'à travers le capital, il exploite les masses travailleuses. Et qu'au fond, la démocratie n'est qu'une façade et c'est le capital qui régit la société ; et donc pas de véritable liberté ; le pauvre restant toujours pauvre et le riche restant toujours plus riche.
Et c'est précisément dans cette dissonance entre peuples libres et non-libres selon comment chaque camp voit l'autre camp que s'est opéré ce conflit russo-ukrainien devenue guerre d'invasion. Puis est survenue l'opposition entre deux camps prenant alors les autres régions du globe. On a le pôle de l'Ouest uni avec certains pôles du reste du monde qui soutiennent où bien sûr n'est pas étranger l'intérêt et le pôle de la Russie et donc de l'Est auquel se joigne principalement la Chine tout en menant une politique de prudence et les autres pôles en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud tiraillés entre les deux camps.
On comprend qu'en fait il y a un processus historique naturel qui régit la marche de l'humanité. Dans le sens que chaque camp est devenu ce qu'il est par les forces, par les guerres même qui ont façonné son histoire. Qu'aujourd'hui, la Russie envahisse l'Ukraine est une donnée qui entre dans la marche de l'histoire de l'humanité. L'invasion de l'Ukraine a été un concours de circonstances qui ont fait qu'elle le soit. Ne prenant que l'arme nucléaire découverte en 1945, le dédale d'événements qui a suivi montre que l'invasion de l'Ukraine en 2022 était potentielle dans le sens qu'elle devait survenir, et « elle est survenue ».
Dire que c'est le président Vladimir Poutine qui a déclenché l'invasion de l'Ukraine, c'est méconnaître les forces de l'histoire. V. Poutine n'est qu'un homme, il ne peut déclencher l'invasion de l'Ukraine que si tous les éléments du puzzle historique sont déjà en place et n'attendent que leur réalisation. Ne serait-ce que l'arme nucléaire, si elle était absente et n'avait pas existé, il n'y aurait pas eu d'invasion ; de même si l'OTAN ne s'est pas intéressé à l'Ukraine, un pays de l'Est sans impact géostratégique, et l'Organisation repliée sur elle-même pour une défense collective réelle des pays de l'Ouest, il n'y aurait eu ni opération militaire spéciale, ni révolution Maïdan, ni Donbass. Une Ukraine unifiée tout simplement.
Et si l'invasion a eu lieu, c'est aussi qu'elle est inscrite dans l'Ordre de la Création, qu'elle a valeur dans la marche du monde. Et si le Président Vladimir Poutine, le ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov ou le président biélorusse Alexandre Loukachenko parlent de Troisième Guerre mondiale, ça n'entre que dans la guerre psychologique entre les grandes puissances.
Il ne peut y avoir de Troisième Guerre mondiale pour l'humanité. Pourquoi ? Pour la simple raison que si Dieu a permis à l'humain de découvrir la puissance de la fission et la fusion thermonucléaire, ce n'est pas pour le détruire mais pour le dissuader d'aller au-delà de ce qui lui est permis ; si Dieu avait voulu détruire l'humanité, Il n'aurait qu'à provoquer une collision de la Terre avec une autre planète et l'espèce humaine aurait péri comme le furent les dinosaures ; si Dieu avait voulu mettre fin à l'humanité, il n'aurait qu'à rapprocher la Terre au soleil et la température s'élevant à 60-70°, et plus de vie sur terre. Donc Dieu a permis de découvrir l'atome pour paradoxalement le protéger de la guerre. Et plus de 75 ans sans guerre entre les grandes puissances.
Donc l'invasion de l'Ukraine par la Russie a un grand sens historique. Au-delà de la résistance du peuple ukrainien, du soutien multiforme en armements, finances et autres de l'Occident à l'Ukraine et de la poussée russe qu'elle dure, qu'elle s'épuise à la longue, comme la guerre d'invasion s'est entièrement reposée sur les armes nucléaires que détient la Russie au plan mondial, elle a par cette passe historique imposé une réponse prudente de l'Occident. Aider l'Ukraine oui, mais éviter un suicide planétaire a fortiori pour un seul pays l'Ukraine serait un impératif pour les États-Unis ; même si l'Europe était elle-même menacée de guerre nucléaire, les grandes puissances resteront toujours sur leurs gardes pour ne pas transporter une guerre nucléaire sur leurs sols.
