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Tunis. Au Nawaat Festival, la résistance comme mot d’ordre

 

FESTIVAL

 

Comme tous les ans, Nawaat, un des rares médias indépendants tunisiens, à la fois webzine et magazine papier, a tenu son festival dans la capitale. Si le thème initialement prévu cette année était celui des féminismes, l’actualité palestinienne a poussé la rédaction à élargir l’événement pour rendre hommage à l’esprit de résistance.

 

image from orientxxi.info

 

Du 15 au 17 décembre à Tunis s’est tenue la troisième édition du Festival Nawaat, du nom du blog tunisien fondé en 2004, et qui reste aujourd’hui un des rares médias non inféodés dans le pays. Il est d’ailleurs membre, comme Orient XXI, du réseau des Médias indépendants sur le monde arabe.

Pour la durée de l’événement, Nawaat a ouvert ses splendides locaux, ancienne propriété de Wassila Bourguiba, la deuxième épouse de l’ancien président de la République Habib Bourguiba, non loin du centre-ville, à plusieurs centaines de personnes. Étaient notamment au rendez-vous débat et danse dans le jardin, immersion au cœur de la scène hip-hop avec le collectif Room 95, découverte d’archives cinématographiques palestiniennes, et flânerie entre les œuvres du photographe Chehine Dhahak.

L’exposition de ce dernier, Vagabondage, revient sur le thème de l’errance. Au fil des portraits volés, des solitudes isolées, des paysages marginaux, on erre littéralement entre les photos urbaines et périurbaines qui isolent l’instant saisi, tout comme les silhouettes de passage incarnant ici des tiers-lieux. L’anonymat rejoint le retranchement pour former l’essence d’une pérégrination sensible. Les titres « Easy rider », « Tree of life », « A kind of blue », « Just do it » figent dans l’humour noir les corps et les marges humanisées d’une Tunisie post-Révolution.

CORPS POLITIQUES

Car tout au long de ce festival, placé sous le thème de la résistance, il est question en premier lieu des corps. Les corps qui résistent, y compris contre eux-mêmes, avec le spectacle de danse Bon deuil !! de Feteh Khiari et Houcem Bouakroucha, accompagné musicalement par Ayoub Bouzidi. Tantôt en souffrance, tantôt complices, les jeunes danseurs contemporains cherchent à s’échapper de leur état/État, transmettant les aspirations révolutionnaires autant que les déceptions collectives. Le corps pense/panse les frustrations, même les plus politiques. Pourtant, dans la piscine vide de Nawaat où se déroule la performance, les jeunes Tunisiens ne plongent pas dans le désespoir. Ils s’évadent en cœur/chœur. L’optimisme grinçant était dans le titre…

L’optimisme, c’est aussi ce qui permet à divers·es artistes de trouver un espace-temps d’expression grâce au Festival, à l’heure où le budget du ministère tunisien des affaires culturelles est amenuisé, et où le contexte régional impacte la vie artistique de la cité. Dans son court-métrage expérimental Memories of concrete, Yasser Jridi filme au marché central les tâches itératives, les contradictions du quotidien, les vaines promesses de démocratie. Il est ici encore question de corps en mouvement, animés par des dialogues saccadés et des images surréalistes.

Mais le festival ne pouvait faire l’impasse sur la tragédie en cours dans la bande de Gaza. Le collectif Journées du cinéma de la résistance est ainsi mis à l’honneur. Créé à la suite de l’annulation des Journées cinématographiques de Carthage, ce collectif est coutumier des projections sauvages en extérieur. Les dernières en date se sont d’ailleurs tenues en solidarité avec la Palestine sur le mur de l’Institut français de Tunis, aujourd’hui couvert de tags propalestiniens, anti-colonisation et anti-Macron. À l’occasion du festival, le collectif était invité à présenter des films au sous-sol du bâtiment.

Au programme, un entretien filmé avec l’écrivain et militant du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) Ghassan Kanafani remet la quête de justice au centre de la question israélo-palestinienne. Il réfute le terme de « conflit », lui préférant à juste titre celui de « mouvement de libération nationale pour des droits ». Le réalisateur Hani Jawharieh, un des fondateurs de la Palestine Film Unit (mort en 1976 en filmant la résistance) est aussi mis en avant. Scènes d’occupation à Gaza de Moustafa Abou Ali nous apprend que, déjà en 1973, les Gazaouis sont les plus craints par l’armée israélienne, et que, depuis l’occupation de la bande en 1967, plus de 10 000 personnes ont été faites prisonnières, certaines avec des peines de prison de 300 ans. En plus des humiliations quotidiennes clairement recensées, les projets d’évacuation vers le Sinaï et la Cisjordanie étaient déjà évoqués. Enfin, Les Femmes palestiniennes de Jocelyne Saab (1973) permet de saisir la ferveur des combattantes fedayin (ou fida’iyat en l’occurrence). Dans une séquence du documentaire tourné il y a un demi-siècle, l’une d’elles déclare que ce sont aussi « les États-Unis et la France qui nous font la guerre ». L’émancipation des femmes de l’occupation, mais aussi du patriarcat, se fera-t-elle par la lutte armée ?

Cette résistance des mémoires ne laisse pas de côté les Amazighs. Dans son film de réalité virtuelle Les Amazighs, Mémoires perdues (produit par Nawaat), Mohamed Arbi Soualhia cherche à préserver une mémoire collective amazighe. Entre les villages de Zraoua et de Tamezret, il archive l’architecture faite de tunnels troglodytes ainsi que la langue vernaculaire, face à l’exode des populations pour des raisons autant politiques que climatiques.

LA QUESTION DES FÉMINICIDES

Le débat du festival tourne lui aussi autour de la condition des femmes, entre violences et résistances. Il est ouvert par le rappel du féminicide de masse à Gaza, qui a fait plus de 6 500 tuées depuis le déclenchement de l’offensive, sans détailler les conditions sanitaires déplorables qui ont empêché 50 000 femmes d’accoucher dignement.

Nabila Hamza, membre du bureau exécutif de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) insiste sur la multiplication par quatre, depuis 2022, des violences faites aux femmes, avec 27 victimes assassinées. Alors qu’il n’existe pas d’équivalent précis du terme « féminicide » en arabe, l’ATFD a réalisé une cartographie intitulée La Tunisie des femmes tuées. L’association a lancé un tribunal fictif à des fins de recensement, mais aussi « pour honorer la mémoire de ces femmes et raconter leur histoire ».


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Les formes de violence contre les femmes sont, comme partout ailleurs, diverses. Elles sont principalement le fait de proches, en particulier maris ou ex-conjoints, et vont jusqu’au domaine cyber. Le phénomène est avant tout politique et social, et concerne l’intégralité de la société. Car, comme le rappelle la sociologue, l’assassinat résulte d’un « continuum de violences » non entendues, ni par les proches ni par les autorités.

Pourtant, comme le martèle Sondés Garbouj, psychologue spécialisée dans les violences basées sur le genre, la loi de 2017 relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes existe bel et bien. Salué par les organisations internationales, ce corpus juridique n’est toujours pas effectif du fait d’un manque de moyens et d’appropriation, tant par les citoyens que par les fonctionnaires. Mais si cette loi se veut dans la lignée du féminisme d’État de l’ancien président Habib Bourguiba, elle ne s’attaque pas à des problèmes sociaux de fond tels que les inégalités économiques, à commencer par les inégalités dans la succession.

UN TÉMOIGNAGE POIGNANT

Pour la journaliste Rim Saoudi, « si la société est malade, c’est aussi à cause du traitement médiatique du sujet », au mieux cantonné à la rubrique faits divers, et qui n’a jamais constitué une priorité. Une tendance aggravée par la banalisation de termes virilistes inappropriés tels que « crimes d’honneur » ou « crimes passionnels », des expressions vides de sens qui ne reflètent en rien le caractère possessionnel de l’acte.

Enfin, après les propos racistes et xénophobes du président Kaïs Saïed qui ont déclenché début 2023 une vague de violences contre les migrant·es noir·es en Tunisie, les femmes noires immigrées ont été une fois encore les plus touchées. Le témoignage d’Edwige, venue du Cameroun, constitue le moment le plus poignant de ce débat. Violée plusieurs fois pendant le trajet, y compris par des gardes-frontières algériens et tunisiens, elle est aujourd’hui économiquement exploitée à Tunis et subit un racisme quotidien. Dans le même temps, les agressions sexuelles se poursuivent, surtout de la part de chauffeurs de taxi.

Le mouvement présent dans ce festival est enfin celui des corps dansants sur les sonorités éclectiques de l’artiste tunisien Don Pac, qui serpente avec son premier album Fashion WeAk entre archives classiques et morceaux blues, afro, hip-hop et reggae. C’est toutefois Widad Mjama qui aura le plus électrisé l’atmosphère sous une pluie battante. Inspirée par les cris des cheikhats de la région d’Abda à l’ouest du Maroc et de leur poésie rebelle chantée depuis le XIIe siècle, la pionnière du rap marocain féminin présente sa nouvelle création Aita mon amour en duo avec le compositeur tunisien Khalil Hentati (EPI), tant pour agiter les corps que pour marquer les âmes, et combattre à voix nue les préjugés de genre.

Ce combat de Nawaat pour maintenir un espace de liberté et d’expression aura tenu ses promesses, porté par une équipe de journalistes engagé·es et solidaires. Gageons que cette culture de la résistance se poursuivra jusqu’à l’été pour une nouvelle édition du Festival qui structure décidément l’espace militant et artistique de la jeunesse tunisoise.

Le réseau des Médias indépendants sur le monde arabe a relancé fin 2023 ses activités avec une rencontre des rédacteurs et rédactrices en chef à Paris et leur participation à un atelier sur la liberté d’expression en Afrique du Nord. Un dossier de publications, de la part de chacun des médias du réseau, sur la santé mentale dans la région, est prévu pour le printemps prochain.

 

 

LÉONARD SOMPAIRAC > 16 JANVIER 2024

https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/tunis-au-nawaat-festival-la-resistance-comme-mot-d-ordre,7001

 

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Rédigé le 18/01/2024 à 11:07 dans Tunisie | Lien permanent | Commentaires (0)

« Star Wars ». La galaxie occidentale et les Bédouins de Tataouine

 

Star Wars – La guerre des étoiles — figure parmi les œuvres de science-fiction les plus célèbres et les plus populaires. À ce titre, elle nous dit quelque chose de la société qui l’a conçue et de celles qui la consomment, miroir des craintes collectives et des fantasmes persistants d’un Occident suggéré, dans un univers où tous les héros sont blancs et les « indigènes » forcément soumis ou tyranniques. « Succès planétaire » ? Peut-être pas tant que ça…

 

image from orientxxi.infoQuelque part sur la planète Tataouine...

 

Dans le documentaire de Mayte Carrasco et Marcel Mettelsiefen, Afghanistan, pays meurtri par la guerre (2019), lorsque Milton Bearden, officier de la CIA, et le général Stanley McChrystal, commandant du Joint Special Operations Command de l’OTAN (mai 2003-juin 2008) cherchent une image pour dépeindre, le premier, Peshawar pendant l’occupation soviétique1 et le second, l’Afghanistan après 20012, ils font tous deux référence au célèbre bar de Star Wars. La scène est devenue tellement culte qu’elle a forgé l’imaginaire de la génération de ces deux hauts fonctionnaires de la sécurité américaine. Cet élément pourrait-il expliquer la fulgurante réussite de ce film sorti en 1977, quatre ans après le choc pétrolier et deux ans avant l’invasion soviétique et la révolution islamique iranienne ?

