Alors que Roselyne Bachelot souligne l’ouverture d’archives sur les enquêtes judiciaires de la guerre d’Algérie, Wassyla Tamzali écrivain ex avocate algérienne explique ce qu’attend son pays.
Roselyne Bachelot a évoqué la prochaine ouverture des archives sur "les enquêtes judiciaires" de la guerre d'Algérie,"On a des choses à reconstruire avec l'Algérie, elles ne pourront se reconstruire que sur la vérité",a dit La ministre de la Culture. Une déclaration qui fait suite à celle du Président de la République qui annonçait en mars dernier l'accès aux archives classifiées datant de plus de 50 ans. La levée du secret-défense comprenant des dossiers de cette période. Tout cela faisant bien sur écho aux déclarations et écrits du candidat à la présidentielle en France ; Eric Zemour.
Qu’en pense-t-on du côté des algériens eux-mêmes ?
Le point de vue de Wassyla Tamzali, écrivain, féministe et ancienne avocate algérienne qui était récemment en Corse à l’invitation du Laboratoire LISA de l’Université de Corse :
Pas des excuses mais une reconnaissance
"Ce que les algériens attendent c’est que la France reconnaisse sa responsabilité en tant qu’ancien colonisateur. _L’Algérie n’attend pas d’excuses, elle n’a pas besoin d’excuses_, l’Algérie a tourné la page du colonialisme. Ce que l’on attend, pas seulement de la France d’ailleurs, dece Monde impérialiste colonisateur, qui a dominé pendant 200 ans qui a guidé le devenir du Monde,qu’il sorte de cette période coloniale."
La perte de l’Algérie toujours pas accepté par certains français
"Je ne vis personnellement pas en France, je vis en Algérie, je pense que pour les français d’origine algérienne c’est difficile parce qu’ils sont très souvent confronté à une espèce de _retour de l’esprit colonisateur_. Ce retour de la perte au fond de l’Algérie n’est pas accepté par beaucoup de français de droite et d’extrême droite en particulier.Les français d’origine algérienne arrivent un peu à être les catalyseursle boucs-émissaires de cette situation."
Wassyla Tamzali dans son dernier ouvrage « La tristesse est un mur entre deux jardins » (Ed Odile Jacob) co-écrit avec l’historienne Michelle Perrot sous la forme d’une correspondance, aborde justement entre autre cette question des relations entre l’Algérie et la France.
Deux jours après avoir accusé le Maroc d’avoir « bombardé » un convoi de camions civils algériens, les autorités algériennes évoquent un « armement sophistiqué meurtrier », comprendre un drone. Les deux voisins se sont dotés ces dernières années de nombreux appareils sans pilote.
Dernier rebondissement dans l’affaire des trois routiers algériens tués, selon la présidence algérienne, le 1er novembre, lors d’un bombardement marocain dans une zone contrôlée par le Polisario : le ministère algérien des Affaires étrangères annonce avoir saisi plusieurs instances internationales (ONU, UA, Ligue arabe et OCI) pour les informer de « la gravité extrême de l’acte de terrorisme d’État en question » et leur faire part de la volonté et de la capacité de l’Algérie « d’assumer ses responsabilités en matière de protection de ses ressortissants et de leurs biens en toutes circonstances ».
Le communiqué du département de Ramtane Lamamra évoque l’usage d’un « armement sophistiqué meurtrier » sans pour autant fournir de précisions sur sa nature.
Le site algérien menadefense, qui a le premier fait état de l’attaque, estime dans un billet publié le 5 novembre que celle-ci aurait été menée par un drone, plus précisément un Bayraktar TB2 acquis auprès de la Turquie.
L’ARMÉE ALGÉRIENNE ALIGNE UNE VINGTAINE DE DRONES D’ATTAQUE EL-DJAZAÏR 54 ET 55, DE CONCEPTION ÉMIRATIE
Dans la région, l’Algérie a été pionnière dans le domaine des drones et de la surveillance aérienne. Grâce une coopération accrue avec l’Afrique du Sud, elle a acquis et déployé dès le début des années 2000 des drones de surveillance Seeker I, puis Seeker II.
Face au succès des drones d’attaque américains au Pakistan et au Yémen, les autorités algériennes ont ensuite décidé de miser sur des drones de combat à long rayon d’action.
Aujourd’hui, l’armée aligne une vingtaine de drones d’attaque El-Djazaïr 54 et 55, de conception émiratie et reconstruits localement, une douzaine de drones CH-4 et au moins cinq drones de reconnaissance CH-3, de fabrication chinoise. Elle maintient également un régiment d’une douzaine de drones tactiques Seeker sud-africains destinés à la surveillance.
Le succès commercial et militaire du drone de combat turc Bayraktar TB-2 et son efficacité en Syrie, en Libye et dans le conflit du Nagorno-Karabakh suscitent l’intérêt de l’institution militaire.
Des négociations sont engagées en 2020 avec le fabricant turc pour renforcer rapidement la flotte de drones d’attaque algériens. Mais celles-ci ont été abandonnées en raison des sanctions canadiennes sur certains équipements utilisés à bord du Bayraktar. L’Algérie se résignera en 2021 à commander 24 drones d’attaques chinois Wing Loong II, qui entreront en service en fin d’année.
Allié majeur non-membre de l’OTAN depuis 2004, le Maroc a dû attendre 2020 pour que l’administration Trump allège le régime d’exportation permettant ainsi au royaume de commander quatre drones MQ-9B Reaper, qui seront livrés dans les mois ou années à venir.
EN 2019, LE MAROC S’EST TOURNÉ VERS LA TURQUIE POUR ACQUÉRIR 12 DRONES D’ATTAQUE BAYRAKTAR TB2
Rabat a également bénéficié du redéploiement américain après les attaques terroristes du 11-Septembre pour accéder à quelques drones GNAT utilisés pour la surveillance. Ils ont été vus pour la première fois lors des événements de Gdeim Izik, à Laayoune, en novembre 2010.
En 2019, le Maroc se tourne vers la Turquie pour acquérir 12 drones d’attaque Bayraktar TB2, capables de porter des missiles. Le Royaume a réceptionné une première livraison des drones trucs en septembre, les autres unités devant arriver courant 2022.
Ce drone est utilisé pour des missions de reconnaissance, de surveillance et de relais de communications. En janvier 2020, trois drones Harfang, conçu par Airbus Group et Israël Aerospace Industries (IAI), ont été réceptionnés par Rabat.
DANS LE CONTEXTE D’INTENSIFICATION DES TENSIONS ENTRE LES DEUX VOISINS, UN RECOURS ACCRU AUX DRONES POURRAIT ÊTRE TENTANT
Le drone Harfang, développé sur la base du drone israélien Heron, est un système destiné au renseignement, à la surveillance et la reconnaissance de cible.
Selon des sources militaires marocaines, ces drones sont uniquement utilisés pour les écoutes, la surveillance et les repérages, et non pour des attaques. Mais certains drones d’observation achetés par le Maroc auprès d’entreprises israéliennes disposent d’une option pour porter de petites charges explosives.
Mohamed Shkeir, expert militaire marocain, évoque dans la presse la livraison de 4 drones Hermes 900 « kamikaze » ou « suicide » dans le courant de l’année 2021. Il s’agit de drones capables de s’écraser sur les cibles visées.
Dans le contexte d’intensification des tensions entre les deux voisins, que la perspective d’un conflit ouvert coûteux en vies humaines n’enchante guère, un recours accru aux drones pourrait être tentant. Surtout si l’Algérie décide de faire bénéficier le Polisario de son expertise en la matière, comme l’a fait l’Iran avec les rebelles yéménites Houthis face à l’Arabie saoudite.
Un drone qui pourrait décider seul de tuer, sans que l’homme intervienne. Ce scénario semble tiré d’un film de science-fiction, et pourtant ce type de technologie douée d’une intelligence artificielle existe. Et ces drones militaires autonomes commencent à faire débat : ils posent en effet des questions éthiques et juridiques.
C’est en tout cas le message que souhaitent faire passer des associations et des organisations non gouvernementales, qui ont réalisé un court-métrage pour dénoncer l’usage de ces armes létales autonomes. Dans cette vidéo, le spectateur découvre la présentation enthousiaste d’un petit drone capable de tuer, seul, « les méchants ». Le but est de choquer et de faire réfléchir sur l’avenir de ces nouvelles technologies.
