Les « preuves » contre Abdallah ont été rétroactivement fabriquées par les services de renseignement français, américain et israélien. Arrêté en 1984, il est libérable depuis 1999. Les USA s’y opposent, la France obéit. Le réalisateur Pierre Carles veut faire sortir ce scandale de l’ombre d’un cachot. Les lecteurs du Grand soir aident et aideront. C’est ici : https://www.lepotcommun.fr/pot/q49nxyby
Le réalisateur.
Journaliste qui a travaillé pour plusieurs chaînes de télévision, Pierre Carles s’est fait connaître en dénonçant par l’image en 1992 la fausse interview de Fidel Castro par Patrick Poivre d’Arvor. En 1995, il réalise un documentaire pour Canal+, intitulé « Pas vu à la télé » dans lequel il démontre spectaculairement les connivences entre nos journalistes et les personnalités politiques. Son reportage sera diffusé en 1996 par la télévision…belge.
En 1998, son film « Pas vu pas pris », fait à partir du documentaire censuré à la télé française, sort dans les salles de cinéma.
En 2019, Pierre Carles s’attaque à un interminable scandale politico-judiciaire méconnu. Par neuf fois, faisant fi de la décision du tribunal d’application des peines, le Parquet (sous l’autorité des gardes des sceaux successifs, se pliant au veto des USA) a refusé la libération et l’expulsion du prisonnier Georges Ibrahim Abdallah.
Film de Pierre Carles sur Georges Ibrahim Abdallah
Présentation du projet par Pierre Carles WE WANT GEORGES IBRAHIM ABDALLAH IN JAIL (Nous voulons Georges Ibrahim Abdallah en prison)
Le 25 octobre 2019, cela fera 35 ans que le militant communiste libanais Georges Ibrahim Abdallah croupit en prison en France pour... complicité d’homicide volontaire. Oui, on a bien lu : cet homme a accompli une peine d’une telle longueur pour complicité d’assassinat (et non pour avoir tué des gens). Les actions en question ont été commises par son groupe les FARL (Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises) contre des militaires étasuniens et israéliens en poste dans l’Hexagone, complices de l’invasion du sud-Liban par Israël à la fin des années 70/début des années 80. En dehors de Georges Ibrahim Abdallah, nul être humain n’est actuellement détenu en Europe depuis près de 40 ans pour des faits à caractère politiques. Ainsi, Georges Ibrahim Abdallah détient le triste record de plus vieux prisonnier politique du vieux continent. Neuf demandes de libération conditionnelle ont été déposées par ses avocats depuis le début des années 2000, la dernière en 2015. Sans succès. Dès qu’un tribunal d’application des peines considère qu’il n’a plus sa place en prison, le parquet, qui est inféodé au pouvoir politique (contrairement aux juges d’application des peines) fait appel de la décision quand ce n’est pas le ministre de l’Intérieur qui refuse de signer l’arrêté d’expulsion vers le Liban, où Georges Ibrahim Abdallah est considéré comme un résistant à l’invasion de son pays par une puissance étrangère. Mais pourquoi un tel acharnement ?
En 2012, Me Jacques Vergès, l’avocat de Georges Ibrahim Abdallah, affirmait : « C’est le gouvernement des Etats-Unis qui oppose un veto intolérable à sa libération. » La révélation par WikiLeaks, en 2016, de propos échangés par Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat des USA et Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères français, accrédite cette hypothèse.
Il n’est pas inhabituel que des puissances étrangères tentent d’interférer dans les affaires internes d’un pays. En 2017, la Colombie a réclamé à la Chine pour qu’un de ses ressortissants condamné à la peine de mort pour trafic de stupéfiants voie sa peine commuée. Cela n’a pas pour autant empêché qu’Enrique Arciniegas soit exécuté. Le gouvernement cubain, quant à lui, a longtemps réclamé aux USA l’extradition de Luis Posada Carriles, un militant anticastriste tenu pour responsable d’un attentat terroriste contre un avion cubain qui fit 73 morts en 1976. Sans succès, là encore. Carriles a vécu jusqu’à l’âge de 90 ans en Floride, où il est décédé en 2018 sans jamais avoir eu affaire à la justice cubaine. En revanche, lorsque les Etats-Unis d’Amérique ordonnent, en 2013, à la France et à trois autres pays europééns (Espagne, Italie, Portugal) de fermer leur espace aérien à l’avion du président bolivien Evo Morales soupçonné de transporter le lanceur d’alerte Edouard Snowden, ces quatre pays présumés souverains obtempèrent sans se poser de questions. A l’évidence, le scandale de la non-libération de Georges Ibrahim Abdallah témoigne d’un manque d’indépendance de la France vis à vis des USA. Cet acharnement sécuritaire à l’égard de ce militant communiste ne trouve pas d’autres explications.
Chaque année, devant la prison de Lannemezan, des centaines d’hommes et de femmes se réunissent pour réclamer la libération de Georges Ibrahim Abdallah. Avec le documentaire « We want Georges Ibrahim Abdallah in jail » nous tenterons d’alerter un public plus nombreux sur ce scandale afin - qui sait ? – de réussir à faire bouger les lignes sur la question de la libération de Georges Ibrahim Abdallah. Pour fabriquer un documentaire se distinguant du simple tract vidéo militant (qui a son utilité mais aussi des limites), il est préférable de disposer d’un minimum de ressources pour couvrir les frais de tournage, de montage, de mixage, d’étalonnage... Grâce à Gilbert Hanna (radio La Clé des Ondes), à Isabelle Vallade (comité de soutien de Bordeaux) et à une douzaine de membres des comités de soutien à travers la France, environ 3500 € ont été collectés et le tournage du film a pu démarrer. Mais cette somme est bien insuffisante pour fabriquer un film de qualité. Aussi, nous lançons un appel à dons pour tenter de réunir les 10 000 € nécessaires permettant d’être en mesure d’avancer plus rapidement sur ce projet. Un tout premier état de ce travail sera présenté le 24 octobre prochain au cinéma Utopia à Bordeaux. Ce jour-là, Georges Ibrahim Abdallah attaquera sa 36ème année de détention.
Pierre CARLES
EN COMPLEMENT
Qui est Georges Ibrahim Abdallah ?
Il est né le 2 avril 1951 dans le nord du Liban. À partir de 1975, son pays est plongé dans une guerre civile confessionnelle qui a forgé sa conscience politique. Il est le cofondateur, en 1979, des « Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises », un petit groupe marxiste anti-impérialiste. Le 6 juin 1982, le Liban est envahi par l’armée israélienne avec la complicité des puissances occidentales. La guerre fait des milliers de morts parmi les civils. Les 16 et 17 septembre 1982, les phalangistes chrétiens libanais, sous le regard bienveillant des militaires israéliens, massacrent 5000 civils, principalement des femmes et des enfants, dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila. En réponse à cette barbarie, les combattants libanais et arabes portent alors la guerre contre le sionisme et l’impérialisme dans le monde. Les Fractions armées révolutionnaires libanaises se revendiquent comme mouvement de résistance.
Arrêté à Lyon le 24 octobre 1984, Georges Ibrahim Abdallah est condamné à perpétuité, en 1987, par la Cour d’assises spéciale de Lyon pour « complicité d’assassinat » par les FARL, à Paris, du lieutenant-colonel Ray, attaché militaire adjoint des USA en France, et de Yacov Barsimentov, conseiller à l’ambassade d’Israël. Les États-Unis se sont constitués partie civile.
Georges Abdallah, cet ancien instituteur a déclaré devant ses juges : « Je suis ici, Messieurs, pour vous demander simplement de bien vouloir laver vos mains maculées de notre sang et du sang de nos mômes, avant de prétendre nous juger, car celui qui accepte de fouler aux pieds le sang de vingt-cinq mille morts tombés au Liban lors de l’invasion impérialo-sioniste de 1982 ne peut qu’être le complice direct de Reagan et de Begin dans leur guerre d’extermination contre notre peuple. Je suis un combattant pas un criminel ». Il a ajouté « La voie que j’ai suivie m’a été imposée par les atteintes aux droits de l’homme perpétrées contre les Palestiniens ».
Le procès a souffert de nombreuses irrégularités. Pendant plusieurs années, son premier avocat, Jean-Paul Mazurier, n’étant autre qu’un agent des services spéciaux… Le patron de la DST de l’époque, Yves Bonnet, a déclaré, en 2012, à La Dépêche du Midi « J’ai un problème de conscience dans cette affaire ». On a parlé de « vengeance d’État ». Les « preuves » contre Abdallah ont été fabriquées de façon rétroactive par les services de renseignement français, américain et israélien.
Selon la loi française, Georges Abdallah est libérable depuis 1999. La défense de Georges Abdallah a déposé neuf demandes de libération conditionnelle. À deux reprises, la justice française a estimé que Georges Abdallah pouvait être libéré à condition qu’il soit expulsé vers son pays, le Liban . Les États-Unis se sont systématiquement opposés à toute libération, même conditionnelle, de Georges Ibrahim Abdallah et ont, à chaque fois, obtenu satisfaction du pouvoir français.
La dernière exigence du département d’État américain remonte à avril 2014, sous la présidence de Barack Obama, lorsqu’il est intervenu auprès du gouvernement français pour empêcher la libération et le retour au Liban d’Abdallah. Le premier ministre Manuel Vals s’est empressé d’obtempérer et a refusé de signer l’arrêté d’expulsion ! L’avocat de Georges Abdallah, Jean-Louis Chalanset, a déclaré à cette époque : « L’atteinte à la séparation des pouvoirs (était) flagrante (…). Une nouvelle fois, les États-Unis ont imposé au gouvernement français leur volonté de se venger ». Et à l’époque, l’Humanité écrit : « Washington a gagné, sous les applaudissements de Tel-Aviv (…). Le procès Abdallah a été de bout en bout piloté pour et par une puissance étrangère. »
Le 31 mars 2016, Jean-Claude Urvoas, l’ancien ministre de la Justice d’un gouvernement dit « socialiste », a osé déclarer sur France Inter : « Nous avons la peine perpétuelle réelle avec Georges Ibrahim Abdallah » réinstaurant une sorte de peine capitale en condamnant Georges Ibrahim Abdallah à demeurer « en prison en France sans avoir de perspective de sortie », Il est grand temps de mettre un terme à cette injustice : 35 ans ça suffit !
Face à l’enfermement, quelques mots suffisent pour apporter un peu de soleil. Pour écrire à Georges… Monsieur Georges Ibrahim ABDALLAH, numéro d’écrou 2388/A221 CP de Lannemezan 204 rue des Saligues BP 70166 65307 LANNEMEZAN
Le Collectif Justice pour la Palestine Annecy ([email protected]) demande la libération de Georges Abdallah. Appel de la campagne 2018 « (…) Ce combat s’inscrit pleinement sur le terreau des luttes actuelles. C’est le combat des révoltes justes et légitimes de celles et ceux qui s’opposent à l’offensive capitaliste et à ses guerres impérialistes de pillage. C’est le combat de toutes celles et ceux qui font face à la violence répressive d’Etat, qui s’abat sur eux pour tenter de les bâillonner, que ce soit dans la rue, dans les quartiers populaires ou pour les militants politiques et syndicaux. Ce combat de toute une vie est aussi le nôtre ! (…) »
À l’appel de tous les collectifs de soutien, une manifestation nationale se déroulera devant le centre pénitentiaire de Lannemezan, le samedi 20 octobre 2018 (départ à 14 heures devant la gare). L’objectif est d’être le plus nombreux possible. » Jacqueline Lavy. ( Membre du Collectif Justice pour la Palestine Annecy).
Film documentaire « Fedayin le combat de Georges Abdallah »
RÉSUMÉ DU FILM
Depuis plus de 35 ans, Georges Ibrahim Abdallah est enfermé en prison. Résistant communiste libanais engagé aux côté des combattant.e.s palestinien.ne.s, il est maintenu emprisonné par la justice française et les gouvernements successifs depuis 1984. Au-delà de l’acharnement judiciaire dont il est victime, ce film documentaire propose de retracer le parcours politique de Georges Abdallah et s’attache à montrer en quoi ses idées et son combat sont toujours aussi vivaces que nécessaires. Le film nous emmène au Liban, dans les camps de réfugié.e.s palestinien.ne.s aux côtés desquel.le.s il s’est forgé politiquement. Nous suivons son engagement dans la résistance palestinienne puis contre l’occupation israélienne au sein des FARL (Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises), engagement qui le conduira en France au cours des années 80 où il sera condamné pour complicité d’assassinat. A travers une série d’entretiens (en France, au Liban en Belgique et en Allemagne), nous allons à la rencontre de sa famille, son avocat, ses proches, ses soutiens, ses camarades et des personnes qui l’ont côtoyé et avec lesquelles nous retraçons une vie de résistance à l’impérialisme et à l’occupation sioniste.
QUI EST GEORGES ABDALLAH ?
Né à Kobayat dans le nord du Liban en 1951, Georges Ibrahim Abdallah grandit au sein d’une famille chrétienne maronite. Il devient enseignant dans les villages isolés des montagnes du nord Liban où il a laissé le souvenirs d’un homme mu par son engagement et une solidarité sans faille. Rapidement, il se politise aux côté des réfugié.e.s palestinien.ne.s qui vivent dans les nombreux camps qui se sont développés au Liban suite à leur expulsion massive à partir de 1948 lors de la Nakba en Palestine. C’est donc naturellement qu’il va s’engager au sein de la résistance palestinienne dans les rangs du Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP) en 1971. Quelques années plus tard, il décide de co-fonder les Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises (FARL) afin de combattre les alliés de l’occupation israélienne au Liban en 1982, sur leur sol. Il poursuit donc son engagement en France. Georges Abdallah se fait arrêter en 1984 et condamner à 4 ans d’emprisonnement pour détention de vrais-faux papiers (passeport délivré par les autorités algériennes). En 1987, il est condamné pour complicité dans les assassinats de Yacov Barsimentov (secrétaire adjoint à l’ambassade israélienne à Paris) et Charles Ray (attaché militaire à l’ambassade des Etats-Unis à Paris) commis en 1982 et revendiqués par les FARL. Tous deux étaient en mission en France pour les services de renseignements de leur pays respectifs. Dès lors, une machine politico-judiciaire se met en marche (son avocat, Jean-Paul Mazurier avouera avoir travaillé pour la DST alors qu’il défendait Georges Abdallah, la justice française accuse les frères Abdallah alors au Liban, d’attentats que l’ont découvrira bien plus tard qu’ils ont été commis par l’Iran, etc.). Lors de ce procès, pour lequel les Etats-Unis se portent partie civile, Georges Abdallah fait un réquisitoire contre la justice française et l’impérialisme. Il sera condamné à perpétuité. Libérable depuis 1999, ses huit demandes de libération ont été refusées (par la justice ou par un veto gouvernemental). Les prisons n’ont pas eu raison de son engagement, Georges Abdallah continue le combat politique depuis sa cellule de Lannemezan (65) où il reçoit de nombreuses visites. A l’extérieur, depuis une quinzaine d’années, ses soutiens se mobilisent en France et en Europe pour réclamer sa libération. Depuis le 24 octobre, Georges Abdallah est entré dans sa 36ème année derrière les barreaux.
POURQUOI CE FILM ?
Depuis plusieurs années nous militons, avec beaucoup d’autres, pour la libération de Georges Abdallah. Certain.e.s d’entre nous lui rendent visite régulièrement et ont, au fil des années, tissé une relation politique et de confiance. Il existe une multitude de mobilisations, d’actions, de campagnes réclamant la libération de Georges Abdallah. Il existe également une multitude d’archives vidéos de ces manifestations. En revanche, mis à part un film court réalisé par le Secours Rouge il y a quelques années1 et qui retrace le parcours de Georges Abdallah, il n’y a pas à notre connaissance de film qui se penche plus profondément sur son histoire et son engagement politique (Pierre Carles travaille également sur un projet de film documentaire2). Il nous a donc paru indispensable d’essayer d’y remédier. Il y a un an, nous nous sommes donc lancés dans ce projet de film. Sans prétention, nous souhaitons apporter une nouvelle pierre à la mobilisation pour la libération de Georges Abdallah. Ce film documentaire se veut avant tout comme un outil de compréhension, d’information et de discussion sur la situation de Georges Abdallah et la lutte du peuple palestinien.
POURQUOI CETTE CAGNOTTE ?
