Le 28 août 1963, Martin Luther King partageait son rêve d’un pays sans racisme dans son célèbre discours « Je fais un rêve », prononcé à l’issue de la Marche sur Washington. Soixante ans plus tard, alors que la communauté afro-américaine estime qu’il reste du chemin pour l’exaucer, une nouvelle marche a lieu ce samedi 26 août dans la capitale fédérale.
La chaleur de plomb, la foule, le silence… Gwen Day-Fuller se souvient de ce 28 août 1963 comme si c’était hier. Cette enseignante afro-américaine à la retraite avait 19 ans quand elle a participé, avec 250 000 autres personnes, à la « Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté », un grand rassemblement pour l’égalité raciale organisé par plusieurs groupes de défense des droits civiques.
Le point d’orgue de l’événement fut le discours « Je fais un rêve » du pasteur Martin Luther King Jr. Au pied de la fameuse statue d’Abraham Lincoln, le président qui mit fin à l’esclavage, il invita les participants à imaginer une nation débarrassée du racisme et de la ségrégation.
« Nous avions le sentiment que le changement était possible », se remémore Gwen Day-Fuller. Soixante ans plus tard, elle se montre plus mesurée. « Il y a eu des progrès évidents, mais on ne peut pas nier les régressions, estime-t-elle. Ce n’est pas le moment de se relâcher. »
Plombés par l’héritage de l’esclavage
Le « rêve » de « MLK » et de ses alliés est encore loin d’être réalité. Malgré l’examen de conscience déclenché par le meurtre de l’Afro-Américain George Floyd en 2020, les cas de violences policières contre les minorités continuent d’entacher l’actualité. Plombés par l’héritage de l’esclavage, les ménages afro-américains ont un patrimoine sept fois inférieur à celui des ménages blancs, d’après une étude de 2019.
Dans le sillage de la victoire de Joe Biden en 2020, plusieurs États dirigés par le Parti républicain ont instauré des mesures de lutte contre la fraude électorale accusées de rendre plus difficile la participation des Noirs, un électorat traditionnellement démocrate.
Et en juin dernier, les militants ont connu un nouveau revers : la Cour suprême à majorité conservatrice a décidé de mettre un terme à l’« affirmative action », cette politique héritée du mouvement des droits civiques qui autorisait les universités à utiliser le critère racial ou ethnique pour sélectionner leurs futurs étudiants.
Deux populations qui ne vivent pas dans le même monde
Les Américains mesurent qu’il reste du chemin. D’après l’Institut Pew, 52 % estiment qu’en soixante ans le pays a fait « beaucoup » ou « une quantité honnête » de progrès dans le domaine de l’égalité raciale. Mais seuls 30 % des sondés noirs le pensent, contre 58 % des blancs. Signe que ces deux populations ne vivent pas dans le même monde.
«C’est fatigant. On a l’impression de devoir se battre encore et toujours, même si la ségrégation n’est plus légale », souffle Star, une touriste afro-américaine rencontrée au Mémorial de Martin Luther King Jr. à Washington. «On revient aux années 1960 : une période fragile, où les avancées d’hier sont remises en question », estime son amie, Trudy. Cette décennie turbulente avait vu l’interdiction des discriminations grâce à une série de lois nationales majeures, mais aussi l’assassinat de Martin Luther King, en 1968.
« Être dans l’action ! »
Afro-Américaine résidant en Floride, Trudy vit ces dynamiques aux premières loges. Le gouverneur républicain de l’État, Ron DeSantis, candidat aux primaires de son parti pour la présidentielle de 2024, a récemment défendu une nouvelle norme scolaire qui oblige les écoles locales à enseigner que les esclaves ont bénéficié de leur asservissement car il leur a permis d’acquérir des « compétences ».
« J’aimerais beaucoup que les républicains m’invitent à parler de l’héritage de Martin », confie Clarence Jones. À 92 ans, il fut l’avocat et la plume des discours de l’icône des droits civiques – il a notamment signé le début de « Je fais un rêve ». « On doit arrêter de se plaindre des difficultés que nous rencontrons. Il faut s’inscrire sur les listes électorales et voter ! Être dans l’action ! »
Samedi 26 août, il participera à un rassemblement à Washington en présence de la famille du pasteur pour marquer les 60 ans du rendez-vous historique. Plusieurs milliers de personnes sont attendues à cet événement. Avec un mot d’ordre : « La marche continue. »
Mise en place dans les années 1960, la politique d’« affirmative action » vise à favoriser l’insertion d’étudiants afro-américains ou latinos dans les universités, en prenant en compte l’origine raciale ou ethnique dans les admissions.
Il s’agit de favoriser les minorités et la diversité ainsi que de «corriger une tradition nationale de discrimination »,selon la juge Ketanji Brown Jackson, première femme noire à la Cour suprême, nommée en 2022 par le président Joe Biden.
Cette politique a des résultats plutôt décevants. En 2017, indique le New York Times, la proportion d’étudiants noirs en première année dans les établissements d’élite n’est que de 6 %.
Le 29 juin 2023, à six voix contre trois, la Cour suprême américaine révoque cette disposition, jugeant inconstitutionnelle l’utilisation du critère de la race.
lexis Buisson, envoyé spécial à Washington (États-Unis),
Elle a tenu les États-Unis en haleine jusque tard dans la nuit avant de présenter devant les caméras la nouvelle inculpation de Donald Trump. Fani Willis, la procureure qui a enquêté sur les tentatives de manipulation de la présidentielle de 2020 dans l’État de Géorgie, est décrite comme stricte et ambitieuse, un bourreau de travail qui « refuse l’échec ».
Fani Willis, procureure du comté de Fulton en Géorgie, a enquêté sur Donald Trump pendant deux ans avant de l’inculper le 14 août 2023.
ÉTATS-UNIS - Et de quatre. L’ex-président américain, qui prend de nouveau part à la course à la Maison Blanche Donald Trump a été inculpé lundi 14 août pour une tentative de manipulation du résultat de l’élection présidentielle de 2020 dans l’État de Géorgie. C’est la quatrième fois en six mois que le milliardaire est mis en examen.
