J’ai retrouvé ta lettre où tu disais peut-être Un jour on s’ra trop vieux Pour s’écrire des poèmes Pour se dire que l’on s’aime Se r’ garder dans les yeux
Tu parlais de naufrage, D’un corps qui n’a plus d’âge Et qui s’en va doucement De la peur de vieillir et d’avoir à subir L’impertinence du temps
De n’ plus pouvoir s’aimer si la mémoire s’en va Et qu’on n’ se reconnaît plus Et perdre me disais-tu le plaisir de me plaire
L’ envie de me séduire
Peur de la dépendance Et de finir sa vie dans une maison de retraite De la fin qui commence De l’esprit qui divague Peur de ne plus pouvoir un jour Rire à mes blagues
Mais tout ça c’est des bêtises est-ce que tu réalises On s’ ra jamais trop vieux Pour s’écrire des poèmes, pour se dire que I’on s’aime Se r’ garder dans les yeux
Et je veillerai sur toi et tu veilleras sur moi Ce s’ ra jamais fini
On s’ dira mon amour jusqu’à la fin des jours Et le jour et la nuit Et le jour et la nuit
Et leur maison de retraite ça j’ te jure sur ma tête Nous on ira jamais On dormira dehors, on r’ gardera les étoiles On vivra libres et dignes !
On s’ tiendra par la main comme à nos 18 ans Qu’on marchait tous les deux sur des sentiers perdus Au début du printemps
Et on pourra toujours raconter des bêtises Et dire n’importe quoi On vivra libres et dignes !
Et si l’on doit partir un jour après le dernier mot Du tout dernier poème On partira ensemble Tu comprends…
On s’ ra jamais trop vieux Pour se dire que l’on s’aime Se r’ garder dans les yeux
On s’ ra jamais trop vieux Pour se dire que l’on s’aime Se r’ garder dans les yeux
Les rues de nos villes sont peut-être des miroirs qui reflètent notre véritable identité, avant nos usines, nos écoles et nos palais. En dépit de l'autorité qui sanctionne nos écarts de conduite, et en dépit des petites graines de lumière que sèment toujours nos esprits et nos cœurs, nous offrons chaque jour, dans les rues de nos villes, une image peu reluisante de nous-mêmes : un mélange d'intolérance, de laideur et d'anarchie. Pourquoi, dans les rues de nos villes, nous nous détestons cordialement, sans chercher à nous connaître, et n'attendons de nos voisins que le pire, et presque plus rien de nous-mêmes ?
Pourquoi dans les rues de nos villes, nous narguons les humbles mais craignons les puissants, jalousons ceux qui réussissent mais vénérons notre paresse? Pourquoi, dans les rues de nos villes, nous opprimons nos filles et nos femmes, et pourquoi, dès la nuit tombée, leur présence loin de nos murs devient suspecte, même pour aller acheter nos médicaments ? Pourquoi nous n'appliquons pas, dans les rues de nos villes, la même vertu que nous observons dans nos mosquées ? Pourquoi les rues de nos villes sont devenues inhospitalières pour les étrangers et réfractaires à l'altérité ? Pourquoi, dans les rues de nos villes, nous insultons nos poètes et nos savants et vouons aux gémonies notre patrie et nos héros ? Pourquoi, dans les rues de nos villes, la banalité a chassé le bon goût et le laisser-aller a remplacé l'amour du travail accompli avec soin ? Pourquoi, dans les rues de nos villes, nous jetons nos rêves à la poubelle ? Et pourquoi nous détruisons, chaque jour, ce que nous avons construit la veille ? Pourquoi les rues de nos villes sont désertées par le sourire et la beauté au quotidien ? Pourquoi nous n'aimons pas les livres et les fleurs ? Pourquoi les rues de nos villes n'invitent plus à la promenade ?
En s’attaquant à deux des derniers médias libres, Radio M et Maghreb Émergent, le pouvoir algérien renforce sa mainmise sur l’information et confirme son refus de tout débat.
Manifestation des employés de la télévision d’État contre la censure à Alger, le 15 avril 2019
Ryad Kramdi/AFP
L’information a provoqué une onde de choc au sein de l’opinion algérienne, suscitant une grande indignation : le siège d’Interface Médias, société éditrice de la webradio Radio M et du journal électronique Maghreb émergent1 a été mis sous scellés samedi 24 décembre par des agents de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Leur directeur, Ihsane El Kadi, arrêté la veille et qu’on a fait assister, menotté, à cette mise sous scellés, est toujours en garde à vue dans les locaux du même service, dépendant de l’armée. Quatre jours après son interpellation à Zemouri (est d’Alger) en pleine nuit, rien n’a encore filtré sur les accusations retenues contre lui et contre les deux médias qu’il dirige, visiblement pris pour cibles en même temps que lui à en juger par cette mise sous scellés effectuée de manière pour le moins spectaculaire.
Lundi 26 décembre, les avocats d’Ihsane El Kadi lui ont rendu visite au lieu de sa garde à vue, à la caserne Antar, siège de la DGSI, à Ben Aknoun, sur les hauteurs d’Alger. « On l’a trouvé déterminé, mais inquiet pour la mise sous scellés des locaux de Radio M et Maghreb émergent en privant trente familles de revenu », a simplement posté sur son compte Facebook Zoubida Assoul, membre du collectif de défense. Des déclarations similaires, reprises par Maghreb émergent, ont été rapportées par sa fille Tin Hinan qui lui avait rendu visite dimanche en compagnie de sa mère à la caserne où il est détenu. Selon Tin Hinan El Kadi, il n’avait pas encore été auditionné dimanche et aucun procès-verbal n’avait encore été établi.
Interpellé par six agents en civil dans deux voitures banalisées, Ihsane El Kadi avait été conduit à la caserne Antar. Sa garde à vue a été prolongée de 48 heures après l’expiration des premières 48 heures. Selon sa fille, Ihsane El Kadi avait reçu un appel téléphonique à 22 heures de la part de la DGSI l’invitant à se rendre « immédiatement dans leurs locaux » et avait répondu qu’il ne pouvait pas le faire, car il se trouvait loin d’Alger. Peu après cet appel nocturne, il a été arrêté chez lui. Le lendemain, samedi, les agents de la DGSI ont débarqué au siège d’Interfaces médias, à Alger centre, accompagnés d’Ihsane El Kadi menotté, et ont invité les journalistes et employés à vider les lieux avant de procéder à une perquisition en saisissant tout le matériel informatique, ainsi que tous les documents et cachets de l’administration. Avant de partir, ils ont mis les locaux sous scellés, sous les yeux médusés du personnel d’Interface Médias.
UNE OBSTINATION AU DÉBAT CONTRADICTOIRE
L’arrestation d’Ihsane El Kadi serait-elle liée à la diffusion quelques jours plutôt de deux émissions et à la publication d’un article évoquant les enjeux d’un éventuel deuxième mandat du président algérien Abdelmadjid Tebboune et les rapports entre l’institution militaire et la présidence ? On ne peut le savoir en l’absence de déclaration publique de la DGSI et des autorités judiciaires. Cette arrestation n’en semble pas moins sanctionner l’obstination de Radio M et de Maghreb émergent à rester ouverts au débat contradictoire et à tous les courants politiques.
Le harcèlement que « subit depuis trois ans notre plate-forme médiatique n’a pas de fondement autre que celui d’empêcher l’exercice libre du métier d’informer pourtant garanti par toutes les Constitutions depuis février 1989 », alertait il y a un mois, dans un communiqué, le conseil d’administration d’Interface Médias.
L’arrestation d’Ihsane El Kadi n’est que le dernier épisode en date d’une campagne de harcèlement et d’intimidation le ciblant ainsi que Radio M et Maghreb émergent, ainsi que leurs journalistes. Convoqué à trois reprises par la gendarmerie nationale (octobre 2020, mars et mai 2021) avant d’être relâché sans poursuites, Ihsane El Kadi a été placé sous contrôle judiciaire en mai 2021, une décision assortie d’une interdiction de sortie du territoire national et du territoire de la wilaya d’Alger. Cela faisait suite à une plainte déposée contre lui par le ministère de la communication relative à un article d’opinion dans lequel il évoquait la place du mouvement islamiste dans les contestations du Hirak. À la veille des élections législatives de juin 2021, il a été convoqué au siège de la DGSI en compagnie du journaliste Khaled Derarni et du militant politique Karim Tabbou.
En juin 2021, il a été condamné par un tribunal d’Alger, sur plainte du ministère de la communication, à une peine de six mois de prison ferme, sans dépôt, assortie d’une amende de 50 000 dinars (342 euros), et ce, pour « diffusion de fausses informations », « perturbation des élections » et « réouverture du dossier de la tragédie nationale » — guerre civile des années 1990 dont une loi, adoptée en 2005, interdit la simple évocation. Ce verdict a été confirmé il y a quelques jours par la Cour d’appel d’Alger.
MISE AU PAS
Deux mois plutôt, en mars 2022, Ihsane El Kadi avait même été accusé d’appartenance à une organisation terroriste, sur la foi d’un SMS trouvé sur le smartphone d’un activiste arrêté à Larbaa Nait Irathen, en Kabylie. Cette même accusation a été retenue contre Ihsane El Kadi, avant d’être finalement abandonnée, dans une affaire qui a vu le lanceur d’alertes Zaki Hannache accusé de terrorisme pour avoir recensé sur sa page Facebook les détenus d’opinion.
