« Lorsque la plume se tait, que l'encre se tarit, lorsque les mots demeurent scellés sur les lèvres, lorsqu'un poing rageur se lève, lorsque la politique se dresse sur ce qu'elle croit être son bon droit, l'on entend les bruits de bottes et les cris d'épouvante des soldats. Je bois les larmes des civils, de ceux restés chez eux à attendre la mauvaise nouvelle... mais la guerre, ce n'est pas que cela, c'est la guerre des nerfs, celle que nous avons livrée pendant la pandémie, durant ce très long confinement, c'est la lutte des femmes qui ne réclament que leur part, mais que certains ont du mal à leur donner. » Le lecteur comprendra très vite que Jean Piet s'est inspiré de l'épidémie de Covid-19, du combat des soignants, des poèmes autour de la guerre sanitaire mais également des textes autour des guerres qui ont fait l'histoire, les batailles de Waterloo et de Sedan, la Grande Guerre, la rafle du Vel'd'Hiv, Verdun et la guerre d'Algérie. Mais il réserve aussi d'autres poèmes dans lesquels la guerre a un tout autre sens : « La guerre c'est l'homme dans toute cette laideur que je conte, dans toute cette peine qui m'accable en écrivant ces lignes. » Et pour rester dans l'actualité, puisque que cette année commémore le 150e anniversaire de la Commune de Paris, Jean Piet aborde également la guerre de 1871.
« De Guerre lasse », un recueil de poèmes signé Jean Piet
A un an de l'élection présidentielle, Emmanuel Macron occupe tous les terrains.
C'est ce qu'on appelle une visite surprise, relayée par le recteur de la Grande mosquée de Paris sur les réseaux sociaux : « visite impromptue du Président de la République [...] Entretien amical et chaleureux. » En effet, Emmanuel Macron s'est rendu ce lundi 8 mars à la Grande mosquée de Paris, comme le relaye TSA. Le recteur, Chems-eddine Hafiz, a affirmé que le chef de l'Etat a ainsi pu manifester «son amitié aux Français de confession musulmane». Il a accompagné son message d'une photo de lui aux côtés du président, en pleine entrevue sur le parvis de la mosquée. Une visite qui fait réagir, quelques semaines seulement après le projet de loi sur les séparatismes qui a fait des vagues, et qui a d'ailleurs été rebaptisée « loi confortant les principes républicains » mais aussi après les tensions autour de la charte des principes de l'islam commandée par le président Macron et le Conseil national des imams.
Visite surprise ou calculée ?
Cette charte destinée à «labelliser» les imams officiants dans les mosquées françaises, comme le rappelle TSA, a pour but de mettre un terme à l'influence de pays étrangers sur l'Islam et les musulmans de France. Chems-eddine Hafid s'était d'ailleurs montré très à l'écart de ce projet confié au Conseil français du culte musulman (CFCM) dont il est pourtant le vice-président. La charte avait tout de même fini par être adoptée en janvier, sous la pression d'Emmanuel Macron qui indiquait que « si certains ne [signaient] pas la charte, [il en tirerait] les conséquences». A tout juste un an de l'élection présidentielle, certains estiment que cette visite n'est autre qu'une opération séduction de la part du chef de l'Etat qui souhaiterait arrondir les angles, mais aussi gagner des électeurs au sein de la communauté musulmane pour l'échéance électorale de 2022.
A 92 ans, Alexandre Thabor livre un récit captivant sur ses parents. L'histoire d'un couple d'origine russe qui va traverser le 20ème siècle pour le meilleur et le pire. Un récit d'aventure fascinant. Seule différence de taille. Tout est vrai. Une histoire qui vous emporte.
Alexandre Thabor vit à Montpellier, aprés avoir eu une carrière d'économiste qui l'a conduit un peu partout. Il est né en 1928 dans un pays qui n'était pas encore Israël, de parents russes et juifs. Le petit garçon qu'il était avant la création de l'Etat Hébreu, ne se doutait pas encore, qu'un jour, il recevrait en héritage un témoignage rare et précieux.
Plus de 20 ans après avoir perdu la trace de son père, il le retrouve à Paris. Celui-ci lui livre un récit édifiant qui retrace le parcours d'un jeune couple originaire d'Odessa sur les bords de la mer Noire, qui allait s'aimer et se chercher dans un monde en guerre. Ce récit captivant qu'Alexandre Thabor nous donne à lire aujourd'hui et qu'il a mis plus de 60 ans à écrire est celui de ses parents : Sioma et Tsipora nés au début du 20ème siècle.