Depuis plusieurs mois, nous travaillons à la réalisation de Fedayin. Ce travail s’inscrit résolument dans une démarche politique et est totalement auto-produit. Après plusieurs sessions de tournage en France, un tournage l’été dernier au Liban, des tournages en Allemagne et en Belgique, nous avons achevé cette première étape et allons attaquer le travail de montage qui va s’étaler sur plusieurs semaines. Nous avons auto-financé ce projet jusqu’à présent, nous ne tirons aucun revenu de la réalisation de ce film. Néanmoins nous avons désormais besoin d’un coup de pouce financier pour le mener à terme. L’objectif est évidemment de pouvoir diffuser ce film le plus largement possible lors d’une série de projections en France et à l’étranger, sur internet mais également en pressant des DVD.
Nous avons donc besoin de votre aide pour :
une partie du travail de post-production (colorimétrie/étalonnage et mixage) pour laquelle nous travaillerons avec deux personnes « extérieures » au projet et que nous souhaitons rémunérer ;
la diffusion du film : site internet, affiches, pressage de DVD, etc. ;
le remboursement d’une petite partie de nos frais de tournage.
Pour toute participation : votre nom au générique :
À partir de 10 euros : votre nom au générique + une affiche du film À partir de 25 euros : votre nom au générique + une affiche du film + le DVD du film
LE COLLECTIF
Vacarme(s) Films est un collectif de réalisation de films documentaires traversés par un engagement politique dans la lutte contre les toutes les formes de domination.
La principale ambition du collectif est de faire que ces réalisations servent d’outils et de support à la réflexion, au débat et à l’organisation collective.
Enrichissement illicite, haute trahison et trafic d’influenc...
L’opinion publique a découvert avec stupeur, au fil des dernières semaines, que des officiers supérieurs de l’armée étaient directement ou indirectement mêlés à des affaires de corruption ou carrément à des opérations visant la déstabilisation du pays. La réaction salutaire de l’état-major de l’armée et des plus hautes autorités du pays, décidés à assainir les rangs de l’institution, suffira-t-elle à réparer les dommages causés à l’image de l’anp ?
Trois commandants de Régions militaires, trois chefs successifs de la Gendarmerie nationale, trois autres du puissant service des renseignements, deux anciens patrons de la sécurité de l’armée, de nombreux autres officiers supérieurs, des directeurs centraux de lourds départements au niveau du ministère de la Défense font l’objet de poursuites.
Certains sont incarcérés ou en sursis et d’autres en fuite à l’étranger. Jamais l’institution militaire n’a autant fait parler d’elle que durant ces deux dernières années. Lutte de clans, opération mains propres, ou règlement de comptes, le bilan démontre à quel point l’Armée, qui avait pour sacro-saint principe de laver son linge sale en famille, a été malmenée, et ce, publiquement.
Jamais l’institution militaire n’a autant fait parler d’elle que durant ces deux dernières années. Les trois derniers chefs de la gendarmerie nationale, un corps d’élite, se retrouvent au centre de graves affaires de «corruption» et de «trahison», les services de renseignement militaire, centre névralgique qui veille à la sécurité de l’Etat, subissent les coups et contrecoups des fins tragiques de leurs trois derniers patrons, des commandants de Régions militaires en prison ou en fuite à l’étranger et des directeurs centraux à la tête d’importants services au ministère de la Défenseincarcérés pour des affaires d’enrichissement illicite.
Depuis l’été 2018, le tribunal militaire n’a pas connu de répit. Le coup d’envoi a commencé avec l’affaire des 701 kg de cocaïne saisis au large des eaux oranaises, sur un navire transportant de la viande congelée importée du Brésilpar le magnat de l’immobilier Kamel Chikhi.
D’un coup, cinq généraux-majors, dont trois ex-commandants de Régions militaires, Lahbib Chentouf de la 1re RM, Abderrazak Cherif de la 4e RM et Saïd Bey de la 2e RM, le patron de la Gendarmerie nationale, Menad Nouba, ainsi que le directeur du département des finances, Boudjemaâ Boudouaouer, sont limogés, déférés devant le tribunal militaire de Blida et placés sous mandat de dépôt pour «enrichissement illicite».
Et c’est le général Ghali Belksir, aux promotions fulgurantes et à l’ambition dévorante, que Gaïd Salah va confier le commandement de la Gendarmerie nationale. Un retour d’ascenseur pour le rôle qu’il avait joué pour débarquer le feu général de corps d’armée Ahmed Bousteila du commandement.
Lieutenant-colonel alors au groupement d’Alger, Belksir va offrir sur un plateau d’or le défunt Bousteila à Gaïd Salah. Les conclusions d’une enquête menée sur les affaires de l’un des enfants de l’ex-patron de la gendarmerie étaient l’erreur qu’attendait le défunt vice-ministre de la Défense pour écarter définitivement de son chemin le général de corps d’armée, natif de Aïn M’lila, à l’est du pays, qui le connaissait parfaitement. Bousteila est remplacé en septembre 2015 par le général Menad Nouba, originaire de l’Oranie.
Un pied à la Présidence et un autre au ministère de la Défense, le général Ghali Belksir, natif de Mostaganem, se retrouve à la tête du commandement de l’état-major de la gendarmerie.
Moins de trois semaines plus tard, les cinq officiers supérieurs sont libérés sur décision du Président déchu ou de son frère conseiller. La décision n’est pas du goût du défunt vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’Anp, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah.
Les coups et contrecoups du général Bouazza
Le 22 février, et alors que tout semblait prêt pour ajouterun 5e mandat à un Président malade, aphone et immobilisé sur une chaise roulante, les Algériens sortent dans la rue par millions en ce vendredi 22 février 2019 pour dire non au «mandat de la honte».
Jusque-là, il y a unanimité au sein du pouvoir et de l’Armée pour maintenir Bouteflika à son poste. Son état de santé permettait aux uns et aux autres de garder le contrôle sur les affaires du pays. Mais la contestation populaire va finir par avoir raison des partisans de cette voie.
La résistance du clan présidentiel et les réunions de Dar El Affia, à Alger, entre Saïd Bouteflika, Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), et l’ex-patron des services de renseignement, le général Toufik, provoquent la colère du défunt Gaïd Salah et sonnent le glas d’une guerre sans merci contre tous ses détracteurs.
Il présente ces réunions comme «un complot» contre son autorité et celle de l’Etat. Mais avant, il limoge le coordinateur des services de renseignement militaire (sécurité intérieure, extérieure et technique), le général-major Bachir Tartag, rattache ses structures à l’état-major de l’Anp, puis nomme le jeune colonel Bob (Boubekeur) à la tête de la DCSA (Direction centrale de la sécurité de l’armée).
Il ramène le général Wassini Bouazza, qui chapeautait depuis de longues années la direction des infrastructures militaires, et l’installe à la tête de la sécurité intérieure. Si la nomination du colonel Bob chargé des enquêtes sur les oligarques liés au frère du Président déchu a été bien reçue, celle de Bouazza a surpris beaucoup d’officiers, qui voyaient en lui un intrus dans le monde du renseignement.
Les investigations du tout nouveau chef de la DCSA vont lever de véritables lièvres. Une grande partie des colossaux fonds destinés à la campagne électorale pour le 5e mandat a été récupérée. Homme de confiance de Gaïd Salah, le colonel commence à faire de l’ombre à Wassini.
Ses enquêtes menacent aussi bien le tout nouveau patron de la sécurité intérieure, mais aussi le général Belksir, dont l’enrichissement illicite n’est plus un secret. L’incarcération du colonel Zaghdoudi, chef de la brigade de recherche de Bab J’did, à Alger, bras droit de Belksir, par les éléments de la DCSA pour une affaire de «trafic d’influence» liée à certains hommes d’affaires était la menace de trop.
Le duo Belksir-Bouazza s’allie pour mettre l’équipe du colonel Bob «hors d’état de nuire». Il monte un dossier de prétendus «chantages» que le jeune officier aurait exercés sur des hommes d’affaires en contrepartie d’argent, et le dépose sur le bureau de Gaïd Salah.
Le chef de la DCSA est débarqué de son poste, placé en détention avec plusieurs autres officiers et remplacé par le colonel Nabil, l’adjoint du général Bouazza, sur recommandation de ce dernier.
Quelques mois auparavant, les cinq généraux-majors libérés par Bouteflikasont déférés devant le tribunal militaire de Blida. Deux manquent à l’appel.
Lahbib Chentouf et Abderrazak Cherif, qui ont pris la fuite vers l’Europe. Boudjemaâ Boudouaouer, Saïd Bey et Menad Nouba sont placés sous mandat de dépôt. Les événements s’accélèrent. Quelques mois après, Menad est rejoint par son fils, incarcéré pour une affaire à Oran.
Puis, c’est au tour du général-major Cherif Zerrad, patron du tout puissant département emploi et préparation de l’état-major et proche collaborateur de Gaïd Salah, qui est débarqué et incarcéré pour des affairesd’«enrichissement illicite».
Aidé par le général Belksir, Bouazza se charge de contrecarrer la révolution en marche sur les réseaux sociaux par le recours aux «mouches électroniques» et par les arrestations d’activistes du hirak, notamment les porteurs de drapeaux amazighs.
Benouira signe la fin tragique de Belksir et de Bouazza
Mais, les affaires de Belksir, de son épouse présidente de la cour de Tipasa et ses relations très particulières avec l’ex-ministre de la Justice, Tayeb Louh, font couler beaucoup d’encre.
Moins de quatre mois après l’incarcération de son bras droit, il est mis fin à ses fonctions à la tête du commandant de la Gendarmerie nationale et obtient une autorisation – ce qui est unique – de voyager à l’étranger.
Il s’envole vers la France avec sa femme et ses enfants, où il détient des biens immobiliers et de là, il voyage d’un pays à un autre. A la tête de l’état-major de la gendarmerie, le général Abderrahmane Arrar est promu commandant de ce corps de sécurité.
Avec l’aide du directeur des transmissions au ministère de la Défense, conseiller très écouté de Gaïd Salah, le général-major Abdelkader Lachkhem– originaire de Laghouat, très proche de Mohamed Rougab (aussi enfant de Laghouat), secrétaire particulier du Président déchu –, le général Bouazza recommande le tout jeune adjudant Guermit Bounouiraà Gaïd Salah pour gérer le service des écoutes, dépendant directement du cabinet du vice-ministre.
Se sentant au sommet de sa puissance, Bouazza met le pied dans le processus électoral présidentiel, en soutenant le candidat Azzedine Mihoubi. Des directives sont données à de nombreux walis et à des hommes d’affaires pour aider le secrétaire général du RND (par intérim) de gêner l’avancée de son concurrent Abdelmadjid Tebboune.
Après l’installation du nouveau Président, le décès inattendu de Gaïd Salah et la désignation du général Saïd Chengriha comme chef d’état-major de l’Anp par intérim, tout portait à croire que l’Etat parallèle de Bouazza allait s’effondrer.
Il prend les devants en organisant, en mars dernier, la fuite de Benouira à l’étranger, où le général Belksir est déjà installé et ne compte plus revenir.
Les langues commencent à se délier. La nomination du général Abdelghani Rachedi comme adjoint avec de «larges prérogatives» sonne sa fin.
Quelques jours après, il est arrêté, déféré devant le tribunal militaire et placé sous mandat de dépôt. L’enquête sur l’affaire du colonel Bob conclut que ce jeune officier et son équipe ont fait l’objet d’un dossier «monté de toutes pièces» par le général Bouazza, ses collaborateurs et l’ex-patron de la DCSA.
Le colonel Bob est libéré puis réhabilité avec la dizaine d’officiers en détention avec lui. Proche collaborateur de Wassini, le colonel Nabil (entre-temps devenu général), chef de la DCSA, et le responsable du service judiciaire sont également placés sous mandat de dépôt.
Arrêté par les autorités turques et livré à l’Algérie, le jeune adjudant Bounouiralève le voile sur sa fuite «organisée» et les réseaux qui l’ont aidé aussi bien en Algérie qu’à l’étranger.
Des liens avérés avec le réseau de Zitout, notamment son frère installé en Turquie, et d’autres militaires établis en Europe et faisant l’objet de mandats d’arrêt internationaux sont évoqués par l’ex-fugitif. De nombreux noms d’officiers de la gendarmerie, de la sécurité intérieure et du ministère de la Défense y sont mêlés.
Quelques jours auparavant, et moins d’un mois après sa promotion au grade de général-major, en juillet dernier, le successeur de Belksir, le général Abderrahmane Arrar, est limogé.
Son nom figure désormais sur la liste des personnes interdites de quitter le territoire national, alors que le général Belksir, n’ayant pas répondu aux deux convocations de la justice, fait désormais l’objet d’un mandat d’arrêt international pour «haute trahison».
Mis à l’écart depuis deux mois, le général-major Abdelkader Lachkhem est débarqué de son poste de directeur des transmissions, et ce n’est que ces jours-ci que le nom de son successeur, le général-major Farid Bendjerit, a été annoncé.
En deux ans, trois commandants de la Gendarmerie nationale ont connu une fin peu honorable. Il en est de même pour les services de renseignement.
Les nouvelles équipes qui ont pris le relais auront du mal à rétablir ce qui a été perverti durant cette courte période où des pouvoirs exceptionnels ont été donnés à des officiers qui agissaient en électrons libres, sans aucun contrôle ou contre-pouvoir. Les dommages collatéraux sont très lourds.
Faire revenir chaque institution à sa véritable mission constitutionnelle est très difficile et prendra certainement beaucoup de temps.
Les luttes au sein du pouvoir algérien ont des racines historiques profondes. Dans un enchaînement de cycles couvrant la période qui va de la préparation du soulèvement du 1er novembre 1954 à la Révolution du 22 février 2019, avec en toile de fond des positions antagoniques sur des questions d’orientation idéologique, de choix stratégiques et d’hommes, ces luttes opposèrent les révolutionnaires de l’OS et du groupe des 22 aux militants légalistes du MTLD avant le 1er novembre 1954 ; les principaux chefs de l’insurrection à la direction élue par le congrès de la Soummam en 1956 ; les «militants en uniforme» de l’État-major Général de l’ALN au GPRA en 1961-1962 ; le ministre de la défense nationale, le colonel Houari Boumediène au Président de la République Ahmed Ben Bella, en 1965, le Haut Commandement de l’ANP au Président Chadli Bendjedid, après la suspension du processus électoral de 1991 ; et, enfin, le Président Bouteflika à une partie, puis à l’ensemble de l’Armée dirigée par le Général de Corps d’Armée, feu Ahmed Gaïd Salah, en 2019.
Avec « Le système politique algérien : formation et évolution (1954-2020) », Babr’Eddine Mili achève sa «trilogie politique» en dressant un état des lieux du pouvoir d’État, et propose de nouvelles pistes de lecture et de nouveaux éclairages de nature à mieux comprendre sa genèse, jusqu’à sa faillite le 22 février 2019.
📎"Les forces en présence – Pouvoir d’État et Mouvement populaire – pourront-elles, par une miraculeuse transgression des postulats de la géométrie, transformer les parallèles sur lesquelles elles évoluent, en ce moment, en diagonales qui se croisent pour imaginer une ère où plus rien ne sera comme avant ?...
L’échec d’une dynamique de convergence, encore introuvable, risquerait d’entraîner un grand gâchis. L’Algérie ne mérite pas que le réveil politique de son peuple finisse dans un cul de sac…"
Babr’Eddine Mili
📎Essayiste et romancier, Babr’Eddine Mili a fait partie de la première promotion de l’Université de l’Algérie indépendante où il suivit des études de Droit, en Sciences Politiques et en Sociologie. Cadre militant d’organisations estudiantines et syndicales, il occupa plusieurs postes de responsabilité au sein des médias et de l’État.
Préambule
Dans la violente offensive lancée en 2013 par Amar Saïdani, le Secrétaire Général du parti du FLN, contre le Chef du département renseignement et sécurité (DRS), le général de corps d’armée Mohamed Mediène, suspecté d’être derrière les révélations sur les scandales de corruption du proche entourage présidentiel et d’être rétif à l’idée de voir le Président Abdelaziz Bouteflika briguer un 4è mandat – on saura ce qu’il adviendra de l’un et de l’autre au printemps de 2019 –, l’argument massue qui revenait en boucle dans le discours officiel justifiant cet affrontement était la nécessité « impérieuse » qu’il y avait à instaurer, « enfin », un « État civil » en Algérie.
Cet État était appelé, d’après les projections esquissées par ses promoteurs, à rompre avec la prépondérance conservée par les militaires dans les institutions dirigeantes, après janvier 1992.
Le débat ouvert, dans un climat d’extrême tension, autour de cet enjeu, très disputé, devait – à son terme – décider qui, du Président de la République ou du chef du DRS, était le véritable détenteur de la prééminence suprême dans la direction des affaires du pays.