Onze ans après la révolution tunisienne, le président a-t-il sauvé son pays de la zizanie, ou l’a-t-il replongé dans la plus sombre période de son histoire en s’arrogeant tous les pouvoirs au point de dissoudre de facto le Parlement ce lundi 13 décembre ? Reportage.
Un portrait est apparu dans la vitrine vieillotte du studio photo El-Masri, rue du Caire, un étroit passage du centre-ville de Tunis. Cheveux grisonnants, visage fermé mais bienveillant, le président Kaïs Saïed trône entre le père de l’indépendance, Habib Bourguiba (président de 1957 à 1987), et Zine el-Abidine Ben Ali (de 1987 à 2011). A eux deux, plus d’un demi-siècle de dictature. Une place d’honneur presque incongrue pour ce modeste professeur à la retraite, élu en 2019 avec un score digne de ses prédécesseurs (72,7 %), mais après une campagne fondée sur sa simplicité.
C’est la première fois depuis la révolution de 2010-2011 que le gérant du studio, Moaz, affiche le portrait d’un chef d’Etat. « Je ne mets que les présidents réels, précise-t-il. Ceux qui prennent leurs responsabilités et ne se lient pas aux islamistes. » Faut-il entendre « ceux qui s’arrogent tous les pouvoirs », comme le fit Kaïs Saïed le 25 juillet en interprétant à son avantage l’article 80 de la Constitution pour décréter l’Etat d’exception, s’accaparer les compétences du gouvernement et fermer le Parlement avec le concours de l’armée ? Point d’orgue de cette mainmise : lundi 13 décembre, à quatre jours de l’anniversaire du début de la révolution tunisienne, le président vient d’annoncer dans un discours à la nation sa décision de prolonger d’un an la suspension du Parlement jusqu’aux prochaines élections législatives de décembre 2022 dont les modalités restent à définir. Une dissolution de facto.
Pour Moaz, « la Tunisie a besoin d’un régime à une seule tête. Dix ans de révolution ne nous ont apporté que des politiciens corrompus et de la misère ». Comme lui, 80 % des Tunisiens, exaspérés par une classe politique rongée par ses querelles intestines, jugée incompétente et malhonnête, ont soutenu cette prise de pouvoir. Pour ses partisans, le président vient de sauver le pays d’une guerre civile entre pro et anti-islamistes et, après une réforme constitutionnelle nécessaire, rétablira la démocratie. N’a-t-il pas affirmé, citant de Gaulle : « Ce n’est pas à mon âge que je vais commencer une carrière de dictateur » ? Pour ses détracteurs, ce « populiste » a mis en œuvre un plan longuement mûri : l’objectif officiel de sa réforme, « rendre le pouvoir au peuple », le concentrerait dangereusement entre les mains du président. Un coup d’Etat.
Modeste prof de droit
Qui est Kaïs Saïed, ce professeur assistant à la faculté de droit de Tunis devenu président, ce géant à l’allure austère et à la voix de robot ? Fils d’un fonctionnaire et d’une mère au foyer, né en 1958 à Tunis dans une famille cultivée mais modeste, il grandit dans la banlieue populaire de Radès. La vie de cet enfant de l’école publique baigne dans le droit : le jeune Kaïs Saïed, puis son frère Naoufel − son directeur de campagne en 2019 − étudient les sciences juridiques. Diplômé en droit international public et constitutionnel, Saïed enseigne à la faculté de Sousse – où il rencontre son épouse, Ichraf Chebil, alors son élève, aujourd’hui magistrate – puis à Tunis.
C’est peut-être cet habit de modeste prof de droit qui le caractérise le mieux. Dans la cour arborée de la faculté, à deux pas de l’amphi 14 où Saïed a enseigné jusqu’en 2018, ses anciennes élèves Saida et Nour évoquent « un enseignant attentif, ouvert à la discussion, rigoureux mais juste, avec une grande discipline personnelle », qui avait même assuré son cours alors que sa mère était mourante.« Il a juste confié son téléphone au gardien pour qu’il le prévienne en cas d’urgence. » Dévouement ou entêtement ? Pour d’anciens collègues, sa droiture confine à l’intransigeance. Il se serait brouillé avec son directeur de recherche et aurait renoncé à sa thèse plutôt que de solliciter un autre ponte.
Nour n’a pas voté pour son professeur en 2019 : « Je pensais qu’il échouerait à imposer ses principes dans ce monde de compromissions. » Aujourd’hui, elle hésite : défend-il réellement l’Etat de droit ? « Il a érigé la lutte contre la corruption en priorité, mais les arrestations arbitraires semblent se multiplier… » En trois mois, selon Amnesty International, la justice militaire a engagé des enquêtes contre au moins dix civils, dont quatre après des critiques du président.
Kaïs Saied au palais présidentiel de Carthage, en août 2020. (NICOLAS FAUQUE/IMAGES DE TUNISIE)
Le professeur n’a jamais appartenu à un mouvement politique, associatif ou syndical sous Ben Ali. Il fut pourtant l’un des premiers en 2011 à se joindre aux sit-in de la place de la casbah. Il a modifié la date anniversaire de la révolution (le 17 décembre 2010, jour de l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, au lieu du 14 janvier 2011, fuite de Ben Ali) et considère que le mouvement a été récupéré par les partis politiques qu’il honnit. « Il croyait dans les débats qui émergeaient au sein du peuple, raconte son amie et ancienne collègue Rachida Ennaïfer. Ce mouvement populaire l’a convaincu de s’impliquer. » Pilier des sit-in, l’entrepreneur Faouzi Daas se souvient de celui qui défendait, déjà, une démocratie directe soutenue par des comités locaux : « Nous avons confiance, il établira un régime qui permettra au peuple de gouverner réellement. »
Le professeur devient un invité régulier des plateaux télé où il analyse la rédaction de la nouvelle Constitution. S’exprimant dans un arabe classique, avec sa diction théâtrale, sa voix grave marquée par le tabagisme, il marque tant les esprits que son nom apparaît dans les présidentiables dès 2013. Attend-il sa retraite en 2018 pour se lancer ? Ou est-il empêché, comme le dit la rumeur, par des problèmes de santé ?Il candidate en 2019.
Entre-temps, il arpente la Tunisie, donne des conférences dans des régions reculées. Son modeste véhicule devient son meilleur faire-valoir, un signe d’humilité. « C’est grâce à nos voitures que nous avons fait connaissance, raconte Rachida Ennaïfer. Nous possédions tous les deux une Opel Corsa blanche, ce qui tranchait avec les standards élevés du parking de la faculté. » Après unecampagne sans argent, sans parti, sans meetings, qui va perturber ses concurrents et ses commentateurs, le candidat « antisystème » sort grand gagnant.
« Il s’est isolé au palais de Carthage »
Peu d’électeurs connaissent alors Kaïs Saïed. Ce qui leur importe est qu’il ne représente ni l’ancien régime ni les nouveaux politiciens ambitieux, ni surtout les islamistes, considérés comme incompétents et malhonnêtes après dix ans de participation au pouvoir. Lors de l’entretien qu’il nous avait accordé en septembre 2019, dans le petit appartement du centre-ville qui lui servait de quartier général, Saïed avait remis en cause les notions de modernisme et de conservatisme, tout en assumant ses positions en faveur de la peine de mort ou contre l’égalité successorale entre hommes et femmes. Wahid Ferchichi, professeur de droit public et président de l’Association tunisienne de Défense des Libertés individuelles, analyse :
« Le peuple défend des valeurs conservatrices et Saïed le caresse dans le sens du poil. Avoir nommé Najla Bouden comme Premier ministreest en réalitéun triste symbole : une femme peut devenir cheffe du gouvernement, mais pas de sa propre famille. Seuls les pères exercent l’autorité parentale. »
Pour ce juriste, le président − qu’il décrit comme nationaliste, populiste et conservateur −, s’inspire des leaders arabes des années 1950, en particulier du président égyptien Gamal Abdel Nasser sur la tombe duquel il s’est recueilli, au Caire, en avril. Comme le champion du panarabisme et une grande majorité des Tunisiens, Kaïs Saïed soutient la cause palestinienne. Il refuse de reconnaître Israël, ce qui lui vaut d’être accusé d’antisémitisme. Il s’en est défendu durant la campagne, en invoquant son histoire familiale : sous l’occupation allemande de la Tunisie, en 1942 et 1943, son père aurait quotidiennement aidé la jeune Gisèle Halimi, née à La Goulette dans une famille juive, à franchir les barrages pour rejoindre son lycée.