En novembre 2022, Ihsane El Kadi a été convoqué de nouveau par la gendarmerie nationale qui l’a longuement interrogé sur les activités de l’entreprise Interface Médias. Quelques jours plus tard, il a été interpellé par des agents de la DGSI et interrogé sur le « contenu éditorial » de Radio M.
La mise sous scellés de Radio M et de Maghreb émergent intervient dans un contexte de mise au pas de la presse, de contrôle répressif des réseaux sociaux et de crise aiguë de beaucoup de journaux nés à partir de l’ouverture démocratique éphémère qui a suivi la révolte d’octobre 1988. Le quotidien Liberté a été fermé en avril 2022 par son propriétaire, le milliardaire Issad Rebrab, alors qu’un autre titre, El Watan, est empêtré dans une grave crise financière et semble s’éteindre en silence.
Emmanuel Macron avait promis d’organiser un hommage national à la célèbre avocate peu après son décès, en 2020. Mais le projet semble au point mort. En raison des dissensions entre ses trois fils ? L’Elysée craint-il de fâcher harkis ou pieds-noirs ? Ou est-ce la militante subversive de la légalisation de l’IVG qui dérange ?
Emmanuel Macron s’est pris d’affection pour le Panthéon, cette église devenue temple de la liturgie républicaine. Il aime y faire résonner ses discours au ton d’homélie. Ce 4 septembre 2020, le chef de l’Etat fête les 150 ans de la proclamation de la République. Il préside une cérémonie de naturalisation, l’occasion de louer quelques parcours républicains méritants de l’histoire récente.
« Comment ne pas évoquer Gisèle Halimi, disparue cet été, souffle le locataire de l’Elysée. De sa chère Tunisie à notre Assemblée nationale, des prétoires, des hémicycles, de plaidoyers en manifestes, celle qui était née Zeiza Taïeb plaida pour l’émancipation des peuples et fit faire des bonds de géant à la cause des femmes. Un hommage national lui sera prochainement rendu dans la cour des Invalides. »
Le président de la République avait prévu de l’organiser la veille, mais l’explosion dans le port de Beyrouth, début août 2020, l’a conduit à effectuer un déplacement au Liban, bouleversant son calendrier. L’ancienne avocate est morte le 28 juillet 2020, à 93 ans. Plus de deux ans après, l’hommage promis n’a toujours pas été rendu.
Un mystérieux mutisme
La perspective des 50 ans du procès de Bobigny, le 8 novembre 1972, aurait pu réveiller l’Elysée. Certains intimes du chef de l’Etat lui ont même sonné les cloches. Pourquoi ne pas saisir l’occasion de célébrer le combat mené par Gisèle Halimi en défense de Marie-Claire Chevalier et de sa mère, poursuivies pour l’avortement illégal de la jeune femme, victime d’un viol à l’âge de 16 ans ?
Ce procès retentissant, qui s’était terminé par l’acquittement de l’adolescente (sa mère a été condamnée mais dispensée de peine), ouvrit la voie à l’autorisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), en 1974. Quelques années plus tard, l’avocate utilisa les prétoires pour inviter, cette fois, le législateur à faire du viol un crime.
Mais les suppliques de ses proches n’y font rien : Emmanuel Macron est enfermé dans un mutisme qui confine au mystère. Craint-il de déplaire aux descendants de harkis et de pieds-noirs, dont certains se montrent, aujourd’hui encore, effarouchés par le souvenir d’une femme qui défendit les militants de l’indépendance algérienne ? Fuit-il un dossier piégé par les divisions familiales du clan Halimi ? Les associations féministes, elles, ne décolèrent pas. Elles accusent le président de la République de volontairement oublier cette figure de proue du féminisme français du XXe siècle.
Lundi 4 avril, 20 heures. La foule se presse sur les gradins rouge, orange et jaune du studio 104 de la Maison de la radio. Des jeunes femmes, en particulier, qui viennent assister à l’émission spéciale consacrée par France Inter à une « visionnaire ». « Entre ici, Gisèle Halimi ! », clame la journaliste Sonia Devillers. L’ancienne militante du Front de libération nationale (FLN) algérien Djamila Boupacha, icône de la guerre d’indépendance – elle a été torturée et violée par des militaires français –, a obtenu un visa pour venir parler de sa sœur de lutte, qui l’a défendue devant la justice.
Violaine Lucas, présidente de l’association Choisir la cause des femmes, fondée par Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir en 1971, prend sa suite. « Gisèle Halimi n’a pas eu son hommage national, elle n’est pas entrée au Panthéon ; ça pose problème, déplore la militante. Peut-être que son discours tellement subversif, sa triple conscience, de classe, de genre, de race, ne sont pas dignes, encore, d’entrer au Panthéon. Nous pensons le contraire. Ce soir, vous nous permettez de rendre cet hommage national. »
Les micros s’éteignent. Jean-Yves et Serge Halimi, les deux premiers fils de la défunte, se sont glissés dans la salle, chacun de son côté, sans s’annoncer. « Manu a bien fait les choses », félicite le premier, en avocat habitué des mondanités. « Manu », c’est Emmanuel Faux, son petit frère, né du troisième mariage de leur mère avec Claude Faux, ancien secrétaire de Jean-Paul Sartre. Un enfant de l’amour, rond, gentil, dont l’érudition et la voix douce firent des merveilles pendant trente ans à Europe 1, où il officia comme correspondant à Moscou et à Jérusalem avant de présenter, jusqu’à son départ, en 2017, les journaux sur la plupart des tranches d’information.
Une mère ambitieuse
Emmanuel Faux a conçu cette soirée d’hommage comme un palliatif aux absences d’Emmanuel Macron. Il l’a préparée pendant des mois avec les responsables de France Inter. Seul, sans ses frères. Emmanuel est en froid avec Jean-Yves depuis les obsèques de leur mère. Ils s’écharpent sur la succession. Une triste histoire immobilière.
Contrairement à son aîné, le benjamin ne souhaitait pas, par ailleurs, que le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, assiste aux funérailles, par refus de se plier à un défilé de politiques. Serge Halimi, lui, se tient éloigné de ces débats. Ce militant de gauche, réputé intransigeant, directeur du Monde diplomatique depuis 2008, goûte peu aux compromis.
Rien n’est simple dans la famille Halimi. A commencer par le fait d’être un garçon. Combien de fois les trois frères ont-ils entendu Gisèle se lamenter de ne pas avoir eu de fille, pour l’éduquer en féministe ? Pour rattraper, aussi, le rejet dont sa propre mère l’avait accablée. Elle l’aurait appelé Marie, dans un pied de nez à ses origines juives et tunisiennes. « Je n’aurais alors pas désiré d’autre enfant », a écrit un jour l’ancienne avocate. « A la longue, ça peut blesser un peu… », soupire Jean-Yves Halimi, attablé dans un restaurant du quartier de la Bastille, à Paris.
L’aîné de la fratrie voit le jour en 1952. Son cadet, Serge, arrive trois ans plus tard. Les deux frères, nés du mariage de leur mère avec un haut fonctionnaire, Paul Halimi, vivent une enfance ballottée au rythme de la guerre d’Algérie. L’avocate, qui défend des militants FLN, multiplie les allers-retours des deux côtés de la Méditerranée. Elle est menacée par les partisans de l’Algérie française, harcelée par les militaires. Pour sa sécurité, la famille change régulièrement d’appartement. Des étudiants de l’UNEF, le syndicat étudiant, montent la garde devant l’immeuble et escortent les enfants à l’école.
Gisèle Halimi n’a « pas peur ». « Sauf une nuit, je l’avoue, au centre de torture du casino de la Corniche, à Alger, où des militaires m’avaient jetée dans une cellule et où j’ai attendu mon exécution en pensant avec culpabilité à mes petits garçons de 3 et 6 ans », racontera-t-elle dans le livre Une farouche liberté (Grasset, 2020), écrit avec la journaliste du Monde Annick Cojean
Les frères vivent en pension. Ils s’habituent, parfois avec amertume, aux absences de cette mère ambitieuse, qui veut « tout », selon ses propres mots, « agissant comme un homme mais jugée comme une femme ». Le petit dernier, Emmanuel, naît en 1964. La guerre est terminée. Une vie de famille plus classique s’installe à Paris. Si tant est qu’il soit classique de voir François Mitterrand danser à la maison pour une boum.
Une politique mémorielle sensible
Les parrains d’Emmanuel Faux se nomment Louis Aragon et Jean Lurçat, artisan du renouveau de la tapisserie en France. Son père, Claude Faux, a mis sa carrière d’avocat entre parenthèses pour soutenir celle de sa femme. L’appartement du 102, rue Saint-Dominique, un triplex situé entre les Invalides et la tour Eiffel, est un lieu de vie, de travail et de mondanités. Les garçons grandissent au milieu de débats enfiévrés sur la liberté, le féminisme, l’ouverture au monde.
Le chanteur Julien Clerc et l’humoriste Guy Bedos sont des amis. Maxime Leforestier vient fredonner quelques airs pour l’anniversaire d’Emmanuel, féru de chanson française. Dans un reportage d’Antenne 2 consacré à sa mère, en 1979, on voit l’adolescent, avec son pull rouge et un col pelle à tarte, chanter un texte d’Henri Tachan raillant les « z’hommes » et « leur p’tit sceptre dans leur culotte » : « Et au nom de ce bout d’bidoche/qui leur pendouille sous la brioche/ils font des guerres, ils font des mioches/les z’hommes. »
Emmanuel Faux a partagé, au quotidien ou presque, la fin de vie de sa mère, au cours de soirées ciné et de confidences qui les ont rapprochés. Si bien que certains amis de la famille ont été surpris de voir son frère aîné, Jean-Yves, dont les relations avec Gisèle étaient tumultueuses, prendre en main l’organisation de l’hommage national à partir de l’été 2020.
