Des soldats français contrôlent un Algérien, pendant une opération de ratissage entre 1957 et 1960, en pleine guerre d'Algérie. (Photo non datée). © Les Reporters Associés
Le président français a officiellement confié à Benjamin Stora une mission sur « la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie », en vue de favoriser « la réconciliation entre les peuples français et algérien ».
Cette mission, dont les conclusions sont attendues à la fin de l’année, « permettra de dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie, ainsi que du regard porté sur ces enjeux de part et d’autre de la Méditerranée », a expliqué la présidence française.
Un travail de « vérité »
Dans une démarche parallèle, le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait annoncé dimanche avoir nommé le docteur Abdelmadjid Chikhi, directeur général du centre national des archives algériennes, pour mener un travail de « vérité » sur les questions mémorielles entre les deux pays.
L'historien Benjamin Stora à Paris, en 2013. © Vincent Fournier/Jeune Afrique
Né en 1950 à Constantine en Algérie, Benjamin Stora est l’un des spécialistes les plus réputés de l’histoire de l’Algérie, en particulier de la guerre (1954-1962) qui déboucha sur l’indépendance du pays.
Dans la lettre de mission de Benjamin Stora, Emmanuel Macron indique qu’« il importe que l’histoire de la guerre d’Algérie soit connue et regardée avec lucidité. Il en va de l’apaisement et de la sérénité de ceux qu’elle a meurtries ». Pour lui, il en va aussi « de la possibilité pour notre jeunesse de sortir des conflits mémoriels ».
25 juillet 2020 à 11h34
Algérie : Abdelmadjid Chikhi, un intransigeant face à Benjamin Stora
Conseiller chargé des archives et de la mémoire
Conseiller chargé des archives et de la mémoire auprès de la présidence, Abdelmadjid Chikhi a été désigné par Alger dimanche 19 juillet pour rétablir la vérité sur la période coloniale avec son binôme français, l’historien Benjamin Stora.
Sa nomination symbolise la volonté affichée des deux pays de jouer la carte de l’apaisement. Peu connu des générations post-indépendance, Abdelmadjid Chikhi a la réputation d’un conservateur, intransigeant sur le principe de la souveraineté nationale et la restitution de la quasi-totalité des archives et reliques détenues par la France. Le binôme de l’historien français Benjamin Stora est par exemple un fervent partisan de l’abrogation du texte de loi française préconisant la protection du secret de défense nationale.
Ex-combattant de la Guerre de libération nationale (1954-1962), il fait partie de ceux qui déplorent l’absence d’une approche strictement algérienne dans la transcription de l’Histoire, reprochant aux « historiens algériens laïques » d’avoir retracé l’histoire de l’Algérie en « adoptant l’approche du colonisateur ». Et regrette que les écrits en arabe de Mebarek el Mili (1889-1945), membre de l’association des oulémas musulmans algériens, et ceux de Cheikh Abderrahmane el Djilali (1908-2010) historien et sociologue versé dans le fiqh (sciences du droit islamique), n’aient pas été assez pris en considération dans ce travail de mémoire.
Intransigeant
Nommé le 29 avril conseiller en charge des archives nationales et de la mémoire nationale auprès du président Abdelmadjid Tebboune, Chikhi s’est violemment attaqué à la France neuf jours plus tard. Sur les ondes de la radio nationale, il a accusé Paris « de livrer une lutte acharnée contre les composantes de l’identité nationale », à savoir la langue arabe, l’islam et les coutumes et traditions ancestrales.
Sur les négociations entre les deux parties pour la récupération des archives temporairement suspendues du fait de la pandémie de coronavirus, là encore, il a émis des doutes sur la volonté politique de la France de faire aboutir ces pourparlers.
À la veille de la célébration du 58e anniversaire de l’Indépendance, début juillet, ce natif de Batna est de nouveau monté au créneau, en précisant que « la génération actuelle et celles qui lui succéderont demeureront attachées à la demande de la restitution de toutes les archives nationales détenues par la France et se rapportant à plusieurs périodes de notre histoire ».
« Le plus informé »
Abdelmadjid Chikhi a toutefois apprécié, selon son entourage, le geste de Paris consistant à remettre, début juillet, les crânes des 24 combattants algériens tués au début de la colonisation française. Mais il souhaite davantage de gages de la part de la France. En particulier sur le dossier des essais nucléaires français dans le sud algérien, et sur celui des « disparus » pendant la guerre d’indépendance – plus de 2 200 – selon les autorités algériennes. Surtout, Alger attend des excuses de la France pour sa colonisation de l’Algérie.
« Nous souhaitons que les deux historiens accomplissent leur travail dans la vérité, la sérénité et l’apaisement pour régler ces problèmes qui enveniment nos relations politiques, le climat des affaires et la bonne entente. Il faut affronter ces événements douloureux pour repartir sur des relations profitables aux deux pays, notamment au niveau économique », avait plaidé dimanche 19 juillet le président Tebboune, lors de son entretien avec des représentants de journaux nationaux, diffusé dans la soirée sur les chaines de télévision algériennes.
Le chef de l’État a défendu son choix, estimant que Chikhi est « le plus informé » des dossiers devant être traités par les deux parties, particulièrement en raison de son expérience à la direction générale des Archives nationales. Abdelmadjid Tebboune a aussi rappelé avoir convenu avec le président Macron que les deux pays travailleront dans la sérénité, « maintenant que les choses sont devenues presque claires et sans crispation aucune. »
21 juillet 2020 à 17h28
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