Sans surprise, Donald Trump s’en est immédiatement pris à la procureure Fani Willis, qui dirige l’enquête, la traitant de « partisane enragée » au service des intérêts de Joe Biden, candidat à sa réélection après avoir déjà vaincu Trump il y a 3 ans. « Willis a stratégiquement ralenti son enquête pour interférer au maximum avec la course à la présidentielle de 2024 et nuire à la campagne Trump », a dénoncé le milliardaire.
La procureure, habituée aux insultes du magnat de l’immobilier, a répondu qu’elle prenait ses décisions en se basant « sur les faits et la loi ». « La loi est complètement impartiale », a assuré Fani Willis. Mais qui est cette femme sous le feu des projecteurs et qui ne compte pas se laisser intimider par Donald Trump ?
Un père Black Panther
Fani Willis est née en 1971 à Inglewood, près de Los Angeles, en Californie, mais a été élevée dans la capitale Washington D.C. Son père, John Floyd, est un ancien membre des Black Panthers – un groupe d’extrême gauche qui prônait la libération afro-américaine – et aurait contribué à la création du Black Panther Political Party, d’après le média canadien La Presse.
Avocat pénaliste, John Floyd a souvent emmené la petite Fani (qui signifie « prospérité » en swahili) à la Cour supérieure du district de Columbia, raconte le Washington Post. C’est en accompagnant son père et en l’aidant à classer ses dossiers que Fani Willis a trouvé sa voie et décidé de suivre des études de droit. D’abord à Howard University, surnommée la « Harvard noire » à partir de 1992, puis à la Emory School of Law en 1996.
Après plusieurs années de pratique du droit dans le privé, elle décide en 2001 de rejoindre le parquet du comté de Fulton, qui comprend Atlanta, la capitale de l’État de Géorgie. Elle a notamment traité de nombreux dossiers de meurtres, mais aussi conduit une affaire sur un énorme scandale de tricherie organisée par des professeurs dans les années 2010.
C’est aussi elle qui poursuit les célèbres rappeurs d’Atlanta Young Thug et Gunna en vertu de la loi dite « Rico », un texte généralement utilisé contre la mafia et les gangs. C’est d’ailleurs à nouveau sur cette législation visant la délinquance en bande organisée que s’est appuyée Fani Willis pour inculper Donald Trump.
« Elle est un pitbull »
Depuis, sa réputation n’est plus à faire. « C’est un pitbull », a déclaré au Washington PostVince Velazquez, un policier d’Atlanta qui a travaillé avec Fani Willis avant qu’elle ne devienne procureure. Etil ajoute : « Si j’avais commis un crime, je ne voudrais pas être poursuivie par Fani Willis. »
En 2020, elle décide de se lancer dans la course, sous l’étiquette démocrate, pour se faire élire procureure du comté de Fulton et remplacer de Paul Howard, lui aussi démocrate, en poste depuis 1997. Le 4 janvier 2021, elle déclare à l’Atlanta Magazine : « Dans mon esprit, je n’allais jamais me lancer face au procureur en place… Mais les appels sont devenus de plus en plus forts… Et j’ai juste fait ce pour quoi Dieu m’avait appelée. »
Fani Willis l’emporte largement face à son patron et ancien mentor avec près de trois quarts des votes et 40 000 voix d’avance, et devient la première femme à occuper ce poste.
Le 2 janvier 2021, Donald Trump appelle le républicain Brad Raffensperger pour lui demander de « trouver » les quelque 12 000 voix qui lui manquent pour renverser le résultat de l’élection présidentielle en Géorgie, État remporté par Joe Biden. Fani Willis est chargée de mener l’enquête qui résulte de cette manipulation et qui aboutira, donc, à l’inculpation de l’ancien président et de 18 autres personnes. En attendant un procès qui pourrait être dévastateur pour l’avenir de l’ancien chef de l’État.
L’ancien président a été placé brièvement en état d’arrestation dans une prison de Géorgie pour ses pressions électorales en 2020 dans cet Etat américain. Il est ressorti après un passage éclair, moyennant le versement d’une caution de 200 000 dollars.
Donald Trump est arrivé, jeudi 24 août, à une prison d’Atlanta pour se rendre aux autorités de l’Etat américain de Géorgie, qui l’ont inculpé de tentative de manipulation de la présidentielle de 2020. L’ancien président américain a été placé brièvement en état d’arrestation pour ses pressions électorales en 2020 dans cet Etat de l’est des Etats-Unis, selon un document du bureau du shérif.
Il a été mesuré et pesé, et doit ensuite être libéré sous caution, mais l’événement promet d’être l’une de ces séquences historiques qui tiennent le pays en haleine : après y avoir échappé lors de ses trois précédentes inculpations pénales, il risque cette fois de ne pas couper à l’infamant rituel de la photo d’identité judiciaire, ou « mugshot », une première pour un ancien locataire de la Maison Blanche. Cette photo d’identité judiciaire devrait aussi être rendue publique.
« Encore un triste jour en Amérique », avait-il dénoncé sur sa plate-forme Truth Social peu avant son départ pour cet Etat, frontalier de la Floride. Il avait qu’il se constituerait prisonnier « pour avoir eu l’audace de contester une élection truquée et volée ».
Son ex-avocat, Rudy Giuliani, un des 19 prévenus poursuivis pour leurs tentatives présumées d’obtenir l’inversion du résultat de l’élection de 2020 dans cet Etat, a dit mercredi lui avoir parlé pour lui souhaiter bonne chance. « Ce qu’ils sont en train de lui faire est une atteinte à la Constitution américaine », s’est insurgé M. Giuliani à sa sortie de la prison du comté de Fulton, à Atlanta, capitale de l’Etat, où il s’est constitué prisonnier avant d’être libéré sous caution.
Un passage bref
Le passage du favori des républicains pour reprendre la Maison Blanche en 2024 dans un établissement pénitentiaire surpeuplé et notoirement insalubre, connu sous le nom de « prison de Rice Street », sous l’œil des médias du monde entier qui campent depuis plusieurs jours sous de grandes tentes, devrait cependant être bref. Il y a été précédé jeudi par son dernier chef de cabinet, Mark Meadows, qui a été relâché en échange d’une caution de 100 000 dollars. Un autre prévenu, Harrison Floyd, a en revanche été placé en détention, faute de caution.
