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L'être et les mots
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L’écrivaine
se confie sur son cheminement littéraire mais également humain. Les
livres, la société, les femmes, la mémoire, le vécu… Kaléidoscope d’un
univers d’images, de pensées et d’émotions.
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Romancière
en ascension, vous intervenez de plus en plus dans la sphère culturelle
algérienne. Est-ce le fruit d’une motivation ?
Il ne
s’agit, à proprement parler, ni de motivation ni même de préméditation.
Ce n’est pas non plus l’aboutissement d’une vocation clairement
identifiée. Bien au contraire, j’ai longtemps, peut-être trop
longtemps, réprimé ou tenu à l’écart cette envie « d’intervenir », de
jouer ma partition. Je ne saurais dire exactement les raisons qui m’ont
poussée à franchir le pas. A tenter de rejoindre la cohorte de ceux qui
ont façonné ma vie, je veux parler des hommes et des femmes entrés en
écriture. J’en vois seulement une, essentielle. En franchissant le
seuil pour entrer dans « le cercle des parlants », j’ai voulu échapper
à cette malédiction qui pesait de tout son poids sur ma vie et celle de
mes semblables, malédiction ainsi formulée, depuis des siècles : tu ne
seras jamais toi-même. Toutefois, il n’est pas anodin de remarquer que
j’ai commencé à publier précisément dans les années où l’on voulait
faire taire les voix de tous ceux qui dénonçaient l’irrésistible
avancée – si j’ose dire – d’une régression que certains qualifiaient de
féconde. Il se trouve que jusqu’alors, je n’écrivais que pour expulser
mes révoltes, mes colères, les mettre en mots afin de garder trace de
toutes les histoires qui m’étaient racontées ou dans lesquelles je
jouais un rôle. En fait, pour me regarder dans la page. Je
n’envisageais pas, mais alors pas du tout, de pouvoir donner à lire à
quiconque ce que j’écrivais. Et puis un jour, la fiction a pris le pas
sur la réalité dans l’histoire que j’étais en train d’écrire. Passer de
la réalité à la fiction m’a donné l’impression que je pouvais enfin
aller beaucoup plus loin, que les portes s’ouvraient devant moi, une à
une, et j’ai touché du doigt (ou de la plume) le bonheur et la
précarité qui accompagnent tout acte de création, fait de moments de
toute puissance et de douleur inextricablement liés. Et depuis, je
continue, avec pour principal moteur, le sentiment d’être enfin, sur le
territoire de l’écriture, totalement libre, de pouvoir aller jusqu’au
bout de moi-même et par-dessus tout un désir de plus en plus grand de
partage.
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Peut-on alors parler de volonté de s’inscrire dans le temps par le biais de l’écriture ?
Une des motivations premières, pour beaucoup, serait un désir, avoué
ou non, de reconnaissance, de perpétuation de la mémoire d’une vie.
Ecrire, créer, seraient des actes contre l’oubli, contre le caractère
éminemment éphémère de notre passage sur terre. Mais il y a eu d’abord
pour moi l’écriture des autres. Les textes que je lisais, avec avidité,
avec passion, je me les appropriais. Ils m’ont aidée à vivre et je
dirais même que j’ai écrit des moments de ma vie grâce à eux. Ils m’ont
nourrie. L’écriture des autres n’a pas seulement agi comme révélateur,
mais aussi et surtout comme une présence indispensable qui éclairait à
tout instant ma vie, mes choix, mes passions et m’aidait à comprendre –
ou à fabriquer ? – mes révoltes. Si, aujourd’hui, je suis attentive aux
autres, à moi-même, c’est parce que ce sont les livres qui ont fondé ma
connaissance des autres et qui ont fait de moi ce que je suis. Il m’a
fallu du temps, beaucoup de temps, pour m’enhardir, pour oser à mon
tour passer de l’autre côté du miroir, de l’autre côté de la page. Pour
entendre et vouloir faire entendre tous les mots qui bruissaient en moi
au cœur des silences imposés. Pour me résoudre enfin à prendre la
parole comme d’autres prennent les armes. Avec la même appréhension,
mais aussi la même détermination. Avec, enfin, les seuls outils dont je
disposais : les mots.
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Quel
est votre sentiment par rapport à l’affirmation selon laquelle vous
représentez « le nouveau roman féminin » dans la littérature
algérienne ?
Ce serait présomptueux de ma part et somme
toute périlleux, parce je pourrais me croire investie d’une mission et
me prendre au sérieux. Et dans ce cas, bonjour les dommages ! On
connaît bien les ravages que peuvent faire tous ceux qui se croient
investis d’une mission ! Je peux tout simplement dire que je m’inscris,
avec d’autres, de plus en plus visibles, de plus en plus audibles, dans
une génération d’écrivaines qui ont en commun une volonté, celle de
prendre publiquement la parole pour dire et tenter de faire entendre de
multiples voix souvent inaudibles. Et elles sont de plus en plus
nombreuses à tenter de se frayer un chemin dans un espace que beaucoup
considéraient jusqu’alors comme chasse gardée. Le problème est de
savoir – ou pouvoir – rester authentique, de ne pas renoncer à sa
vérité, celle qui est inscrite dans les replis les plus secrets de son
être.
