Tipaza

N o c e s @ T i p a z a

À propos de l'auteur

Ma Photo

Les notes récentes

  • 31 juil 2024 12:27:22
  • Wassyla Tamzali présente son dernier livre à Montréal
  • Assia Djebar (1936-2015) par Maïssa Bey
  • Ce que l'on sait de la mort de dizaines d'anciens mercenaires de la compagnie "Wagner" au Mali, leurs pertes les plus importantes depuis le début de leur présence en Afrique
  • الحمد لله مابقاش استعمار في بلادنا
  • La tragique histoire de Cléopâtre Séléné, fille de la plus célèbre reine d'Egypt
  • Mythologie Berbère
  • G a z a
  • Albert Camus . Retour à Tipasa
  • ALBERT CAMUS - L'étranger

Catégories

  • Décennie noire (10)
  • Gaza (155)
  • Mahmoud Darwich (1)
  • Proche-Orient (3)
  • SANTÉ MENTALE (1)
  • «Europe (2)
  • Accueil (4)
  • Afghanistan (21)
  • Afique (7)
  • Afrique (7)
  • Afrique du Nord (1)
  • AGRICULTURE (2)
  • Alger (91)
  • Algérie (716)
  • Angleterre (3)
  • Arabie Saoudite ou maud;.. :) (10)
  • Armée (9)
  • Assia Djebar (26)
  • Autochtones (1)
  • AZERBAÏDJAN (1)
  • Biens mal acquis (1)
  • Bombe atomique (6)
  • Camus (679)
  • Canada (29)
  • changements climatiques (13)
  • Chansons (92)
  • Cherchell (20)
  • Chine (19)
  • Cinéma (65)
  • Climat (11)
  • colonisation (634)
  • COP15 (1)
  • corruption (36)
  • Covid-19 (80)
  • Culture (666)
  • Curiel, (4)
  • De Gaulle (1)
  • Divers (579)
  • Donald Trump (7)
  • Décennir noire (66)
  • Egypte (9)
  • Femmes (3)
  • France (1944)
  • Frantz Fanon (2)
  • Féminicides (10)
  • Guerre d'Algérie (3769)
  • Hadjout / Marengo (36)
  • Haraga (4)
  • Harkis (3)
  • HIRAK (26)
  • Histoire (494)
  • Immigration (86)
  • Incendies (16)
  • Inde (1)
  • Indochine (3)
  • Irak (3)
  • Iran (39)
  • Islam (170)
  • Islamophobie (6)
  • Israël (712)
  • Italie (2)
  • J.O (1)
  • Japon (2)
  • Jean Séna (2)
  • Jean Sénac (1)
  • Justice (1)
  • Kamala Harris a-t-elle des chances de gagner ? (1)
  • L'Algérie Turque (31)
  • L'Armée (4)
  • Lejournal Depersonne (209)
  • Les ruines (98)
  • Liban (3)
  • Libye (9)
  • Littérature (175)
  • Livres (164)
  • Ll’information (2)
  • L’autisme (2)
  • L’extrême-droite (2)
  • Macron (25)
  • Maghreb (5)
  • Mahmoud Darwich (6)
  • Mali (1)
  • Maroc (137)
  • Mayotte (2)
  • Moyen-Orient (21)
  • Musulman (1)
  • Nanterre (1)
  • Nelson Mandel (1)
  • Nicolas Sarkozy (2)
  • Niger (2)
  • Nouvelle-Calédonie (2)
  • Oran (1)
  • Otan (2)
  • ouïghoure (1)
  • ouïghoure » (3)
  • Palestine (488)
  • Paléstine (540)
  • Pirates informatique (2)
  • Plastique (7)
  • Police (3)
  • Politique (183)
  • Poésie/Littérature (695)
  • Pétrole (2)
  • QATAR (5)
  • Québec (47)
  • Racisme (178)
  • Religion (73)
  • Russie-Ukraine (82)
  • RÉFUGIÉS (1)
  • Sahara Occidental (25)
  • SANTÉ MENTALE (1)
  • Santé (1)
  • Société (459)
  • Souvenirs (64)
  • Sport (12)
  • Suisse (1)
  • Syrie. (1)
  • séisme (1)
  • Séismes (17)
  • Tipaza (52)
  • Tourisme (201)
  • Tsunami (1)
  • Tunisie (72)
  • Turquie (3)
  • Ukraine (65)
  • USA (94)
  • Vietnam (13)
  • Violences policières (100)
  • Wilaya de Tipaza (214)
  • Yémen (3)
  • Zemmour (1)
  • Éducaton (2)
  • Égypte (4)
See More

Les commentaires récents

  • ben sur Qu’est-ce que l’indépendance au XXIe siècle?: les défis du prochain quinquennat
  • ben sur En Quête D’Identité
  • ben sur À la Cour internationale de justice, un revers pour Israël
  • ben sur Le spectre d’une seconde Nakba en Cisjordanie
  • ben sur Tremblements de terre ! Incertitudes et enseignements
  • GONZALEZ Francis sur Attentat du Drakkar : 58 paras meurent pour la France
  • anissa sur Camus - Kateb Yacine, deux frères ennemis !?
  • Rachid sur La femme dans la guerre d’Algerie
  • Daniele Vossough sur Moi, Roberte Thuveny et le rêve algérien de mon père
  • Seddik sur Le poison français (2e partie)

Archives

  • juillet 2024
  • juin 2024
  • mai 2024
  • avril 2024
  • mars 2024
  • février 2024
  • janvier 2024
  • décembre 2023
  • novembre 2023
  • octobre 2023

“VIOLS ET FILIATIONS” DE CHRISTIANE CHAULET-ACHOUR ET FAÏKA MEDJAHED

 

image from cdn.liberte-algerie.com

 

 

Le postulat de départ des deux auteures est de “juxtaposer deux expériences de vie, à la fois personnelle et professionnelle”, et de mettre “en parallèle des récits de vie écoutés, transcrits et analysés, d’une part, et ceux lus et analysés dans des fictions, dans la société algérienne, autour de deux noyaux durs : le viol et la filiation”.

Passé inaperçu à cause de la crise de Covid et du marché du livre en cette période de pandémie depuis l’année dernière, l’ouvrage Viols et Filiations (éditions Koukou) de l’universitaire Christiane Chaulet-Achour et de la psychanalyste Faïka Medjahed mériterait pourtant bien un focus en raison de l’importance du sujet qu’il traite : le viol, les traumas et la violence faits aux femmes. Les deux amies, chacune au parcours singulier, ont écrit cet ouvrage à quatre mains alors que resurgit la question de la violence et des féminicides de manière inquiétante ces dernières années. Le postulat de départ des deux auteures est de “juxtaposer deux expériences de vie, à la fois personnelle et professionnelle”, et de mettre “en parallèle des récits de vie écoutés, transcrits et analysés, d’une part, et ceux lus et analysés dans des fictions, dans la société algérienne, autour de deux noyaux durs : le viol et la filiation”, écrit la préfacière et sociolinguiste Dalila Morsly. 

En littérature, Chaulet-Achour, qui analyse “le versant littéraire” de l’acte du viol durant la guerre de Libération et de la décennie noire, relève que “l’accent est mis plus sur ce qu’entraîne le viol que sur l’acte lui-même : d’où ce corps escamoté, circonscrire le positionnement de la vox de la narration, le choix de la personne verbale, les complicités ou les rejets concernant les acteurs (paroles dites, portraits, actes) : ce sont des indices du traitement littéraire du ‘motif’”. Louisette Ighilahriz, dans son témoignage dans Le Monde en 2000, dénonce, quarante ans après les faits, le viol qu’elle a subi de la part du capitaine Grazziani. Chaulet-Achour impute ce différé “aux circonstances familiales – le rapport aux parents – et à des blocages personnels”. Et à la professeure de littérature comparée d’ajouter : “Cette brèche dans le mur du silence sur le viol a provoqué (…) un petit tsunami dont les répliques se font sentir depuis dans des fictions qui s’autorisent à regarder le viol en face en franchissant le mur de la honte.” 

Les années 1990 charrient aussi leur lot de dénonciations via le littéraire. Dans quelques-unes des œuvres choisies, comme Imzad de Fatna Gourari ou le recueil de nouvelles Sous le jasmin la nuit de Maïssa Bey, “les écrivaines prennent le point de vue de la femme (…) ; elles vont s’attarder sur les violeurs, notant leur haleine, leur regard, leur brutalité, quelques éléments de leurs convictions, donnant tous leurs ‘mots’ aux victimes”. 

Du côté de Medjahed, plusieurs cas traités dans son cabinet défilent ; une maman dont l’enfant a été violé, le petit-fils d’un bandit d’honneur aux tendances suicidaires, des histoires de notre réel, que l’ont rencontre à travers les ouvrages. Elle relève pour la majorité d’ente eux des raisons sous-jacentes en rapport avec l’environnement familial, voire celui des ancêtres. Que faire des héritages qui sont les nôtres ? se demandent les autrices. Qu’en faire et comment y parvenir ? Il est ainsi nécessaire de mettre de la distance entre le passé, “non pour rejeter, écrivent-elles, mais pour parvenir à faire la part des choses. En négociant avec lui, en l’appréciant, le jaugeant, le jugeant”. 

 

 

 

 

 

le 10-08-2021 12:00
Par Yasmine Azzouz 

https://www.liberte-algerie.com/culture/le-poids-des-non-dits-dans-la-societe-algerienne-363129

 

.

Rédigé le 10/08/2021 à 21:29 dans Camus, Société | Lien permanent | Commentaires (0)

Peuples autochtones du Canada : la douloureuse réconciliation

"Il faut tuer l'indien dans l'enfant", disaient-ils   😢

 

De la fin XIXe à 1996, 150000 enfants amérindiens ont été envoyés de force dans des pensionnats de différentes églises. Plus de 4000 enfants y sont morts. Le Canada a été reconnu coupable de génocide physique, biologique et culturel mais le gouvernement Trudeau semble avoir choisi la réconciliation.

 

https://www.franceculture.fr/emissions/le-magazine-de-la-redaction/peuples-autochtones-du-canada-la-douloureuse-reconciliation

 

Pensionnat indien mis en place à Saint-Marc-de-Figuery (1956)

 

image from img-s-msn-com.akamaized.net

 

Lorsque les Vikings Islandais débarquent au Groenland, puis s’installent sur l’île de Terre-Neuve pour fonder une première implantation européenne au Canada , précisément à l’Anse aux Meadows, le continent qu’ils découvrent est déjà peuplé.

Les autochtones sont là, et il semble aujourd’hui que leurs premières traces remontent à 30.000 ans avant notre ère. Au moins dans la région du Yukon qui n’était pas alors entièrement prise par les glaces.

Cette année 2016, entre février et avril, 5 jeunes se sont suicidés dans un tout petit village du nord du Québec. Ils étaient originaires de la communauté Attawa-piskat.

Ce sont les descendants de ces premières Nations, que les Blancs ont d’abord contaminé – avec des maladies inconnues – quand ils ont débarqué pour les couronnes françaises, britanniques ou néerlandaises du XVIème siècle.

Les massacres d'Amérindiens au moment de la colonisation sont assez bien documentés, mais le Canada a longtemps fermé les yeux sur un fléau plus récent – qui explique en grande partie le geste désespéré de ces jeunes autochtones aujourd’hui.

Pendant plus de 100 ans, des années 1850 à l’an 1969, le Canada a pratiqué une politique « d’assimilation forcée » qui s’est avérée destructrice.

Les terres d’abord (dès les années 30) sont devenues propriétés de la couronne britannique ou de la France, puis on s’est attaqué aux enfants arrachés systématiquement aux familles et envoyés dans des pensionnats afin de leur inculquer les valeurs européennes.

150.000 filles et garçons sont passés par ces établissements. Plusieurs milliers en sont morts. Depuis 6 ans, la Commission Vérité et Réconciliation écoute les survivants. Elle vient de publier 94 recommandations à l’adresse du gouvernement canadien.

Pour la première fois de son histoire, OTTAWA s’apprête à tenter de réparer l’irréparable : de panser (enfin) les plaies de ce « génocide culturel » dont il vient d'être reconnu coupable.

Enquête de Sarah Maquet, réalisée par Yassine Bouzar.

> Écoutez aussi en complément :

  • Jimmy Papatie, ancien chef du village algonquin de Kitcisakik (600 kilomètres au nord-ouest de Montréal), au Québec. Il est maintenant le directeur du département des ressources naturelles de la communauté. Il témoigne de son enfance au pensionnat de Saint-Marc-de-Figuery, de 1968 à 1973, et des conséquences des pensionnats aujourd'hui :
Écouter
3 MIN
"Il faut tuer l'indien dans l'enfant", disaient-ils
  • Marie-Pierre Bousquet, la directrice du Programme en études autochtones de l'Université de Montréal. Elle est anthropologue, spécialiste des questions amérindiennes canadiennes, particulièrement au Québec. Aujourd'hui, elle réfléchit à comment mettre concrètement en oeuvre la réconciliation entre le Canada et ses peuples autochtones :
Écouter
1 MIN
"On parle beaucoup des problèmes des autochtones mais pas de leurs solutions"

A découvrir en ligne :

  • Un dossier complet de Radio Canada intitulé Autochtones : hier, aujourd’hui, demain
  • Peuples autochtones, par l'Internationale de l'Education
Pensionnat indien de Saint-Marc-de-Figuery (en 1955)
Pensionnat indien de Saint-Marc-de-Figuery (en 1955)• Crédits : Société d'histoire d'Amos
 

 

https://www.franceculture.fr/emissions/le-magazine-de-la-redaction/peuples-autochtones-du-canada-la-douloureuse-reconciliation

 

image from images.radio-canada.ca

 

Morts dans l’anonymat, les 215 enfants autochtones du pensionnat de Kamloops étaient tombés dans l’oubli. Jusqu’à aujourd’hui.

 

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1797155/pensionnat-fosse-enfants-autochtones-colombie-britannique

 

 

Société
 
 

Pensionnats autochtones : l’enfance déracinée

 
 

On estime à 150 000 le nombre d’enfants ayant fréquenté les pensionnats indiens au Canada.

Archives
Reportage, 26 décembre 1960
 
 
 
 

 

Écoutez pour Voir :

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1737407/pensionnats-autochtones-indiens-enfant-abus-assimilation-racisme-archives

 

 

 

 

.

 

 

Rédigé le 31/05/2021 à 14:10 dans Divers, Société | Lien permanent | Commentaires (0)

Un État qui détourne un avion : une première ?

 

Le monde entier est indigné par cet épisode incroyable : un avion civil arraisonné par un avion de chasse forcé d’atterrir à Minsk. Les dirigeants de l’Union européenne se sont mis d’accord pour imposer de nouvelles sanctions contre la Biélorussie, notamment économiques, et ont appelé leurs compagnies aériennes à éviter l’espace aérien. Ils demandent surtout la libération immédiate de l’opposant politique Roman Protassevitch qui a été arrêté à cette occasion. Quelles sont les conséquences de l’interception du vol Ryanair par la Biélorussie ?

 

En 1956, la France détourne un avion en direction d’Alger

Certains commentateurs affirment que c’est la première fois qu’un état agit de la sorte, c’est pourtant faux. Une affaire sidérante comme celle-là, un acte que certains ont qualifié de piraterie d’état a déjà eu lieu en 1956.

A l'époque, la France fait face à la guerre d’indépendance algérienne, après avoir été sous protectorat, le Maroc et la Tunisie sont indépendants.

5 chefs algériens du Front de Libération Nationale (FLN) prennent un vol de Rabat au Maroc à destination de Tunis, via Palma de Majorque. Ils sont invités à participer à un sommet sur l’avenir du Maghreb organisé par le président tunisien Habib Bourguiba en présence du roi Mohammed 5. Il y a notamment Ahmed Ben Bella qui deviendra premier président de la république algérienne. 