Sauf imprévu, Donald Trump ressortira libre sous caution, fixée à 200 000 dollars dans son cas, comme les neuf prévenus qui se sont déjà livrés. Tous ceux qui l’ont précédé, pour certains en pleine nuit, ont vu leur passage immortalisé et leur « mugshot » circuler en boucle à la télévision comme sur les réseaux sociaux. Les règles en vigueur prévoient aussi la prise des empreintes digitales.
Les deux accès de la prison ont été fermés à la circulation, jeudi matin. A l’une des entrées, des agents en gilet pare-balles attendaient dans un pick-up.
Absent du débat républicain
Avant son arrivée, M. Trump a changé d’avocat jeudi pour le représenter en Géorgie. Le remplacement de Drew Findling par Steve Sadow, un ténor du barreau d’Atlanta, tous deux habitués à défendre des célébrités, n’a pas été expliqué, mais le second a, par le passé, contesté le fait que la procureure du comté de Fulton, Fani Willis, ait inculpé les 19 accusés en vertu de la loi sur la délinquance en bande organisée, qui prévoit des peines de cinq à vingt ans de prison.
Le 14 août, un grand jury constitué par la procureure les a inculpés de « tentatives illicites d’obtenir l’inversion du résultat de l’élection de 2020 », remportée dans cet Etat-clé par l’actuel président démocrate, Joe Biden. Ils ont jusqu’à vendredi à midi pour se présenter aux autorités. Ils devraient être de retour au tribunal la semaine du 5 septembre, vraisemblablement pour annoncer s’ils plaident coupable ou non.
Donald Trump fait l’objet de quatre inculpations pénales, dont deux au niveau fédéral, à Washington et en Floride (sud-est), une dans l’Etat de New York et une en Géorgie. Les nuages judiciaires ont beau s’amonceler, chaque rebondissement lui rapporte des millions de dollars de dons, versés par des partisans convaincus qu’il est victime d’une « chasse aux sorcières » manigancée par l’administration Biden pour l’écarter de la présidentielle.
Son passage en prison survient après le premier débat des primaires républicaines, organisé mercredi soir à Milwaukee, dans le Wisconsin (nord), un événement que le magnat de l’immobilier a snobé. Puisqu’il caracole en tête des sondages, il a jugé inutile d’y participer. A la place, il a accordé une interview à Tucker Carlson, ancien animateur vedette de Fox News, qui a été diffusée sur X (ex-Twitter)… à la même heure que le débat.
Les huit candidats présents à Milwaukee – sept hommes dont le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, et une femme, l’ex-ambassadrice à l’ONU Nikki Haley – ont donc eu des échanges tendus, parfois à son sujet, notamment en ce qui concerne leur soutien en sa faveur s’il était condamné pénalement.
Le Monde avec AFP
Publié aujourd’hui à 01h53, modifié à 01h59 (republication de l’article du 24 août 2023 à 19h26).
« Les séries qui ont changé notre regard » (2/6). Début 1977, le réseau ABC redoutait l’insuccès. Réunissant plus de 100 millions de téléspectateurs, la saga d’une famille africaine, de la déportation depuis la Gambie aux plantations du Sud esclavagiste, fut un triomphe.
Par Thomas Sotinel
Publié aujourd’hui à 16h00https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2023/08/22/avec-la-serie-racines-les-etats-unis-face-a-la-realite-de-l-esclavage_6186201_3451060.html.
Le Vietnam, royaume indépendant depuis le 10e siècle, après un millénaire de domination du grand voisin du Nord, la Chine, a été colonisé par la France à la fin du 19e siècle. En 1945, profitant du vide laissé par le départ des troupes japonaises qui occupaient le pays depuis 1940, le PCV (Parti communiste vietnamien, fondé en 1930 par Ho Chi Minh) proclame l’indépendance du Vietnam.
L’impérialisme français reconquiert militairement sa colonie : c’est la guerre d’Indochine (500 000 morts). Après le désastre militaire de Dien Bien Phu en 1954, la France est contrainte de partir. Le pays est alors coupé artificiellement en deux, de part et d’autre du 17e parallèle : le Nord « communiste » (capitale Hanoï), le Sud néocolonial (capitale Saïgon).
Une guerre impérialiste d’endiguement du communisme
Le PCV, soutenu militairement par l’URSS et la Chine, veut poursuivre la guerre de libération nationale jusqu’au bout. Les USA (États-Unis d’Amérique) veulent, à la suite de la guerre de Corée (1950-1953), en cette époque de « guerre froide », « endiguer » le danger « communiste ». C’est la guerre du Vietnam (1955-1975, 3 millions de morts).
La « vietnamisation » du conflit prônée par les USA ne marchant pas, ceux-ci interviennent de plus en plus directement : 15 000 soldats en 1963, 185 000 fin 1965, 536 000 en 1968 sous la présidence du démocrate Johnson. Ils mettent en œuvre une stratégie dite de « contre-insurrection » : flicage de la population regroupée dans des « hameaux stratégiques », opérations coup de poing en zone ennemie, bombardements massifs (les USA ont lâché durant la guerre du Vietnam trois fois plus de bombes que durant toute la Seconde Guerre mondiale). Sans oublier l’épandage de défoliant, le tristement célèbre « agent orange », qui a fait un million d’handicapés et qui continue, des années après, à empoisonner le sol et l’eau.
Une défaite majeure de l’impérialisme
En 1973, sous la présidence républicaine de Nixon, les USA quittent le Vietnam. L’élément décisif qui a fait basculer la situation est le mouvement anti-guerre aux USA. L’opposition à la guerre, portée initialement par des organisations trotskistes comme le SWP, se développe au fur et à mesure de l’engagement terrestre des USA et gagne la majorité de l’opinion publique américaine en 1968. Plusieurs facteurs jouent : l’engagement d’artistes (Joan Baez, Jim Morrison) et de leaders afro-américains (Martin Luther King), l’offensive du Têt en 1968 qui montre que les USA ne sont pas en train de gagner la guerre contrairement à la propagande officielle, la révélation de crimes de guerre américains (My Lai en 1968), des pertes américaines importantes (60 000 soldats tués et 150 000 blessés).