Ceci étant, si l'Occident ne change pas sa politique comme il l'a toujours menée lorsque, au nom de la démocratie, il a causé tant de malheurs au Vietnam, en Corée, en Irak, en Afghanistan, la liste est longue, et vis-à-vis de la marche absolue de l'humanité, ces guerres ont été « permises » parce qu'elles entrent aussi dans la destinée humaine, et seul Dieu en est le garant, la guerre en Ukraine constitue cependant un tournant pour l'Occident et pour l'histoire de l'humanité. Donc ce qui va advenir demain dépend certes de la Russie mais surtout de l'Occident.
Une marche précise dans le tracé des événements d'ordre mondiaux est enclenchée et relève en fait de l'Orientation du Créateur. Comme l'invasion a commencé par la « protection nucléaire » qu'a la Russie dans son statut de puissance nucléaire mondiale, si la raison entre humains ne l'emporte pas et probablement ne va pas l'emporter tant il y a une grave dissonance entre les pays d'Occident et les puissances adverses, il est très probable que c'est le nucléaire qui fera entendre la raison aux puissances, et donc aux humains. Et non dans la crainte qu'il provoquera une Troisième guerre mondiale.
Le ministre russe des Affaires étrangères, M. Sergueï Lavrov s’est félicité des « excellentes relations historiques » unissant la Russie et l’Algérie, mettant en relief l’importance du partenariat stratégique et du dialogue actif entre les deux parties dans tous les domaines.
« Les relations historiques entre les deux pays appellent au respect entre les peuples des deux pays », a affirmé le chef de la diplomatie russe dans une interview accordée à « RT Arabic », rappelant le soutien de son pays à l’Algérie durant la Guerre de libération contre la colonisation.
Soulignant que son pays entretenait des relations avec l’Algérie avant même l’indépendance, M. Lavrov a indiqué que « nous entretenons, depuis, des relations étroites dans tous les domaines et un dialogue politique intense ».
Il a cité, à ce propos, les entretiens téléphoniques entre le Président algérien, M. Abdelmadjid Tebboune et son homologue russe Vladimir Poutine, affirmant que « le Président Tebboune comprend le sens, l’histoire et l’avenir du partenariat stratégique algéro-russe ».
Il a rappelé, par là même, que l’Algérie était le premier pays africain a signer une Déclaration de partenariat stratégique avec la Russie en 2001, qualifiant cet accord de « base de nos relations et conférant un caractère spécifique à nos contacts ».
Concernant les contacts au niveau politique, M. Lavrov a relevé sa rencontre, en septembre dernier en marge de l’AG de l’ONU, avec son homologue algérien, Ramtane Lamamra ainsi que les évènements survenus l’année passée qui, explique-t-il, « dénotent l’existence d’une plateforme solide sur laquelle se base la coopération politique entre les deux pays ».
Quant aux relations en matière d’énergie, M. Lavrov a précisé: « certainement, nous sommes des partenaires non seulement dans le cadre de l’OPEC+, mais aussi dans le Forum des pays exportateurs du Gaz au sein duquel la Russie et l’Algérie participent activement », soulignant, à cet égard, les efforts entrepris par les deux pays pour garantir la stabilité des marchés énergétiques mondiaux.
Sur ce point, M. Lavrov est revenu sur la décision de la dernière réunion ministérielle des pays « OPEC+ » qui a mis l’accent sur « la coordination entre les participants à cet évènement en vue de réguler le marché du pétrole et des produits pétroliers de manière à préserver, à la fois, les intérêts des producteurs et des consommateurs ».
Soulignant que la Russie et l’Algérie partageaient les mêmes positions, il a déclaré : « nous voulons des marchés stables, c’est pourquoi il est inutile de manipuler les cours ».
Concernant les niveaux des échanges commerciaux et économiques, le responsable russe les a qualifiés d' »impressionnants ».
« Nous avons engagé un dialogue actif et intense dans plusieurs domaines (…) les niveaux des échanges commerciaux et économiques entre nous sont assez impressionnants, d’autant que l’Algérie est l’un de nos trois grands partenaires en Afrique ».