L’avion d’Air Atlas affrété par le roi du Maroc quitte Rabat pour Tunis et se passe alors l’impensable, l’avion est détourné, direction Alger encore sous contrôle de l’armé française et les leader politique du FLN ? Mis en prison.

Comment cela a-t-il pu se produire ?

Informés de ce déplacement très médiatisé, les services secrets français y ont vu une occasion à ne pas laisser passer. L’armée française donne l’ordre à l’équipage de l’appareil de gagner Alger. Ainsi sera fait, sous la protection discrète d’avions de chasse français. Les passagers ne s’apercevront du détournement qu’à l’atterrissage.

Une opération voulue par l’armée, mais couverte après coup par le secrétaire d’État aux forces armées Max Lejeune.

Comment a réagi la communauté internationale à l’époque ?

Exactement comme aujourd’hui, avec gravité. En première ligne, Christian Pinault qui était ministre des affaires étrangères français.

Ainsi s’était produit le tout premier détournement d’avion de l’histoire. En réaction, au Maroc, plusieurs dizaines de Français sont massacrés à Meknès et dans la région par une foule en colère. Et puis en signe de protestation, Alain Savary, secrétaire d’État aux affaires marocaines et tunisiennes, et l’ambassadeur de France à Tunis donnent leur démission. Et quels sont les mots employés à l’époque ? Les mêmes qu’aujourd’hui : une affaire sidérante, scandaleuse, acte de piraterie d’état.

Quels points communs entre le détournement de l’avion de Ryanair, et celui d’air atlas ?

Ils sont nombreux. Même barbouzerie, même action de services secrets, même indignation mondiale, même objectif, intercepter des opposants : et se pose une vraie question, celle de la sécurité aérienne d’abord. Et puis une question philosophique, tous les moyens sont-ils bons pour faire taire ses opposants ?

Tout comme le détournement de 1956 n’a pas empêché à l’Algérie d’être indépendante, le détournement de 2021 n’empêchera sûrement pas à la jeunesse biélorusse de continuer son combat pour la démocratie.

 

L'oeil de Mehdi Khelfat

 le mercredi 26 mai 2021 
https://www.rtbf.be/lapremiere/emissions/detail_matin-premiere/accueil/article_un-etat-qui-detourne-un-avion-une-premiere?id=10769096&programId=60
 
 
 
https://www.rtbf.be/auvio/detail_l-oeil-sur-le-mond
e?id=2772764
 
 
 

Rédigé le 26/05/2021 à 20:44 dans Guerre d'Algérie, Société | Lien permanent | Commentaires (0)

La Kahena, une reine judéo berbère

 

Ya latef 

image from static.jforum.fr

 

Comment la Kahena arrive au pouvoir ? L’arrivée des Juifs en Afrique du nord est probable dés la création de Carthage par les Phéniciens huit siècles avant l’ère commune. Phéniciens et Hébreux étaient très proches, aussi par leur langue.

Il est attesté que des membres de la tribu de Zabulon grands navigateurs accompagnaient les Phéniciens à Tarchich mentionné dans des écrits comme se trouvant dans une région supposée de l’ Afrique du nord. De même après la destruction du premier temple de Jérusalem sept siècles avant l’ère commune de nombreux Juifs arrivèrent dans l’ile de Djerba  et y vivent en toute quiétude  jusqu’à aujourd’hui  avec les Musulmans locaux descendants de Berbères.

La présence Juive est certaine au début de l’ère chrétienne en Lybie, en Tunisie, en Algérie et au Maroc par les nombreuses traces archéologiques , des plaques funéraires en hébreu à Volubilis au Maroc à la découverte de l antique synagogue de Naro à Hammam Lif ,ainsi que des pierres tombales à Gammarth prés de Tunis.

D’importants textes latins avant l’Islam parlent de la présence Juive à coté de Berbères judaïsant selon Saint Augustin, Tertullien, Saint Cyprien etc. .

De nombreuses tribus berbères judaïsées  vivaient harmonieusement avec les Juifs selon le célèbre historien et sociologue Arabe Ibn Khaldoun On a découvert de nombreuses nécropoles puniques et juives construites de la même façon et différemment de celles païennes des Berbères . Ces mêmes nécropoles existent dans les régions non occupées par les Phéniciens et attestent de la seule présence Juive en pays Berbère.

La Kahena, belle et fougueuse

Au septième siècle de l’ère Chrétienne plusieurs milliers de cavaliers Arabes envahirent l’Afrique du nord. C’est là qu’apparut une reine Juive Berbère la Kahéna, son père Thabet mourut lors d’une bataille contre les envahisseurs Musulmans.

La Kahena sa fille unique trouva refuge dans le maquis des Aurés au milieu de sa tribu Djerawa. Elle était belle, fougueuse, bonne cavalière, habile à l’arc et de confession Juive, elle prend la tète de la résistance et fédère les tribus berbères qui refusent de se soumettre aux Arabes comme jadis elles s’étaient dressées contre les Romains et les Byzantins. Plusieurs légendes contestent sa pratique du judaïsme et qu’elle serait chrétienne, mais elle vivait à une époque où le christianisme avait été adopté par de nombreux Berbères judaïsés !

Son adresse,son courage, l’aura mystique qu’elle dégage en temps de guerre comme en temps de paix font d’elle une reine redoutée et incontestée.

Le calife Abd el Melek fit parvenir à Hassan ibn-en-Noomane el-Ghassani gouverneur de l’Egypte, l’ordre de porter la guerre en Ifriquiya…la Tunisie actuelle. El-Hassan se mit en marche, entra dans Kairouan puis emporta d’assaut la ville de Carthage. Après cette victoire, il demanda quel était le prince le plus redoutable parmi les Berbères, et ayant appris que c’était la Kahéna, femme qui commandait à la puissante tribu des Djéraoua, il marcha contre elle.

Mais cette dernière mena ses troupes contre les Musulmans et, les attaquant avec un acharnement extrême, les força à prendre la fuite après leur avoir tué beaucoup de monde. La Kahéna rentra dans son pays avec un jeune prisonnier Arabe du nom de Khalid qu’elle sauva d’une mort certaine en l’adoptant et continua pendant cinq ans à régner sur l’Ifriqiya.

Abandonnée par ses alliés

Mais Hassan revint en Afrique du nord à la tête de nombreux renforts. A  son approche, la Kahéna fit détruire toutes les villes et fermes du pays, depuis Tripoli jusqu’à Tanger. Mais elle fut abandonnée par ses alliés qui virent avec un déplaisir extrême la destruction de leurs biens…Trahie par le jeune Khalid qui renseigna les armées Arabes, elle fut battue et tuée dans le Mont-Aurès. Décapitée, sa tête fut envoyée dans un coffre en cèdre comme trophée à Damas.

Son peuple aura une amnistie générale à condition d’embrasser l’Islam et de livrer 12000 soldats qui seront capables d’aller faire la guerre au loin et d’envahir ainsi et de conquérir l’Espagne. Plusieurs milliers de cavaliers Arabes réussirent ainsi à imposer l’Islam à des millions de Berbères.

Grace au pacte d’Omar les « gens du livre » Al el Kiteb Juifs et Chrétiens furent tolérés en terre d’Islam à la condition de devenir des dhimmis soumis à des vexations et des impôts particuliers. Les Berbères judaïsés n’eurent pas d’autres choix que se convertirent à l’Islam.

Les Berbères christianisés conservèrent majoritairement leur foi jusqu’au 12 ème siècle jusqu’à l’arrivée des Almohades fanatiques islamistes qui les obligèrent à se convertir à l’Islam et le christianisme disparut définitivement de l’Afrique du nord.

Les communautés Juives reconnues par le pacte d’Omar comme gens du Livre, Al el Kiteb furent tolérées sous le statut avilissant et dégradant de Dhimmi avec de multiples interdictions et l’obligation de payer un impôt spécifique :la Jezya.

Recherche ADN

Des recherches ADN prouvent que les populations Musulmanes d’Afrique du nord aujourd’hui ne sont qu’à 5% d’origine arabe moyen-orientale, et ont même de l’Adn Juif suite aux nombreuses conversions imposées aux. Juifs durant les siècles.

Par contre les communautés Juives d’Afrique du Nord sont selon l’ADN originaires très majoritairement de la Judée moyen-orientale. Une recherche ADN spécifique faite sur des Juifs de Djerba a constaté que leur adn était identique aux Juifs Achkenazes de Pologne, prouvant ainsi l’unicité de ces deux rameaux du judaïsme qui s’étaient exilés après la destruction de Jérusalem par les Romains il y a 2000 ans

Mais la Kahéna est toujours vivante aussi bien dans le corps des femmes tatouées dans tout le Maghreb, que dans les mémoires ;elle est aujourd’hui considérée comme le symbole de l’Amazighité, figure représentative de l’histoire comme de l’identité des Amazighs, hommes libres et nobles.

Beaucoup de Berbères, de Kabyles, de Chaouis revendiquent aujourd’hui leur proximité passée avec les Juifs, malgré leur arabisation et leur identification comme Arabes et souhaitons qu’ils seront le pont nécessaire de la réconciliation prochaine entre tous les fils d’Abraham.

 

 

 24 mai 2021 Pierre Mamou

https://www.jforum.fr/la-kahena-une-reine-judeo-berbere-pierre-mamou.html

 

.

 

 

 

 

La reine des Sables 

 

image from static.jforum.fr

 

Devant le climat délétère de ces derniers jours et pour nous changer les idées, j’ai le plaisir de vous annoncer que la Kahena, cette si merveilleuse reine des sables, revient plus belle et plus forte que jamais le 3 juin dans toutes les librairies :

EXTRAIT
Moudeh demanda si elle était belle.
–« Si elle est belle! Ses yeux sont bruns, immenses, constellés de paillettes d’or, et sa chevelure a la couleur du feu. Dahia est un joyau brut qui brille de mille éclats. »
– » Ta description m’enchante! S’exclama le marchand ravi. Je brûle de posséder cette femme. Quand elle sera mienne, elle me donnera de beaux et solides enfants. »
 

Didier Nebot sur Facebook

20 mai 2021

https://ww.jforum.fr/la-reine-des-sables-de-didier-nebot-3-juin.html

 

.

 

Rédigé le 24/05/2021 à 20:18 dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)

De la bimbo orientale à la femme sage et soumise : « Beurettes », enquête sur un fantasme français

 

Dans un livre bienvenu et édifiant, publié au Seuil ce 6 mai, « Beurettes, un fantasme français », la chercheuse Salima Tenfiche et notre camarade Sarah Diffalah, journaliste à « l’Obs » déconstruisent les stéréotypes sur les femmes françaises issues de l’immigration maghrébine. Extraits.

 
 
image from focus.nouvelobs.com

Graph réalisé à Strasbourg (Ittmust/FlickrCC)

 
 

Bimbo orientale habituée des bars à chicha, femme voilée et soumise, « beurgeoise » ambitieuse, actrice gouailleuse… Les clichés sur les femmes françaises issues de l’immigration maghrébine sont un à un déconstruits dans une enquête passionnante et édifiante « Beurettes, un fantasme français », publiée le 6 mai, aux Editions du Seuil. Les deux auteures, Salima Tenfiche, chercheuse en cinéma et chargée de cours à l’Université Paris-Diderot, et Sarah Diffalah, journaliste à l’Obs, ont mené une enquête de deux ans et interviewé de nombreuses femmes, anonymes ou célèbres, comme l’actrice Sabrina Ouazani ou la cheffe d’orchestre Zahia Ziouani. Elles dressent une galerie plurielle de portraits éclairants, attendus depuis longtemps, loin des caricatures. « Pendant des années, je ne me suis pas pensée du tout comme arabe, kabyle, algérienne, même pas à moitié, et jamais comme une « beurette », écrit ainsi l’écrivaine Alice Zeniter (Prix Goncourt des lycéens pour « L’art de perdre »), qui a rédigé la préface de l’ouvrage. Mais pour ceux qui connaissaient mon père, l’avaient aperçu ou avaient entendu son nom, j’ai toujours été, clairement, une fille d’Arabe. ». Extraits.

image from focus.nouvelobs.com

« Un seul plat de substitution : l’œuf dur »

« Un jour, mes parents étaient en voyage. J’étais toute seule avec mon frère à la maison et je devais nous préparer à dîner. Ma mère nous avait laissé des cordons bleus au congélateur. Je fais cuire les cordons bleus, et pendant qu’on commence à les manger, mon frère lit à haute voix le carton d’emballage : “Jambon avec fromage.” Alors moi je hurle : “Attention, il y a du jambon !” Et mon frère recrache tout dans son assiette. Puis on relit l’emballage et on se rend compte qu’il y a écrit : “Jambon de dinde.” Alors on s’est demandé si c’était de la dinde ou du jambon avec de la dinde ! On n’a pas tout compris. Mon frère a dit : “Dans le doute, on jette, on mange pas, maman a dû se tromper quand elle l’a acheté.” En réalité, on ne savait pas si le jambon de dinde c’était du porc ou pas… Tout ce qu’on savait, c’est que le porc, c’était l’aliment interdit. »

En écoutant le récit d’Inès, nous avons ri aux larmes, mesurant aujourd’hui le caractère excessif de la réaction des deux enfants qu’elle et son frère étaient alors. Panique, dégoût extrême, culpabilité d’avoir croqué dans un simple morceau de viande rose. Combien de fois, pourtant, avons-nous vécu aussi une telle expérience durant notre enfance ? Combien de fois nous sommes-nous entendues avertir : « Attention, il y a du porc dans cette pizza ! » ; « Mais si, je t’assure, le bacon c’est du cochon » ? Combien de fois avons-nous dû débattre avec Mehdi, Sihem ou Abdellatif sur la présence ou non de gélatine de porc dans le sachet de bonbons que nous leur tendions ?

Pour nous aussi qui avons été élevées dans des familles musulmanes, le porc était cet interdit suprême, cette ligne rose à ne pas franchir, au risque d’être exclu de la communauté. Et à l’époque nous ne plaisantions pas avec la transgression de cette règle. Manger du « khalouf » (porc, en arabe) constituait à nos yeux d’enfants, et à ceux de nos parents, un acte grave et honteux, bien plus grave que celui de voler un vernis à ongles aux Galeries Lafayette. Nos parents nous ont enseigné que manger du porc était « haram » (interdit, en arabe) pour les musulmans. Ils se contentaient de nous transmettre les pratiques religieuses qu’ils avaient eux-mêmes reçues de leurs parents, sans jamais se référer au livre saint de l’islam. […]

Le cordon bleu, la crêpe au jambon ou la saucisse purée de la cantine nous étaient strictement proscrits. À l’école primaire, comme le raconte Inès, lorsqu’il y avait du porc au menu, nous n’avions droit qu’à un seul plat de substitution : l’œuf dur. « À la cantine, c’était chiant parce qu’on ne mangeait pas de porc, on mangeait toujours des œufs, et ça, c’était la guerre, j’en avais marre de manger des œufs ! Qu’on nous donne du poulet ou autre chose, mais pas des œufs ! » C’est pourquoi, lorsque nous avons entendu parler de la volonté de certains élus municipaux de droite et d’extrême droite de supprimer les repas de substitution, nous n’y avons pas vu autre chose qu’une politique d’affichage jouant sur les questions identitaires pour séduire un électorat islamophobe, ou du moins laïcard à l’extrême. Difficile de croire en effet que quelques douzaines d’œufs de poules élevées en batterie seraient responsables du déficit budgétaire de ces mairies…

Nous, qui avions encore droit à cet œuf dur et blanchâtre glissé par la cantinière au centre de notre assiette vide, nous mesurions jalousement notre différence avec nos petits camarades non musulmans, dont l’assiette était pleine tantôt d’une choucroute garnie, tantôt d’une tranche de rôti de porc aux pruneaux. Nous mesurions d’autant plus notre statut particulier que nous étions séparées de nos amis durant toute la durée du repas. Nous devions manger à part, à la table réservée aux « non-mangeurs de porc ».