Son projet de « comités locaux » est-il une référence au régime libyen de Mouammar Kadhafi, autre disciple de Nasser ? « Des kolkhozes de Lénine aux comités de Kadhafi, ces expériences n’ont donné que des Etats fascistes », met en garde Walid Ferchichi. Le projet paraissait invraisemblable durant la campagne, tant l’idée que les députés acceptent d’être dépossédés de leur charge semblait incongrue. Aujourd’hui, derrière les grilles du palais du Bardo, les chars de l’armée encerclent le Parlement. Et le président gouverne par décret.
Le 25 juillet 2021, des Tunisiens célèbrent la décision de Kaïs Saïed de s’octroyer les pleins pouvoirs et de suspendre le Parlement – avec le concours de l’armée. (NICOLAS FAUQUE/IMAGES DE TUNISIE)
De nombreux professeurs de droit – en particulier ses amis – ont justifié sa prise de pouvoir. « A situation inédite, réaction inédite, dit le juriste Mohamed Salah Ben Aïssa. Les députés bloquaient le fonctionnement de l’Etat en pleine crise économique et sanitaire. » « Il a pris une décision courageuse », ajoute l’ancien ministre de la Justice sous Ben Ali,Sadok Chaabane. Mais aucun ne défend son projet de démocratie directe. «Je ne peux pas croire qu’il veuille mettre un tel système en place », dénonce Amine Mahfoudh, professeur à la faculté de Sousse.
L’opposition s’organise. Des militants politiques et des intellectuels ont lancé le 8 novembre le mouvement « Initiative démocratique ». Parmi eux, le constitutionnaliste Jawar Ben M’barek s’inquiète d’une volonté de diviser, en « opposant dangereusement “les patriotes” aux “traîtres”. Kaïs Saïed déshumanise les seconds, les qualifie de virus, d’insectes, va jusqu’à appeler à “épurer” le pays. » Malgré ses craintes d’être poursuivi par la justice militaire, l’ex-ambassadeur Abderraouf Betbaieb, soutien du président durant la campagne, alerte aussi :
« Il s’est isolé au palais de Carthage. Il ne prend plus aucun de ses anciens conseillers au téléphone, il s’est coupé des Tunisiens. »
Ses rares sorties, de plus en plus mises en scène, renforcent cette impression de distance, comme lorsqu’il s’est rendu à Mnihla, le quartier où il a gardé son domicile, il y a quelques semaines. « C’était du cinéma, regrette Adel Bouzaien, serveur au café Le Bien-être. Nos vies ne lui importent plus.Après quelques photos, il est reparti au palais de Carthage, et moi j’ai fini ma journée : 18 dinars [5 euros, NDLR] pour 11 heures de boulot. » Bientôt, pour apercevoir Kaïs Saïed, le plus sûr sera de passer devant la vitrine du photographe de la rue du Caire. A moins que, dans un « remake » des ères Bourguiba et Ben Ali,ses portraits se multiplient chezles commerçants soucieux d’afficher leur soutien. On n’en est pas encore là. « Les c..ommandes restent rares, déplore le gérant. Ça serait bon pour la boutique. » Moins pour la démocratie.
La victoire algérienne lors du quart de finale de la Coupe arabe n’a pas échappé à la récupération politique. Mais les messages de fraternité entre les supporteurs des deux pays ont prévalu.
La fraternité, au-delà des tensions politiques ? C’est l’image forte du quart de finale de la Coupe arabe qui a opposé le Maroc à l’Algérie, le 11 décembre, à Doha. À la 89e minute du match, le milieu offensif algérien Youcef Belaïli et le défenseur marocain Mohamed Nahiri se sont donné l’accolade.
Le geste a été abondamment partagé et commenté sur les réseaux sociaux, accompagné de commentaires tels que « Belaïli et Nahiri qui se font un câlin à la 89e et vous vous clashez sur Twitter », « la photo qui éclipse tous les messages de haine » ou encore « la vraie victoire est là ».
D’autres photos de supporteurs marocains, algériens et tunisiens brandissant côte à côte leurs drapeaux respectifs dans les tribunes du stade Al Thumama ou à l’aéroport de Doha ont circulé dès la fin du match.
« Le missile Belaïli »
Si sur les réseaux sociaux les messages de fraternité ont prédominé, la une du journal sportif algérien Compétition a été unanimement décriée, celui-ci ayant utilisé un lexique de guerre pour parler du but de Belaïli, une frappe de plus de 40 mètres. « Le missile Belaïli s’abat sur le Maroc », a ainsi titré Compétition le lendemain du derby, qui s’annonçait très tendu en raison de l’animosité entre les dirigeants des deux pays voisins.
La rupture du cessez-le-feu par le Front Polisario, suivie de la normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël ont ravivé la brouille entre le Maroc et l’Algérie. Les accusations d’Alger à la suite de la mort de trois de ses ressortissants dans le Sahara début novembre ont exacerbé le conflit.
Malgré les messages réciproques de sympathie, la politique n’était pas bien loin. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a tweeté « Un million et demi de bravos à nos héros », en référence aux martyrs de la guerre d’indépendance (1954-1962).
Le ministère algérien de la Défense a également félicité les Fennecs pour leur victoire, tandis que des joueurs algériens ont fait un tour d’honneur enveloppés dans un drapeau palestinien en signe de soutien à cette cause.
Dès la fin du match, les Algériens sont sortis fêter la victoire à coups de klaxon et de chansons à la gloire de leurs footballeurs. Les principales artères d’Alger n’avaient pas connu une telle ambiance depuis la finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) remportée par la sélection nationale en 2019. Les festivités ont duré jusqu’à une heure avancée de la nuit.
C’EST UNE RENCONTRE SPORTIVE. IL NE FAUT PAS QUE LA POLITIQUE S’EN MÊLE »
Pour les partis d’opposition, la rivalité entre les deux pays ne doit pas dépasser le rectangle vert. « C’était une belle rencontre de joie et d’entente entre les deux peuples. Cela contraste avec les deux pouvoirs qui nous ont habitués aux échanges belliqueux. Encore une fois, c’est l’Afrique du Nord des peuples qui va sauver la région et contribuer à apaiser les relations tendues entre l’Algérie et le Maroc », a déclaré à Jeune Afrique Athmane Mazouz, secrétaire national chargé de la communication du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD).
Pour Habib Brahmia, cadre dirigeant de Jil Jadid, « au-delà du résultat footbalistique, le match a été un moyen d’exprimer des idées et d’échanger des messages de fraternité entre supporters ».
Ramdane Tazibt, membre du bureau politique du Parti des travailleurs (PT), se prononce lui aussi en faveur de l’unité des rangs et refuse que la dynamique de fraternité entre les peuples algérien et marocain soit cassée : « L’Algérie et le Maroc sont liés par la même histoire et un destin commun. Je suis pour l’unité et la solidarité nord-africaine. »
Côté marocain, le ton était tout aussi mesuré. « C’est une rencontre sportive. Il ne faut pas que la politique s’en mêle », a tempéré un supporter marocain dans une vidéo sur YouTube.
Mon témoignage d'ancien appelé de la guerre d'Algérie "Pourquoi j'ai refusé la Croix du Combattant"
J'avais à peine 20 ans, Thiout à quelques kilomètres d'Aïn Sefra, derrière moi
la ligne de chemin de fer Oran-Colomb-Béchar
Et moi qui, dès l’âge de 16 ans n’a manqué aucunes manifestations contre la guerre d’Algérie je reçois ma feuille de mobilisation… j’ai à peine 20 ans, c’est le 1er mai 1961.
Départ pour Marseille, puis embarquement sur le "Ville d'Oran" pour le Club Med... façon "maintien de l'Ordre dans l'Algérie française"
Débarquement à ORAN
Alors que j'arrive en civil sur cette terre déchirée par une guerre, qui ne dira son nom que 38 ans après en 1999, pour le moment ce n’était que des « évènements, du maintien de l’ordre… quelle hypocrisie » je ne me doute pas qu'au même moment, un autre garçon de mon âge prend lui le chemin du Djebel pour défendre sa Liberté, la vraie, celle de libérer son Pays du colonialisme.
