A l’occasion de la sortie du dernier livre de Mostéfa Khiati, Femmes ayant marqué l'histoire de l'Algérie aux Éditions Anep, la librairie «L'Arbre à Dires», a présenté, hier, une rencontre littéraire virtuelle «live» avec l'auteur, sur sa page Facebook, animée par Ilham Skenazene (biologiste et professeure de littérature).
Cette rencontre était l’occasion pour l'auteur de donner des détails sur son nouveau-né qui vise à fournir plus d'informations et d'éclaircissement sur le parcours des femmes algériennes ayant marqué l'histoire du pays, à différentes périodes, à savoir, antique, médiévale, ottomane, coloniale, post-indépendance et contemporaine, dans une sorte d'almanach regroupant de grandes figures de résistantes, politiques, religieuses, intellectuelles ou encore artistes, journalistes, sportives, diplomates. Bien que le cadre de recherche historique ne fait pas partie des habitudes de Mostéfa Khiati, son voyage en Corée était sa source d'inspiration : «Lors de mon voyage en Corée, j'ai assisté à une rencontre de centenaires en hommage aux femmes révolutionnaires, mais surtout en hommage à une jeune fille de 17 ans qui était à la tête de la révolution du peuple coréen contre le colonialisme japonais en 1917», a-t-il souligné, ajoutant : «Lorsqu'on m’a demandé d'aborder le sujet, j'étais un peu surpris dans le sens où dans mes livres, j'ai l'habitude de parler des femmes médecins et infirmières qui ont participé à la guerre de libération. Donc j'ai essayé de trouver des archives et des livres sur le sujet mais malheureusement, il n’y en avait pas beaucoup.» Il a indiqué que ses recherches l'ont mené à faire beaucoup de découvertes sur le rôle important et décisif qu'avait la femme algérienne. «J'ai découvert lors de mes recherches dans les archives, que certaines femmes avaient des contributions décisives sur le cours de l'histoire algérienne et c'est ainsi que je me suis dit pourquoi ne pas produire un ouvrage pour mettre en exergue ces femmes-là.»
En donnant plus de détails sur le contenu de ce livre de 350 pages, Khiati précise qu'il a fourni des aperçus sur des figures allant de Sophonisbe ( 235 -203 av. J-C.), princesse carthaginoise d'abord promise à Massinissa et qui a épousé Syphax lors de la Deuxième Guerre punique jusqu'aux icônes sportives que sont les judokates Salima Souakri, Soraya Haddad et la championne olympique du 1500 m Nouria Mérah-Benida. « Dans la tête des Algériens, les héroïnes de notre pays sont Djamila Bouhired, Kahina et Fathma N'soumer. Mais en partant de mes recherches et à travers ce livre, j'ai découvert qu'il existe beaucoup de personnalités féminines méconnues, donc j'en ai cité plusieurs, chacune son histoire», a-t-il noté.
Dans la période antique, l'auteur a choisi d'évoquer des divinités et des prêtresses ainsi que des femmes comme Cléopâtre Séléné II (40 av. J.C- 6 apr. J.C.) épouse de Juba II, la prêtresse donatiste et guerrière Robba (384-434), Tin Hinan et les différentes légendes qui entourent ce personnage central de la culture targuie ou encore Dihya ou la Kahena sous ses facettes de reine berbère, de guerrière et de prêtresse.
Mostéfa Khiati s'est intéressé aussi à la «période médiévale», début du VIIIe siècle, durant laquelle le Maghreb est devenu une terre musulmane. Il met en avant la place de la femme ibadite dans sa société et son influence sur différentes sphères du pouvoir de l'Etat rustumide. Il évoque également la mise en place dans la vallée du M'zab d'un conseil religieux féminin composé de grandes savantes qui ont souvent dirigé des écoles pour filles. De nombreuses figures religieuses sont également citées dans cet ouvrage comme Lalla Sfiya dans le sud du pays ou Lalla Setti, Dawiya Bent Sidi Abdelkader El Djilani de son vrai nom, à Tlemcen ou encore les princesses Oum El Ouloû et Ballara, la poétesse de Béjaïa.
Pour ce qui est de la période ottomane, l'auteur a cité, entre autres personnages, Fatma Tazoughert (1544-1641), la première femme à régner sur les Aurès depuis la Kahina. Entre 1830 et 1954, cet almanach cite d'abord l'entourage familial de l'Emir Abdelkader et celui de ses khalifas, puis Lalla Fatma N'soumer (1830-1863), figure de la résistance en Kabylie, et Rokya Bent El Horma qui a «entraîné le déclenchement de l'insurrection des Ouled Sidi Cheikh» avant d'évoquer les femmes déportées dont le nombre reste inconnu.
Les résultats des recherches de l'auteur l'ont mené à s’intéresser également à l'enseignement libre du mouvement national initié par Abdelhamid Ben Badis en citant quelques anciennes élèves des écoles des oulémas dont Zoulikha Gaouar, devenue enseignante dans une école pour non-voyants dans les années 1970, Cha'mma Boufeji qui a ouvert sept écoles pour filles à Alger pendant l'occupation, Aldjia Noureddine, première fille musulmane à entamer des études de médecine, ou encore Zhor Ounissi, enseignante des écoles libres devenue universitaire puis députée et auteure de nombreux ouvrages. « La majorité de ces femmes sont méconnues du grand public. C’est notre rôle de les sortir de l'ombre et de les faire connaître. C'est une manière aussi de leur rendre hommage», témoigne l’auteur.
Arrivant à l'époque de l'occupation coloniale, l'auteur indique que l'ouvrage s'intéresse également aux femmes du mouvement national, comme Emilie Busquant, épouse de Messali Hadj, et Kheira Belgaïd et aux premières actions féminines dans le cadre du Parti communiste algérien et du PPA- MTLD (Parti du peuple algérien devenu Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) qui a donné naissance à l'Association des femmes musulmanes algériennes fondée par Mamia Abdellali et Nafissa Hamoud.
Les parcours de figures de la guerre de Libération nationale comme Djamila Bouhired, Hassiba Ben Bouali, Djamila Boupacha, Samia Lakhdari, Yasmine Belkacem, Zohra Drif, Zohra Ghomari, Jacqueline Guerroudj ou encore Annie Steiner sont détaillés dans un chapitre dédié aux femmes combattantes, aux «porteuses de feu», aux membres de la Fédération de France du FLN dont Zina Haraïgue, Nadia Seghir Mokhtar ou Aïcha Aliouat, et aux nombreuses «infirmières de la révolution».
Il est également question des Européennes d'Algérie engagées dans la lutte pour l'Indépendance, du réseau des porteurs de valises, des condamnées à mort, des victimes de tortures et de viols, des martyres et des camps d'internement pour femmes.
Pour conclure cette rencontre, Mostéfa Khiati a confirmé l'existence de beaucoup « de fausses informations et d’histoires » en citant la plus importante : l'épouse de Salim le roi d'Alger à l'arrivée de Arroudj. » C'est une histoire qui n'a jamais existé. Elle a été montée par les colonisateurs à leur arrivée».
Médecin chercheur et enseignant à l'université d'Alger, Mostéfa Khiati est l'auteur de nombreux ouvrages sur l'histoire de l'Algérie et celle de la médecine algérienne dont Histoire de la médecine en Algérie de l'antiquité à nos jours (2003), Les blouses blanches de la révolution (2011), Histoire des épidémies, des famines et des catastrophes naturelles en Algérie (2011), Les irradiés algériens, un crime d'Etat (2018) ou encore L'Emir Abdelkader, ses alliés et ses ennemis (2018).
Kafia Ait Allouache
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