Cette génération qui est née avec le siècle, a connu deux guerres, les russes eux, ont eu droit à la révolution en prime. A Odessa, il y avait une importante communauté juive. Beaucoup sont d'ailleurs partis un peu partout notamment aux Etats-Unis à New York fuyant les pogromes. Mes Parents ont choisi la Palestine où ils sont arrivés en 1924. Ils avaient une petite vingtaine d'année et ont tout de suite entrepris de vivre au milieu des populations locales. Pour eux il n'y avait qu'un état pour tout le monde.
Idylle sur fond de révolution russe
Tout commence à Odessa ville de départ. Sioma et Tsipora sont deux jeunes russes qui ne se connaissent pas encore quand éclate les prémices de la révolution russe. Dans cette ville en proie à des évènements majeurs, ils vont vivre une romance bien compliquée dans un pays en plein chaos. Les Bolcheviques se préparent à renverser le Tsar et la révolution russe se profile. Sioma, le père du futur Alexandre est engagé personnellement dans ce combat qui sera celui de toute sa vie. La rencontre avec sa future jeune épouse ne va pas contrarier ses plans. Bien que plus jeune que lui et issue d'un milieu bourgeois, Tsipora va suivre Sioma dans sa lutte.
L'un et l'autre, combattent tout en militant pour des idées issues de la révolution d'octobre, sans tomber dans la barbarie d'où qu'elles viennent et qu'ils refusent. Ils doivent franchir des obstacles familiaux et politiques pour gagner leur liberté et sauver leur vie face à des adversaires résolus.
Dans cette Russie pré-révolutionnaire, le jeune couple fait face, côtoie la mort. Simoa et Tsipora affrontent l'antisémitisme des cents-noirs, font face à la brutalité des soldats du Tsar, aux hommes de la tcheka, la redoutable police politique soviétique. Ce n'est qu'au terme d'une lutte sans merci pour échapper aux pogromes qui explosent un peu partout en Russie qu'ils prennent le chemin de la Palestine en 1924.
De la Palestine aux Brigades internationales
Leur installation en Palestine dans les années 1920, contrôlée par l'armée britannique est un changement radical. Leur engagement pour un idéal commun va se trouver renforcer devant les difficultés rencontrées. Face à la brutalité de l'occupant, Sioma et Tsipora s'engagent et combattent pour que leurs idées de justice et d'égalité s'enracinent sur une terre qui hébergent des Arabes et des Juifs.
Mon père avait un peu de remord d'avoir fait venir ma mère à Paris. On savait que la guerre était imminente. C'est pour cela qu'il a eu envie de raconter cette histoire. De parler du passé, pour agir sur le présent pour notre futur. Le passé, le présent, le futur, la mémoire et l'action. C'était ce qu'il voulait. En plus c'était un bon conteur. Il avait une mémoire étonnante et j'ai été pris par son récit, sa manière de parler des faits et surtout de ses camarades, pour bien me montrer qu'il nétait pas seul à se battre pour la justice, la paix, l'égalité en Palestine, entre juifs, arabes et contre l'occupant britannique...Comme le disait le philosophe Martin Buber "une terre, pour deux peuples". On s'est tout le temps battu pour cet idéal et c'est toujours à l'ordre du jour. Une terre pour deux peuples en Israël
Favorable à cette idée de nation commune binationale juif et arabe, le couple va devoir se séparer. En 1936, Sioma est expulsé par les Anglais qui font tout pour monter les populations les unes contre les autres et exploiter le courant sioniste. Il décide de rejoindre les bataillons des brigades internationales en Espagne pour aider les Républicains espagnols en lutte contre les troupes de Franco. En Espagne, Sioma qui a entrainé avec lui d'autres camarades, mène une guerre contre le fascisme mais aussi contre les Soviétiques et leur politique de repression contre les anarchistes. La guerre civile est d'une violence inouie et finit par dégouter Sioma qui est contraint de prendre la route de l'éxil pour la France avec d'autres Républicains.
Au moment ou Sioma quitte la Palestine, son fils Alexandre n'a que 8 ans. Il ne sait pas encore qu'il voit son père pour la dernière fois avant une longue séparation de plus de 20 ans. Resté en Palestine avec sa mère, le jeune "Alec" va vivre encore quelques années près de Tel-Aviv avant de connaître à son tour l'exil pour se retouver en France.