Le conflit se termina par le limogeage de ce dernier sans que rien ne soit venu ultérieurement confirmer la volonté des vainqueurs de l’épreuve de force – le Président appuyé par Ahmed Gaïd Salah, le Chef d’État-major de l’ANP – de réunir les conditions de l’émergence effective de l’État promis ; la révision constitutionnelle de 2016 n’ayant apporté aucun élément de droit, abondant dans ce sens, qui lui eut conféré de la consistance et du crédit, à part quelques réaménagements de pure forme relatifs à la justice, à la saisine du Conseil Constitutionnel et à la surveillance des élections.
L’unique enseignement fourni par le dénouement de ce qui s’avéra une opération de recentrage de la source de décision qui profita, du reste, autant à la Présidence qu’à l’institution militaire – mise davantage en cohésion au niveau de sa hiérarchie – fut de rappeler que ce clash ressemblait à tous ceux qui l’avaient précédé. Et comme eux, il n’allait à ce stade rien changer à la loi d’airain d’un rapport de force vieux de plusieurs décennies jalonnées par des crises à répétition qui mirent aux prises les civils et les militaires, l’une des constantes indiscutables de l’Histoire contemporaine de l’Algérie pré et postindépendance.
1. Une histoire très ancienne
Les luttes entre ces deux ailes du pouvoir algérien ont des racines historiques profondes.
Dans un enchainement de cycles fortement déstabilisateurs et couvrant la période qui va de la préparation du soulèvement du 1er Novembre 1954 à la Révolution du 22 février 2019, avec en toile de fond des positions antagoniques sur des questions d’orientation idéologique, de choix stratégiques et d’hommes, ces luttes opposèrent :
– les révolutionnaires de l’OS (Organisation Spéciale) et du groupe des 22 aux militants légalistes du MTLD avant le 1er Novembre 1954 ;
– Les principaux chefs de l’insurrection à la direction élue par le congrès de la Soummam en 1956 ;
– Les « militants en uniforme » de l’EMG (État-major Général de l’ALN) au GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) en 1961-1962 ;
– Le ministre de la défense nationale, le colonel Houari Boumediène au Président de la République Ahmed Ben Bella, en 1965 ;
– Le Haut Commandement de l’ANP au Président Chadli Bendjedid, après la suspension du processus électoral de 1991 ; un acte dénoncé par Abdelhamid Mehri, alors Secrétaire Général du parti du FLN, futur cosignataire de la Plate-forme de San’t Egidio, qui transgressa de façon spectaculaire les protocoles en usage au sein de « la Maison de l’Obéissance » ;
– Et, enfin, le Président Bouteflika à une partie, puis à l’ensemble de l’Armée dirigée par le Général de Corps d’Armée Ahmed Gaïd Salah, vice ministre de la Défense, Chef d’État-major, décédé en décembre 2019.
Avant de commencer à charrier, dans leur prolongement, des rivalités claniques et régionalistes et des ambitions personnelles, ces luttes tournaient durant la phase prérévolutionnaire autour d’idées politiques exprimées et défendues avec une certaine conviction.
De proclamation en révision, de contestation en redressement, elles prirent un autre sens dans les phases qui suivirent, et eurent pour motivation principale la volonté des premiers chefs de la Révolution de conserver en exclusivité la direction du FLN originel, au motif d’en préserver « la pureté », opposés aux « ralliés », leurs « compagnons de route » du Mouvement national – centralistes, udmistes, ulémistes et communistes – à chaque fois qu’ils les soupçonnaient d’ambitionner de partager le pouvoir, dans une position autrement que subalterne, ou de tenter de le « confisquer » à leur seul avantage, pour le dévier de son sens initial.
C’est sans doute la première signification qu’il conviendrait de donner à ces rapports conflictuels qui ont durablement marqué l’ensemble des stations du mouvement révolutionnaire et de l’État algérien restauré : de la création de l’OS et du CRUA aux évènements qui caractérisèrent, dans les conditions que l’on sait, la reconquête de la souveraineté nationale en 1962, en passant par le Congrès de la Soummam de 1956 – rectifié par la session du CNRA tenue au Caire en 1957 – le conclave des colonels réuni dans la capitale égyptienne en 1959, et le congrès de Tripoli convoqué et suspendu en 1962, dans la désunion et la confusion les plus totales.
2. Aux sources de la discorde
Afin de comprendre les ressorts de cette substitution – rampante puis brutale – du pouvoir des « militants en uniforme » au pouvoir des « militants civils », que certains acteurs mémorialistes ont voulu expliquer par la prévalence du terrain et par la nécessité de rectifier les déviations, il faudrait la rattacher à l’évolution, en dents de scie, qui fut celle du FLN du 1er Novembre jusqu’au congrès de Tripoli.
Dès sa création le 10 Octobre 1954, suivie de celle de l’ALN, intervenue quelques jours plus tard et signée par les mêmes chefs, le FLN connut une évolution ascendante illustrée, durant trois années, par une parfaite osmose entre les révolutionnaires politiques et les militaires, solidairement unis dans ce qu’on avait appelé « le nidham », l’Organisation fondée sur un consensus sans failles autour du contenu de la Proclamation.
Le Front se distingua au cours de cette période faste par une unité de pensée et d’action incontestée, malgré l’éparpillement territorial de ses forces et la faiblesse de ses moyens logistiques, avant de la voir s’étioler à l’amorce d’une courbe descendante qui donna à la fin des années 50 le coup d’envoi au dessaisissement d’une partie essentielle de ses prérogatives au profit d’une ALN transfigurée par son arrière – l’armée des frontières dérivée de la fusion des EMG Est et Ouest – qui, une fois bien installée, en 1960, étala ouvertement ses prétentions politiques hégémoniques.
L’équilibre entre les deux pôles de la Révolution était rompu, et les ingrédients explosifs d’une crise annonciatrice d’un nouvel ordre en marche réunis et mis en action au cours de l’été 62.
Les raisons qui expliquent cette évolution atypique sont à chercher, d’abord dans les différences de vision entre les principaux courants composant le Front, sur les questions de l’État à venir et de l’identité idéologique et patronymique des forces et des hommes candidatés pour le diriger, et dans d’autres, sous-jacentes, dont il faut tenir compte dans une analyse des éléments de fond éclairant, à posteriori, la perte de vitesse enregistrée par le FLN après le congrès de la Soummam, imputable à deux données sociologiques et politiques déterminantes :
– La première a trait à la place minoritaire occupée dans la société, et donc dans le FLN, par les élites qui n’ont pas pu dépasser les écarts existant entre leurs matrices sociales hétérogènes ainsi qu’entre leurs itinéraires formateurs – traditionnalistes/arabophones et modernistes/francophones – un écueil qui leur fit accepter, avec quelque résignation, la prise du commandement de la Révolution par la paysannerie, colonne vertébrale de l’ALN et classe qui a le plus pâti de la politique coloniale, d’autant que ces élites se sont vu reprocher d’avoir rejoint tardivement l’insurrection ;
– Le second élément qui joua dans l’enclenchement de ce processus est la mobilisation de ces élites dans la seule gestion diplomatique, doctrinale et administrative de la Révolution, qui les éloigna (physiquement) du centre de l’action militaire, surtout après la décision du CCE (Comité de Coordination et d’Exécution) de quitter Alger pour siéger à Tunis.
Le plus clair de l’encadrement supérieur du FLN fut versé dans l’action internationale et dans la rédaction des textes structurants du mouvement, des tâches qui l’accaparèrent longtemps sur les tribunes du non-alignement et de l’ONU et, aussi, dans les ministères du Gouvernement provisoire où il travailla à doter la cause nationale de vecteurs de communication – presse écrite et radiodiffusion – et à fournir au début de 1962, dans une position de porteur d’eau au service du triumvirat plutôt que de décideur autonome, aussi bien les dossiers que les effectifs d’experts de la délégation dépêchée à Évian pour négocier la fin de la guerre.
Acté au congrès de Tripoli, l’isolement définitif des élites civiles s’explique en effet par la distance qu’elles ont prise avec le champ de bataille militaire, entièrement contrôlé par les katibate de l’ALN, dont les chefs décidaient de tout – recrutement, logistique, collecte de fonds – empiétant sur les territoires des commissaires politiques et des moussabiline de l’organisation civile du FLN, placés de facto sous l’autorité des États-majors des wilayas, lesquels commençaient à se méfier de la Délégation extérieure jugée laxiste, surtout par rapport à ce qui allait devenir la pierre d’achoppement principale entre les deux parties : la difficulté des responsables installés au Caire et à Tunis à approvisionner le maquis en armes.
La marginalisation des politiques à une étape aussi cruciale de l’insurrection constitue au regard de l’Histoire des Révolutions un cas assez singulier pour ne pas être souligné, si l’on devait le comparer avec ceux des révolutions soviétique, chinoise, vietnamienne ou cubaine, dirigées – même si elles n’avaient pas été toutes anticoloniales – par des partis qui avaient fait respecter le principe de la subordination des militaires à la hiérarchie civile jusqu’à la victoire finale, et plus loin encore.
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Chapitre I : Le FLN et l’Armée de Libération Nationale [ALN]
I. Du 1er Novembre 1954 au 20 Août 1956
De sa création, sous cette appellation œcuménique, à sa transformation en parti au 4è congrès réuni en 1979, le FLN muta à quatre reprises. En vingt cinq ans, il passa du statut de Front révolutionnaire, au faîte de sa gloire qui fut le sien entre 1954 et 1956, à celui de Front explosé en 1962, entre groupe de Tlemcen et groupe de Tizi Ouzou, puis de Front populaire de gauche en 1964, redressé et réduit à la portion congrue d’Exécutif/Appareil en 1965, pour ressusciter en 1979, après le décès du Président Houari Boumediène, dans le costume de Parti/État contrôlé par l’armée et la Haute Administration qui décrétèrent sa déchéance, une fois emporté par la débâcle d’Octobre 1988.
Il cumula, aussi bien pendant la Révolution qu’après l’indépendance, toutes les vicissitudes, des schismes et des mises à mort aux retours « gagnants », préservé, quand même, après 1962, en dépit de ses avanies, comme vitrine, fond de commerce ou machine électorale par les différentes directions du pouvoir d’État qui n’ont à aucun moment rechigné, au nom de leurs intérêts, à utiliser son Histoire, son mythe, sa culture politique et ses chevaux de Troie, toujours aussi « fascinants », selon ses militants, même dans les phases de reflux et de crucification les plus noires qu’il connut.
La séquence qui va de la Proclamation du 1er Novembre 1954 au Programme de Tripoli de juin 1962 fut, pour lui, aussi longue qu’éprouvante, à cause, d’abord de la guerre fratricide que lui livra le MNA à ses débuts, et dont il faudra un jour dresser l’effroyable bilan humain et, dans une autre mesure, à cause de la terrible répression coloniale, avec son hécatombe de morts, de disparitions et d’arrestations et, aussi, ses règlements de comptes internes qui ont lourdement impacté le fonctionnement, le rendement et la stabilité de ses effectifs et de son encadrement.
Il est possible de diviser cette séquence en deux temps forts :
– Le premier correspond à la prédominance des civils, et à sa tête, incarnée par les six, une direction partiellement reconduite, avec des modifications, par le congrès de la Soummam, congrès de l’élargissement et de la synthèse ;
– Le second coïncide avec leur éviction du cercle de la décision par « les militants en uniforme », laquelle fut entièrement consommée par leur mise sous tutelle au congrès de Tripoli, congrès de la double option du parti unique et de la voie de développement socialiste.
A ces étapes succéderont après l’indépendance deux autres, au contenu et aux implications organiques et institutionnelles tout à fait opposées : celle du gouvernement de l’État par le parti et celle, consécutive au « réajustement » du 19 Juin 1965, qui imposa le gouvernement du parti par l’État, en attendant les suivantes qui lui feront subir les misères de son immersion dans le multipartisme, magiquement gommées par un retour en force sous le mandat de Abdelaziz Bouteflika, son Président d’honneur.
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II. De la synthèse de la Soummam aux schismes du Caire et de Tripoli
Évènement capital dans l’Histoire de la jeune Révolution algérienne, le congrès de la Soummam, par les participants qu’il a réuni, les textes qu’il a rédigé, les décisions qu’il a prises et les répercussions politico-militaires qu’il a eu, fut et continue d’être le premier et unique congrès du FLN à avoir été, aussi longtemps et aussi longuement, analysé et commenté, parce qu’il a, d’un avis général, apporté à la problématique de la lutte de libération – dans ses portées politiques et institutionnelles, nationales et internationales – des réponses neuves, audacieuses et adaptées aux exigences du contexte de l’heure et du long terme.
1. Les participants
Les congressistes de la Soummam, pour rappel : Ben M’Hidi, Abane, Krim, Zighout, Bentobbal, Benaouda, Ouamrane, Dehiles…, étaient des dirigeants qui se connaissaient bien, grandis dans le creuset du PPA-MTLD dont ils avaient vécu les moments durs, des massacres du 8 Mai 1945 et de la crise berbériste de 1949 à l’implosion du parti, encore vivaces dans leur conscience.
Venus d’horizons sociaux voisins, ils étaient porteurs de la diversité des cultures et des langues de leur peuple ; mais par-dessus tout, de ses fortes aspirations communes, ils étaient déterminés à transformer les professions de foi théoriques de la Proclamation du 1er Novembre en actes fondateurs d’une nouvelle réalité politique, sociale et morale de l’être national algérien.
Il serait présomptueux de vouloir sonder, rétrospectivement, leurs états d’âme et de chercher à connaître les intentions et les ambitions qu’ils nourrissaient secrètement pour le mouvement ou pour eux-mêmes. De telles informations, si elles avaient été disponibles, auraient bien sûr permis d’éclairer, pour les besoins de la vérité historique, certains aspects des décisions qu’ils avaient prises, les désaccords et les non-dits qui les avaient sans doute entouré.
Ce qui peut cependant être tenu pour certain, c’est que ces hommes, « ni anges ni démons », étaient des pragmatiques dont on aurait pu tout penser sauf qu’ils n’avaient pas les pieds sur terre. Comment, autrement, s’y seraient-ils pris pour énoncer, proposer, débattre et adopter des textes chargés d’autant de cohérence et de sens de la prévision ?
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Chapitre II : Le FLN et l’Armée Nationale Populaire [ANP]
I. Du gouvernement de l’État par le Parti au gouvernement du Parti par l’État
L’édification de l’État algérien indépendant sur un territoire aux frontières géographiques sans précédent et dans le cadre d’une République continuatrice de l’État révolutionnaire post-Soummam et refondatrice de l’État de la Résistance de 1830 occupa de 1962 à 1978 deux tranches de temps dominées par deux conceptions de gouvernement que tout opposait.
La première (1962-1965) fut baptisée gouvernement de l’État par le Parti, et la seconde (1965-1978) peut être qualifiée de gouvernement du Parti par l’État.
1. Le gouvernement de l’État par le Parti
Ce type de gouvernement, que la Charte d’Alger actualisa en 1964 en l’infléchissant d’une façon très prononcée dans le sens voulu par l’aile gauche du parti, n’avait rien à voir avec un choix circonstanciel, il découlait de l’option du parti unique entériné par le Congrès de Tripoli qui avait reconduit, sur ce point précis, l’orientation orthodoxe de la Révolution, conservée intacte malgré les conflits de personnes qui l’avaient longtemps malmené.
Ce ne fut donc pas par hasard que le néo-FLN, né de l’alliance entre « les militants civils » de la vieille souche recomposée et « les militants en uniforme », a été investi à ce congrès – sur la base d’un quorum contesté – de la mission de jeter les premiers jalons de cet État ; et que sa Direction, instruite des postulats relatifs à sa filiation historique, s’interdisit en cet été 1962 de procéder à toute passation de pouvoirs avec l’ex-puissance coloniale, ni directement, avec son représentant officiel – Paul Delouvrier – ni indirectement, avec l’Exécutif provisoire présidé par Me Abderahmane Farès, l’ALN ayant fermement repoussé la proposition de traiter avec le commandement de la Force Locale le déploiement de ses unités sur le territoire national.
Les premières décantations
En prenant de facto le contrôle du pays, au lieu et place du GPRA, ce FLN là, détenteur d’un pouvoir délégué par les militaires, n’avait pas entièrement achevé la mue qu’on lui connaîtra quelques mois plus tard, occupé à apurer rapidement les comptes de l’après-Tripoli et à gérer, avec prudence, les alliances utiles à la demande de l’étape, au gré d’un opportunisme politiquement intéressé. Il commença par se défaire de Mohamed Boudiaf et de Hocine Aït-Ahmed qui contestaient la légitimité de sa Direction, puis des « trois B », traînant le grief d’avoir négocié les Accords d’Évian, à minima, et, enfin, des dirigeants de l’ex-Fédération de France et des chefs des wilayas II et IV, réputés anti-EMG et pro-GPRA.