Les réalisateurs des épisodes de Star Wars qui ont suivi — ou plutôt leurs commanditaires de la Walt Disney Company — visent la production de films destinés à un public mondial, mondialisé et post-occidentalisé… mais à partir d’un imaginaire cinématographique exclusivement occidental. Prisonniers de leurs systèmes de représentation, ils créent des personnages secondaires non blancs et tentent de les mettre en couple, avant d’y renoncer en catastrophe, tout en préservant leurs héros blancs de tout métissage avec les « minorités ».

Mais il ne s’agit pas de s’offusquer ici de l’improbable alliance d’un cinéma prémâché, de la mort du scénario, du « politiquement correct » occidental et de l’offensive commerciale mondialisée. Il est question du « vrai » Star Wars : l’original façonné artisanalement par Georges Lucas il y a plus de quarante ans. Contrairement aux complexes, mais indigestes recettes de productions contemporaines, il a connu un succès phénoménal parce qu’il avait été écrit naïvement. Ce qui devint par la suite l’Épisode IV de la double trilogie charriait toute la fantaisie poétique de jeunes Occidentaux bercés par un siècle de récits coloniaux.

 

DES ÊTRES ENTURBANNÉS QUI POUSSENT DES CRIS

Certes, ces batailles colorées et ces navires spatiaux improbables épousent les fantasmes du public. Mais les scènes de la planète Tatooine, en grande partie tournées en Tunisie autour de la ville de Tataouine — d’où le nom — sont vraiment emboîtées dans des visions occidentales héritées d’un certain exotisme contrôlé, d’une aventure coloniale perdue, comme la protéine d’un virus pénètre le récepteur d’une cellule. Cet astre est en effet un désert peuplé de tribus variées, au nombre desquelles les Tusken, une bande d’êtres enturbannés qui tirent sur tout ce qui passe à leur portée, avec des pétoires sans âge à la crosse mauresque.

Ces bandits du désert ressemblent à des hommes : ils en ont la stature et la silhouette. Cependant, ils n’ont pas de visage et ils poussent des cris : ils n’ont même pas de langage. Cette peuplade s’ancre significativement dans l’imaginaire lié aux « Berabers » dans Tintin-Le Crabe aux Pinces d’Or (1941, p. 38) ou aux insurgés anguleux, barbus et armés de poignards de Laurel et Hardy-Beau Hunks (Les deux légionnaires) (1931).

 

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Famille de Tusken
 

Pour l’épisode II (L’Attaque des clones,) sorti en 2002, soit une génération après, George Lucas a enfoncé le clou de cette figure de Bédouins insoumis en les logeant sous des tentes exotiques qui rappellent celles des nomades Beja du Soudan oriental. Un portrait qui s’accorde bien à celui qu’il brosse des misérables esclavagistes de la traite des blanches qui avait asservi la mère du pauvre Skywalker. Les autres ethnies d’aliens sont généralement un peu plus évoluées : certaines font du commerce de machines, d’autres se vendent au plus offrant, et elles ont le plus souvent un idiome qui est sous-titré.

 

LE HÉROS BLANC AU MILIEU DES SAUVAGES

Les seuls véritables personnages de l’histoire, héros et antagonistes, sont des humains. Et les humains sont tous blancs. Irvin Kershner, le réalisateur de l’épisode V L’Empire contre-attaque (1980) avait d’ailleurs tenté de gommer cette image en dotant Han Solo d’un ami noir : Lando Calrissian.

C’est en cela que réside peut-être la véritable clef de ce succès planétaire. Les membres de la famille de Luke Skywalker sont en fait des fermiers, colons installés dans un pays du bout du monde qu’ils tentent d’exploiter au mieux, entourés de tribus indigènes hostiles. Le centre urbain de la planète Tatooine et son fameux bar rappellent bien sûr les codes du saloon de western. Mais Han Solo y figure une sorte de trafiquant européen en Afrique qui rappelle Arthur Rimbaud dans sa période yéménite. Il est toujours escorté de son ami indigène et second, Chewbacca, presque inutile et désespérément fidèl

 

 

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Han Solo, Lando Calrissian et Chewbacca
 

Han constitue l’archétype de l’aventurier occidental : il traverse les contrées hors de l’œkoumène (espace habité de la surface terrestre), inhabitées, et en comprend bien des dialectes aliens. Il navigue avec aisance au milieu des sauvages et des aborigènes de tous acabits. Le bar est lui-même le lieu du fantasme absolu, celui du mélange anarchique, anti-civilisé, de toutes les races. Seuls un baroudeur, un affranchi comme Han Solo ou un chevalier Jedi comme Kenobi pouvaient y mettre les pieds sans être immédiatement submergés par les barbares. Dans le documentaire Afghanistan, pays meurtri par la guerre cité plus haut, le général américain Stanley McChrystal fait le lien, tant il perçoit les GI débarquant dans ce « foutoir » (« disorganized mess ») qu’est l’Afghanistan « comme des étudiants dans un bar de Star Wars » totalement dépassés par les indigènes.

La langue de communication de toute la galaxie est l’anglais, qui est le seul langage des humains, c’est-à-dire des blancs. Et si, parfois, les héros humains doivent parler aux aliens dans leur dialecte, le plus souvent, lorsqu’ils sont évolués, ils parlent un anglais à l’accent prononcé.

 

La galaxie tout entière constitue un espace où chaque planète ou presque a sa population autochtone (semi-)intelligente. Pourtant, les humains y sont partout chez eux. Cette galaxie, c’est le monde colonial, peuplé de tribus toutes plus exotiques, arriérées, dangereuses ou touchantes les unes que les autres, toutes caricaturales, terrifiantes ou amusantes. Les humains sont les Occidentaux. Ils naviguent entre tous les systèmes stellaires, ils ont un cœur, des aventures, des peurs, des amours, en un mot, ils vivent, dans le décor coloré des mondes galactiques colonisés par leurs ancêtres.

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Ils sont surtout les seuls dépositaires des véritables enjeux politiques : l’empereur (Palpatine) est un blanc, Dark Vador est un blanc, Luke Skywalker et la princesse Leia (Organa) sont des blancs. Il semble que Richard Marquant, le réalisateur de l’épisode VI (Retour du Jedi) avait perçu ce problème. Il a tenté de corriger le tir en choisissant quelques antagonistes et personnages non humains, comme un vague général, un Fayçal parmi les Britanniques de Luke d’Arabie.

 

RÉVÉLATEUR DES FANTASMES OCCIDENTAUX

Jusqu’à aujourd’hui, les Occidentaux et, conséquence bien plus perverse encore, nombre des descendants de colonisés, semblent avoir intégré l’idée étriquée que seuls les impérialistes blancs peuvent mener des stratégies de conquête. C’est l’une des sources des logiques conspirationnistes qui imputent à la CIA ou au Mossad tous les évènements politiques et géopolitiques qui se déroulent en particulier au Proche-Orient.

C’est aussi l’origine du « campisme »3 simplificateur qui dénie à des despotes souverains leur perversion propre, ou refusent à leurs peuples le droit à l’insurrection. Fondamentalement, tous seraient rebelles à l’Occident, ou alors manipulés par des Occidentaux. Ainsi, dans Tintin au Congo, du boy Coco jusqu’au roi des Babaoro’m, les indigènes sont tous innocents, et lorsqu’ils sont brutaux ou dangereux, ils le sont par pure naïveté. Les seuls vrais méchants sont des Blancs : un passager clandestin et un groupe de gangsters américains (l’obsession d’Hergé qui n’avait envoyé son compagnon de papier en Afrique que pour satisfaire son employeur). Le seul noir un peu vil, le sorcier, est surtout jaloux et, en définitive, comme le seront les deux ethnies congolaises poussées à la guerre par les gangsters, il a lui aussi été manipulé par les « méchants blancs ». Dans Star Wars, Chewbacca, le premier « ami noir » de Han Solo avant Lando Calrissian est l’équivalent de Coco, et Jabba le Hutt incarne le roi indigène.

 

image from orientxxi.info

Jabba le Hutt
 

Lucas ne s’était pas préoccupé des guerres indigènes ; même en arrière-plan, cela aurait ajouté de la complexité post-coloniale à un roman de croisade aux aspérités maîtrisées. En revanche, les épisodes I à III de la décennie 2000 ont fait une place plus importante à un scénario des « races » aliens rebelles à une « République » dirigée par des humains, parce que manipulés par d’autres mauvais humains.

Ces films agissent comme autant de révélateurs des fantasmes occidentaux, de leur représentation du monde et de la place des non-blancs dans leur imaginaire. Celui-ci est façonné par les aventures pourtant déjà anciennes des héros de Jules Verne, qui surplombaient en ballon les guerres « barbares » d’Afrique centrale (Cinq Semaines en Ballon) ou traversaient la Sibérie au nez et à la barbe des Tartares cruels et vindicatifs (Michel Strogoff). Les personnages de Luke Skywalker et Han Solo sont deux facettes de cette figure de héros colonial conquérant, curieux, aventurier et dominateur, tandis que Dark Vador et l’empereur Palpatine sont des Hitler, des Staline ou des George Bush et qu’on peine à s’identifier aux figures repoussantes de Chewbacca le guerrier wookie ou de l’alien Jabba le Hutt…

Est-ce pour cela que Star Wars ne fonctionnera sans doute jamais hors du monde occidental ?

 

 

https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/star-wars-la-galaxie-occidentale-et-les-bedouins-de-tatooine,4006

 

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Rédigé le 26/12/2023 à 14:08 dans Cinéma, Tunisie | Lien permanent | Commentaires (0)

Tunisie. À Zarzis, les familles des « disparus en mer » marchent contre l’oubli

 

Des familles tunisiennes de disparus en exil mais aussi d’autres venues d’Algérie, du Maroc et du Sénégal se sont retrouvées à Zarzis, dans le sud-est de la Tunisie, début septembre 2022. Soutenues par des militants européens et africains, elles cherchent à obtenir la vérité sur le sort de leurs proches, migrants disparus en mer.

  

 

https://orientxxi.info/local/cache-responsive/cache-1090/9155b72a1d9315038bb7effebdb303b3.jpg.webp?1698157216

Zarzis, 6 september 2022. Photo de « disparu en mer »
© Maël Galisson

Photos © Maël Galisson, 6 septembre 2022.

 

 

Devant la Maison des jeunes de Zarzis, en ce début de matinée du 6 septembre 2022, un cortège de plusieurs dizaines de manifestants se met en place. Sous un soleil de plomb, les premières banderoles sont déployées. Puis fuse un slogan : « Où sont nos enfants ? » Les manifestants sont en majorité des femmes, sœurs ou mères de disparus sur les routes de l’exil. La plupart portent une photo de leur proche dont elles n’ont plus de nouvelles depuis leur départ pour l’Europe, il y a parfois deux, cinq ou dix ans pour certaines. Elles viennent de Tunis, de Bizerte ou de Sfax, mais aussi d’Algérie, du Maroc ou encore du Sénégal. Épaulées par des militants actifs en Europe et sur le continent africain, ces femmes se sont réunies à Zarzis pendant plusieurs jours début septembre afin de commémorer leurs proches disparus et de demander des comptes aux États du nord et du sud de la Méditerranée.