Sioma qui a quitté l'Espagne s'évade d'un camp ou il est interné dans le sud ouest de la France pour tenter de retrouver sa femme et son fils à Paris. Mais à Paris, à sa descente du train, il est arrêté et déporté en Algérie.
Tsipora, ne reverra plus Sioma. Elle décide alors d'entrer en résistance. Elle est contrainte de placer son fils Alexandre dans une institution qui cache les enfants, afin d'échapper aux mesures anti juives du gouvernement français de Vichy. C'est la dernière fois qu'Alexandre voit sa mère. Arrêtée par la gestapo, Tsipora est déportée à Auschwitz en Pologne où elle décède 15 jours avant la libération du camp, par les Russes.
Une Enfance cachée et un père retrouvé
Alexandre quitte Paris dans la précipitation sans avoir pu dire au revoir à son père. Il passe la guerre dans la Creuse puis en 1942 il est obligé de se réfugier en Suisse après que les allemands ont décidé l'occupation de la zone sud. Ce sont des Dominicains qui le protégent et qui lui font passer le baccalauréat alors qu'il ne parlait quasiment pas le Français en arrivant. Devenu un brillant économiste après la guerre, Alexandre entre au service du cabinet de Pierre Mendes-France alors premier ministre. C'est un de ces mentors, Claude Gruson qui va l'aider et le pousser à retrouver son père pour connaitre son histoire.
Les retrouvailles ont lieu en 1958. Sioma qui s'est installé à Paris à refait sa vie. Alexandre a 30 ans, quand il retouve son père après 22 ans d'absence. Les deux hommes ne vont plus se quitter jusqu'au décès de Sioma en 1959. Mais entre temps Sioma a tout raconté à son fils. Un récit qui embrasse 40 ans de vie, d'engagements pour un idéal commun. Communiste, juif et révolutionnaire le parcours de Sioma et Tsipora même séparé par la mort n'a jamais varié. Dans ce récit qui se lit comme un roman d'aventure, le lecteur traverse quelques uns des évènements clefs du 20eme siècle.
La révolution d'octobre, la guerre civile expagnole, les prémices de la création de l'Etat d'Israël, la seconde guerre mondiale et la lutte contre le nazisme et le fascisme Simoa et Tsipora auront vécu ces évènements avec le même idéal
Mais il faudra plusieurs années encore pour qu'Alexandre Thabor ne se décide à parler de cette histoire singulière et immense. Poussé par sa famille et ses petits enfants, le récit légué par Sioma à son fils murit dans sa tête.
J'ai raconté un jour l'histoire à mes petits enfants et à mes enfants. Et un beau jour une de mes petites filles et mon épouse m'ont dit pourquoi ne pas écrire pour laisser une trace. Je ne maîtrisais pas bien le français, puis je me suis mis à écrire, et peu à peu l'écriture m'a aider pour la langue. J'ai travaillé avec les notes, mes souvenirs d'enfant et j'ai rencontré des amis de mon père. Ils avaient fait comme lui, la guerre d'Espagne, d'autres l'avaient connu en Palestine. Et j'ai ainsi pu raconter l'histoire de sa vie, de leur vie
Alexandre Thabor, écrivain
A 92 ans Alexandre Thabor signe un récit vif et percutant . Un hommage magnifique, plein d'humanité. Une grande histoire d'amour dans la furie d'une époque qui va façonner le monde d'aujourd'hui et qui resonne encore.
Des bustes en bronze à l'effigie des chahids Larbi Ben M'idi, Maurice Audin et Krim Belkacem seront installés à Alger le 18 mars, à l'occasion de la fête de la victoire, a indiqué à l'APS le président de l'APC d'Alger centre, Abdelhakim Bettache.
L'installation de ces bustes se veut un hommage à ces "symboles et à leur parcours historique et révolutionnaire, en tant martyrs, politiciens et dirigeants administratifs", a-t-il déclaré, précisant que le buste du Chahid Lardi Ben M'hidi sera érigé à la Rue Larbi Ben M'hidi et ceux de Maurice Audin et de Krim Belkacem au niveau des deux places hyponymes.
D'une hauteur de 1,30 mètres, ces bustes seront scellés sur des socles en marbre de 2,5 mètres sur lesquels seront apposés des plaques commémoratives en langues arabe, amazighe, française et anglaise, a fait savoir le directeur du renouveau et de l'aménagement du territoire à l'APC, Assef Benali.