« On se contente toujours de dire que l’islam est en cause »

« Forte d’une carrière commencée à l’âge de 13 ans dans des films salués par la critique, [l’actrice Sabrina Ouazani] dit « se battre contre les clichés ». Elle raconte avoir refusé une cinquantaine de propositions de rôles. Au cœur de l’industrie cinématographique de ces deux dernières décennies, elle a assisté à l’évolution des représentations caricaturales de la « beurette », qui reposent sur l’opposition pute versus femme soumise. Elle distingue trois périodes. Entre 2002 et 2010, les personnages proposés étaient des « Maghrébines sous la coupe d’un homme autoritaire qui l’oblige à mettre le voile, qui n’a pas le droit de sortir et de s’habiller comme elle veut », « des femmes qui vivent dans une cité noire et violente ». « J’ai habité la Cité des 4 000, à La Courneuve. Je n’ai pas vécu ça. Au contraire. J’avais une relation fusionnelle avec mon frère et j’aimais mon environnement. Pourquoi devrais-je raconter quelque chose que je n’ai pas connu et qui ne reflète pas la réalité ? » s’interroge-t-elle.

On lui a présenté, ensuite, des projets pour jouer la « beurette qui veut s’émanciper sexuellement ». « Comme si on découvrait que les femmes arabes avaient une sexualité ! » s’amuse-t-elle. « On ne parlait pas d’amour, mais de sexe, comme une obsession. » Enfin, à partir de 2012, dans le contexte du développement du terrorisme islamiste international et l’avènement de Daech dans les scénarios, la figure de la femme djihadiste a fait irruption. « Elle se fait embrigader vers l’extrémisme par amour », précise-t-elle. « C’est une réalité que nous pouvons montrer au cinéma. Mais on se contente toujours de dire que l’islam est en cause. Or ces situations touchent davantage à l’humain, à l’amour, au désespoir. Mais on n’investit pas ces champs-là. Je refuse de nourrir le monstre, l’amalgame et le racisme », assène-t-elle, en tapant du poing sur la table. « Je ne suis pas fermée à des projets qui montrent la réalité d’une femme maghrébine en France, mais je veux participer à une représentation plus juste. »

« J’avais, en secret, honte de sa manière de parler français »

« J’ai découvert récemment le documentaire « Toutes les vies de Kojin » (2019) de mon ami kurde Diako Yazdani. Dans certains passages de son film, Diako se met en scène et prend la parole à l’écran dans sa langue maternelle, le kurde. Pour la première fois, depuis dix ans que je le connais, moi, Salima, je pouvais entendre et comprendre grâce aux sous-titres ce que mon ami proférait dans sa propre langue. Diako revêtait à mes yeux une nouvelle dimension. Débarrassé de l’accent qui l’accompagne lorsqu’il s’exprime en français, ne cherchant pas ses mots, utilisant un vocabulaire recherché, développant des idées sophistiquées, il me semblait soudain plus intelligent, plus fin, plus drôle qu’en « français cassé », pour reprendre à mon compte l’expression « broken English » utilisée pour désigner les locuteurs anglophones non natifs de pays anglo-saxons.

En sortant de la salle obscure, je me suis alors souvenue que j’avais déjà vécu cette expérience plusieurs fois dans mon enfance, lorsque l’été, en Algérie, mon père parlait en kabyle avec sa famille ou ses amis de là-bas. Dans sa langue, il me semblait alors plus beau, plus grand, plus puissant que lorsqu’il s’exprimait en français avec son fort accent maghrébin et ses conjugaisons approximatives. Bien sûr, je l’avais déjà entendu parler kabyle à la maison avec ma mère, mais dans ces cas-là il ne pouvait s’empêcher de s’adonner à ce que les linguistes appellent du code switching, ou « alternance codique » en français. Combien de fois ai-je ainsi entendu mon père me répéter dans le bus, alors que je m’agitais sur mon siège sous le regard agacé de ma voisine de droite : « Qim tranquille, moulesh tamralt ayi elle va s’énerver ! » (« Reste tranquille maintenant, sinon la vieille va finir par s’énerver ! »).

Cette perception embellie de mon père quand il parlait dans sa langue en Algérie était surtout liée au fait que j’avais, en secret, honte de sa manière de parler français. Cette honte, je l’éprouvais notamment, à l’époque du téléphone fixe, quand mes camarades du lycée Montaigne (à Paris, N.D.L.R.) appelaient à la maison et que, plus tard, ils me parlaient de l’accent de mon père. Je savais bien que, pour eux, cet accent était plutôt sympathique. Cependant, de mon côté, comme toute adolescente soucieuse de correspondre à la norme pour s’intégrer au groupe, chaque fois que mes amis mentionnaient l’accent de mon père, je faisais mine de leur sourire et d’assumer ma double culture alors qu’au fond j’étais mortifiée d’avoir des origines « différentes ». À l’époque, j’étais persuadée que mes amis exagéraient l’accent de mon père pour me taquiner ou par fascination d’avoir une (et une seule) copine rebeue. Jusqu’au jour où mon compagnon est entré dans ma famille et a confirmé que mes anciens camarades du lycée n’avaient pas tort : papa (que mon compagnon aime beaucoup par ailleurs) avait bel et bien un accent à couper au couteau !

Aujourd’hui, à 35 ans, j’ai mal au cœur à l’idée que mes parents puissent lire cet aveu d’enfant aliénée par le modèle assimilationniste français. En effet, j’ai compris une fois adulte que je voyais alors dans le « français cassé » de mon père un marqueur d’appartenance malgré moi à un groupe stigmatisé par la société : les Arabes. Or qui voudrait raisonnablement se voir rangé parmi les exclus ? »

« Dans ma famille, il y avait une honte de parler de la colonisation »

Nous avons intériorisé que notre culture familiale n’était pas la bienvenue dans l’espace public, ou du moins qu’elle n’était pas « bien vue ». Nous sommes nombreuses à avoir dissocié notre vie familiale (maghrébine) de notre vie sociale (française), afin, d’une part, de préserver nos parents de cette violence symbolique et, d’autre part, de nous distinguer de ce groupe exclu par la société.

Mais cette dissociation se fait au prix d’un déchirement intime, d’une honte d’avoir eu honte de ses parents qu’on aime tant et dont on sait pourtant qu’ils ne sont pas responsables de la stigmatisation dont ils font l’objet dans l’espace public. Or, à l’extérieur, nous sommes sans cesse ramenées à nos origines, à notre histoire, à cette culture de nos parents que nous essayons à tout prix de reléguer dans le dedans, de circonscrire à la sphère familiale, de cacher sous le tapis. C’est ce qui conduit sans doute d’autres femmes à préférer les relations sociales intracommunautaires avec des personnes qui leur ressemblent, afin de réduire ce malaise permanent. En effet, au début de chaque entretien, lorsque nous demandions aux interviewées pourquoi elles avaient accepté de participer à notre enquête, la plupart évoquaient en première réponse : « le besoin de parler » de ce « malaise », de ce « sentiment d’être écartelée ».

Cette fracture entre le dehors et le dedans, et la souffrance qu’elle induit chez nous, est aggravée par l’absence d’un travail de mémoire collective sur le passé partagé et douloureux de la colonisation française. Lynda n’avait jamais entendu parler, ni à l’école ni dans les médias, des rafles et des tortures qui ont eu lieu durant la guerre d’Algérie au stade Charléty, le 17 octobre 1961, avant qu’un vieil oncle ne lui confie, au détour d’une conversation, son terrible souvenir : « Un jour mon oncle de 72 ans est venu à l’improviste à la maison. Je devais avoir environ 15 ans. On était juste tous les deux. Et il s’est mis à me raconter cet épisode de son histoire pour la première fois. Il m’a dit que c’était horrible, qu’ils les avaient enfermés dans le stade pendant plus d’un mois, que tout le monde urinait partout, que c’étaient des bêtes. Tout ça a été enfoui, je suis sûre qu’il n’en a jamais parlé à ses enfants. Dans ma famille, il y avait une honte de parler de la colonisation. »

« La beurette est la fille qu’il faut libérer par le sexe »

« Pour toutes les femmes que nous avons rencontrées, le problème n’est pas seulement que la catégorie pornographique « beurette » (sur les plateformes, N.D.L.R.) existe, mais aussi que ce fantasme ne soit pas uniquement sexuel.

Lors de notre enquête, nous avons pu mesurer à quel point cette image dégradante de la “beurette” renvoyée par l’industrie pornographique suscitait la colère et l’indignation chez les femmes d’origine maghrébine. Basma a 28 ans. Nous la rejoignons un dimanche après-midi sur son lieu de travail dans le XVIIIe arrondissement de Paris, un centre associatif du quartier. Elle a connu durant son adolescence l’explosion des plateformes de pornographie en ligne. Elle regrette la grande place qu’ont prise les figures de femmes racisées, qu’elles soient maghrébines, asiatiques ou noires, classées dans ce qu’on appelle le « porno ethnicisé », devenu un genre à part entière de l’industrie pornographique.

Basma déplore l’image de soumission que renvoient ces filles. « La beurette est la fille qu’il faut libérer par le sexe parce qu’elle serait tellement enfermée, qu’elle ne demanderait que ça », constate-t-elle. Pour elle, les femmes maghrébines n’ont pas besoin d’un libérateur : « J’ai décidé d’avoir une sexualité libre, c’est mon choix. Personne ne m’a forcée ! » Mais ces représentations ont eu un impact sur la manière dont certains hommes « blancs » la percevaient. Durant ses études supérieures, au moment où elle découvrait l’amour et la sexualité, Basma a eu le sentiment d’incarner une « expérience sexuelle ». Elle établit cette observation par le fait que la plupart de ces hommes n’envisageaient pas de « futur durable » avec elle, comme le disait aussi Leïla Slimani (écrivaine, Prix Goncourt pour « Chanson douce », N.D.L.R.) de ces femmes « avec qui on ne se marierait pas ». Jamais ces hommes ne lui ont verbalisé cette disposition à son égard, mais elle en est certaine : « Je n’étais que « ça ». [...] C’est comme si on mettait des hommes dans une fête foraine et que le grand huit c’était la femme arabe », compare-t-elle. Non pas qu’elle ait été experte en la matière, mais parce que pour ces hommes la « beurette » est devenue, selon elle, un trophée à épingler à leur tableau de chasse sexuel, une expérience à tester comme on goûte à une collation exotique. ».

« J’avais peur de ne pas y arriver parce que je n’étais plus vierge »

« L’idée selon laquelle la sexualité est un sujet tabou au sein des familles de culture maghrébine se vérifie dans presque tous les témoignages, ce qui expliquerait les nombreuses réticences et les questionnements qui se sont posés à ces femmes au moment de passer à l’acte. Ce moment est globalement vécu comme une étape importante, que certaines appréhendent. Plusieurs nous ont raconté qu’elles ont longtemps caché à leur famille qu’elles n’étaient plus vierges. Safia est croyante et n’est pas mariée. Elle a eu sa première relation sexuelle avec pénétration à 22 ans. Huit ans plus tard, elle continue à se sentir coupable et s’interroge encore. Elle a longtemps pensé que la perte de sa virginité serait une entrave à son envie d’épouser un musulman.

« Je me disais que je n’étais pas pure et je me demandais si je pourrais trouver quelqu’un pour me poser. On grandit avec cette idée du mariage pour seul objectif quand on est une fille dans une famille marocaine, comme moi. J’avais peur de ne pas y arriver parce que je n’étais plus vierge. » Le sujet est tabou dans sa famille, qui ne sait pas qu’elle a des relations sexuelles. Elle a eu le sentiment d’être coincée entre deux modèles extrêmes qui ne lui correspondent ni l’un ni l’autre : d’un côté, « la sexualité proposée par le cercle familial » et, de l’autre, « la sexualité débridée de la beurette », considérée comme la fille vulgaire « libérée par l’homme blanc ». Sa sexualité est libre, mais elle admet ne pas être à l’aise avec certaines pratiques comme la sodomie, les « plans cul » et les relations sexuelles à plusieurs : « J’ai besoin d’être en confiance, car le sexe reste quelque chose de précieux pour moi. Même si je l’ai désacralisé par rapport à ma famille et à ma religion, c’est une partie de moi, de mon intimité. »

« Beurettes, un fantasme français », par Salima Tenfiche et Sarah Diffalah, Seuil, 320p., en librairie le 6 mai.Sarah Diffalah est journaliste au service Etranger à L’Obs et spécialiste de l’Afrique, Salima Tenfiche est chercheuse en cinéma et chargée de cours à l’Université de Paris-Diderot.
 
 
 
 
 

Par Sarah Diffalah et Salima Tenfiche

Publié le 05 mai 2021
 
https://www.nouvelobs.com/rue89/20210505.OBS43686/de-la-bimbo-orientale-a-la-femme-sage-et-soumise-beurettes-enquete-sur-un-fantasme-francais.html?fbclid=IwAR1I-mvAZUaEZKel0XLVEw4CzKACbgNMbW3H9uV5XHSVtR_yrbneyJZfcy8
 
 

Rédigé le 07/05/2021 à 09:32 dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)

« L’Algérie réclame la restitution intégrale des archives originales ramenées en France après 1962 »

 

image from img.lemde.fr

Abdelmadjid Chikhi, directeur des Archives algériennes à Alger, le 6 août 2020. RYAD KRAMDI/AFP

Abdelmadjid Chikhi, directeur des Archives algériennes, a été nommé par le président Abelmadjid Tebboune pour servir d’interlocuteur à l’historien Benjamin Stora, chargé par Emmanuel Macron de rendre un rapport, attendu pour janvier, sur la réconciliation mémorielle entre la France et l’Algérie.

Dans un entretien au Monde, M. Chikhi réitère la demande algérienne d’une restitution « intégrale » des « originaux » des archives rapatriées en France après l’indépendance de 1962 tout en admettant que certains documents relevant de la « sécurité de la France » puissent faire l’objet d’une discussion « au cas par cas ».

Comment voyez-vous l’esquisse de réconciliation mémorielle entre la France et l’Algérie ?

Les deux pays, par l’intermédiaire de leur président, ont décidé de mettre ce problème de la mémoire sur la table. C’est une très bonne initiative. On ne peut pas faire durer des situations qui empêchent les deux pays, les deux peuples, de se regarder en face. Il faut essayer de dépasser cette situation, quelle que soit la douleur ressentie de part et d’autre. Encore faut-il savoir ce qu’on entend par « mémoire » et « gestion de la mémoire ».

De notre côté, notre position est peut-être politique, un peu psychologique, mais rien dans notre comportement ne nous autorise à effacer l’histoire. Et nous ne le pouvons pas. L’histoire est là. Elle nous interpelle et nous interroge. Or il y a des façons de gérer ce patrimoine, si on peut utiliser le terme, afin que les deux pays débutent une nouvelle vision des choses, c’est-à-dire se projettent dans l’avenir sans oublier l’histoire et en essayant de la faire vivre.

Notre histoire a été effacée pendant un temps. On a essayé de nous faire porter un habit qui n’est pas le nôtre. Et la fatalité des choses veut que, quand on chasse le naturel, il revient au galop. Le peuple algérien a été malmené, réprimé, bafoué dans ses droits. Ça laisse des traces. Que faire ? On ne va quand même pas, à chaque moment, déterrer la hache de guerre et recommencer à guerroyer par les paroles et les campagnes médiatiques. Il faut essayer, avec Benjamin Stora, de tracer des voies d’entente, de coopération. Un gros travail reste à faire en France. Il doit être fait dans la société française dans son ensemble. Nous sommes soumis à des campagnes parfois très dures sur des slogans qui n’ont plus leur raison d’être.

La réalité de la colonisation en Algérie est-elle trop méconnue en France ?

