L’eau, ressource essentielle pour survivre
.
Revenons à Marengo et en 1852 dont le début marquait la
fin de la période où les colons percevaient des vivres ou une indemnité
correspondante. Sur les instances du directeur, l’administration
consentit à prolonger pour deux mois la perception de cette indemnité.
La reprise des travaux publics, en mars, leur permettrait d’augmenter
leurs ressources.
A ce moment, l’État avait dépensé près d’un million de
francs pour créer la colonie, à peu près ce qui avait été prévu. Malgré
les difficultés, les colons avaient réussi â rembourser l’avance de
21.000 francs consentie par la colonie. 500 ha étaient ensemencés en
céréales, La vigne allait commencer à produire.
Restait l’insalubrité : 35 décès en 1852, et il y en
aura 76 en 1853, mais dans ces chiffres sont compris des déportés
politiques de Bourkika, soignés et morts à Marengo.
Le gros morceau des travaux d’assainissement était le
lac Halloula. Celui-ci, comme il a été dit plus haut, occupait une
cuvette dont le centre se trouve à peu près au sud du Tombeau de 1a
Chrétienne. A l’époque des hautes eaux, la plaine était inondée jusqu’à
5 ou 6 km de Marengo, encore plus près de Bourkika et d’Ameur-el-Aïn.
Le lieu d’écoulement le plus proche aurait été la partie aval de l’oued
Bourkika, à l’endroit où cet oued prend contact avec les collines du
Sahel. Malheureusement un seuil nord-sud de 68 mètres barre la
communication entre le lac et cet oued. Un deuxième seuil, à l’est,
rend difficile l’écoulement des eaux vers le Mazafran. De Malglaive
pensait que ce seuil était constitué d’alluvions menées par l’oued
Djer. Son plan était de détourner les deux oueds, 0. Bourkika et 0.
Djer, dans la cuvette. L’apport d’alluvions, qui était très réel et
important, aurait colmaté la cuvette. Le fond de celle-ci se serait
relevé ainsi que le niveau des eaux qu’il aurait été facile ensuite,
les oueds étant mis à nouveau dans leur lit, de canaliser vers l’ouest,
ou mieux à l’est vers le Mazafran. De Malglaive fit commencer les
travaux de dérivation de l’oued Bourkika, qui durèrent 2 ans, de 1853 â
1855. Une ; commission des Ponts-et-Chaussées étudia la suite, du
projet, dont la dérivation de l’oued Bourkika à la sortie de l’Atlas,
nais les résultats lui paraissant problématique, et peut-être
contraires à l’effet recherché, elle le rejeta.
.
LE PROBLÈME DE L’IRRIGATION -
LE BARRAGE DE L’OUED MEURAD 1850- 1854
De Malglaive avait réalisé que l’eau d’irrigation était indispensable
pour les cultures potagères, les arbres fruitiers, les pépinières et
d’autres cultures envisagées. Sans le secours de l’irrigation, les
plantes qui ne sont strictement méditerranéennes - et encore -
périssent : vigne, olivier, amandier, caroubier... Lorsque les pluies
de printemps sont normales et les réserves du sol assurées, les
céréales résistent jusqu’à la moisson, qui a lieu tôt. La récolte est
presque nulle dans le cas contraire. Ces pluies sont très irrégulières.
Pour les 3 mois février, mars, avril il est tombé à Alger 445 mm en
1848, 213 on en 1849, 35mm en 1850 ! (nous n’avons pas les chiffres de
Marengo : ils n’étaient pas relevés à cette époque).
Le site le plus favorable pour établir un barrage se
trouvait à 7 km au sud de Marengo, sur l’oued Meurad. Le lit de l’oued
est resserré à cet endroit et l’encrage pouvait se faire sur des bases
solides, le terrain était constitué par des roches éruptives.
De Malglaive préconisait un barrage-réservoir en terre.
Comme ce type de barrage avait souvent causé des déboires,
l’administration était réticente : l’eau en surplus, passant par dessus
la digue, entamait la terre dont elle était constituée, entraînant la
destruction de l’ouvrage. D’autres fois, le barrage était miné par les
infiltrations. De Malglaive imagina donc de cribler la terre et de
rejeter les pierres, de tasser cette terre au fur et à mesure de la
construction par la masse de l’eau elle-même, en utilisant une cheminée
centrale, de revêtir le barrage d’un mortier d’asphalte ; enfin, d’
éliminer l’eau en surplus par un déversoir latéral, situé au-dessous du
niveau du mur. Le départ de l’eau d’irrigation se ferait par une tour
intérieure, où se manœuvrait la vanne. La tour était aussi haute que le
mur. En coupe, ce dernier se présentait en pente à l’extérieur, en
gradins côté amont. Pour permettre de 1e dévaser au maximum par
ruissellement, il resterait ouvert d’octobre au mois d’avril.
