En 1830, il n'y avait sur ce site dénommé «Haouch ez Zaouia» que des palmiers nains et des fourrés de câpriers. Les lieux étaient inhabités.
Bou-Haroun n'existait pas, la présence de nombreuses koubas maraboutiques dont celle du vénéré «Bou Haroun» située dans un ravin est probablement à l'origine du nom du village. D'abord simple hameau de Téfeschoun, le village est situé entre ce ravin et celui de Sidi-Hassine, plus-connu sous le nom de «Ravin des voleurs».
A cette époque, l'Algérie se trouvait au confluent de plusieurs courants migratoires.
Dès le 6 juin 1831, Ferrer Jéronomo, originaire de Calpé arrive à Bou-Haroun, les hommes viennent seuls, ils s'abritent à côté de leur bateau, dans de pauvres cabanes de roseaux ou de planches ou parfois dans des grottes.
La sécurité s'améliorant les femmes ne tardent pas à les rejoindre, contribuant à l'amélioration de leur confort ménager.
De nombreuses familles originaires d'Espagne continentale et des îles Baléares, notamment de l'île de Minorque éprouvée par une sévère crise économique, arrivent sur la côte.
Bien connu des Italiens du royaume des Deux-Siciles, le littoral voit arriver des émigrants originaires de la région de Naples et des îles de Procida et d'Ischia dont l'économie était complètement ruinée par le séisme de 1883.
Un membre de la famille Ruotolo aurait été le premier à tirer son bateau sur la plage de Bou-Haroun. Il y sera suivi par beaucoup d'autres.
Installés sommairement dans de petites maisons édifiées sur le domaine maritime, peu mobiles, ayant de nombreux enfants et de vieux parents, ces hommes habitués aux caprices de la Méditerranée, à ses redoutables grains accompagnés de grosses pluies orageuses, résistent aux difficiles conditions de vie et de travail sur leurs palangriers.
Première usine
En 1903, la pénurie de sardines sur les côtes bretonnes incite les deux frères Timothée et Jean-Guillaume Ampart à se fixer à Bou-Haroun après avoir apprécié les qualités des marins-pêcheurs d'origine espagnole et italienne.
Connaissant bien leur métier de conserveur et maîtrisant parfaitement les techniques de préparation et d'emboîtage, ils ouvrent en 1909 leur première usine.
Les habitations construites au début du XXe siècle sur la falaise et sur la propriété de M. Guillaume Prats sont plus connues sous le nom de village Prats ou de la Fermette, judicieusement qualifiée par M. Maurice Pons de noyau historique de Bou-Haroun.
Un peu plus bas sur la plage, le hameau maritime abritait des pêcheurs originaires d'Espagne et d'Italie dont la plupart ont opté pour la nationalité française.
Leurs enfants font leur service militaire dans la Marine nationale ou dans l'Armée d'Afrique.
En 1904, soixante dix-huit familles sont encore indûment installées de façon précaire sur la plage. Beaucoup sont pauvres, mais cette pauvreté n'engendre pas la misère. Les hommes travaillent avec acharnement et en dépit de rudes conditions d'existence, «ils tiennent là où d'autres abandonnent». Ils sont alimentés par un puit et par deux sources, dont l'eau est saumâtre dès que les vagues déferlent sur la plage. Le débit de deux sources captées sur la propriété de M. Prats sera dirigé vers le village par une conduite installée sur sa propriété.
M. Prats s'engage par écrit à autoriser sans indemnité la pose ainsi que tous les travaux qui seront entrepris utérieurement pour l'entretien de cette conduite.
Enfin, ils n'ont toujours pas de port et doivent dès trois ou quatre heures du matin pousser leurs palangriers à la mer et le soir les tirer à terre en rentrant dans l'eau glacée jusqu'à la poitrine.
Pour le préfet d'Alger, ces hommes sont à l'origine d'une ressource et d'une industrie de conserveurs salaisonniers. C'est donc au plus vite «qu'il faut les fixer en leur faisant engager leurs capitaux dans la colonie».
En conséquence, trente-huit familles de pêcheurs ayant pris la nationalité française sont installées sur douze hectares expropriés sur les bonnes terres agricoles de M. Chabert-Moreau. Des lots à bâtir sont vendus aux pêcheurs, avec étalement du paiement sur dix ans moyennant un intérêtde 5%.
Vers 1905 et après plus de trente années d'attente, les pêcheurs Bou-Harounais peuvent enfin acheter un terrain sur la falaise pour y construire leur petite maison.
Source : Edgar Scotti Revue P.N.H.A (liens utiles)
Dépêche ministérielle du 22 mars 1856
Ecole préparatoire des Indigènes
Recrutement dans la Marine nationale de marins autochtones en Algérie
A la fin du XIXème siècle les pêcheurs étrangers devenus Français par application des lois de 1886-1888 s'étaient fixés dans des hameaux maritimes comme Bou-Haroun, Chiffalo, Courbet-Marine, ainsi que dans les quartiers de la Marine à Oran et Alger. Après une période difficile, le temps de la pêche aux bœufs appelait ainsi car ils tiraient deux par deux un filet qu'ils remontaient alternativement. Grâce à une législation plus favorable le nombre de chalutiers doubla passant de 10 à 20 à Alger, auxquels il convient d'ajouter 4 à Ténes, autant à Cherchell et une dizaine de plus petit tirés le soir sur la grève à Bou-Haroun. Ces hommes durs au travail reportaient leur espoir sur leurs enfants en leur permettant d'aller à l'école. Après la seconde guerre mondiale des bateaux plus modernes leur permirent d'élargir leur zone de pêche. Les scientifiques apportèrent une contribution non négligeable. Des géologues comme André Rossfelder et ses collaborateurs MM. Jean CAULET et Lucien LECLAIRE établirent avec l'aide efficace de M. Robert LAFFITTE une carte et une note descriptive des fonds du littoral algérien. C'est parmi ces hommes, dont les aïeux étaient pécheurs d'éponge, que se recrutèrent les scaphandriers qui par leur travail, sous la conduite d'ingénieurs, dotèrent l'Algérie de ports modernes, adaptés aux besoins de la marine marchande contemporaine et à ceux des alliés pendant la seconde guerre mondiale. Réquisitionnée en 1939 et en 1942 la flotte des chalutiers apporta se contribution à la victoire finale mais y perdit beaucoup de ses marins et la majeure partie de ses unités coulées à Oran et à Bizerte.
L'œuvre peu connue de ces hommes est encore perceptible aujourd'hui sur les côtes d'Algérie. Leur savoir-faire a été simplement transféré sur les anciens descendants de cette époque pionnière. Pour remettre en mémoire ce monde maritime d'une autre époque, il fallait peut être mettre des mots là où il n'y en avait pas encore.
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