Pendant toute la colonisation, les institutions françaises ont menti aux citoyens français en leur disant que l’Algérie était française. Il est tout à fait normal que celui qui est né ici, qui a ses racines ici, se sente frustré. Je comprends très bien sur le plan psychologique, c’est un comportement tout à fait normal. Mais il est né d’un mensonge. Si l’Algérie était française, on n’aurait pas résisté. On n’aurait pas mené des guerres de libération. Le citoyen français doit comprendre que cette Algérie a été occupée. Ensuite, une page nouvelle a été écrite, en rétablissant la souveraineté de l’Algérie et en la laissant faire son chemin à partir de 1962. Ceci, beaucoup de Français, anciens d’Algérie, ne veulent pas le comprendre et l’Algérie n’a rien à voir là-dedans.

Les médias et la classe intellectuelle doivent dire la vérité au peuple français : « Oui, la colonisation a existé. » Il y a tout un travail d’éducation à faire, notamment auprès de ceux qui diffusent à longueur de journée des contre-vérités. Comme quelqu’un qui se présente comme un historien et vous dit que l’Algérie n’a jamais existé avant 1830. Excusez-moi, c’est trop gros. Nous avons quand même côtoyé le monde depuis bien avant Carthage. L’Algérie était là.

Avec la France, nous avons gardé des rapports parfois assez intenses après 1962. Et ces rapports-là sont fructueux sur pas mal de chapitres. Donc pourquoi ne pas continuer dans ce sens-là, mais en disant la vérité à tout le monde ? Le président Macron a pris des positions assez courageuses pour essayer de lancer ce travail de fond. Mais ces idées-là, pour l’instant, ne trouvent pas tant d’écho en France. Il faudra s’armer de patience et avoir le courage de regarder les situations en face.

Une véritable réconciliation est entravée par un certain nombre de contentieux dont ceux des disparus de la guerre, de la restitution des archives réclamées par l’Algérie, des séquelles sanitaires et environnementales des essais nucléaires au Sahara. Quels gestes la France devrait-elle faire ?

Pour moi, la priorité, c’est les archives. Sur ce plan, les discussions sont menées avec les autorités françaises à des niveaux différents, surtout avec les Archives de France. Nous avons fait du surplace depuis soixante ans. Nous entendons la même chose, nous disons la même chose. On bute sur un problème, qui d’ailleurs est assez paradoxal : seule la France, pratiquement dans le monde entier, a adopté une position qui va à l’encontre du droit international. La convention de Vienne de 1983 énonce que les archives appartiennent au territoire sur lequel elles ont été créées. C’est le grand principe qui est adopté par tout le monde, sauf la France.

La France a adopté une partition selon laquelle les archives dites de « gestion » ont été laissées ou rétrocédées à l’Algérie, tandis que les archives dites de « souveraineté » ont été rapatriées en métropole. Vous avez toujours réclamé la restitution de ces archives de « souveraineté » ? Accepteriez-vous que la France vous envoie ces archives numérisées et garde les originaux ?

Nous réclamons l’intégralité des originaux des archives de souveraineté. Ça, c’est le principe, mais ce principe est discutable. Si les autorités françaises font le tri et considèrent qu’il y a des archives qui ne sont pas juridiquement imputables à l’Algérie, nous pouvons le comprendre. Nous pouvons admettre qu’effectivement, dans la gestion de cent trente-deux années de colonisation, il y a des documents qui reviennent de droit à la France. Il n’a pas de problème là-dessus. Parce qu’il y a eu des archives qui relevaient de la sécurité de la France dans le monde. L’Algérie faisait partie de tout un ensemble de défense, elle faisait partie de l’OTAN. Il est possible que la France dise à propos de ces archives : « Elles nous appartiennent. » Il faudrait juger au cas par cas. Mais comment savoir si ces archives-là ne concernaient que le rôle de la France dans l’OTAN ou si elles engagent aussi l’Algérie à certaines obligations. Le gouvernement algérien est en droit de savoir dans ses rapports internationaux où il met les pieds. Et c’est le rôle des archives de montrer cela.

Et les autres archives de souveraineté qui, à vos yeux, ne relèveraient pas de la « sécurité de la France dans le monde » ?

Pour les autres, le principe n’est pas discutable. La numérisation, c’est non. Nous réclamons la propriété de ces archives. Elles nous appartiennent. Le contraire n’est pas admis. S’il y a accord pour une remise, nous sommes disposés à en faire copie et la remettre à nos partenaires français. Il n’y a pas de problème. Nous en avons discuté longuement.

Venons-en aux essais nucléaires que la France a poursuivis jusqu’en 1966 au Sahara avec l’autorisation de l’Etat algérien, nouvellement indépendant. L’Algérie réclame maintenant la transparence sur les conséquences sanitaires et environnementales de ces essais et même une indemnisation pour les séquelles, toujours sensibles, de ces expérimentations. On a toutefois l’impression que cette affaire a longtemps suscité une certaine gêne au sein du gouvernement algérien.

Le problème a été abordé timidement par les Algériens au début, parce qu’on ne connaissait pas l’ampleur des relations entre Paris et Alger. A mon avis, il n’y a pas d’accord dans les accords d’Evian de mars 1962. Les Algériens sont partis sur un malentendu parce qu’il était question « d’expériences nucléaires ». Les négociateurs algériens avaient compris qu’il s’agissait d’expériences de laboratoire et non d’explosions. Et quand les autorités françaises ont plié bagage, elles ne se sont plus occupées des conséquences de ces explosions, ni de la prise en charge des individus qui ont été touchés. C’est ce qui est frustrant pour les Algériens et surtout pour tous ceux qui en sont victimes.

L’Algérie n’avait pas les moyens scientifiques de prendre en charge les gens contaminés. Pour ce qui est de la contamination physique du terrain, encore moins. Le problème a été ignoré. Seulement, les conséquences continuent, et parfois elles augmentent. J’ai vu des malformations lors de mes visites au Sahara, j’ai vu beaucoup de choses. On a découvert avec le temps que nous n’avions pas les moyens techniques de faire face à l’ampleur du problème.

Après 1962, l’Algérie était préoccupée par son développement. C’était le programme du président Boumediène. Il fallait faire face à d’énormes demandes sociales. Dans ces conditions, les conséquences des essais nucléaires n’étaient pas considérées comme une priorité. D’autant plus que, à ce moment-là, dans les années entre 1960, 1970 et 1980, les séquelles n’étaient pas encore apparues de façon très significatives. Ensuite, l’Algérie n’a pas bénéficié de la stabilité qui lui aurait permis d’avancer sur cette question. Il y a eu les terribles années 1990. Je pense que maintenant la situation est assez stable pour qu’un travail sérieux soit fait des deux côtés. La société civile s’est démenée comme elle a pu, aussi bien en Algérie qu’en France, mais elle n’a pas été entendue pendant longtemps d’un côté comme de l’autre.

Vous admettez que les autorités algériennes ont eu du mal à prendre en compte les demandes de la société civile ?

Oui. On avait organisé énormément de séminaires dans ces régions sahariennes touchées par les essais. Il y avait en effet un malaise en Algérie, le terme est peut-être un peu fort, mais c’est tout comme. Il faut aussi dire que les autorités françaises ont longtemps nié. Mais elles admettent maintenant le problème et nous pouvons donc en discuter.

 

 

 

Propos recueillis par Frédéric Bobin Publié le 28 décembre 2020 à 18h0

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/12/28/l-algerie-reclame-la-restitution-integrale-des-archives-originales-ramenees-en-france-apres-1962_6064681_3212.html
Les archives nationales: un conflit de souveraineté, non un problème d'emmagasinage!
 
«Au terme des Capitulations (signées en 1535 entre François Premier et Soliman Le Magnifique-nda) le gouvernement d'Alger était dans le fait reconnu indépendant. Aussi le Dey, agissant au nom de la Régence... faisait, dès cette époque 1535, des traités directs avec tous les princes de la Chrétienté. Depuis le traité de paix conclu par Louis XIV le 27 Septembre 1689, jusqu'au 12 Juin 1827, date de la présente guerre, c'est-à-dire pendant cent trente huit ans, la bonne harmonie n'a point été troublée entre la France et le Régence d'Alger... Le Traité de 1801 le prouve seul... Le Dey réclame, on le vole; il se plaint, on l'insulte; il se fâche, on le tue.»(Dans : Alexandre de la Borde, député de la Seine: «Au Roi et aux Chambres, sur les véritables causes de la rupture avec Alger et sur l'expédition qui se prépare». Chez Truchet, Libraire, Paris 1830, pp 6-7 et p 108)

L'Algérie est indépendante depuis près de soixante années. La génération glorieuse et héroïque qui a permis à notre pays d'arracher son indépendance, après cent trente deux années de guerre contre l'occupant colonial, disparait peu à peu, et chaque jour apporte sa moisson d'hommes et de femmes qui ont contribué à cette épopée et qui arrivent à la fin de leur passage dans cette vallée de misère.

La Décolonisation Est Loin d'Etre Achevée

Le souvenir même des souffrances endurées par notre peuple s'estompe peu à peu. Pourtant, les traces du système colonial sont loin d'être effacées, malgré le passage du temps.

Le chantier de la décolonisation totale est encore ouvert, ne serait-ce que par l'immense influence de la culture et de la langue de l'ancien colonisateur, qui a été imposée au peuple algérien, malgré sa résistance et à son corps défendant.

Dans ce chantier, la question de la récupération des archives nationales revient de manière récurrente, au gré des relations entre l'Algérie et l'ex-puissance coloniale.

Il faut reconnaitre que les autorités algériennes sont loin d'être sans blâme dans l'immense retard mis à régler cette question, même si l'ancien colonisateur n'a pas fait preuve d'une grande transparence ou d ‘une bonne foi avérée dans le règlement de ce contentieux, pourtant si crucial pour la récupération définitive par l'Algérie de tous les attributs de sa souveraineté nationale, attributs dans lesquels le contrôle de ses archives joue un rôle fondamental.

On a, malheureusement, dans la présentation du sujet au grand public, laissé croire qu'en fait tout le problème tournerait exclusivement autour d'une question de stockage, et qu'il serait indifférent que les cartons contenant des faits et des évènements témoignant, sous différentes formes, de documents écrits à des photos, sans oublier des cartes, et même des crânes, de tel ou tel aspect de la vie administrative, politique, judiciaire, militaire, etc. soient entreposés à Aix-en Provence, à Vincennes, ou à El-Hamma et aux Annassers, ou même placés dans un lieu neutre, sous l'administration conjointe des deux pays, l'essentiel étant qu'ils soient accessibles à tous ceux qui, par curiosité, ou pour des raisons professionnelles souhaiteraient les consulter.

Si, donc, tout le problème autour de la localisation physique de ces archives, il aurait eu, depuis longtemps, disparu de l'ordre du jour des relations entre l'Algérie et la France.

Pourquoi continuer à revenir, de temps à autre, sur une question aussi simple à régler, qui ne demande que de la bonne volonté et de la bonne foi des deux côtés. Même en intégrant dans l'équation la donnée de la capacité de gestion des uns et des autres, on aurait, avec les moyens informatiques, modernes, conçu des solutions garantissant à la fois l'intégrité des archives et le libre accès, et sans restrictions ni censures, de ces archives, à tous et en tout temps.

Or, jusqu'à présent, on est très loin de s'acheminer vers cette situation idéale, pourtant aisée à mettre en place. L'ex-puissance occupante a-t-elle, depuis ces quelque soixante dernières années, fait montre d'une quelconque volonté de reconnaitre à l'Algérie son droit à l'accès sans limites à ce qui constitue son histoire?

On parle bien dans «l'Hexagone» d'une histoire partagée et on est disposé à en disserter à longueur d'années, et on a même ouvert le chemin à l'élaboration d'une histoire commune, qui aboutirait à des relations apaisées, passant par la reconnaissance par l'ex-colonisateur qu'il n'a pas toujours, si ce n'est pas un jour, prouvé, dans son traitement du peuple algérien, qu'il entendait être respectueux de sa vocation «de patrie des droits de l'homme».

Plus On Parle d'Histoire Commune, Plus L'Accès Aux Archives Détenues Par la France Devient Difficile

Alors que ces nobles déclarations deviennent une sorte de devise guidant la tournure définitive de la page coloniale, c'est le contraire que l'on constate sur le terrain.

Les archives nationales algériennes sont en possession des autorités françaises, et leur propriété dans le sens juridique du terme, le droit d'en user ou d'en abuser. L'accès à ces archives, qui racontent une «histoire», que l'ex-puissance coloniale a déclarée maintes fois commune, devient soumis à des restrictions de plus en plus fortes et qui se cachent derrière des arguments de «sécurité nationale».

La guerre d'Algérie, quelle que soient les phases par lesquelles elle est passée, des plus violentes aux plus sournoises, s'est achevée il y a fort longtemps maintenant, et il serait difficile de croire que la révélation d'un fait ou méfait colonial de caractère militaire ou autre interpellerait la sécurité nationale de la cinquième puissance militaire du monde.

De plus, si, comme se plaisent à l'écrire et à le répéter à longueur de média les glorificateurs du passé conquérant de la France, le colonialisme n'a été que bénéfique pour le peuple algérien, et que les «opérations de maintien de l'ordre» entre 1954 et 1962 se seraient déroulées en respect non seulement des lois françaises appliquées indifféremment à tous les Français, donc aux Algériennes et Algériens de souche «nord-africaine», mais également en respect des lois de la guerre, raison de plus pour l'ex-administration coloniale d'ouvrir sans restriction aucune ces archives, toutes portant témoignage d'un colonisateur, et suivant lui et ses défenseurs, plein de bonté pour ses sujets...

Cependant, on constate qu'en fait l'accès aux archives algériennes détenues en France prend le chemin inverse de ce qui est devenu le leitmotiv au cours de ces récents mois, où, de chaque côté de la Méditerranée, on multiplie les déclarations d'amour réciproque.

L'Instruction N1300 Ferme La Porte à La Libre Consultation d'Archives Communes

Il faut ici rappeler l'instruction générale N1300 datée du 30 novembre 2011 (lire le texte complet sur http://www.sgdsn.gouv.fr/uploads/2018/01/igi-1300-franxxais.pdf ) supposée destinée à garantir le secret militaire, mais qui, en fait, a pour objectif essentiel de restreindre l'accès aux archives de l'histoire récente algéro-française, et plus spécifiquement celles traçant ces fameuses «opérations de maintien de l'ordre».

Il n'est nullement question ici ni de critiquer, ni de questionner le droit du gouvernement français, droit reconnu à tous les Etats constitués du monde, de maintenir secrètes toutes les informations relatives à sa sécurité. Mais lorsque les opérations militaires sont officiellement terminées sur le territoire algérien depuis presque six décennies, pourquoi en refuser l'accès quasi totalement?

Car cette instruction n'a pas seulement pour objet de protéger la France contre l'espionnage étranger, et il n'y a rien à dire là-dessus, car l'Algérie en fait de même, mais également de restreindre l'accès à la documentation archivée, donc ayant perdu son importance pour la conduite des actions de défense nationale. On comprend parfaitement que certaines informations ne soient pas diffusées au public et qu'elles fassent l'objet d'une circulation extrêmement limitée, parce qu'elles concernent des actions ou des décisions d'importance actuelle pour le maintien de la sécurité et de la défense nationale. Il ne s'agit nullement d'exiger de la France qu'elle partage ses secrets-défense avec le gouvernement algérien, en supposant même que ces secrets pourraient contenir des éléments préjudiciables à la sécurité nationale algérienne.

Ce qui est demandé, c'est que tous les documents archivés, reconnus donc officiellement obsolètes, soient accessibles sans autorisation préalable aux autorités algériennes, à leurs chercheurs, lorsqu'elles intéressent l'histoire partagée de la colonisation.

Les Déclarations de Principe, Des Paroles Vides Que Contredisent Des Décisions Officielles Les Violant

On ne peut pas à la fois œuvrer pour une commission mémorielle destinée à apaiser les esprits des deux côtés de la Méditerranée, et de l'autre refuser la transparence la plus élémentaire qui consiste à ouvrir totalement et sans restriction les archives relatives à cette douloureuse période que l'on veut dépasser.