M. Lavrov a également estimé toutefois que « les capacités n’ont pas été entièrement exploitées, notamment dans les domaines de l’Energie, de l’Agriculture et de la production de médicaments ».
As-tu mis en poche les graines de tournesol livrées au Kremlin par les mères de Kiev ? Quand tu seras sous terre elles pousseront jusqu’à te ressembler, gueule de portier de nuit, joueur d’échecs à l’affût, gueule arrondie verrouillée. Tu as détruit en peu de gestes l’eau pure et le papier hygiénique en Ukraine, dans chaque âme. L’usage du bon sens et du métro plaqués au mur à la lueur du jour, l’Ogre qui frappe à coups d’obus, la saga de Ras-Poutine, tranche extra en issue de Covid : qui sait quand tout cela sortira du cœur des enfants, de nous tous ? Que cherchent les becs de l’aigle bicéphale et les chenilles de tes insectes métalliques ? Que diront non pas Google, Gogol et le Dostoïevski de Crime et Châtiment ? Le cercle des tyrans est un Enfer de puces à l’oreille, un raffut de sirènes et de cloches, les cloches de toute la Russie. L’Histoire a écrit sur le front que les confins ne valent pas un centime percé et le pouvoir n’est qu’un podium de glace. Tu nais comme une écharde du Mur de Berlin, faire le tsar avec le monde n’est pas un bon calcul.
Alger a tout intérêt à entretenir de bonnes relations tant avec Moscou qu’avec l’Occident, mais comme Poutine fait durer le conflit, la donne pourrait changer.
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Ancrée dans une approche des affaires mondiales fondée sur le non-alignement depuis les années 1970, la réaction de l’Algérie face à l’invasion de l’Ukraine par la Russie n’a pas été surprenante.
Désireuse de ne vexer ni le Kremlin ni l’Occident, l’Algérie est restée neutre dans ce conflit. La situation en Ukraine, qui a dangereusement fait monter les tensions entre la Russie (partenaire stratégique et principal fournisseur d’armes de l’Algérie) et les partenaires occidentaux de ce pays nord-africain, est une épreuve majeure pour le non-alignement algérien à l’échelle internationale.
Quand Washington a voulu mobiliser la communauté internationale contre Moscou lors de l’Assemblée générale des Nations unies début mars, l’Algérie a été le seul pays arabe à s’être abstenu lors du vote de la résolution échafaudée par les États-Unis. Par la suite, les Algériens ont à nouveau adopté une position neutre à l’ONU pour d’autres votes portant sur l’invasion russe.
« La réaction de l’Algérie à l’invasion russe de l’Ukraine a été modérée », a confié Geoffrey Porter, PDG de North Africa Risk Consulting, à Responsible Statecraft. « Elle ne se considère pas comme partie prenante dans le conflit et n’a par conséquent pas pris position. » Même si cette approche a bel et bien servi les intérêts algériens, plus le conflit fera rage, plus difficile il lui sera de conserver sa neutralité.
À Washington, certains commentateurs et législateurs occidentaux accusent l’Algérie de soutenir la Russie dans cette guerre. Même si Alger et Moscou entretiennent un robuste partenariat remontant à la Guerre froide, l’Algérie ne s’est pas alignée sur la Russie et les deux pays ne partagent pas le même point de vue sur le conflit.
Le fait que le ministre des Affaires étrangères russe Sergei Lavrov ait déclaré en mai que Moscou comprend l’attitude de l’Algérie, sans toutefois lui exprimer son soutien, en est une illustration. Selon William Lawrence, professeur de sciences politiques à l’American University, cette déclaration « signifie que, en privé, la Russie porte un regard critique sur cette attitude, mais qu’elle n’ira pas plus loin ».
