C'est un roman mais il est inspiré de faits véridiques et très bien documenté comme en témoignent les notes historiques en fin d'ouvrage. Il balade d’époque en époque (de l'avant-deuxième guerre mondiale à la décolonisation de l'Afrique du Nord), d'un pays à un autre (des oasis du sud du Maroc à Londres et de Saint-Nazaire à Paris).
Mais en aucun cas, le livre de David Hury (625 pages, 22€) ne relate une pérégrination aimable, aux parfums exotiques et aux accents dramatiques convenus: c'est un livre de combats. Ceux que livre Mustapha, jeune Marocain né dans l'oasis de Figuig, qui se lie d'amitié avec Armand, le fils d'un administrateur français, et qui arrive en France à la veille d'un grand conflit mondial.
Le roman oscille entre les époques, s'ouvrant sur l'explosion de grenades pour se clore sur une fusillade quelques mois plus tard, toujours à Paris. Entre ces pages, Mustapha (alias Marcel l'agent de renseignement puis Gustave le résistant) vit trois vies. L'enfant de l'oasis découvre l'amitié, la France, l'amour avec Annette. Il découvre aussi la guerre qui le transforme en agent clandestin de la France libre rallié à de Gaulle dès juin 1940, et qui l'envoie en mission à Saint-Nazaire avant sa capture par les Nazis. Mustapha continuera sur la voie de l'engagement, cette fois dans la lutte pour l'indépendance de l'Algérie, après avoir découvert la trahison dont celle d'Armand, son meilleur ami trop marqué par les choix idéologiques familiaux...
L'auteur de cet excellent ouvrage, David Hury, est journaliste et photographe. Il a été correspondant de différents médias à Beyrouth pendant 18 ans et a publié plusieurs ouvrages graphiques et littéraires. Chez Riveneuve, il est aussi coauteur du recueil de chroniques Jours tranquilles à Beyrouth (2009) et auteur du roman illustré de photographies Pentes douces (2017).
La rédaction de son roman Mustapha s’en va-t-en guerre lui a demandé deux ans de recherches dans les archives de l’armée française et de la police nationale, et auprès des derniers témoins de l’époque dont il a connu certains.
Il explique: "Gustave était un ovni dans ma famille, un Oriental affable et joyeux. Je l’ai connu quand j’étais enfant, je le croisais en Normandie dans le village de Bus-Saint-Rémy (Eure) dont je parle dans le roman, là où il avait été parachuté en 1941 et où il avait rencontré la fille de l’instituteur, qu'il a épousée en 1948. Cette femme que j’évoque également beaucoup dans le roman, Annette, était la cousine germaine de mon père; elle est morte en 1986. Gustave ne parlait à personne de son expérience durant les années 1940-1960, ni des actes que l’on peut considérer avec le recul comme héroïques, ni des tortures subies. Il n'a évoqué tous ces sujets qu’avec ses enfants, à la fin de sa vie, au milieu des années 1990 (il est mort en 2001). Dans la famille, tout le monde l’a toujours appelé Gustave: je n’ai découvert sa véritable identité qu’en 2015...".
Le 22 août 1962, le général de Gaulle et son épouse Yvonne étaient la cible d'un attentat au Petit-Cclamart
Des pieds-noirs, d'anciens militaires et des étudiants. Le plus jeune a 20 ans. Pas très aguerri, ce commando hétéroclite proche de l'OAS ouvre le feu. D'abord au fusil-mitrailleur depuis une estafette jaune. Puis d'un second véhicule garé plus loin. L'opération ne dure que 45 secondes. Plus de 150 balles sont tirées, la voiture présidentielle porte huit impacts, trois balles ont traversé l'habitacle. Le couple est couvert d'éclats de verre mais sain et sauf.