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Vous avez d’abord publié des nouvelles. Le pas vers le roman a-t-il été périlleux ?
J’aime les textes en fragments, tout comme j’aime le mouvement fluide
de la narration. Dans mon écriture, comme dans la vie, il y a des
halètements, des brisures, des ruptures dont certaines sont parfois
inattendues, pas « classiques » pourrait-on dire. C’est aussi une autre
forme de fragmentation. Mais, contrairement à ce que l’on pense
couramment, l’écriture de nouvelles est un exercice très périlleux. Si
la nouvelle est un récit bref, resserré, où la tension dramatique
demande une rigueur et une précision délicates, le roman offre, par
contraste, la possibilité d’explorer un espace plus vaste et l’on peut
sans cesse en repousser les frontières. Bleu Blanc Vert a été en ce
sens une expérience très intéressante.
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Comment définissez-vous l’écriture féminine ? Quelles sont les marques, l’empreinte de celle-ci ?
Quand on vit dans une société bardée d’interdits qui oblige à faire
des concessions aux uns, aux autres, à l’autre, l’écriture féminine est
souvent perçue comme un acte délibéré de transgression, même si ce que
l’on écrit n’est pas délibérément subversif. Cependant, je suis sûre
qu’aujourd’hui, les femmes qui écrivent n’écrivent plus dans une
perspective de confrontation ou de transgression. Nous n’en sommes plus
là ! Il y a d’abord, et essentiellement, l’acte créateur qui se fait au
nom d’un désir qui est le même que celui de leurs homologues
masculins : celui de prendre la parole, publiquement, et surtout
d’assumer cette prise de parole comme un acte de liberté. Et de fait,
on ne peut concevoir l’écriture que comme le souffle de la liberté, un
dépassement de soi et de ses conditions d’existence. Mais ce n’est pas
un objectif en soi. Je pense que pour bien des femmes, ce besoin est
encore bien plus primordial. C’est par l’écriture qu’elles peuvent
lever la chape du déni qui pèse sur l’individu – mais plus encore sur
les femmes – en tant qu’être autonome, symboliquement séparé de son
groupe. Ecrire permet d’arracher le droit d’être, simplement d’être.
C’est dans ce sens – et pour pasticher une formule célèbre – qu’il
m’est souvent arrivé de proférer cette sentence : « J’écris, donc je
suis » !
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Etes-vous féministe ?
Si dire ce qui est, donner aux femmes la possibilité de se reconnaître
dans les personnages que je crée, de se poser des questions et de
mettre des mots sur leur désir d’être entendues, reconnues, c’est être
féministe, alors oui, je suis féministe. Je peux simplement affirmer
que mon écriture est née du désir de redevenir sujet, de remettre en
cause, frontalement, toutes les visions d’un monde fait par et pour les
hommes, de découvrir et éclairer autrement ce que l’on croyait
connaître. J’ai envie de dire les exils quotidiens, insidieux,
destructeurs vécus par les femmes. Je veux les sortir des réserves dans
lesquelles l’imaginaire masculin en mal d’exotisme ou de nostalgie les
a parquées, des harems, des gynécées et autres lieux domestiques pleins
de mystères.
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Le
« je » est souvent présent en écriture féminine. Pourquoi ce procédé
d’écriture est-il si utilisé par les romancières, d’après votre
expérience en écriture ?
Ce n’est pas une spécificité de
l’écriture féminine que de se glisser dans la peau d’un personnage,
qu’il soit masculin ou féminin. Les exemples abondent en littérature.
Le reste est une question de choix d’écriture. Et parfois, du moins
dans mon cas, cela se fait pour des raisons de stratégie d’écriture.
Dire « je » est une façon de se couler dans le plus intime de l’être et
par-là même d’aller au plus profond. Certes, il est parfois difficile
de se dissocier des personnages que l’on crée, mais je ne pense pas que
seules les écrivaines ressentent cette difficulté.
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Vous vivez loin de la capitale, loin du brouhaha de la grande ville et aussi loin des réseaux d’édition…
Je vis à Sidi Bel Abbès depuis plusieurs années. Mais je suis souvent
à Alger où j’ai beaucoup d’attaches. Malgré l’éloignement, même au plus
fort des années de plomb, je n’ai jamais cessé de me tenir au courant
de l’actualité culturelle, en particulier tout ce qui concerne la
production littéraire algérienne. Sur les rayonnages de ma
bibliothèque, figure un très grand nombre de romans édités en Algérie,
achetés dès leur parution dans l’unique librairie digne de ce nom à
Sidi Bel Abbès. J’ai toutefois souvent ressenti comme un véritable
manque l’absence totale de contact et de rencontres littéraires comme
il s’en passe à Alger qui est, de ce point de vue et sans conteste, la
capitale culturelle.
