Sainte-Salsa priez pour nous ! ;)
Il est à noter que le Parc Archéologique de Tipaza est situé à l'ouest du port tandis que la basilique Ste-Salsa est à l'est de ce petit port. Je vous y emméne faire un petit tour à l'est du port avec des vues du ciel... mais dans un temps moyennement ancien (en noir-sombre ;-) et blanc) mais temps moyen aussi, car...on est en avion (planeur). :))
....Lumière où je suis né
Aquarelle de P.E Clairin - Extrait de: Albert CAMUS - RECITS - THEATRE
Editeur: NRF - 1958
Jeune, au petit matin j'attendais sur la plage du port que les oncles retournent avec leur bateau de la péche de nuit pour ''casser la croute'' avec eux. Généralement du poissons fraichement grillés sur un feu de bois à même la plage -sardines et/ou chelbas- avecs du pain-galette maison encore chaud que les tantes ou les cousines avaient préparé sur un 'canoun' de charbon ou à l'intérieur d'un four de terre cuite 'coucha' situé dans la cour, le tout accompagné de 'gazouz' frais, généralement du Sélécto (boisson locale). et si c'était cela le bonheur?... miam, miam !
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1-Le promontoire de sainte Salsa vu de la mer/ La côte à l'Est donc vers Alger.
2-Le promontoire du Forum vu du Nord. La côte Est à peine visible, à droite.
3-Le forum et ses annexes, face au Sud-Ouest. On voit la trace du Decumanus.
4-Le rivage et le port. On distingue mal le cimetière de Salsa
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basilique Ste-Salsa.
À cette époque, la superstition païenne était commune, rare la foi ; elle n'en était que plus vive. Pour échapper aux trahisons perfides et ténébreuses, elle se cachait opprimée et brillait modeste dans quelques âmes. Un temple s'élevait sur une colline de rochers dominant la ville et baignant dans les flots sa base rocheuse. Ce lieu avait été consacré dès les temps les plus reculés du culte aux faux dieux, et pour ce motif, on lui avait donné le nom de Colline des Temples. Entre tous les édicules élevés aux démons, que la vieillesse faisait tomber en ruines, on en distinguait un qui renfermait un dragon d'airain. La tête en était dorée et les yeux brillants comme des éclairs. C'est le démon qu'on adorait dans ce dragon; c'est à lui qu'on offrait des libations et des sacrifices.
Un jour vint où les malheureux parents de cette martyre vénérable se réunirent à d'autres personnes pour vaquer à leur culte sacrilège. Ils emmenèrent avec eux leur fille, presque une enfant. Elle marchait péniblement et, malgré elle, toute tremblante, anxieuse, l'esprit inquiet et plein d'épouvante, comme pressentant déjà son supplice. Au fond de son âme, elle était cependant assurée de la victoire et elle repassait en secret les joies futures.
Dès leur arrivée, elle vit dans les édifices les danseurs en l'honneur des démons; des rameaux de laurier tapissaient leurs murailles, le myrte et le peuplier verdissaient leurs colonnes, des courtines couraient dans les vestibules, des voiles peints pendaient le long des portes, et les pontifes profanes, montrant sous le luxe de leur vêtements une joie malsaine, promenaient de tous côtés des regards méprisants. Mais la sainte, ayant vu des choses inconvenantes, frémit et poussa de profonds soupirs, maudissant le jour qui avait exposé à ses regards ces cérémonies d'impiété. Ici les autels puaient la chair brûlée, là des foyers, brûlant à petit feu, répandaient une odeur fétide. Elle détestait les divertissements dont elle était témoin. Elle voyait ceux-ci, affublés d'une hirsute peau de chèvre, danser en agitant des clochettes, et ceux-là, avec des gestes pleins de luxure, danser, d'un pas lubrique, les rythmes sacrés. Ici s'abattait un homme pris de vin, là un autre avait peine à se soutenir. Celui-ci grinçait de dents, celui-là écumait de folie, un autre se déchirait le corps avec un fer de lance, et un autre tournoyait d'une façon vertigineuse, la bouche et le corps pleins de sang.