Des trois fils, Jean-Yves était certes le préféré, « dans le sens d’inoubliable », confessait-elle, car arrivé le premier. Mais les motifs de brouille ont été nombreux. S’il est le seul à avoir embrassé, comme elle, la carrière d’avocat – il est spécialisé en droit de la presse –, leur collaboration s’est mal terminée.
La naissance de sa fille – une fille, enfin ! – a aussi mis à mal l’équilibre familial. La grand-mère a voué à l’enfant une passion dévorante, dont son père tenta de l’extraire en l’empêchant de la voir pendant trois ans. Aujourd’hui, la jeune femme, devenue productrice audiovisuelle, parle de son aïeule avec une admiration distante. Elle n’a pas repris le flambeau du militantisme.
C’est pourtant vers Jean-Yves Halimi que l’Elysée se tourne après le décès de Gisèle. Le directeur du cabinet d’Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, l’appelle pour lui présenter les condoléances du président de la République. Le 28 août 2020, à 8 heures du matin, l’intéressé est reçu au palais par le haut fonctionnaire, flanqué, entre autres, de Bruno Roger-Petit, le conseiller mémoire.
Des idées sont évoquées : fonder un prix Gisèle Halimi, pourquoi pas inaugurer une statue, le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes… Le principe d’une cérémonie dans la cour des Invalides est acté. Comme pour Jean-Paul Belmondo, Jean d’Ormesson, Jean Daniel… Comme pour Simone Veil, surtout, se dit Jean-Yves Halimi, qui ne veut pas voir sa mère traitée avec moins d’égards que l’ancienne ministre de la santé, dont elle était proche.
Le fils s’amuse de l’ironie consistant à commémorer dans l’enceinte militaire celle qui dénonça les exactions de l’armée française. Il rejette la proposition d’un hommage à la Sorbonne. Selon l’Elysée, l’aîné se présente alors comme le porte-voix de la famille. Ce qu’il réfute.
Une proposition de Benjamin Stora
Après le raté du 3 septembre 2020, une date est envisagée pour le printemps 2021. Elle est une nouvelle fois repoussée, cette fois en raison de l’épidémie de Covid-19. Entre-temps, l’historien Benjamin Stora a remis un rapport à Emmanuel Macron, à sa demande, afin de sortir des tourments de l’histoire franco-algérienne. « L’entrée au Panthéon de Gisèle Halimi, grande figure féminine d’opposition à la guerre d’Algérie », figure dans la liste des recommandations adressées au président de la République.
« J’étais persuadé que c’était consensuel, comme Simone Veil », rembobine après coup Benjamin Stora. Mais la pétition en faveur du projet stagne à 35 000 signatures. Les voix de gauche et à l’intérieur du gouvernement – à l’exception de la ministre de l’égalité entre les femmes et les hommes, Elisabeth Moreno – sont rares ou peu audibles.
Une semaine après la remise du rapport, quarante-neuf « filles et femmes de harkis », ces supplétifs de l’armée française abandonnés à leur sort à la fin de la guerre, publient une tribune dans Le Figaro. Elles reprochent le dédain exprimé par Gisèle Halimi à l’endroit des « femmes harkis ». « Est-ce ainsi que Benjamin Stora veut favoriser la réconciliation ? Gisèle Halimi, qui a affiché en plusieurs autres occasions son mépris pour les harkis, n’est pas une femme de réconciliation », tranchent-elles.
La polémique tombe mal. Emmanuel Macron, après avoir reconnu au nom de l’Etat français plusieurs exactions commises pendant la guerre, veut rééquilibrer sa politique mémorielle en concédant, aussi, un geste en direction des harkis et des pieds-noirs. Des actes « contradictoires », conviennent les trois frères. Dans ce contexte, comment célébrer Gisèle Halimi, accusée en son temps par certains partisans de l’Algérie française d’avoir été une porteuse de valises du FLN ?
« Pour certains harkis, Gisèle Halimi, c’est une sorcière ! Emmanuel Macron ne veut pas fâcher un électorat marqué par l’Algérie », croit savoir l’ancienne ministre de la culture Roselyne Bachelot, qui a combattu auprès de la militante en faveur de la parité en politique.
Dans le magazine Elle, en juillet 2021, Emmanuel Macron semble évacuer l’hypothèse du Panthéon. « Je n’ai aucun tabou pour faire entrer des femmes au Panthéon, je l’ai d’ailleurs fait à parité, avec Maurice Genevoix et Simone Veil. Mais je ne le ferai jamais sous la pression. Je rendrai un hommage à Gisèle Halimi, mais on ne doit pas considérer que la panthéonisation est la seule manière », élude-t-il.
En réalité, le chef de l’Etat a en tête une figure plus consensuelle : Joséphine Baker (qui entrera au Panthéon le 30 novembre 2021). La relative faiblesse des soutiens en faveur de Gisèle Halimi a convaincu l’Elysée de temporiser. « En accord avec sa famille, la nation lui rendra hommage début 2022 aux Invalides », réitère néanmoins Emmanuel Macron. Une promesse sans lendemain, une fois de plus.
Des dissensions familiales
Fin 2021, Emmanuel Faux, le benjamin de la fratrie, entre en contact avec l’Elysée pour faire état de ses divergences avec son frère Jean-Yves : il ne souhaite pas que la cérémonie soit organisée aux Invalides. Le froid bâtiment militaire ne résonne pas, à ses yeux, avec la vie de sa mère.
Une opinion partagée par Serge Halimi, mais ce dernier se garde d’intervenir dans le débat. Emmanuel Faux plaide alors en faveur du palais de justice de Paris, plus approprié, selon lui, aux combats menés par sa mère en tant qu’avocate. Ce dont le conseiller mémoire, Bruno Roger-Petit, convient.
« Toutes sortes de lieux ont déjà honoré ma mère. Sa mémoire et sa place dans l’histoire peuvent donc parfaitement se dispenser d’un discours d’hommage d’Emmanuel Macron. » Serge Halimi
Le 31 janvier, Patrick Strzoda prend la plume pour signifier à Jean-Yves Halimi que, en raison des « graves dissensions » entre les trois frères, aucune cérémonie ne peut être organisée. « Je ne peux que vous suggérer de vous mettre d’accord avec vos frères pour identifier un lieu qui permettra au chef de l’Etat de rendre à votre mère l’hommage que méritent ses engagements et de me faire connaître votre choix », griffe, dans un courrier au ton sec, le directeur du cabinet d’Emmanuel Macron.
Le hic, c’est qu’Emmanuel Faux et Jean-Yves Halimi ne se parlent plus. L’aîné trouve la proposition de son cadet « paresseuse ». « Aucun des procès célèbres » que leur mère a plaidé n’a eu lieu sur l’île de la Cité, défend-il. L’avocat charge le député macroniste de Paris Gilles Le Gendre de jouer les intermédiaires avec l’Elysée. En vain. « La décision d’un hommage, quels qu’en soient la forme, le moment et le lieu, appartient au seul représentant de la nation qu’est le président de la République et il ne saurait y avoir de “captation d’héritage” par la famille, dans laquelle naturellement je m’inclus », répond Jean-Yves Halimi à Patrick Strzoda, le 2 mars. Depuis, le canal est rompu.
Emmanuel Faux meurt d’un arrêt cardiaque, le 6 août, à 58 ans. Ses amis, journalistes ou pas, d’Europe 1 et d’ailleurs, lui rendent hommage, trois semaines plus tard, dans une cérémonie où son frère, Serge, prend la parole. Jean-Yves, lui, reste assis au dernier rang, muet. La situation est bloquée.
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L’Elysée assure que, en l’absence de la « preuve irréfutable » qu’Emmanuel Faux se serait finalement rangé au choix des Invalides, rendre hommage à Gisèle Halimi paraît improbable. Plusieurs sources proches du dossier accusent Bruno Roger-Petit, proche de l’hebdomadaire réactionnaire Valeurs actuelles et partisan d’un rapprochement avec la droite culturelle, de freiner l’organisation de l’événement. Ce dont l’intéressé se défend, arguant que le différend familial empêche toute initiative.
Aucune perspective d’hommage officiel
« Il y a une sorte de cynisme de la part d’Emmanuel Macron et de l’Elysée à instrumentaliser les nuances pouvant exister entre les frères pour ne pas prendre leurs responsabilités à l’égard de la mémoire de Gisèle Halimi », estime pour sa part l’avocat William Bourdon, chargé par Jean-Yves Halimi, avec son confrère Jean-Pierre Mignard, de construire un dossier en faveur de la panthéonisation de la féministe.
« La façon dont le président de la République a justifié l’entrée de Joséphine Baker au Panthéon pour en écarter plus facilement ma mère, moins consensuelle, m’a paru relever du calcul politicien d’un candidat se souciant surtout de sa réélection », nous assure de son côté Serge Halimi dans un e-mail.