J’arrive donc à Oranpour quelques jours, avant de partir pour ma destination prévue, à quelques kilomètres de Aïn Sefra, dans la Palmeraie de Thiout, dans ce pays je ne vois que des exploités et des dominés, les souvenirs de mon enfance me remontent à la mémoire, je sens que je vais être obligé de faire des choses contraires à mon idéal de paix et de tolérance, j'ai déjà le sentiment de ne pas me trouver du bon côté... Mais j'ai eu beaucoup de chance et je ne le savais pas encore, dans la région du Sud Oranais où je me trouvais il ne s'est rien passé... Je n'ai même jamais vu ce qu'on appelait un fellagha... Pour cette raison je n'ai jamais eu à me servir d'une arme individuelle... pour cette raison je "n'ai pas eu de sang" sur les mains...
Mais je sentais que leur histoire allait devenir la mienne, c'est vrai comme le disaient les pieds noirs, qu'ils avaient repoussé les lions qui étaient aux portes d'Oran, sous-entendant, que leur présence avait contribué au développement du pays. OUI, c'est vrai, il y avait les hommes et les sous hommes ceux qui commandaient et ceux qui travaillaient dans les régions déjà développées, pour le reste, c'était encore le désert. OUI l'injustice et les inégalités étaient criantes.OUIj'ai connu des gens qui se croyaient supérieurs et qui traitaient les "Indigènes de quantités négligeables".
Le summum de l’ignominie lorsque j’ai appris que l’armée française à la manière des nazis a brûlé des corps dans ce qui ressemblaient à des fours crématoires… c’étaient des fours à chaux… Quelle colère… quel dégoût… Je ne parlerai pas de la torture sous toutes ses formes les plus immondes, des villages brûlés au napalm, c’étaient autant … d’Oradour…
Ma libération
21 mois après, le 8 janvier 1963, je suisde retour en France, j'ai beaucoup de difficulté à me réadapter à la vie civile, je trouve difficilement le sommeil, le moindre bruit me fait réagir… car je pense auxévénements de "là-bas" (comme ils disent), ce triste exode des populations Pieds Noirs dont les plus modestes ont tout perdu... car il n'y avait que 3 % de riches colons qui, eux, ont eu le temps de tout sauver. Pendant que 25000 à 30000 militaires français sont morts, environ 450000 Algériens (1 million et demi dit l'Algérie) ont été tués dans cette sale guerre coloniale. J’ai appris que la passation des pouvoirs ne s'est malheureusement pas faite en douceur comme en Tunisie, au Maroc ou bien encore en Afrique du Sud avec Mandela. En 1962, l'Algérie retrouve son indépendance après 132 ans de présence Française, cependant une autre guerre fratricide continue, les anciens Harkis désarmés par l'Armée Française en paieront le prix fort... mais dernièrement grâce au livre-enquête de Pierre Daum " Le Dernier Tabou " va à l'encontre des idées reçues.
Deux ans et demi d’enquête, 20 000 km parcourus et des dizaines de témoignages inédits ont été nécessaires à Pierre Daum pour réaliser « Le Dernier Tabou, les harkis restés en Algérie après l’indépendance ». Avec cette publication, le simple mot de « harki » ne résonnera plus de la même façon, ni en France ni en Algérie.
Cette enquête bouleverse en effet pas mal d’idées reçues, notamment celle du « massacre massif » de harkis après la signature des accords d’Evian. Pour l’auteur de l’essai, « les nostalgiques de l’Algérie française instrumentalisent depuis 55 ans les souffrances (par ailleurs réelles) que de nombreux harkis ont vécues au moment de l’indépendance. En exagérant le nombre de morts (le chiffre de 150 000 est très souvent repris alors qu’il ne repose sur aucun fondement historique) et en parlant de "massacre" , voire de "génocide" des harkis, ces nostalgiques tentent, sous couvert d’un pseudo-humanisme, de justifier le combat des ultras de l’Algérie française, notamment de l’OAS. »
L’argument est de fait, mis en avant de manière permanente par ceux qu’on appelle communément les « nostalgériques », dont on vient de voir à Béziers jusqu’où ils sont capables d’aller. Pierre Daum en est persuadé : « derrière leurs discours dénonçant le "massacre des harkis" , il faut en fait entendre : »nous n’aurions jamais dû lâcher l’Algérie, regardez ce que ces pauvres harkis ont subi ! « Discours plutôt efficace puisque la plupart des Français pensent qu’en 1962, les harkis ont soit réussi à s’enfuir en France, soit ont été massacrés. » « La version véhiculée par ces groupes postule qu’aucun harki n’est resté vivre en Algérie. Ce qui est complètement faux. Mon enquête, dit Pierre Daum, révèle qu’en réalité, la grande majorité des harkis est restée dans son pays sans y être assassinée. »
Si l’on en croit les résultats de la longue et minutieuse enquête de l’auteur, la plupart d’entre eux sont retournés dans leurs villages et ont retrouvé la vie de paysans très pauvres qu’ils avaient avant la guerre. Beaucoup n’ont pas été véritablement inquiétés. D’autres sont passés par des tribunaux populaires, devant lesquels beaucoup ont réussi à s’en sortir, expliquant n’avoir « rien fait de mal », ou avoir été « forcés par les Français ». Certains, par contre, reconnus coupables de violences à l’égard de la population civile, ont été soumis pendant quelques semaines à des travaux forcés. Certains ont passé plusieurs années en prison avant d’être libérés. « En général, poursuit Pierre Daum, seuls les plus coupables (de tortures, viols, exactions en tout genre) ont été exécutés. Mais cela n’empêcha pas, en cette période de chaos de l’été/automne 1962, qu’aient lieu de nombreux crimes aveugles, des vengeances sordides et des exécutions sommaires, sans rapport parfois avec la guerre. Il s’agissait alors de vieilles querelles de terre, d’héritage ou de femmes. »
Voilà un ouvrage qui va certainement soulever un certain nombre de polémiques et de protestations, tant du côte algérien que du côté des mouvements français d’extrême-droite qui ont beaucoup utilisé cet épisode pour alimenter leurs discours et leur « idéologie ».
Pourquoi j’ai refusé la
Ma participation à cette guerre d’Algérie j'y étais opposé, je l’ai donc subie et je le regrette, quant à mon statut de combattant, j'ai été contraint de l'accepter...
Ceux qui ont participé à la seconde guerre mondiale, c'était leur devoir ou d'autres qui se sont engagés dans la Résistance ou ont rejoint l’armée de la France Libre pour combattre le nazisme. Ils choisirent, et firent là actes de citoyens libres et responsables. Si j’avais été dans ce cas-là j’aurai accepté la croix du combattant… mais en aucun cas pour la sale guerre coloniale d’Algérie…
Je refuse de considérer les anciens des guerres coloniales de la France comme des combattants au même titre que ceux qui se sont engagés pour des causes justes ? (contre le nazisme par exemple).
La croix du combattant je l'ai refusée parce qu'en Algérie on ne défendait pas la France mais l'Empire colonial.
Et, enfin, comme je l'ai écrit plus haut, je n'ai pas combattu, je ne me suis jamais servi d'une arme individuelle, je n'ai pas de sang sur les mains.
A la place de la croix du combattant je suis fier de voir la colombe de la Pai
CONCLUSION
Le 8 Octobre 1962, l'Algérie devient le 109ème Etat de l'Organisation des Nations Unies.
A travers l'expérience de la guerre d'Algérie, je sais maintenant ce que valent véritablement nos hommes d'État.
1956, la gauche française, élue sur le programme de paix en Algérie, lance une nouvelle guerre coloniale… avec Guy Mollet et François Mitterrand.
Mais le PCF, qui condamnait la guerre en parole, dans les colonnes de l’Humanité, n’entreprit rien pour gêner le gouvernement. Son vote des pouvoirs spéciaux à Guy Mollet fut pour beaucoup une faute politique.
Si on a retenu que De Gaulle mit fin à la guerre d’Algérie, on a tendance à oublier qu’avec lui, la guerre dura encore quatre ans, entre le « Je vous ai compris » adressé à la population européenne algéroise le 4 juin 1958, et la reconnaissance de l’indépendance algérienne en mars 1962.
Avec De Gaulle ce fut la guerre pour le pétrole
Constatant l’impuissance française à vaincre politiquement et militairement la résistance algérienne, De Gaulle se prononça en septembre 1959 pour le droit à l’autodétermination des Algériens, signifiant par là que les intérêts de la population européenne d’Algérie devenaient secondaires au regard du redéploiement du capitalisme français dans le contexte de la décolonisation mondiale des années 1960. Les intérêts du gouvernement français en Algérie se focalisaient alors sur la question du pétrole et des bases militaires. Pour le gouvernement français, la guerre d’Algérie est devenue de 1960 à 1962 une guerre pour le pétrole.