Y a-t-il schizophrénie de la part des Algériennes et Algériens à interpréter cette instruction comme en fait mettant l'embargo sur une partie de l'histoire commune algéro-française? Rien n'est plus faux. Même l'association des historiens américains, par une lettre du 23 novembre 2020 (lire sur https://www.historians.org/news-and-advocacy/aha-advocacy/aha-statement-concerning-access-to-french-archives-(november-2020), c'est-à-dire un peu d'un mois avant la date de publication de cet articles, lettre adressée au Conseil d'Etat français, s'est insurgée contre les mesures restrictives, apparemment rendues encore plus rigoureuses sous la Présidence française actuelle, concernant l'accès aux archives militaires du Château de Vincennes, dont une bonne partie concerne les opérations en Algérie. Voici ce que dit, entre autres, cette lettre:

«Nous sommes alarmés d'apprendre, de nos collègues en France et ailleurs autour du monde, que les changements dans la réglementation rendent actuellement certaines sources bien connues, et bien d'autres encore à analyser, pratiquement inaccessibles, même à des chercheurs professionnels. Il n'y a pas de raison de croire que ces changements sont temporaires, puisqu'aucune nouvelle procédure effective de dé-classification n'a pas encore été mise en place.»

Les déclarations de principes ressortent moins de la bonne volonté promise ou affichée ne sont rien d'autre que du cynisme banal d'Etat, qui, par de belles paroles, cache des desseins contraires à ces principes. On promet l'ouverture, l'écoute, on jure de révéler tous les crimes commis au nom de «l'œuvre civilisatrice», que d'ailleurs le peuple algérien n'a jamais réclamée, et, en même temps et simultanément, on fait tout pour les cacher, et on contrôle leur révélation pour en faire, à très petites doses, des témoignages de bonne volonté.

On a ainsi monté en épingle la révélation de l'affaire criminelle qui a abouti à la torture et à l'exécution sommaire de Maurice Audin, un citoyen français de plein droit et sans qualification aucune. Mais on fait tout pour cacher d'autres crimes autrement plus sinistres et plus fréquents au cours des «opérations de maintien de l'ordre».

Garder le contrôle de la divulgation de tel ou tel crime d'état et le révéler pour en tirer un profit circonstanciel ne peut pas s'appeler : confession ou reconnaissance de crime. Cela ressortit plutôt de la manipulation éhontée de l'opinion publique pour redorer son blason auprès d'elle.

On n'a pas besoin de symbole; on veut la clarté la plus grande et la transparence la plus totale dans les exactions commises par les forces de l'ordre françaises sur le territoire algérien, et pas seulement entre 1954 et 1962, où la violence coloniale a atteint un niveau supérieur et de loin à la violence des Bugeaud, St Arnault, Clauzel, et tous les autres criminels qui ont pillé, volé, tué, poussé à la famine, déculturé tout un peuple, sous le couvert de la civilisation et de la lutte contre «le fanatisme musulman». Bigeard, Massu et tous les officiers et soldats français et leurs mercenaires algériens se sont montrés dignes de figurer dans le panthéon des criminels contre l'humanité, qui les ont pourtant précédés en des temps où la notion de droit de l'homme, dont la France se prétend l'auteur et la patrie, n'existait pas encore dans la terminologie politique.

Appliquer la Convention de Vienne du 8 Avril 1983

Comme il semble bien que le dialogue de sourds continue entre les autorités algériennes et le Gouvernement français qui veut, en même temps, enterrer à son profit le vaste contentieux historique qu'il a accumulé dans notre pays en 132 années de guerre contre notre peuple, la solution la plus adéquate, et celle qui met à l'épreuve la bonne foi des uns et des autres, est que les négociations dans ce domaine prennent pour guide la Convention de Vienne sur les Archives dans les Situations de succession d'Etat.

Le texte de cette convention a été établi par la Commission du Droit international sous l'égide des Nations Unies, et l'Algérie tout comme la France ont joué un rôle important dans sa mise au point. Cette convention prend en compte les intérêts tant de l'ex-puissance occupante que de l'Algérie. Il n'y a aucune raison pour qu'elle ne serve pas de guide dans les négociations, d'autant qu'elle permettra à la Commission mémorielle, sur laquelle se sont mis d'accord les deux chefs d'Etat, d'aboutir à une vraie réconciliation, non pas seulement à régler le contentieux historique au profit exclusif de la France.

On comprend qu'il faille regarder l'avenir, mais sans que l'un ou l'autre des deux pays n'ait à renoncer totalement à son histoire. L'Histoire est toujours lourde à assumer, mais aucun pays ne renonce à elle ou fait tout pour l'oublier. Chaque pays, chaque nation doivent assumer tous les faits de leur histoire, des plus nobles aux plus détestables.

Ce qui est demandé à l'Algérie est raisonnable à condition que la France en fasse de même pour son histoire, qu'elle l'efface, qu'elle détruise l'Arc de Triomphe, qu'elle enlève de ses rues tous les noms de généraux, qu'elle ne fête plus le 14 Juillet, et qu'elle reconstruise Oradour-sur-Glane et qu'elle rase le Panthéon et ne parle plus ni des déportés, ni de la résistance. Arguer du fait que les uns et les autres n'étaient pas nés lors de l'invasion et de l'occupation barbare de l'Algérie est un argument de mauvaise foi: Mme Angela Merkel n'était pas née lors du Troisième Reich, pourtant elle continue à assumer, au nom du peuple allemand, les crimes commis sous la dictature d'un homme qu'elle n'a jamais connu et qu'elle n'a jamais applaudi ou glorifié.

Ce qui est demandé aux Algériens c'est une amnésie à sens unique au nom du futur, comme si le passé pouvait être effacé.

La Convention de Vienne, négociée pendant 6 années, de 1976 à 1983, est plus conforme à l'équité que l'imposition unilatérale d'une vision au profit d'une seule des parties, et selon ses propres desseins. Il est utile de rappeler ici les points les plus importants de cette convention, telle que présentés par Jean Monnier dans son article intitulé «La Convention de Vienne sur la succession d'Etats en matière de biens, archives et dettes d'Etat» (Annuaire Français de Droit International Année 1984 30 pp. 221-229) .

Voici ce qu'il écrit:

«La Convention de Vienne sur la succession d'Etats en matière de biens, archives et dettes d'Etat a été adoptée à l'issue d'une Conférence qui a siégé du 1er mars au 8 avril 1983 dans la capitale autrichienne, et les modalités de gestion de la transmission des archives, en cas de succession d'Etats, « ne doivent pas porter atteinte au droit des peuples de ces Etats au développement, à l'information sur leur histoire et à leur patrimoine culturel ». (art. 28,

«Celle-ci englobe en effet, d'après l'article 20 de la Convention, « tous les documents, quelles que soient leur date et leur nature, produits ou reçus par l'Etat prédécesseur dans l'exercice de ses fonctions qui, à la date de la succession d'Etats, appartenaient à l'Etat prédécesseur conformément à son droit interne et étaient conservés par lui directement ou sous son contrôle en qualité d'archives à quelque fin que ce soit ». (pp. 223-226)

En conclusion:

Il n'est nullement question ici d'argumenter en faveur d'un quelconque geste de repentance, de demande d'excuses ou de pardon de la part de l'ex-puissance coloniale. L'auteur considère que ces demandes sont non seulement impossibles à accepter par ce pays, mais encore n'ont aucun rapport avec la capacité de l'Algérie de les imposer de quelque manière que cela.

Il considère aussi que, loin de prouver la volonté des autorités algériennes d'exiger réparation pour les crimes commis contre notre peuple, ces demandes ne sont rien d'autre qu'un refus de la part de ces autorités de prendre leurs responsabilités totales en matière de politique de décolonisation.

D'ailleurs ces revendications, ridicules parce qu'impossibles obtenir, n'ont, jusqu'à présent, fait l'objet que de déclarations sans suite et sans mesures appropriées les rendant crédibles. Les autorités algériennes, toutes fonctions incluses, doivent soit s'abstenir de répéter ce genre de demandes, soit d'aller jusqu'au bout de leur revendication de justice en remettant à plat tous les aspects des relations entre l'Algérie et la France, y compris le problème linguistique, la formation des élites algériennes, l'émigration et bien d'autres aspects. Il faut souligner qu'une partie de l'opinion publique française continue à croire que l'épopée coloniale était une entreprise civilisatrice noble, qui mériterait de continuer à être glorifiée.

La France continue à se présenter comme la patrie des droits de l'homme et il n'est nullement question de lui dicter ce qu'elle doit faire pour se montrer à la hauteur de son moralisme humanitaire affiché.

Il est toutefois regrettable qu'au lieu d'assumer la partie de son histoire la plus sinistre, elle ait décidé de se défausser sur les anciens peuples qu'elle a dominés, pour effacer cette histoire, sous couvert de réconciliation et de regard vers l'avenir, ou en faire partager les responsabilité à ces peuples.

La création de la commission mémorielle algéro-française n'a de sens que si toutes les archives actuellement contrôlées unilatéralement par l'ancienne puissance, qui, depuis quelque temps, en restreint de plus en plus l'accès aux non-français, fassent l'objet d'une négociation de bonne foi qui aille au-delà de la simple discussion des lieux de stockage, et prennent pour guide la convention internationale de 1983.

La France ne peut pas contrôler unilatéralement ces archives tout en prêchant pour une approche concertée de l'histoire partagée des deux pays, histoire dans laquelle le peuple algérien a été victime d'une agression unilatérale contre laquelle il n'a fait que se défendre.

Qui oserait justifier Oradour-sur-Glane en arguant du fait que la violence était réciproque pendant la 2de Guerre mondiale, puisque les avions alliés détruisaient les villes allemandes, donnant le droit aux forces d'occupation allemandes de détruire elles aussi les villes et villages français et d'exécuter sans jugement des résistants français?

Et, pourtant, c'est ce type d'arguments spécieux qui continue à être mis en avant par ceux qui veulent justifier l'injustifiable des crimes commis par l'armée et l'administration coloniale en Algérie.

Enfin, il n'y a pas de colonialisme bienfaisant, et il n'y a pas de colonisé heureux, qu'il soit soumis à la botte de la patrie des droits de l'homme, ou aux élucubrations pseudo-historiques des sionistes génocidaires.
 
 
 
Dec 28,2020
par Mourad Benachenhou
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5296939
 

Rédigé le 30/12/2020 à 22:22 dans colonisation, Culture, Guerre d'Algérie, Société | Lien permanent | Commentaires (0)

« Nous, Algériens, devons porter un regard critique sur notre histoire récente pour rouvrir un avenir à la révolution »

 

La séparation de la religion et de l’Etat ou la démilitarisation de la société sont deux thèmes sur lesquels la société algérienne devrait se pencher, estiment les historiens Mohammed Harbi et Nedjib Sidi Moussa.

 

Les autorités algériennes ont organisé un référendum constitutionnel [dont l’objectif était d’aller vers un système semi-présidentiel] le 1er novembre, date anniversaire du déclenchement de la lutte armée contre le colonialisme. Plus d’un an après les manifestations historiques appelant au rejet de l’élection présidentielle, cette initiative d’un pouvoir aux abois a été perçue comme une tentative de revenir à la situation antérieure au 22 février 2019, tout en essayant de raviver un mythe largement érodé.

Certes, le reflux du mouvement populaire est incontestable. Pourtant, malgré une sévère répression et la pandémie de Covid-19, les Algériens ne sont pas dupes : le scénario mis en place ne répond en aucun cas à la volonté de changement exprimée dans les rues du pays, mais a plutôt à voir avec les luttes entre factions rivales au sein de la classe dominante. L’abstention massive [seuls 23,7 % des électeurs se sont déplacés] démontre la lucidité de la population.

Complexité des faits

Pour notre part, plutôt que de déplorer l’instrumentalisation par le gouvernement d’une date symbolique, nous estimons qu’il est nécessaire de porter un regard critique sur notre histoire récente ; non pas pour associer nos voix à celles qui souhaiteraient enterrer définitivement les espoirs de transformation sociale mais, au contraire, pour rouvrir un avenir à la révolution.

Pour ce faire, il nous appartient de rompre avec la sacralisation ou les légendes entourant le geste indépendantiste, car elles nourrissent un obscurantisme chauvin et constituent des obstacles psychologiques à toute velléité de rupture. Il s’agit donc de nous départir d’une pensée mutilée et de faire en sorte que le souvenir des combats passés n’entrave pas les luttes actuelles.

N’ayons pas peur de nous confronter aux faits historiques dans toute leur complexité. D’autant que les protagonistes de novembre 1954 n’ont pas vocation à être sanctifiés ni démonisés. Ils doivent d’abord être compris selon leurs itinéraires, leurs actes et leurs intentions ; à savoir débloquer une situation de crise en tenant compte de la conjoncture internationale, afin de renverser un ordre injuste.

Cela revient à évaluer les contributions des vivants, des survivants, qui ont pesé sur les destinées du pays depuis l’indépendance, à rebours d’une lecture par trop morbide et focalisée sur les martyrs tombés au champ d’honneur ou sous la torture coloniale. En effet, nous parviendrons à contrer la « fuite en arrière » en renouant avec un humanisme qui était déjà en gestation chez les pionniers de l’indépendance, tout en dépassant leurs limites propres.

Violence légitime et terrorisme aveugle

De plus, la mémoire ne saurait être confondue avec l’histoire, au risque de la diluer dans le ressentiment, des deux côtés de la Méditerranée. Précisons qu’une expérience partagée n’aboutit pas toujours à une histoire commune. Si la nature des liens entre les sociétés algérienne et française a considérablement évolué depuis 1962, les discours nostalgiques ou revanchards sont à balayer, tout comme les schémas périmés.

Le recours à certaines formes de violence s’est avéré nécessaire voire légitime aux yeux des colonisés pour se libérer. Reconnaître cette réalité n’implique pas pour autant l’adhésion a posteriori au paradigme de la lutte armée, qui minimise ou évacue la place de la résistance civile, des sensibilités politiques, du mouvement syndical, des travailleurs émigrés, des intellectuels, des artistes, etc.

« La conquête des libertés démocratiques ne peut s’envisager au détriment des préoccupations concrètes de ceux privés de citoyenneté »

Certaines modalités, comme le terrorisme aveugle, ont contribué à souder dans la peur la communauté européenne et à démanteler les directions indépendantistes avec la « grande répression d’Alger » de 1957. Et il nous reste à établir le bilan des violences entre nationalistes, sans relativiser les responsabilités des forces françaises de répression.

Si la révolution ne saurait se réduire au recours à la violence physique légitime dans le but de s’émanciper de la tutelle coloniale, ce processus n’en a pas moins été bloqué, dans la mesure où il n’a pas pu surmonter les contradictions de la société algérienne pour consacrer le triomphe des libertés individuelles et collectives.

Mais rouvrir un avenir à la révolution, c’est aussi répondre aujourd’hui aux exigences de la majorité de la population qui ne saurait se contenter de slogans favorables à l’instauration d’un « Etat de droit » ou d’un « état civil », par le recours hypothétique à une Assemblée constituante, renouant ainsi avec le mot d’ordre porté sans réelle stratégie par le mouvement indépendantiste.

Nouveau rapport de forces

Nous pensons que la conquête des libertés démocratiques ne peut s’envisager au détriment des préoccupations concrètes des citoyens privés de citoyenneté. La remise en cause, dans les faits, des mécanismes de prédation, de la corruption de l’administration et de l’arrogance des tenants du pouvoir est une condition nécessaire, mais non suffisante.

En effet, la consécration des libertés d’expression ou de rassemblement ne procédera que de la constitution d’un nouveau rapport de forces, en s’appuyant sur les luttes sociales et sur la mobilisation de larges pans de la population, afin de desserrer l’étau répressif, pour arracher la libération de tous les détenus, et faire vaciller l’ordre patriarcal sur lequel repose le régime militaro-policier.