Le régime fantoche du Sud s’effondre et le PCV réunifie le pays en 1975. La « théorie des dominos » redoutée par les USA s’applique : les partis communistes prennent le pouvoir dans les pays voisins du Vietnam, Laos et Cambodge. La leçon, c’est qu’une guerre d’occupation contre un peuple ne peut pas être victorieuse à terme. La France avait connu le même sort en Algérie (1954-1963), les USA l’expérimenteront aussi en Irak (2003-2011).
Un formidable encouragement pour les luttes anti-impérialistes
Cette défaite majeure de l’impérialisme américain met à mal son rôle de gendarme du monde. À l’inverse, la victoire du mouvement de libération national vietnamien constitue un formidable encouragement pour les luttes anticolonialistes et anti-impérialistes. « Créer deux, trois, plusieurs Vietnam », tel était le message du Che. En 1975, les colonies portugaises africaines arrachent enfin leur indépendance. En 1979, le régime pro-américain du Shah d’Iran tombe. En 1979, éclate la révolution sandiniste au Nicaragua. En 1979, l’URSS, partisane de la « coexistence pacifique » avec l’impérialisme, pousse ses pions en Afghanistan, ce qui contribuera à sa perte.
La dynamique anti-impérialiste s’enraye toutefois au début des années 1980. D’une part, les pays qui se libèrent de la domination impérialiste ne constituent pas des alternatives attractives. Les régimes qui renversent le capitalisme sont, à l’image de l’URSS ou de la Chine, des dictature bureaucratiques, c’est aussi le cas du PCV, la caricature la plus atroce étant les Khmers Rouges au Cambodge. D’autre part, l’impérialisme américain surmonte sa crise sous Reagan (1981-1989). Il stoppe l’extension de la révolution nicaraguayenne qui menace son pré carré d’Amérique centrale et il reprend progressivement ses interventions militaires, à la Grenade en 1983, au Panama en 1989, en Irak en 1991.
L’ex-président américain a été inculpé une quatrième fois au pénal mi-août pour ses tentatives présumées de renverser le résultat de l’élection de 2020 dans l’Etat de Géorgie.
L’ex-président américain a été inculpé une quatrième fois au pénal mi-août pour ses tentatives présumées de renverser le résultat de l’élection de 2020 dans l’Etat de Géorgie
Donald Trump a confirmé lundi soir qu’il se rendrait jeudi 24 août à Atlanta, en Géorgie, afin de comparaître une première fois devant le tribunal qui le jugera, ultérieurement, de ses tentatives présumées de renverser l’élection présidentielle de 2020 dans cet Etat du sud-es
t des Etats-Unis. Il s’agit du quatrième dossier pénal pour lequel est inculpé l’ancien président, qui brigue de nouveau la Maison-Blanche en 2024 et reste le favori pour les primaires républicaines.
Truth Social - Donald J. Trump (@realDonaldTru
J’irai à Atlanta, en Géorgie, jeudi pour être ARRÊTÉ par une procureure d’EXTRÊME GAUCHE », a dénoncé sur sa plateforme Truth Social le milliardaire républicain, à propos de la procureure du comté de Fulton, Fani Willis. La chaîne CNN avait donné peu auparavant la date de cette audience.
Les autorités lui avaient donné jusqu’à vendredi midi pour se présenter à la prison du tribunal du comté de Fulton, à Atlanta, la capitale de l’Etat. Sa comparution jeudi interviendra au lendemain du premier débat télévisé entre les candidats des primaires républicaines, débat auquel Donald Trump, loin en tête dans les sondages, a décidé de ne pas participer.
Un grand jury (panel de citoyens investis de pouvoirs d’enquête), constitué par la procureure Fani Willis, a inculpé le 14 août Donald Trump et dix-huit autres personnes pour leurs tentatives présumées illicites d’obtenir l’inversion du résultat de l’élection de 2020 remportée dans cet Etat clé par l’actuel président démocrate Joe Biden. Ils sont poursuivis en vertu d’une loi sur la délinquance en bande organisée qui prévoit des peines de cinq à vingt ans de prison.
Une caution de 200 000 dollars
En vue de sa première audience dans ce dossier, ses avocats ont accepté de verser 200 000 dollars (environ 185 000 euros) de caution, avait-on appris de documents judiciaires plus tôt dans la journée. Quatre autres de ses coprévenus ont également accepté de payer des cautions allant de 10 000 à 100 000 dollars chacun.
Le versement d’une caution permet aux accusés de ne pas être placé en détention provisoire, à condition de ne violer aucune loi, de s’abstenir de toute menace et de ne pas communiquer entre eux autrement que par l’intermédiaire de leurs avocats.
Jeudi à Atlanta, l’ancien président pourrait avoir à se soumettre à une procédure à laquelle il avait échappé lors des trois inculpations précédentes : prise des empreintes digitales et celle de deux photos, l’une de face et l’autre de profil. « Peu importe votre statut, nous serons prêts à prendre votre photo », avait lancé à la presse début août Patrick Labat, shérif du comté de Fulton, chargé du dossier.
La procureure Fani Willis a demandé à la justice de fixer la date de début du procès au 4 mars, un juge tranchera. Elle affirme avoir choisi cette date pour ne pas interférer avec les autres poursuites, fédérales ou à l’échelle des Etats, visant Donald Trump.
« Chasse aux sorcières »
L’ancien président a en effet été inculpé dans trois autres dossiers. La justice de l’Etat de New York lui reproche des fraudes comptables dans un paiement à une ancienne actrice de films X pendant sa campagne victorieuse de 2016. En Floride, la justice fédérale l’a inculpé pour sa gestion jugée négligente de documents confidentiels. Et dans la capitale Washington, la justice fédérale le poursuit pour sa tentative de renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020 qu’il a perdue.
Après l’inculpation dans chacune de ces trois affaires, Donald Trump a comparu devant un juge et par trois fois il a plaidé non coupable de l’ensemble des charges à son encontre. Lundi, il a encore dénoncé une « chasse aux sorcières » politique.
Donald Trump à Las Vegas (Nevada), le 8 juillet 2023. (PATRICK T. FALLON / AFP)
Les faitsUn grand jury de l’Etat de Géorgie a mis en accusation l’ancien président pour avoir tenté, avec dix-huit autres personnes de son entourage, d’inverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020.