La réalisation de ces trois bustes, à 493 millions de centimes chacun, s'inscrit dans le cadre du programme d'action de l'APC d'Alger pour l'exercice 2020.
Ces bustes sont réalisés par le sculpteur Fares Mohand Seghir (bien Fares Mohand Seghir), qui a été choisi au terme d'un appel d'offres national supervisé par une commission d'évaluation relevant de la commune et sur la base d'un cahier de charges.
Dans le cadre de la réalisation de ces bustes, la direction des Moudjahidine a été "informée" concernant le format et le profils historiques, ainsi que le Haut commissariat à l'amazighité (HCA) qui a supervisé le texte d'introduction d'accompagnement les plaques commémoratives en langue amazigh, a souligné M.Benali.
L'un des membres fondateurs du parti du Front de libération nationale, Larbi Ben M’hidi (1923-1957) s'est vu confié, pendant la Guerre de libération, le commandement de l'Oranie. A l`issue du congrès, il est élevé au grade de colonel, nommé au Comité de coordination et d`exécution et se voit confier la zone autonome d'Alger pour organiser les premières opérations contre l'occupant français avant son arrestation et son assassinat sous la torture.
De son côté, le jeune militant communiste et enseignant de mathématiques Maurice Audin (1932-1957) était connu pour sa grande croyance en la justesse de la cause algérienne et sa lutte pour la liberté des Algériens.
Le 11 juin 1957, pendant la bataille d'Alger, Maurice Audin, 25 ans, est arrêté par les parachutistes du général Massu devant sa famille, avant d'être torturé. Le jeune assistant à la faculté d'Alger n'en est jamais revenu, et l'armée française a fait disparaître son corps.
En 2018, le président français Emmanuel Macron avait reconnu publiquement et au nom de la République française, ce crime affirmant qu'Audin avait été torturé puis assassiné ou torturé jusqu'à la mort par l'armée française pendant la guerre de libération.
Quant à Krim Belkacem (1922-1970), l'un des dirigeants de la révolution et du FLN, il avait participé au congrès de la Soummam et dirigé la délégation du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) lors des négociations, qui ont abouti aux accords d'Evian en 1962.
La commune d'Alger Centre avait précédemment érigé en 2019 une statue complète du roi Massinissa au niveau du parc Tafourah et quatre autres statues au parc de Port-Saïd (commune de la Casbah) représentant les célèbres acteurs du théâtre algérien, à savoir Kelthoum, de son vrai nom Aicha Adjouri, Mohamed Boudia, Azzedine Medjoubi, et Abdelkader Alloula.
La France a décidé de faciliter l’accès aux archives de la guerre d’Algérie. Dans un communiqué diffusé ce mardi 9 mars, l’Élysée annonce que le président français, Emmanuel Macron, avait donné l’ordre de « permettre aux services d’archives de procéder dès demain aux déclassifications des documents couverts par le secret de la Défense nationale », dont ceux appartenant à la guerre d’Algérie.
Dans son communiqué, l’Élysée révèle que la France va faciliter l’accès aux archives classifiées de plus de 50 ans, notamment celles relatives à la guerre d’Algérie. Une décision qui entrera en vigueur à partir de mercredi 10 mars. « Le chef de l’Etat a ainsi pris la décision de permettre aux services d’archives de procéder dès demain aux déclassifications des documents couverts par le secret de la Défense nationale selon le procédé dit “de démarquage au carton” jusqu’aux dossiers de l’année 1970 incluse », lit-on dans le communiqué de la présidence française.
Faciliter le travail des chercheurs…
La même source souligne que « cette décision sera de nature à écourter sensiblement les délais d’attente liés à la procédure de déclassification, s’agissant notamment des documents relatifs à la guerre d’Algérie ». En effet, il faut noter que seuls les documents antérieurs à l’année 1954 sont concernés par cette mesure. « Il s’agit de renforcer la communicabilité des pièces, sans compromettre la sécurité et la défense nationales », explique l’Elysée.
Cette annonce intervient une semaine après qu’Emmanuel Macron a reconnu que l’avocat et militant algérien Ali Boumendjel avait été « torturé et assassiné » par l’armée française pendant la guerre d’Algérie d’Algérie en 1957. Ce qui a valu au président de la France de vives critiques de la part de certains partis de l’extrême droite, dont le RN. La présidente de ce parti, Marine Le Pen, a jugé « irresponsable » « le fait de pointer directement la responsabilité de l’armée française comme le fait le président ».