« Je ne vois pas pourquoi, à un moment où les Iraniennes et les Afghanes se battent, Gisème Halimi ne serait pas reconnue par la nation pour ce qu’elle a fait pour notre pays. » Elisabeth Moreno, ex-ministre
Le directeur du Monde diplomatique laisse toute latitude à l’Elysée pour prendre une décision. « L’entrée au Panthéon ne relève pas de moi, ne réclame pas mon accord et, à vrai dire, n’a pas une si grande importance, estime-t-il. Toutes sortes de lieux ont déjà honoré ma mère et le feront à l’avenir. Sa mémoire et sa place dans l’histoire peuvent donc parfaitement se dispenser d’un discours d’hommage d’Emmanuel Macron. »
Comme l’indique Philippe Bélaval, président des Monuments nationaux, le choix de panthéoniser une personnalité appartient « au secret de l’entourage du président de la République et de son cœur, c’est sa prérogative ». Le 18 octobre, Emmanuel Macron a reçu, le temps d’un déjeuner, des proches de l’ancien président du Conseil Pierre Mendès-France. Un rendez-vous lors duquel a été évoquée la perspective de faire entrer dans le monument de la montagne Sainte-Geneviève l’ancien héraut de la gauche modérée. Comme si Gisèle Halimi était déjà oubliée.
Le 2 novembre, le peintre Pierre Soulages, lui, a eu droit à un hommage national au Louvre. Tout juste une semaine après sa mort. « Je ne vois pas pourquoi, à un moment où les femmes iraniennes ou afghanes se battent, où les Etats-Unis reculent sur le droit à l’avortement, cette femme ne serait pas reconnue par la nation pour ce qu’elle a fait pour notre pays », s’émeut l’ancienne ministre Elisabeth Moreno. Aucune perspective d’hommage n’a été dessinée dans le communiqué publié par l’Elysée, le 8 novembre, pour les 50 ans du procès de Bobigny.
« Je suis frappée de voir qu’on refuse Gisèle Halimi, après que François Hollande en a fait de même avec Olympe de Gouges, s’indigne la philosophe Geneviève Fraisse, spécialiste de la pensée féministe. Qu’ont-elles en commun ? D’être “impures”, d’avoir fauté, l’une sur la guerre d’Algérie, l’autre car elle ne souhaitait pas que Marie-Antoinette soit guillotinée. A la place, on va chercher des femmes qui cochent les bonnes cases, des résistantes, comme Joséphine Baker. Les hommes ont droit à la faute, pas les femmes. » « Aux grands hommes la patrie reconnaissante », proclame le Panthéon sur son fronton. Comme un rappel involontaire que les femmes figurent souvent parmi les oubliées de l’histoire.
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Publié le 16 novembre 2022 à 06h00, mis à jour le 18 novembre 2022 à 18h28https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/11/16/a-gisele-halimi-la-patrie-peu-reconnaissante_6150054_4500055.html.
A partir de janvier 2023, les affaires de viol ne seront plus jugées par une cour d’assises, mais par les cours criminelles. Ce dont s’insurge, dans une tribune au « Monde », Laure Heinich, pour qui les parlementaires réclamant sa panthéonisation détruisent dans le même temps son combat.
Soixante-seize parlementaires interpellent Emmanuel Macron pour faire entrer Gisèle Halimi au Panthéon. De qui se moquent-ils ? L’avocate est la figure de trois luttes principales : la défense des militants du FLN pendant la guerre d’Algérie, le droit à l’avortement et, enfin, le fait que le viol soit jugé comme un crime.
Il est aujourd’hui question de constitutionnaliser le droit à l’avortement, mais que faisons-nous du viol ? S’il a toujours été considéré comme un crime au sens de la loi, l’institution judiciaire le disqualifiait en délit, celui de « violences » dans les années 1970 puis d’« agressions sexuelles » dans la période plus récente.
Pourquoi ? Parce que les cours d’assises compétentes pour juger les crimes, composées de juges professionnels et de jurés-citoyens, coûtent trop cher et que les viols y sont trop nombreux, ils encombrent la société autant que la justice. Par manque de moyens – ce qui n’est rien d’autre qu’un choix politique –, les délais d’attente pour un procès aux assises sont devenus déraisonnables et les juges proposent aux femmes la « correctionnalisation » de leur « affaire », ils gomment la pénétration, et le crime se transforme en simple agression.
Le viol ne sera plus jugé par une cour d’assises
Les femmes acceptent souvent, le consentement contraint par la volonté que le procès se tienne dans un délai qui ait encore du sens. Je me souviens du regard de Gisèle Halimi sur moi, stupéfaite et qui m’interpellait lorsque je lui disais que celle que nous défendions acceptait : « Mais Laure, qu’est-ce que vous faites ? Je me suis battue toute ma vie pour que le viol soit jugé comme un crime. »
A partir de janvier 2023, sous le regard bienveillant des parlementaires qui prétendent panthéoniser l’avocate, plus aucun viol ne sera jugé par une cour d’assises, trop chère pour ce crime dans lequel on investit finalement peu malgré le bruit dont on l’entoure. Et la question de l’avocate au Panthéon n’est rien d’autre que du bruit pour cacher la forêt.
Pour faire taire tout le monde, et d’abord les femmes, le législateur a décidé de se dispenser des jurés, qui siègent pourtant depuis la Révolution française, et de créer, pour les crimes punis de moins de vingt ans d’emprisonnement – ce sont à 90 % des viols –, une juridiction spéciale : la cour criminelle, composée de cinq juges professionnels uniquement.
Cette loi fait violence aux femmes
Exit les jurés. Exit le regard public, l’œil extérieur, les témoins. Exit l’oralité des débats et la pédagogie citoyenne. Trop cher pour le viol. Les crimes « les plus graves », selon l’expression de l’ancienne garde des sceaux, punis de plus de vingt ans d’emprisonnement, demeureront jugés par une cour d’assises et sa démocratie directe, tandis que les viols seront, eux, disqualifiés d’office. Au moins, on ne demandera plus aux femmes leur consentement.
Une réforme annoncée prétendument « pour leur bien » puisque les délais devraient se trouver raccourcis, que les femmes se rassurent donc, on jugera « vite fait ». Il ne s’agit pas que des femmes, bien sûr, des enfants et des hommes sont victimes aussi, mais puisqu’on parle d’honorer une féministe, on me pardonnera de parler des femmes pour ce crime dont j’ignore s’il est « moins grave », mais dont je comprends qu’il « ne vaut pas ».
C’est donc au moment précis où ils détruisent et déshonorent le combat de Gisèle Halimi que les parlementaires réclament sa panthéonisation. Il faut reconnaître que construire des mythes, y compris au mépris des causes, ne coûte pas bien cher. Plutôt que de s’arroger leur symbole, on attend surtout des politiques qu’ils reconsidèrent cette loi qui fait violence aux femmes. Chacun sait que l’avocate se retournerait dans sa tombe à l’évocation de ces cours criminelles. Elle n’aurait pas moins mal dans son Panthéon.
Le développement des évènements semble donner raison à ces érudits qui, dans leurs prêches sur les chaînes TV notamment, ne cessent de provoquer le doute et la polémique en dénonçant l'origine non halal' de certains produits alimentaires importés de l'étranger et qu'on retrouve dans les rayons des centres commerciaux et dans nos assiettes. Le ministère du Commerce vient, dans ce sens, de donner mandat à l'Institut islamique de la Grande Mosquée de Paris, en matière de certification «Halal», l'habilitant à apposer ce label de manière exclusive sur tous les produits de consommation exportés par la France vers l'Algérie. Avant d'élargir cette mesure aux produits provenant de tout le continent européen, puis du reste des pays de par le monde. Plus aucun doute à formuler quant à la conformité à la Chariâ islamique des produits importés de l'étranger ? Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems Eddine Hafiz, qui a reçu la décision d'habilitation de la part du ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Kamel Rezig, en marge de la Foire de la production nationale au Palais des Expositions au Pins maritimes (Alger), a affirmé que «la Mosquée de Paris sera digne de la confiance que l'Etat algérien a placée en elle». En d'autres termes, les Algériens peuvent, désormais, avoir la conscience tranquille quand ils consommeront des produits alimentaires provenant de France, et qui porteront le label «halal» apposé par l'Institut islamique de la Grande mosquée de Paris. En France, le marché «halal», qui recouvre tous les aliments autorisés aux musulmans, essentiellement d'origine animale, dont la viande, est sous le contrôle des organismes de certification «halal» habilités par la Grande Mosquée de Paris, la Mosquée d'Évry et la Grande Mosquée de Lyon. Pour dire que la Grande Mosquée de Paris est déjà bien installée dans ce circuit, qu'elle va seulement élargir au marché algérien.
Au cours des tout prochains jours, l'opération d'importation concernant les denrées alimentaires certifiées «Halal», sera réglementée, le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, qui a signé, lundi dernier, le cahier des charges relatif au label «Halal» pour certifier les différents produits de consommation exportés par la France vers l'Algérie, confirme bien que le marché algérien n'était pas assez prémuni contre les produits illicites, ou les interdits coraniques concernant l'alimentation, comme la viande de porc ou la viande d'un animal qui n'a pas subi le rituel d'abattage islamique, des boissons alcoolisées ajoutées dans la composition de certains produits (chocolat) et autres ingrédients ou des additifs dans des produits transformés. Tant il est vrai que le marché «halal», qui pèse des milliards d'euros, affûte les rapacités.