Donald Trump a été mis en accusation, lundi 14 août dans la soirée, par un grand jury de Géorgie, pour avoir cherché à renverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020. Cette inculpation complète celle réalisée le 1er août à Washington par le procureur fédéral spécial Jack Smith, qui poursuit Donald Trump pour sa tentative de coup d’Etat lors de l’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021. Plus de deux ans et demi après les faits, la justice américaine est sur les vrais sujets.
Pendant longtemps, M. Trump a été poursuivi pour des affaires révélatrices de son comportement, mais qui pouvaient apparaître secondaires : sa mise en examen cet hiver par un procureur de Manhattan pour avoir acheté en 2016, en violation de la loi électorale, le silence d’une prostituée, Stormy Daniels ; son inculpation fédérale pour avoir emporté après sa défaite des documents classés dans son golf de Mar-a-Lago, en Floride.
La procureure Fani Willis lors d’une conférence de presse après le vote pour l’inculpation de Donald Trump et dix-huit autres personnes à Atlanta, en Géorgie (Etats-Unis), le 14 août 2023. CHRISTIAN MONTERROSA / AFP
Désormais, la justice se trouve au cœur du réacteur, avec deux inculpations qui décrivent la réalité du trumpisme : une tentative de coup d’Etat (c’est l’accusation fédérale de Jack Smith), réalisée par un groupe quasi mafieux, une « entreprise ». C’est la particularité de l’accusation portée en Géorgie par la procureure Fani Willis. Cette dernière a eu recours à la version géorgienne de la loi sur les organisations motivées par le racket et la corruption (RICO). Cette loi fédérale de 1970 fut utilisée pour lutter contre la mafia et le crime organisé. Et c’est une « entreprise » criminelle que décrit la procureure. « RICO est un outil qui permet au procureur de raconter toute l’histoire », a expliqué Mme Willis lundi peu avant minuit lors d’une brève conférence de presse.
« L’accusé Donald Trump a perdu l’élection présidentielle américaine qui s’est tenue le 3 novembre 2020. L’un des États qu’il a perdus était la Géorgie. Trump et les autres accusés ont refusé d’accepter que Trump ait perdu, et ils ont sciemment et volontairement rejoint un complot visant à modifier illégalement le résultat des élections », commence l’acte d’accusation, qui décrit ensuite « l’entreprise ».
Treize chefs d’inculpation
Donald Trump est poursuivi avec dix-huit coaccusés, dont son ancien conseiller Rudolph Giuliani, maire de New York au moment des attentats du 11 septembre 2001, qui apparaît avoir été la plaque tournante du complot, et le chef de cabinet de la Maison Blanche Mark Meadows. L’ancien président a droit à treize chefs d’inculpations sur un total de quarante et un pour l’ensemble du groupe. L’enquête fut large et a révélé une trentaine de complices supplémentaires, qui n’ont pas été inculpés sans doute en raison de leur collaboration avec la justice. La peine maximale est de vingt ans de réclusion. Ces charges comportent aussi une peine minimale de cinq ans, à la différence des autres procès pour lesquels M. Trump est convoqué.
Grâce à la loi qui donne à la procureure des pouvoirs étendus pour poursuivre de nombreux suspects au-delà de son territoire, Fani Willis décrit, dans son acte d’accusation de 98 pages, un processus qui débute avant l’élection, passe par Washington, les pressions sur le vice-président Mike Pence et l’assaut du Capitole mais aussi des Etats disputés, comme l’Arizona. Mais le fond du dossier concerne les événements de Géorgie, avec la contestation des résultats locaux et les déclarations mensongères répétées de Donald Trump et de ses acolytes.
Dès le soir de sa défaite en novembre 2020 face à Joe Biden, le président sortant avait contesté les élections. Tout en collectant des fonds massifs auprès de ses sympathisants, au moyen de mensonges sur les fraudes électorales, il tentait, par tous les moyens et à tous les niveaux possibles, d’interrompre la transition démocratique. Celle-ci devait aboutir à la certification des grands électeurs au Congrès, le 6 janvier 2021. Dans ce schéma, la Géorgie faisait partie des Etats clés où Donald Trump s’efforçait de remettre en cause le choix populaire en faveur de son adversaire. « Tout le monde sait qu’on a gagné cet Etat », écrivait-il sur Twitter le 13 novembre, en dépit des faits. Joe Biden a remporté le scrutin en Géorgie avec 2 473 633 voix, contre 2 461 854 pour son adversaire, soit une marge de seulement 11 779 bulletins, confirmée après plusieurs recomptages scrupuleux.
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Cela n’empêche pas Donald Trump et Rudy Giuliani de multiplier mensonges et intimidations. Le 3 décembre 2020, au Sénat de Géorgie, l’ancien maire de New York diffuse aux élus une vidéo supposément accablante d’employés électoraux, le soir du scrutin, dans un bureau d’Atlanta installé dans la salle omnisports State Farm Arena, en train d’apporter des valises de faux bulletins, profitant de l’absence d’observateurs. Dès le lendemain, le secrétaire de l’Etat, le républicain Brad Raffensperger, dégonflait l’affaire : tout était parfaitement légal.
Rudy Giuliani, l’avocat de Donald Trump, lors d’une conférence de presse à Washington, DC., le 9 novembre 2020. MANDEL NGAN / AFP
Une semaine plus tard, Giuliani livre en pâture le nom des deux employées du centre électoral de la State Farm Arena, une mère et sa fille, Ruby Freeman et Shaye Moss. « Ruby Freeman, Shaye Moss et un homme se sont transmis subrepticement des clés USB comme s’il s’agissait d’héroïne ou de cocaïne dans la State Farm Arena pour infiltrer les machines à voter tordues de Dominion », a accusé faussement Rudy Giuliani dès le 10 décembre, selon l’accusation. Il s’agissait en fait d’un bonbon au gingembre.
Par ailleurs, la mise en cause de ces machines électorales par la galaxie Trump a conduit Fox News à payer en avril plus de 787,5 millions de dollars de dommages et intérêts pour éviter de perdre un procès en diffamation.Ruby Freeman a été harcelée par téléphone et a reçu la visite à son domicile, le 15 décembre, d’un autre accusé. La Commission parlementaire sur l’assaut du Capitole avait déjà réhabilité la mère et la fille dans son rapport final publié en décembre 2022 : « Non seulement les allégations de Giuliani au sujet de Freeman et de Moss étaient imprudentes, racistes et fausses, mais elles ont eu des conséquences concrètes qui ont bouleversé la vie des deux femmes. »
Deuxième manipulation assez rocambolesque, la création, en décembre, de faux grands électeurs pour empêcher la validation du vote de Géorgie. Certains d’entre eux ont collaboré avec la procureure Willis.
