Administrateur du Conservatoire national de la mémoire des Français d’Afrique du nord

«Pendant toute ma jeunesse, au fond, j’ai été confiné. Je suis né en 1940. La guerre d’Algérie commence quand j’ai 14 ans et s’achève quand j’en ai 22. L’été de mes 20 ans, en 1960 donc, n’échappe pas à la règle. À l’époque nous habitons à Alger, rue de Mulhouse, avec mon père, ma mère, mon frère et ma sœur. Je vis dans le quartier historique d’Alger, près de ce qu’on appelle “le gégé” le gouvernement général. Et j’ai bien conscience, aussi, que je vis des moments historiques.

Il y a la vie du dedans et la vie du dehors. Notre état d’esprit change sans cesse en fonction des “événements”. Ma vie est réglée par le couvre-feu : à 15 heures si ça va mal, à 20 heures si tout est calme. Lorsque je vais au lycée Bugeaud ou chez un ami, ma mère me dit toujours : “Après, tu rentres directement.” Des attentats, il y en a tout le temps. Des gens se font abattre au gros calibre. On met juste un journal sur le corps… Bizarrement, je n’ai pas souvenir d’avoir eu peur.

« Je n’ai pas l’esprit tranquille d’un gamin de 20 ans »

Pour moi, 1960 est une bascule. Ce qui est sûr, c’est que je n’ai pas l’esprit tranquille d’un gamin de 20 ans. Je suis suffisamment lucide pour comprendre le changement qui va arriver. Je viens d’avoir mon deuxième bac, j’ai fait“math élem”. Initialement, je dois suivre une prépa Saint-Cyr mais les événements m’y font renoncer. Toute ma famille est militaire, mon père, mon oncle, mes cousins… mais moi, je considère que l’armée française nous a trahis, nous les Français d’Algérie, donc je m’inscris à la fac de sciences.

 

 
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