Une fois le noyau de la Direction « assaini », il passa au deuxième cercle, les ulémistes de Cheikh Bachir El-Ibrahimi et Cheikh Kheireddine, ancien membre influent du CNRA, réduits au silence, précédés par les communistes, interdits d’activités partisanes. Les seuls alliés, provisoirement épargnés par ce délestage, furent les udmistes et leur chef Ferhat Abbas, qui fit partie du groupe de Tlemcen, sans que l’on sache exactement les motifs réels qui l’y poussèrent, mis à part les démêlés qu’il eut avec les « 3B », du temps où il présidait le Gouvernement provisoire.
Cette épuration avait un sens politique, sans doute débattu en interne, qui donnait à penser qu’il exprimait le souhait des pionniers indépendantistes de renouer avec les racines et l’esprit du PPA-MTLD considérés comme le vivier de l’encadrement de leur formation, le plus fidèle et le plus sûr, dont ils auraient besoin, en temps voulu, pour concrétiser leur projet de gouverner l’État par un parti réincarné, débarrassé des « compagnons de route » et des « militants en uniforme » devenus encombrants.
Ces décantations ramèneront au devant de la scène du parti une constellation de dirigeants : Ben Bella, Khider, Ben Alla, Mahsas… anciens membres de la matrice, de quoi légitimer une organisation qui fonctionnera sous cette identité jusqu’à ce qu’elle mute, en décidant de devenir un parti d’avant-garde, le prélude à l’éloignement de Mohamed Khider, Secrétaire général, favorable à une organisation du type parti de masse.
Sous ce nouvel habillage de parti populaire de gauche, qui ne sera accepté qu’après avoir reçu l’onction de la Charte d’Alger, adoptée par un congrès dit de la « Clarification » portant la griffe des marxistes, le FLN se prit à penser sérieusement pouvoir reprendre le leadership, perdu au profit de l’armée, et se réapproprier la totalité du pouvoir en s’en affranchissant.
Ahmed Ben Bella, « Le Frère Militant », leader charismatique, ami de Khroutchev, Nasser, Nehru, Chou-En-Laï, Tito, Castro, N’krumah, Sékou Touré… crut, avec l’appui d’une coalition rassemblant les travailleurs, les paysans, les étudiants, les jeunes, les femmes et leurs syndicats, être en mesure de renverser la tendance du rapport de force Parti-ANP et de remettre en course ce qui restait de l’ancienne aile révolutionnaire du MTLD – parée des couleurs socialistes – dans le processus en cours ; une projection qui aurait pu tenir la route, dans le contexte international ambiant, si le resurgissement des vieux démons de la messalisation de l’exercice du pouvoir ne l’amena à commettre les mêmes erreurs fatales que le leader indépendantiste et à subir le même sort, après s’être enfermé dans la tour d’ivoire d’un culte de la personnalité qui le perdit.
Avant d’en arriver à cette inattendue bifurcation de son Histoire, le FLN s’était fixé trois tâches classées prioritaires : l’élection d’une Assemblée Constituante, la formation d’un gouvernement – chose faite le 29 Septembre 1962 – et la préparation d’un congrès prévu pour le reconstruire, sous le même sigle, dans une configuration élaguée, libérée de la subordination à l’ANP. La réalisation de ces tâches était considérée comme le préalable à toute action visant à mettre en place les fondations de l’État et à sauver un pays où tout revêtait le caractère de l’extrême urgence et de l’absolue nécessité, tant les ravages causés par la guerre avaient généré une situation de besoins à satisfaire toutes affaires cessantes.
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II. Du Parti/État au multipartisme
Le 4è Congrès du FLN, prévu du vivant du Président Boumediene à la fin de 1978, n’eut lieu qu’en janvier 1979, après le décès de celui auquel furent réservées, en présence de nombreux Chefs d’État et de gouvernement étrangers et d’un peuple éploré, de grandioses funérailles mises au point par le Directeur des services de renseignements, Kasdi Merbah, le Chef de la 5è région militaire, Mohamed Benahmed Abdelghani, futur Premier ministre du Président Chadli Bendjedid, et Abdelmadjid Allahoum, Directeur du protocole à la Présidence de la République.
Les forces visibles qui « pesaient » à ce moment-là sur l’échiquier national avaient laissé entendre que les assises du Parti allaient donner lieu, selon les vœux du Président Boumediene nouvellement élu à la tête de la République le 10 décembre 1976, à une véritable « Révolution » dans la gouvernance du pays. Mais personne n’était en mesure de dire en quoi elle consisterait, ni ce qu’elle serait censée devoir ou pouvoir changer.
Les acteurs de la scène politique, aussi bien que les observateurs algériens et étrangers, informés des grincements répétés de la machine économique et sociale, n’ignoraient cependant pas que face aux vents mauvais annoncés par les contre-performances de la Révolution agraire et le désengagement de la bourgeoisie d’État qui ne jouait plus le jeu en s’alliant à la bourgeoisie privée remontée à la surface, le Président comptait bien assainir l’appareil corrompu de l’Administration et de l’Économie où sévissaient ses adversaires les plus coriaces.
L’écho de cette annonce – ni confirmée ni infirmée par une source crédible – n’était amplifié dans l’opinion que par les cercles proches de la coordination du Parti, l’Union nationale de la Jeunesse Algérienne de Mohamed Bourzam et l’Union nationale des paysans algériens de Aïssa Nadjem, auxquelles on avait prêté une envergure disproportionnée par rapport à leur poids politique réel.
Aussi, lorsque les 3.300 congressistes se retrouvèrent installés sur les travées de la Coupole du 05 Juillet – certains scandant des mots d’ordre pro-socialistes – peu nombreux étaient au courant du scénario déjà écrit par les officiers supérieurs de la sécurité militaire, aux termes duquel Chadli Bendjedid avait été désigné candidat à la succession du Président Houari Boumediene à la place de Yahiaoui, Bouteflika et Bencherif qui briguaient les suffrages des huit survivants du Conseil de la Révolution, l’un se prévalant d’un testament que le Président défunt aurait laissé, les autres de leur compagnonnage militaire avec lui.
La surprise des partisans de la rupture avec les anti-socialistes essaimés dans les centres de décision de l’État d’où avait été expulsé, plus tôt, Kaïd Ahmed, opposé à la Révolution agraire, fut totale. Non seulement ils n’eurent pas droit à la « Révolution » qu’ils tenaient pour acquise, mais essuyèrent une défaite qui entama sérieusement, et la solidité du socle du socialisme – option officielle de l’État – et l’assurance de ses dirigeants, à commencer par Mohamed Salah Yahiaoui, invité après l’invalidation de sa candidature à céder le poste qu’il occupait à la tête du Front.
Les résolutions qui en signifièrent en filigrane le rejet furent adoptées à main levée, au pied d’un portrait géant représentant au dessus de la tribune du congrès le Président Houari Boumediene vêtu de son burnous noir et surmonté d’une légende prêtant – en décalage avec la dynamique en marche – le serment de fidélité du Parti à sa personne et à son œuvre.
Élu Secrétaire Général du « Parti du FLN » – la nouvelle appellation du Front – Chadli Bendjedid, commandant de la base de l’Est pendant la Révolution, colonel, chef de la 5è puis de la 2è région militaire après l’indépendance, membre du Conseil de la Révolution de 1965 à 1978, fut choisi par le congrès candidat unique aux élections présidentielles du 7 février 1979 au titre « d’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé ».
Président, il gardera le pouvoir durant le même nombre d’années (13 ans) que son prédécesseur, remplissant trois mandats, le premier (1979/1984), employé à détricoter l’héritage boumediéniste, le second (1984/1988), à restructurer l’économie en prévision d’une libéralisation rappelant l’Infitah du Président égyptien Anouar Essadate, et le dernier (1988/1992), à instaurer le multipartisme, aussitôt dévié de son cours par ses promoteurs comme par ses bénéficiaires, dirigeants du pouvoir d’État et Partis d’opposition confondus.
1. Le FLN, Parti de l’armée
Le FLN, sevré de congrès pendant 14 ans, sort en ce mois de janvier 1979 d’une longue traversée du désert et renoue avec un rendez-vous statutaire qui accouche, contre toute attente, de l’antithèse de « la Révolution » espérée par « les socialistes ». Ce que les « militants en uniforme » n’avaient pas jugé nécessaire d’entreprendre après Tripoli et après le 19 Juin, mettant du champ avec le Parti, séparé théoriquement de l’armée par une cloison hermétique, le Président Chadli Bendjedid le fit admettre.
Autant le Président Houari Boumediene avait dédaigné la direction du Parti – la confiant à des adjoints, Chérif Belkacem, peu rompu à ce genre de fonctions, et Kaïd Ahmed, ex-militant de l’UDMA – parce qu’il estimait ne pas être un politicien, lui le chef militaire, exclusivement dévoué à la construction de l’État, autant le Président Chadli Bendjedid, qui ne s’embarrassait pas trop de la règle établie par son ancien responsable, s’empara, à l’exemple d’Ahmed Ben Bella, du Secrétariat Général du parti, qui lui sembla être le meilleur piédestal pour s’assurer les pleins pouvoirs.
N’étant pas comme Houari Boumediene le chef incontesté de l’ANP, il ne lui avait pas échappé que ses pairs, qui avaient appuyé sa candidature, pensaient qu’étant « Président par défaut » il serait plus maniable et, peut-être même éphémère à une charge qu’il avouera dans ses mémoires n’en avoir jamais voulu.
Cette donnée en mains, il se révéla, à l’expérience, sous un jour inattendu : habile manœuvrier ; derrière des dehors de pater familias, il réussit là où le sérail avait cru pouvoir limiter son rayon d’action. Il prit celui-ci de vitesse par un renversement de rôles, qui au final n’avait pas du tout déplu. Il fit entrer au Bureau politique et au Comité Central, dès le congrès de 1979, tous les cadres dirigeants de l’armée, une tendance confirmée au congrès extraordinaire et au 5ème congrès qu’il convoqua pour neutraliser durablement ses adversaires et asseoir un pouvoir dont il se servit pour amorcer un virage surprenant dans le gouvernement du Pouvoir d’État.
Durant une décennie, jusqu’au retrait de l’institution militaire de la gestion politique du pays en 1989, siégèrent, majoritairement, aux plus hautes instances du FLN, les officiers supérieurs, certains élevés plus tard au grade de général : Belhouchet, Belkheir, Kasdi Merbah, Abdelghani, Guenaïzia, Gheziel, Zerguini, Benyellès, Chelloufi, Hadjerès, Alleg, Latrèche, Lakhal Ayat, Lamari, Nezzar, Touati, Belloucif, Hamrouche, Abdelhamid Brahimi, Larbi Si Lahcène, Salim Saâdi, Rouis… aux côtés des civils : Mehri, Taleb, Benyahia, Belaïd Abdeslam, Boualem Benhamouda, Lakhdiri, Hadj Yala, Benhabylès, Rahal, Messaoudi Zitouni, Bessaïeh, Goudjil, Bouhadja, Chibout, Ghozali, Bouhara, Djeghaba, Belkacem et Mohamed Nabi, Bouzbid…, et d’une nouvelle vague de responsables, recrutés dans les courants conservateurs de la politique et des organisations de masse : Belkhadem, Benmohamed, Othmane Saâdi, Kharoubi, Djilali Afane Guezzane, Mostefa Hachemaoui, Larbi Zoubeïri, Mohamed Abada, Larbi Ould Khelifa, Hasbellaoui, Baki, Gherieb… cohabitant, pour faire équilibre, avec les syndicalistes : Mouloud Oumeziane, Abdellah Demène Debbih, Tayeb Belakhdar… et des militants et militantes formés dans les structures de base du parti et des organisations des paysans, des jeunes et des femmes : Ali Amar, Ghazali, Belayat, Bounekraf, Benfreha, Alioui, Z’hor Ounissi, Leïla Tayeb, Fatma Laoufi, Hamdadou, Cheriet, Hama Chouchane, Bachir Khaldoun, Bourzam, Bouchama, Laroussi… et de nouveaux arrivants, technocrates : Abdelhak Brerehi, Abdelaziz Khellaf, Mohamed Rouighi, Driss El-Djazaïri, Ahmed Metatla, Mourad Medelci…
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Chapitre III : La scission du FLN et l’avènement du RND
1. Le RND, « l’alternative néo-nationaliste »
Le Rassemblement National Démocratique (RND) fut, le 21 février 1997, l’un des derniers partis à recevoir son agrément, à l’antépénultième phase de l’ouverture politique de 1989. A peine entré en activité, il remporte les élections législatives organisées en juin de la même année par Liamine Zeroual, confortablement élu à la Présidence de la République, deux ans auparavant.
La rapidité avec laquelle le montage du Parti fut finalisé et le caractère miraculeux de la victoire (156 sièges sur 350) qui lui remit les clefs de l’Exécutif, alors que ses militants finissaient tout juste de quitter le FLN, jetèrent le trouble au sein de l’opinion et de la classe politique et firent douter de la régularité du scrutin.
Cette suspicion qui n’en finit pas de coller à la réputation du RND fit passer au second plan la question de sa gestation, dans le temps où il était aussi important de chercher, à savoir où il a pris racine, pourquoi il a été constitué, et en quoi il aurait été « le Parti de l’alternative néo-nationaliste », l’enseigne sous laquelle ses premiers co-promoteurs l’étrennèrent.
Les antécédents historiques
L’évènement en soi n’aurait pas prêté à conséquence s’il n’avait pas concerné le Parti artisan de l’indépendance nationale, victime d’un parricide, d’après ses militants restés fidèles, une des causes du profond ressentiment nourri à l’égard des auteurs de ce « coup de force ».
Plusieurs antécédents analogues enregistrés par l’Histoire des partis algériens, pré et post-indépendance, et également de partis maghrébins, s’étant soldés, pour les uns, par la disparition de la souche-mère et, pour d’autres, par la cohabitation entre l’ancienne et ses dérivées, confirment qu’effectivement de tels « accidents » survenus dans la vie organique de formations partisanes ne devraient être pris que pour ce qu’ils sont et signifient dans le contexte politico-social qui les vit surgir.
– De l’éclatement du MTLD, par exemple, aux congrès d’Hornu et d’Alger en 1954, aucun résidu de la formation génitrice ne subsista et personne n’en entendit parler, autrement que comme d’un fait d’Histoire.
– Après l’indépendance, le Parti Communiste Algérien, interdit, se disloqua, remplacé par plusieurs succédanés (PAGS, Ettahadi, MDS, PLD et PLDS) qui déclarèrent tous être les légataires exclusifs de son patrimoine historique.
– L’interdiction du FIS s’accompagna de la mise en service d’une demi-douzaine de fausses répliques formatées pour ne pas pouvoir en reconstituer le génome, et celles qui s’y essayèrent collectionnèrent des redressements en série dont elles traînent encore les effets.
– Au Maghreb, plusieurs partis eurent à vivre, avant et après l’indépendance, des expériences de divorce quasi-identiques.
– En Tunisie, le Néo-Destour, prit en 1934 la relève du Destour de Abdelaziz Thaâlbi, sous l’impulsion de Habib Bourguiba, décidé à recourir à la violence armée pour libérer le pays, puis à ouvrir le dialogue avec l’Administration du Protectorat que la bourgeoisie tunisienne recommandait dans sa recherche d’un compromis sur une indépendance par étapes.
Le Néo-Destour qui embrassa le socialisme en 1964, sous le nom de Parti Socialiste Destourien, s’effaça à son tour en 1988 devant le Rassemblement Constitutionnel Démocratique du Président Zine El-Abidine Ben Ali, lequel fut dissous par la Révolution de 2011, laissant le champ libre à Nidaâ Tounès du Président Béji Caïd Essebsi, lui-même éclaté entre plusieurs tendances : Tahya Tounès de Youcef Chahed et Qalb Tounès de Nabil Karoui, les deux candidats malheureux à l’élection présidentielle de septembre 2019.
– Au Maroc, l’Union Nationale des Forces Populaires (UNFP) quitte, en 1959, le Parti de l’Istiqlal de Allal El-Fassi, à l’initiative de Mehdi Ben Barka, leader de son aile gauche, une aile qui se muera au nom du socialisme et de la démocratie en Union Socialiste des Forces Populaires (USFP), prise en mains par Abderahim Bouabid, un de ses chefs historiques anti-Makhzen.