Troisième volet, une tentative de manipulation de matériel électoral. Dans la zone rurale du comté de Coffee, à 300 kilomètres au nord d’Atlanta, une vidéo a révélé que des partisans de Donald Trump avaient accédé au local électoral en janvier 2021, en pleine période de contestation, et commis des intrusions dans le matériel informatique électoral.
« Dictature marxiste »
Mais c’est surtout un entretien téléphonique de Donald Trump, le 2 janvier 2021, avec Brad Raffensperger, le secrétaire de l’Etat de Géorgie, qui se révèle accablant pour l’ancien président et devrait prouver son implication directe. Les Etats-Unis sont à quatre jours de l’assaut du Capitole. A cette date, la Géorgie avait déjà procédé à un recomptage manuel des bulletins. Aucune fraude massive n’avait été détectée.
Pourtant, depuis des semaines, la pression montait pour Brad Raffensperger, responsable de la tenue du scrutin, et le gouverneur républicain Brian Kemp. L’objectif du clan Trump était de provoquer la convocation d’une session extraordinaire du parlement local pour valider une liste alternative – et totalement artificielle – de grands électeurs en faveur du président sortant. Un effort similaire était conduit en Arizona, dans le Wisconsin, le Nevada et le Michigan.
Donald Trump (alors président américain) et son chef d’état-major Mark Meadows à la Maison Blanche, à Washington (Etats-Unis), le 8 mai 2020. MANDEL NGAN / AFP
Mark Meadows, le chef de cabinet de Donald Trump, lui aussi inculpé, a joué un rôle essentiel dans les contacts préalables, longtemps infructueux, avec le secrétaire d’Etat de Géorgie. Selon la commission d’enquête parlementaire, « le président a essayé de parler par téléphone avec Raffensperger à dix-huit reprises au moins » avant de parvenir à ses fins. Ce jour-là, chacun des deux hommes est entouré par conseillers et avocats.
Le président est très agité. « Alors dites-moi, Brad, qu’allez-vous faire ? On a gagné l’élection, et ce n’est pas juste de nous l’enlever comme ça. Et ça va coûter très cher de nombreuses manières. » Donald Trump formule clairement sa demande : « Alors, écoutez. Tout ce que je veux faire, c’est ça. Je veux juste trouver 11 780 voix, soit une de plus que ce que nous avons. » Puis Donald Trump passe aux menaces en soulignant que M.Raffensperger prend « un grand risque », en laissant un « crime » se commettre. « Je savais qu’on avait suivi la loi », résumera le secrétaire d’Etat devant la commission parlementaire.
Donald Trump, dont les déboires judiciaires n’ont pas eu jusqu’à présent d’effet négatif sur sa cote de popularité auprès de l’électorat républicain, a réagi lundi par communiqué à sa nouvelle inculpation. « Un procureur de gauche – avec un parti pris anti-Trump si extrême que même CNN a mis en doute sa légitimité – m’a mis en accusation alors que je n’ai commis AUCUN CRIME », écrit-il. L’ancien président a estimé qu’allait disparaître une République libre : « A sa place se trouve une dictature marxiste du tiers-monde dirigée par un tyran incompétent mais véreux [Joe Biden] qui tente de placer votre sort entre les mains de procureurs vengeurs et corrompus. Le communisme a enfin atteint les côtes américaines. »
Agée de 51 ans, la procureure Willis fut la première femme noire élue en 2020 procureure du district de Fulton, qui englobe Atlanta, après avoir travaillé pendant près de vingt ans pour le parquet. Elle est qualifiée d’extrémiste de gauche par Donald Trump mais, selon le New York Times, elle a irrité la gauche en poursuivant des enseignants d’écoles publiques dans le cadre d’une gigantesque triche aux résultats, et un rappeur dans des affaires de gangs. Cette fille d’un membre des Black Panthers et avocat pénaliste avait affiché dans son bureau une citation de Malcom X, militant de la cause afro-américaine assassiné en 1965 : « Je suis pour la vérité, peu importe qui la dit. Je suis pour la justice, peu importe qui est pour ou contre. »
La procureure Fani Willis lors d’une conférence de presse après le vote pour l’inculpation de Donald Trump et dix-huit autres personnes à Atlanta, en Géorgie (Etats-Unis), le 14 août 2023. JOHN BAZEMORE / AP
Lors de sa conférence de presse, Mme Willis a précisé que des mandats d’arrêt avaient été émis contre les prévenus. « Je donne aux accusés la possibilité de se rendre volontairement au plus tard à midi le vendredi 25 août 2023 », a-t-elle annoncé, précisant qu’elle recommanderait au juge un procès « dans les six mois ». Un objectif ambitieux, vu la complexité du dossier et le nombre d’inculpés.
Dans ce contexte, le premier procès pourrait être celui de l’assaut du Capitole, que le procureur spécial voudrait voir débuter le 2 janvier 2024. Celui-ci a le mérite de n’avoir qu’un seul prévenu, Donald Trump, et quatre chefs d’accusation. Juste avant le début des primaires pour la présidentielle de 2024.
par Arnaud Leparmentier (New York, correspondant) et Piotr Smolar (Washington, correspondant)
L’ancien président américain multirécidiviste est cette fois poursuivi pour avoir tenté d’inverser le résultat de l’élection de 2020 en cherchant à tout prix à se maintenir au pouvoir…
Donald Trump dans l’Iowa, le 28 juillet 2023. (CHARLIE NEIBERGALL/AP/SIPA)
Et de trois ! Donald Trump a été inculpé, mardi 1er août, dans une troisième affaire judiciaire. Il avait déjà été poursuivi en avril pour des paiements illégaux à une ancienne actrice de films X, puis en juin pour la détention illicite de documents confidentiels dans sa résidence privée de Mar-a-Lago (en Floride) après son départ de la Maison-Blanche en janvier 2021. Il est maintenant accusé d’avoir tenté d’inverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020 en cherchant à tout prix à se maintenir au pouvoir. A croire que c’est désormais la normalité…
« Les mises en accusation de Trump sont devenues si courantes qu’elles ne sont même plus qualifiées de #BreakingNews. Chaque émission d’actualité comporte désormais trois parties : les sports, la météo et les inculpations de Trump », ironise sur Twitter (rebaptisé X) le célèbre analyste politique de la newsletter Sabato’s Crystal Ball, Larry Sabato.