L’État et la société algérienne sont très sensibles au maintien de leur indépendance à l’échelon international. Bien que les Russes ne souhaitent pas voir l’Algérie respecter les accords énergétiques qui la lient aux puissances européennes (et encore moins les aider à traverser la crise énergétique mondiale en cours), Alger choisit de jouer un rôle utile aux puissances occidentales dans le cadre de la guerre. L’Algérie, à la différence de l’Iran et de la Corée du Nord, n’a d’aucune façon soutenu le comportement sans scrupule de la Russie en Ukraine. De la même manière, l’Algérie n’a pas cédé aux pressions occidentales l’exhortant à cesser toute entente avec la Russie, ni adopté de positions officielles contre Moscou à propos de l’Ukraine.
Toujours pour Responsible Statecraft, Lawrence a ajouté : « Alger a ici l’occasion (et elle l’a dans une certaine mesure saisie) d’aller plus loin et d’indiquer à l’Europe et aux capitales occidentales ce à quoi ressemble une véritable neutralité. »
L’importance du maintien algérien de ses liens étroits avec Moscou ne résulte pas forcément de ses affinités pour la Russie, mais au contraire d’une méfiance largement répandue chez les Algériens vis-à-vis des intentions de la France et des autres membres de l’OTAN.
Le dossier du Sahara occidental reste central dans les prises de décisions relatives à la politique étrangère algérienne. Alger considère que l’appui grandissant des Occidentaux en faveur du Maroc pose problème et qu’il justifie d’entretenir des liens très étroits avec la Russie, même si Moscou ne lui a pas été nécessairement d’un grand soutien sur ce dossier. Alger estime qu’elle doit continuer à acheter des armes russes, se sentant de plus en plus menacée par la situation au Sahara occidental et la normalisation des relations entre le Maroc et Israël.
D’une certaine façon, la guerre en Ukraine a servi les intérêts de l’Algérie. Les dilemmes énergétiques européens soulevés après le 24 février ont accru l’importance stratégique de l’Algérie vis-à-vis de l’Occident, à mesure que les membres de l’UE s’efforçaient de se sevrer des hydrocarbures russes.
Cette année, les exportations de gaz naturel algérien vers l’Italie ont augmenté de 20 %. Plus tôt ce mois-ci, le géant de l’énergie italien ENI a annoncé qu’il s’attendait à un doublement des importations italiennes de gaz algérien d’ici 2024, et à une augmentation de 50 % des exportations de l’Algérie vers la France.
La Slovénie s’est elle aussi tournée vers l’Algérie pour qu’elle l’aide à se tenir au chaud cet hiver. La ministre des Affaires étrangères Tanja Fajon et le ministre de l’Équipement Bojan Kumer se sont rendus en Algérie plus tôt dans le mois, afin de conclure un accord entre la Sonatrach (compagnie pétrolière nationale de l’Algérie) et Geoplin (plus grand distributeur slovène de gaz naturel), en vertu duquel l’Algérie couvrira un tiers des besoins de ce pays d’Europe centrale pendant les trois années à venir et ce, dès le 1er janvier 2023.
Pourtant, cela n’a pas fragilisé les relations entre l’Algérie et la Russie. « Cela a été applaudi comme jamais par les capitales européennes, malgré le renforcement des liens avec Moscou », a déclaré Porter. « L’Algérie a profité de ce conflit sans avoir à compromettre ses principes de politique étrangère. »
Le refus de l’Algérie de s’aligner sur l’Occident contre la Russie a toutefois amené certains responsables américains à demander des sanctions. En septembre, des législateurs républicains, avec à leur tête la Républicaine Lisa McClain (représentante du Michigan) ont exigé que les États-Unis punissent l’Algérie, en vertu du Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act [loi du Congrès qui renforce les sanctions déjà existantes contre l’Iran, la Corée du Nord et la Russie et qui doit également s’appliquer aux entreprises européennes, NdT, source : Wikipédia]. McClain a accusé Alger de « soutien politique au régime tyrannique de Poutine ». Bien que la raison officiellement invoquée porte sur les importantes acquisitions d’armes russes par l’Algérie, les responsables américains sont également mécontents du soutien d’Alger en faveur de la réhabilitation du gouvernement syrien, ainsi que de son opposition aux accords d’Abraham.
Cela étant, l’administration Biden est peu susceptible de prendre des mesures contre l’Algérie, dans la mesure où elle coopère avec Washington dans sa lutte contre le terrorisme et d’autres domaines.