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Dans
votre dernier et superbe roman Bleu Blanc Vert, on retrouve des détails
saisissants de la mémoire d’Alger, comme le passage des acteurs Anna
Karina et Marcello Mastroianni dans cette ville. L’avez-vous vécu
vous-même ?
Comment aurais-je pu raconter ces années sans
les avoir vécues moi-même ? J’ai voulu retracer le parcours de toute
une génération qui a eu l’immense privilège (on l’oublie souvent !) de
vivre des moments « historiques ». Depuis les fêtes de l’indépendance
et l’euphorie qui a littéralement porté pendant plus d’une décennie
tout un peuple trop longtemps asservi, jusqu’à ce que j’appelle la
grande désillusion dont nous n’avons pas vraiment mesuré les points
d’impact. Ce roman a été écrit en réponse à une question que nous nous
sommes posé en 2002, lors de la célébration des quarante années
d’indépendance. Cette question est la suivante : Qu’avons-nous fait de
nos quarante ans ? Et c’est dans ce « nous » que j’ai voulu inscrire
l’histoire des deux personnages principaux. Je pense aussi que si vous
vous y êtes reconnu, comme bon nombre de lecteurs, c’est que vous avez
vous-même partagé ces moments et que vous avez eu l’impression d’entrer
dans une histoire qui aurait pu être la vôtre.
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Dans
ce roman, vous cassez les tabous aussi bien politiques, sociaux que
sexuels, à travers une fresque du temps qui passe. Quelle est
l’importance de la mémoire dans l’histoire d’un peuple pour vous ?
C’est peut-être une fresque, au sens pictural du terme, avec des
tableaux en petites touches, un mélange de fiction et de souvenirs
personnels. J’ai écrit ce livre avec le désir de revenir sur les
chemins de mon enfance et plus loin encore. Revisiter le passé pour
éclairer ou tenter d’éclairer le présent. Avec la difficulté inhérente
à un tel projet et qui m’a accompagnée tout au long de l’écriture de
mon texte : je devais prendre garde en rédigeant cette chronique de ne
pas adopter la posture de celle qui sait. Qui sait ce qui va advenir,
ce que les événements relatés portent en eux ? Il m’a fallu évacuer
toutes les tentations d’explication des faits pour en extraire
seulement l’immédiateté et non la portée mortifère. Il s’agit donc d’un
travail de remémoration au sens premier de restitution par la mémoire
de faits passés. Quand à la mémoire collective, je pense qu’il faut
s’en défier parce qu’il y a souvent occultation, plus ou moins
consciente, plus ou moins instrumentalisée par l’histoire telle que
revisitée par les commémorations qui prennent trop souvent le pas sur
la remémoration justement.
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Justement,
lorsque vous écrivez, partez-vous du réel ? Ou bien, avez-vous une idée
d’histoire à raconter qui vous mène ensuite vers une recherche sur le
sujet ?
Souvent, très souvent, je ne choisis pas mon
sujet. Il s’impose à moi. A partir d’une réflexion, d’un fait divers ou
d’une histoire entendue au hasard d’une rencontre, d’une conversation.
Il y a ensuite une période (parfois très longue) de maturation. Tout ce
que je lis, tout ce que je vois, tout prend alors sens et alimente ce
travail de maturation. Pour Bleu Blanc Vert, c’est en centrant le récit
sur un lieu unique, l’immeuble – qui, à mon sens, est le personnage
principal de cette chronique – que j’ai réussi à revenir sur les traces
de notre histoire. C’est dans cet immeuble – situé à Alger, plus
précisément au Ruisseau, et dans lequel j’ai passé les moments les plus
importants de ma vie, enfance et adolescence, moments où l’on se
construit et s’affirme – que se déroule toute l’histoire. Bien entendu,
il m’a fallu faire des recherches pour ne pas trahir le réel, du moins
sur le plan de la chronologie des faits historiques évoqués.
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Est-ce que vous vous percevez comme une « porte-parole » des femmes ?
Mon premier mouvement serait de rejeter catégoriquement ce que l’on
pourrait considérer comme un titre. C’est la connotation de ce mot,
dans ce qu’il a d’officiel et de convenu, qui me fait réagir ainsi. De
quel droit m’arrogerais-je ce titre ? Pourtant, en allant au plus près
du mot lui-même, et en évacuant toute référence à une quelconque
distinction, cette proposition pourrait m’agréer : porter la parole des
femmes, la rendre, comme je le disais tout à l’heure, audible, trouver
les mots pour leur donner l’occasion d’affirmer leur présence au sein
d’une société qui trop souvent les relègue au rang de procréatrices.