Lorsqu'on fait un tour dans les rues de nos villes, l'une des premières choses que l'on remarque est la prolifération des lieux où on mange (restaurants, gargotes, rôtisseries, pâtisseries) et la rareté des espaces où on se cultive (librairies, cinémas, théâtres, musées). Autant les premiers endroits ne désemplissent pas, sont très fréquentés, drainent beaucoup de monde, autant les seconds sont presque vides, paraissent abandonnés, meurent à petit feu. Faut-il alors en conclure, par une extrapolation rapide, que l'Algérie (comme nombre de contrées du tiers-monde) est, aujourd'hui, plus un pays qui mange et se nourrit d'aspirations prosaïques et terre-à-terre qu'une nation qui lit, apprend et veut devenir meilleure, une nation qui a une vision, des ambitions et se projette dans le futur ? Sur ce sujet précis, les Algériens se divisent en deux camps diamétralement opposés : les plus désabusés ou les plus pessimistes ne mâchent pas leurs mots et proclament qu'en Algérie, les carottes sont cuites, que nous sommes devenus l'équivalent d'un tube digestif, que la passion et le rêve ont déserté nos rangs, que nous passons notre temps à flemmarder, à tricher, à décrier, puis, comble de l'ironie, à nous lamenter sur notre sort. Les autres, plus sages ou plus tenaces, ne veulent surtout pas baisser les bras et appellent à un sursaut et à reprendre notre destin en main, plaident pour qu'on se serre les coudes et qu'on se rassemble autour d'un grand dessein national, insistent sur le fait qu'il faut miser sur le travail, le sérieux, le talent, et sur notre belle jeunesse instruite afin de bâtir une Algérie prospère où il fait bon vivre.
Nous laisserons, pour notre part, chaque lecteur choisir laquelle de ces deux convictions lui semble la plus plausible. Mais juste une dernière remarque avant de conclure ce modeste billet : que chacun de nous se demande honnêtement s'il pense avoir fait son devoir vis-à-vis de sa patrie, s'il en a pris soin correctement, ou s'il s'est contenté de téter son sein sans contrepartie ? Il est peut-être bon alors de rappeler ici cette célèbre phrase du président américain John Fitzgerald Kennedy prononcée durant son discours d'investiture, le 20 janvier 1961 : «Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays».
Dès l’aube, Korichi se dirige vers l’usine d’Haumont avec des centaines d’ouvriers. La douleur de l’exil ne se dissipe pas depuis qu’il a quitté l’Algérie en 1948, mais il doit continuer, accumuler les jours de travail pour couvrir les dettes d’une famille de dix enfants, et espérer donner à ces derniers la chance d’une autre vie.
Après l’usine, il trouve du réconfort au café, où les communautés de travailleurs immigrés commentent l’actualité et organisent la solidarité. Rayonnante même dans le dénuement et l’adversité, Yamina élève leurs enfants dans un entre-deux complexe : son rêve d’un retour au pays natal se mêle à la détermination de les voir s’intégrer et réussir, et peut-être embrasser l’idéal républicain.
À travers une déambulation dans l’histoire française, de la guerre d’Algérie aux soubresauts du xxe siècle, Si j’avais un franc appelle à réfléchir aux questions d’identité et d’intégration. Mêlant intime et politique, cette autofiction familiale lumineuse donne voix à ces femmes et ces hommes de l’immigration algérienne qui ont subi l’exploitation et le mépris, et rend hommage à un père et une mère condamnés malgré eux à l’héroïsme.
Les éditions Anne Carrière proposent d'en découvrir les premières pages :
L’ignoble assassinat de Djamel Bensmaïl a eu lieu au moment où la Kabylie était la proie d’incendies criminels qui ont fait plus de 220 victimes et plus de 120 000 ha de couverts forestiers partis en fumée
Djamel Bensmaïl
Le tribunal de Dar El Beida (banlieue d’Alger) a condamné à mort, jeudi 24 octobre, 49 personnes pour le lynchage en 2021 en Kabylie d’un homme accusé à tort de pyromanie, mais ces peines seront transformées de facto en prison à vie en raison d’un moratoire sur les exécutions.
Les accusés ont été reconnus coupables du lynchage de Djamel Bensmaïl, un artiste de Miliana (120 km à l’ouest d’Alger) qui s’était porté volontaire dans la commune de Larbaa Nath Irathen, dans la préfecture de Tizi Ouzou (nord-est), pour aider à éteindre les feux de forêt qui avaient fait 90 morts en moins d’une semaine en août 2021.
Si la peine de mort est bien prévue par le code pénal en Algérie, elle n’est plus appliquée en vertu d’un moratoire en vigueur depuis 1993.
Les accusés, qui comparaissaient devant le tribunal de Dar El Beida, dans la banlieue est d’Alger, étaient poursuivis notamment pour « actes terroristes et subversifs contre l’Etat et l’unité nationale » et « homicide volontaire avec préméditation », selon l’accusation.
Vingt-huit autres accusés poursuivis dans le cadre de cette affaire ont été condamnés à des peines allant de deux à dix ans de prison et 17 ont été acquittés.
Le tribunal a, en outre, condamné par contumace le chef du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) – classé comme organisation « terroriste » par les autorités algériennes – Ferhat Mehenni à la perpétuité pour des chefs d’accusation liés au meurtre de Djamel Bensmaïl, selon l’agence officielle APS. Le président du MAK n’en est plus à la première condamnation à la perpétuité. Depuis l’épisode des terribles incendies qui ont ravagé la Kabylie, les autorités s’acharnent à faire porter tous les malheurs de l’Algérie sur ce mouvement indépendantiste.
Quatre coaccusés, en fuite, dont l’adjoint de Ferhat Mehenni, Brahim Balabès, ont écopé de la même peine.
Les autorités algériennes avaient accusé le mouvement séparatiste d’être responsable des incendies et de la mort ignominieuse du jeune homme.
Certains des suspects arrêtés avaient confessé appartenir au MAK, selon des aveux filmés et diffusés par les télévisions algériennes. Pour autant, aucune preuve matériel ne vient corroborer que le MAK est derrière cet ignoble assassinat.
Après avoir entendu qu’on le soupçonnait d’avoir allumé le feu à la forêt, Djamel Bensmaïl, qui était âgé de 38 ans, s’était rendu à la police.
Des images relayées par les réseaux sociaux avaient montré la foule entourant le fourgon de police. Un individu non identifié a porté un coup au jeune Bensmaïl alors même qu’il était dans le fourgon de la police. Djamel Bensmaïl a été extirpé du véhicule après l’avoir frappé.
Bensmaïl avait ensuite été battu puis brûlé vif, tandis que des jeunes prenaient des selfies devant le cadavre. Tous ces faits se sont déroulés alors même que la Kabylie et plus précisément la région de Larbaa Nath Irathen était en proie à des incendies monstrueux. Pas moins de 220 citoyens, dont des enfants et des femmes, sont brûlés vifs lors de ces incendies.
Selfies macabres
A l’époque des faits, qui avaient soulevé une vague d’indignation dans tout le pays, les images du lynchage devenues virales étaient commentées notamment via le mot-dièse #JusticePourDjamelBenIsmail.
Ceux qui avaient pris des selfies avaient tenté d’effacer leurs traces mais des internautes de tout le pays ont compilé des vidéos et fait des captures d’écran pour que le crime qui avait marqué les esprits par son horreur ne reste pas impuni.
Les photos des personnes identifiées sur les vidéos s’étaient retrouvées partout sur la toile et il a été demandé aux harragas (candidats à la traversée clandestine) de ne pas les laisser embarquer avec eux, afin de les empêcher de fuir le pays.
Les interpellations ont eu lieu dans plusieurs régions du pays. Certaines personnes impliquées dans le lynchage avaient été livrées à la police par leur propre famille.
Amnesty International avait appelé les autorités à « envoyer un message clair que cette violence ne serait pas tolérée ».
La Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) avait jugé pour sa part que « les scènes du lynchage et de l’immolation du présumé pyromane, alors qu’il s’agissait d’un jeune artiste venu prêter main forte aux sinistrés sont choquantes. »
Le père de la victime, Noureddine Bensmaïl, admirablement digne, avait été salué comme un héros national après avoir appelé au calme et à la fraternité entre Algériens.
« Son geste, qui est à inscrire au panthéon mondial des actes fondateurs de la noblesse humaine, de la tolérance, de la droiture, peu d’hommes ont été ou seront capables de le produire », avait loué le journaliste et écrivain Mohamed Badaoui.
Des extraits des vidéos diffusées par les accusés sur les réseaux sociaux, montrant des détails du crime, ont été projetés lors du procès qui s’était ouvert mardi.
Ces vidéos montrent le lynchage de Djamel Bensmaïl, brûlé vif et dépouillé de ses objets personnels, notamment son téléphone portable.
L.M./AFP
25/11/2022
https://lematindalgerie.com/
Récit | Procès du meurtre de Djamel Bensmail : les avocats de la partie civile chargent les accusés
Poignantes plaidoiries de la partie civile devant le tribunal criminel de Dar El Beida à Alger où se déroule le procès des auteurs présumés de l’assassinat de Djamel Bensmail, le 11aout 2021 à Larbaa Nath Irathen dans la wilaya de Tizi Ouzou.
Après l’avocat de Algérie Telecom qui a évoqué des dommages définis par une expertise, c’est au tour du représentant du trésor public, de déclarer « comment allez-vous vivre dans ce village où il y a eu un le crime le plus horrible. Comment allez-vous faire avec vos enfants ». L’avocat évoque des « atteintes aux institutions de l’Etat » en rappelant que les policiers qui étaient présents sont toujours en poste dans la ville.
