L’ancien président américain multirécidiviste est cette fois poursuivi pour avoir tenté d’inverser le résultat de l’élection de 2020 en cherchant à tout prix à se maintenir au pouvoir…
Donald Trump dans l’Iowa, le 28 juillet 2023. (CHARLIE NEIBERGALL/AP/SIPA)
Et de trois ! Donald Trump a été inculpé, mardi 1er août, dans une troisième affaire judiciaire. Il avait déjà été poursuivi en avril pour des paiements illégaux à une ancienne actrice de films X, puis en juin pour la détention illicite de documents confidentiels dans sa résidence privée de Mar-a-Lago (en Floride) après son départ de la Maison-Blanche en janvier 2021. Il est maintenant accusé d’avoir tenté d’inverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020 en cherchant à tout prix à se maintenir au pouvoir. A croire que c’est désormais la normalité…
« Les mises en accusation de Trump sont devenues si courantes qu’elles ne sont même plus qualifiées de #BreakingNews. Chaque émission d’actualité comporte désormais trois parties : les sports, la météo et les inculpations de Trump », ironise sur Twitter (rebaptisé X) le célèbre analyste politique de la newsletter Sabato’s Crystal Ball, Larry Sabato.
Jusqu’à 20 ans de prison
Le multirécidiviste est inculpé cette fois pour « complot à l’encontre de l’Etat américain », atteinte aux droits électoraux ainsi que complot et entrave à une procédure officielle. Selon l’acte d’accusation de 45 pages, « chacun de ces complots – qui s’appuyait sur la méfiance généralisée que l’accusé suscitait par des mensonges omniprésents et déstabilisants sur une fraude électorale – visait une fonction fondamentale du gouvernement fédéral des Etats-Unis : le processus national de collecte, de comptage et de certification des résultats de l’élection présidentielle ».
L’affaire est plus que sérieuse, Donald Trump risque gros. Les accusations de complot à l’encontre de l’Etat américain et d’atteinte aux droits électoraux pourraient lui valoir une peine de prison de 5 ans chacune ; quant à l’obstruction, elle pourrait lui coûter jusqu’à 20 ans de détention.
Déjà auréolé du titre de premier ex-président des Etats-Unis à être inculpé au pénal par la justice fédérale, il est maintenant accusé d’avoir tenté d’utiliser les leviers du pouvoir gouvernemental pour rester en fonction contre la volonté des électeurs. Cette inculpation marque de nouveau d’une pierre blanche l’histoire américaine…
« Pourquoi ont-ils attendu deux ans et demi pour porter ces fausses accusations, en plein milieu de la campagne victorieuse du président Trump pour 2024 ? », a aussitôt réagi l’ancien locataire de la Maison-Blanche. Il aura en effet fallu une commission d’enquête parlementaire et une enquête fédérale pour le voir in fine mis en examen pour son rôle dans l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021, destiné à empêcher le transfert du pouvoir à son successeur.
Comme à chaque nouvelle inculpation, Donald Trump se pose en victime d’un complot qui aurait été fomenté contre lui par l’administration démocrate, « l’Etat profond », les institutions libérales, afin de se débarrasser du principal rival républicain de Joe Biden pour l’élection de 2024. Dans une diatribe virulente sur son réseau Truth Social, il a accusé l’administration Biden d’« ingérence électorale », comparant les poursuites engagées contre lui à rien de moins que « l’Allemagne nazie des années 1930, à l’ex-Union soviétique et à d’autres régimes autoritaires et dictatoriaux ». Le voilà de nouveau qui endosse avec tambours et trompettes la figure de martyr politique. Une posture qui s’est révélée être jusqu’ici son meilleur atout dans la campagne présidentielle.
