Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, est arrivé mardi 13 juin pour quatre jours en Chine. Après avoir facilité le rapprochement historique entre l’Iran et l’Arabie saoudite en mars, Pékin propose ses services d’intermédiaire dans le conflit israélo-palestinien, enlisé depuis 2014.
Après s’être tenue à distance des grandes médiations de paix internationales pendant des décennies, la Chine entend à son tour jouer sa partie. Fort de son succès diplomatique, comme facilitateur surprise du rapprochement entre Téhéran et Riyad en mars, Pékin a de nouveau proposé ses bons services aux Israéliens et aux Palestiniens en avril. Les Chinois lorgnent un rôle actif dans une éventuelle reprise des pourparlers en vue d’un accord de paix, au point mort depuis presque une décennie. La République populaire n’en est pas à la première offre de service : elle avait déjà proposé un plan de paix en quatre points en 2013 autour d’une solution à deux États. Quatre ans plus tard, elle avait reçu une délégation israélo-palestinienne. Et en mars 2021, elle avait proposé un plan en cinq points.
Si aucun de ces plans n’a abouti – le rôle de médiateur en temps de crise aiguë échouant plutôt à l’Égypte ou au Qatar –, Pékin affirme désormais plus clairement sa volonté d’exister sur ce registre dans la région. La visite en Chine de Mahmoud Abbas du 13 au 16 juin s’inscrit dans ce contexte. Le président de l’Autorité palestinienne, qui n’en est pas à son premier voyage sur place, avait déjà rencontré son homologue chinois en décembre, lors du sommet sino-arabe de Riyad en Arabie saoudite. Xi Jinping avait alors affirmé son soutien aux efforts palestiniens pour que la Palestine obtienne un statut de membre à part entière à l’ONU, où Pékin est membre du Conseil de sécurité.
La Chine, qui présente le cacique palestinien de 87 ans comme « un vieil et bon ami du peuple chinois »,« a toujours fermement soutenu la juste cause du peuple palestinien pour restaurer ses droits nationaux légitimes », a récemment fait valoir le porte-parole de la diplomatie chinoise.
Pékin se présente comme un défenseur de la cause palestinienne, et des peuples arabes en général, depuis la Conférence des non-alignés de Bandung (Indonésie) en 1955. Jusqu’à la mort de Mao, la Chine fournit un soutien financier et militaire aux groupes armés palestiniens, dont l’Organisation de la libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat, qui s’est personnellement rendu en Chine à 14 reprises. La Chine reconnaît l’État de Palestine en 1988 et établit des relations diplomatiques l’année suivante.
La Chine, deuxième partenaire commercial d’Israël
Il faut attendre 1992 pour que la République populaire fasse de même avec Israël, dont elle prônait la destruction dans les années 1960… Aujourd’hui, Pékin souligne n’avoir « aucun intérêt égoïste » dans le conflit israélo-palestinien et entretient de bonnes relations avec les deux parties. Mais les échanges de la Chine avec l’État hébreu n’ont cessé de monter en puissance ces dernières années, jusqu’à devenir son deuxième partenaire commercial après les États-Unis, avec plus de 16 milliards de dollars d’exportations en 2022. Pékin y vend notamment des semi-conducteurs, investit dans des secteurs stratégiques comme la haute technologie, et plusieurs grandes entreprises chinoises ont installé des centres de recherche et développement sur le sol israélien. Un rapprochement surveillé de près par les Américains, alliés de longue date d’Israël, dans un contexte de tension croissante avec les Chinois.
Pékin, qui se présente en honest broker (« intermédiaire impartial »), est-il en mesure de réussir là où tout le monde a échoué et alors que la solution à deux États paraît appartenir aux illusions du siècle dernier ? « Il n’est jamais trop tard pour faire ce qu’il faut », avançait en avril le porte-parole de la diplomatie chinoise.
https://www.la-croix.com/Monde/Israel-Palestine-Chine-veut-jouer-mediatrices-2023-06-13-1201271313
À Gaza, des rêves plus haut que les murs
Coproduit en 2019 avec l’Italie, le Liban et la Suisse, plusieurs fois primé, One More Jump (Encore un saut) d’Emanuele Gerosa, réalisateur et auteur de documentaires, donne une image inédite des résistances à Gaza. Le film est en salle depuis le 8 septembre.
Coproduit en 2019 avec l’Italie, le Liban et la Suisse, plusieurs fois primé, One More Jump (Encore un saut) d’Emanuele Gerosa, réalisateur et auteur de documentaires, donne une image inédite des résistances à Gaza. Le film est en salle depuis le 8 septembre.