On voit bien, à ces quelques exemples illustratifs des convulsions qui peuvent affecter la vie organique des partis arrivés à la croisée des itinéraires des forces qui les composent, du fait de mutations sociologiques, de conflits idéologiques et de stratégies de pouvoir, que l’apparition du RND dans le champ politique algérien n’avait rien d’exceptionnel.
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2. Le RND, de l’éradication à la réconciliation nationale et du « patriotisme économique au « néo-libéralisme »
Jamais dans l’Histoire de l’Algérie indépendante, des formations politiques dirigeantes n’ont personnifié autant que le FLN et le RND la lente érosion du caractère national, populaire et social de l’État. Le RND prit une part importante dans cette régression incarnée par les gouvernements qu’il présida de 1997 à 2019, lesquels furent accusés par Abdelhak Benhamouda, avant son assassinat, d’avoir été infiltrés par les « harkis ».
L’orientation que son chef Ahmed Ouyahia avait retenue, à sa première nomination par le Président Zeroual, différait de celle des gouvernements de Belaïd Abdeslam et Redha Malek, qui s’étaient attaqué aux causes de la banqueroute du pays, l’un par un programme « d’économie de guerre » avorté par les lobbies pro-français, l’autre par la négociation avec les créanciers de l’Algérie sabordé par les holdings financiers internationaux.
Le Président Liamine Zeroual était arrivé au pouvoir avec deux promesses : vaincre le terrorisme et relancer l’économie. Il s’attela à réduire l’islamisme armé en s’appuyant sur l’ANP et la résistance populaire, et à ramener la paix en définissant les principes et les modalités dans la loi sur la « Rahma » qui exclu tout compromis avec « les mercenaires, les traitres et les criminels aux mains tâchées de sang ». Il comptait également enclencher rapidement le redémarrage de l’économie, considéré comme la condition du tarissement des sources du terrorisme et de la reconstruction de la cohésion sociale.
Le RND, dont on se rappelle à quelles visées sa création avait obéi, s’appropria ces deux objectifs soumis à une lecture éradicatrice. Il en assortit l’application, entre 1995 et 1999, de justifications politico-sécuritaires qui s’efforcèrent de faire accepter la fatalité de l’éradication puis, brusquement, en prit le contrepied après l’adoption de la loi sur la réconciliation nationale du Président Bouteflika, à laquelle il apporta ses suffrages, revirement que le parti transforma en constante qui le fit surfer, à partir de là, et selon les circonstances, d’une vague à l’autre, à propos de plusieurs autres questions.
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Chapitre IV : Le retour « gagnant » du FLN (1999/2019)
1. Une réhabilitation au forceps
A la fin de cette année 1998, le parti du FLN se relevait péniblement de la scission qui le frappa. Tous les signaux de son tableau de bord avaient viré au rouge : la plupart de ses cadres, et une bonne partie de sa base, avaient été aspirés par le RND. Les soutiens dont il bénéficiait de la part du pouvoir réel lui furent retirés, et ses bassins traditionnels au sein de l’Administration se tarirent. Associée à des scores électoraux défavorables, cette mise en quarantaine l’avait désespéré d’une possible résurrection dont il voyait mal d’où elle viendrait.
La démission du Président Liamine Zeroual et l’entrée en lice de Abdelaziz Bouteflika le réveillèrent, brutalement, de sa prostration. L’occasion était trop belle pour être ratée. Il se souvint avoir été le parti de l’ancien ministre des affaires étrangères bien qu’il l’ait exclu, en 1980, de son Comité central. Il voulait malgré tout y croire en s’accrochant à l’espoir que représentait la nomination à la direction de campagne du candidat de Ali Benflis, un de ses rares anciens ministres à lui être resté fidèle. Il lui déclara aussitôt allégeance, en attendant une réaction favorable.
Son retour « gagnant » lui parut dépendre d’une seule probabilité : que s’opère une jonction miraculeuse entre son impatience à prendre sa revanche contre les auteurs de sa descente aux enfers et une meilleure disposition, à son égard, du futur Président dont il connaissait les analyses sur la crise de 1991 et les réserves sur le RND qu’il avait réprouvé en raison de « ses liens » avec les services de renseignements.
2. Les enjeux
Malgré son ressentiment, Bouteflika Président avait besoin du FLN en prévision d’un face-à-face avec l’armée qu’il savait inéluctable à une échéance plus ou moins lointaine. Il lui fallait avoir sous la main un appareil politique en mesure, le moment venu, de lui prêter main forte, à la condition qu’il fut réhabilité et domestiqué.
Le FLN n’était pas au mieux de sa forme et devait être remis en état, et au plus vite. Aussi, la première tâche qu’il s’assigna fut de stopper l’hémorragie qui l’avait vidée de ses effectifs. Il en ouvrit les portes aux membres des comités de soutien qui animèrent sa campagne avec Amar Saïdani, un syndicaliste qui fera bientôt une irruption fracassante sur la scène politique et institutionnelle.
Comme il savait y faire pour arriver à ses fins, il nomma Mohamed Chérif Messaâdia à la Présidence du Conseil de la Nation, en remplacement de Bachir Boumaza, et porta au secrétariat général du Comité central son ancien Directeur de cabinet à la Présidence, Ali Benflis, après l’avoir nommé, en août 2000, suite à la démission d’Ahmed Benbitour, à la charge de la chefferie d’un gouvernement où il fit entrer de nouvelles figures : Karim Younès, Abdelmadjid Attar, Zineddine Youbi, Boutheïna Cheriet, Fatiha Mentouri et Abdelkader Sellat qui siégèrent aux côtés de ses fidèles : Noureddine Yazid Zerhouni, Abdelaziz Belkhadem, Abdelatif Benachenhou, Chakib Khelil, Mourad Medelci, Djamel Ould Abbas, Tayeb Belaïz, Abdelkader Messahel, Tayeb Louh, Dahou Ould Kablia recrutés dans l’Ouest algérien, sa région d’origine, comme ses conseillers Abdelatif Rahal et Boualem Bessaïeh.
Les choses ainsi agencées se présentèrent pour le parti du FLN sous de meilleures auspices. Mises en phase avec les intentions déclarées du nouveau Président, elles débouchèrent sur la remodulation progressive des rapports de forces entre le FLN et le RND réinsérés, en compagnie du MSP, dans la même Alliance, en service du temps de l’ex-Président Zeroual.
Le plan d’attaque sembla avoir été parfaitement mis au point. Le Président tenait enfin le volant qui allait l’aider à exécuter une feuille de route réduite à un seul point : entamer, mieux armé, une longue guerre d’usure contre l’institution militaire, le FLN ayant regagné son ancien rang de leader à la faveur des élections législatives de 2002 qui déclassèrent le RND. Dans cette combinaison qu’il avait assez habilement conçu, du point de vue tactique, une seule chose lui manqua : une bonne connaissance de la psychologie des hommes qui l’entouraient.
A défaut d’avoir fait montre de cette qualité, Bouteflika vit s’écrouler à ses pieds le laborieux échafaudage qu’il crut avoir réussi à monter. Le parti lui fit faux bond, en présentant contre lui Ali Benflis à une présidentielle censée avoir été préparée pour lui dérouler le tapis rouge d’un second mandat qui coulait de source. On sut que le parti avait agi ainsi à « l’invitation » du général de corps d’armée, chef d’État-major de l’ANP, Mohamed Lamari, opposé à la réélection d’un Président qui ne dut son repêchage, à la dernière minute, qu’à la caution du général Mohamed Mediène et à « la justice de nuit », qui invalida l’investiture accordée par le parti à son candidat.
Cette première manche, qui opposa la Présidence à l’ANP pour le contrôle d’un parti qui hésitait entre deux tutelles, se termina sur un score de parité. En dépit de son habilité tactique, le Président n’était pas parvenu à faire admettre totalement son autorité au parti et l’ANP, divisée au sommet, qui échoua à remettre sous sa coupe une formation qu’elle avait pourtant fait imploser et qui était revenue sous les feux de la rampe pour se venger d’elle, avec l’aide intéressée d’un Président ambitieux et retors.
[…]
Chapitre V : Les limites historiques d’une gouvernance sous tutelle
Arrivée à son terme, cette étude qui s’est fixée pour but d’identifier les véritables acteurs et de reconstituer les processus de production de la décision politique au sein du système algérien, s’est employée à cerner la part de réalité et la part de fiction du pouvoir dont le FLN et son clone le RND sont supposés avoir été ou être détenteurs sous l’autorité, ou non, de l’Institution militaire.
L’analyse portant essentiellement sur le parcours et les relations du FLN avec l’ALN, puis avec l’ANP, et menée sur une période de 65 années, a montré, en réponse à l’hypothèse de travail posée, que la Révolution et l’État se sont bel et bien organisées et construits dans le contexte des luttes que « les militants civils » et « les militants en uniforme » se sont cycliquement livrées, jusqu’à ce que l’Institution militaire finisse par faire reconnaître son hégémonie pleine et entière.
Il a été en même temps établi, en remontant le cours des décantations intervenues dans le mouvement indépendantiste, que ces luttes portèrent la marque des divergences entre les légalistes du MTLD et les révolutionnaires de l’OS sur les voies et moyens de libérer le pays du colonialisme et, par extension, sur ceux relatifs à la construction de l’État national post indépendance.
1. Causes et conséquences de l’ascendant pris par l’armée sur le FLN
Ce n’est qu’après que le FLN se fut constitué en rassemblement des forces acquises à l’engagement militaire que ces luttes s’exacerbèrent, ainsi qu’on l’a vu, sous l’effet de l’élargissement de la base sociale et politique de la Révolution posant la question de savoir, face à la multiplication des prétendants à sa direction, quelle était la force la plus « légitime » à en assurer le commandement.
La paysannerie, principale base de recrutement de l’ALN, fit valoir son leadership en arguant de sa position de classe, qui a le plus longtemps résisté à la conquête coloniale et payé le plus lourd tribut à l’occupation, écartant de toute responsabilité centrale ses « compagnons de route », soumis à partir de 1959 à un examen probatoire perpétuel.
L’ascendant pris par l’ALN sur les « militants civils », aussi bien fondateurs que ralliés, créera à l’intérieur du mouvement insurrectionnel un rapport de forces irréversible qui investira l’Armée dans le rôle de gardien de la Révolution et, après l’indépendance, de tuteur de l’État qu’elle dirigera, directement ou par procuration, après en avoir jeté les fondations, le dotant, à chaque étape de son développement, de référents idéologiques et politiques conformes à sa conception messianique du Pouvoir.
Aussi, le statut et les fonctions qui furent assignés au FLN dans les régimes d’après 1962 le continrent dans les limites d’un simple appareil d’approbation et d’ampliation des directives politiques arrêtées par les décideurs de l’Armée.
[…]
Conclusion : Le mouvement du 22 février : le peuple, l’armée et la nouvelle république
Le Mouvement du 22 février – trans-classes, trans-partis et trans-générations –, né de l’élan d’un peuple lancé à la reconquête de sa dignité et de son Histoire confisquées, a en quelques semaines complètement ébranlé les fondations du système, en défaisant la coalition politico-financière qui l’avait asservi, occupant la scène politique en tant qu’acteur principal, et accompagné dans un premier temps par l’Armée Nationale Populaire.
1. Le peuple
Le peuple a cessé d’être cette quantité négligeable soumis à la gouvernance sous tutelle où n’étaient concernés que les institutions et les partis du pouvoir d’État et, accessoirement, l’opposition.
En une année, sa Révolution pacifique, qui a refusé d’être baptisée du nom des couleurs et des fleurs des « Printemps » arabes et européens, a abattu plusieurs pans de la forteresse du régime, déchu son chef, récusé ses partis, reporté deux élections présidentielles, et envoyé en prison ses intouchables.
Le frère conseiller de l’ex-Président, l’ancien chef du DRS et son successeur, deux chefs du gouvernement, une vingtaine de ministres, dont celui de la justice, des généraux de l’Armée, le Directeur Général de la Sûreté Nationale, quatre chefs de parti, dont deux du FLN, des sénateurs, des députés, une douzaine d’hommes d’affaires parmi les plus puissants du pays, des walis, des directeurs généraux de banques, des cadres supérieurs de ministères ; au total, une centaine de hiérarques ont été écroués, et pour certains jugés et condamnés à de lourdes peines pour des actes de gestion d’une extrême gravité.
D’un autre côté, près de deux cents hauts responsables centraux et locaux exerçant dans les rangs de l’ANP, des services de sécurité, de la Présidence et des structures gouvernementales ou à la tête d’entreprises stratégiques comme la SONATRACH, ont été démis de leurs fonctions dans une opération de « nettoyage » de l’appareil de l’État d’une envergure sans précédent dans l’Histoire de l’Algérie indépendante.
Inattendu par ses adversaires, qui pensaient avoir cassé ses ressorts, le peuple est revenu à la politique avec une force d’une amplitude et d’une durée qui dépassent de loin celles de ses autres irruptions dans l’Histoire.
Le mouvement auquel le peuple tout entier donna naissance a déclaré ne pas avoir vocation d’être un parti politique. Il ne dispose, en effet, ni d’une organisation ni d’une direction, choisissant d’être une force de pression compacte, fédérée par les réseaux sociaux, charriant toutes les blessures, les humiliations et les frustrations subies de par une gouvernance dont il découvre aujourd’hui, au-delà de ce qu’il pouvait imaginer, la face cachée souillée de crimes épouvantables.
Les mots d’ordre qu’il décline, chaque semaine, dans ses marches, ne se réfèrent ni à un programme ni à des orientations élaborées ; sa revendication unique demeurant la rupture avec le « Système », sous toutes ses formes, et dans tous ses compartiments, de la base au sommet.
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Au lieu de s’abimer dans des opérations de replâtrage, qui ont montré leurs limites, le pouvoir d’État aurait mieux à faire. Il a entre les mains une chance historique de jeter des passerelles en direction de la révolution du peuple, qu’il qualifie de « bénie », et avoir le courage de se remettre en question, en revenant à la source : la souveraineté populaire.
Cela aura, au moins, le mérite de la clarté et facilitera le balisage des nouvelles routes que la révolution a ouvert devant le pays. La marge de manœuvre est très étroite, mais il n’y pas d’autres choix que de s’y engager.
Bien sûr que le départ du système ne saurait s’opérer du jour au lendemain, par la grâce d’un coup de baguette magique, face à des réseaux dormants certes, surpris par l’effet bourrasque du Mouvement populaire qui a décapité les tours maitresses de leurs forteresses, mais encore actifs, résolus à défendre leur survie par tous les moyens.
Le processus de changement profond exige du temps, de l’endurance, de l’audace, un grand sens du sacrifice et la vertu du dialogue, car les pesanteurs sociologiques et les résistances politiques qui entravent l’avancée de la société se nourrissent d’un conservatisme tenace, dont il serait illusoire de croire qu’on pourrait s’en défaire en un tour de main, dans un laps temps très court.
En dépit des manœuvres dilatoires, de la répression et des arrestations, le mouvement populaire maintient la pression pour faire évoluer les rapports de force que les nouvelles autorités semblent être tentées d’établir, en estimant possible de « stabiliser » une situation « dépassable » grâce à des « réformes » dont elles attestent qu’elles atténuent l’acuité de ce qu’elles considèrent toujours comme une crise passagère.
Les forces en présence – Pouvoir d’État et Mouvement populaire – pourront-elles, par une miraculeuse transgression des postulats de la géométrie, transformer les parallèles sur lesquelles elles évoluent, en ce moment, en diagonales qui se croisent pour imaginer une ère où plus rien ne sera comme avant ?
L’échec d’une dynamique de convergence, encore introuvable, risquerait d’entraîner un grand gâchis. L’Algérie ne mérite pas que le réveil politique de son peuple finisse dans un cul de sac…
Le conflit idéologique qui oppose les islamistes et les démocrates en Algérie a connu un certain regain depuis le début des contestations populaires du 22 février 2019. Avant de revenir sur l’historique de ces deux courants et leurs principaux points de divergence, il est important de faire un bref rappel des événements qui ont eu lieu depuis quelques mois.
En effet, depuis le 22 février 2019, plusieurs milliers – voire millions – de personnes manifestent chaque semaine dans plusieurs villes du pays pour réclamer un changement de régime politique. Cet état de fait n’a bien évidemment pas laissé indifférents les islamistes et les démocrates, qui représentent les deux principaux courants politiques dans le pays.
