La jetée du petit port. Je plongeais, je nageais en m'appliquant parce que je savais que je nageais plutôt bien et je remontais en utilisant l'échelle rouillée au bout du môle.
Tipasa et les souvenirs.
Les cabanons. Sont-ils toujours bien entretenus ?
Là-bas, ces couchés de soleil ressemblaient à des diamants.
Le soir tombait sur la campagne. Nous écoutions les grillons et les enfants trouvaient parfois des vers luisants.
Camus :"Maintenant, les arbres s'étaient peuplés d'oiseaux. La terre soupirait lentement avant d'entrer dans l'ombre. Tout à l'heure, avant la première étoile, la nuit tombera sur la scène du monde."
Verlaine :"La lune est rouge au brumeux horizon;
Dans un brouillard qui danse dans la prairie
S'endort fumeuse, et la grenouille crie
Par les joncs verts où circule un frisson;
Nuit
de Victor Hugo :
Le ciel d'étain au ciel de cuivre
Succède. La nuit fait un pas.
Les choses de l'ombre vont vivre.
Les arbres se parlent tout bas.
Puis la nuit fait un pas encore.
Tout à l'heure, tout écoutait.
Maintenant nul bruit n'ose éclore ;
Tout s'enfuit, se cache et se tait.
Sur cette photo on peut voir distinctement le Chenoua
"qui prend racine dans les collines autour du village et s'ébranle d'un rythme sûr et pesant pour aller s'accroupir dans la mer."
Verlaine et L'heure du Berger :
"Les fleurs des eaux referment leurs corolles;
Des peupliers profilent aux lointains,
Droits et serrés, leurs spectres incertains;
Vers les buissons errent les lucioles;
Les chats-huants s'éveillent, et sans bruit
Rament l'air noir avec leurs ailes lourdes,
Et le zénith s'emplit de lueurs sourdes.
Blanche, Vénus émerge, et c'est la Nuit."
Tipasa
Les premières nuances des lumières un jour d'été sur la mer. Et puis le jour effaçait l'embrasement du soleil naissant, éteignait les derniers feux et apparaissait l'azur. L'Azur ! L'Azur ! . . Je pense à Mallarmé. Disparition des couleurs, leur évanouissement. Spectacle d'une mort heureuse. Et là-bas, en face, au nord, la France.
Tipaza
Cependant que les flots exhalent leurs soupirs,
Sur les fûts brisés zigzaguent les hirondelles;
Le terrain caillouteux resplendit d'asphodèles
Qui naissent au printemps vierges de souvenirs.
Pénétrant de leur or les vagues de saphir,
Les rayons moribonds du soleil étincellent
Je rêve. Expire au loin le chant des tourterelles
Où suis-je ? A Tipaza ? Dans le pays d'Ophir ?
Le soir tombe. La nuit voilera les ruines
Mais surgit Séléné, riche en clartés divines
Bientôt donc renaîtront tous les dieux disparus,
Et le pas souverain des légions romaines,
Et, proches de la mer où chantent les sirènes,
L'ombre de Jean Grenier et l'ombre de Camus.
Jean Bogliolo
Professeur de lettres classiques au Lycée Gautier
(Jean Bogliolo écrivait Tipasa avec un Z. C'était toléré.)
Un autre poème, de Jean-Claude Xuereb :
Longtemps il écouta aux portes du silence
Les grincements du temps en bruits venus d’ailleurs
Il scruta le regard aveugle de la nuit
Au rêve égaré d’une criblure d’étoiles
Il avait depuis toujours pris rendez-vous
Aux rives du néant où bat l’éternité
Ne le pleurons pas son destin s’est accompli.
Jean-Claude Xuereb est intervenu aux Journées « Albert Camus et René Char : en commune présence », et « Audisio, Camus, Roblès, frères de soleil : leurs combats ».
Je lis à présent ces lignes qui semblent être extraites d'un magazine pour une invitation au voyage alors que je les ai trouvées au début de Noces suivi de L'été. Elles ne sont pas signées. « Tipasa, c'est à 69 kilomètres d'Alger. Une cité romaine dont ne subsistent que des vestiges envahis par la végétation des absinthes, des géraniums et des griffes-de-sorcière. Imaginez des ruines à pic sur une falaise que vient battre une eau claire, brasillant sous l’éclatante lumière méditerranéenne. Tel est le site magnifique où Albert Camus a célébré dans sa vingtième année ses "noces" avec la nature. »
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