Lorsqu'on fait un tour dans les rues de nos villes, l'une des premières choses que l'on remarque est la prolifération des lieux où on mange (restaurants, gargotes, rôtisseries, pâtisseries) et la rareté des espaces où on se cultive (librairies, cinémas, théâtres, musées). Autant les premiers endroits ne désemplissent pas, sont très fréquentés, drainent beaucoup de monde, autant les seconds sont presque vides, paraissent abandonnés, meurent à petit feu. Faut-il alors en conclure, par une extrapolation rapide, que l'Algérie (comme nombre de contrées du tiers-monde) est, aujourd'hui, plus un pays qui mange et se nourrit d'aspirations prosaïques et terre-à-terre qu'une nation qui lit, apprend et veut devenir meilleure, une nation qui a une vision, des ambitions et se projette dans le futur ? Sur ce sujet précis, les Algériens se divisent en deux camps diamétralement opposés : les plus désabusés ou les plus pessimistes ne mâchent pas leurs mots et proclament qu'en Algérie, les carottes sont cuites, que nous sommes devenus l'équivalent d'un tube digestif, que la passion et le rêve ont déserté nos rangs, que nous passons notre temps à flemmarder, à tricher, à décrier, puis, comble de l'ironie, à nous lamenter sur notre sort. Les autres, plus sages ou plus tenaces, ne veulent surtout pas baisser les bras et appellent à un sursaut et à reprendre notre destin en main, plaident pour qu'on se serre les coudes et qu'on se rassemble autour d'un grand dessein national, insistent sur le fait qu'il faut miser sur le travail, le sérieux, le talent, et sur notre belle jeunesse instruite afin de bâtir une Algérie prospère où il fait bon vivre.
Nous laisserons, pour notre part, chaque lecteur choisir laquelle de ces deux convictions lui semble la plus plausible. Mais juste une dernière remarque avant de conclure ce modeste billet : que chacun de nous se demande honnêtement s'il pense avoir fait son devoir vis-à-vis de sa patrie, s'il en a pris soin correctement, ou s'il s'est contenté de téter son sein sans contrepartie ? Il est peut-être bon alors de rappeler ici cette célèbre phrase du président américain John Fitzgerald Kennedy prononcée durant son discours d'investiture, le 20 janvier 1961 : «Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays».
Jeudi 15 decembre 2022
par Amine Bouali
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