Jusqu’à 20 ans de prison
Le multirécidiviste est inculpé cette fois pour « complot à l’encontre de l’Etat américain », atteinte aux droits électoraux ainsi que complot et entrave à une procédure officielle. Selon l’acte d’accusation de 45 pages, « chacun de ces complots – qui s’appuyait sur la méfiance généralisée que l’accusé suscitait par des mensonges omniprésents et déstabilisants sur une fraude électorale – visait une fonction fondamentale du gouvernement fédéral des Etats-Unis : le processus national de collecte, de comptage et de certification des résultats de l’élection présidentielle ».
L’affaire est plus que sérieuse, Donald Trump risque gros. Les accusations de complot à l’encontre de l’Etat américain et d’atteinte aux droits électoraux pourraient lui valoir une peine de prison de 5 ans chacune ; quant à l’obstruction, elle pourrait lui coûter jusqu’à 20 ans de détention.
Déjà auréolé du titre de premier ex-président des Etats-Unis à être inculpé au pénal par la justice fédérale, il est maintenant accusé d’avoir tenté d’utiliser les leviers du pouvoir gouvernemental pour rester en fonction contre la volonté des électeurs. Cette inculpation marque de nouveau d’une pierre blanche l’histoire américaine…
« Pourquoi ont-ils attendu deux ans et demi pour porter ces fausses accusations, en plein milieu de la campagne victorieuse du président Trump pour 2024 ? », a aussitôt réagi l’ancien locataire de la Maison-Blanche. Il aura en effet fallu une commission d’enquête parlementaire et une enquête fédérale pour le voir in fine mis en examen pour son rôle dans l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021, destiné à empêcher le transfert du pouvoir à son successeur.
Comme à chaque nouvelle inculpation, Donald Trump se pose en victime d’un complot qui aurait été fomenté contre lui par l’administration démocrate, « l’Etat profond », les institutions libérales, afin de se débarrasser du principal rival républicain de Joe Biden pour l’élection de 2024. Dans une diatribe virulente sur son réseau Truth Social, il a accusé l’administration Biden d’« ingérence électorale », comparant les poursuites engagées contre lui à rien de moins que « l’Allemagne nazie des années 1930, à l’ex-Union soviétique et à d’autres régimes autoritaires et dictatoriaux ». Le voilà de nouveau qui endosse avec tambours et trompettes la figure de martyr politique. Une posture qui s’est révélée être jusqu’ici son meilleur atout dans la campagne présidentielle.
Chaque nouvelle affaire judiciaire a eu pour effet de ressouder son camp autour de lui : ses électeurs les plus dévoués, les « MAGA » (pour « Make America Great Again », son slogan repris par ses fidèles), qui représentent 35 % à 50 % de l’électorat républicain, y ont vu une nouvelle preuve qu’il fait l’objet d’une « chasse aux sorcières », tandis que ses concurrents à la primaire républicaine se sont retrouvés contraints à le soutenir sous peine d’être accusés de faire le jeu des démocrates.
Résultat : il est aujourd’hui le grand favori à l’investiture du Grand Old Party (GOP, surnom du Parti républicain), caracolant autour de 53 % des intentions de vote – selon le site FiveThirtyEight, qui propose une agrégation des sondages nationaux –, loin devant ses concurrents, et fait jeu égal avec Joe Biden, à 43 %, dans les premiers sondages sur l’élection générale. L’impact de cette nouvelle inculpation sera-t-il différent des autres ? Rien ne permet de le dire.
La sortie du tunnel judiciaire est encore loin. Donald Trump est maintenant convoqué le 3 août devant un tribunal fédéral de Washington. Il lui sera très probablement demandé de plaider coupable des faits qui lui sont reprochés. La juge qui présidera l’audience fixera également les conditions de sa libération, qui ne devraient pas être trop contraignantes compte tenu du profil de l’accusé. Voilà, dans l’immédiat, pour cette affaire. Mais ce n’est pas tout : en septembre, on aura les conclusions des investigations menées dans un autre dossier, celui sur les pressions qu’il a exercées pour modifier le résultat de l’élection en Géorgie en 2020.
« S’il revient au pouvoir… »
Sortira-t-il indemne de cette incroyable spirale judiciaire ? On peut supposer que s’il remporte l’investiture républicaine, s’il est ensuite jugé et condamné avant l’élection présidentielle du 5 novembre 2024 dans l’une de ces affaires, son destin de martyr finisse par fatiguer certains de ses électeurs les plus modérés. Mais l’inverse est tout aussi possible : « Nous avons en face de nous un ennemi dévoué de notre Constitution, et s’il revient au pouvoir, sa prochaine “administration” sera une bande de criminels, d’hommes de main et de médiocres rancuniers, qui seront tous heureux de servir les besoins sociopathiques de Trump tout en se partageant avidement les dépouilles du pouvoir », avertit sur le site du magazine « The Atlantic » le chroniqueur Tom Nichols, qui appelle les électeurs à lui faire barrage à tout prix.
Une condamnation ne l’empêcherait pas, légalement, de se faire élire. Le casier judiciaire vierge ne fait pas partie des critères pour être candidat à la présidence des Etats-Unis. La Constitution américaine requiert seulement d’être un citoyen américain de naissance, d’être âgé d’au moins 35 ans et de résider aux Etats-Unis depuis au moins quatorze ans. Il aura fallu attendre cette troisième inculpation pour que les éditorialistes américains commencent sérieusement à tirer la sonnette d’alarme : il semble tout à fait possible que Trump soit élu président une deuxième fois.