Ainsi, en novembre 2019, Saïd Sadi, l’une des principales figures du courant démocrate, fut pris à partie à Marseille par un homme qui lui reprochait de s’être allié au régime en place en Algérie pendant les années 1990, période caractérisée par une montée des violences terroristes qui feront environs 200.000 morts et des milliards de dollars de dégâts matériels. Cet homme sera présenté plus tard comme étant proche de Rachad, principal mouvement islamiste algérien auquel appartiennent également Mohamed Larbi Zitout et Amir DZ, deux personnalités très en vue sur les réseaux sociaux.
Quelques mois après l’événement de Marseille, Saïd Sadi s’attaquera au même mouvement Rachad, qu’il accuse entre autres de « participer assidûment aux conférences de l’islamisme international en Europe, en Turquie et au Qatar ». Enfin un troisième événement important dans la lutte idéologique opposant les islamistes aux démocrates a eu lieu à la fin du mois de juin 2020. Il s’agit de l’annonce de Saïd Sadi de son intention de saisir la justice contre Mohamed Larbi Zitout et Amir DZ, qui l’avaient accusé de complicité dans l’assassinat du chanteur Kabyle Lounès Matoub survenu le 25 juin 1998.
L’histoire de ces deux courants politiques au sein de l’Algérie indépendante
Au début des années 1980, les courants démocrate et islamiste, qui étaient déjà présents depuis l’indépendance en 1962 commencent à prendre de l’ampleur. Ils œuvrent d’abord dans la clandestinité étant donné que l’Algérie est alors gouvernée par un système de parti unique quelque peu inspiré du modèle soviétique. Leurs terrains d’activité sont les universités et les syndicats pour les démocrates, tandis que les islamistes occupent principalement les mosquées et les écoles.
En 1988, de violentes émeutes éclatent à Alger et dans d’autres régions du pays. Ceci force le président d’alors, Chadli Bendjedid à adopter une nouvelle constitution qui ouvre le champ politique à partir de 1989. De nombreux partis voient alors le jour dont le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), le Front des forces socialistes (FFS) – qui existait depuis 1963, mais n’est agréé qu’en 1989-. Mais aussi et surtout le Front islamique du salut (FIS), parti représentant la branche dure du courant islamiste et prônant l’instauration d’un Etat théocratique régi par la Charia, la loi coranique.
En 1990 sont organisées les premières élections locales depuis l’avènement du multipartisme, qui sont largement remportées par le FIS. Devant cette montée en puissance du parti radical et l’inévitabilité de sa victoire aux élections législatives de 1991, qui lui aurait permis de suspendre la constitution et d’instaurer un Etat islamique, l’armée décide d’intervenir. Le président Chadli Bendjedid est forcé à la démission et la dissolution du FIS est prononcée. Ces événements plongeront l’Algérie dans une période de violences terroristes dont elle ne sortira qu’au début des années 2000.
Une guerre idéologique qui dure depuis plus de 30 ans ?
La principale divergence entre les deux courants concerne le type de régime qui doit gouverner le pays. Alors que les islamistes souhaitent instaurer un Etat théocratique régi par la loi coranique et les préceptes de l’islam, les démocrates militent de leur côté pour la création d’une république laïque grandement inspirée des modèles européens. Autre cette divergence, les deux courants ont également des différends d’ordre historique.
En effet, deux périodes de l’histoire algérienne font l’objet de différences fondamentales entre les courants islamistes et démocrates : la guerre d’indépendance et la décennie noire des années 1990. Concernant la première période, les islamistes voient qu’il s’agit d’un Jihad (guerre sainte) contre une France chrétienne avec pour objectif l’instauration d’un Etat islamique.
Les démocrates sont opposés à cette idée et voient que la guerre d’Algérie est une lutte anticolonialiste, sans rapport avec la religion, et qui avait pour objectif la fondation d’une Algérie moderne, basée sur les principes de la démocratie et de la laïcité.
Concernant la décennie noire, les islamistes nient avoir été responsables des massacres qui ont eu lieu à cette période, ils se défendent notamment en arguant que ceux-ci auraient été perpétrés par les services de renseignement pour les décrédibiliser auprès de la population. Une vision réfutée par les démocrates, qui accusent les islamistes d’avoir pris les armes à la fois dans un objectif de vengeance après la dissolution du FIS, mais également pour punir leurs opposants, dont beaucoup ont été assassinés au cours de cette période.
Les démocrates et les islamistes continuent de s’affronter
De nos jours, les démocrates et les islamistes continuent de s’affronter notamment sur les réseaux sociaux et par le biais de la presse interposée. Des personnalités comme Mohamed Larbi Zitout et Amir DZ, appartiennent tous deux au courant islamiste – se servent entre autres des plateformes Facebook et Youtube – pour la diffusion de leurs idées.
Le dernier développement en date dans cette lutte idéologique, est l’intervention du président du Sénat et ancien combattant de la guerre d’Algérie Salah Goudjil. Celui-ci a affirmé que « le 1er novembre (…) énonce l’édification d’un Etat démocratique, populaire et social dans le respect des principes de l’Islam. Une déclaration qui porte donc un coup aux affirmations des deux camps concernant la guerre d’Algérie, puisque selon Salah Goudjil, cette guerre n’avait pour objectif ni de créer un Etat islamique, ni de fonder une Algérie laïque où la religion musulmane n’aurait pas sa place.
Militaire algérien, chef d'État-Major au sein de l'Armée nationale populaire et vice-ministre de la Défense nationale, devenu la bête noire des manifestants en 2019 à la suite de manifestations de masse contre le régime, il pousse à la démission le président Abdelaziz Bouteflika, dont il était un proche et est à son tour appelé à quitter le pouvoir quelques jours après l'investiture du nouveau président Abdelmadjid Tebboune. Il était le dernier haut responsable à avoir participé à la guerre d’indépendance de l’Algérie.
Ahmed Gaïd Salah, né le 13 janvier 1940 à Aïn Yagout dans l'actuelle wilaya de Batna et mort le 23 décembre 2019, est un officier général de l'armée nationale populaire algérienne. De 2004 à sa mort, il occupe la fonction de chef d'État-Major au sein de l'Armée nationale populaire. À partir de 2013, il est aussi vice-ministre de la Défense nationale. Homme fort du pouvoir algérien devenu la bête noire des manifestants en 2019, à la suite de manifestations de masse contre le régime, il pousse à la démission le président Abdelaziz Bouteflika, dont il était jusqu'ici un proche. Il est à son tour appelé à quitter le pouvoir, dont il a de facto hérité d'une grande partie jusqu'à sa mort le 23 décembre 2019, quelques jours après l'investiture du nouveau président Abdelmadjid Tebboune, élu lors du scrutin contesté de 2019. Il était le dernier haut responsable à avoir participé à la guerre d’indépendance de l’Algérie.
Ahmed Gaïd Salah est né le 13 janvier 1940 (ou 5 ans plus tôt) à Aïn Yagout, dans l'actuelle wilaya de Batna, en Algérie française, dans les Aurès.
Il est maquisard à l'âge de 17 ans dans les rangs de l'ALN et est diplômé de l'Académie militaire d'artillerie Vystrel (URSS).
Son parcours militaire comporte peu de faits d'armes glorieux : en tant que maquisard comme en tant que chef militaire (les régions sous son commandement militaire lors de la lutte contre le terrorisme islamiste sont des zones calmes). Il progresse cependant peu à peu dans la hiérarchie militaire et est considéré comme proche des troupes auxquelles il rend fréquemment visite.
En 1994, pendant la guerre civile, il est nommé commandant des Forces terrestres.
Bouteflika le maintient en 2003 dans ses fonctions de commandant alors qu'il allait être mis à la retraite par le général Lamari. Le 3 août 2004, il est nommé chef d'État-Major de l'armée. Sa nomination au poste de chef d'État-Major par le président Bouteflika vise à remplacer Mohamed Lamari qui possède une forte influence et n'est pas proche de Bouteflika. En 2013, Gaïd Salah est nommé vice-ministre de la Défense, en remplacement d'Abdelmalek Guenaizia.
En accord avec la famille Bouteflika, il fait partie de ceux qui obtiennent en 2015 la mise à la retraite du dirigeant du puissant Département du renseignement et de la sécurité (DRS) Mohamed Mediène. Plus largement, Gaïd Salah supervise la transformation de l'armée, qui était indépendante du pouvoir politique et arbitre du jeu politique, en une armée plus en retrait sur les questions politiques et sous le contrôle du pouvoir politique civil.
Présenté comme un proche de Saïd Bouteflika ou encore comme faisant preuve « d’une fidélité sans faille au président », il a soutenu la réélection d'Abdelaziz Bouteflika en 2014. Avec la maladie de Bouteflika, il devient l'acteur principal du régime et son représentant dans les médias. Il soutient dans un premier temps la candidature à un cinquième mandat du président sortant, avant d'adopter un discours conciliant, annonçant le soutien de l'armée au peuple algérien, dans le contexte de manifestations qui se déroulent en Algérie en 2019.
Son gendre Abdelghani Zaalane est ministre des Transports de mai 2017 à mars 2019. Pendant la crise liée à la candidature d'Abdelaziz Bouteflika en vue de l'élection présidentielle de 2019, Zaalane est nommé début mars directeur de campagne de Bouteflika.
Le 26 mars 2019, Gaïd Salah « suggère » au Conseil constitutionnel de déclarer l'empêchement de Bouteflika pour raison de santé à travers l'article 102 de la constitution. Cette déclaration est analysée comme une rupture nette entre les chefs de l'Armée nationale populaire et le « clan Bouteflika ».
Le 27 mars, Saïd Bouteflika, Athmane Tartag, Mohamed Mediène et Louisa Hanoune se réunissent dans une résidence militaire pour mettre au point un plan qui amènerait au renvoi de Gaïd Salah et au maintien de Bouteflika en échange de la nomination d'un nouveau Premier ministre chargé de mettre en place la transition promise mi-mars. Après avoir hésité sur le nom du Premier ministre, Saïd Bouteflika et Mediène choisissent, lors d'une seconde réunion, l'ancien président de la République Liamine Zéroual, qui décline, après avoir accepté, invoquant des raisons de santé et le refus du plan par les manifestants.
Moins d'une semaine après la « suggestion » de Gaïd Salah, la présidence annonce le 1er avril la future démission de Abdelaziz Bouteflika. Ce dernier démissionne le lendemain, 2 avril. Quelques heures avant l'annonce officielle de la démission du président, Gaïd Salah avait demandé que soit « appliquée immédiatement » la procédure constitutionnelle permettant d'écarter le chef de l'État. Il est dès lors considéré comme étant l'homme fort du pays, et des observateurs estiment qu'il ambitionne d'être élu président.
Au nom d'une opération « mains propres », Ahmed Gaïd Salah justifie l'arrestation d'oligarques et membres du clan Bouteflika, dont Saïd Bouteflika, Rédha Kouninef et ses frères ou encore Ali Haddad, des généraux Mohamed Mediène et Athmane Tartag mais aussi de certains des opposants du régime comme l'homme d'affaires Issad Rebrab, dirigeant du groupe Cevital et mécène de la presse d'opposition avec les quotidiens Liberté et El Khabar, arrêté dans le cadre d'une enquête des douanes. Le 19 juin, il exhorte les manifestants à ne pas hisser le drapeau berbère, ajoutant que les forces de sécurité ont reçu des ordres visant à les en empêcher.
Le 30 juillet, Gaïd Salah, appelant à ne pas « perdre davantage de temps », rejette les mesures d'apaisement consenties par le chef de l'État par intérim, Abdelkader Bensalah, les qualifiant de « diktats » et d'« idées empoisonnées », de même que l'allégement du dispositif sécuritaire. Comme les fois précédentes, Gaïd Salah suggère que les appels à son départ, à celui de Bensalah et Bedoui, ainsi que la mise en place d'une assemblée constituante et le drapeau berbère sont des idées véhiculées par la « bande » déchue. Le 26 août, il s'en prend aux partisans d'une transition, et rejette l'idée de convoquer des législatives anticipées pour amender la Constitution.
Son gendre Zaalane est placé le 5 août en détention provisoire pour une affaire de corruption.
Le 2 septembre, il appelle à convoquer le corps électoral le 15 septembre. Il rejette une modification totale de la loi électorale et s’en prend aux opposants de sa proposition, en fustigeant la « conspiration de certains partis contre la patrie et le peuple », et dénonce la « critique et le dénigrement ». La semaine suivante, il affirme que le scrutin se déroulerait dans les « délais impartis » puis qualifie les opposants de « hordes ».
Le 15 septembre, comme le lui a demandé le chef de l'armée, Bensalah convoque le scrutin, fixant sa date au 12 décembre. Le 18 septembre, Gaïd Salah appelle à bloquer les entrées de la capitale aux autres provinces.
Le 15 octobre, il accuse les manifestants d'être payés par de l'« argent sale » et menace de poursuites ceux qui tenteraient de perturber la tenue du scrutin ou d'inciter les votants à le boycotter. Il défend également le projet de loi controversé sur les hydrocarbures.
Le 30 octobre, réitérant que le scrutin présidentiel aura lieu à la date prévue, il rejette toute libération des détenus.
À l'issue de l'investiture du nouveau président élu Abdelmadjid Tebboune, le 19 décembre, le nouveau chef de l’État lui décerne à titre exceptionnel la médaille de l'ordre du Mérite national au rang de « Sadr », « en signe de reconnaissance à ses efforts et de son rôle durant cette période sensible ayant permis de respecter la Constitution et préserver la sécurité des citoyens, du pays et des institutions de la République », selon les termes de Tebboune.
Ahmed Gaïd Salah est mort le lundi 23 décembre 2019, à l'âge de 79 ans, des suites d'une crise cardiaque, à son domicile d'Alger (Algérie) pendant son sommeil. Le décès est constaté à l’hôpital militaire d'Ain Nadjaa dans la banlieue d'Alger. Un deuil national de trois jours est décrété, tandis que les forces armées seront en deuil pendant sept jours. Gaïd Salah doit être inhumé le 25 décembre, après une veillée funèbre qui doit avoir lieu au palais du peuple.
Au nom d'une opération « mains propres », Ahmed Gaïd Salah justifie l'arrestation d'oligarques et membres du clan Bouteflika, dont Saïd Bouteflika, Rédha Kouninef et ses frères ou encore Ali Haddad, des généraux Mohamed Mediène et Athmane Tartag mais aussi de certains des opposants du régime comme l'homme d'affaires Issad Rebrab, dirigeant du groupe Cevital et mécène de la presse d'opposition avec les quotidiens Liberté et El Khabar, arrêté dans le cadre d'une enquête des douanes. Le 19 juin, il exhorte les manifestants à ne pas hisser le drapeau berbère, ajoutant que les forces de sécurité ont reçu des ordres visant à les en empêcher.
Le 30 juillet, Gaïd Salah, appelant à ne pas « perdre davantage de temps », rejette les mesures d'apaisement consenties par le chef de l'État par intérim, Abdelkader Bensalah, les qualifiant de « diktats » et d'« idées empoisonnées », de même que l'allégement du dispositif sécuritaire. Comme les fois précédentes, Gaïd Salah suggère que les appels à son départ, à celui de Bensalah et Bedoui, ainsi que la mise en place d'une assemblée constituante et le drapeau berbère sont des idées véhiculées par la « bande » déchue. Le 26 août, il s'en prend aux partisans d'une transition, et rejette l'idée de convoquer des législatives anticipées pour amender la Constitution.
Son gendre Zaalane est placé le 5 août en détention provisoire pour une affaire de corruption.
Le 2 septembre, il appelle à convoquer le corps électoral le 15 septembre. Il rejette une modification totale de la loi électorale et s’en prend aux opposants de sa proposition, en fustigeant la « conspiration de certains partis contre la patrie et le peuple », et dénonce la « critique et le dénigrement ». La semaine suivante, il affirme que le scrutin se déroulerait dans les « délais impartis » puis qualifie les opposants de « hordes ».
Le 15 septembre, comme le lui a demandé le chef de l'armée, Bensalah convoque le scrutin, fixant sa date au 12 décembre. Le 18 septembre, Gaïd Salah appelle à bloquer les entrées de la capitale aux autres provinces.
Le 15 octobre, il accuse les manifestants d'être payés par de l'« argent sale » et menace de poursuites ceux qui tenteraient de perturber la tenue du scrutin ou d'inciter les votants à le boycotter. Il défend également le projet de loi controversé sur les hydrocarbures.
Le 30 octobre, réitérant que le scrutin présidentiel aura lieu à la date prévue, il rejette toute libération des détenus.
À l'issue de l'investiture du nouveau président élu Abdelmadjid Tebboune, le 19 décembre, le nouveau chef de l’État lui décerne à titre exceptionnel la médaille de l'ordre du Mérite national au rang de « Sadr », « en signe de reconnaissance à ses efforts et de son rôle durant cette période sensible ayant permis de respecter la Constitution et préserver la sécurité des citoyens, du pays et des institutions de la République », selon les termes de Tebboune.