La guerre a continué et redoublé, pour cet objectif principalement. C’est dans cette période qu’a été perpétré le massacre du 17 octobre 1961, contre une manifestation de milliers d’Algériens à Paris. Et du temps a ainsi été laissé aux généraux putschistes et à l’OAS pour s’organiser, en Algérie comme en France.
De Gaulle essaya de conserver les territoires du Sahara sous domination française, n’acceptant l’indépendance que pour le reste de l’Algérie. C’est seulement le 5 septembre 1961 qu’il finit par reconnaître l’appartenance du Sahara, les départements administratifs des Oasis et de la Saoura, à l’Algérie et accepta donc de l’inclure dans les négociations globales avec le FLN.
Sept mois de guerre seront encore nécessaires pour parvenir aux accords d’Evian.
Pendant plus de cinquante-huit ans, j'ai repoussé loin de moi ces souvenirs, aujourd'hui, rien n'a changé en moi, je disparaîtrai avec cette colère d’avoir été à 20 ans, incorporé, contre ma volonté, pour une cause indéfendable dans une SALE guerre (et le mot est faible) la guerre d’Algérie.
Michel Dandelot
Je suis en colère, comme mes amis, parce que des responsables politiques de gauche comme de droite m’ont fait perdre 21 mois de ma jeunesse… dans une guerre, pour une cause injuste que je désapprouvais.
A l’époque de la guerre d’Algérie, les jeunes gens qui refusaient de porter les armes, les réfractaires, insoumis ou déserteurs, étaient mis au ban de la société française. Leur choix était le plus souvent incompris. Aucune institution, parti, syndicat ou église ne les soutenait. L’opprobre pesait sur leurs familles comme sur celles de malfaiteurs. Elles étaient convoquées à la mairie, subissaient des interrogatoires et des perquisitions de la part des policiers. Leur entourage les critiquait, les rejetait. Pour les réfractaires et les déserteurs, la seule alternative à la prison était l’exil.
Le temps a passé, mais aujourd’hui le choix des réfractaires et des déserteurs n’est guère mieux compris. Même ceux qui critiquent sévèrement la guerre, admettent difficilement leurs choix. Pourtant, les réfractaires comme Etienne Boulanger, les déserteurs comme Noël Favrelière nous enseignent qu’il est toujours possible de dire NON !
Le témoignage de Jacques Pous, l’un de ceux qui ont dit NON.
Pourquoi si peu de refus à faire la guerre ?
Il ne faut pas oublier que la plupart des appelés sortaient de l’enfance (c’était le cas de la plupart de ceux que j’ai rencontrés au 24e RIMa) et ce n’est pas la lecture de Bled et de la grande presse, les discours lénifiants ou menteurs des politiques, des Églises et de la plus grande partie de ce que l’on appelle les élites qui allaient leur ouvrir les yeux. L’important, dans l’immédiat, c’était la bouffe et les "perms" (lorsque l’on a passé plusieurs jours dans une caserne, l’on est prêt à tout pour ne pas se faire punir et "se la faire" …) et, dans un avenir beaucoup plus lointain, compter à combien "au jus" l’on en était et "la quille, bordel", horizon ultime de la présence à l’armée, cri lancé avec dérision, par des centaines de milliers de jeunes, pour éviter de pleurer face à l’absurde. Le grand public et surtout les responsables de la politique de la France en Algérie n’avaient pas voulu, durant huit ans, entendre des gosses qui hurlaient leur souffrance, leur sentiment d’abandon et parfois même leur dégoût (Des rappelés témoignent) et maintenant ils étaient une nouvelle fois victimes d’une entreprise de récupération qui allait alimenter le silence dans lequel certains d’entre eux allaient s’emmurer.
Tous, par contre, ont eu le sentiment de ne pas être compris et même parfois d’être jugés et condamnés lors de leur retour dans une société civile qui ne s’était intéressée à l’Algérie que lorsqu’un proche était concerné. Ils savaient que parmi eux ils avaient été nombreux à ne pas participer aux exactions, qu’il s’en était trouvé quelques-uns qui, comme des appelés le racontent à Patrick Rotman et Bertrand Tavernier, avaient bien traité des prisonniers, soigné des adversaires blessés, refusé de participer à la torture ou qui, comme le brigadier Monjardet, avaient été héroïques en refusant de tirer, malgré les ordres, sur des fellahs désarmés.
Tous ceux-là ne pourront que refuser les généralisations dont ils étaient victimes et qui étaient la conséquence de l’amnistie accordée aux véritables coupables.
Comment d’ailleurs pourrait-on juger des gosses auxquels l’on avait inculqué la soumission à l’autorité alors que l’on ne sait pas ce que, à leur place, l’on aurait fait. Pour ma part, en tous cas, je me refuse de me mettre dans la position du si : qu’aurais-je fait ou pas fait si … Ce qui compte, c’est ce que j’ai fait ou pas fait. C’est pourquoi il m’est difficile de juger les autres, en particulier ceux de ma génération, car je connais trop la part d’animalité et la part d’humanité qui hantent l’homme ; si j’avais été dans la même situation qu’eux, j’aurais, peut-être, agi comme eux. Cette problématique du « si » n’a, par ailleurs, aucun intérêt car il est à tout jamais impossible de savoir ce que l’on aurait fait si … Ceux qui prétendent le savoir s’illusionnent. Des enquêtes d’opinion ont d’ailleurs montré que, dans la génération de la paix, ils sont nombreux à proclamer que s’ils avaient été confrontés aux situations auxquelles ont été confrontés les appelés de la génération du feu, ils auraient refusé d’y participer ; à les entendre, si la même alternative leur était proposée, (11,5 % des élèves de terminale interrogés en 1977 par Jean-Pierre Vittori auraient opté pour la désertion), le chiffre fantaisiste des trois mille réfractaires serait donc aujourd’hui largement dépassé.
Reste enfin une forte minorité qui a été victime de ce que l’on appelle le stress du combattant ou de la culpabilité de s’en être sorti ou encore du dégoût pour ce qu’ils avaient fait. Ce sont les véritables victimes d’une guerre que, dès 1955, Guy Mollet considérait comme "imbécile et sans issue" ; sans oublier ce qu’ont subi ceux d’en face qui, lors d’un conflit asymétrique sont dix fois plus exposés aux séquelles de la guerre. De nombreux travaux concernent les traumatismes des GI’s retour du Vietnam, d’Irak ou d’Afghanistan ; qu’en est-il des Vietnamiens, des Irakiens ou des Afghans qu’ils ont massacrés ? Qu’en est-il des Algériens, des réfugiés croisés en Tunisie, des Moudjahidins traumatisés par huit ans de guerre, des millions de personnes regroupées dans ce qui trop souvent ressemblait à des camps de concentration ? Peut-être qu’un jour les historiens se demanderont quelles ont pu être les séquelles lointaines de la guerre sur la population algérienne et sur un avenir de violences qui, là aussi, s’enracinent dans un passé qui ne veut pas passer.
Quant à moi, j’avais choisi la trahison comme règle de vie : comment en effet ne pas trahir ses idéaux si l’on ne se résout pas, un jour, à trahir son pays. Toutefois, je n’ai pas eu immédiatement conscience qu’avoir pu dire NON, qu’avoir pu trahir en réalité et non en rêve, est une chance qui n’est pas donnée à tous ; l’obsession de trahir et la frustration de ne pouvoir le faire seront au cœur de mes engagements futurs. Combien de fois, par la suite, n’ai-je pas regretté de ne pouvoir refuser d’aller au Vietnam, de ne pouvoir refuser d’aller se battre en Irak ou en Afghanistan, de ne pouvoir désobéir à l’ordre d’aller bombarder la Serbie ou Gaza. De nombreux témoignages d’appelés du contingent mentionnent d’ailleurs le sentiment d’impuissance qui les étreignait lorsqu’ils étaient témoins de crimes contre lesquels ils avaient l’impression de ne pouvoir rien faire. Je ne voudrais pas, comme cela a été le cas pour eux, qu’un jour l’on vienne me dire que je suis responsable ou que je dois me repentir de crimes décidés et perpétrés par d’autres alors que l’on ne m’aurait jamais donné la parole et la possibilité de m’y opposer.