Le journaliste a été l’envoyé spécial du journal « la Croix » pendant la guerre d’Algérie. Il raconte comment « personne ne niait » que la torture était employée.
Le journaliste Jacques Duquesne, en 2004. (ULF ANDERSEN/AURIMAGES VIA AFP)
« Comment donner un seul souvenir qui me lie à l’Algérie ? J’en ai tant ! Je vais donc choisir celui de mon arrivée à Alger, ça devait être en 1957. Mon premier rendez-vous a été avec Me Pierre Popie, un avocat ouvert, un “libéral” comme on disait – c’est-à-dire un homme qui cherchait la réconciliation et avait donc beaucoup d’ennemis parmi les extrémistes des deux camps. J’avais eu son contact via “la Croix”, car il était un ancien militant étudiant chrétien, comme moi. En “métropole”, comme on disait, tout le débat roulait autour de la torture, c’est-à-dire qu’une minorité affirmait qu’elle était employée, quand la majeure partie de la droite et une partie des socialistes continuaient à nier qu’elle puisse l’être par des Français en Algérie. Dès le début de l’entretien, je pose la question à Popie.
Devant moi, il décroche son téléphone, appelle le colonel Trinquier, adjoint de Massu et chef du “dispositif de protection urbaine”, la structure qui menait la bataille d’Alger. Il lui dit : “Mon colonel, je vous appelle à propos de mon client Mustapha X… Je vous remercie beaucoup car j’ai appris qu’on ne l’a pas torturé.” Et l’officier répond, tout naturellement : “Vous aviez tellement insisté… ! On a voulu vous obliger.” Mais l’instant d’après, l’avocat m’a remis la liste de tous ses clients, aux mains des mêmes militaires, qui avaient disparu et dont personne n’arrivait à savoir ce qu’ils étaient devenus…
Enlevé sous mes yeux au sortir du déjeuner
De ce côté-là de la Méditerranée, c’était comme ça. La torture était omniprésente. On pouvait débattre de son efficacité, de sa légitimité, mais personne, absolument personne, ne niait le fait qu’elle était employée. Je me souviens aussi de la violence constante et de l’omnipotence de l’armée. Quelques mois après mon arrivée, je déjeune en Kabylie avec un petit notable musulman, un brave homme très modéré, qui tenait une station-service. Au sortir du déjeuner, il a été enlevé sous mes yeux par trois paras qui l’ont embarqué de force dans leur Jeep.
Choqué, me sentant responsable – je pensais qu’il avait pu être arrêté à cause de moi −, je me suis démené pour joindre une relation que j’avais au cabinet du ministre de la Justice et exigé qu’on sorte mon contact de sa prison. Même le ministère n’a pas été fichu de savoir où l’armée l’avait emmené. Il a finalement été libéré quelques mois plus tard, après avoir été torturé. Quant à Me Popie, il a été assassiné par l’OAS en 1961 après un passage à « Cinq colonnes à la une », la grande émission de télévision de l’époque. Il avait osé y affirmer qu’il imaginait très bien les Européens continuer à vivre aux côtés des musulmans dans une Algérie indépendante.
Tant de gens ont été marqués par cette guerre
Toutes ces années et ces reportages m’ont bien sûr marqué durablement. J’ai écrit des livres sur la question, et j’ai été frappé du nombre de lettres, de témoignages, que j’ai reçus chaque fois. Tant de gens ont été marqués par cette guerre. Encore maintenant, il y a quotidiennement un détail qui vient me le rappeler.
Comme tous les gens de mon âge – j’ai 90 ans −, je regarde chaque jour les pages « décès » du journal de ma région pour savoir qui est mort parmi ceux que j’ai pu connaître. Je suis frappé du nombre de fois où je lis sur un faire-part : “ancien combattant d’AFN” (Afrique du Nord). Toute une génération a été marquée durablement par cette tragédie. Comment apaiser cette mémoire ? Je pense que seul le temps finira par le faire. »
Jacques Duquesne est né en 1930 à Dunkerque. Il est romancier, journaliste, ancien dirigeant du « Point », puis de « l’Express ». Il a été l’envoyé spécial du journal « la Croix » pendant la guerre d’Algérie.