De même que la dignité ne se négocie pas, l’égalité entre les femmes et les hommes ne saurait demeurer un principe abstrait derrière lequel se cachent les bonnes consciences. Les crimes et violences qui choquent l’opinion ne trouveront pas de solution avec la peine de mort, mais par l’abolition de pratiques archaïques légitimées par la tradition et la religion.

Nous invitons enfin à affronter les problématiques trop souvent évacuées par les progressistes, comme la séparation de la religion et de l’Etat ou la démilitarisation de la société. Sans une révolution culturelle qui s’articulerait à une révolution sociale, les espoirs suscités par le Hirak resteront hors de portée, et pour longtemps.

 

 

Nedjib Sidi Moussa(Historien) et Mohammed Harbi(Historien

Publié le 28 novembre 2020 à 06h00 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/11/28/algerie-nous-devons-porter-un-regard-critique-sur-notre-histoire-recente-pour-rouvrir-un-avenir-a-la-revolution_6061453_3232.html

 

Rédigé le 30/12/2020 à 22:08 dans Culture, Guerre d'Algérie, Politique, Société | Lien permanent | Commentaires (0)

Affaire Mme Maya: Le verdict connu le 31 décembre en cours

image from www.aps.dz

 

TIPASA - Le verdict du procès en appel de l’affaire Nechnache Zoulikha Chafika, dite Mme Maya, poursuivie dans des dossiers de corruption avec d’autres anciens hauts responsables, sera prononcé le 31 décembre en cours, a annoncé, dimanche soir, la présidente de la chambre correctionnelle à la Cour de Tipasa.

A l'issue du procès en appel de deux jours qui a débuté samedi, et après l’audition des accusés et des témoins, le réquisitoire du parquet général qui a requis des peines d’emprisonnement ferme allant de 10 à 15 ans à l’encontre des principaux prévenus, la Cour a mis l’affaire en délibéré, le verdict étant fixé au 31 décembre en cours.

Au deuxième jour du procès, les avocats du collectif de défense ont présenté leurs plaidoiries en faveur des accusés de cette affaire, au nombre de 14, dont Mme Maya, condamnée en première instance par le tribunal de Chéraga à 12 ans de prison ferme.

Au début de l’audience, les plaidoiries ont porté sur «un débat juridique», lors duquel le collectif de défense a plaidé  la nullité des procédures de poursuite judiciaire, vu que les accusés sont poursuivis dans le cadre de la loi sur la corruption de 2006, tandis que les faits dans cette affaire remontent à 2004. Ainsi, le collectif a plaidé la prescription de l’action et a contesté la validité des procédures de la police judiciaire.

En réponse à ces arguments, le représentant du parquet les a déclarées irrecevables, mettant en avant que la demande de la prescription de l’action publique était infondée, d'autant que les officiers de la police judiciaire avaient saisi en février 2017 au domicile de la prévenue, des sommes d’argent «considérables» issues de fonds suspects, avant de confirmer que toutes les formalités légales avaient été respectées dans cette affaire.

Sont poursuivis dans cette affaire de Nechnache Zoulikha Chafika dite Mme Maya, les deux filles de cette dernière, Imène et Farah (en liberté), ainsi que Abdelghani Zaalane et Mohamed Ghazi (et son fils Chafik), poursuivis respectivement en qualités d'ex walis d'Oran et de Chlef, et l'ancien directeur général de la Sûreté nationale, Abdelghani Hamel.


Lire aussi: Reprise du procès de "Mme Maya" : des peines de 10 à 15 ans de prison ferme requises


Les griefs retenus contre les accusés dans cette affaire sont notamment "blanchiment d’argent", "trafic d’influence", "octroi d’indus avantages", "dilapidation de deniers publics", "incitation d’agents publics pour l’octroi d’indus avantages" et "transfert illicite de devises à l’étranger".

A cet effet, les avocats du collectif de défense ont plaidé l'acquittement de leurs clients des charges qui leur sont reprochées, soulignant que les médias ont contribué à l’amplification de l'affaire, en la qualifiant d'affaire d'opinion publique et à la condamnation de l'accusée, en lui collant, délibérément, la qualité de fille prétendue du Président.

Cette qualité a été niée par l'accusée pendant le procès, tandis que l'ancien wali de Chlef, Mohamed Ghazi a confirmé qu'elle s'était présentée à lui comme étant le fille de l'ancien Président lorsqu'il l'a reçue dans son bureau pour la faire bénéficier de facilitations et de services dans le cadre d'un projet d’investissement.

Un avocat de l’accusée principale, Nachinache Zoulikha-Chafika a argué que sa cliente était une femme d'affaires réputée dans les milieux des finances et des affaires,et ce bien avant de faire connaissance avec l'ancien wali de Chlef, Mohamed Ghazi, sur recommandation de l'ancien président de la République, Abdelaziz Bouteflika, en tant qu'ami de son père, une relation qui remonte à la Guerre de libération nationale.

Cette recommandation lui a permis d’établir une relation avec l’ancien wali Ghazi, qui avait octroyé à Mme Maya un projet de réhabilitation d'un parc d'attractions à Chlef, d'une superficie de 15 hectares mais aussi de bénéficier d'un autre terrain de 5000 mètres carrés, en plus d’un logement public locatif.

Concernant "la charge de transfert illégal de devises à l'étranger", il a ajouté que sa cliente souffrait d'une maladie "chronique", c'est pour cette raison qu'elle se rendait fréquemment dans les capitales européennes pour se faire soigner, soulignant que pour la même raison (sa maladie), elle avait inscrit son patrimoine au nom de ses deux filles pour barrer la route à la ‘Issaba’. Cet argument a été avancé pour la soustraire au délit de blanchiment d'argent.

De son côté, les avocats de Mohammed Ghazi (ancien wali de Chlef), de Abdelkader Zaalane (ancien wali d'Oran) et d’Abdelghani Hamel (ancien Directeur général de la sûreté nationale) ont plaidé l'acquittement de leurs clients, condamnés en première instance au tribunal de Chéraga, à des peines de 10 ans de prison chacun.


Lire aussi: Affaire Mme Maya : Reprise du procès avec les plaidoiries de la défense


Ils ont souligné que leurs clients, tous des anciens responsables, étaient tenus d'exécuter les ordres du président de la République sans discussion, tandis que la défense de l'accusé Abdelghani Zaalane a plaidé pour l'adaptation des faits en faveur de son client (Zaalane), car ce dernier était "victime d'escroquerie", alors qu'il est poursuivi pour "dilapidation de derniers publics", un grief sans fondement étant donné que Zaalane a annulé les décisions d'affectation octroyées à un investisseur et un entrepreneur, après l'intervention de Ghazi et de Nachinache.

Après avoir réalisé qu'il était victime d'escroquerie, Zaalane est revenu sur ses décisions, faisant ainsi preuve de bonne foi.

Les plaidoiries des avocats du collectif de défense des autres accusés se sont poursuivies, demandant l'acquittement de leurs clients, à l'instar des deux filles de la principale accusée, en l'occurrence Farah et Imène, du fils de Mohamed Ghazi "Chafik", de l'entrepreneur "Abdelghani Belaid", de l'investisseur "Benaila Miloud" et des autres accusés avant la levée de l'audience qui s'est déroulée à la Cour de Tipasa.

Le représentant du parquet général a requis, lors de la séance d'hier, une peine de 15 ans de prison ferme assortie d'une amende de 6 millions DA contre "Mme Maya" et 15 ans de prison ferme assortie d'une amende de 1 million DA contre Mohamed Ghazi et Abdelghani Zaalane.

Il a également requis une peine de 10 ans de prison ferme assortie d'une amende de 6 millions DA contre les filles de "Mme Maya", Imane et Farah (en état de liberté).

Dans le cadre de la même affaire, une peine de 12 ans de prison ferme assortie d'une amende de 1 million DA a été requise contre l'ancien directeur général de la Sûreté nationale, Abdelghani Hamel, alors que des peine de 5 et 12 ans de prison ferme ont été requises contre cinq (05) autres accusés, dont Chafik Ghazi (fils de Mohamed Ghazi) et le député à la retraire Omar Yahiaoui (en fuite à l'étranger).

Le représentant du parquet général a également confirmé la décision de confisquer les biens de Mme Maya et de ses filles, Farah et Imène.

 

 Publié Le : Lundi, 28 Décembre 2020

http://www.aps.dz/algerie/115025-affaire-mme-maya-le-verdict-connu-le-31-decembre-en-cour

 

 

 

L’ancien chef des renseignements sous mandat de dépôt : Nouvelles charges contre Bachir Tartag

Bachir Tartag, ancien patron des services de renseignement et général-major à la retraite

 

Condamné à 15 ans de réclusion criminelle pour «complot contre l’autorité de l’Etat et de l’armée», l’ancien patron des services de renseignement, le général-major à la retraite Bachir Tartag, vient d’être rattrapé par l’affaire de Mme Maya et celle d’El Wafi Ould Abbès, fils de l’ancien secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès.

Une enquête a été ouverte au niveau du tribunal militaire de Blida sur les conditions dans lesquelles les fonds récupérés lors des perquisitions opérées par les éléments de ses services au domicile de Mme Maya, à Moretti, et à celui d’El Wafi, à Club des Pins, ont été pris en charge, ce qui a abouti à la mise sous mandat de dépôt de l’ancien patron des services de renseignement par le magistrat instructeur qui lui reproche, nous dit-on de source sûre, de «n’avoir pas respecté la procédure».

Le 20 décembre dernier, un autre officier, de la police judiciaire auprès de l’antenne d’Alger, de la sécurité intérieure a été également placé en détention pour les mêmes faits. En fait, l’affaire de Mme Maya, dont le procès en appel s’est ouvert à la cour de Tipasa et le verdict sera prononcé jeudi 31 décembre 2020, a fait couler beaucoup d’encre et de salive.

Les nombreux avocats constitués dans cette affaire se sont majoritairement interrogés sur le fait que l’information judiciaire a été ouverte en février 2017, en vertu de laquelle une perquisition a été effectuée dans la villa de Mme Maya, où 95 millions de dinars et 17 kg d’or ont été saisis, selon le parquet de Chéraga. Quelques jours après, «un ordre» a été donné pour stopper l’enquête.

Le dossier mis au vert

 

Les mis en cause ont été libérés et le dossier mis au vert durant 26 mois. Ce n’est que le 7 juillet 2019 que les services de la Gendarmerie nationale ont repris l’enquête, sur instruction du tribunal de Chéraga, en auditionnant toutes les personnes impliquées, lesquelles ont été présentées et placées en détention. Reste cependant la somme de 95 millions de dinars, récupérée au domicile de Mme Maya par les officiers de la sécurité intérieure.
N’ayant pas de compte ni de coffres, ces derniers l’auraient gardée durant un moment avant de la déposer à la Banque centrale, ce qui, pour le tribunal, constitue «une violation de la procédure».

Idem pour l’affaire des enfants de l’ancien secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès, notamment El Wafi, en fuite à l’étranger, poursuivis et condamnés pour avoir «monnayé» les candidatures FLN à la députation lors des législatives de 2017.

En effet, en mars 2017, des officiers de la sécurité intérieure ont procédé à l’interpellation d’El Wafi, à l’entrée de Club des Pins où il réside, au moment où il venait d’encaisser la somme de 20 millions de dinars et 200 000 euros, avant que son domicile ne soit perquisitionné et des documents récupérés. Derrière l’éclatement de ce scandale, le député FLN Bahaeddine Tliba, ex-vice-président de l’Assemblée nationale. Avec l’ex-patron des renseignements Bachir Tartag, il fait tomber les deux enfants de Djamel Ould Abbès, Skander et El Wafi, et l’ancien secrétaire général du ministère de la Solidarité, Khelladi Bouchenak, l’homme de confiance de Djamel Ould Abbès.

Arrêtés, les mis en cause sont relâchés par la suite sur «ordre», le dossier mis sous le coude et le statut de Bahaeddine Tliba bascule de celui de dénonciateur à celui d’inculpé deux ans après. Privé de son immunité parlementaire, il prend la fuite vers l’étranger, mais revient quelques semaines après, dans des conditions troublantes. Il sera condamné à une peine de 7 ans de prison ferme au même titre que Skander Ould Abbès, alors qu’El Wafi a écopé, par défaut, d’une peine de 20 ans de prison.

Là aussi, la défense de Tliba est revenue sur les circonstances de cette affaire, ressuscitée après son classement deux ans auparavant.
Les dossiers de Mme Maya et des enfants de Ould Abbès ont fait l’objet d’une enquête au niveau du tribunal militaire de Blida. Les premières décisions ont été d’abord de placer sous mandat de dépôt l’ancien patron des services de renseignement Bachir Tartag et l’officier de la police judiciaire de l’antenne de la sécurité intérieure d’Alger.

Pour l’instant, ce n’est que le début des investigations qui, visiblement, concernent essentiellement le «non-respect de la procédure», nous dit-on.

 
 
 SALIMA TLEMCANI
 
29 DÉCEMBRE 2020 

https://www.elwatan.com/a-la-une/lancien-chef-des-renseignements-sous-mandat-de-depot-nouvelles-charges-contre-bachir-tartag-29-12-2020

 

 

Mme Maya, la prétendue fille du président déchu condamnée à 12 ans de prison

 

Une  peine de 12 ans de prison ferme, assortie d’une amende 6 millions de dinars a été infligée par la chambre pénale de Tipaza, à la prétendue fille du président déchu, Mme Maya, de son vrai nom Zoulikha Nachineche, alors que deux autres de 10 ans de prison ferme, et de 8 ans de prison ferme, ont été retenues contre respectivement, l’ex-patron de la police, Abdelghani Hamel, l’ex-ministre du Travail, Mohamed Ghazi, ainsi que l’ex-ministre des Travaux publics, Abdelghani  Zaalane.

La chambre pénale près la cour de Tipaza, a rendu aujourd’hui son verdict relatif à l’affaire « Mme Maya », prétendue fille du président déchu, poursuivie pour entre autres : « trafic d’influence, blanchiment d’argent, transfert illicite de fonds vers l’étranger et corruption ».

Mise en délibérée dimanche dernier, après un procès de trois jours,  Mme Maya, de son vrai nom Zoulikha Nachinèche, a été condamnée à 12 ans de prison ferme, une amende de 6 millions de dinars, alors que ses deux filles Imène et Farah, ont écopé de 5 ans de prison, d’une amende de 3 millions de dinars, de la confiscation de leurs passeports, mais aussi de tous leurs biens ainsi que ceux de leur mère. Farah et Imène, sont soumises à une période de sûreté de 2 ans au cours de laquelle, elles sont privées de leurs droits civiques.

La cour a condamné par ailleurs, la mère et les deux filles à  dédommager le trésor public, pour le préjudice qu’il a subi et  évalué à 600 millions de dinars. Elle a prononcé la peine de 10 ans (au lieu de 12 ans ferme retenue par le tribunal), assortie d’une amende d’un million de dinars, contre l’ex-ministre du Travail, Mohamed Ghazi et l’ancien patron de la police, Abdelghani Hamel, et 8 ans de prison ferme (au lieu de 10 ans) contre l’ex-ministre des Travaux publics, Abdelghani Zaalane, assortie d’une amende d’un million de dinars. 

Une peine de 10 ans de prison ferme assortie d’une amende d’un million de dinars, a été retenu contre les prévenus en fuite, à savoir, Mohamed Cherifi, connu sous le nom de Siousiou et l’ex-député Ammar Yahiaoui et condamné Mustapha Boutaleb, à 7 ans de prison ferme et une amende d’un million de dinars, Belkacem Bensmina et Goudjil, à 2 ans de prison ferme, ainsi que Chafi Ghazi, le fils de l’ex-ministre Mohamed Ghazi, à 18 mois de prison.

