Le postulat de départ des deux auteures est de “juxtaposer deux expériences de vie, à la fois personnelle et professionnelle”, et de mettre “en parallèle des récits de vie écoutés, transcrits et analysés, d’une part, et ceux lus et analysés dans des fictions, dans la société algérienne, autour de deux noyaux durs : le viol et la filiation”.
Passé inaperçu à cause de la crise de Covid et du marché du livre en cette période de pandémie depuis l’année dernière, l’ouvrage Viols et Filiations (éditions Koukou) de l’universitaire Christiane Chaulet-Achour et de la psychanalyste Faïka Medjahed mériterait pourtant bien un focus en raison de l’importance du sujet qu’il traite : le viol, les traumas et la violence faits aux femmes. Les deux amies, chacune au parcours singulier, ont écrit cet ouvrage à quatre mains alors que resurgit la question de la violence et des féminicides de manière inquiétante ces dernières années. Le postulat de départ des deux auteures est de “juxtaposer deux expériences de vie, à la fois personnelle et professionnelle”, et de mettre “en parallèle des récits de vie écoutés, transcrits et analysés, d’une part, et ceux lus et analysés dans des fictions, dans la société algérienne, autour de deux noyaux durs : le viol et la filiation”, écrit la préfacière et sociolinguiste Dalila Morsly.
En littérature, Chaulet-Achour, qui analyse “le versant littéraire” de l’acte du viol durant la guerre de Libération et de la décennie noire, relève que “l’accent est mis plus sur ce qu’entraîne le viol que sur l’acte lui-même : d’où ce corps escamoté, circonscrire le positionnement de la vox de la narration, le choix de la personne verbale, les complicités ou les rejets concernant les acteurs (paroles dites, portraits, actes) : ce sont des indices du traitement littéraire du ‘motif’”. Louisette Ighilahriz, dans son témoignage dans Le Monde en 2000, dénonce, quarante ans après les faits, le viol qu’elle a subi de la part du capitaine Grazziani. Chaulet-Achour impute ce différé “aux circonstances familiales – le rapport aux parents – et à des blocages personnels”. Et à la professeure de littérature comparée d’ajouter : “Cette brèche dans le mur du silence sur le viol a provoqué (…) un petit tsunami dont les répliques se font sentir depuis dans des fictions qui s’autorisent à regarder le viol en face en franchissant le mur de la honte.”
Les années 1990 charrient aussi leur lot de dénonciations via le littéraire. Dans quelques-unes des œuvres choisies, comme Imzad de Fatna Gourari ou le recueil de nouvelles Sous le jasmin la nuit de Maïssa Bey, “les écrivaines prennent le point de vue de la femme (…) ; elles vont s’attarder sur les violeurs, notant leur haleine, leur regard, leur brutalité, quelques éléments de leurs convictions, donnant tous leurs ‘mots’ aux victimes”.
Du côté de Medjahed, plusieurs cas traités dans son cabinet défilent ; une maman dont l’enfant a été violé, le petit-fils d’un bandit d’honneur aux tendances suicidaires, des histoires de notre réel, que l’ont rencontre à travers les ouvrages. Elle relève pour la majorité d’ente eux des raisons sous-jacentes en rapport avec l’environnement familial, voire celui des ancêtres. Que faire des héritages qui sont les nôtres ? se demandent les autrices. Qu’en faire et comment y parvenir ? Il est ainsi nécessaire de mettre de la distance entre le passé, “non pour rejeter, écrivent-elles, mais pour parvenir à faire la part des choses. En négociant avec lui, en l’appréciant, le jaugeant, le jugeant”.
le 10-08-2021 12:00
Par Yasmine Azzouz
https://www.liberte-algerie.com/culture/le-poids-des-non-dits-dans-la-societe-algerienne-363129
.
Les commentaires récents