« La peur ne peut justifier un crime aussi abjecte. Il y a eu 14 policiers agressés », dit-il. L’avocat rappelle : « Djamel est sorti de chez lui pour aider la population. Les deux passagers de la Clio ont été sauvés par miracle. La vérité est amère, on ne peut la cacher». Pour lui, « les preuves de leur culpabilité sont sur les vidéo et ils viennent ici nier ».
« Ils auraient dû dire la vérité pour soulager leur conscience. Les deux passagers de la Clio sont venus pour aider la population. Quelqu’un a arrêté leur voiture. La suite vous a été racontée par le chauffeur. Il est venu jusqu’ici pour raconter son histoire. Mieux encore. Il a même identifié à l’audience celui qui l’a arrêté. Il a passé 15 jours chez la police judiciaire. Mais malgré cela, il est ici. Les agresseurs parlaient de véhicules sans immatriculation, or la Clio avait sa plaque et quelqu’un l’a enlevée. Ces jeunes ont échappé à la mort. Toute la foule courrait derrière le policier qui avait mon client Bouzrara Fouad, propriétaire de la Clio », lance-t-il.
« les kabyles sont des hommes d’honneur, ils ne font pas ça »
Et d’ajouter : « Aujourd’hui, ils viennent nous dire que ce ne sont pas eux. Regardez les photos, ils y sont tous. Lorsque la Clio s’est arrêtée, le message était déjà donné pour l’immobiliser. Les trois passagers étaient affolés. Ils ont pris la fuite. Deux ont rejoint le célibatorium où les policiers ont dû leur donner des tenus de combat pour ne pas être reconnus. Djamel a été récupéré par les policiers en route. Il pensait être en sécurité dans le fourgon, mais la foule l’a rattrapé. Le véhicule ne pouvait plus arriver au commissariat ».
L’avocat s’interroge : « que pouvons-nous dire? Comment vous vous êtes comporté comme des Pharaons ce jour-là, ayez ce même courage aujourd’hui pour dire la vérité ».
L’avocat reprend les propos du défunt à ses bourreaux : « Il leur a dit, les kabyles sont des hommes d’honneur, ils ne font pas ça. Djamel n’est pas mort dans le fourgon. Les vidéos montrent ce que chacun a fait. Mais lors de ce procès, l’un des accusés s’est défendu en déclarant qu’il était ivre est-ce normal ? L’alcool est une circonstance aggravante. Tout est prouvé. L’Etat doit frapper fort. L’acte aurait pu avoir de graves conséquences. Ces gens n’avaient ni essence ni kérosène. Ils sont venus éteindre le feu qui brûlaient vos maisons ».
Abondant dans le même sens, le collectif des avocats de la famille du défunt ne sont pas allé par le dos de la cuillère. Me Menaceur commence par présenter les faits « que même les yeux refusent de voir et de croire » et ajoute : « le peuple algérien a été témoin de cet assassinat. Il vous racontera ce qui se st passé ».
L’avocat explique que « Djamel a répondu à l’appel de la population qui faisait face aux incendies. Il a répondu à l’appel poignant lancé par un militaire en tenue pris entre les flammes qui dévoraient les maisons. Djamel a répondu en venant sans le sou. Vous l’avez entendu sur la sa dernière vidéo. ».
« Il est venu éteindre le feu qui embrase vos maisons et vous l’avez brulé »
Selon lui, dès son arrivée, le défunt accorde une interview à la web Tv Awras, puis dans dans une autre vidéo on le voit interpeller par quelqu’un qui lui dit de ne pas filmer. « La discussion tourne aux propos haineux à son encontre. La personne s’est substituée à la police et à la justice.
Vous l’avez vu en train de leur dire « khatini » et eux continuaient à le violenter. Pourquoi lui avez-vous enlevé les clés ? Pourquoi les insultes et les obscénités ? Même l’eau qu’il vous a demandée a été refusée. Vous lui avez donné une eau polluée ou peut-être même de l’essence. Les gens le frappaient et lui, criait ‘’khatini vous allez regretter’’.
Ils ont continué à le frapper et ils l’ont descendu du fourgon pour le traîner par terre sous les cris de ‘’brûlez-le’’. Ils l’ont mené vers la place Abane Ramdane, celui défendait une Algérie unie et indivisible. Djamel a refusé de se rendre. Il a fait comme Ali la pointe. Vous avez tué Djamel deux fois. Vous l’avez brulé et une fois le feu s’est consumé, vous l’avez rallumé une seconde fois», rappelle encore l’avocat en s’adressant aux accusés.
Me Menaceur s’est demandé par ailleurs, « comment peut-on se prendre en photos avec des corps en feu ». Puis il lâche « Il est venu éteindre le feu et vous l’avez brûlé avec quoi de l’essence et des bouteilles en plastique. Et que dire des propos haineux et les appels aux pires sévices et à la décapitation. Avez-vous perdu votre humanisme ? N’y a t-il pas quelqu’un parmi vous qui est sensé ».
L’avocat fustige ceux qui parlaient de Photoshop en disant : « et ceux qu’on a vu sauter sur son corps étaient-ils eux aussi de faux personnages ? ». Pour l’avocat, « Djamel, est un martyr de la nation ».
« Ne l’oubliez-pas, écoutez-le ». L’avocat regarde les accusés et poursuit : « ils viennent parler de dépression après ce qu’ils ont fait. Savez-vous comment sa mère et son père ont-ils su la mort de leur enfant ? Il faut saluer son père Noureddine Bensmain qui a pu étreindre un plus grand incendie. Les kabyles sont nos frères et ceux qui sont là n’en font pas partie. Saluons les hommes de la Kabylie qui ont assisté à l’enterrement de Djamel. C’est un procès qui entre dans l’histoire. Les vidéos sont comme celles des techniques du VAR mais sans Gassama. La théorie du complot ne tient pas ».
Me Mennaceur estime, d’autre part, que Djamel n’était pas mort dans le fourgon ni au moment où il a été trainé jusqu’à la place Abane Ramdane. « Il était vivant lorsque ils l’ont descendu du fourgon. Pourquoi l’avoir brûlé deux fois ? Vous vouliez brûler l’Algérie, mais non elle ne le sera pas. Vous avez déstabilisé 40 millions d’Algériens. Vous nous avez brûlé le cœur ».
Lui emboîtant le pas Me Benturkia, affirme que l’assassinat de Djamel «fait partie d’un plan vicieux et diabolique. Saadaoui Hacene, moul al barnous (l’homme qui porte le burnous) n’a pas été évoqué pour rien. C’est un plan sioniste qui consiste à diviser le pays. Il aurait pu nous mener vers l’inconnu si ce n’est la conscience des parents de Bensmain ».
L’avocat revient sur certains incidents avec ses confrères durant le procès en disant : « On a entendu certains de nos confrères dire que les avocats de la partie civile font le travail du parquet et que les photos qui sont présentées, sont le fruit d’un montage etc… Je leur dis, non, ce sont de vraies photos, des captures d’écran sur des vidéos pour que chacun des accusés assume son acte. Nous avons travaillé sur leurs propres vidéos et une seule que le défunt avait enregistrée avant son assassinat. Grâce à Dieu, nous avons pu avoir tous ces enregistrements ».
« Ils ont tous bien appris la lettre M macheftch et masmaatch »
Me Benturkia se demande pourquoi 80% des accusés déclarent ne pas connaître leurs coaccusés et les 20% restants, l’ont reconnu après que le parquet ai relevé le lien. Pour elle «la majorité » des mis en cause « ont bien appris la lettre M c’est à dire machefnach, masmaatch (je n’ai pas vu, la plupart de ceux qui ont été identifiés sur les vidéos affirment être venus pour aider Djamel. Bouzrar Ali se cache derrière, son petit verre de pastis, Ouardi justifie la décapitation de Djamel, par son état d’ivresse, alors qu’un autre accusé renvoie la balle sur les 10 bières qu’il avait prises avant de commettre ses actes. Heureusement que vous vous êtes filmés sinon, on aurait accusé l’Etat de cet horrible acte».
L’avocat rappelle les déclarations d’Akrour Bousaad: « lorsque la foule entourait le fourgon, Akrour affirme avoir entendu Djamel dire je n’ai rien fait? Patientez un peu. Pourquoi Aghiles tente de nous convaincre qu’il a frappé Djamel avec les doigts ? Reconnu par le conducteur de la Clio, Mostefai Chaabane déclare qu’il n’a fait qu’enlever à Djamel, sa carte d’identité. Pourtant on le voit sur les vidéos monter dans le fourgon de la police, fouille Djamel, lui enlève son téléphone, sa carte d’identité, et ses clés. L’homme au pull inscrit aux lettres ART apparaît sur les vidéos, entrain de tirer Djamel avec une violence inouïe et le trainer jusqu’à la place Abane Ramdane. Les vidéos le montrent juste derrière Djamel, lors de l’interview avec la webTV Awras et il vient nous dire qu’il était venu aider le défunt ».
L’avocat revient sur ce qu’il a appelé « un plan diabolique », en rappelant les propos de certains accusés sur « un mot d’ordre qu’aurait donné les activistes du MAK à certains de leurs militants ».