La cour a d’autre part infligé des sanctions pécuniaires réclamées par le trésor public aux prévenus. Ainsi, en plus de 600 millions de dinars que Mme Maya et ses deux filles devront payer, Ammar Yahiaoui et Mohamed Chérifi, en fuite sont condamnés, chacun de son côté,  à s’acquitter de la somme de 10 millions de dinars, Mohamed Ghazi, 7 millions  de dinars, abdelghani Hamel, 3 millions de dinars, Miloud Benaicha, 2 millions de dinars, Abdelghani Zaalane, un million de dinars et Boutaleb, 100 000 DA. 

 

 

SALIMA TLEMÇANI
31 DÉCEMBRE 2020

https://www.elwatan.com/edition/actualite/mme-maya-la-pretendue-fille-du-president-dechu-condamnee-a-12-ans-de-prison-31-12-2020

 

 

 

ME MAYA, SES LIENS SUPPOSÉS AVEC BOUTEFLIKA ET LES AFFAIRES

Le visage caché d'une arnaque

 
©
 
 

 

Pendant presque vingt ans, l’existence de la fille cachée d’Abdelaziz Bouteflika  n’était  qu’une  simple  rumeur,  une  banale  usurpation d’identité. Confortée par le silence du président de la République qui avait des liens réels avec Mme Maya, cette prétendue filiation a pris la dimension d’un grand scandale de corruption.

e suis une femme d’affaires.” C’est en ces termes que Zoulikha Chafika Nachinachi, née le 14 novembre 1958, s’est présentée à la présidente de la chambre pénale près la cour de Tipasa, le samedi 26 décembre. Vêtue de noir, les cheveux teints, parfaitement coiffés et coquettement couverts d’un châle Monogram  Louis  Vuitton  marron aux  contours dorés (sans doute original), elle garde, à la barre pendant presque une heure, une attitude stoïque et dédaigneuse. Elle se montre autrement que lors de son procès au tribunal de Chéraga, où, portant une djellaba, elle est apparue beaucoup moins arrogante.

Devant la juge de siège, elle s’exprime avec éloquence et assurance, donnant des réponses précises et étudiées, comme si elle les avait apprises. De temps à  autre, un  de  ses avocats ou  sa  fille Farah  lui  soufflent  discrètement ce qu’elle  doit  dire.   Au  bout  de  la  troisième  intervention,  la  magistrate  les interpelle :  “Éloignez-vous d’elle.   N’intervenez  plus  dans  l’audition.  Je répéterai autant de fois qu’il le faudra la question pour qu’elle la comprenne. Pour le moment, elle se débrouille très bien.” Paradoxalement, la prévenue privilégie l’usage de l’arabe sans trop châtier la langue qu’elle prétendait ne pas maîtriser. 

À l’issue de l’interrogatoire, elle rejoint le banc des accusés, le visage figé, sans sourire, ni crispation. Il s’illumine furtivement par les regards tendres, échangés avec ses deux filles, Imène et Farah, condamnées en première instance à cinq ans de  prison  ferme  sans  mandat de dépôt. “Elle a une relation fusionnelle et protectrice avec ses deux filles.

Elle a mis des biens  à  leur  nom  pour qu’elles  soient  à  l’abri, quand les médecins lui ont donné une espérance de vie de six mois”, nous confie Me Abdelaziz Medjdouba, avocat de la famille. Mme Nachinachi a démenti les pronostics pessimistes du corps médical, en gagnant sa bataille contre un cancer invasif. Elle est, toutefois, rattrapée par la fatalité. Actuellement, elle est atteinte d’un mélanome, selon des membres du collectif de sa défense. Ses jours sont à nouveau comptés.

“Elle a été diabolisée. Pourtant c’est une femme très généreuse”, atteste le bâtonnier de  la  région  de  Blida. “Elle  offrait  souvent  des omras à des personnes démunies. Elle a financé le transfert à l’étranger pour soins d’un malade atteint d’un cancer. Une partie de l’argent  trouvée chez elle était destinée à la construction d’une mosquée”, poursuit-il, tentant d’enlever à sa mandante la réputation de dame cupide, calculatrice et manipulatrice. 

“On l’appelle la princesse de Moretti, la sulfureuse Maya… Elle n’est qu’une mère de famille qui paie pour sa proximité avec le président déchu”, insiste notre interlocuteur. Connaissait-elle réellement l’ancien chef de l’État Abdelaziz Bouteflika ? “Oui, elle faisait partie de son milieu familial. Le président a fait un transfert d’affection sur ses filles. Les trois femmes lui rendaient souvent visite pendant sa maladie”, atteste-t-il. Il anticipe sur l’incontournable question : “Elle n’est pas la fille biologique de Bouteflika. L’année de sa naissance, il était à Oujda. Sa mère n’a jamais quitté le territoire national. Une union entre eux était impossible.” 

Le père de Zoulikha Nachinachi a  combattu au maquis  aux  côtés  de de Houari Boumediène  durant  la  guerre  de  Libération  nationale, affirment différents témoins. Il aurait, par son entremise, connu Abdelaziz Bouteflika, à l’époque où ce dernier avait en charge  le  ministère d es  Affaires étrangères (1963-1979). Entre les  deux  hommes  se tisse une amitié  solide, soutient Imène Benachi, lors du procès en appel. Ce lien s’avèrera providentiel pour sa fille Zoulikha, plus de vingt ans plus tard. Dans l’intermède, elle se marie, met au monde deux filles en 1984 et 1987, divorce, travaille dans la confection, puis tente sa chance dans l’importation.

A-t-elle fréquenté assidument les Bouteflika pendant toutes ces années ? Les uns disent oui, les autres sont plutôt circonspects. Une certitude, néanmoins, ses affaires se heurtent à des entraves et des refus. En 2004, elle décide de solliciter  l’aide  du  chef  de  l’État  pour  pouvoir  concrétiser  un  projet  de rénovation d’un parc d’attractions dans la wilaya de Chlef. 

Elle est reçue au Palais d’El-Mouradia par le premier magistrat du pays, lequel charge son secrétaire particulier, Mohamed Rougab, de l’assister dans ses démarches. Ce dernier la confie aussitôt au wali de Chlef, Mohamed Ghazi, en tant que “Mme Maya”, membre de la famille du président de la République.

La légende de la fille présumée d’Abdelaziz Bouteflika est née à ce moment-là. Ce n’était qu’une simple rumeur, une banale usurpation d’identité.  Confortée par le silence suggestif de la plus haute hiérarchie institutionnelle, cette prétendue filiation prend la dimension d’un secret d’État. De mère célibataire, femme d’affaires sans succès, Zoulikha Chafika Nachinachi devient la cheffe (mâalma), adulée par de hauts responsables de l’État et courtisée par des entrepreneurs et des investisseurs en quête d’intermédiaires stratégiquement placés dans la sphère des décideurs.

Son cercle d’influence étendu  lui  permet de bâtir une fortune immense : un parc d’attractions  à  Chlef, un  terrain  de 5 000 m2, acquis  à  5 millions de dinars revendu deux fois son prix, des villas dans des quartiers huppés de la capitale (Hydra, Ben-Akoun, Moretti…), des appartements à Paris, à Palma et à Barcelone, des voitures de luxe… et des comptes bancaires en dinars et en monnaie étrangère… Elle inscrit de nombreux biens au nom de ses filles, à peine sorties de l’adolescence. Les trois femmes, qui habitaient jusqu’en 2009 un appartement au Télemly, à en croire l’avocat du fiancé d’Imène, intègrent la nomenklatura riche, puissante et intouchable. 

Mme Maya a failli perdre ce statut en 2017, à  la  faveur d’une information judiciaire, ouverte sur la foi d’une saisie de 95 millions de dinars, 270 000 euros, 30 000 dollars américains et 17 kg de bijoux dans sa villa jumelée de Moretti.  L’enquête  des services  de  la  sécurité  intérieure  est  bloquée brutalement. La sexagénaire retrouve son faste, sans se douter que deux ans plus tard, elle sera rattrapée par sa concupiscence et ses accointances avec un président déchu.

“Le seul crime de Zoulikha Nachinachi est sa relation avec l’ancien chef de l’État”,  martèle  à  l’audience, lors  du  procès  en  appel, Me  Medjdouba, invoquant “un délit provoqué”.  Il justifie les biens qu’elle possède par un héritage,  un  capital  constitué  par  des  transactions  immobilières fructueuses  et les recettes du parc d’attractions. 

A-t-il convaincu, autant que ses confrères, la présidente de la chambre pénale et ses assesseurs ? On le saura le 31 décembre, jour où sera rendu le verdict. En  première  instance, sa  cliente  avait  été  condamnée  à  douze  ans  de réclusion criminelle. 

 


Souhila HAMMADI

Souhilhttps://www.liberte-algerie.com/actualite/le-visage-cache-dune-arnaque-351612a HAMMADI

 

Rédigé le 28/12/2020 à 21:21 dans Divers, Société | Lien permanent | Commentaires (0)

Circoncision -Algérie- (Oeuvre réservée à un public averti)

 
 
image from www.atramenta.net

 

Driss se trouvait juché sur le tabouret, recouvert d’un petit coussin et d’un tissu brodé, que l’on avait posé sur la grande table, au centre de la pièce. Du haut de cette estrade improvisée, il regardait la bruyante assemblée des hommes au-dessous de lui. Parents, amis, voisins, presque tous venus dans la grande tenue blanche des jours de fête. En revanche, quelques adolescents regroupés dans un coin du salon autour de Yassine, son frère aîné, portaient, eux, leur tenue habituelle, jeans et T-shirt.

La douleur commençait enfin à s’estomper peu à peu sous l’effet de l’onguent qui avait été appliqué sur la plaie. Voilà, pensait alors Driss, ça y était : il était enfin devenu un homme, un vrai, un homme à part entière ! On n’avait cessé de lui répéter ça depuis plusieurs semaines, pour le préparer à l’événement. Il entrait donc, ce jour-là, de plain-pied dans le monde des hommes… À présent il n’irait plus traîner dans les jupes de sa mère ou de ses tantes dont il entendait les "youyous" stridents s’élever, par intermittence, dans la pièce d’à côté. Non, à partir d’aujourd’hui il allait, comme Yassine, tenir compagnie aux autres hommes de la maison. Dorénavant il irait à la mosquée ou au hammam avec son père, son frère, ou l’un de ses oncles. Et il pourrait enfin tenir tête à ses camarades d’école déjà circoncis.

Après la première collation, thé à la menthe ou café au lait et gâteaux au miel, les musiciens du petit orchestre reprirent place, un à un, au fond de la pièce, et la musique s’éleva à nouveau, lancinante, accompagnée des battements de mains rythmés des invités. Puis le chanteur les rejoignit et donna de la voix. Les femmes lui firent écho, de l’autre côté de la cloison, par de retentissants youyous. Quelques hommes se levèrent alors et se mirent à danser joyeusement, les uns en face des autres. Déhanchements rythmés, ondulations lascives…

Driss, lui, s’en tenait au rôle qu’on lui avait assigné : il restait immobile, ses mains teintes de henné posées à plat sur les cuisses. De temps à autre, lorsqu’il reprenait conscience de la douleur, comme une soudaine brûlure, il revoyait le Hajjam et ses grands ciseaux. Il revoyait aussi le regard encourageant de son père, et celui, un peu moqueur, de Yassine, postés chacun d’un côté, le tenant aux épaules.

— Tu vas devenir un homme, maintenant ! Un vrai ! Et tu verras comment les filles vont se mettre à courir derrière toi…

Driss n’avait pas très bien saisi toutes les plaisanteries qu’on lui avait faites à l’approche de l’événement qu’il était en train de vivre. Tout ce qu’il savait c’est qu’il fallait en passer par là. C’était la tradition qui remontait à la nuit des temps, teintée de religiosité. À présent il allait être comme tous "les grands". À l’école, des camarades plus âgés affichaient effrontément leur fierté à être circoncis, et, aux toilettes, certains lui avaient même montré leur sexe débarrassé de la peau superflue. Il s’était alors à chaque fois senti diminué à posséder encore ce capuchon qui donnait à sa verge le ridicule aspect d’une minuscule trompe d’éléphant…

Il rajusta sur son crâne le tarbouch à pompon qui avait tendance à glisser sur son front et il jeta un nouveau coup d’œil aux cadeaux posés sur la table, à ses pieds. Il y en avait une bonne vingtaine ! Tous étaient enveloppés dans des papiers brillants et colorés. Certains portaient des rubans noués en forme de fleurs. Lorsqu’il les regardait, il avait hâte que la fête se termine pour pouvoir enfin découvrir ce qu’on lui avait offert. Il savait déjà que dans l’un de ces paquets se trouvait la montre que son père lui avait achetée l’avant-veille, dans une boutique de la Kasbah. Une montre Kelton, à pile, avec un bracelet en cuir noir. Mais pour le reste, il ignorait ce que les autres paquets contenaient. L’un d’entre eux, de par sa taille, l’intriguait tout particulièrement. C’était le plus volumineux. Il avait une forme étrange. Un papier argenté l’enveloppait, et un large ruban rouge était noué sur le dessus. C’est Si Ahmed, le voisin du dessous, qui l’avait posé là.

Le chanteur et les musiciens s’interrompirent à nouveau et les danseurs allèrent se rasseoir. Les conversations entre les uns et les autres reprirent.

Driss entendit quelqu’un raconter, en français, une histoire qu’il ne comprit pas. L’homme, un riche commerçant qui possédait deux ou trois épiceries en France et qui se trouvait de passage à Alger, avait posé la question : « Est-ce que vous savez comment on peut refaire fortune chez nous aux jours d’aujourd’hui ? » Ses voisins, à qui il s’adressait, avaient fait "non" de la tête. « Eh bien je vais vous le dire, moi. Aussi bien pour eux, pour qu’ils puissent s’entraîner sans risque, que pour nous, pour être protégés contre l’égorgement, ce qu’il nous faut importer et commercialiser, je vous le dis, ce sont tout simplement des minerves... » Et l’homme était parti d’un grand éclat de rire. Les autres rirent eux aussi, mais Driss se dit que la plaisanterie ne devait pas être très réussie car leurs rires, à eux, semblaient plutôt forcés.

Quelques instants plus tard, au moment où son père s’approchait de la table pour lui apporter un gâteau, des coups sourds frappés à la porte d’entrée de l’appartement retentirent. Driss se redressa sur son siège. Les conversations s’interrompirent. Les coups reprirent, plus violents, et, dans le silence qui s’était fait, aussi bien dans la pièce que dans celle où se tenaient les femmes, une voix forte retentit, invoquant le nom d’Allah. Il y eut un moment de flottement. Driss vit son père pâlir, laisser là le gâteau, sur la table, puis se retourner. Tous les regards s’étaient posés sur lui. On entendit alors la porte s’ouvrir brutalement. L’un après l’autre, cinq hommes en armes, portant tous une barbe bien fournie, firent irruption dans la pièce.