Notre père qui est aux cieux disait mon arrière grand-père…
Le pater, le paterfamilias, le référent auquel tous les membres de la famille se réfèrent.
Le référent que la société patriarcale préfère parce qu’il confère un sens à sa mission sur terre.
Notre mère qui est sur terre disait mon arrière grand-mère…
Non pour signifier le primat ou la primauté de la femme sur terre comme sous le régime matriarcal, mais pour nous prévenir que le monde ne peut pas tourner sans bonne à tout faire… d’où sa prédilection pour les femmes au foyer, foyer aigu de lumière et sans lequel toute vie risque fort de devenir délétère. Une sorte de mater familias.
Pardonnez-lui sa vision ou sa révision terre à terre, mais mon arrière grand-mère n’a jamais vu d’hommes, ni de femmes, mais des pères et des mères en devenir… c'est-à-dire de futurs parents pour toute la nation. Non point parce qu’ils enfantent, les animaux aussi le font, mais parce qu’ils élèvent des enfants de la terre au ciel. Ce n’est pas leur seule vocation, mais c’est la plus essentielle : l’éducation… le contraire c’est l’abdication, le rejet du trône par le parent et de la couronne pour l’enfant.
Mon arrière grand-mère est peut être vieux jeu, mais je n’ai guère entendu mieux sur le lien de parenté que nous avons tous, croyants ou incroyants avec les cieux : notre désir d’élévation, notre prédilection pour l’absolu, notre prétention à la vérité, rien que la vérité mais toute la vérité… la vérité est femme disait Nietzsche, lui qui n’a jamais su ce que c’était qu’une femme. Mon arrière-grand-mère l’avait lu… et elle le connaissait par cœur… elle saluait paradoxalement sa misogynie et avait elle aussi, envie de prendre son fouet lorsqu’elle entendait parler les femmes de la femme… elle n’a jamais supporté les féministes qui n’ont jamais réussi à la dégoûter de l’homme. Parce que pour elle, le salut est ailleurs. Il est même d’ailleurs.
Ce sont nos enfants, pour elle c’est la seule raison de notre intrusion sur terre… non pas seulement de procréer mais surtout de créer un horizon que les temps ne puissent effacer grâce à l’éducation…
Elle disait : le père c’est le fondement mais il n’est rien sans fondation, incarné par la mère et à laquelle revient la charge de la prolongation, de la TRANSMISSION du fameux flambeau qui rend grand et beau.
Mon arrière grand-mère est anti-soixante-huitarde…
Elle voulait interdire ceux qui interdisent d’interdire…
Elle voulait surtout voir le monde grandir plutôt que jouir, apprendre à mûrir plutôt qu’apprendre à mourir.
Elle n’était pas contre l’émancipation des femmes, mais contre la dissipation des femmes qui sacrifient leur progéniture sur la place publique soit pour sauver leurs carrières, soit pour parer à leurs difficultés financières.
Elle disait qu’il faut salarier toutes les femmes au foyer pour qu’elles dispensent le ciment du futur et le béton du passé… en première instance, parce qu’après c’est trop tard, on risque de retrouver les enfants dans la rue pour vendre du crack ou encore en train de mettre la citée à sac !…
L’opinion a tendance aujourd’hui à déplorer l’absence des pères, alors que pour mon arrière grand-mère, ce sont les mères qui ne font plus le boulot et qui lui rappellent Gribouille qui se jette à l’eau pour éviter la pluie.
Les femmes ont fort à faire pourtant :
L’éducation physique, l’éducation psychologique, l’éducation morale, l’éducation sentimentale, l’éducation sociale, l’éducation civique, l’éducation religieuse de leurs enfants avant qu’ils ne mettent un pied devant l’autre dans le monde politique… dans l’arène du sexe, du pouvoir et de l’argent.
Je suis peut être du même avis, je dirai comme elle que les femmes sont libres de faire ce qu’elles veulent de leur vie... mais les mères ne le sont pas, car elles savent ce qu’elles doivent faire de leurs vies : un hors-d’œuvre, une œuvre, un chef d’œuvre pour l’avenir.