Les associations d’anciens combattants, la FNACA ou l’UNC-AFN, au lieu de faire répéter par la dernière génération du feu les rites dérisoires du passé, auraient dû l’amener à demander des comptes à tous ceux qui, durant quarante ans, allaient continuer à diriger la France : eux, les décideurs politiques, ils savaient ce qu’ils faisaient. Ce n’est pas un hasard si ce sont d’abord les rappelés, ensuite les sursitaires et enfin les étudiants qui se sont le plus opposés au discours officiel. La grande erreur des tenants de l’Algérie française est d’avoir accordé des sursis ! Toutefois, plusieurs appelés, regroupés dans l’Association des anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre qui, eux, ont servi, durant de nombreux mois, "Au pays de la soif et de la peur" ne seront pas dupes et refuseront les décorations en chocolat (Carte, Croix et Retraite du combattant), telles ces médailles du travail que le système accorde aux prolétaires pour qu’ils se souviennent et se félicitent jusqu’à la mort d’avoir été exploités.
Le communiste Étienne Boulanger, "insoumis sous l’uniforme", qui s’était résigné à servir après deux années passées en prison, refusera le certificat de bonne conduite et la médaille commémorative des opérations de maintien de l’ordre en Algérie que l’armée avait finalement décidé de lui attribuer. "Je ne me sentais pas une âme de médaillé, proclame-t-il. Le chien du régiment était à côté de moi. Je trouvais que ce chien, qui avait été dressé à mordre les Arabes sur commande, – le dressage n’avait pas marché pour moi – était plus méritant que moi. Je lui ai donc passé la médaille autour du cou". Quant à Jean Faure, il note dans ses carnets : « A Tizi Ouzou, dans la rigidité militaire, beaucoup à dire aussi sur les obsèques de ce copain. “Nous vous conférons la médaille militaire … la croix de la valeur militaire avec palmes …”, etc. Conférez tout ce que vous voudrez, ça ne vous coûte pas cher. Mais jamais vous ne rendrez la vie à Philibert, ni Philibert à sa famille ».
TIPASA - Le projet du port Centre de Cherchell (Tipasa) devrait contribuer à la création de 10.000 emplois directs à son lancement selon les prévisions du Directeur général (DG) de l’Agence nationale de réalisation de ce port, Amar Grine.
"Ce projet devrait générer 10.000 emplois directs au lancement de ses travaux au regard de son importance stratégique", a estimé M.Grine, en marge d'une visite de travail du wali de Tipasa, Abu Bakr Seddik Boucetta, sur le site d'implantation du port.
Il a, à ce titre, souligné l'importance économique de cette infrastructure et ses capacités techniques, de nature à promouvoir l'Algérie au rôle de locomotive régionale dans le domaine du commerce maritime.
Ce port futur permettra, a-t-il précisé, l'accostage de grands navires. Un fait de nature à réduire les coûts de stockage et de logistique, à encourager les exportations et contribuer à un gain de temps.
Le DG de l’Agence nationale de réalisation de ce port a également souligné le rôle attendu de ce port commercial dans la réduction des coûts des marchandises importées, estimés à 30%, en frais de fret et de transport maritime, alors que la moyenne mondiale en vigueur est de 10 %.
"Le port Centre de Cherchell promet de larges perspectives pour l'Algérie et pour toute la région et va contribuer fortement à l’encouragement de l’exportation, vu qu'il englobera un méga complexe industriel et une zone logistique, avec une grande capacité de stockage", a assuré le même responsable. Une superficie globale de 2.000 hectares de terre ferme lui a été affectée, selon des normes internationales supérieures, est-il ajouté.
"Le taux d'avancement des préparatifs locaux, pour la mise en place des conditions idéales pour le lancement du projet du port commercial de Cherchell, est de 95%", a annoncé, pour sa part, le wali de Tipasa Abu Bakr Seddik Boucetta, signalant que "seuls quelques problèmes techniques mineurs subsistent, à l’instar des expropriations liées à l’itinéraire de la voie ferrée".
Le wali, qui a effectué une visite d’inspection du site, en compagnie du directeur général de l'Agence nationale du port de Cherchell, en vue d’aplanir tous les obstacles et réserves, a cité un certain nombre de dossiers techniques, à l’instar du dossier de l’expropriation pour utilité publique, et de l’indemnisation de leurs propriétaires, outre l’expulsion des riverains résidant dans le périmètre du port. A cela s’ajoute l’aménagement de sites pour les bases de vie des travailleurs du Groupe, en charge de la réalisation du projet.
Aussi a-t-il annoncé, à l’occasion, la Constitution d’une commission de wilaya présidée par le wali, qui se réunira une fois par quinzaine, pour coordonner les préparatifs et rassembler les intervenants à l’échelle locale avec le maître d'œuvre afin de trouver des solutions à toutes les contraintes pouvant éventuellement entraver le projet.
M. Boucetta a, par la même, révélé la constitution d'une cellule chargée de recenser le nombre exact des habitants sur le site du port et son périmètre, de même que les surfaces affectées pour la réalisation d’un complexe industriel et d’une zone logistique, ainsi que l’itinéraire de la voie ferrée et de l'autoroute qui relieront Cherchell à la ville d'El Affroune (Blida).
Rassurant les familles concernées, le wali de Tipasa a signalé la sélection d’une assiette de 7,5 hectares pour accueillir un projet de 500 logements, en plus d'autres équipements publics, dont des structures éducatives, sanitaires et sécuritaires.
Concernant l’impact environnemental, Abu Bakr Seddik Boucetta a appelé les responsables de l'Agence nationale chargés de la réalisation du port de Cherchell à examiner la possibilité d'exploitation d'autres carrières pour protéger l'environnement, sous tutelle d'une commission ministérielle qui regroupera les secteurs de l’environnement, de l’énergie et des travaux publics.
A noter que les services de la wilaya de Tipasa avaient annoncé, précédemment, la création d’une commission de suivi chargée de l’exploration des carrières pour couvrir les besoins du projet du port
Centre de Cherchell, estimés à près de 30 millions de M3 d’agrégats et matériaux de construction. Cette commission, composée de deux laboratoires nationaux, a pour mission également de superviser le travail de l’Agence nationale de réalisation du port Centre de Cherchell.
Jusqu’en 2028, les besoins de ce projet sont estimés à 27,8 millions de mètres cubes d’agrégats et deux autres millions de mètres cubes pour des projets temporaires d’accompagnement.
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait instruit, lors du Conseil des ministres tenu le 28 juin dernier sous sa présidence, le Premier ministre de réétudier le projet du port Centre d’El Hamdania avec le partenaire chinois "sur de nouvelles bases transparentes".
Réagissant à l’exposé présenté par le ministre des Travaux publics sur le projet du port du Centre, le président de la République a rappelé les pertes occasionnées, par son retard de réalisation, à l’économie nationale en général, l’objectif stratégique de ce port étant le désenclavement des pays africains sans accès maritimes avec ce que cela implique en termes d’impulsion de la vie économique et de création d’emplois.
Le projet sera financé par un prêt à long terme du Fonds national d'investissement (FNI) et un crédit de la banque chinoise Exim-bank of China.
Cette infrastructure portuaire sera réalisée dans un délai de sept (7) ans, mais sera progressivement mise en service dans quatre (4) ans, avec l’entrée d'une compagnie chinoise, Shanghai Ports, qui assurera son exploitation, selon les prévisions du ministère de tutelle.
La sélection du site d’El Hamdania, à l’Est de Cherchell, pour l’implantation de ce projet s’est faite sur la base des premières études techniques ayant déterminé que cette zone est dotée d’un tirant d'eau (hauteur de la partie immergée d'un bateau) de 20 mètres, outre une large baie lui assurant une protection naturelle.
La structure, destinée au commerce national maritime et devant constituer une plaque tournante pour les échanges régionaux, comptera 23 terminaux d’une capacité de traitement de près de 6,5 millions de containers/an, avec 25,7 millions de tonnes/an de marchandises.
Ils sont fiers ! De leurs guerres Et surtout d’la dernière Ils sont fiers !
Ils paradent Et défilent Commémorent Se décorent Et arborent
Cependant Ont-ils tué ? Ou blessé Torturé ou violé Humilié ou brimé
Asservi ou trahi ?