« Rappelez-vous les déclarations devant le juge d’instruction de Laskri Mohamed, chargé des questions de sécurité au MAK, devenu militant de base. Il avait confirmé ce que d’autres ont révélé à propos de ce qui se traçait autour de ce 11 aout 2021. Puis un autre accusé, sorti de l’université des sciences islamiques l’enseignant de la charia, fait un selfie avec le corps calciné de Djamel avec un titre : celui qui brûle sera brûlé. Vu avec le consul de la Grande Bretagne, l’accusé avait expliqué à l’époque que c’était dans le cadre du dialogue interreligieux. Ils sont venus dans le cadre d’un plan. Je ne dirais pas tous ceux poursuivis pour des délits. Mais ceux poursuivis pour des crimes, toutes les preuves de leurs culpabilité sont sur les vidéos ».
Les propos de Me Benturkia raisonnent fort dans la salle. Il termine avec une phrase lourde de sens : « Djamel Bensmain est un algérien qui aimait son pays. Il est parti en stop pour aider ses compatriotes à Larbaa Nath Irathen. Il disait l’Algérie je t’aime malgré tout ».
Le rapport d’autopsie battu en brèche
Lui succédant au prétoire, Me Ahlem Bendaoued a plaidé de manière aussi directe. Elle commence par dire que les photos et les vidéos ont causé à la famille de Djamel un grave préjudice morale et précise que : « ses parents ont déjà perdu le frère jumeau du défunt, assassiné. Mais, la différence entre les deux crimes est que l’auteur du 1er est toujours libre et celui du second a laissé des traces derrière lui. La famille Bensmain vit avec ces monstrueuses vidéos ».
L’avocate revient sur la publication des vidéos sur les réseaux sociaux en affirmant qu’au début les auteurs multiplié la diffusion : « mais quand ils ont vu que le peuple algérien n’a pas joué à leur jeu et a participé à l’éclatement de la vérité, ils ont changé de tactique ».
Elle aussi relève que « malgré toutes les preuves présentées, les accusés se débinent » puis tente de mettre chacun devant ses responsabilités. Elle classe les mis en cause en 4 groupes depuis ceux qui étaient « peut être de passage et qui ont juste chanté des slogans haineux jusqu’à ceux qui ont pris part à l’assassinat de Djamel, en passant par ceux qui sont assis sur les murs et les terrasses se délectaient de ce qui se passait dans la cour du commissariat transformée en arènes».
Mais elle ajoute un 5eme groupe de personnes « présentes sur la scène du crime mais absentes du procès parce que les curieux ne les ont pas filmé ». Pour l’avocate, l’assassinat de Djamel a connu trois étapes celle des « témoins, de l’exécution et de la validation ».
La première étape, explique-t-elle, est celle où la Clio campus est arrêtée par la foule, mais dès que l’on se déplace au commissariat on bascule dans la seconde étape où on attaque la voiture, on agresse Djamel, on le traîne et on le brûle, on fait déjà partie des auteurs du crime.
« C’est une responsabilité criminelle. Même vous n’avez rien fait, votre présence suffit à rendre votre responsabilité dans la mort. Les vrais curieux étaient sur les murs et les terrasses filmaient et regardaient ce qui se passait dans l’arène. Ceux qui arrivent à ce niveau jouent le rôle que leur donne l’organisation « terroriste » du MAK pour neutraliser les policiers et les empêcher d’intervenir. Ils utilisent des propos haineux, crient pouvoir assassin, pas de pardon, il va être brûlé. La sanction était prête. Ils sont coupables. La 3ème étape c’est celle où tous ces jeunes qui sont au box et qui nous disent j’ai donné juste un coup de pied. Mais tous au vu de la loi, ils ont participé à la mise mort ».
Me Bendaoued s’interroge sur le fait que certains accusés affirment que « Djamel était déjà mort avant d’être immolée ». « Pourquoi ? Parce qu’ils ont décidé de l’exécuter », ajoute-t-elle. L’avocate commence par déconstruire le contenu de l’autopsie faite à l’hôpital Mustapha Pacha à Alger, avant d’ouvrir une brèche notamment sur les causes de la mort.
« Le rapport de l’autopsie dit qu’il est mort d’épuisement physique et d’un traumatisme de la tête. Lorsque le rapport ne donne pas l’heure je ne le prends pas en compte. Ce rapport dit que la voûte crânienne ne présente pas de fracture », dit-elle. Elle exhibe des photos et explique «dans la trachée, on voit encore des taches de fumée qu’il respirée. Lorsqu’il a été égorgé, le sang n’a pas coulé et l’on sait, selon des revues spécialisées, que le sans devient rose et quand la personne meurt par immolation, son sang devient pâteux ».
« Le sang de Djamel avait une couleur bien rose. On peut dire qu’il a respiré la fumée des incendies. Les experts disent aussi que si les poils nasaux ou la langue sont brûlés, il aurait été vivant. Les photos montrent des poils nasaux brulés, ce qui veut dire que Djamel est mort par immolations », précise-t-elle. « Nous sommes devant un groupe de terroriste qui a pour ennemi l’Etat et le peuple », assène-t-elle.
« Ces gens ne représentent pas la Kabylie »
Plaidant toujours pour la famille du défunt, Me Fakhreddine, déclare d’emblée n’avoir jamais défendu un homme « poursuivi injustement, jugé sans défense et condamné à être battu mutilé, brûlé et égorgé puis décapité sur une place publique qui porte le nom de Abane Ramdane, fils de Larbaa Nath Irathen assassiné, une figure de la révolution, lui aussi ».
« Djamel a été tué et brûlé par quelques personnes qui militent pour arracher une partie de l’Algérie, celle-là même pour laquelle Abane Ramdane s’est battue pour qu’elle reste algérienne et je me demande ce que Abane Ramdane doit penser de cet acte. Lorsque l’on cherche le nom de Larbaa Nath Irathen sur wikipidia, autant nous sommes incroyablement fiers de ce qu’on lit autant nous sommes désolés de voir ce crime abjecte évoqué à la fin », ajoute-t-il.
Me Fakhreddine, revient sur les vidéos et leur large diffusion par le peuple algérien, avec des enquêtes sur chacun des acteurs de l’horrible assassinat de Djamel. L’avocat : « sa mère lui disait ne part pas et lui répondait non, je dois aider mes amis et mes frères. Abane Ramdane doit être honoré par le sacrifice de Djamel. Ces gens ne représentent pas la Kabylie. Les notables de Larbaa Nath Irathen et non pas les familles des accusés, se sont mobilisés, assisté à l’enterrement du défunt et présenté les condoléances à sa famille. Les tueurs n’auront jamais la conscience tranquille. Mais que dirions-nous de ceux qui tuent, torturent, mutilent, brulent le cadavre, le décapitent ? Des parties du corps de Djamel étaient introuvables. Ces gens constituent un danger pour les algériens pour l’Algérie et son unité. L’Algérie restera unie avec un seul drapeau ». L’avocat termine en demandant la peine maximale contre les accusés.
Les accusés, qui comparaissaient devant le tribunal de Dar El Beida, dans la banlieue est d’Alger, étaient poursuivis notamment pour «actes terroristes et subversifs contre l’État et l’unité nationale» et «homicide volontaire avec préméditation», selon l’accusation. Vingt-huit autres prévenus poursuivis dans le cadre de cette affaire ont été condamnés à des peines allant de deux à dix ans de prison et 17 autres ont été acquittés.
Après avoir entendu qu’on le soupçonnait d’avoir allumé le feu à la forêt, Djamel B., qui était âgé de 38 ans, s’était rendu à la police. Des images relayées par les réseaux sociaux avaient montré la foule entourant le fourgon de police et extirpant l’homme du véhicule après l’avoir frappé.
Djamel B. avait ensuite été battu, puis brûlé vif, tandis que des jeunes prenaient des selfies devant le cadavre. À l’époque des faits, qui avaient soulevé une vague d’indignation dans tout le pays, les images du lynchage devenues virales étaient commentées.
«Envoyer un message clair»
Amnesty International avait appelé les autorités à «envoyer un message clair que cette violence ne sera pas tolérée». La Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) avait jugé pour sa part que «les scènes du lynchage et de l’immolation du présumé pyromane, alors qu’il s’agissait d’un jeune artiste venu prêter main-forte aux sinistrés sont choquantes.»
Le père de la victime, Noureddine B., admirablement digne, avait été salué comme un héros national après avoir appelé au calme et à la fraternité entre Algériens.
Des extraits des vidéos diffusées par les accusés sur les réseaux sociaux, montrant des détails du crime, ont été projetés lors du procès qui s’était ouvert mardi. Ces vidéos montrent le lynchage de Djamel B., brûlé vif et dépouillé de ses objets personnels, notamment son téléphone portable.
Fatma Oussedik est l’une des plus éminentes sociologues algériennes. Professeure de sociologie et d’anthropologie à l’Université d’Alger, chercheuse associée au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement(Cread), elle a publié plusieurs livres.
C’est un témoin de premier plan des changements au sein de la société algérienne qui se sent doublement marginalisée.
Fatma Oussedik a à son actif plusieurs publications dont un nouvel ouvrage intitulé « Avoir un ami puissant. Enquête sur les familles urbaines. Alger-Oran-Annaba » qui vient juste de paraître aux éditions Koukou.
A la retraite depuis deux ans, elle poursuit son travail de sociologue en posant un regard introspectif sur la société algérienne. Par ailleurs, son engagement auprès des femmes ne s’est jamais démenti. Lors d’une rencontre avec TSA, Fatma Oussedik revient sur les moments forts de sa vie et de sa carrière.
Frantz Fanon à la maison
Fatma Oussedik a vu le jour le 7 avril 1949 à Bologhine (ex Saint-Eugène) dans une famille où la scolarité était très importante.