 

Au premier rang du cortège, Samia Jabloun, chapeau de paille et pantalon à fleurs, porte un tee-shirt floqué du visage de son fils, Fedi, disparu en février 2021. Peu avant le départ du cortège, elle raconte qu’il est parti de Kelibia à bord d’un bateau de pêcheurs. L’embarcation et une partie de l’équipage sont rentrés au port plusieurs heures plus tard, mais Fedi n’est jamais revenu. « Un des pêcheurs m’a dit que, alors que le bateau s’approchait de l’île italienne de Pantelleria, Fedi et un autre homme auraient sauté à l’eau et nagé en direction du rivage », explique Samia.

 

 

Mais depuis ce jour, la professeure d’histoire-géographie n’a pas de nouvelles de son fils. « Je ne sais pas s’il est vivant, je ne sais pas s’il est mort », ajoute-t-elle dans un souffle. Elle raconte ensuite le parcours du combattant pour tenter d’obtenir des informations auprès des autorités tunisiennes, le temps passé à essayer de trouver des traces de vie de son fils, en frappant aux portes des ministères ou via les réseaux sociaux. En vain.

LE SILENCE DES AUTORITÉS

Au milieu du cortège, Rachida Ezzahdali, hijab rose tombant sur une robe mouchetée, tient fermement d’une main une banderole et de l’autre la photo de son père, dont elle n’a pas de nouvelles depuis deux ans. « Le 14 février 2020, mon père a pris un avion pour l’Algérie », se remémore la jeune étudiante de 22 ans, originaire d’Oujda, au Maroc. « On a échangé avec lui quelques jours plus tard, il était alors à Oran », ajoute-t-elle. Puis, plus rien, plus de nouvelles. « C’est une tragédie pour ma famille, dit Rachida, d’une voix calme. Je ne connaissais rien à la question des « harragas » »1, admet la jeune femme, « mais depuis que je me suis rapproché de l’association Aide aux migrants en situation vulnérable, je comprends que ça concerne des milliers de personnes au Maroc, en Algérie ou en Tunisie ». « C’est un vrai fléau », lâche-t-elle. Comme Samia en Tunisie, Rachida s’est heurtée au silence des autorités marocaines quand elle s’est mise à chercher des informations sur son père. « Malgré les protestations, malgré les manifestations, il n’y a aucune réponse de nos gouvernements », se lamente-t-elle.

Peu après le départ de la marche, les manifestants font une halte devant la mairie de Zarzis. Saliou Diouf, de l’organisation Alarm phone, un réseau qui vient en aide aux personnes migrantes en détresse en mer ou dans le désert, prend la parole : « Nous nous sommes réunis afin de tenir notre promesse : ne pas oublier toutes les personnes qui ont disparu aux frontières ». Latifa Ben Torkia, dont le frère Ramzi a disparu en 2011 et membre de l’Association des mères de migrants disparus, prend le relais et se lance dans un discours. Elle dénonce l’attitude des États tunisien et italien, ainsi que l’Union européenne (UE), qu’elle qualifie de « mafias », et déplore le traitement que la Tunisie réserve à ses propres enfants. Diori Traoré, de l’Association pour la défense des émigrés maliens, venue de Bamako pour cette rencontre, lance un appel aux autorités des rives nord et sud de la Méditerranée : « Arrêtez de tuer la jeunesse africaine ! Ouvrez les frontières ! »

VICTIMES DES POLITIQUES MIGRATOIRES EUROPÉENNES

Selon le Forum pour les droits économiques et sociaux (FTDES)2, au moins 507 personnes sont mortes ou portées disparues depuis début 2022 après avoir tenté de rallier l’Europe à partir des côtes tunisiennes. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a recensé quant à elle plus de 17 000 personnes décédées ou disparues en Méditerranée centrale depuis 2014, faisant de cette zone la route migratoire la plus meurtrière au monde. Comment expliquer ce constat dramatique ? Dans un rapport publié en juin 20203, le réseau Migreurop, qui rassemble des chercheurs et des activistes d’Europe et d’Afrique, considère que « la Tunisie est devenue ces dernières années une cible privilégiée pour les politiques d’externalisation des frontières de l’Union européenne en Méditerranée ».

 

 

Déploiement de l’agence Frontex, « garde-côtes nationaux de mieux en mieux équipés et entraînés » et « système d’expulsion sans cadre juridique », l’organisation considère que « tous les ingrédients seront bientôt réunis pour faire de la Tunisie la parfaite garde-frontière de l’Union européenne ». Et le rapport de Migreurop conclut que « ces corps qui s’amoncellent » sur les plages ou dans les cimetières de Tunisie, « ce sont les victimes des politiques migratoires de l’Union européenne ».

Une fois les prises de parole terminées, le cortège reprend son chemin et s’approche du littoral. La date du 6 septembre a été choisie en mémoire du naufrage survenu le 6 septembre 2012 au large de Lampedusa. Ce jour-là, une embarcation partie de Sfax avec plus de 130 personnes à son bord a chaviré à proximité de l’îlot italien de Lampione. Seules 56 personnes ont pu être secourues. Mohamed Ben Smida, dont le fils était à bord, s’en souvient « comme si c’était hier ». Après le naufrage, « les autorités tunisiennes nous ont dit : "Vos enfants sont disparus" », raconte-t-il. Il hoche la tête : « "Disparus", mais qu’est-ce que ça veut dire ? Je ne sais pas. Pour moi, c’est soit "mort", soit "vivant". Soit "noir", soit "blanc". C’est tout ». Mohamed évoque les nombreuses manifestations devant les ministères, les demandes répétées auprès des institutions pour faire la lumière sur la disparition de son enfant. Sans que rien ne se passe. « Les gouvernements se succèdent depuis la révolution, à chaque fois, ils disent qu’ils vont s’occuper de cette question des disparus, mais au final, ils ne font rien », constate-t-il, amer. Il parle aussi des faux indicateurs ou pseudo-journalistes qui l’ont abordé en lui promettant des informations sur son fils. « Puis la personne revient quelques jours plus tard pour te dire : "Ton fils est mort", alors qu’il n’en sait rien. Et là, tu pleures de nouveau ».

LA SOLIDARITÉ DES PÊCHEURS

Les manifestants s’arrêtent sur une plage. Ils déploient une banderole avec la liste des 48 647 personnes mortes aux frontières de l’Europe recensées par l’organisation néerlandaise United for Intercultural Action. La liste s’étale sur plus de 20 mètres sur cette plage de Zarzis, dont le littoral est le point de départ de nombreuses tentatives de passage vers l’Europe. Samia Jabloun se recueille un instant face à la mer puis lit un poème en l’honneur de son fils Fedi. Plusieurs membres de l’Association des pêcheurs de Zarzis sont présents. « En mer, c’est très fréquent qu’on croise des Zodiac avec des Africains, des Algériens, des Tunisiens, des mineurs, des femmes et des enfants, partis des côtes libyennes ou tunisiennes », témoigne Lassad Ghorab, pêcheur depuis 22 ans. « Dans ce cas-là, on ne se pose pas de questions, on arrête le boulot et on leur porte secours si nécessaire », tranche-t-il. Lassad s’emporte contre les passeurs libyens : « Ils font monter dans des Zodiac jusqu’à 150 personnes, ils ne laissent pas le choix aux migrants et les menacent avec des armes : "Soit tu montes, soit t’es mort ! " »

Un autre pêcheur, Chamseddine Bourrassine raconte comment, en mer, les trafiquants libyens auraient menacé des pêcheurs de Zarzis : « Plusieurs fois, des miliciens nous ont pris pour cible et ils ont tiré dans notre direction ». « On a même eu des cas de pêcheurs pris en otage ! » s’indigne celui qui, en 2018, avait été placé en détention en Italie, accusé d’être un passeur après avoir porté secours et remorqué une embarcation en détresse. Criminalisés par les autorités italiennes d’un côté, pris pour cible par les trafiquants libyens de l’autre, les pêcheurs de Zarzis n’ont pourtant pas l’intention de renoncer à agir et porter secours : « On est face à des êtres humains, on est obligé de faire quelque chose », affirme avec conviction Lassad Ghorab.

Après cet arrêt sur la plage, le cortège repart en direction du port de Zarzis, dernière étape de cette « Commémor’action », à la fois marche en hommage aux morts et disparus aux frontières et moment de dénonciation des politiques migratoires. Les pêcheurs de Zarzis ont obtenu l’accord des garde-côtes pour que les manifestants puissent embarquer sur deux de leurs navires pour une sortie en mer. Mais, alors que les marcheurs se pressent pour accrocher leurs banderoles sur les flancs des bateaux, les garde-côtes changent d’avis. Prétextant des raisons de sécurité, ils refusent que les deux bateaux sortent du port en même temps. Les arguments des pêcheurs et des activistes n’y changeront rien. Et les roses, que les proches de disparus espéraient pouvoir disperser en pleine mer, seront finalement jetées dans le port de Zarzis, les bateaux étant restés à quai.

 

 

UN REPRÉSENTANT DU HCR CIBLE LES MÈRES DE DISPARUS

En réaction à la publication d’une photo de la marche, Vincent Cochetel, l’envoyé spécial du Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) pour la situation en Méditerranée centrale et occidentale, poste le tweet suivant :

Nous pleurons leur perte. Mais ces mêmes mères n’ont eu aucun problème à encourager ou à financer leurs enfants pour qu’ils se lancent dans ces voyages périlleux. Comme au Sénégal, poursuivre symboliquement les parents pour avoir mis en danger leurs enfants pourrait entraîner de sérieux changements d’attitude envers ces voyages mortels.

Très critiquée sur le réseau social, la sortie du représentant du HCR, qui a toutefois tenté de s’excuser dans un second tweet, est également dénoncée par l’Association des mères de migrants disparus, jugeant « honteuse » la déclaration de Vincent Cochetel. Sœurs et mères condamnent à la fois « la politique des pays du Sud, en particulier la Tunisie, qui a détruit nos enfants et ne leur a pas fourni la vie qu’ils méritent » et « la politique de l’Union européenne, qui nous a imposé des visas et a resserré les frontières au visage de nos enfants, alors que ses citoyens se rendent dans nos pays sans problème ou sans files d’attente pour prendre des visas ».

« Comment un responsable d’une institution internationale peut-il s’exprimer ainsi ? » réagit Majdi Karbai, député des Tunisiens d’Italie au dernier parlement élu, qui suit de près la question des politiques migratoires entre l’Italie et la Tunisie. Le parlementaire constate que, chaque année, « des centaines de jeunes Italiens quittent leur pays pour aller trouver d’autres opportunités en Belgique, en Allemagne ou au Luxembourg ; eux peuvent voyager tranquillement ». En revanche, ajoute-t-il, « une partie de la jeunesse des États voisins de l’Europe est condamnée à rester dans son pays ». Majdi Karbai déplore que « les familles de disparus se heurtent, dans leurs recherches, à une absence totale de réponse des autorités tunisiennes ». Selon lui, si les autorités italiennes semblent disposées à s’engager dans un processus de recherche, « il n’existe aucune volonté de l’État tunisien de s’impliquer dans la mise en place d’une commission d’enquête sur les migrants disparus ».