"Hasard incroyable !", dira le général dans ses mémoires. Ils doivent une fière chandelle au sang froid de leur chauffeur Francis Marroux - c'est déjà lui qui conduisait la voiture présidentielle, un an plus tôt, lors de l'attentat de Pont-sur-Seine, aussi commandité, on le saura plus tard, par Bastien-Thiry - et de leur gendre, Alain de Boissieu, qui, assis à l'avant, intime "A terre, Père !"
"Cette fois, c'était tangent"
Sur deux jantes et deux pneus, la DS parvient jusqu'à l'aéroport tout proche. Imperturbable, de Gaulle passe en revue, comme chaque fois, les soldats. Tout juste glisse-t-il à son gendre, en montant dans l'avion sans changer ses plans : "Cette fois, c'était tangent !" Il a failli mourir avenue de la Libération. Un comble pour l'homme du 18 juin...
Auteur du livre "Un attentat", l'historien Jean-Noël Jeanneney pointe une "somme de hasards" pour expliquer cet échec. Et, surtout, qu'"aucun" des conjurés "n'était prêt à mourir pour toucher leur but". Des armes qui s'enrayent, des tireurs pas assez entraînés, avancera en 2012 à l'AFP un survivant du commando.
"Ah, cher ami, ils tirent comme des cochons", rit le soir même le général au téléphone avec son Premier ministre Georges Pompidou. Très vite, la nouvelle de la tentative d'assassinat se répand. "Attentat manqué contre de Gaulle": l'Agence France-Presse publie à 20h55 un premier "flash". Suivi d'un autre : "Des coups de feu ont été tirés peu après 20h00 contre la voiture du général de Gaulle près de Villacoublay. Personne n'a été atteint".
On apprendra plus tard qu'un certain M. Fillon, conduisant en sens inverse, a été touché à la main. Sans gravité. Forte émotion dans le pays, encore en vacances. Même si les Français, avec le conflit algérien, ont vécu ces dernières années au rythme des bombes, dans un climat de guerre permanent. Fin stratège, de Gaulle, qui échappera encore à plusieurs attentats, va profiter de cette émotion.
Un attentat qui "tombe à pic"
Sur le plan politique, l'attentat "tombe à pic", confie-t-il, presque joyeux, à son ministre Alain Peyrefitte après la fusillade. Avant d'ajouter : "les choses s'accélèrent. Nous vivons un précipité d'Histoire". De fait, il parvient en cette année 1962 à faire modifier la Constitution pour l'élection du président au suffrage universel. Dans les semaines qui suivent l'attentat, la traque du commando est fructueuse.
Vite interpellé, l'un des maillons faibles se met à table. Presque tous les conjurés sont arrêtés, dont leur chef, Bastien-Thiry, le 15 septembre. Le procès s'ouvre fin janvier 1963. Devant une juridiction d'exception, la Cour militaire de justice, neuf hommes sont sur le banc des accusés. Défendus notamment par Jacques Isorni, l'avocat de Pétain, et Jean-Louis Tixier-Vignancour, qui sera candidat d'extrême droite à la présidentielle de 1965 face... à de Gaulle.
Trois sont condamnés à mort. Le général en gracie deux. Bastien-Thiry, 35 ans, est lui passé par les armes le 11 mars. Il sera le dernier condamné à mort fusillé en France. Pas question pour de Gaulle de pardonner à celui qui a attenté à la vie de son épouse.
Tout aussi impavide, "Tante Yvonne" aurait eu, lors de l'attentat, cette simple phrase, passée à la postérité : "j'espère que les poulets n'ont rien eu". Allusion non pas aux policiers mais à la volaille en gelée dans le coffre...
À Alger comme à Paris, la mémoire des militants du Parti communiste algérien a presque été évincée des récits nationaux. Si le cinéma a tenté de combler ce manque, les films hommages demeurent focalisés sur quelques noms connus, et exclusivement sur les hommes communistes européens.