Ahmed Gaïd Salah est mort le lundi 23 décembre 2019, à l'âge de 79 ans, des suites d'une crise cardiaque, à son domicile d'Alger (Algérie) pendant son sommeil. Le décès est constaté à l’hôpital militaire d'Ain Nadjaa dans la banlieue d'Alger. Un deuil national de trois jours est décrété, tandis que les forces armées seront en deuil pendant sept jours. Gaïd Salah doit être inhumé le 25 décembre, après une veillée funèbre qui doit avoir lieu au Palais du gouvernement.
Quand il est question de maintenir son pré carré africain sous sa domination, la France est prête à user de tous les moyens à sa disposition pour parvenir à ses fins, dût-elle fouler aux pieds certains principes et valeurs qu’elle prétend défendre et porter haut et fort un peu partout dans le monde, parfois même par la voix des armes.
Dès lors, les interdictions de séjour sur son sol, dont ont été victimes deux parmi les braves combattantes pour la souveraineté totale de ses anciennes colonies sur le continent noir, en l’occurrence Aminata Traoré et de Nathalie Yamb – la première pour sa critique virulente et son opposition à l’opération Serval au Mali en 2013 ; la seconde, à cause de sa récente sortie musclée contre sa posture néocolonialiste sur le continent lors du Forum Russie-Afrique à Sotchi -, ne peuvent être comprises que comme étant l’une des formes nouvelles d’une longue guerre que l’ancienne métropole a toujours menée pour faire taire momentanément ou définitivement ceux et celles qui ont osé ou osent encore élever leur voix pour dénoncer sa politique coloniale ou néocoloniale en Afrique.
La liste des dirigeants africains dont elle est soupçonnée et/ou accusée d’avoir fait taire définitivement est très longue. Sylvanus Olympio, Thomas Sankara, Barthélémy Boganda, Mouammar Kadhafi, Félix Moumié n’en sont que quelques-uns.
Ayant plus d’un tour dans son sac, elle se sert aussi de la déstabilisation politique et/ou économique pour arriver à ses fins, du soutien à une rébellion qu’elle a parfois même fomentée ou de l’aide pour le maintien au pouvoir d’un sous-fifre qu’elle a souvent aidé à y parvenir. L’opération Persil pour secouer économiquement et politiquement le régime de Sékou Touré afin de le punir pour avoir eu le culot d’opter pour l’indépendance du pays ; la guerre en Libye pour destituer Mouammar Kadhafi, qui avait le toupet d’avoir des visées panafricaines afin de desserrer le corset néocolonial qui fait suffoquer le continent ; la réinstallation au pouvoir du docile Léon Mba – après le coup d’état de 1964 – qui disait après la déclaration d’indépendance officielle de son pays que « : Le Gabon est indépendant, mais entre le Gabon et la France rien n’est changé, tout continue comme avant[1].» ; le soutien à Alassane Ouattara jusqu’à son arrivée à la magistrature suprême de son pays après que celui-ci eut traversé quelques années de chaos politique, avec son cortège de conséquences et ses feux non complètement éteints, n’en sont que quelques exemples. Parmi les stratégies de la France pour « éliminer » ceux qui critiquent sa mainmise sur son pré carré africain figure aussi la censure médiatique, littéraire ou intellectuelle… Aussi L’an V de la révolution algérienne et Les damnés de la terre de Frantz Fanon – parlant respectivement de la guerre en Algérie et de la situation coloniale et néocolonialisme sur le continent -, furent-ils censurés sur le territoire français. Comme le furent Main basse sur le Cameroun : Autopsie d’une décolonisation de Mongo Béti – dénonçant la présence néocoloniale française dans son pays et le régime dictatorial d’Ahidjo, arrivé au pouvoir grâce au soutien de l’ancien colonisateur – et La question d’Henri Alleg, parlant de la torture des civiles pendant la guerre d’Algérie. En outre, il semble aussi exister une censure de fait de quelques intellectuels africains, virulents critiques de la politique française Afrique dans certains grands médias de l’ancien pays colonisateur puisqu’ils n’y sont jamais invités contrairement à certains de leurs compatriotes, parfois moins brillants, qui n’hésitent pas à édulcorer en parlant des relations franco-africaines.
Lorsque l’œuvre de Césaire, Discours sur le colonialisme, fut inscrite au programme des classes de terminale en 1994, le député Alain Griotteray interpella Bayrou, l’alors ministre de l’Éducation nationale, en juillet 1995[2], déplorant : « Qu’une œuvre aussi résolument politique (…) osant comparer nazisme et colonialisme soit inscrite au programme de français de terminal. » Ce dernier prit un discret décret qui l’éloigna des programmes scolaires, où elle était censée rester pendant deux. À part Le Canard enchaîné, qui a brièvement parlé de la censure, presque aucun autre média français n’en avait fait mention.
Donc, dès qu’il est question son sombre passé colonial en général et/ou son présent néocolonial en Afrique en particulier, la France devient hystérique. Du coup, elle n’hésite pas à se mettre en contradiction avec elle-même en agissant en porte-à-faux avec quelques-uns des principes tels que les droits de l’homme, la liberté d’expression, qu’elle prétend défendre un peu partout dans le monde. Ce n’était dès lors pas étonnant que l’ambassadrice italienne, Teresa Castaldo, fût convoquée par le Quai d’Orsay après la sortie médiatique fracassante de Luigi Di Maio dénonçant les pratiques néocoloniales françaises comme étant l’une des causes du retard économique du continent noire, et partant de l’émigration.
Toutefois, la France n’est pas seule dans son combat : elle peut toujours compter sur le soutien de ses relais locaux qui, par peur, pression ou désir de lui plaire, peuvent toujours faire le sale boulot à sa place. C’est ainsi que Cheikh Anta a été banni de nos universités de peur qu’il ne transmît son immense savoir révolutionnaire susceptible de faire vaciller les intérêts français en Afrique, que Kemi Séba a été expulsé du Sénégal et de la Côte-d’Ivoire et Nathalie Yamb de la Côte-d’Ivoire pour avoir pris des positions allant à l’encontre du néocolonialisme français en Afrique, que Kaku Nabukpo, ancien directeur de la francophonie économique et numérique, a été limogé de son poste à cause de ses sorties critiques sur le franc CFA.
En Définitive, la France n’avance pas masquée. Elle a été toujours cohérente dans sa stratégie visant à préserver par tous les moyens ses privilèges dans son pré-carré. Dans une certaine mesure, elle est restée fidèle à cette pensée de Pierre Messmer tirée de ses mémoires : « La France a accordé l’indépendance à ceux qui la réclamaient le moins, après avoir éliminé politiquement et militairement ceux qui la réclamaient avec le plus d’intransigeance. » L’élimination de ceux qui réclament la souveraineté totale de ses anciennes colonies en Afrique noire n’est peut-être plus physique et militaire de nos jours, mais il existe d’autres formes nouvelles aidant à mieux se fondre dans le décor des nouvelles réalités des relations internationales. Parlant du franc Cfa, Odile Tobner avance que : « La tutelle française s’accroche à son franc Cfa. Elle est sans doute prête à mettre l’Afrique à feu et à sang plutôt que d’y renoncer[3]. » C’est dire à quel point l’ancien colonisateur s’agrippe à ses privilèges sur le continent. Mais c’est aux Africains de savoir ce qu’ils veulent, d’être conscients qu’elle ne renoncera jamais volontairement à ses avantages à moins d’être contrainte, et que nos petits États morcelés ne pourront jamais parvenir à la faire lâcher prise. D’où la nécessité de la mise sur pied d’une Unité Africaine forte que Cheikh Anta Diop et Kwamé Nkrumah avaient tant appelée de tous leurs vœux, de jouer sur les intérêts divergents des grandes puissances et de collaborer avec les pays émergents dans des relations gagnant-gagnant.
[1] Frantz Fanon, Les damnés de la terre, p.66 [2] Du racisme africain : Quatre siècles de négrophobie, p.201 [3] Mongo Béti, La France contre l’Afrique. Retour au Cameroun, p.214
Né en Algérie en 1966, arrivé en France deux ans plus tard, Rabah Ameur Zaïmeche s'est fait un nom dans le cinéma en parlant de ses origines. C'est à la cité des Bosquets de Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, où il a grandi, qu'il avait situé son premier film, « Wesh wesh, qu'est-ce ce qui se passe » (prix Louis Delluc 2002), où il interprétait lui-même Kamel, un jeune beur tout juste revenu après cinq ans de prison et deux ans d'exil en Algérie, incapable de décrocher un emploi dans sa banlieue sous tension. Et c'est dans son village natal qu'il était allé tourner « Bled number one », très remarqué quatre ans plus tard dans la section « Un Certain Regard » du festival de Cannes, où l'on voyait le même Kamel, tout juste expulsé de France, débarquer en étranger dans une Algérie où, déjà le désarroi ambiant laissait deviner une crispation nationaliste et, même, une menace islamiste. Après trois autres films sélectionnés dans différents festivals, « Terminal Sud », lui-même en compétition cet été à Locarno, revient aujourd'hui, sinon en Algérie, du moins dans un pays déchiré qui lui ressemble beaucoup mais pourrait aussi se situer, plus largement, « quelque part autour de la Méditerranée ». Un pays où, après un passé de campagnes coloniales et de guerre d'indépendance, une gouvernance dictatoriale alimente une guerre civile armée, sur fond de grande misère économique. Un pays délabré, en proie à une violence quotidienne qui, souvent, fait des morts. Un pays à l‘agonie mais auquel s'accroche obstinément le héros, un médecin, cette fois, qui, malgré l'insécurité grandissante, tente désespérément de ne pas prendre parti et de continuer à vivre « normalement ». C'est-à-dire soigner, sans parti-pris, quiconque se présente dans son hôpital. Il tiendra contre vents et marées, malgré l'assassinat de son beau-frère, un journaliste, et la désertion de son épouse, qui préfère rentrer en France. Jusqu'au jour où, accusé à tort de trahison, arrêté et torturé, il finit par choisir de fuir lui aussi. Clandestinement. Et dans des conditions dramatiques.
Terriblement pessimiste, ce récit d'une véritable descente aux enfers d'un homme au-dessus de tous soupçons conjugue tous les maux d'une société hélas très proche de celles de nombreuses régions dans le monde d'aujourd'hui. Une société où la violence sévit à l'aveugle, où les intégristes imposent leur loi par la force, où la liberté d‘expression n'a plus cours, où la liberté tout court n'existe plus. Pas gai…
MON AVIS
Un tableau très sombre d'un pays plus ou moins imaginaire où l'on retrouve des échos aussi bien de l'Algérie des années 1990 que de la France d'aujourd'hui. Le film, inégal, mais avec des moments très forts, est souvent déroutant. Mais il a un mérite : il nous fait réfléchir aux dangers qui nous guettent…
«TERMINAL SUD», LES GUERRES D’ALGÉRIE ENTRE LES LIGNES
Sans situer avec précision son récit dans l’espace ou dans le temps, Rabah Ameur-Zaïmeche filme un Ramzy Bédia très touchant en médecin esseulé, à la fois candide et digne.
Ramzy Bédia émeut dans un genre de cinéma dont il n’est pas coutumier.Photo Potemkine Films
L’époque et le lieu du dernier film de Rabah Ameur-Zaïmeche ne sont pas précisés, même si le réalisateur ne cache pas que le point de départ de Terminal Sud était son désir de se confronter aux années noires qu’a connues l’Algérie dans les années 90 et dont il a été témoin depuis la France. Ce pays écrasé par l’insécurité, la peur, une police ultra brutale, la torture, une guerre fratricide, c’est donc à la fois cette Algérie-là et tous les pays qui ont été, qui sont, qui pourraient être dans une situation de violence et d’oppression comparables.
Angoisse
On retrouve dans cette géographie méditerranéenne et ce temps incertain quelque chose des torsions temporelles que se permettait déjà Rabah Ameur-Zaïmeche par sa façon de représenter l’histoire dans ses deux précédents films, en suivant la quête des compagnons du contrebandier Mandrin (les Chants de Mandrin) ou en offrant sa version des Evangiles (Histoire de Judas) à travers des corps et des phrasés d’aujourd’hui. Pour lui, l’histoire n’existe vraiment qu’au présent, et pour le présent. Ainsi, faire un film à partir d’une période déterminée de l’histoire algérienne n’a de sens que si l’on en dépasse les circonstances précises pour l’appréhender comme une terreur plus vaste et toujours vivace.
Cette vision plus élargie et abstraite du fait historique s’accompagne d’une incertitude maintenue tout du long, un flou qui peut parfois être ressenti comme un manque de matière narrative. Mais ces lacunes reflètent surtout la confusion que traverse le personnage principal, un médecin (joué par Ramzy Bédia) tentant de continuer à exercer son métier, à sauver des vies, quelles qu’elles soient, là où règnent la division et la mort.
L’angoisse dans laquelle il est de plus en plus cruellement plongé réside dans la difficulté à distinguer militaires et terroristes, policiers et malfrats, alliés et ennemis. Le film s’éloigne alors de tout discours et de tout conflit simplificateurs pour s’approcher au plus près du chaos politique et moral d’une société en proie à la guerre civile. La violence physique est laissée hors-champ mais on la ressent à travers l’épuisement des corps, leurs blessures plus ou moins visibles, leur accablement.
Incrédulité
Ramzy Bédia se révèle ici très émouvant. Rabah Ameur-Zaïmeche parvient à transformer l’immaturité attachée à sa figure comique en une candeur pleine de dignité. Son déplacement dans un cinéma dont il n’est pas coutumier semble avoir nourri le sentiment d’incompréhension et d’incrédulité qui définit son personnage. Ne pas comprendre est une forme tragique de lucidité, de refus de l’inacceptable. Celle-ci laisse les hommes dans une solitude à laquelle cinéma très collectif d’Ameur-Zaïmeche ne nous avait pas habitués. C’est ce qui fait de Terminal Sud son film le plus âpre, comme s’il se laissait contaminer par l’état du monde qu’il décrit. Là réside aussi son honnêteté.
Après le séisme de l'effondrement des régimes en Egypte et en Tunisie en 2011
Pierre Vermeren publie "Déni français" aux éditions Albin Michel. L’auteur dévoile les secrets qui entourent notre relation avec le monde arabe. Les dirigeants français font tout pour éviter de poser les questions qui fâchent, notamment notre politique arabe en ruines. Extrait 1/2.
L’effondrement des régimes arabes de Tunisie puis d’Égypte en janvier 2011 frappe comme la foudre dans un ciel serein. Contre toute attente, leurs présidents sont exfiltrés au bout de quelques semaines. Pour nos autorités, garantes de la stabilité arabe, c’est un incroyable séisme. Du jour au lendemain, la France se retrouve sans repères ni contacts dans ces pays, alors que la contagion menace la région, et que les États-Unis sont déjà à la manœuvre. Nicolas Sarkozy prend acte de la situation : les Frères musulmans, qui n’ont pas déclenché la révolution, sont en passe de devenir l’alternative. Les Cassandre de la recherche et du renseignement français qui annonçaient cette hypothèse sont désormais écoutées. Une chose est sûre, la France ne doit plus être dépassée par l’histoire : il faut sauver la monarchie du Maroc, mais accompagner le mouvement s’il frappait d’autres républiques militaires.
En 2007, Nicolas Sarkozy s’était péniblement réconcilié avec Kadhafi en faveur des infirmières bulgares, moyennant 10 milliards d’euros de contrats jamais honorés. Lorsque la crise gagne la Libye à la mi-février 2011, Nicolas Sarkozy mobilise ses contacts arabes : son meilleur ami, le cheikh Hamad ibn Khalifa al-Thani, l’émir du Qatar propriétaire d’Al-Jazeera qui propage avec gourmandise la « révolution arabe », et son autre ami le cheikh émirati Zayed, qui veille à ce que la France ne fasse pas cavalier seul avec le Qatar.
Le 25 février, Nicolas Sarkozy enterre d’une phrase le Guide de la révolution : « Kadhafi doit partir. » Le 27, il nomme Alain Juppé au Quai d’Orsay tandis que voit le jour en Libye le Conseil national de transition (CNT). À 62 ans, Bernard-Henri Lévy ronge son frein en mémoire de Malraux, rêvant de sauver Benghazi après son échec de Sarajevo. Le 5 mars, il se rend sur place et rencontre le patron du CNT Mustapha Abdeljalil, auquel il propose de but en blanc de rencontrer le président français. Nicolas Sarkozy le reçoit le 10 mars à l’Élysée, en présence de l’écrivain et d’Alain Juppé, du jamais vu dans la diplomatie franco-arabe. Deux « folies s’emboîtent », commente Alain Minc (Nathalie Nougayrède, « BHL, porte-étendard libyen », Le Monde, 8 novembre 2011).