Au port de Zarzis, Samia Jabloun, aidée par quelques marcheurs, plie une banderole. Sur celle-ci figure un portrait de son fils disparu, Fedi, accompagnée d’un message inscrit en anglais : « A family never forgets their warriors » (« Une famille n’oublie jamais ses combattants »). Si les autorités des pays de la rive sud de la Méditerranée ont fait le choix du silence et de l’oubli, la mémoire des disparus continue malgré tout de perdurer via la lutte de leurs familles et soutiens.

 

MAËL GALISSON > 13 OCTOBRE 2022

https://orientxxi.info/fr/auteur1166.html

 

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Rédigé le 22/12/2023 à 10:42 dans Immigration, Tunisie | Lien permanent | Commentaires (0)

Tunisie : le clan Ben Ali, une vie au secret - Documentaire Monde - PL

 

 

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Rédigé le 13/12/2023 à 21:11 dans Tunisie | Lien permanent | Commentaires (0)

Italie : Meloni, pas assez facho pour Le Pen, mais pas trop pour les centristes

 

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Bientôt un an que l’Italie est gouvernée par l’extrême droite et sa principale promesse – mettre un frein au « flux migratoire » – se heurte chaque jour un peu plus à la réalité.

Le 14 septembre, Lampedusa voyait 6000 personnes débarquer en une seule journée – la capacité d’accueil de l’île est de l’ordre de 400 places. En une semaine, ils seront plus de 11 000 à accoster sur ce sol italien. Un « record absolu », écrit Mediapart. Impossible pour Giorgia Meloni, présidente du Conseil des ministres italien depuis le 22 octobre 2022, de gérer seule la situation, alors elle en appelle… à l’Europe. D’autant plus que l’Allemagne a mis en suspens tout accueil de personnes en provenance d’Italie. Pour faire face, la cheffe de l’exécutif italien s’est carrément affichée aux côtés de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen à Lampedusa. Un affront antifasciste !

En parallèle, dimanche 17 septembre, c’est un autre duo qui parade : Marine Le Pen et Matteo Salvini. Désormais vice-président du Conseil, en charge des Transports, le numéro 1 de la Ligue du Nord joue sur les deux tableaux. D’un côté, il est partie prenante du gouvernement de Meloni – cela dit, il a toujours tenu une ligne beaucoup plus ferme sur cette question que Meloni –, de l’autre, il se targue d’avoir été en 2018-2019 un ministre de l’Intérieur qui ne laissait rien passer. Et il le redit, lui, promis juré, n’accueillerait « pas un seul migrant ».

Sur un an, le « blocus » promis par Meloni affiche un bilan calamiteux (de son point de vue) : plus de 127 000 personnes sont arrivées sur le sol italien, le double par rapport à l’année précédente1. Face à cette déconfiture de la mise en pratique de promesses fascisantes, l’extrême droite française commence donc à prendre ses distances avec son homologue italienne. Plaçant ses pions pour l’horizon 2027, Marine Le Pen ne s’incommode pas de cette mise en concurrence de ses amis transalpins. En meeting dans le Gard la veille, elle a assuré qu’« il est vain d’en appeler à l’Union européenne pour résoudre la crise migratoire comme un enfant appelle maman quand il a un problème ». Prends ça Giorgia !

Car Meloni doit désormais jouer les équilibristes, elle qui est à la tête d’une coalition qui va de la droite à l’extrême droite. Un modèle dont rêvent Le Pen et Salvini à l’échelon européen mais pour lequel la droite européenne « traditionnelle » s’oppose encore assez fermement.

Et c’est tout bonnement la Macronie qui s’entiche de celle qui se veut dans la ligne héritière de Mussolini. « Quand la Première ministre italienne appelle l’Europe à l’aide sur les migrants, il faut répondre », glisse un marcheur influent au journaliste Nils Wilcke.

Prenant à rebours la réaction allemande, Emmanuel Macron se fait le champion de l’Europe en rappelant chaque pays à son « devoir de solidarité ». Là aussi, on manie habilement l’art de la contradiction sans sourciller. Car le 18 septembre, Gérald Darmanin donnait un autre son de cloche sur Europe 1/CNews : « La France ne s’apprête pas à accueillir » une partie des migrants de Lampedusa. Pour rappel, le ministre de l’Intérieur, déjà pas peu fier de trouver Marine Le Pen « trop molle », avait également jugé Meloni « incapable de régler les problèmes migratoires », parce que trop permissive.

 

 

Dans cette surenchère à qui sera le plus extrême dans le non-accueil de son prochain, la lutte est acharnée. Une histoire dont ils laisseront tous leurs noms : l’histoire du plus grand cimetière à ciel ouvert au monde.

  1. Selon le ministère de l’Intérieur italien, 42 750 migrants sont arrivés entre le 1er janvier et le 15 septembre 2021 ; 66 237 pour la même période de 2022 ; 127 207 pour ce qui concerne 2023. ↩︎ 

 

Migrants : la Méditerranée cimetière depuis 2010

 

image from ekladata.com

Image du chalutier de migrants avant son nauffrage

 le 14 juin 2023.

Le naufrage, mercredi 14 juin, d'une embarcation surchargée de migrants au sud-ouest de la Grèce, qui pourrait avoir fait des centaines de victimes, s'inscrit dans une très longue liste de tragédies similaires en Méditerranée ces dernières années.

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) recense depuis le début de l'année 1166 décès ou disparitions en mer de migrants en Méditerranée. Le bilan s'élève à 26 924 morts et disparus depuis 2014.

Voici les pires naufrages de migrants en Méditerranée depuis 2010 :

Jusqu'à 900 morts dans les eaux de Libye

En avril 2015, entre 800 et 900 migrants périssent au large des côtes libyennes lors du naufrage d'un chalutier de 25 mètres, percuté par un cargo portugais envoyé à son secours. Le bateau de pêche a coulé à pic sous les yeux de l'équipage qui n'a pu sauver que 28 personnes. 

Toujours dans les eaux libyennes : 

- En mai 2011, des réfugiés arrivés sur l'île italienne de Lampedusa affirment avoir assisté au naufrage d'un autre bateau de migrants dans les eaux libyennes. L'embarcation, qui transportait 600 personnes, est portée disparue.

- En avril 2015, près de 400 migrants meurent dans le naufrage d'une embarcation de fortune à environ 150 kilomètres au large des côtes libyennes. 

- En mai 2016, des dizaines de migrants sont portés disparus après le naufrage d'un bateau de pêche surchargé au large de la Libye. Les gardes-côtes italiens évoquent "350 personnes à la mer".

- En février 2015, plus de 300 migrants disparaissent en mer lorsque les bateaux pneumatiques dans lesquels ils avaient pris place chavirent au large de la Libye et 29 autres meurent de froid pendant leur sauvetage dans des conditions extrêmes par les garde-côtes italiens.

Avril 2016 : 500 noyés en Italie

Environ 500 personnes meurent en avril 2016 au large de l'Italie, dans le naufrage d'un grand bateau surchargé, selon des témoignages de rescapés. 41 personnes ont pu être sauvées après avoir dérivé durant trois jours dans un autre bateau.

Egalement dans les eaux italiennes, en octobre 2013, un bateau de pêche parti de Libye et transportant plus de 500 migrants prend feu et fait naufrage en pleine nuit, à 550 mètres des côtes de l'île sicilienne de Lampedusa. 366 personnes, dont beaucoup de femmes et d'enfants, se noient, pris au piège dans les cales, seules 155 personnes survivent.

Septembre 2014 : 500 disparus à Malte

Un bateau parti d'Egypte avec 500 personnes à bord, dont seulement dix survivent, coule au sud-est de Malte en septembre 2014, après avoir été embouti par les passeurs à bord d'une autre embarcation. Le drame survient après que les passagers ont refusé un transfert dans une petite embarcation pour se rendre en Italie.

Juin 2016 : 320 victimes en Grèce

Au moins 320 migrants sont morts ou disparus en juin 2016 dans le naufrage d'un bateau venant d'Afrique et transportant au moins 700 personnes, à 75 milles au sud de la Crète (Grèce). Cinq bateaux marchands qui participaient aux recherches recueillent toutefois 340 rescapés et neuf corps.

 

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Par micheldandelot1 dans Accueil le 19 Septembre 2023 à 17:33

http://www.micheldandelot1.com/italie-meloni-pas-assez-facho-pour-le-pen-mais-pas-trop-pour-les-centr-a214801685

 

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Rédigé le 19/09/2023 à 12:50 dans Immigration, Italie, Tunisie | Lien permanent | Commentaires (0)

Migrants en Tunisie : « On dirait qu’ils les poussent à partir » vers les côtes italiennes

 

Au moment où des milliers de personnes débarquent à Lampedusa, Tunis déplace des centaines de Subsahariens de la ville de Sfax vers les principaux points départ pour l’Italie.

 

image from img.lemde.fr

 

Le 10 août 2023 à Sfax, des migrants subsahariens interceptés en mer par les forces de l’ordre tunisiennes.

Le 10 août 2023 à Sfax, des migrants subsahariens interceptés en mer par les forces de l’ordre tunisiennes. FETHI BELAID / AFP

 

Au moment où les arrivées d’embarcations de migrants sur l’île de Lampedusa se multiplient depuis la Tunisie, Tunis intensifie ses opérations à l’encontre des ressortissants subsahariens encore présents à Sfax, la deuxième ville du pays. Photos à l’appui, le ministère de l’intérieur a annoncé, dimanche 17 septembre, avoir évacué le centre historique de la ville, où des centaines de migrants avaient trouvé refuge après avoir été expulsés de leur logement début juillet. Ceux-ci avaient alors fait, avec le soutien des forces de l’ordre, l’objet d’une chasse à l’homme. « Cette campagne de sécurité a été bien accueillie par les habitants de la région, en particulier après le rétablissement de l’ordre public et l’évacuation des places publiques », s’est félicité le ministère de l’intérieur dans un communiqué publié en fin de journée.

Plus tôt dans la semaine, ce dernier avait déjà prévenu les organisations venant en aide aux migrants et, selon un volontaire présent sur place ayant requis l’anonymat, empêché les bénévoles de leur porter assistance. Acheminées samedi et dimanche dans des bus de la société régionale de transport de Sfax, des centaines de personnes ont été ainsi déplacées vers les zones rurales à quelques dizaines de kilomètres de là, particulièrement dans les localités de Jebeniana et Al-Amra.

« Une réponse purement sécuritaire »

« Il n’y a pas eu de résistance car on leur a fait croire qu’ils allaient être pris en charge dans des camps, alors qu’ils ont été jetés au milieu des champs d’oliviers », décrypte Romdhane Ben Amor, porte-parole du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), une ONG locale. Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux montrent des habitants de ces localités protester contre l’arrivée de bus, escortés par des véhicules de la garde nationale, transportant les migrants délogés du centre de Sfax et déposés au milieu de la route en pleine campagne. « La réponse des autorités tunisiennes est purement sécuritaire et semblable à la politique européenne. On reproduit les mêmes erreurs », dénonce M. Ben Amor.