« Mon père était directeur d’école. J’ai grandi au sein d’une famille où les études étaient presque une religion, et cela sur plusieurs générations. J’ai aussi été élevée dans un milieu très nationaliste dans lequel l’engagement politique allait de soi », raconte Fatma Oussedik.
Dans la maison parentale, de grandes figures nationales et internationales étaient de passage. Elle cite Frantz Fanon et son épouse Josy, qui « m’a tellement marqué » ou encore serge Michel et Abdoulaye-Touré (alors ministre de la Défense de la Guinée).
« Frantz Fanon était un grand ami de mon oncle Omar. Bienveillants, mes parents ne renvoyaient pas les enfants dans leur chambre. Les débats allaient bon train et j’étais, avec mes frères et sœurs, le témoin privilégié de ces discussions, malgré mon jeune âge », se souvient Fatma Oussedik.
Les enfants algériens dans la guerre
Confrontée au monde des adultes dès sa prime jeunesse, la future sociologue a eu à vivre des expériences douloureuses mais aussi d’autres, enrichissantes et formatrices, notamment en relation avec l’audio-visuel.
« A l’âge de 10 ans, en 1960, j’ai été en Tchécoslovaquie, à Barandov la fameuse cité du cinéma, avec Lakhdar Hamina, Abdelkader Chanderli et Serge Michel pour insonoriser le film ‘Yasmina’ qui se déroulait aux frontières algéro-tunisiennes. J’ai également participé, à plusieurs reprises, à une émission pour la jeunesse animée par Jacques Charbit, à Radio Tunis. J’y allais pour parler des enfants algériens dans la guerre ».
Fatma Oussedik et les années Fac
Après avoir décroché ses deux baccalauréats, algérien et français, avec d’excellents résultats en 1968 et alors que nombre de ses camarades optaient pour des études de médecine, Fatma Oussedik jette son dévolu sur la sociologie.
« Nous étions en octobre 1968 et la sociologie était la science de la révolution. Ces années à l’Université d’Alger furent palpitantes et riches en enseignements », confie-t-elle.
En 1976, Fatma Oussedik rentre au Crea alors par Abdellatif Benachenhou. « J’ai ensuite fait un DEA avec Claudine Chaulet, que je connaissais ainsi que les siens depuis l’enfance, comme professeure, avant d’enchaîner sur un magistère, toujours avec elle. »
Pour une meilleure reconnaissance
Fatma Oussedik est devenue ensuite professeure à l’Université d’Alger et chercheuse associée dans ce qui est devenu le CREAD. En 1992, du fait d’opportunités professionnelles, elle quitte Alger pour Paris avec son mari. Cet exil durera dix ans.
« Vous savez, avoir le statut d’enseignante à l’Université d’Alger n’est pas aussi valorisant sur place. Il faut nécessairement être reconnu à l’étranger pour bénéficier d’un peu de considération en Algérie. Ce séjour m’a permis de pousser mes études plus loin encore et que ce travail soit validé par une université étrangère, occidentale naturellement. J’ai profité de mon séjour en Europe pour passer ma thèse à l’université Catholique de Louvain en Belgique, en 1996, sous le thème : ‘L’identité féminine à Alger’. J’ai, aussi, pu nourrir mon expérience professionnelle par une insertion dans les systèmes académiques d’autres pays », détaille Fatma Oussedik.
Assia Djebar, une belle complicité
Amie avec l’écrivaine aujourd’hui disparue, Assia Djebar, Fatma Oussedik se souvient de l’académicienne qu’elle qualifie de « grande dame ». Elle partage avec nous un souvenir comme témoignage de sa générosité et de son soutien aux autres femmes.
« Un jour, Assia Djebar était invitée à donner une conférence inaugurale pour un conseil scientifique sur les identités méditerranéennes à Naples. Etant dans l’impossibilité de s’y rendre, elle m’a vivement recommandée aux organisateurs : « Mon amie Fatma Oussedik me remplacera très bien ». Elle m’a fait un cadeau inestimable et j’ai fait cette conférence où se trouvait tout le gratin des universités italiennes, françaises et américaines. C’est donc elle qui m’a permis de m’intégrer dans ce monde universitaire. »
Le féminisme, son cheval de bataille
Fatma Oussedik est très impliquée dans les questions du féminisme. « Assia Djebar avait une très belle phrase à ce sujet et que je cite toujours : A cette question qu’un journaliste lui avait posée lors d’une interview : ‘êtes-vous féministe ?’, elle avait répondu : « Je suis féministe parce qu’en Algérie même une pierre serait féministe ».
La professeure en sociologie explique l’origine de cet engagement auprès des femmes algériennes.
« Mon féminisme est un féminisme algérien. Il se nourrit des souffrances que nos aînées ont vécues. Je pense toujours aux moudjahidates, qui furent de grandes sœurs pour moi, qui sont montées au maquis à la fleur de l’âge, quittant leur domicile et leurs familles. Beaucoup d’entre elles ont perdu la vie et d’autres ont vu leurs sacrifices complètement ignorés après l’indépendance. Cette injustice m’a ouvert les yeux sur la situation des femmes en Algérie. En tant que professeure, je voyais aussi mes étudiantes s’investir à fond dans leur scolarité. En fondant un foyer, elles se donnaient corps et âme pour améliorer les conditions de vie de leur famille. Mais en cas de divorce ou de veuvage, ces femmes se retrouvaient dépouillées d’un patrimoine familial qu’elles avaient contribué à constituer. Ce sont ces « révoltes logiques » qui nourrissent mon travail ».
Trajectoires des familles algériennes
Fatma Oussedik possède à son actif bon nombre de publications dont « Le féminisme algérien au péril d’un contexte postcolonial (revue Tumultes) » en 2010, « Raconte-moi ta ville » (Enag) en 2008, « Relire les Ittifaqat » (2008), « Algérie-France le politique Ensauvagé, avec Benjamin Stora (Revue Esprit) » en 1997…
Dernier né : « Avoir un ami puissant. Enquête sur les familles urbaines. Alger-Oran-Annaba » (Koukou Editions). Il est disponible dans les librairies.
Cet ouvrage est basé sur des enquêtes et des entretiens approfondis comme elle l’explique. « J’ai choisi trois villes : Alger, Oran et Annaba où j’ai étudié les trajectoires de familles de catégories sociales différentes. Il s’agissait de comprendre comment ces familles algériennes ont réussi à durer au regard de toute l’histoire de démembrement des terres, déplacement de la population, changement d’état civil qui ont été autant de ruptures pour de nombreuses familles algériennes. Mon enquête a concerné 10 familles par ville. Il s’agit d’un travail que j’avais commencé il y a une dizaine d’années, au sein d’une équipe de recherche au CREAD, et que j’ai voulu approfondir à ma retraite », explique-t-elle.
Le titre de cet ouvrage lui a été inspiré lors de ces interviews. « Dans tous les entretiens, à la question de savoir comment quelqu’un avait réussi à garder son travail ou préserver son business, la même réponse fusait ‘C’est parce que ‘3ndi mâarifa ou 3ndi lak’taf’ (avoir des connaissances). Puis un enquêté a prononcé la formule magique : « Nous avons un ami puissant ». Le titre de l’ouvrage s’est donc imposé de lui-même », précise-t-elle.
Quant au choix du sujet retenu pour ce nouvel ouvrage, la sociologue explique :
« Pourquoi un chercheur a-t-il ou a-t-elle un objet de recherche qui, au fil des ans, devient un centre d’intérêt avec lequel nous développons un rapport passionnel ? Il existe des raisons objectives et des raisons subjectives au choix d’un objet de recherche mais je peux citer pêle-mêle : le fait que, longtemps, la famille fut le seul horizon pour toutes les Algériennes, le fait que les statuts et rôles des femmes sont d’abord saisissables dans la famille, enfin parce qu’en Algérie les familles changent sans arrêt mais que les discours, moraux, idéologiques comme les dispositions juridiques se réfèrent, et donc défendent, un modèle de famille qui ne parvient plus, ou très difficilement, à se réaliser. Les familles, les Algériennes et les Algériens changent et les femmes sont les grandes actrices du changement. »
Doublement marginalisée
En dépit de son long parcours, Fatma Oussedik se sent marginalisée en Algérie. « En tant que femme, en tant que femme algérienne, je me sens doublement marginalisée : comme universitaire, parce que cette catégorie l’est, et comme femme, car même si je jouis d’un cadre de vie respectueux, du fait d’appartenir à une famille bienveillante et respectueuse de mon travail, je me sens interpellée et nécessairement concernée par tout le dispositif législatif et les pratique sociales que je vis comme toute Algérienne. »
Regard sur une société en pleine mutation
De son regard averti, Fatma Oussedik assiste à des bouleversements dans la société algérienne. « J’observe des mutations importantes dans la société, dans le même temps que la quête d’un statu quo par les pouvoirs publics. Les cadres juridiques et conceptuels de la gouvernance sont en retard par rapport à une société qui change rapidement et qui le montre », dit-elle.
La chercheuse note des changements au sein de la société algérienne qu’un simple citoyen ne perçoit pas.
« En tant que sociologue, je considère que les sociétés ont un savoir sur elles-mêmes que nos études recueillent et analysent. Nous savons toutes et tous que la scolarisation, comme l’urbanisation, qui ont été massives, le niveau d’information, parce que nous sommes dans le monde, ont imprimé dans la société, par l’économie, le logement, la culture, des modes de vie qui sont l’expression de mutations importantes », conclut-elle.
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