Des adolescents courent à perdre haleine au milieu des décombres. Gravissent des murs éventrés pour se jeter dans le vide tels des lions et des aigles, traçant des figures plus époustouflantes et plus belles les unes que les autres. On le sait, Gaza est une prison à ciel ouvert. Les images qui nous en viennent sont celles de la guerre, de l’enfermement et des destructions. Mais ici, la caméra saisit le mouvement des corps qui se propulsent vers le ciel. Leur volonté d’aller toujours plus haut, toujours plus loin.
La réception au sol, comme un coup de dés qui jamais n’abolirait le hasard. Salto arrière, flip flap, saut de chat, volté, carpé… des figures trouent le ciel, comme une métaphore pour échapper au blocus israélien qui condamne l’enfance -– quarante pour cent des Gazaouis sont des enfants de moins de quinze ans — à la séquestration et au désespoir à perpétuité.
LES BOMBES OU LE SAUT DE L’EXIL
« Même si je restais à Gaza un million d’années, je ne pourrai jamais y construire un avenir ». Jehad a une trentaine d’années. Il est le fils aîné et le soutien d’une famille où le père, très handicapé, lutte contre le manque de soins et de médicaments. Il est aussi l’entraîneur de l’équipe de Parkour de Gaza. Cette discipline acrobatique urbaine, très intense et exigeante, basée sur l’impulsion, l’envol et la réception, a d’abord été popularisée en France dans les années 1990 par les Yamakasi, des adolescents des cités de l’Essonne qui se servaient des toits d’immeubles comme rampes de décollage et d’atterrissage. Les pratiquants utilisent la géographie de leur environnement et l’espace dans toutes ses dimensions, contournant ou se servant des obstacles pour rebondir et s’élancer, dans un mouvement continuel.
Dans le camp de réfugiés d’Al-Shati, à l’ouest de la ville de Gaza, c’est Mohamed et Jehad qui l’ont d’abord proposée aux jeunes comme activité de loisir, leur enseignant les valeurs d’un sport de haut niveau qui, à Gaza, « n’est pas une compétition et demande l’attention, le respect, la confiance et la modestie. » Mais le parkour est ailleurs devenu une discipline de compétition et Mohamed, qui a pu bénéficier d’une invitation à jouer en Italie, n’a pas hésité à choisir le grand saut de l’exil. Le projet devait se réaliser avec Jehad qui en reste dépité et meurtri.
On va donc accompagner au plus près, durant 82 minutes, Jehad et Mohamed dans le temps réel de leur vie, avec les secousses qui la traversent. Depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas en 2007, le premier, retenu dans l’enclave où la pauvreté a explosé sous les sièges et les guerres israéliennes, vit sous les bombardements, « le pire bruit qu’on puisse jamais entendre », et pense qu’ « avoir vingt ans et s’imaginer en avoir quarante toujours à Gaza, c’est être déjà mort… » Le second cherche désespérément du travail depuis qu’il est arrivé à Florence, et une autonomie qui se dérobe chaque jour davantage. L’entraînement solitaire dans des tunnels et des parkings hostiles semble avoir perdu de son souffle et de sa saveur. Lorsqu’il appelle son père, qui ne manque pas de lui demander s’il fait toujours bien sa prière, il a le mal du pays et des siens. Mohamed va déployer toutes ses ressources et son énergie pour parvenir à participer en Suède à l’Air Wipp Challenge, un championnat international prestigieux qui sélectionne douze athlètes sur 650 inscrits. Mais il n’y aura pas de happy end : il en reviendra bredouille.
UN SEMBLABLE COURAGE
À Gaza, on voit Jehad se désespérer devant la fermeture des frontières avec l’Égypte, s’énerver contre les discours des politiciens. On le voit également rejoindre les « marches du retour » qui depuis mars 2018 drainent des milliers de Palestiniens à la frontière et ont fait des centaines de morts, les soldats israéliens n’hésitant pas à tirer à bout portant depuis les collines : « Ils se battent pour nous tirer dessus et savoir qui est le meilleur ». Un des moments les plus forts du film de Gerosa est celui où les images du peuple de Gaza, tenace et insoumis répondent comme en écho à celles des jeunes athlètes de l’équipe de Parkour, mettant à jour la même rébellion, le même dépassement, le même courage.
La vie s’égrène pour l’un comme pour l’autre. Ils se sont construits dans le renforcement mental que leur procure leur discipline. Maîtriser la pesanteur et la peur, c’est aussi se donner des armes pour faire face à la domination israélienne et à l’exil. Malgré l’obtention d’un passeport, pour rejoindre à son tour une compétition, Jehad ne quittera jamais Gaza dont les frontières lui restent fermées. Mohamed va se blesser sérieusement à l’entraînement. Gaza continue à avaler ses enfants, leurs espoirs et leurs rêves.
Journaliste et militante associative.
MARINA DA SILVA
https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/a-gaza-des-reves-plus-haut-que-les-murs,5019
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