 

Après les journées d’extrême tension qui avaient suivi la mort d’un Tunisien le 3 juillet, tué dans une rixe avec des migrants subsahariens d’après la version officielle, des centaines de ressortissants d’Afrique subsaharienne avaient été expulsés de Sfax et conduits dans le désert aux frontières de l’Algérie et de la Libye. Abandonnés sans eau, ni nourriture sous une chaleur caniculaire, au moins 25 d’entre eux avaient péri, selon des sources humanitaires, tandis que des centaines d’autres avaient parcouru des dizaines de kilomètres à pied avant d’être secourus, placés dans des centres d’accueil plus ou moins officiels ou relâchés.

Cette fois, les migrants ont été déplacés vers des zones côtières, au nord de Sfax, connues pour être des points de départ privilégiés vers les côtes italiennes, particulièrement l’île de Lampedusa, située à moins de 150 km.  « Il y a des centaines de migrants qui étaient déjà ici à Al-Amra depuis ce qui s’est passé en juillet, ils y séjournent des jours, voire des semaines, avant d’embarquer, c’est l’une des principales zones de départ dans la région », témoigne Wahid Dahech, un militant présent sur place. « On dirait qu’ils les poussent à partir, alors qu’ils n’ont même pas les moyens de payer leur traversée. On les mène à la mort », fustige Romdhane Ben Amor.

« Propagande »

Depuis le 11 septembre, la petite île de Lampedusa, qui compte 7 000 habitants, a enregistré un nombre record d’arrivées d’embarcations de fortune en provenance de Tunisie. En moins de soixante-douze heures, elle a accueilli jusqu’à 6 800 personnes, majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne. Deux mois après la signature d’un mémorandum d’entente entre la Tunisie et l’Union européenne (UE) visant à accroître le contrôle des frontières au sud de la Méditerranée, les autorités tunisiennes semblent dépassées par un nombre croissant de départs à destination de l’Europe.

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En juillet, le porte-parole de la Garde nationale tunisienne avait indiqué au Monde que plus de 30 000 migrants avaient été interceptés dans les six premiers mois de l’année 2023, un nombre qui a plus que décuplé depuis 2019. « Il y a un épuisement du dispositif sécuritaire qui manque de moyens et travaille en continu depuis plusieurs mois », estime Romdhane Ben Amor, alors que l’UE s’était engagée, en des termes imprécis, à « fournir un appui financier additionnel adéquat notamment pour les acquisitions, la formation et le soutien technique nécessaires pour améliorer davantage la gestion des frontières tunisiennes », comme le stipule l’accord conclu entre les deux parties et qui tarde à être appliqué.

Selon plusieurs ONG en Tunisie, ces départs massifs ont été favorisés par une météo clémente et une chute du prix de la traversée proposée en moyenne à 1 500 dinars par personne (moins de 500 euros) contre près de 2 000 euros en moyenne en 2022. Une baisse qui s’explique par l’utilisation de barques en métal, moins chères à produire mais aussi plus fragiles. Ces départs s’expliquent également par les conditions de vie des migrants subsahariens « qui se sont largement détériorées depuis qu’ils ne peuvent plus ni se loger ni travailler. Certains d’entre eux pensaient organiser leur projet migratoire sur un temps long mais ont dû précipiter leur départ », explique le responsable du FTDES. Pour ce dernier, le discours officiel sur la lutte contre les réseaux de passeurs, tant de la part de la Tunisie que de l’UE, relève de la « propagande ».

 

 

Par Monia Ben Hamadi(Tunis, correspondance)

Publié hier à 20h00 

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/18/migrants-en-tunisie-on-dirait-qu-ils-les-poussent-a-partir-vers-les-cotes-italiennes_6189928_3212.html

 

 

 

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Rédigé le 19/09/2023 à 08:18 dans Immigration, Lejournal Depersonne, Tunisie | Lien permanent | Commentaires (0)

Indésirables Subsahariens en Tunisie

 

image from lmo-lmo-production-cdn.twipecloud.net

 

Le secrétaire général des Nations unies (ONU), M. Antonio Guterres a déclaré ce mardi être « profondément préoccupé par l’expulsion de migrants, réfugiés et demandeurs d’asile de Tunisie » et appelle Tunis à « [respecter] pleinement leurs droits humains, quels que soient leurs statuts, conformément au droit international ». Ces déclarations font suite à la recrudescence des violences envers les migrants subsahariens qui se trouvent en Tunisie, comme l’illustrent les affrontements violents entre civils et migrants début juillet à Sfax. Depuis ces évènements, au moins « 1 200 ressortissants subsahariens » (selon l’ONG Human Rights Watch) ont été arrêtés. Expulsés et reconduits à la frontière, ils sont un nombre croissant à être abandonné sans vivres et sans eau en zone désertique, à la frontière libyenne. Thierry Brésillon revenait dans notre livraison de février 2023 sur la progression du racisme envers les Subsahariens en Tunisie, dans un climat de peur instillé par un microparti complotiste d’extrême droite et dont les théories sont reprises jusqu’au sommet de l’État : « Dans le cadre d’une rhétorique fasciste au sens exact du terme, le Parti national tunisien entend démontrer que la Tunisie est soumise à ‘‘une colonisation subsaharienne’’ (…) et il accuse des organisations de défense des droits humains d’imposer au gouvernement des politiques favorables aux migrants. »

Flambée xénophobe sur fond d’autoritarisme

Indésirables Subsahariens en Tunisie

Le 17 avril, M. Rached Ghannouchi, chef du parti islamo-conservateur Ennahda, était arrêté à son domicile puis placé sous mandat de dépôt. Ce nouveau tour de vis à l’égard des opposants au président Kaïs Saïed intervient alors que les flux migratoires clandestins augmentent entre la Tunisie et l’Italie. Nombre de candidats à l’exil sont originaires d’Afrique subsaharienne.

 
 
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Dans une atmosphère saturée de tensions entre Tunisiens et migrants subsahariens, quelques phrases de M. Kaïs Saïed ont suffi à mettre le feu aux poudres. À l’issue d’un conseil national de sécurité consacré aux « mesures urgentes » pour juguler la « présence d’un grand nombre de migrants illégaux originaires d’Afrique subsaharienne », un communiqué publié sur la page Facebook de la présidence le 21 février dernier a avalisé une version tunisienne de la théorie du « grand remplacement » : dans le cadre d’« un plan criminel préparé depuis le début de ce siècle », y lisait-on, « certaines parties [auraient] reçu de grandes sommes d’argent depuis 2011 pour l’établissement des immigrants irréguliers subsahariens en Tunisie » afin « de réduire la Tunisie à sa dimension africaine et de la dépouiller de son appartenance arabe et islamique ».

Alors que la police menait déjà depuis mi-février des opérations de contrôle des migrants, la garde nationale annonçait, le lendemain du communiqué présidentiel, « une campagne d’arrestations contre les Tunisiens qui hébergent ou emploient des migrants en situation irrégulière ». Les jours suivants, des centaines, voire des milliers, de Subsahariens ont été expulsés de leur logement par leur propriétaire, souvent en pleine nuit, sans préavis, sans pouvoir rien emporter ni a fortiori récupérer leur caution. Parfois avec le concours violent de voisins venus prêter main-forte, saccager les biens des locataires et les dépouiller de leurs économies. Dans certains cas, des groupes de citoyens « vigilants » ont secondé, voire devancé, des opérations de contrôle policier alors que les arrestations se multipliaient.

Pendant plusieurs semaines, des milliers d’autres Subsahariens sont restés cloîtrés chez eux, par peur des arrestations et des agressions, ne pouvant compter que sur la solidarité de groupes d’entraide tunisiens pour se ravitailler. Les ambassades de Côte d’Ivoire, de Guinée-Conakry, du Sénégal et du Mali ont affrété des avions pour rapatrier leurs ressortissants désireux de rentrer au pays. Manière aussi pour ces États de répondre à l’émotion suscitée dans leurs opinions par des propos que le président de la Commission de l’Union africaine Moussa Faki Mahamat a condamnés (1).

Le locataire du palais de Carthage a alors cru devoir rappeler que seuls les migrants en situation irrégulière étaient visés par ses déclarations, qu’ils sont les premières victimes de l’exploitation par les employeurs locaux et les passeurs, que la Tunisie ne saurait renier son appartenance africaine, que ses propos ont été délibérément mal interprétés pour lui nuire ; le ministre des affaires étrangères, M. Nabil Ammar, a, lui, donné des assurances aux ambassades des pays subsahariens et aux organisations internationales sur l’engagement de la Tunisie à respecter les droits humains. Mais les autorités persistent à dénoncer une campagne menée contre la Tunisie et se refusent à condamner explicitement les agressions à caractère raciste — tout juste ont-elles mis un numéro vert à disposition des victimes d’abus. Surtout, elles refusent de reconnaître le problème que pose la constitution de la migration en instrument d’un « plan criminel ».

Complotisme en haut lieu

Cette « théorie » n’est pas le produit de l’imagination de M. Saïed. Elle circule en Tunisie depuis plusieurs mois, articulée et popularisée par un microparti créé à l’initiative de deux personnes en 2018. Dans le cadre d’une rhétorique fasciste au sens exact du terme — haine de la démocratie, apologie de la violence contre les adversaires politiques et de la guerre comme moyen de mobiliser les énergies nationales… —, le Parti national tunisien entend démontrer que la Tunisie est soumise à une « colonisation subsaharienne » avec le soutien de financements européens destinés à maintenir les immigrés en Afrique, et il accuse des organisations de défense des droits humains d’imposer au gouvernement des politiques favorables aux migrants.

Grâce à une audience médiatique croissante, construite d’abord dans les réseaux sociaux, ce parti a imposé un débat public sur la présence de 700 000 Subsahariens dans le pays. Une aberration quand on sait que cette population aurait triplé en Tunisie de 2010 à 2021, passant de 7 000 à 21 000 individus selon l’Institut national de la statistique (le département des affaires économiques et sociales des Nations unies avance, lui, le chiffre de 57 000 personnes en 2019). Et des considérations de ce type ne se cantonnent pas aux discussions de café. M. Mabrouk Korchid, ministre des domaines de l’État de septembre 2017 à novembre 2018, lançait, le 2 janvier dernier, sur l’antenne d’une radio tunisienne : « On amène les Africains en Tunisie pour qu’ils se marient et changent la morphologie du peuple tunisien. » Dans un registre plus expert, l’universitaire tunisien Taoufik Bourgou, enseignant en science politique à l’université Lyon-III, estimait dans une tribune publiée le 15 février que « les arrivées massives incontrôlées prennent l’allure d’une submersion qui va en cinq ans, au maximum, inverser l’équilibre démographique de la Tunisie (…) eu égard aux chiffres d’arrivées et d’implantations, entre 1,2 million à 1,7 million en cinq ans (2)  ».