Au milieu de ces écoeurantes cérémonies, l'esprit de l'enfant s'enflammait et passait à la colère, mais sa raison refrénait son impatience. Bientôt cependant, n'y tenant plus, elle interpelle ceux qui participent à cette fête sacrilège : "Ah, malheureux parents, dit-elle, malheureux concitoyens, le démon vous trompe encore une fois ! Que faites-vous ? Où courez-vous ? À quoi pensez-vous ? Dans quels précipices vous a poussés le tortueux serpent ! Ne voyez-vous point sous quel joug vous courbez vos têtes ? Cette bête que vous adorez, malheureux, n'est qu'un airain fondu. L'argile lui a servi de modèle, le plâtre l'a remplie, le marteau l'a façonnée, la lime l'a polie, finalement c'est la main d'un homme qui, guidée par l'esprit du mal, a fait votre dieu. Qu'il vous rende donc quelque oracle au milieu de tout ce tumulte ! Écoutons ce que pourra dire ce dragon qui trompe d'ordinaire et n'ouvre la bouche que pour dire le mal. Il n'y a qu'un Dieu que nous devions prier et adorer sur les autels, Celui qui a fait le ciel, établi les fondements de la terre, creusé le bassin des mers, trouvé la lumière, créé les animaux, disposé les éléments, ordonné les saisons, distribué les divers ordres de la nature et façonné l'homme pour qu'il s'applique toujours aux choses divines. Il faut, dis-je, adorer ce Dieu qui n'a pas eu de commencement et qui n'aura pas de fin. Ce que vous adorez, ce ne sont pas des dieux, car si vous ne veillez sur eux, ils ne sont pas capables de se défendre eux-mêmes. Retirez-vous, calmez votre fureur insensée, mettez fin à vos cruautés, que votre frénésie s'apaise. Laissez-moi lutter avec votre dragon et s'il est plus fort que moi, tenez-le pour dieu, mais si je l'emporte sur lui, reconnaissez qu'il n'est pas dieu, abandonnez les sentiers de l'erreur, convertissez-vous et rendez au vrai Dieu votre culte et vos adorations."
Elle parla ainsi. Les impies trouvaient ses paroles ineptes et folles; mais elle observait avec soin tout ce qui pourrait lui permettre de détruire l'idole. La cérémonie sacrilège terminée, chacun céda à l'ivresse du vin et de l'orgie. Bientôt, ce ne fut plus qu'une foule de corps étendus de tout leur long, vomissant, ronflant, exhalant d'insupportables odeurs. Mais en ce moment veillait l'esprit de celle qui s'était conservée pure au milieu de ces solennités, celle dont l'âme n'avait pas quitté la compagnie des anges, celle qui rêvait du martyre. Dés qu'elle vit que tout concourait à son dessein, elle s'arma du zèle. "Seigneur, dit-elle, voici le moment de donner à mon bras la force dont Tu as armé celui de sainte Judith. Viens à mon aide, Père tout-puissant et éternel, qui as voulu que ton Fils unique Jésus Christ naquît d'une vierge, souffrît, mourût et remontât S'asseoir à ta Droite. Je t'en prie, par l'Esprit saint qui procède de Toi, aide ma jeunesse comme Tu as aidé ton serviteur Daniel, quand il tua le dragon de Babylone; fais que je puisse également détruire ce dragon d'airain. Je croirai être arrivée au martyre si je puis le montrer décapité à ses adorateurs."
Sa prière finie, elle s'introduisit courageusement dans le temple, elle enleva au dragon sa tête encore ornée de couronnes et l'envoya rouler à travers les rochers, jusque dans la mer. Les infidèles se réveillèrent cependant et constatèrent le sacrilège. À cette vue, saisis de douleur, ils se frappaient la poitrine et le visage, versaient des pleurs et déploraient le forfait : "Hélas, disent-ils, malheureux que nous sommes, c'est parce que nous n'avons pas établi de garde que nous avons perdu la tête de notre dieu. Pour qui vivrons-nous dorénavant, nous qui avons perdu l'objet de nos adorations ?" Ils n'arrivaient pas, les malheureux, à conclure que leur dieu n'était rien, ne pouvait servir à rien ni à personne, puisqu'il n'avait pu se protéger lui-même. Le silence se rétablit à la fin et la foule tenta de découvrir l'auteur du sacrilège. Mais la jeune héroïne, qui maintenant avait bien droit au martyre, puisqu'elle avait coupé la tête du dragon, revient pour continuer son projet. Elle suppute les heures, épie les moments. Si elle a pu redouter la trahison, elle ne soupire maintenant qu'après le martyre. En elle la faiblesse du sexe et de l'âge combat l'ardeur de sa dévotion, mais celle-ci l'emporte.
Bientôt les portes du temple sont ouvertes, toutes les barrières enlevées et toute facilité lui est donnée pour faire une nouvelle prise sur le démon. Alors, levant les yeux au ciel et de coeur plutôt que de bouche, la vierge dit : "Allons, le moment est venu d'achever ce que j'ai commencé. Prends des forces, mon âme, et lève-toi vaillamment. Aujourd'hui, il te faut vaincre le diable et gagner le Christ. Que la perspective de la mort ne te fasse pas reculer. Si la ruine de l'idole te livre aux mains de ces nombreux et cruels blasphémateurs, ton audace aura sa récompense. Qui sait même si tu ne seras pas réservée pour une circonstance plus solennelle qui sera pour toi l'occasion de remporter non une victoire en quelque sorte furtive, mais éclatante ? Que, si tu as le bonheur de mourir, ta récompense est certaine pour ce que tu as déjà fait. Du reste, n'est-ce pas vaincre que de mourir pour le Christ ?" Elle dit et s'efforce de renverser le tronc du dragon. Malgré sa faiblesse, elle pousse le tronc de l'idole et l'entraîne jusqu'au bord du précipice; bientôt le bruit des flots annonce aux gardiens la ruine du détestable serpent.