Il n’est pas simple de proposer aux Français d’intervenir en Libye avec les Anglo-Saxons, après avoir expliqué qu’une intervention occidentale en Irak en 2003 serait une tragédie. Mais l’esprit « néoconservateur » washingtonien tant vilipendé à Paris a traversé l’Atlantique grâce au « droit d’ingérence » humanitaire théorisé par Bernard Kouchner. Le 17 mars, la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU poussée par la France est adoptée sous chapitre VII (autorisant une intervention armée) par 10 voix sur 15. Russes, Chinois et Allemands, pourtant très méfiants, se sont abstenus pour éviter un massacre à Benghazi. « Toutes les mesures jugées nécessaires pour protéger les populations civiles » seront prises. Le 19 mars, le sommet de Paris réunit les alliés dont le Qatar et les Émirats, et annonce une opération militaire aérienne déclenchée le jour même. La coalition s’engage dans une guerre aérienne qui passe sous commandement opérationnel de l’OTAN le 30 : son objectif devient de facto la défaite et la destitution de Kadhafi. Les Russes ont été bernés.
Du 19 mars au 20 août, Sarkozy offre une belle victoire stratégique à son armée grâce à l’intendance américaine, sans lever les réticences du corps des officiers et des services antiterroristes, notamment la DST, conscients de la fureur des Algériens et des Syriens, et de la légèreté prise avec le droit onusien. Syrte tombe le 20 octobre et Kadhafi est tué dans le convoi qui l’exfiltrait. La guerre a coûté 350 millions d’euros à la France, qui a réalisé 35 % des frappes aériennes, outre ses commandos au sol qui ont fomenté la prise de Tripoli.
La rupture avec la politique arabe de la France, de 1967 comme de 2003, est très brutale, suscitant des controverses à la mesure du séisme. Le président français est soupçonné par les Italiens d’avoir agi pour les intérêts pétroliers français. Russes, Algériens, et les clients de Kadhafi sont furieux. Alger dénonce la politique coloniale de la canonnière et condamne en bloc, d’autant que 1 000 missiles sol-air de longue portée, ainsi que des millions d’armes et munitions sont sortis des arsenaux libyens, pour partie expédiés au Sahel par les mercenaires de Kadhafi. Sur le terrain, les Frères musulmans libyens sont assistés par Turcs et Qataris ; et pour faire diversion, le Qatar rachète pour 40 millions d’euros le Paris-Saint-Germain en mai 2011. Bernard-Henri Lévy et Nicolas Sarkozy sont étrangement devenus les promoteurs de la révolution arabe que les Frères musulmans considèrent comme leur. La guerre en Libye a fait rejouer le clivage français sur l’Algérie de 1992-1995 entre éradicateurs et islamistes, mais à front renversé. Tout est prêt pour la Syrie.
Extrait du livre de Pierre Vermeren, "Déni français : Notre histoire secrète des liaisons franco-arabes", publié aux éditions Albin Michel
Jacques Chirac a certes été un grand homme d'Etat pour son pays. Il a reconnu en 1995 officiellement la responsabilité de la France dans les déportations de juifs, il a promulgué en 2001 la « loi reconnaissant le génocide arménien », il s'est opposé en 2003 à la guerre contre l'Irak. Mais s'agissant des crimes coloniaux en Algérie, il a manqué au devoir de mémoire et à l'impératif de vérité.
Jacques Chirac est décédé hier à l'âge de 86 ans après des années de maladie. De nombreux hommages lui sont rendus en France et à l'étranger. Il est décrit comme un « grand homme d'Etat », un « humaniste », un « homme de culture », un « sage » et un « visionnaire ». Nicolas Sarkozy estime qu'« il a incarné une France fidèle à ses valeurs universelles et à son rôle historique ». On se souviendra de Jacques Chirac comme l'homme qui s'est opposé à la guerre contre l'Irak, déclenchée en 2003 par George W. Bush, sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU. Son discours prononcé le 16 juillet 1995 au Vel d'Hiv, à Paris, dans lequel il a reconnu officiellement la responsabilité de la France dans les déportations de juifs pendant la deuxième guerre mondiale, est sans doute l'un des moments forts de son passage à l'Elysée.
Cependant, pour être fidèle à l'esprit du discours du Vel d'Hiv et cohérent avec sa ligne morale, Jacques Chirac aurait dû prononcer aussi un discours au sujet des crimes colonialistes commis contre les Algériens. Le partisan de l'Algérie française, qui se porta volontaire pour s'acquitter de son service militaire en Algérie, en pleine guerre de libération, pour y passer 14 mois entre 1956 et 1957, a dû changer avec les années et devenir « humaniste ». Hélas, concernant le passé colonialiste de la France, Jacques Chirac n'a pas beaucoup évolué. En 2000, il déclara que « la France peut être fière » de ses soldats et « exclure toute idée de repentance collective pour les actes de torture qui ont été commis à l'époque », car « dans ce type de situation, il faut prendre son temps et laisser l'Histoire faire son travail » (Associated Press, Paris, 14 décembre 2000). C'est d'ailleurs sous sa présidence que Michèle Alliot-Marie, son ministre de la Défense, a présenté en 2005 et défendu au parlement une loi qui disposait que « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord. »
Voici un autre « discours du Vel d'Hiv » que Jacques Chirac aurait peut-être dû prononcer.
***
Monsieur le Maire, Monsieur le Président, Monsieur l'Ambassadeur, Monsieur le Grand Imam, Mesdames, Messieurs,
Il est, dans la vie d'une nation, des moments qui blessent la mémoire, et l'idée que l'on se fait de son pays.
Ces moments, il est difficile de les évoquer, parce que l'on ne sait pas toujours trouver les mots justes pour rappeler l'horreur, pour dire le chagrin de celles et ceux qui ont souffert des atrocités du colonialisme. Celles et ceux qui sont marqués à jamais dans leur âme et dans leur chair par cette entreprise qui bafoue les valeurs humanistes de la France.
Il est difficile de les évoquer, aussi, parce que ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle du colonialisme a été l'œuvre de Français, pensée et exécutée par l'État français.
Il y a plus d'un siècle et demi, la France a occupé l'Algérie.
Sous l'habillage d'une « mission civilisatrice », les divers régimes colonialistes sous la monarchie, l'empire ou la république ont commis les pires atrocités contre les populations algériennes soutenus par des idéologues du colonialisme tels Tocqueville, Sarrauton, Varin, Bodichon, Hain et d'autres.
Des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, des crimes culturels, des crimes économiques et des crimes contre l'environnement ont été commis par la France en Algérie pendant 132 ans de colonisation.
Des historiens estiment le nombre des victimes de ces crimes à plus de cinq millions de morts massacrés ou affamés.
Nous conservons à leur égard une dette imprescriptible.
Les enfumades et les emmurades de tribus complètes, l'expropriation des terres et les blocus qui ont jeté des populations entières dans la famine, l'enrôlement forcé de centaines de milliers de jeunes Algériens dans des guerres lointaines, les massacres de mai 1945, les déportations en masse, les bombardements des populations civiles, parfois au napalm, durant la guerre de libération, la politique des représailles contre les civils, les exécutions sommaires individuelles et collectives, la torture, les milliers de disparus, les essais d'armes nucléaires et chimiques dans le Sahara, tout cela a laissé une tache noire dans l'histoire de la France.
Les noms des officiers et fonctionnaires français Allard, Argoud, Baufre, Bigeard, Bugeaud, Cavaignac, Clauzel, Decournu, Godard, Jacquin, Lacheroy, Lacoste, Lamoricière, Léger, Massu, Montagnac, Pélissier, Saint-Arnaud et Savary (duc de Rovigo), Trinquier et d'autres hanteront longtemps la mémoire collective du peuple algérien.
La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, a ainsi accompli l'irréparable.
Le Coran exhorte à se souvenir. Une phrase revient toujours : « Seuls les doués d'intelligence se souviennent ».
Quand souffle l'esprit de la haine, avivé ici par les intégrismes, alimenté là par la peur et l'exclusion. Quand, à nos portes, ici même, certains groupuscules, certaines publications, certains enseignements, certains partis politiques se révèlent porteurs, de manière plus ou moins ouverte, d'une idéologie raciste et islamophobe, alors cet esprit de vigilance qui vous anime, qui nous anime, doit se manifester avec plus de force que jamais.
En la matière, rien n'est insignifiant, rien n'est banal, rien n'est dissociable. Les crimes racistes, la défense de thèses islamophobes, les provocations en tout genre — les petites phrases, les bons mots — puisent aux mêmes sources.
Transmettre la mémoire des Algériens, de leurs souffrances sous le joug du colonialisme. Témoigner encore et encore. Reconnaître les fautes du passé, et les fautes commises par l'État. Ne rien occulter des heures sombres de notre Histoire, c'est tout simplement défendre une idée de l'Homme, de sa liberté et de sa dignité. C'est lutter contre les forces obscures, sans cesse à l'œuvre.
Cet incessant combat est le mien autant qu'il est le vôtre.
Les plus jeunes d'entre nous, j'en suis heureux, sont sensibles à tout ce qui se rapporte au colonialisme. Ils veulent savoir. Et avec eux, désormais, de plus en plus de Français décidés à regarder bien en face leur passé.
En cet instant de recueillement et de souvenir, je veux faire le choix de l'espoir.
Certes, il y a les erreurs commises, il y a les fautes, il y a une faute collective. Mais il y a aussi la France, une certaine idée de la France, droite, généreuse, fidèle à ses traditions, à son génie. Cette France n'a jamais soutenu l'entreprise colonialiste.
Elle est présente, une et indivisible, dans le cœur de ces Français, ces « Justes » qui, au plus noir de la tourmente, au péril de leur vie, ont condamné en Algérie et en France les crimes commis par l'armée française.
Je veux me souvenir de tous les Audin qui, fermement attachés aux valeurs humanistes de la France, ont donné vie à ce qu'elle a de meilleur.
Je veux me souvenir de toutes les françaises et les français qui se sont engagés aux côtés des Algériens dans leur lutte pour l'indépendance.
Je veux saluer les voix qui s'élèvent en France pour réclamer que l'on assume notre passé.
Les valeurs humanistes, les valeurs de liberté, de justice, de tolérance qui fondent l'identité française et nous obligent pour l'avenir.
Ces valeurs, celles qui fondent nos démocraties, sont aujourd'hui bafouées en Europe même, sous nos yeux. Sachons tirer les leçons de l'Histoire. N'acceptons pas d'être les témoins passifs, ou les complices, de l'inacceptable.
Si nous le voulons, ensemble, nous pouvons donner un coup d'arrêt à une entreprise qui détruit nos valeurs et qui, de proche en proche, risque de menacer l'Europe tout entière.
Jacques Chirac souhaite alors effectuer son service militaire dans la cavalerie. Il part donc pour l’école de Saumur, où il «travaille comme un cheval». Le jour de la proclamation des résultats, il apprend qu’il était classé 8e de la promotion mais, étant fiché comme communiste, il est affecté en tant que deuxième classe dans un régiment de dragons en Bretagne. Son rêve de devenir «sous-lieutenant de cavalerie et de commander un peloton de spahis» s’envole. Il remue ciel et terre, finit par être reçu par le général Koenig en personne et réussit à se faire restituer sa place, ce qui lui permet d’être affecté comme sous-lieutenant au 11e régiment de chasseurs d’Afrique à Lachen, en Allemagne. Il part pour l’Algérie au printemps 1956… juste après s’être marié.
Officier volontaire pendant la guerre d'Algérie durant laquelle il fut lieutenant en 1956, Jacques Chirac, mort jeudi à 86 ans, évoquait son service militaire comme étant la période la plus passionnante de sa vie. Le goût du risque, la camaraderie. Il passe 14 mois près de la frontière marocaine, ce qui le marquera fortement. Tout au long de sa carrière politique, son entourage le qualifia de "fana mili", expression qui désigne une personne très portée sur les différents aspects de la vie militaire.
"Il savait ce qu'était l'armée, il la connaissait très bien de l'intérieur, il adorait le style de vie militaire mais tel qu'il l'avait connu au contact de la troupe, comme lieutenant en Algérie. Il était beaucoup plus sévère au fur et à mesure que l'on montait dans la hiérarchie", se souvient le général Jean-Louis Georgelin, ancien chef d'état-major particulier.
Essais nucléaires et fin du service militaire
Le jeune lieutenant sera douze années durant chef des armées, et dès le début de son premier mandat présidentiel il annonce la reprise des essais nucléaires dans le Pacifique. Ces derniers étaient interrompus depuis trois ans lorsque Jacques Chirac décide d'une campagne de huit tirs souterrains. Ces essais fournissent des données qui permettent à la France, en mai 96, de passer à la simulation et de ne plus lancer d'essai physiq
Autre décision en 1996 : la fin du service militaire.Le chef de l'État la justifie ainsi : la France ne fait plus face à un danger extérieur. Il enclenche ainsi la professionnalisation de l'armée qui l'amènera à devenir comme on la connaît aujourd'hui. "Chirac s'intéressait à la chose militaire et avait un réel intérêt stratégique", a écrit l'un de ses chefs d'état-major particulier, le général Bentégeat.
Voici la liste des hauts responsables algériens, ministres, walis et hauts gradés de l’armée, poursuivis en justice depuis le début du mouvement populaire. Beaucoup ont été arrêtés, mais d’autres sont en fuite.
Bien que leurs méfaits et les dossiers dans lesquels ils sont impliqués sont de notoriété publique, ce n’est que grâce à la révolte populaire que la justice a décidé d’agir.
Force est de constater que beaucoup de ceux cités par la vox populi ne sont même pas inquiétés par la justice alors qu’ils devraient répondre de leurs actes.
Saïd Bouteflika : ex-conseiller du président Bouteflika, poursuivi pour « atteinte à l’autorité de l’armée » et « complot contre l’autorité de l’État » [En détention provisoire]
Mohamed Mediène, dit Toufik : ex-chef du DRS, poursuivi pour « atteinte à l’autorité de l’armée » et « complot contre l’autorité de l’État » [En détention provisoire]
Athmane Tartag, dit Bachir : ex-coordinateur des services de sécurité auprès de la présidence, poursuivi pour « atteinte à l’autorité de l’Armée » et « complot contre l’autorité de l’État » [En détention provisoire]
Said Bey, général-major : ex-commandant de la 2e région militaire poursuivi pour « dissipation et recel d’armes et de munitions de guerre et infraction aux consignes de l’armée ». [En détention provisoire]
Habib Chentouf, général-major : ex-commandant de la 1e Région poursuivi pour « dissipation et recel d’armes et de munitions de guerre et infraction aux consignes de l’armée ». [Mandat d’arrêt]
Ahmed Ouyahia : ex-Premier ministre, poursuivi pour corruption [En détention provisoire]
Saïd Barkat : ex-ministre, poursuivi pour corruption [En détention provisoire]
Youcef Yousfi : ex-ministre, poursuivi pour corruption [En détention provisoire
Mahdjoub Bedda : ex-ministre, poursuivi pour corruption [En détention provisoire]
Amar Ghoul : ex-ministre, poursuivi pour corruption [En détention provisoire]
Abdelkader Zoukh : ex-wali, poursuivi pour corruption [Sous contrôle judiciaire]
Abdelghani Zaâlane : ex-ministre et ex-wali, poursuivi pour corruption [En détention provisoire]
Mohamed El Ghazi : ex-ministre et ex-wali, poursuivi pour corruption [En détention provisoire]
Khaled Nezzar : ex-chef d’état-major, pour « atteinte à l’autorité de l’armée » et « complot contre l’autorité de l’État » [Mandat d’arrêt international]
Abdelmalek Boudiaf : ex-wali et ex-ministre de la Santé, poursuivi dans le cadre de l’enquête sur l’affaire Abdelghani Hamel [Sous contrôle judiciaire]
Moussa Ghelai, ex-wali de Tipasa, poursuivi dans le cadre de l’affaire Hamel et ce pour « dilapidation délibérée par un fonctionnaire public et utilisation illicite en sa faveur ou en faveur d’une tierce personne ou entité de biens et fonds publics dans le cadre de l’exercice de ses fonctions ». [En détention provisoire]
Tayeb Louh : ex-ministre de la Justice, pour « abus de fonction, entrave au bon fonctionnement de la justice… » [En détention provisoire]
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