À l’appui de sa thèse, le Parti national tunisien renvoie à d’anciennes vidéos où des figures controversées de la mouvance dite afrocentrique affirment la nécessité d’extirper au Maghreb son arabité : « L’Afrique n’a toujours été que noire. [Les Maghrébins] n’ont qu’à retourner chez eux en Arabie saoudite. » Ou encore : « La Tunisie est noire, le Maroc est noir, la Libye est noire. Nous appelons notre peuple à la reconquête territoriale. » Ces discours, en réalité très marginaux, inspirés par une lecture discutable des écrits du grand penseur Cheikh Anta Diop, constituent le plus souvent une forme de réaction au racisme subi dans les pays du Maghreb (3). Les relations entre Arabes et Noirs y demeurent marquées par la mémoire de l’esclavage (quand bien même certaines populations berbères du Sud avaient aussi la peau noire (4) ). La perception des corps noirs comme une force brute à domestiquer, et donc à rabaisser, s’exprime encore dans les insultes couramment proférées : kahlouch (terme que l’on pourrait traduire par « noiraud », mais dont la portée péjorative est souvent comparable à celle du mot « négro » (5) ), oussif (« esclave »)… Sans compter les crachats et les jets de pierre. Les agressions, les viols, les meurtres restent trop souvent non élucidés quand il s’agit de Noirs. « La police m’a demandé comment j’osais venir porter plainte contre des Tunisiens dans leur propre pays et m’a renvoyée », nous a confié la victime d’un viol collectif début février. Une loi pénalisant le racisme a pourtant été votée en octobre 2018, mais il faudra davantage qu’un texte pour changer les mentalités.

C’est dans cette atmosphère que le chef de l’État a repris à son compte les éléments du Parti national tunisien (qui les lui avait transmis dans un rapport quelques semaines plus tôt). En s’en emparant, le président de la République donnait du crédit au fantasme afrocentrique ; surtout, il officialisait une relecture complotiste d’une mutation bien réelle de la réalité migratoire en Tunisie.

De pays d’émigration, cette dernière est devenue depuis les années 1990 un pays de transit pour les migrants subsahariens, en raison de sa proximité avec l’île italienne de Lampedusa, puis un pays d’immigration. Après la relocalisation à Tunis de la Banque africaine de développement (BAD) en 2003, consécutive à la crise politique en Côte d’Ivoire, « qui a constitué le point de départ d’une immigration africaine, principalement ivoirienne, par le biais de réseaux (6)  ». Puis à la suite du choix de la Tunisie du temps de l’ancien président Zine El-Abidine Ben Ali d’attirer dans les établissements privés en plein essor les étudiants issus des classes moyennes émergentes africaines. Plus récemment, la cruauté des conditions de détention sous le joug des milices libyennes (7) et les expulsions en plein désert pratiquées par l’Algérie ont détourné vers la Tunisie les routes de la migration clandestine en provenance d’Afrique de l’Ouest et du Sahel. Les migrants interceptés en mer sont désormais débarqués en Tunisie, même quand ils sont partis de Libye. En quelques années, certains quartiers de Tunis et de Sfax, ville industrieuse et favorablement située pour gagner Lampedusa, ont ainsi vu leur composition changer.

La grande majorité des Subsahariens se trouve dans une situation administrative irrégulière. Même les personnes éligibles à un titre de séjour ont toutes les peines à l’obtenir en raison des lenteurs bureaucratiques. Tous sont redevables de 20 dinars (environ 6 euros) de pénalités par semaine de retard à quitter le territoire. La dette ainsi accumulée, jusqu’à plusieurs milliers de dinars, fait pour eux de la Tunisie une prison à ciel ouvert. Ces migrants précarisés, contraints de gagner sur place de quoi financer soit leur retour, soit la poursuite de leur voyage vers l’Europe, sont devenus de plus en visibles dans les métiers de la construction, de la restauration, la domesticité, acceptant des salaires en moyenne 30 % inférieurs aux Tunisiens. Leurs conditions d’existence favorisent aussi l’exercice d’activités illégales (prostitution, trafic de drogue…) et, par voie de conséquence, la xénophobie.

La traversée de la Méditerranée demeure l’objectif principal de ces migrants. En 2022, ils représentaient la moitié des 38 000 personnes interceptées au large des côtes tunisiennes. Cette industrie de la harga est aux mains de réseaux bien rodés, implantés notamment à Sfax. Ils en contrôlent toutes les étapes — construction des bateaux, achat des moteurs, location des maisons, informations obtenues des forces de l’ordre pour éviter les interceptions — et réalisent un chiffre d’affaires qui se monterait aux alentours de 1 million d’euros par mois.

Climat de peur

Pour sa part, l’Europe a entrepris depuis la fin des années 1990 de confier la gestion de sa frontière sud aux pays du Maghreb. Plus présentable que la Libye, plus coopérative que l’Algérie, la Tunisie en transition démocratique depuis 2011, et signataire d’accords de partenariat avec l’Union européenne, représente une interlocutrice idéale. La coopération avec la politique migratoire européenne est devenue une condition de plus en explicite à l’obtention de l’aide économique. Tandis que le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) gèrent respectivement le tri des réfugiés et les retours « volontaires », les États membres et l’Italie en particulier allouent toujours plus de moyens à Tunis pour densifier un dispositif de contrôle maritime de mieux en mieux coordonné entre Européens et Tunisiens.

« Mais, pour les Italiens, ces dispositifs ne suffisent plus », estime M. Romdhane Ben Amor, du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES). Afin d’« assécher » le réservoir de candidats à l’exil, « Rome encourage les autorités tunisiennes à faire pression sur les migrants subsahariens, poursuit-il. Le plus simple est de créer un climat de peur pour inciter ceux qui sont là à partir et dissuader les autres de venir ». Le 18 janvier dernier, soit un mois avant le début de la campagne policière de contrôle des sans-papiers, M. Antonio Tajani, le ministre des affaires étrangères italien, et M. Matteo Piantedosi, son collègue de l’intérieur, étaient à Tunis pour évoquer la lutte contre la migration clandestine. La déclaration de la présidence du 21 février répondait ainsi autant aux attentes d’une opinion chauffée à blanc qu’à celles de l’Italie (et plus généralement de l’Union européenne).

Le gouvernement de Mme Giorgia Meloni s’est engagé à plaider la cause de la Tunisie, au seuil du défaut de paiement, devant les bailleurs de fonds. Une cause difficile : alors que le Fonds monétaire international (FMI) conditionne l’octroi d’un prêt de 1,9 milliard de dollars sur quatre ans à la mise en œuvre de mesures d’austérité, le président de la République a dénoncé le 6 avril dernier « les injonctions de l’étranger qui ne mènent qu’à davantage d’appauvrissement ».

De son côté, la diplomatie tunisienne s’emploie à gommer les effets de cette communication présidentielle abrupte auprès des États africains. Des dispositions ont été annoncées le 5 mars pour faciliter la régularisation des Subsahariens qui peuvent prétendre à un titre de séjour (en particulier les étudiants) et alléger l’obligation des pénalités de retard. Mais l’objectif demeure bien de repousser les candidats à la migration loin de la Tunisie.

Les rodomontades en tous genres de M. Saïed retardent la capacité des Tunisiens à traiter la question de la migration en sortant du dilemme approche sécuritaire (la migration, c’est dangereux) ou injonction morale (le racisme, c’est mal), pour formuler leur propre politique, concertée à l’échelle continentale et adaptée à la nouvelle réalité migratoire africaine, dans laquelle la Tunisie se trouve de fait insérée.

 

 

 

Thierry Brésillon

Journaliste.
 

https://www.monde-diplomatique.fr/2023/05/BRESILLON/65766

 
 
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Rédigé le 18/09/2023 à 16:05 dans Immigration, Tunisie | Lien permanent | Commentaires (0)

Le douloureux destin de soldats tunisiens d’Indochine et de leurs épouses vietnamiennes


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Aussitôt la Seconde Guerre mondiale terminée, la France fait de nouveau appel au 4e Régiment de tirailleurs tunisiens (4e RTT) pour rétablir sa souveraineté en Indochine. Le 4e RTT est donc reconstitué dès le 1er février 1949 et l’expédition des 2e et 3e bataillon au Cambodge puis au Sud-Vietnam dure jusqu’en 1955 (AFP)

 

Parce que Napoléon III a décidé, en 1858, de coloniser méthodiquement la péninsule Indochinoise, Mustapha Rezgui et Lê Thi Tam filent depuis plus de 50 ans le parfait amour dans leur modeste maison en bordure de forêt au sud de Tunis.

 

Lê Thi Ninh, elle, a appris à ne plus avoir peur des « méchants musulmans », tandis que Vu Thi Xe s’est plongée dans le dialecte tunisien et le Coran avec délectation.

De 1947 à 1954, 122 920 soldats venus du Maghreb, sous domination de la France, soit un quart des combattants mobilisés par la puissance coloniale, ont combattu en Indochine.

Les Marocains représentaient l’écrasante majorité. Le 4e Régiment de tirailleurs tunisiens (4e RTT) a envoyé deux bataillons dans la région de Phan Thiêt (au Sud Vietnam). Un certain nombre se sont mariés sur place et ont eu des enfants.

Parmi eux, Mustapha Rezgui, Salah Debiche, époux de Lê Thi Ninh, et Ali Darragi, marié à Vu Thi Xe.

 

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Des vétérans tunisiens ayant combattu avec l’armée française pendant la Seconde Guerre mondiale assistent à une cérémonie organisée par l’ambassade de France à Tunis pour marquer le 71e anniversaire du conflit, le 8 mai 2016 au cimetière militaire français de Gammarth, à Tunis (AFP/Fethi Belaïd)

Ces trois hommes étaient issus de familles paysannes pauvres, comme 79 % des soldats tunisiens. Aujourd’hui, les familles Rezgui et Debiche évoquent un enrôlement de force par l’armée française. Ali Darragi serait, lui, parti sur un coup de tête, après une déception amoureuse.

Pour l’historien Michel Bodin, auteur du livre Les Africains dans la guerre d’Indochine 1947-1954, l’armée française n’a pas eu besoin d’avoir recours à la force car « il y avait une immense possibilité de recrutement chez les hommes qui voulaient retrouver l’armée [après avoir combattu durant la Seconde Guerre mondiale], la gloire militaire, l’aventure et de l’argent régulier [6 500 francs de l’époque, soit l’équivalent en pouvoir d’achat de 400 euros], tout en fuyant la misère ou les obligations villageoises et familiales ».

Le spécialiste de la guerre indochinoise souligne aussi l’« avantage » politique de ce recours aux hommes des pays colonisés, celui « de ne pas donner à l’opinion l’idée qu’une guerre reprenait, coûteuse en hommes, en argent et en énergie alors qu’on amorçait juste la reconstruction », explique-t-il à MEE. « Autrement dit, on pourrait mener des opérations sans faire trop de vagues politiques dans une France dans laquelle s’élevaient déjà des voix hostiles à l’emploi de la force en Indochine. »

Abandonnés par l’armée française ?

Seul combattant encore en vie parmi les trois familles rencontrées, Mustapha Rezgui, alité et très malade, affirme avoir été abandonné par l’armée française à la fin de la guerre.