On se jette sur elle, la foule entière pousse un cri de fureur et de mort, et comme tout sentiment d'humanité est éteint, on la prend, et après lui avoir attaché les pieds et les mains entre-croisés, on la frappe avec des pierres et des gourdins; enfin, on l'achève avec l'épée, puis on la jette secrètement dans la mer, ajoutant à la première cruauté celle de priver son corps de sépulture.
La mer reçoit ce corps et fait comme une molle couchette à ses membres meurtris; elle a garde de les briser contre les rochers ou de les laisser descendre jusqu'aux algues profondes; au contraire, elle les pousse jusqu'au port comme doucement endormis, et lentement les laisse descendre près du lieu où doit s'élever son sépulcre.
Dieu ne voulut pas que son corps restât un seul jour sous les eaux. À ce moment-là même, par un temps magnifique, entrait dans le port un Gaulois ayant nom Saturnin. Son navire passe au-dessus du corps de la martyre et s'y arrête. Mais voilà que soudain le ciel se charge de nuages, et que se déchaîne une horrible tempête.
Saturnin, le patron du vaisseau, est averti une première fois en songe qu'il coulera avec son navire s'il ne fait retirer le corps au-dessus duquel il est arrêté; se croyant le jouet d'une hallucination, il ne donne pas de suite à cet avertissement; mais le même songe s'étant répété jusqu'à trois fois, il se décide d'agir. Il se jette à la mer et bientôt, Dieu guidant sa main, il saisit la ceinture de la bienheureuse martyre. Le corps suit sans difficulté et, dès qu'il est soulevé au-dessus des flots, la tempête cesse. On dépose le corps sous un petit pavillon, tandis que Saturnin et ses compagnons remercient Dieu et d'avoir échappé au naufrage et d'avoir été choisis pour être les révélateurs du martyre de sainte Salsa.
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5-Le port et le cap face à la mer.
6-La partie nord et la ville moderne, la cote et le port.
7-Les routes, le mur d'enceinte, de la route au rivage. Au fond à droite, cimetière de Sainte-Salsa.
8-La rue, la route, la mer. A gauche, le fond du port. A droite, le mur d'enceinte de la route à la mer. Dans l'angle à droite, Sainte-Salsa.
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Écoutons encore une fois Camus:
''Que d'heures passées à écraser les absinthes, à caresser les ruines, à tenter d'accorder ma respiration aux soupirs tumultueux du monde! Enfoncé parmi les odeurs sauvages et les concerts d'insectes somnolents, j'ouvre les yeux et mon coeur à la grandeur insoutenable de ce ciel gorgé de chaleur. Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est, de retrouver sa mesure profonde. Mais à regarder l'échine solide du Chenoua, mon coeur se calmait d'une étrange certitude. J'apprenais à respirer, je m'intégrais et je m'accomplissais. Je gravissais l'un après l'autre des coteaux dont chacun me réservait une récompense, comme ce temple dont les colonnes mesurent la course du soleil et d'où l'on voit le village entier, ses murs blancs et roses et ses vérandas vertes. Comme aussi cette basilique sur la colline Est : elle a gardé ses murs et dans un grand rayon autour d'elle s'alignent des sarcophages exhumés, pour la plupart à peine issus de la terre dont ils participent encore. Ils ont contenu des morts; pour le moment il y pousse des sauges et des ravenelles. La basilique Sainte-Salsa est chrétienne, mais chaque fois qu'on regarde par une ouverture, c'est la mélodie du monde qui parvient jusqu'à nous : coteaux plantés de pins et de cyprès, ou bien la mer qui roule ses chiens blancs à une vingtaine de mètres. La colline qui supporte Sainte-Salsa est plate à son sommet et le vent souflle plus largement à travers les portiques. Sous le soleil du matin, un grand bonheur se balance dans l'espace''.
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Résumé : Ste-Salsa patronne de Tipaza et/ou des Pêcheurs
Au milieu d'une réunion païenne qui tournait à l'orgie, une jeune chrétienne fit tomber dans la mer un dragon de bronze, objet d'adoration impie. La foule se déchaîna et précipita à son tour la malheureuse dans l'eau. Dieu souleva alors une gigantesque tempête jusqu'au moment où un marin recueillit " la précieuse perle du Christ " au milieu des flots. Aussitôt la colère divine s'apaisa et le corps fut transporté dans une chapelle. Bientôt les reliques accomplirent un miracle en déjouant les actes blasphématoires du chef maure Firmus qui faisait le siège de la ville. Ce récit aux accents baroques est riche d'enseignements car on a retrouvé les vestiges de la chapelle consacrée à la Sainte.
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