Adapté du roman éponyme de Joseph Andras, le film De nos frères blessés, réalisé par Hélier Cisterne et sorti sur les écrans en mars 2022 en France, retrace la vie de Fernand Iveton, ouvrier et délégué de l’Union générale des syndicats algériens pour l’usine d’électricité et gaz d’Algérie à El Hamma, à Alger. Militant communiste, pied-noir, Iveton s’est engagé en faveur de l’indépendance de l’Algérie. Arrêté à la fin d’octobre 1956 après une tentative ratée d’attentat à l’explosif contre l’usine où il travaillait, il est torturé, puis jugé par un tribunal militaire. Il est condamné à mort bien qu’il ait affirmé à maintes reprises que son acte ne visait pas des civils et relevait du sabotage. Fernand Iveton sera guillotiné en novembre 1956.
En retraçant le parcours du seul condamné à mort européen à avoir été exécuté, le film rappelle au public la participation et les sacrifices des communistes algériens (qu’ils soient pieds-noirs ou, comme on le disait alors, « musulmans ») pendant la guerre d’indépendance. Un pan de l’histoire que l’Algérie et la France ont, pour des raisons différentes, des réticences à mettre en avant. C’est peut-être trop attendre du cinéma que de lui demander de réparer les manquements de la justice comme dans l’affaire Iveton, ou de remplir les pages manquantes du récit national algérien. Mais le septième art peut permettre et accompagner des avancées mémorielles majeures. Le film de Cisterne s’inscrit dans la tradition de ces œuvres qui ont remis sur le devant de la scène des récits souvent minorés dans les discours officiels. Elles sollicitent et éveillent ainsi tout un imaginaire qui contribue à une meilleure connaissance du passé.
LA RUPTURE APRÈS LE VOTE DES « POUVOIRS SPÉCIAUX »
Le mouvement communiste en Algérie débute en 1920 avec la formation de trois fédérations du Parti communiste français (PCF), dont l’effectif modeste est pour commencer presque totalement européen. Le Parti communiste algérien (PCA) est formellement fondé en octobre 1936 et constitue l’un des rares espaces politiques de l’époque où se côtoient Européens et musulmans. Mais le PCA ne jouit pas d’une totale autonomie politique. Pendant la lutte antifasciste et la seconde guerre mondiale, il suit la politique du PCF et met de côté la question coloniale en promouvant l’unité de la France et de l’Algérie. En mai 1945 il appelle même à la répression du nationalisme populaire. Après la guerre, les intérêts du PCF et du PCA vont diverger, le PCA s’impliquant de plus en plus dans la lutte anticoloniale. Le divorce est définitif lorsque les « pouvoirs spéciaux » sont votés le 12 mars 1956 par l’Assemblée nationale française, y compris par les députés PCF. Ce décret accorde en effet à l’armée française des pouvoirs très étendus et officialise un état d’exception dans l’Algérie coloniale1.
Deux ans plus tôt, en 1954, le PCA avait autorisé un soutien clandestin au Front de libération nationale (FLN) dans la région des Aurès, là où avait été lancée la majorité des attaques de novembre2. Ce sont ensuite des unités armées qui sont créées par le comité central du parti : les Combattants de la libération, composées de groupes armés et de groupes de sabotage, dont Fernand Iveton fait partie. Les autorités coloniales réagissent d’abord en interdisant le PCA en septembre 1955, puis en en réprimant les militants impliqués dans la lutte armée, d’autant qu’en juillet 1956, deux cents communistes (Européens et Algériens) ont intégré l’Armée nationale de libération du FLN.
