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L’Algérie abrite le plus grand nombre de sites romains, après l’Italie bien sûr. Certains sont remarquables, à l’image de Tipasa.
Le village de Tipasa est encadré par deux champs de fouilles: quand on arrive d'Alger, on passe d'abord devant la basilique Sainte-Salsa et la nécropole (le cimetière) chrétienne de l'Est, qui dominent la mer du haut de la falaise ; la basilique tient son nom d'une jeune berbère chrétienne qui pendant des persécutions préféra se jeter du haut des falaises plutôt que d'abjurer sa foi.
Cette colline de Sainte-Salsa est un endroit très calme, en dehors du village, avec le mont Chenoua dans le fond.
Si on regarde vers le village, quand on est sur la colline, on a une vue splendide sur le port romain ; oh, il n'est pas bien grand, mais il est amusant à regarder, comme ça d'en haut, avec le peu qui reste du tombeau punique tout penché comme s'il se prenait pour la tour de Pisé, et un petit bassin dans lequel mouillent encore quelques bateaux de pêche.
Quand on compare ce petit port romain au port moderne de Tipasa, où il n'est vraiment pas facile d'entrer quand la mer est grosse, on se dit que les pêcheurs de l'époque étaient drôlement culottés!
Au dessus du port moderne commence, encore sur une falaise, la seconde partie des ruines. En fait, il y a deux façons d'aborder cette partie de la ville : on peut entrer par la porte principale du champ de fouilles, en haut de la rue après le musée, les thermes et la maison Angelvi ; dans ce cas, on marche un peu le long de la route nationale, avant de tourner à droite vers le Capitole et la mer, et quand on arrive à la mer juste en-dessous du quartier des villas, on peut prendre encore à droite et remonter sur la falaise vers le phare de Tipasa ; à ce moment là, on passe devant une tombe de la famille Angelvi, cachée au milieu des lentisques et des arbousiers; on se tait pour ne pas réveiller celle ou celui qui dort en dessous sans savoir toutes les horreurs qui se sont passées au dessus.
Si, à la fin actuelle du Cardo, vous tournez à gauche, vous dirigez vos pas vers le nymphée, et vers le théâtre, c'est à dire vers le Tipasa des touristes pressés. Pourquoi "fin actuelle" ? tout simplement parce que depuis les Romains la mer a mangé un peu de Tipasa, et que les ruines s'avancent de 50 m environ (dans ma mémoire) dans l'eau; je regrette de n'avoir jamais pu, ou osé, me mettre à l'eau avec masque et palmes pour aller y faire un tour ; ça n'est pas profond, et certainement intéressant. A gauche, au bord de l'eau, on passe devant une usine, oui une usine romaine, pourquoi pas ? Tipasa était un "site de production" comme on dit maintenant de garum, c'est à dire de condiment à base de jus de poisson, c'est à dire de nuoc-mâm, vous savez ce qu'on trouve dans les restaurants vietnamiens ; on voit encore quelques débris des citernes dans lesquelles on faisait macérer les sardines dans l'eau salée, à 50 m des quartiers chics les matrones de Tipasa n'avaient pas besoin de ploum-ploum !
Allez, on grimpe un peu pour arriver à la basilique chrétienne, je passe vite car vous avez déjà vu les photos partout. Si vous repartez par la gauche, vous allez arriver directement au théâtre ; passez plutôt à droite, longez à nouveau la mer et plongez dans les bouquets de lentisques vers la nécropole de l'ouest, que vous traversez pour arriver à la chapelle de l'évêque Alexandre : vous ne croyez pas que j'aurais passé le plaisir de vous parler de ce saint dont je porte le nom ?
Les ruines s'arrêtent juste après, dans un petit jardin qui va jusqu'à l'aplomb de la falaise, dans lequel on trouve une stèle dédiée à Albert Camus, vous savez celui qui a écrit "Noces à Tipasa", et d'ailleurs sur la stèle vous pouvez lire la première phrase de "Noces" : "Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil".
Dans les années 1970-1974, Fernand Pouillon a construit l'ensemble balnéaire de Tipasa-Matarès à cet endroit, avec un hôtel, des restaurants, des piscines, des magasins, des appartements.?
Je ne vous raconte pas le théâtre non plus, ouvrez un guide touristique ; remarquez quand même comme il est beau, tout couvert de végétation, et puis prenez la voie romaine d'Alger à Cherchell (pardon de Icosium à Iol Cesarea), et regardez le Nymphée, fontaine monumentale, le plus beau d'Afrique Romaine, où venait boire le bétail, et les rainures des roues des chars dans les pierres de la chaussée.
Tipasa, c'est aussi le musée, vraiment différent des musées actuels ; entre les sarcophages et les flacons en verre il y a de belles choses dans ce petit musée, avec les statues et les sarcophages du jardin Angelvi.
Mais Tipasa, c'est aussi le village.