« Il a été blessé au dos et à la tête, en 53 ou en 54 », précise Néjib Rezgui, l’un de ses fils, à MEE. « Il a été soigné à Hanoï. C’est là qu’il a rencontré Lê Thi Tam, sa future femme, qui lui servait d’infirmière. »

Chez les Debiche, l’histoire familiale veut que le patriarche ait rencontré sa femme, Lê thi Ninh, dans un camp de prisonniers où elle officiait comme cuisinière. « C’était un camp isolé en montagne au nord du Vietnam », se remémore Henya Yenh Debiche, une des neuf enfants de la famille. « Il y avait d’autres prisonniers maghrébins. On leur a fait construire leur propre maison. Ils s’occupaient de moutons et de traire le lait. »

 

Nadia Hathroubi-Safsaf : « Il faut que l’histoire des tirailleurs sénégalais soit connue du plus grand nombre 

« L’armée française n’abandonne pas ses soldats ! », affirme Karim Cadi, chef du service des Anciens combattants et victimes de guerre au consulat de France à Tunis. 

Pour expliquer que ces deux soldats – le nombre total de ces « oubliés » est très difficile à chiffrer – n’aient pas été rapatriés par bateaux comme leur frère d’armes Ali Darragi et les autres, l’ancien militaire évoque les hypothèses de désertion pour rallier le camp Viêt Minh (front d’obédience communiste pour l’indépendance du Vietnam) ou de déclaration de mort erronée.

Contacté par MEE, le ministère français de la Défense n’a pas répondu aux demandes de consultation de l’état de service de ces combattants tunisiens.

Les enfants Debiche évoquent le récit d’un jour où, prisonnier, leur père a vu débarquer un Marocain à cheval exigeant de libérer tous les Arabes.

De nombreux Marocains, communistes convaincus, sont restés épauler Hô Chí Minh, ex-président du Vietnam (1945-1969), dans sa lutte contre la France, puis contre les États-Unis.

Quand sa fille, Fadila, insistait pour savoir « comment c’était là-bas », Ali Darragi répondait d’un « quand tu rentrais dans une ruelle, tu avais peur d’en ressortir sans tête », qui mettait fin à la discussion

Les combattants Viêt Minh lâchaient de nombreux tracts appelant les Nord-Africains à arrêter de combattre « [leurs] frères » vietnamiens.

Alors que les bataillons du 4e RTT étaient stationnés théoriquement au Vietnam du Sud, Mustapha Rezgui et Salah Debiche se sont pourtant retrouvés au nord, l’un pour y être soigné, l’autre pour s’y marier.

Les enfants des soldats tunisiens interrogés ne se souviennent pas d’un père particulièrement militant. Les trois anciens combattants préféraient taire ce qu’ils avaient vu et fait en Indochine.

Quand sa fille, Fadila, insistait pour savoir « comment c’était là-bas », Ali Darragi répondait d’un « quand tu rentrais dans une ruelle, tu avais peur d’en ressortir sans tête », qui mettait fin à la discussion.

Toujours vivante, nous accueillant en habit de satin dans son logement de la cité Ezzouhour 5, en banlieue ouest de Tunis, Lê thi Ninh se souvient plus volontiers des repas à base de mouton « qui pouvaient ressembler à ceux de l’Aïd » que de politique. La France a amnistié en 1966 tous les déserteurs et les partisans des Viêt Minh.

Retours difficiles en Tunisie

Ce n’est qu’au mitan des années 1960 que Mustapha Rezgui et Salah Debiche sont revenus en Tunisie grâce à un accord entre Habib Bourguiba et Hô Chí Minh.

Ils avaient quitté une Tunisie sous protectorat pour débarquer dans un pays indépendant.

Au Maroc, Hassan II, de crainte que ces soldats, qui s’étaient frottés aux Viêt Minh, ne fassent de la propagande communiste dans son royaume, leur a offert un terrain agricole pour les éloigner de la ville et les occuper.

Habib Bourguiba, après quelques aides à leur arrivée, les a abandonnés à leur sort. Le début d’une nouvelle épreuve.

 

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Mustapha Rezgui et Salah Debiche sont revenus en Tunisie grâce à un accord entre Habib Bourguiba et Hô Chí Minh, en photo (AFP

Salah Debiche est retourné en 1965 dans sa famille à Kairouan (nord-ouest) avec quatre enfants et sa femme, Lê Thi Ninh, 25 ans. Il pensait récupérer une partie de la terre de son père.

Mais ses frères l’ont accueilli froidement. Ils ont refusé de lui céder un lopin de terre, car les autorités françaises de tutelle leur avaient annoncé la mort de Salah. Le partage des terres était déjà acté. Le quadragénaire s’est alors trouvé une position de policier municipal à Tunis.

Sa femme, pétrie de stéréotypes caricaturaux sur les « méchants musulmans », est restée enfermée chez elle pendant les premières années.

« Un jour, mon père s’est mis en colère, car le repas n’était pas chaud. Il n’y avait plus de briquet pour allumer le feu et ma mère avait trop peur de sortir pour en acheter », raconte à MEE Henya Yenh, leur fille.

Les premières années, l’ambassade de la République du Vietnam a aidé les Debiche en leur apportant farine, lait et autres denrées de première nécessité pour survivre. Elle a dépêché des médecins quand Lê Thi Ninh s’est retrouvée alitée un an et demi après une très lourde chute.

Parachutée à Gafsa, au sud du pays, Fadila Darragi, née à Saigon, se souvient de journées à pleurer parce qu’on la traitait de « Chinoise » à l’école. « Je ne comprenais pas et quand je demandais à mon père, il me répondait seulement : ‘’Ce n’est rien’’. »

Salah Darragi s’était marié le 14 novembre 1955 à Saigon avec Vu Thi Xi, Sud-Vietnamienne d’alors à peine 19 ans.

Ce jour-là, deux amis soldats français de la métropole ont également épousé des Vietnamiennes, comme en attestent des photos conservées par Fadila Darragi.

« Mon père reçoit 630 euros de retraite par an versés en deux fois, alors qu’il a combattu pour la France à l’autre bout du monde ! »

- Néjib, fils de Lê Thi Tam et Mustapha Rezgui

Malgré le cessez-le-feu en 1954, les troupes françaises sont restées stationnées en Indochine jusqu’en avril 1956.

Originaire de la région rurale de Siliana, au nord-ouest de la Tunisie, Mustapha Rezgui a tenté sa chance dans la capitale à son retour.

Mais il n’a trouvé qu’un poste de garde-forestier en périphérie sud de la capitale. Au moins, le logement était inclus. Aujourd’hui encore, la bâtisse spartiate appartient à la famille après que l’un de ses fils (il a eu douze enfants) a pris la succession.

On peut y voir et surtout y sentir les plants de verveine et les bananiers plantés par sa femme, Lê Thi Tam. Le fils Néjib se fait un devoir de cuisiner du phô (soupe traditionnelle vietnamienne) et du poulet au caramel tout en ressassant son amertume : « Ma mère a perdu tout contact avec sa famille au Vietnam. Elle n’a jamais pu y retourner. »

Ce retour impossible n’est pas dû à un reniement familial. Le père de Lê Thi Tam aurait accepté assez facilement Mustapha Rezgui comme gendre, séduit par « sa gentillesse et sa force protectrice », selon le récit familial qui perdure. La perte de lien s’explique par un matérialisme des plus prosaïques. Issue d’une lignée de paysans pauvres, la famille Lê Thi Tam n’avait pas le téléphone. Au début de l’exil en Tunisie, la jeune mariée pouvait passer par le courrier diplomatique de l’ambassade, mais cette dernière a fermé ses portes dans les années 70. Les liens se sont donc mécaniquement distendus.

Néjib, qui a dû abandonner l’école à 15 ans pour aider sa famille, se désole également du sort réservé par la France à son père. « Il reçoit 630 euros de retraite par an versés en deux fois, alors qu’il a combattu pour la France à l’autre bout du monde ! », déplore-t-il auprès de MEE.

Karim Cadi précise qu’il ne s’agit pas d’une retraite en tant que telle, car Mustapha Rezgui n’est pas resté assez longtemps dans l’armée, mais plutôt d’une « récompense militaire versée deux fois par an à tous les anciens combattants quelle que soit la durée de leur service ».

« Ma mère est devenue une musulmane pratiquante »

Un neveu de Néjib aurait préféré que cette « récompense » prenne la forme d’une nationalité française. Il n’aurait ainsi pas à vivre dans un pays au bord du gouffre. « Mon grand-père aurait pu aussi rester au Vietnam. Je serais alors Vietnamien. Le pays est beaucoup plus développé qu’ici », rêve aussi tout haut le jeune homme qui baragouine quelques mots de vietnamien.

Le rapport à la langue vietnamienne est un bon indice de l’intégration des épouses. Les enfants Debiche le parlent très bien : leur mère, longtemps cloîtrée, ne s’est mise à l’arabe qu’après de nombreuses années.

Lê Thi Ninh a, par exemple, dû s’y reprendre à trois fois au moins pour réciter correctement la chahada (profession de foi islamique) à la mairie pour officialiser son mariage et obtenir ses papiers en Tunisie.

Le seul travail qu’elle a pu faire, c’est couturière à domicile. C’est en voyant faire sa mère que Henya Yenh est aussi devenue couturière, avec succès, puisqu’elle a confectionné des robes pour la famille de l’ancien président Béji Caïd Essebsi.

« Ce n’est qu’en faisant mes études en France, à Toulouse, que j’ai véritablement compris la richesse d’avoir une double culture. J’ai pu y sensibiliser mes enfants. Ma fille est fière de dire qu’elle est vietnamienne »

- Fadila Darragi, fille de Lê Thi Ninh et Ali Darragi

Fadila Darragi, elle, ne parle pas le vietnamien. « Ma mère, une fois en Tunisie, a tiré un trait sur son passé. Elle a parlé arabe à la maison. Elle est devenue une musulmane pratiquante. Ce n’est qu’en faisant mes études en France, à Toulouse, que j’ai véritablement compris la richesse d’avoir une double culture. J’ai pu y sensibiliser mes enfants. Ma fille est fière de dire qu’elle est vietnamienne », témoigne-t-elle à MEE.

Divorcée d’Ali Darragi en 1980, Vu Thi Xi, décédée depuis, n’a pourtant jamais envisagé de revenir au Vietnam.

« Je n’ai jamais su pourquoi », s’interroge encore aujourd’hui sa fille. Fadila, outre les quolibets de ses camarades sur son apparence physique, garde un souvenir douloureux de son enfance, comme les célébrations chaque année de la fête du Têt (Nouvel An) à l’ambassade : « Il y avait toutes ces photos de cadavres de martyrs. Pour une petite fille, c’était violent. »

Poussée dans les études par sa mère, Fadila Darragi, géologue de formation, est aujourd’hui vice-présidente de l’Université de Tunis El Manar. Elle espère bien visiter Saigon quand sonnera l’heure de la retraite.