« Il existe une distinction entre les législateurs de Washington et les professionnels de la politique étrangère », a expliqué Porter. « Ces derniers connaissent mieux les particularités des engagements de la politique étrangère algérienne. Ils situent la politique étrangère de l’Algérie dans un cadre géographique et historique plus large, et sont moins susceptibles de réagir à des développements ponctuels. Quant aux législateurs, ils sont plus enclins à tenter de rapidement marquer des points politiques plutôt que de nouer des liens durables faisant progresser les intérêts de la politique étrangère américaine. Pour cette raison, une fois qu’elles atteindront le département d’État du président Biden, leurs exhortations à sanctionner l’Algérie tomberont dans l’oreille d’un sourd.
Lawrence a déclaré que le seul cas où ces sanctions pourraient s’accentuer serait « si l’Algérie [venait] soutenir matériellement la guerre russe en Ukraine, ce qu’elle ne fera pas ».
De plus, il est peu probable que les sanctions américaines modifient les relations que l’Algérie entretient avec la Russie. Au contraire, elle pourraient alimenter la méfiance grandissante d’Alger vis-à-vis des États-Unis et l’inquiétude croissante que suscite la présence de groupes d’influence marocains à Washington. « Alger restera proche de Moscou », a déclaré Dalia Ghanem, chercheuse résidente au Carnegie Middle East Center de Beyrouth, à Responsible Statecraft. « Les sanctions [imposées] par les États-Unis, si elles sont validées, ne changeront rien. Au contraire, elles attireront davantage l’hostilité de l’Algerie, et cela n’augurera de rien de bon pour les États-Unis, dans la mesure où ils ont encore besoin [de l’Algérie comme alliée] au Sahel et pour tout ce qui touche au contre-terrorisme. »
Néanmoins, la Russie ne peut pas considérer comme acquis le refus de l’Algérie de dégrader ses relations avec Moscou, ni même de la voir critiquer le gouvernement de Poutine, particulièrement si la Russie décide de faire usage de l’arme nucléaire en Ukraine. Les tests nucléaires par la France en Algérie entre 1960 et 1966, entraînant une contamination irréversible de la région, ont eu un impact négatif encore présent au sein de la population algérienne, qui explique la position antinucléaire irréductible de l’Algérie.
L’utilisation d’armes nucléaires ne serait pas nécessairement ce qui ferait changer l’Algérie de posture dans la guerre en Ukraine. Si le conflit se poursuivait et que les Russes continuaient de frapper des infrastructures civiles et des Ukrainiens innocents, la perspective algérienne sur le conflit pourrait éventuellement évoluer. Il s’agit là d’une contradiction inhérente entre la doctrine de gouvernance souverainiste de l’Algérie, qui repose sur le principe d’une défense des droits souverains des États-nations, et son refus de condamner l’invasion russe et l’appropriation de terres ukrainiennes.
Dans ce contexte, une sympathie grandissante pour les Ukrainiens (et en particulier pour la minorité musulmane du pays) pourrait susciter quelque sensibilité chez les Algériens, qui pourrait plus tard se manifester, de façon officielle ou officieuse, sous la forme de positions plus favorables à Kiev. En tant que pays arabe le plus impliqué dans l’ONU comme institution internationale, un recensement plus exhaustif des atrocités commises par les Russes en Ukraine pourrait inciter les responsables algériens à pointer du doigt la Russie pour son comportement de voyou.
Lawrence a souligné l’histoire du positionnement de l’Algérie lors de la guerre civile ayant fait rage entre 1992 et 1995 en Bosnie (autre conflit européen ayant secoué les sensibilités islamiques en Algérie), estimant qu’elle pourrait servir d’indicateur quant à la possible évolution de la posture algérienne au sujet de la guerre en Ukraine.
En définitive, l’Algérie se réjouirait de la paix en Ukraine mais, jusqu’ici, Alger s’est abstenue de tout commentaire contre Moscou. Pourtant, à mesure que le nombre de pertes civiles ukrainiennes continue d’augmenter, faisant craindre que ce conflit se propage dans d’autres pays européens, la possibilité n’est pas exclue de voir l’Algérie se mettre à condamner publiquement l’agression russe. Jusqu’ici, toutefois, l’Algérie s’est concentrée sur les façons d’accroître son importance géo-économique vis-à-vis de l’Occident sans se mettre la Russie à dos, estimant qu’un non-alignement soutenu sert ses intérêts nationaux.