Au centre de Tipasa, au dessus de la route nationale, il y a un petit jardin public en terrasses et escaliers blanc "Légion étrangère" (c'est à dire blanchi à la chaux directement sur la pierre), tout encadré et ombragé de bellombras, ces arbres splendides dont les plus beaux se trouvent sur la Place Romaine de Cherchell ou au Square Bresson à Alger ; ils ont un tronc court et noueux et portent suffisamment de feuillage pour faire de l'ombre par le plus chaud des soleils.
Moitié par tradition locale, moitié à cause des touristes, Tipasa est aussi un endroit ou on trouve de jolies poteries, une jolie vaisselle.
A Tipasa, la pierre est belle, elle a la couleur du soleil, elle se laisse tailler facilement, on y trouve souvent des fossiles inclus dans la roche. Tout autour de Tipasa, les Romains ont laissé des carrières bien visibles, et en particulier dans une série de criques avant Sainte-Salsa ; lorsque les carrières sont envahies par le mer, elles deviennent piscines, viviers, réservoir à oursins, et aussi terribles pour les pieds nus car la roche sous l'effet de l'eau salée s'use en pointes acérées et cassantes, et malheur à qui oublie ses sandales ; je l'ai fait une fois, j'en ai encore les pieds pleins de trous !
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Si TIMGAD est entré dans l'Histoire, TIPASA appartient tout juste à la légende; et pourtant, ce mausolée devant lequel nous nous trouvons est impressionnant - indépendamment des ruines romaines situées de part et d'autres de la ville, qui lui sont généralement associées, et qui datent de la naissance de la cité au IVème siècle av J.C.
TIPASA, comptoir phénicien (« punique ») du temps - dont le nom signifie lieu de passage -, est installée au fond d'une baie - abritée des vents d'ouest, par ce Djebel Chenoua - où nous subirons des pluies diluviennes deux mois plus tard ! - elle-même située au débouché d'une plaine fertile, encadrée de part et d'autre d'une côte rocheuse et découpée; et offrant donc, à cet endroit un cadre où la végétation méditerranéenne a pu s'épanouir autant qu'elle favorisait l'implantation d'un port.
Elle conserve, surtout des vestiges remarquables de cette époque romaine qui s'ensuivit, après l'assassinat de Ptolémée 1) - fils de Juba II 2) -, par Caligula, aux fins vraisemblables d'annexer ce royaume indigène et de Maurétanie d'alors, à l'empire (dont forum, théâtre, rue commerçante et emplacement du marché, entr'autre -, ainsi que villas, remarquablement situées au bord de mer).
Encore que des fouilles permettraient sans doute de mettre à jour des restes plus anciens.
Plus tard réalisant à nouveau le fait, que là aussi, comme le reste, l'Histoire a pris, peu à peu, le pas sur la légende, puisque l'on sait désormais, que plutôt que tombe d'une « Chrétienne », ce mausolée servit vraisemblablement de sépulture à des rois maurétaniens du III ème au 1er siècle av. J.C; et que cette « enluminure » ultérieure, d'une figure féminine, emblématique du christianisme apparu au III ème siècle concerné - saint Augustin naît à Hippone - devenu Bône puis Anaba - à peu près au même moment - correspond vraisemblablement à cet épisode où la ville (ayant résisté victorieusement - « rassemblés autour des reliques de sa sainte » - s'agit-il effectivement de sainte Salsa ? -, aux assauts d'un chef berbère révolté contre Rome), va commettre la « confusion ».
II est là, malgré tout, ce monument, qui nous domine de ses quarante mètres, sur soixante de diamètre.
Sorte de pyramide conique au pied de laquelle nous nous sentons complètement dépaysés, désorientés même, comme si nous commettions un sacrilège, juchés que nous sommes sur cet engin barbare; et tant ce paysage paisible, et resté intact, depuis plus de deux mille ans, nous impressionne, au point que le contexte historique s'en trouve totalement ignoré.
Mais comment s'en étonner !
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NOTES
1) Qui n'est pas le Ptolémée grec, géographe et astronome du premier siècle après J.C, ni l'un de ces ... seize souverains macédoniens se succédant de 300 à 30 avant notre ère, et portant tous le nom, numérotés de ... 1 à 16 ...
2) Juba II, venu de Numidie, époux de Cléopâtre Sélénée, la fille de la reine d'Egypte du temps, est le fondateur de cette royauté, instaurée après la période Punique des origines (celle à laquelle nous faisons référence ci-dessus); qui couvrit la quasi totalité de l'Algérie et du Maroc moderne (déjà sous tutelle romaine à ce moment là); avec pour capitale, l'actuelle Cherchell - Iol phénicienne, rebaptisée Caesarea, (Césarée maurétanienne, sachant le Césarée de Cappadoce et celle de Palestine fondée quant à elle par Hérode le Grand), devenant elle-même un grand port, mais aussi une ville d'art réputée, et constituant foyer de civilisation.
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