Chaque nouvelle affaire judiciaire a eu pour effet de ressouder son camp autour de lui : ses électeurs les plus dévoués, les « MAGA » (pour « Make America Great Again », son slogan repris par ses fidèles), qui représentent 35 % à 50 % de l’électorat républicain, y ont vu une nouvelle preuve qu’il fait l’objet d’une « chasse aux sorcières », tandis que ses concurrents à la primaire républicaine se sont retrouvés contraints à le soutenir sous peine d’être accusés de faire le jeu des démocrates.
Résultat : il est aujourd’hui le grand favori à l’investiture du Grand Old Party (GOP, surnom du Parti républicain), caracolant autour de 53 % des intentions de vote – selon le site FiveThirtyEight, qui propose une agrégation des sondages nationaux –, loin devant ses concurrents, et fait jeu égal avec Joe Biden, à 43 %, dans les premiers sondages sur l’élection générale. L’impact de cette nouvelle inculpation sera-t-il différent des autres ? Rien ne permet de le dire.
La sortie du tunnel judiciaire est encore loin. Donald Trump est maintenant convoqué le 3 août devant un tribunal fédéral de Washington. Il lui sera très probablement demandé de plaider coupable des faits qui lui sont reprochés. La juge qui présidera l’audience fixera également les conditions de sa libération, qui ne devraient pas être trop contraignantes compte tenu du profil de l’accusé. Voilà, dans l’immédiat, pour cette affaire. Mais ce n’est pas tout : en septembre, on aura les conclusions des investigations menées dans un autre dossier, celui sur les pressions qu’il a exercées pour modifier le résultat de l’élection en Géorgie en 2020.
« S’il revient au pouvoir… »
Sortira-t-il indemne de cette incroyable spirale judiciaire ? On peut supposer que s’il remporte l’investiture républicaine, s’il est ensuite jugé et condamné avant l’élection présidentielle du 5 novembre 2024 dans l’une de ces affaires, son destin de martyr finisse par fatiguer certains de ses électeurs les plus modérés. Mais l’inverse est tout aussi possible : « Nous avons en face de nous un ennemi dévoué de notre Constitution, et s’il revient au pouvoir, sa prochaine “administration” sera une bande de criminels, d’hommes de main et de médiocres rancuniers, qui seront tous heureux de servir les besoins sociopathiques de Trump tout en se partageant avidement les dépouilles du pouvoir », avertit sur le site du magazine « The Atlantic » le chroniqueur Tom Nichols, qui appelle les électeurs à lui faire barrage à tout prix.
Une condamnation ne l’empêcherait pas, légalement, de se faire élire. Le casier judiciaire vierge ne fait pas partie des critères pour être candidat à la présidence des Etats-Unis. La Constitution américaine requiert seulement d’être un citoyen américain de naissance, d’être âgé d’au moins 35 ans et de résider aux Etats-Unis depuis au moins quatorze ans. Il aura fallu attendre cette troisième inculpation pour que les éditorialistes américains commencent sérieusement à tirer la sonnette d’alarme : il semble tout à fait possible que Trump soit élu président une deuxième fois.
En parallèle de l’inculpation de Donald Trump ce mardi 1er août pour ses tentatives d’inverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020, plus de 1 000 personnes ont été inculpées au niveau fédéral depuis deux ans et demi pour leur implication dans l’assaut du Capitole, selon le ministère de la Justice américain. Parmi elles, 570 ont plaidé coupable et 78 ont été condamnées lors de procès. Le 6 janvier 2021, à Washington, des milliers de partisans de l’ex-locataire de la Maison-Blanche avaient semé le chaos et la violence dans le siège du Congrès, temple de la démocratie américaine, au moment où les parlementaires certifiaient la victoire du démocrate Joe Biden à l’élection du 3 novembre 2020. Dix membres des Proud Boys et des Oath Keepers, des milices extrémistes et racistes en première ligne dans l’attaque, ont notamment été reconnus coupables en mai de « conspiration séditieuse » – une accusation rare impliquant des tentatives « de renverser ou de détruire par la force le gouvernement des Etats-Unis », rappelle l’agence Reuters.
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