Driss vit son père s’avancer d’un pas vacillant vers les intrus, les saluer et leur souhaiter la bienvenue. Il avait d’emblée reconnu deux d’entre eux pour les avoir rencontrés, l’avant-veille, alors qu’il revenait de la Kasbah en compagnie de son père, après l’achat de la montre Kelton. Il se souvenait même de la conversation que les trois hommes avaient eue…

— Alors Si Mustapha, notre frère, nous avons appris que tu vas faire circoncire ton second fils, avait dit l’un des deux, tandis que l’autre s’était penché vers lui pour lui demander son nom. Il avait répondu qu’il s’appelait Driss, et l’homme, tout en lui caressant la tête, avait alors déclaré, sur un ton enjoué :

— Driss ? Eh bien Driss, tu sais que tu vas devenir un vrai musulman ! Félicitations mon petit…

Il avait ensuite entendu l’autre dire à son père :

— Tu sais bien, Si Mustapha, mon frère, que nous sommes de ceux qui maintenons l’ordre dans le quartier que tu habites. La circoncision de ton fils doit se dérouler selon les règles édictées par notre Prophète Mohammed, béni d’Allah le Tout Puissant. Pour une circoncision, tu ne l’ignores pas, il ne saurait être question ni de musique ni de danses, mais seulement de prières et de pieuses invocations à Dieu…

— Je le sais, mes frères, avait alors répondu son père, avant d’ajouter, en levant les bras dans un geste d’impuissance, mais j’ai déjà programmé une fête identique à celle que j’avais organisée, il y a quatre ans, pour la circoncision de mon aîné. Je ne vois pas pourquoi mon petit Driss n’aurait pas droit au même traitement que son frère ! D’ailleurs les invitations sont lancées, et l’orchestre est déjà payé. Tout est préparé…

— Nous tenons à te prévenir, Si Mustapha. Nous ne tolèrerons pas que cette cérémonie sacrée tourne à la fête païenne et au sacrilège ! À bon entendeur salut !

Sur ces mots, les deux hommes leur avaient tourné le dos et s’étaient éloignés. Driss avait alors senti la main de son père serrer plus fortement la sienne.

— Qu’est-ce qu’ils veulent ? avait-il demandé.

— Rien, rien… lui avait répondu son père. Ne t’inquiète pas fiston, tu vas voir, la fête que l’on va faire pour toi, tu ne l’oublieras pas de si tôt !

À présent ces deux hommes sont là, dans le grand salon, avec trois autres, l’arme à la main, des fusils à canon court et ce qui ressemble à une mitraillette. Ils ont le visage dur et fermé. Ils regardent tout le monde avec, dans leurs yeux, une expression hautaine de mépris et de dégoût. Tétanisé, chacun se demande s’ils vont tirer.

Juché sur son estrade, Driss domine la scène. Il ne saisit pas vraiment ce qui se passe, mais la tension et toutes ce vibrations de peur émises par l’assemblée des hommes l’atteignent de plein fouet. Les armes aussi l’impressionnent. Il se met à trembler. La douleur diffuse logée dans son bas-ventre reprend de l’intensité. Il grimace. Ce qu’il sent confusément, sans comprendre pourquoi, c’est qu’il est, lui, le petit Driss Ayad, l’enjeu de forces qui le dépassent.

Celui qui semble être le chef de la bande prend la parole, et, d’une voix forte qui fait éclater le silence, il déclare :

— Si Mustapha, il y a deux jours nous t’avons prévenu qu’en tant que gardiens de l’ordre et défenseurs de la Loi sacrée dans le quartier nous ne tolérerions pas que tu détournes le sens profond de cette cérémonie de circoncision de ton fils. Allah le Tout Puissant et Mohammed, notre Prophète béni et vénéré, sont témoins que tu n’as pas tenu compte de notre avertissement ! Il était pourtant clair ! Tu vas donc avoir à t’en repentir le restant de tes jours…

L’homme fait un signe de la tête, et trois de ses compagnons s’approchent de la table, pendant que le quatrième retient fermement le père de Driss. Ils commencent pas balayer d’un brusque revers de main tous les paquets cadeaux qui s’écroulent au sol. Ils ordonnent ensuite à Driss de descendre de son tabouret.

Celui-ci se lève, tremblant. Ils le saisissent à bras le corps. L’enfant se débat. Ses babouches brodées et son tarbouch à pompon volent dans la pièce. Un murmure de protestation parcourt la salle. Trois invités se dressent, voulant intervenir, mais la mitraillette du chef pointée vers eux les empêche d’aller plus loin. Et tous, figés, muets, assistent, impuissants, à la scène qui se déroule sous leurs yeux. Le silence anxieux des femmes, dans la pièce voisine, fait écho à leur propre silence.

Driss, immobilisé, ne se débat plus. L’un des trois hommes le dénude alors en tirant sur son pantalon bouffant, avant de sortir d’un petit sac qu’il porte en bandoulière au côté de son fusil un couteau à la lame effilée. Le garçonnet entend le cri de révolte de son père qui cherche en vain à s’interposer, et les éclats de voix réprobateurs qui s’élèvent dans la pièce. Il sent une main saisir son sexe douloureux et il se remet à se débattre, cherchant, sans le pouvoir, à se dégager des poignes qui le maintiennent en l’air au-dessus de la table. Il hurle de terreur.

Le pansement est arraché et presque aussitôt, de nouveau, une douleur atroce lui déchire de bas-ventre. La douleur est si cuisante et ses yeux si brouillés de larmes qu’il ne peut voir dans la main du bourreau son petit sexe sanguinolent.

Quand donc, mais quand donc sera-t-il enfin un homme, un vrai ? se demande-t-il avant de perdre connaissance.

 

 

( Cette nouvelle retrace un fait réel survenu à Alger pendant les "années noires". C’est la journaliste et écrivaine marocaine Hinde Taarji, ayant séjourné en Algérie à cette époque-là, qui me l’a raconté.

                                                                      Je lui dédie donc ce texte…)

 

 

 

 

Rédigé le 21/12/2020 à 20:46 dans Décennie noire, Algérie, Culture, Politique, Société | Lien permanent | Commentaires (0)

Noureddine Yazid Zerhouni - Un devoir de mémoire

«Le service des renseignements est le service des seigneurs», dit un dicton allemand.

 

image from www.lexpressiondz.com

 

Et les grandes nations ne font jamais faute de monter aux nues les exploits de leurs services secrets, et n'hésitent pas à inventer à leurs héros, dans leurs récits historiques, comme dans leurs oeuvres de fictions, que ce soit les films ou les romans, des exploits qui présentent d'eux une image de demi-dieux mythiques, immortels et n'obéissant à aucune loi naturelle, qu'elle ressortisse de la physique ou même de la frêle nature humaine.
On constate qu'en Algérie, aucune calomnie n'a été épargnée contre des services dont, pourtant, notre pays devrait se glorifier, car ceux qui les ont animés étaient des jeunes, sans expérience surgis, on ne sait comment, du puits du système colonial.


Une guerre de libération lancée «au fonds du puits colonial»


Il n'est pas utile de rappeler ici, avec force détails, comment la Guerre de Libération nationale a été lancée, mais seulement de souligner qu'elle a connu un commencement modeste, par un simple appel pompeux, sur deux pages dactylographiées, diffusé par des hommes pitoyables ayant à peine de quoi se payer des vêtements de friperie et survivant au jour le jour grâce à la solidarité de leurs compagnons.


Le peuple algérien vivait alors, dans sa majorité, dans un état de déchéance qu'il est difficile d'imaginer maintenant, et les chances de ce groupe de «fous» tenait plus du miracle divin que d'éléments objectifs garantissant la réussite de l'entreprise de Libération nationale.


Il n'y avait ni suffisamment de moyens financiers, ni armes, ni munitions, ni experts militaires, donc aucun potentiel mobilisable permettant de créer ne serait-ce qu'une lueur d'espoir dans l'issue finale.


L'ennemi était non seulement la 5e puissance mondiale et membre de la plus grande alliance militaire internationale, mais également un pays jouissant d'une aura civilisationnelle incomparable, et qui se trouvait, en plus, à une demi-journée de bateau de l'Algérie. on peut dire que la dernière phase de la résistance algérienne à l'occupant a commencé avec tout contre elle, et apparaissait vouée à l'échec.


Pourtant, quelque trois années plus tard, non seulement, comme l'avait alors prédit Larbi Ben M'hidi, un de ces ‘fous,» le peuple algérien a fait de cet acte de désespoir qu'était la Déclaration du 1er Novembre, un cri de guerre et le signal d'un soulèvement qui, malgré tous les avatars qu'a traversés notre pays depuis notre indépendance gagnée dans le sang et la souffrance, demeure un des évènements les plus importants de l'histoire, non seulement de l'Algérie, mais du monde.


Une génération qui se prépare au grand départ


Les historiens, non seulement algériens et français, mais même étrangers à ce conflit sanglant et cruel, continuent à se pencher sur ce phénomène socio-militaire qu'a été la guerre d'un peuple misérable, inculte, contre une superpuissance riche, orgueilleuse et sûre d'elle-même, porteuse d'une culture et d'une civilisation riches et de valeurs universelles dont elle se proclame la patrie.


La génération d'Algériennes et d'Algériens, qui a pu donner vie à ce miracle, commence à connaître le sort que le temps réserve à tous les humains, et chaque jour apporte sa moisson de mauvaises nouvelles: elles vont certainement s'accélérer dans les jours, les mois et les années à venir, jusqu'à ce que cette génération de héros disparaisse et que leurs noms soient oubliés, même si la toponymie officielle va marquer le paysage de ces noms rattachés à des lieux symboliques, mais sans autre profondeur que les sons qui les composent.


C'est pour cette raison que, chaque fois qu'un homme ou une femme de cette génération des libérateurs de l'Algérie arrivent au terme de leur vie sur cette terre, il est indispensable de revenir sur leur vie, sur leur parcours et sur leur contribution, si marginale paraisse-t-elle, dans une guerre dont la cruauté est loin d'avoir été décrite, que ce soit dans les autobiographies, dans les études historiques académiques, ou dans les oeuvres de fiction, films ou romans.


Parmi ces hommes et ces femmes, engagés dans la lutte de libération, certains sont plus prééminents que d'autres, quoique les sacrifices des uns et des autres soient égaux dans leur noblesse et dans le désintérêt qui les anime.


Yazid Zerhouni: un homme dont le destin se confond avec celui de l'Algérie.


Noureddine Zerhouni, dit Yazid, dont on tentera ici de présenter une brève biographie, qui n'est pas à la hauteur de l'hommage qui doit lui être objectivement rendu, est trop connu pour qu'on prétende le présenter à la lectrice et au lecteur de ce modeste écrit.


Sa vie en fait se confond, dans ses détails, avec celle de l'Algérie qu'il a servie depuis l'âge de 19 ans, lorsque ce n'était qu'un projet. Symbole de la jeunesse lycéenne algérienne de sa génération, engagé volontaire dans la lutte armée, et l'un des premiers cadres des «services de l'ombre,» il a occupé, depuis l'indépendance, des fonctions cruciales qui ont fait connaître son nom, d'autant plus qu'il a servi à divers titres tous les chefs d'Etat qui se sont succédé depuis l'indépendance.


Il a été tour à tour responsables des service de renseignements extérieurs au ministère de la Défense nationale, puis, pendant une très brève période, directeur de la Sécurité militaire, ensuite, pendant 12 années, successivement ambassadeur au Mexique, au Japon et aux Etats-Unis, avant d'être nommé, après une brève période de traversée du désert,- par l'ex-président de la République, qui voulait rehausser son gouvernement avec un homme dont la réputation de serviteur de l'Etat n'était plus à faire,- ministre d'Etat ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, puis vice-Premier ministre, pour enfin être écarté définitivement.


Un homme à la hauteur de toutes ses missions


Un homme se définit plus par sa personnalité que par les titres qu'il a portés au cours de sa carrière, titres éphémères, tenus par d'autres avant lui et que d'autres tiendront après lui, et qui, malheureusement, malgré le prestige et la reconnaissance publique qu'ils traînent avec eux, ne constituent pas des preuves suffisantes des qualités personnelles de ceux qui les détiennent.


On peut affirmer, sans blesser, même à titre posthume, la modestie de Yazid Zerhouni, qu'il a été à la hauteur de toutes les fonctions qu'il a occupées, pendant les quelque 50 années de sa carrière au service de l'Algérie, depuis son engagement dans l'ALN en 1957, jusqu'à sa retraite.


Il n'y a pas un poste qu'il ait occupé et qui ait paru trop grand pour lui. Il a été un des stagiaires les plus brillants de l'Ecole des cadres que Abdelhafid Boussouf avait organisée à Oujda, entre septembre et décembre 1957, pour former des commissaires politiques affectés aux différentes zones que comprenait la Wilaya V historique, dont il était le commandant.


Mis à la disposition de l'état-major de la Wilaya V, dès la fin de son stage, Yazid fut chargé des opérations de recueil de renseignements sur le dispositif militaire ennemi, à la frontière algéro-marocaine, dans le but de faciliter le passage de l'armement et des hommes entre les territoire algérien et marocain. Cette tâche, extrêmement importante dans la poursuite de la guerre de libération, valut à Yazid de gagner rapidement une promotion bien méritée d'adjoint au responsable des renseignements militaires lors de la création de l'état-major Ouest.


Il fit, vers la fin de la lutte armée, un court passage à la base Didouche Mourad, dans la proche banlieue de Tripoli, en Libye, comme membre du groupe de travail chargé de la préparation du dossier militaire en vue des négociations de paix qui avaient commencé à Evian en mai 1961.Il rejoignit ensuite l'équipe de soutien aux négociateurs algériens.


L'indépendance acquise, il eut à veiller, dans des conditions dignes d'un roman d'espionnage, à la collecte des archives des services du Malg entreposées au Maroc et à leur transport vers l'Algérie.


Une attitude patriotique responsable lors de la crise de l'été 1962.


Dans l’équipe de soutien aux négociateurs algériens
Comme tous les volontaires de sa génération qui avaient été affectés dans les services de renseignements, il refusa de prendre position dans le conflit grave entre l'état-major de l'ALN et le Gpra, affirmant qu'il s'était mis, par son engagement, à la disposition du peuple algérien, pas au service d'une faction ou d'ambitions politiques d'une personne ou d'un groupe.


Rentré à Alger dès le mois de juillet 1962, et en compagnie de l'auteur de cet article et de feu Abdelkader Khalef, plus connu sous le nom de Kasdi Merbah, il décide de reprendre ses études supérieures, s'inscrit à l'université d'Alger et prend un chambre à la cité universitaire de Ben Aknoun.


Ce détail est d'une très grande importance historique, car il détruit la fiction entretenue d'une cabale montée par feu Boussouf pour soumettre le pays au pouvoir, si ce n'est au caprice, de l'Ex-Malg. Rien de plus faux que cela. Ce sont les bruits de bottes à la frontière Ouest du pays qui ont convaincu nombre d'anciens des services de renseignements pendant la Guerre de Libération nationale, à mettre leur expérience au service de la défense de la Nation et d'accepter de rejoindre le ministère de la Défense au lieu de poursuivre leurs études.


Il est regrettable que la réputation de la direction de la sécurité militaire,-créée essentiellement pour des raisons d'ordre défensif, dans une situation où le pays, encore faible, venait de sortir d'une longue et violente guerre, était menacé dans son intégrité territoriale,- ait été ternie, au corps défendant de ceux qui ne voulaient rien d'autre que de contribuer à la défense d'une indépendance chèrement acquise.
Il n'en demeure pas moins que l'Algérie avait besoin d'hommes ayant gagné leur expérience dans la lutte armée, pour se garder de ses ennemis extérieurs et de toutes leurs manoeuvres.


Les Mémoires de nombre de responsables militaires algériens contiennent des jugements tranchés et hostiles contre un service dont ne peut se passer aucune armée, mais qui a été conduit, tout comme ces responsables, à mener des activités dépassant le domaine des missions propres à une armée. Comme l'a si bien écrit George Orwell, et la citation n'est pas précise; «il faut des hommes durs qui veillent dans l'ombre, nuit et jour, pour assurer la sécurité et la tranquillité des citoyens». Il n'est pas question de rappeler ici la nature du système politique algérien auquel ces hauts gradés ont contribué aussi, sous la protection de la sécurité militaire qui leur a permis de jouir de leurs grades et de leurs positions et de vivre, dans la tranquillité, une retraite bien gagnée. Que serait-il arrivé si cette instance de renseignement n'avait pas existé? 

 

 

 

Mourad Benachenhou

 20-12-2020

https://www.lexpressiondz.com/nationale/un-devoir-de-memoire-338862

 

Rédigé le 20/12/2020 à 22:21 dans Culture, Guerre d'Algérie, Société | Lien permanent | Commentaires (0)

« | »