Depuis l’arrestation en 2008 du célèbre trafiquant d’armes russe, puis sa condamnation en 2012 aux États-Unis à vingt-cinq ans de prison, Moscou n’a cessé de demander sa libération. Il vient d’être échangé contre la basketteuse américaine Brittney Griner.
Qui se cache derrière Viktor Bout, ce « marchand de mort » devenu un véritable mythe dans le milieu des trafics d’armes pendant des décennies ? Depuis son arrestation en Thaïlande en 2008, son extradition aux États-Unis à l’issue de deux ans de bataille diplomatico-juridique et sa condamnation en 2012 à vingt-cinq ans de prison, Moscou cherchait par tous les moyens à le récupérer.
Sa libération, jeudi 8 décembre, en échange de la basketteuse américaine Brittney Griner détenue en Russie depuis de longs mois, ravive des interrogations anciennes sur la véritable profession de cet ancien élève de l’Institut des langues étrangères à Moscou qui, dans sa cellule américaine, gardait une photo de Vladimir Poutine.
Lord of War
Ce moustachu au charisme indéniable, qui a inspiré le héros du thriller hollywoodien Lord of War (2005), avec un Nicolas Cage campant un trafiquant d’armes des plus cyniques, avait toutes les caractéristiques d’un espion professionnel. À Moscou, à l’Institut des langues étrangères, il a formé les officiers de renseignement militaire.
Viktor Bout s’est toujours présenté en simple homme d’affaires. Très vite, multipliant les sociétés écrans pour transporter les armes, il a aidé les hauts gradés soviétiques à se faire de l’argent en bradant le matériel de leurs unités. Profitant de la surabondance d’armes soviétiques abandonnées à la chute de l’URSS, il a alimenté une série de guerres civiles fratricides, notamment en Afrique. De fait, Viktor Bout entretenait des liens avec toutes sortes de groupes rebelles ou d’États voyous – et donc avec les gouvernements qui, en coulisse, les soutenaient.
Pour son commerce, comme pour ses hypothétiques missions politiques, Viktor Bout disposait d’un atout fort, propre aux membres des services d’espionnage : polyglotte, il parle huit langues. Et une autre grande spécialité : les avions militaires. Outre les langues étrangères, Viktor Bout a fait des études d’aéronautique puis rejoint l’armée de l’Air. Plus tard, son commerce des vieux avions soviétiques Antonov et Tupolev fait sa fortune. Il exploite jusqu’à soixante appareils, opérés par des pilotes russes capables de se poser n’importe où.
« Dieu sait la vérité »
Fort de sa propre flotte d’avions-cargos, il livre des armes à travers le monde entier. Un trafic qui n’a pas pu être mené à bien sans relations politiques au plus haut niveau et autres couvertures des services de renseignement. Déjouant les embargos internationaux, Viktor Bout a vendu à tous les mouvements rebelles de la planète, en particulier en Afrique. Mais aussi en Afghanistan où il aurait équipé à la fois les insurgés talibans et leurs ennemis de l’Alliance du Nord pro-occidentale.
En 2008, Viktor Bout finit par être arrêté en Thaïlande, piégé par des agents américains. Il est jugé aux États-Unis pour « soutien aux terroristes », « complot en vue de tuer des Américains », « trafic d’armes et blanchiment d’argent ». Les procureurs réclamaient la perpétuité. Il est finalement condamné à New York en avril 2012 à vingt-cinq ans de prison.
« Je ne suis pas coupable, je n’ai jamais eu l’intention de tuer qui que ce soit, je n’ai jamais eu l’intention de vendre des armes à qui que ce soit », se défend-il alors. Avant d’insister : « Dieu sait la vérité. »
Visiblement, le ministère russe des affaires étrangères connaissait aussi la vérité. Il n’a cessé d’œuvrer pour obtenir son retour en Russie. C’est désormais chose faite.
Benjamin Quénelle, correspondant à Moscou (Russie),
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