Assaut du Capitole : plus de 1 000 personnes inculpées
En parallèle de l’inculpation de Donald Trump ce mardi 1er août pour ses tentatives d’inverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020, plus de 1 000 personnes ont été inculpées au niveau fédéral depuis deux ans et demi pour leur implication dans l’assaut du Capitole, selon le ministère de la Justice américain. Parmi elles, 570 ont plaidé coupable et 78 ont été condamnées lors de procès. Le 6 janvier 2021, à Washington, des milliers de partisans de l’ex-locataire de la Maison-Blanche avaient semé le chaos et la violence dans le siège du Congrès, temple de la démocratie américaine, au moment où les parlementaires certifiaient la victoire du démocrate Joe Biden à l’élection du 3 novembre 2020. Dix membres des Proud Boys et des Oath Keepers, des milices extrémistes et racistes en première ligne dans l’attaque, ont notamment été reconnus coupables en mai de « conspiration séditieuse » – une accusation rare impliquant des tentatives « de renverser ou de détruire par la force le gouvernement des Etats-Unis », rappelle l’agence Reuters.
Donald Trump a été inculpé mardi 1er août pour ses tentatives d'inverser le résultat de l'élection présidentielle de 2020. Plusieurs chefs d'inculpation, dont le "complot à l'encontre de l'Etat américain", l'entrave à une procédure officielle et l'atteinte aux droits électoraux ont été retenus après une enquête supervisée par le procureur spécial Jack Smith. C'est l'accusation la plus grave à peser contre l'ex-président, déjà doublement poursuivi au pénal.
"Malgré sa défaite, l'accusé était déterminé à rester au pouvoir. Par conséquent, durant plus de deux mois après le scrutin du 3 novembre 2020, l'accusé a diffusé des mensonges selon lesquels il y avait eu des fraudes ayant modifié le résultat et qu'il avait en fait gagné", relève l'acte d'accusation, que l'AFP s'est procuré et que plusieurs médias américains ont publié, dont le New York Times. "Ces allégations étaient fausses et le prévenu savait qu'elles étaient fausses", peut-on y lire. "Mais le prévenu les a répétées et les a largement diffusées malgré tout".
Grand favori des primaires républicaines, Donald Trump avait annoncé le 18 juillet avoir reçu une lettre de Jack Smith l'informant qu'il était visé personnellement par l'enquête fédérale sur les tentatives d'inverser les résultats de la présidentielle de 2020, et notamment l'assaut contre le Capitole le 6 janvier 2021. Il avait déclaré le 28 juillet qu'il maintiendrait sa campagne, même s'il était condamné.
Les procureurs fédéraux ont alourdi jeudi les charges pesant sur Donald Trump dans l’affaire de sa gestion négligente de documents confidentiels pour laquelle il est inculpé, lui reprochant d’avoir essayé de supprimer des images de vidéosurveillance qui intéressaient les enquêteurs.
LesLes procureurs fédéraux ont alourdi jeudi les charges pesant sur Donald Trump dans l’affaire de sa gestion négligente de documents confidentiels pour laquelle il est inculpé, lui reprochant d’avoir essayé de supprimer des images de vidéosurveillance qui intéressaient les enquêteurs.
Ces nouveaux chefs d’accusation viennent épaissir un dossier pour lequel un procès fédéral est prévu en mai 2024 en Floride, en pleines primaires républicaines dont Donald Trump est le favori.
Le milliardaire républicain a déjà été inculpé, début juin, pour sa gestion négligente des archives de la Maison-Blanche, mais les procureurs fédéraux ont fait savoir, par un document judiciaire rendu public jeudi, qu’ils l’accusent de nouveaux faits dans ce dossier.
Il est désormais reproché à Donald Trump, ainsi qu’à deux de ses assistants, d’avoir demandé à un employé de la résidence de « supprimer des images de vidéosurveillance du Club de Mar-a-Lago pour éviter que ces images ne soient remises » à la justice.
L’un des deux assistants, Walt Nauta, avait déjà été inculpé aux côtés de Donald Trump. L’inculpation du second, Carlos De Oliveira, est nouvelle.
Ce dernier, selon l’accusation, « a insisté » auprès d’un technicien de la résidence, disant « que “le boss” voulait que ce serveur soit effacé ».
Ces nouvelles accusations, a répondu l’équipe de campagne de Donald Trump, « ne sont qu’une nouvelle tentative sans fin » de l’administration Biden pour « harceler » son prédécesseur. Le procureur spécial chargé de l’affaire, Jack Smith, « sait qu’il n’y a rien dans le dossier », ajoute le communiqué.
Donald Trump était jusqu’alors inculpé de 37 chefs d’accusation dont « rétention illégale d’informations portant sur la sécurité nationale », « entrave à la justice » et « faux témoignage » dans cette affaire, pour laquelle il a plaidé mi-juin non-coupable devant un tribunal fédéral de Miami.
Il est accusé d’avoir mis la sécurité des États-Unis en péril en conservant des documents confidentiels après son départ de la Maison-Blanche en janvier 2021, dont des plans militaires ou des informations sur des armes nucléaires, dans sa résidence de luxe de Mar-a-Lago, en Floride, au lieu de les remettre aux Archives nationales.
Une autre enquête
Plus tôt, jeudi, l’ancien président avait indiqué que ses avocats s’étaient entretenus dans la journée avec des représentants du ministère de la justice, avant sa possible nouvelle inculpation dans le cadre d’une autre enquête, liée aux tentatives de renverser sa défaite à l’élection de 2020.
Des médias américains comme la chaîne NBC avaient plus tôt affirmé que les avocats avaient été informés qu’ils devaient s’attendre à une inculpation, mais Donald Trump l’a démenti.
« Mes avocats ont eu une réunion productive avec le ministère de la justice ce matin, expliquant en détail que je n’ai rien fait de mal, que j’ai été conseillé par beaucoup d’avocats et qu’une inculpation ne ferait que détruire davantage notre pays », a écrit le milliardaire sur sa plateforme Truth Social.
Il a assuré que ses avocats n’avaient pas été notifiés d’une inculpation à venir. « Ne faites confiance aux Fake News sur rien ! », a-t-il ajouté, utilisant son expression favorite à propos des médias.
Le 18 juillet, Donald Trump a annoncé avoir reçu une lettre de Jack Smith l’informant qu’il était visé personnellement par l’enquête fédérale sur les tentatives de renverser les résultats de la présidentielle de 2020, et notamment l’assaut contre le Capitole le 6 janvier 2021.
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