L’administration n’était pas très convaincue de la
bonne tenue du barrage. Pour la persuader, de Malglaive demanda qu’on
essayât sur une maquette. Ce qui fut fait dans 1a cour d’un hôtel
occupé par le Génie à Alger. Poursuivi pendant plusieurs jours, les
essais furent concluants.
Le projet fut adopté 1e 2 juillet 1852 et le principe
de l’emploi, à sa construction de déportés politiques autorisé, mais il
fallut attendre 1854 pour obtenir les premiers crédits. Le Conseil du
Gouvernement approuva le 22 mai, mais rogna les crédits prévus pour
1855 : 35.000 francs au lieu de 40.000. Comme il fallait aller au plus
juste, le barrage accepté ne contiendrait qu’un million de mètres-cubes
au lieu des 6 millions souhaités. Et, en attendant les crédits prévus
pour son exécution, de Malglaive offrit une fois de plus d’avancer sans
intérêts les fonds nécessaires, la dot de sa femme récemment décédée,
Le procédé dut étonner l’administration. militaire car Randon le taxa
"d’irrégularité subversive des principes administratifs". Toutefois, le
Ministre de la guerre en jugera autrement puisqu’il fit rembourser de
Malglaive l’année suivante.
Le barrage fut construit par les "transportés" sous
l’autorité militaire. Denfert-Rochereau fut chargé du revêtement. Le
projet prévoyait un mur de 40 mètres de haut. Il fut réduit à 20
mètres, avec 15 mètres de retenue d’eau. II fallut quatre ans pour en
venir à bout. Mais vous imaginez facilement l’enthousiasme des colons
quand ils virent couler l’eau dans les rigoles. Des canalisations
souterraines devaient plus tard distribuer également l’eau aux
bornes-fontaines du village.
Ce barrage fut un facteur important de la richesse de
la région Marengo- Meurad-Bourkika. Les jardins et les vergers, parure
de ces villages, en sont redevables à l’eau qu’il dispense. Comme tous
les barrages semi-permanents, il devait s’envaser progressivement. De
1893 à 1925, on rehaussa le déversoir pour redonner au barrage sa
capacité primitive, Elle était descendue à 830.000 mètres cubes.
.
L’ÉQUIPEMENT DE LA RÉGION .-
C’est au cours de cette année 1852, le 2 juillet, que de Malglaive fut
nommé Directeur de la circonscription administrative de
Marengo-Bourkika-Zurich. Comme la commune de Marengo couvrait les
territoires qui deviendront les communes ou annexes de Desaix.
Montebello et Tipasa, on voit l’importance des tâches qu’il eut à
assumer.
Il eut notamment à ouvrir ou à perfectionner un réseau
de routes qui devaient relier les centres de la région entre eux et
avec Blida, Cherchell, Tipasa et Miliana. Il proposa des solutions
originales, qui furent parfois rejetées, comme ce tunnel routier entre
le Camp-des-Guêtres et le ravin des voleurs, sur la route de Miliana.
Lors du tracé de la route vers Zurich et Tipasa, il
réduisit la boucle de l’oued Meurad à la sortie ouest de Marengo. Ceux
qui connaissent les lieux ont pu voir le reste de cette boucle. Sa
partie amont a été peu à peu comblée par le dépôt des ordures qui se
fit longtemps à cet endroit,puis planté en vigne. La partie aval se
distinguait encore sous la forme d’une cuvette occupée par le jardin de
la maison dite « la chaumière » (Jardin Pondié).
Il utilisa le système suivant : la route devait passer
sur un pont qui franchirait la partie rectiligne de l’oued lorsqu’il
serait rectifié. Il fit creuser dans la terre ferme la forme du pont,
culées et voûte, et maçonner ces vides. Il n’y eut plus qu’à enlever la
terre sous la voûte , et maçonner le radier. Le cours de l’oued Oued
rectifié passa sous le pont. Certains se souviennent peut-être encore
des Arabes qui venaient fouler leur linge sur les dalles du radier, au
bout duquel l’oued faisait une petite chute.
Cette année 1852 vit de nombreux travaux effectués. Les
transportés furent utilisés à des défrichements. "Ils leur sont
évidemment pénibles mais (ils) n’y mettent aucune mauvaise volonté"
écrit le directeur de la colonie, qui ajoute : "Je croîs qu’il serait,
bon de leur donner nos ceintures de flanelle, comme cela se fait pour
la troupe… »
Dès le mois de mars 110 à 115 colons formés en 11
brigades, sont occupés à des travaux de terrassements : ceux de la
route Marengo-Bourkika sont en bonne voie ainsi que les ponts ; une
partie est empierrée ; le tracé de la route de Zurich est débroussaillé
et les terrassements commencés. Les colons employés aux travaux
reçoivent 1,50f à 3,20 f par jour, selon leur tâche.
.
.
.
Les commentaires récents