Bientôt un an que l’Italie est gouvernée par l’extrême droite et sa principale promesse – mettre un frein au « flux migratoire » – se heurte chaque jour un peu plus à la réalité.
Le 14 septembre, Lampedusa voyait 6000 personnes débarquer en une seule journée – la capacité d’accueil de l’île est de l’ordre de 400 places. En une semaine, ils seront plus de 11 000 à accoster sur ce sol italien. Un « record absolu », écrit Mediapart. Impossible pour Giorgia Meloni, présidente du Conseil des ministres italien depuis le 22 octobre 2022, de gérer seule la situation, alors elle en appelle… à l’Europe. D’autant plus que l’Allemagne a mis en suspens tout accueil de personnes en provenance d’Italie. Pour faire face, la cheffe de l’exécutif italien s’est carrément affichée aux côtés de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen à Lampedusa. Un affront antifasciste !
En parallèle, dimanche 17 septembre, c’est un autre duo qui parade : Marine Le Pen et Matteo Salvini. Désormais vice-président du Conseil, en charge des Transports, le numéro 1 de la Ligue du Nord joue sur les deux tableaux. D’un côté, il est partie prenante du gouvernement de Meloni – cela dit, il a toujours tenu une ligne beaucoup plus ferme sur cette question que Meloni –, de l’autre, il se targue d’avoir été en 2018-2019 un ministre de l’Intérieur qui ne laissait rien passer. Et il le redit, lui, promis juré, n’accueillerait « pas un seul migrant ».
Sur un an, le « blocus » promis par Meloni affiche un bilan calamiteux (de son point de vue) : plus de 127 000 personnes sont arrivées sur le sol italien, le double par rapport à l’année précédente1. Face à cette déconfiture de la mise en pratique de promesses fascisantes, l’extrême droite française commence donc à prendre ses distances avec son homologue italienne. Plaçant ses pions pour l’horizon 2027, Marine Le Pen ne s’incommode pas de cette mise en concurrence de ses amis transalpins. En meeting dans le Gard la veille, elle a assuré qu’« il est vain d’en appeler à l’Union européenne pour résoudre la crise migratoire comme un enfant appelle maman quand il a un problème ». Prends ça Giorgia !
Car Meloni doit désormais jouer les équilibristes, elle qui est à la tête d’une coalition qui va de la droite à l’extrême droite. Un modèle dont rêvent Le Pen et Salvini à l’échelon européen mais pour lequel la droite européenne « traditionnelle » s’oppose encore assez fermement.
Et c’est tout bonnement la Macronie qui s’entiche de celle qui se veut dans la ligne héritière de Mussolini. « Quand la Première ministre italienne appelle l’Europe à l’aide sur les migrants, il faut répondre », glisse un marcheur influent au journaliste Nils Wilcke.
Prenant à rebours la réaction allemande, Emmanuel Macron se fait le champion de l’Europe en rappelant chaque pays à son « devoir de solidarité ». Là aussi, on manie habilement l’art de la contradiction sans sourciller. Car le 18 septembre, Gérald Darmanin donnait un autre son de cloche sur Europe 1/CNews : « La France ne s’apprête pas à accueillir » une partie des migrants de Lampedusa. Pour rappel, le ministre de l’Intérieur, déjà pas peu fier de trouver Marine Le Pen « trop molle », avait également jugé Meloni « incapable de régler les problèmes migratoires », parce que trop permissive.
Dans cette surenchère à qui sera le plus extrême dans le non-accueil de son prochain, la lutte est acharnée. Une histoire dont ils laisseront tous leurs noms : l’histoire du plus grand cimetière à ciel ouvert au monde.
- Selon le ministère de l’Intérieur italien, 42 750 migrants sont arrivés entre le 1er janvier et le 15 septembre 2021 ; 66 237 pour la même période de 2022 ; 127 207 pour ce qui concerne 2023. ↩︎
Migrants : la Méditerranée cimetière depuis 2010
Image du chalutier de migrants avant son nauffrage
le 14 juin 2023.
Le naufrage, mercredi 14 juin, d'une embarcation surchargée de migrants au sud-ouest de la Grèce, qui pourrait avoir fait des centaines de victimes, s'inscrit dans une très longue liste de tragédies similaires en Méditerranée ces dernières années.
L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) recense depuis le début de l'année 1166 décès ou disparitions en mer de migrants en Méditerranée. Le bilan s'élève à 26 924 morts et disparus depuis 2014.
Voici les pires naufrages de migrants en Méditerranée depuis 2010 :
Jusqu'à 900 morts dans les eaux de Libye
En avril 2015, entre 800 et 900 migrants périssent au large des côtes libyennes lors du naufrage d'un chalutier de 25 mètres, percuté par un cargo portugais envoyé à son secours. Le bateau de pêche a coulé à pic sous les yeux de l'équipage qui n'a pu sauver que 28 personnes.
Toujours dans les eaux libyennes :
- En mai 2011, des réfugiés arrivés sur l'île italienne de Lampedusa affirment avoir assisté au naufrage d'un autre bateau de migrants dans les eaux libyennes. L'embarcation, qui transportait 600 personnes, est portée disparue.
- En avril 2015, près de 400 migrants meurent dans le naufrage d'une embarcation de fortune à environ 150 kilomètres au large des côtes libyennes.
- En mai 2016, des dizaines de migrants sont portés disparus après le naufrage d'un bateau de pêche surchargé au large de la Libye. Les gardes-côtes italiens évoquent "350 personnes à la mer".
- En février 2015, plus de 300 migrants disparaissent en mer lorsque les bateaux pneumatiques dans lesquels ils avaient pris place chavirent au large de la Libye et 29 autres meurent de froid pendant leur sauvetage dans des conditions extrêmes par les garde-côtes italiens.
Avril 2016 : 500 noyés en Italie
Environ 500 personnes meurent en avril 2016 au large de l'Italie, dans le naufrage d'un grand bateau surchargé, selon des témoignages de rescapés. 41 personnes ont pu être sauvées après avoir dérivé durant trois jours dans un autre bateau.
Egalement dans les eaux italiennes, en octobre 2013, un bateau de pêche parti de Libye et transportant plus de 500 migrants prend feu et fait naufrage en pleine nuit, à 550 mètres des côtes de l'île sicilienne de Lampedusa. 366 personnes, dont beaucoup de femmes et d'enfants, se noient, pris au piège dans les cales, seules 155 personnes survivent.
Septembre 2014 : 500 disparus à Malte
Un bateau parti d'Egypte avec 500 personnes à bord, dont seulement dix survivent, coule au sud-est de Malte en septembre 2014, après avoir été embouti par les passeurs à bord d'une autre embarcation. Le drame survient après que les passagers ont refusé un transfert dans une petite embarcation pour se rendre en Italie.
Juin 2016 : 320 victimes en Grèce
Au moins 320 migrants sont morts ou disparus en juin 2016 dans le naufrage d'un bateau venant d'Afrique et transportant au moins 700 personnes, à 75 milles au sud de la Crète (Grèce). Cinq bateaux marchands qui participaient aux recherches recueillent toutefois 340 rescapés et neuf corps.
Par micheldandelot1 dans Accueil le 19 Septembre 2023 à 17:33
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