A vingt ans Ils étaient des enfants Envoyés par les Grands Dans c’pays. Pour sauver la Patrie ! Voilà bien un destin…
Revenus… Grand silence Sur la France. Trop longtemps
On a tu C'qu'on a vu C’qu’on a fait Pour quelle Paix ?
Trop de haine Trop de peur De racisme Pensez-donc ! Les melons Les ratons Tous des cons…
Ils connaissent Que l’plus fort Alors cogne ! T’as pas tort… Et cette arme
Dans tes mains C’est viril Mais malsain. Ça ne fait Qu’des embrouilles Et des hommes Qu’on pas d’couilles.
Et les autres ? Sont pas là, Ils sont morts C’est la guerre Y’a des risques, Pensez-donc !
Et les autres ? Les années ont passé Les voilà pensionnés. D’cet argent, ils n’veulent pas Qu’on leur donne donc là-bas Pour qu’il soit reconstruit Pour aider c’beau Pays… L’Algérie.
Ecrit le 19 mars 2009 en mémoire d’un certain 19 mars 1962
Au lendemain du rejet au Sénat d’une proposition de loi pour faire reconnaître la responsabilité de la France dans la répression de manifestants algériens, le 17 octobre 1961, le gouvernement annonce l’ouverture des archives sur les enquêtes judiciaires en lien avec la guerre d’Algérie. Cette demande a été plusieurs fois formulée par les élus de la chambre haute, jeudi.
« Roselyne Bachelot a visiblement écouté les débats au Sénat ». C’est la première réflexion du sénateur LR, Olivier Paccaud lorsqu’il apprend que la ministre de la Culture va ouvrir « avec 15 ans d’avance, les archives sur les enquêtes judiciaires de gendarmerie qui ont rapport avec la guerre d’Algérie ».
« Je veux que sur cette question qui est troublante, irritante, où il y a des falsificateurs de l’Histoire à l’œuvre, je veux qu’on puisse la regarder en face. On ne construit pas un roman national sur un mensonge », a-t-elle argué vendredi sur BFM TV.
Les documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire sont en effet classifiés pendant soixante-quinze ans.
17 octobre 1961 : « Nous sommes dans l’incapacité de dire combien il y a eu de morts »
L’annonce de la ministre qui résonne avec les débats tenus au Sénat jeudi, où était examinée une proposition de loi pour faire reconnaître la responsabilité de la France dans la répression de manifestants algériens, le 17 octobre 1961. « Ça fait consensus dans cet hémicycle, il faut absolument permettre aux historiens de faire leur travail […] A ce titre, je remarque que nous sommes dans l’incapacité de dire combien il y a eu de morts » a mis en avant le sénateur communiste, Pierre Ouzoulias en pressant par trois fois le gouvernement d’ouvrir les archives sur la répression du 17 d’octobre 1961, sans obtenir de réponse de la part de la secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur, Nathalie Elimas, présente dans l’hémicycle.
« Je ne pense pas que mon interpellation est un lien avec l’annonce de la ministre. Ce devait être prévu de longue date. Par contre, ce que la ministre de la Culture a entendu, c’est l’opposition du Sénat à un article de la loi de juillet 2021 (relatif à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement) qui restreint considérablement l’accès aux archives », estime ce vendredi, Pierre Ouzoulias, archéologue de formation.
En effet, cet été, « dénonçant un recul historique », cinq groupes parlementaires s’étaient opposés (à l’exception de la majorité présidentielle et des Républicains), à cet article modifiant le régime d’accès aux archives secret-défense. Une disposition qui généralise l’accès aux archives classées secret-défense au bout de cinquante ans, mais élargit le champ des exceptions (voir notre article).
« Ce texte était porté par la ministre des Armées et il n’était pas normal que la ministre de la Culture soit mise de côté alors que le Service interministériel des archives de France (Siaf) est rattaché à son ministère. J’assume politiquement mon soutien à Roselyne Bachelot quand elle agit en ministre des archives » se félicite Pierre Ouzoulias.
« Il nous faut attendre maintenant le périmètre exact et les conditions d’accès à ces archives »
Rachid Temal, sénateur socialiste, auteur de la proposition de loi pour faire reconnaître la responsabilité de la France dans la répression du 17 octobre 1961 « salue la démarche du ministère sur le principe ». « Même s’il nous faut attendre maintenant le périmètre exact et les conditions d’accès à ces archives ». « Sur le 17 octobre 1961, les historiens n’ont toujours pas accès aux archives de la préfecture de Paris. Je l’ai dit hier soir lors de mon intervention, mon texte n’avait pas pour but une quelconque repentance, une demande de pardon ou de condamnation. C’est l’honneur de notre pays que de regarder notre histoire en face, c’est comme ça qu’on pourra rassembler ».
« Cela permettait de lever un certain nombre d’ambiguïtés »
Du côté de la majorité sénatoriale LR, on voit également d’un bon œil cette décision de la ministre de la Culture. « Sur le fond, je n’y vois pas d’inconvénient. Cela permettait de lever un certain nombre d’ambiguïtés. Il y a des fantasmes sur le nombre de manifestants tués », estime Gérard Longuet, sénateur LR. L’ancien ministre de la Défense préconise que cette tâche soit confiée « à une mission d’historiens mandatée par le Parlement. Après tout, il s’agit pour le Parlement d’exercer sa mission de contrôle de l’exécutif de 1961 » justifie-t-il, avant de prévenir : « Le problème, c’est l’utilisation politique de ces archives ».
« J’ai voté contre la proposition de loi de Rachid Temal mais ce n’est pas pour ça que je considère qu’il ne s’est rien passé le 17 octobre 1961 », insiste Olivier Paccaud, par ailleurs agrégé d’histoire. « L’historien rapporte des faits et donne des explications. Le politique est dans une autre démarche. Ce qui est malsain, c’est de stigmatiser le peuple français pour des faits qui se sont déroulés en 1961. Le pire piège, c’est l’anachronisme qui consiste à juger à l’aune d’aujourd’hui, des faits d’hier. L’ouverture de ces archives est une bonne chose. Nous n’avons jamais intérêt à dissimuler la vérité ou en donner l’impression », appuit-il.
Cette décision prise par Roselyne Bachelot s’inspire du rapport de Benjamin Stora sur la question mémorielle entre l’Algérie et la France. Il préconise notamment une ouverture et un partage des archives coloniales sensibles entre Algériens et Français, conservées aux Archives nationales d’outre-Mer à Aix-en-Provence.
Cette requête est restée sans réponse du côté des historiens algériens qui, en avril, ont appelé dans une lettre le chef d’Etat algérien à ouvrir les archives nationales sur cette période.
Publié le : 10/12/2021 à 16:20 - Mis à jour le : 10/12/2021 à 16:20
Le groupe socialiste a déposé une proposition de loi pour faire reconnaître la responsabilité de la France dans la répression de manifestants algériens, le 17 octobre 1961. Le texte rejeté en commission a donné lieu à de vifs débats entre les sénateurs de gauche et de droite. Ces derniers dénonçant « une repentance permanente ».
« Notre débat confirme que l’apaisement n’est pas toujours au rendez-vous », constate le sénateur (apparenté LR), François Bonhomme à l’issue de l’examen de la proposition de loi PS sur la commémoration de la répression d’Algériens le 17 octobre 1961.
La commission des Lois a rejeté, mardi 1er décembre, la proposition de loi socialiste visant à faire reconnaître la responsabilité de la France dans la répression des manifestants du 17 octobre 1961. Ce texte revient le 9 décembre pour un débat en séance publique. La majorité sénatoriale de droite s’est opposée à la gauche sur ce sujet hautement clivant.
Rapporteure du texte, Valérie Boyer (LR) a longuement développé les raisons de son rejet. La sénatrice des Bouches-du-Rhône ne fait pas mystère de sa proximité avec les associations de Pieds noirs (Français rapatriés d’Algérie après l’indépendance).
Elle avait, par exemple, organisé un rassemblement au mémorial des rapatriés d’Algérie contre les déclarations du candidat Emmanuel Macron lorsqu'il avait qualifié la colonisation de crime contre l’humanité.
« Le travail historique et mémoriel est déjà accompli », juge Valérie Boyer (LR)
Dans son argumentaire contre cette proposition de loi, la sénatrice a d’abord estimé que « le travail historique et mémoriel (était) déjà accompli ». Elle évoque cette déclaration de François Hollande en 2012 : « La République reconnaît avec lucidité ces faits ».