Le chanteur, petit-fils d’immigrés algériens, n’a pas été « élevé dans la haine, le ressentiment, mais dans l’acceptation des autres»
Slimane en 2018 À Paris. (Photo by Thomas SAMSON / AFP) (THOMAS SAMSON / AFP)
« J’appartiens à la troisième génération, comme on nous appelle. Mes parents sont nés en France. Ce sont mes grands-parents qui ont émigré. De Biskra, côté paternel ; Ghazaouet, côté maternel. Ils sont venus au début des années 1960 en banlieue parisienne, pour travailler dans les usines à charbon de Montfermeil. Ils dormaient dans des bidonvilles. Les parents de ma mère dans celui de Montfermeil, de mon père dans celui de Nanterre [au milieu des années 1960, près de la moitié des immigrés algériens vivent dans des bidonvilles, la « Folie », à Nanterre, l’un des deux plus grands de France, en abrite 14 000, NDLR]. Mon père a passé les premières années de sa vie là. Mon grand-père paternel a pris la mer avec des rêves pleins la tête, l’espoir d’avoir un travail, une vie meilleure, de labourer un champ pour ses enfants. Ma grand-mère a élevé 18 garçons et filles dans un appartement de Montfermeil. Mes quatre grands-parents, morts en France, sont enterrés en Algérie, là où ils sont nés.
Je les ai connus. Je me souviens de leur fierté d’avoir pu nous donner notre chance, de leur joie de vivre, des fêtes familiales. Ils avaient des métiers difficiles, épuisants, ils s’étaient arrachés de leur pays, ils en avaient sans doute une nostalgie terrible, ils souffraient probablement du racisme, mais ils ne me l’ont jamais dit, ils avaient émigré pour nous. Cela a sans doute été plus difficile pour mes parents. Mon père, né en 1964, ma mère, en 1967, ont vécu leur jeunesse dans les années 1980, forcément tiraillés entre la culture algérienne de la famille et celle, française, de leurs amis, de leurs camarades d’école.
Je cuisine le couscous et le gratin dauphinois
C’est plus simple pour les petits-enfants, je pense. Je n’ai pas été élevé dans la haine, le ressentiment, mais dans l’acceptation des autres, le dépassement de soi, la fierté transmise de mes grands-parents, de s’être dépassés, d’avoir, pour leurs enfants, quitté leur terre. J’ai grandi avec la Coupe du Monde de Football gagnée en 1998 par la France « Black, Blanc, Beur », avec « Un, deux, trois, soleil », l’album de Rachid Taha, Cheb Khaled et Faudel. Dans ma cité, à Chelles, dans chaque immeuble, il y avait des Algériens, des Marocains, des Serbes, des Juifs, des Gitans. On était tous potes.
Je vais régulièrement en Algérie, au minimum tous les deux ans. A Oran, Biskra, Ghazaouet, les berceaux de ma famille. J’ai l’amour de l’Algérie, comme de la France. J’ai essayé de prendre le meilleur des deux. Je cuisine le couscous et le gratin dauphinois. Dans ma musique, je mélange l’oriental et la variété française. Je me rends compte que cette Histoire avec un grand H, la colonisation, la guerre d’Algérie, je la vis avec plus de recul que mes grands-parents et parents. A la maison, on parlait français. Je ne m’exprime pas couramment en arabe. Nous sommes quatre enfants, tous bien intégrés. Mon frère finit un cursus à la Sorbonne. Moi, je suis chanteur.
Mais depuis les attentats islamistes, l’atmosphère a changé. Ça m’est arrivé de demander mon chemin dans la rue et de voir la crainte dans les yeux de mon interlocutrice. Le fait d’avoir parqué les immigrés et leurs enfants dans les cités n’arrange pas les choses. On a l’impression de deux mondes qui s’opposent. Ça m’inquiète un peu. Les clivages se sont accentués. Je viens de Seine-et-Marne. La première fois que j’ai mis un pied à Paris, pourtant à 20 km seulement de chez moi, j’avais 18 ans. Traverser le périphérique, pour un gamin de banlieue d’origine algérienne, c’était partir au bout du monde. On manque de ponts entre les cultures. Il va falloir en créer. On est des millions de jeunes, des deux côtés de la Méditerranée − Français, Algériens, Franco-Algériens −, à vouloir des passerelles, du métissage, du partage. La jeunesse est forte, j’y crois. »
Slimane, né en 1989 à Montfermeil, est auteur-compositeur-interprète. Après avoir gagné la cinquième saison de « The Voice : la plus belle voix » (TF1), en 2016, il a réalisé deux albums, « A bout de rêves » et « Solune ». Il a remporté l’an passé, avec la chanteuse Vitaa, le trophée de la meilleure chanson originale pour « Ça va ça vient » aux Victoires de la musique.
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