 

 

 

Par Mathieu Galtier à TUNIS, Tunisie
Published date: Samedi 2 septembre 2023 - 08:47 | Last update: 4 days 13 hours ago

https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/histoire-tunisie-france-guerre-vietnam-indochine-familles-mariages-colonisation

 

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Rédigé le 06/09/2023 à 17:12 dans France, Tunisie, Vietnam | Lien permanent | Commentaires (0)

Malgré les persécutions, la Tunisie continue d’attirer les migrants

 

Après des expulsions forcées vers le désert et la répression des migrants en situation irrégulière, les départs de Sfax vers l’Europe continuent, ainsi que les arrivées dans le pays. À Zarzis, à proximité de la Libye, les associations sont débordées.

 

ZarzisZarzis (Tunisie).– Beaucoup tentent de dormir sous les auvents des boutiques fermées de Zarzis, dans le Sud tunisien, pour trouver un peu d’ombre. D’autres se sont regroupés en face, dans un chantier en bord de route. Le quotidien de ces migrants venus d’Afrique subsaharienne est fait d’attente, de prières et d’angoisse. La grande majorité sont soudanais, près d’une centaine vit dans cette maison inachevée, mise à disposition par un habitant, « l’oncle Ali » comme ils le surnomment.

Entre les briques rouges et les murs encore bruts de ciment, chacun tente de créer son coin. L’un fait la prière, un autre, fiévreux, reste étendu sur un matelas au sol en attendant des médicaments. À l’extérieur, certains répartissent l’eau et la nourriture ramenées par quelques habitant·es bénévoles. Les murs sont recouverts de linge qui sèche. Des fosses septiques artisanales ont été creusées dans le sol pour permettre un semblant d’hygiène, tandis que des marmites et des bouteilles de gaz installées entre les déchets de construction constituent la « cuisine ».

Nourredine Isaac Abdallah, 29 ans et originaire du Soudan, la casquette vissée sur la tête, est chargé d’une partie de l’intendance. « Nous avons une pièce où nous stockons les denrées que chacun nous donne et le soir, oncle Ali nous remet la clef pour que nous puissions répartir entre chacun. C’est lui qui garde la clef pour qu’il n’y ait pas de soucis entre nous », explique-t-il.

L’oncle Ali, qui ne veut pas donner son nom de famille de peur d’être dans le viseur des autorités, estime qu’il n’avait pas d’autre option que de les aider. « Ils sont arrivés par groupes. Au début, j’ai prévenu les autorités mais personne n’est venu les déloger et puis avec la chaleur, honnêtement, je n’avais pas le cœur à le faire. Donc nous avons arrêté les travaux dans le chantier et je les laisse vivre ici », admet-il, ajoutant que la situation peut difficilement durer.

« C’est très dangereux et précaire de vivre sur un chantier, je les aide comme je peux mais j’aimerais bien qu’on leur trouve une solution. Où est la dignité humaine dans ce genre de situation ? Où sont les droits humains dont on nous parle tout le temps ? », questionne l’homme qui donne une pièce de 5 dinars (1,49 euro) à Noureddine pour qu’il aille acheter du pain.

 

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Près d'une centaine de migrants soudanais se sont installés dans un chantier de Zarzis. Beaucoup ont passé deux à trois jours dans le désert tuniso-libyen et n'ont qu'un sac à dos ou quelques vêtements en leur possession. © Photo Lilia Blaise pour Mediapart

Cette situation n’est pas isolée à Zarzis. Certain·es migrant·es dorment dans des champs d’oliviers, d’autres dans des centres, parfois vétustes, appartenant à des ONG. « Nous avons beaucoup de cas de Subsahariens qui viennent dans nos locaux, car ils ne peuvent pas rester dans certains centres où ils sont trop nombreux », explique Abdulay Saïd, un Tchadien résidant en Tunisie qui a obtenu la nationalité. Il s’occupe d’une coalition de sept associations humanitaires dans la région de Médenine, qui accueille depuis plusieurs années des migrant·es pour les intégrer dans le tissu socio-économique.

Au mois de juillet, après la mort d’un Tunisien lors d’une altercation avec des migrants dans la ville de Sfax, à l’est du pays, une vague de violences racistes et d’expulsions forcées de leur domicile a touché de nombreuses personnes subsahariennes.

Beaucoup se sont retrouvées livrées à elles-mêmes et à la rue. D’autres ont été emmenées de force par les autorités tunisiennes dans les zones frontalières avec la Libye et l’Algérie et abandonnées dans le désert. Ces expulsions ont coûté la vie à 25 personnes, selon les chiffres du ministère de l’intérieur libyen, même si 600 migrant·es ont été secouru·es par le Croissant-Rouge tunisien après le scandale des images montrant plusieurs centaines de migrant·es abandonné·es dans le désert.

Séquelles psychologiques

« Dans notre local, nous avons eu de fait de nombreux mineurs mais aussi des femmes rescapées du désert qui n’ont pas pu rester dans les centres où on les avait placés et qui sont venus nous demander de l’aide », explique Abdulay Saïd, qui raconte que beaucoup souffrent de « séquelles et traumatismes » nécessitant une prise en charge psychologique. « Certaines femmes sont restées vingt jours dans le désert avec leurs bébés ; en revenant, elles n’arrivaient plus à allaiter. Des adolescents se sont retrouvés à vivre déshydratés, à côté des cadavres de ceux qui n’avaient pas survécu », explique-t-il.

Aujourd’hui, les autres survivant·es sont réparti·es dans des centres supervisés par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui ne donne pas d’accès aux journalistes pour « la sécurité des migrants », selon ses mots. L’OIM ne répond que par mail. 234 personnes secourues dans le désert ont été réparties entre les villes de Tataouine, Médenine et Zarzis, en collaboration avec les autorités régionales et le Croissant-Rouge. Des aides alimentaires, une assistance psychologique et médicale sont également fournies. Mais cette situation est plus que temporaire, comme le souligne Abdullay, « vu que les centres sont surchargés ».

 

 
 

 

 

 

Sans compter que certains centres sont des foyers universitaires qui vont de nouveau être remplis d’étudiant·es à la rentrée scolaire. Certain·es migrant·es récupéré·es à la frontière algérienne seraient également gardé·es, selon les témoignages, dans des lycées de Kebili et de Tamerza, surveillés par la garde nationale. D’autres vivent sous les palmiers dans l’oasis de Nefta, aidés par les habitants comme ceux de Zarzis. L’OIM dit « travailler à trouver des solutions ». L’une d’elles serait le retour volontaire de certains migrants dans leur pays, une procédure à laquelle ils peuvent postuler via l’organisme mais qui prend du temps. Près de 200 seraient candidats, selon les chiffres du Croissant-Rouge tunisien.

L’impossible demande d’asile

Malgré cette politique antimigratoire répressive, que les autorités tunisiennes ne reconnaissent toujours pas puisqu’elles nient avoir expulsé des migrant·es dans le désert et parlent même de « campagne de désinformation », les arrivées continuent et les départs vers l’Europe augmentent. À Zarzis, la majorité des Soudanais sont arrivés entre les mois de juillet et d’août, en passant par la frontière libyenne. Ils n’ont pas vécu le calvaire de ceux expulsés dans le désert mais tous ont marché trois à quatre jours sous un soleil de plomb, « toujours avec l’espoir qu’en Tunisie, ce sera mieux que là d’où on vient. C’est en partie vrai puisque beaucoup de Tunisiens ont été très généreux avec nous », déclare Noureddine Isaac Abdallah.

 

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Chaque jour, à Zarzis, des dizaines de migrants se regroupent devant l'antenne du Haut Commissariat pour les réfugiés. Ils attendent pour se faire enregistrer comme postulants à une demande d'asile ou à un statut de réfugié. © Photo Lilia Blaise pour Mediapart


Lors de son passage dans le désert en juillet, il a croisé certains de ceux qui avaient été expulsés au début du mois. « J’ai vu leur état, j’ai cru qu’ils n’arriveraient pas à finir le voyage avec nous. Certains avaient marché depuis cinq jours en venant du poste frontalier de Ras Jedir », l’un des postes frontaliers avec la Libye, ajoute Noureddine, qui a quitté son pays en 2021 pour venir en Libye, où il est resté pendant deux ans.

« Je m’étais fait enregistrer au Haut Commissariat des réfugiés (HCR) à Tripoli mais je n’ai jamais eu de retour et les conditions de vie en Libye sont devenues trop difficiles », explique-t-il. Il tente en vain depuis des jours de trouver une solution auprès de l’antenne de l’agence des Nations unies à Zarzis. « Nous avons dit plusieurs fois au HCR que nous n’avons pas où aller ni de quoi manger mais il n’y a pas de réponse. Pour moi, c’est à eux de nous trouver une solution. J’ai fui la guerre dans mon pays, donc je peux prétendre au statut de demandeur d’asile », explique Zakaria, 27 ans, qui accompagne Noureddine ce jour-là.

La Tunisie n’a pas de loi sur l’asile, et c’est le HCR qui gère les demandes et également le statut de réfugié. Mais les réinstallations dans des pays tiers se font au cas par cas et ne concernent que 1 % des demandes faites chaque année. Ces dernières années, le HCR assurait le logement de nombreux réfugiés et demandeurs d’asile en Tunisie mais, plus récemment, l’organisme a été dépassé par la demande.

À la date du 1er août, 10 500 réfugié·es et demandeurs et demandeuses d’asile sont enregistré·es auprès du HCR. Comme l’OIM, la communication du HCR n’accepte de répondre que par mail et confirme l’augmentation des arrivées de Soudanais dans le pays cet été. Sur les 860 personnes arrivées enregistrées en juillet, 67 % sont soudanaises, 17 % du Soudan du Sud et 5 % de Somalie.

Les limites d’une politique antimigratoire

Dans le chantier de Zarzis, beaucoup ne savent pas de quoi demain sera fait. Leur seul horizon est de récolter un peu d’argent pour tenter de prendre la mer par la ville de Sfax, à l’est du pays, devenue la plaque tournante des départs vers l’Italie. Malgré les 34 000 interceptions en mer depuis le début de l’année par la garde nationale tunisienne, le rythme des départs est loin de ralentir. Le week-end du 26-27 août, l’île de Lampedusa a lancé un appel à l’aide face à l’afflux de 1 800 migrants arrivés sur 63 embarcations en l’espace de 24 heures, la majorité de Tunisie.

Du côté de la frontière avec la Libye, malgré un accord signé le 10 août pour répartir les migrantes et migrants coincés à Ras Jedir et que les deux pays ont refusé de prendre en charge pendant près d’un mois entre juillet et août, les arrivées continuent aussi. Plus d’une centaine de migrants ont été interpellés à la frontière, samedi 26 août, selon les associations sur place, et sont hébergés dans la ville de Tataouine.

 

 

 

Lilia Blaise

1 septembre 2023 à 12h21

https://www.mediapart.fr/journal/international/010923/malgre-les-persecutions-la-tunisie-continue-d-attirer-les-migrants

 

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Rédigé le 02/09/2023 à 07:53 dans Immigration, Tunisie | Lien permanent | Commentaires (0)

ZARZIS en Tunisie

 

Pour le plaisir des yeux

 

https://www.facebook.com/reel/620588706749734

 

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Rédigé le 26/08/2023 à 19:59 dans Tunisie | Lien permanent | Commentaires (0)

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