À l’occasion du 60e anniversaire du massacre du 17 octobre 1961, Emmanuel Macron n’avait pas reconnu un « crime d’Etat » mais « des crimes inexcusables pour la République commis sous l’autorité de Maurice Papon ». Un pas mais la France n’a donc pas officiellement reconnu sa responsabilité dans la répression meurtrière du 17 octobre 1961.
Il est en outre « impossible » pour Valérie Boyer « d’envisager de reconnaître la responsabilité de la France sans prendre en compte les attaques (du FLN) contre les policiers ». La sénatrice LR met en avant le « climat de tension intense » de l’époque en s’appuyant sur les travaux controversés de Jean-Paul Brunet, auteur de « Police contre FLN : le drame d’octobre 1961 ».
« On a retrouvé des corps dans la seine ! », rappelle Rachid Temal (PS)
A l’initiative de cette proposition de loi, Rachid Temal (PS) rappelle le contexte du 17 octobre 1961 : « Des centaines de Français musulmans d’Algérie (c’est comme cela qu’on les appelait à l’époque) ont été réprimées par la police française. On a retrouvé des corps dans la seine ! ».
Ce 17 octobre 1961, des centaines d’Algériens descendent dans les rues de Paris pour manifester pacifiquement à l’appel du FLN contre le couvre-feu qui leur est imposé. La répression meurtrière qui va s’abattre sur eux marquera les mémoires. L’une des plus jeunes victimes, Fatima Bedar, a tout juste 15 ans.
« La proposition de loi que je dépose n’est pas militante, elle est factuelle », affirme le sénateur PS du Val-d’Oise. Face aux protestations de la droite sénatoriale, Rachid Temal plaide pour « la complémentarité des mémoires et non la concurrence des mémoires ».
« L’honneur de mon pays c’est de regarder son histoire dans les yeux , affirme-t-il. Il ne peut y avoir de bonne loi mémorielle et de mauvaise ».
Guerre d’indépendance d’Algérie : une histoire qui ne passe pas
En commission des Lois, le débat a montré le clivage fort qui existe sur ce sujet. Le questeur du Sénat, Philippe Bas (LR), dit ne pas pouvoir « supporter l’idée que je doive assumer, en tant que Français, une part de responsabilité historique dans la répression sanglante d’une manifestation commise durant une guerre qui a donné lieu à des actes barbares de part et d’autre ».
La sénatrice LR, Brigitte Lherbier, a remis en cause l’utilité même de ce travail de mémoire : « Dans les banlieues, les jeunes ne sont pas animés par un désir de recherche historique : ils sont en recherche d’identité ; tout est prétexte pour trouver, dans l’histoire, un exutoire à leur mal-être et des justifications à la violence. »
La déclaration a fait bondir la sénatrice communiste, Éliane Assassi. « Je ne peux accepter d’entendre que les jeunes d’origine algérienne seraient des abrutis qui recherchent un prétexte à la violence », s’est-elle indignée.
« Dès qu’on touche à cette période, la droite replonge 70 ans en arrière »
Pourquoi ce débat déchaîne-t-il les passions ? « Dès qu’on touche à cette période, la droite replonge 70 ans en arrière », estime David Assouline, sénateur socialiste et cosignataire de la proposition de loi. « Lorsque j’étais au Conseil de Paris en 2001, ce débat avait déchaîné la droite parmi laquelle figuraient des personnalités modérées comme Jacques Toubon ou Philippe Seguin », rappelle le sénateur de Paris.
Professeur d’histoire au civil, David Assouline souligne toutefois que le récit sur le massacre du 17 octobre 1961 a évolué, tout comme celui sur la guerre d’indépendance d’Algérie. « Il y a eu des avancées constantes, la société a maintenant digéré cette période », considère-t-il. Il en veut pour preuve la loi de réparation pour les Harkis. « Il y a des choses qui avancent et il y a des forces qui veulent nous ramener en arrière », observe David Assouline.
La proposition de loi du groupe socialiste sera débattue en séance publique le 9 décembre.
Un visiteur de l'exposition "Comment l'extrémisme veut tromper le peuple", le 10 décembre 2021 au Camp des Milles, à Aix-en-Provence
afp.com - Nicolas TUCAT
Stigmatiser certaines populations, se présenter comme seul sauveur face à une crise et une supposée décadence, brouiller les repères: l'exposition "Comment l'extrémisme veut tromper le peuple", qui s'ouvre samedi au Camp des Milles (Bouches-du-Rhône), décrypte les mécanismes de la propagande.
Organisée en collaboration avec le Musée mémorial de l'Holocauste de Washington, cette exposition se focalise sur deux exemples: la propagande des nazis, qui a abouti à l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler et à l'extermination de millions de Juifs, Roms et opposants durant la Seconde Guerre mondiale, et celle du régime de Vichy en France qui a collaboré avec les nazis.
"Il nous paraissait essentiel dans un lieu comme le Camp des Milles, qui a fonctionné comme un camp d'internement et de déportation sous Vichy, de montrer aussi comment le régime pétainiste a utilisé la propagande et la stigmatisation pour arriver à ses fins antidémocratiques", souligne pour l'AFP Alain Chouraqui, directeur de recherches émérite au CNRS et président de la Fondation du Camp des Milles.
C'est dans cette ancienne tuilerie du sud-est de la France que le régime de Vichy a interné des milliers de Juifs. Quelque 1.800 d'entre eux furent déportés vers les camps d'extermination d'Auschwitz-Birkenau.
Le site avec ses bâtiments en brique rouge, son wagon en bois où défilent les visages des hommes, femmes et enfants assassinés, est aujourd'hui un lieu de mémoire qui accueille des milliers de jeunes pour leur faire découvrir les mécanismes qui font basculer une société vers le totalitarisme et les crimes de masse.
"Le régime de Vichy a aussi déporté de la zone sous son autorité, y compris des juifs dénaturalisés et des enfants nés français", insiste M. Chouraqui.
- Postes radios et graphistes -
Tout en refusant de commenter la polémique autour des propos du candidat d'extrême droite à l'élection présidentielle Eric Zemmour, selon qui Pétain a sauvé des juifs français, M. Chouraqui souligne: "Peu importent les personnes et même les mouvements politiques, ce qui nous importe, ce sont les processus sociétaux qui les portent et les mécanismes de propagande et c'est vrai qu'aujourd'hui nous voyons à l’œuvre des tentatives de déformation ou même d'inversion de la réalité".
Inversion de la réalité, messages simplistes sur fond de crise, désignation de groupes ennemis: des affiches d'époque reproduites dans l'exposition montrent comment les nazis, qui n'avaient que peu d'adhérents au départ, se dépeignent en période de crise économique comme "le dernier espoir" pour les paysans et ouvriers allemands.
Entre 1918 et 1933, ils embauchent des graphistes, vantent la défense de la tradition et raflent 33% des suffrages au Parlement en 1932, score suffisant pour arriver au pouvoir grâce à des alliances.
"Nous montrons les moyens employés par les extrémistes pour être portés au pouvoir avant de mettre à bas la démocratie", relève Bernard Mossé, commissaire de l'exposition française.
Une fois au pouvoir, à partir de 1933, les méthodes se font plus violentes: prise de contrôle des journaux et exclusion de groupes entiers de population.
Et la "propagande", du latin "propagare" - propager, répandre -, prend toute son ampleur.
Le régime nazi encourage ainsi la production de postes radios pour que les foyers puissent entendre la répétition de leurs théories et petit à petit se convaincre, et surtout rester indifférents au sort de ceux qui sont arrêtés, internés, avant d'être exterminés, relève l'exposition.
Dans la partie sur Vichy, un film d'époque montre aussi la propagande en œuvre pour glorifier la milice.
"Les processus qui ont mené au pire sont des processus face auxquels on peut résister", souligne M. Chouraqui, mais à condition de ne pas perdre de vue les repères que les extrémistes tentent de brouiller.
L'exposition se veut donc un "appel à la vigilance", poursuit-il, pour les citoyens qui votent et "doivent réaliser qu'il y a danger pour la démocratie quand certains s'en prennent à la liberté des médias et l'indépendance de la justice".
Mais aussi pour les médias: "alors que selon nos analyses, la France est assez avancée dans un processus qui met la démocratie sur une ligne de crête (...), chaque choix éditorial compte".
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