Oui, en ce sens je peux accepter de me mettre au service de cette
« représentation ».
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Avez-vous une perception positive de la littérature, dans le sens du rôle que peut jouer cette dernière sur le politique ?
L’écriture est une façon pour moi de rendre compte de la société, de
ses dérives et des cheminements souvent douloureux d’hommes mais
surtout de femmes anonymes à travers l’histoire tourmentée de ce pays.
Si l’on considère que tout roman est le lieu où se croisent réel et
fiction, où, nécessairement, ils s’entretissent, le lieu ou les manques
et les insuffisances du réel sont comblés par des fragments de fiction,
on pourrait croire qu’il peut agir sur l’inconscient collectif.
Cependant, on ne peut pas ignorer que la place de la littérature (et de
la culture de façon générale) et donc sa portée, est encore trop
restreinte, pour ne pas dire minime dans un espace où les forces qui
s’affrontent semblent – ou veulent – ignorer que toute œuvre littéraire
ou artistique fait nécessairement écho au désarroi et aux inquiétudes
d’une société face au dé
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Votre
production littéraire est clairement située dans la période
postcoloniale. D’après vous, peut-on sortir du postcolonial en tant que
marqueur historique ?
Beaucoup considèrent que la
production littéraire postcoloniale répond à un besoin unique : la
quête identitaire. Vaste sujet sur lequel les spécialistes de la
question ne cessent d’axer leurs recherches. Toutes les thèses écrites
sur ce thème regorgent d’arguments que je saurais développer. La
lecture de ces textes a été fortement influencée par des approches
socio-culturelles et socio-psychologiques variées qui ont toutes comme
référent ce marqueur historique et l’on s’attelle à définir « l’espace
culturel et psychique maghrébin » pour analyser et éclairer les
ressorts de cette littérature. Sans rejeter toutes ces théories qui ont
le mérite de vouloir rendre compte des relations complexes qu’un auteur
entretient avec la langue, l’histoire et l’identité, je dois pourtant
dire que s’interroger sur son identité, sur son histoire, sur sa terre
natale, sur son rapport à l’Autre et à l’ailleurs est légitime. C’est
aussi et surtout une démarche universelle. Une quête sans fin. Je
préfère tout simplement penser la littérature comme un point de
convergence où se retrouveraient et se reconnaîtraient tous ceux qui
tentent de rejoindre l’humain en l’homme.
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Comment percevez-vous l’Algérie en termes d’égalité entre femmes et hommes ? Est-ce que l’on va vers le bon sens ?
C’est une question qu’on me pose souvent à l’étranger. Sous une autre
forme : comment percevez-vous la condition de la femme en Algérie ?
Sous-entendu dans un pays d’Islam, dans un pays où, contrairement aux
autres pays du Maghreb, les lois qui régissent le statut de la femme
sont si rétrogrades qu’elles restreignent considérablement son champ
d’action. Que répondre ? Tout simplement qu’il y a des hommes et des
femmes conscients des dysfonctionnements d’une société où le paradoxe
est érigé en principe, un principe vécu et accepté. Des hommes et des
femmes qui se battent inlassablement contre toutes les formes de
régression, même les plus insidieuses, et que, par conséquent, on ne
saurait partir de ces postulats pour rendre compte d’une situation trop
complexe pour qu’on puisse formuler des hypothèses sur le devenir –
programmé ou non – de cette société.
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Lisez-vous les autres romancières algériennes. Laquelle vous inspire le plus ?
Je vous disais que je lisais tout ou presque, avec, naturellement, non
pas une préférence, mais une attention particulière pour les paroles de
femmes. Si je devais citer un auteur, un seul, ce serait bien
évidemment Assia Djebar que j’ai lue, très jeune, avec le sentiment
incroyable que, sous mes yeux, s’écroulaient les représentations et
s’effondraient peu à peu des barrières que je croyais solidement
ancrées. Pas seulement parce qu’elle avait pris la parole et mis en
scène, avant l’Indépendance, des personnages féminins qui, engagées aux
côtés des hommes dans un combat pour la libération de leur terre, une
guerre anticoloniale, avaient en même temps engagé un autre combat,
celui de leur propre libération. La lecture de ses romans a été pour
moi une véritable révélation. C’était une femme, une femme qui osait
transgresser la norme, à savoir le confinement de la parole féminine
dans l’espace privé. Une femme qui osait dire le corps, dire les
sensations les plus intimes des femmes, qui créait… Cela me semblait
tellement courageux que j’ai vraiment eu l’impression qu’en pionnière,
elle ouvrait un chemin sur lequel bien d’autres depuis se sont
engagées.
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Benaouda Lebdaï
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