Après l’indépendance (5 juillet 1962), le système du parti unique est mis en place en Algérie, avec l’interdiction du Front des forces socialistes (FFS) d’Hocine Aït Ahmed et le Parti de la révolution socialiste de Mohamed Boudiaf, deux figures importantes de la lutte de libération au sein du FLN. Le PCA est, comme tous les autres partis sauf le FLN, lui aussi interdit dès le 29 novembre 1962. Certains de ses membres décident en 1963 d’intégrer les rangs du FLN, sans que la greffe n’ait jamais pris. Des cadres du PCA qui se sont battus pour l’indépendance de l’Algérie continuent à militer et sont emprisonnés, notamment après le coup d’État de Houari Boumediene du 19 juin 1965, et pour certains torturés, comme le poète et premier secrétaire du PCA Bachir Hadj Ali. Héritier du PCA, le Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS), bien qu’interdit, optera à partir de 1974 pour une stratégie de « soutien critique » au régime d’Houari Boumediene, et soutiendra ses réformes socialistes (collectivisation des terres, nationalisation des hydrocarbures, etc.). Pour consolider sa place au pouvoir, le FLN cherche à faire « table rase »3 de tout ce qui s’est passé au sein du mouvement indépendantiste avant 1954. L’histoire officielle relatera donc de manière ambivalente et souvent tronquée la participation des communistes au combat indépendantiste.
En France, les premières dispositions juridiques d’amnistie sont prises dès la signature des accords d’Évian en mars 1962. Si l’on suppose souvent que la décision de François Mitterrand d’abolir la peine de mort en 1982 est en lien avec l’affaire Fernand Iveton, qui le hantait4, car il s’était opposé à la grâce du militant communiste, l’ancien président ne va pas jusqu’à amnistier Iveton à titre posthume, alors qu’il impose l’amnistie des généraux français impliqués dans le putsch de 19615. Cette loi avait pourtant été rejetée par le parlement. Le gouvernement de Pierre Mauroy l’imposera avec l’utilisation de l’article 49-36.
L’AFFAIRE MAURICE AUDIN ET L’OPÉRATION HENRI MAILLOT
Certains noms de militants communistes se sont toutefois imposés, notamment grâce à la toponymie de certains espaces publics, côté algérien. Beaucoup d’Algériens pensent que l’actuel hôpital Lamine Debaghine de la capitale algérienne a également porté le nom d’Henri Maillot alors qu’en réalité, ce nom date de l’époque coloniale et renvoie à François Maillot, un chirurgien militaire français qui y a exercé. Maurice Audin est sans conteste la figure la mieux connue des publics algérien, mais aussi français. Son nom est donné en 1963 à l’une des principales places du centre d’Alger, devenu un lieu de ralliement lors du mouvement de protestation du Hirak, enclenché en février 2019. Bien avant qu’Emmanuel Macron reconnaisse officiellement en 2018 son assassinat en détention en 1957, de nombreux témoignages, récits, films documentaires et de fiction évoquent son arrestation, la torture qu’il a subie et son exécution.
C’est d’abord le témoignage d’Henri Alleg, publié en 1957 par les éditions de Minuit, qui revient sur son propre emprisonnement et les actes de tortures qu’il a subis et dont il a été témoin qui contribue à rendre public ce qui deviendra « l’Affaire Maurice Audin ». Son livre La Question a été adapté au cinéma par Laurent Heynemann en 1977 sous le même titre. Le film retrace le parcours d’Henri Alleg, journaliste et directeur du journal Alger Républicain. On le suit depuis sa période de clandestinité à Alger après l’interdiction du journal en septembre 1955, jusqu’à son arrestation fortuite, sa détention illégale dans l’immeuble en construction boulevard Clemenceau dans le quartier d’El Biar où il a été torturé, puis son emprisonnement à la prison de Barberousse (aujourd’hui prison Serkadji) où il rédige son livre. Le film s’achève avec son évasion de l’hôpital de Rennes, le 4 octobre 1961.
Les noms des personnages dans le film ont été changés, car, comme le rappelle l’insert en début de film : « La loi du 22 mars 1962 interdit de citer les noms des militaires et fonctionnaires compromis dans des affaires de torture en Algérie. » Ne pouvant admettre de nommer les victimes tout en créditant les bourreaux « d’une prime à l’anonymat », l’œuvre attribue à tous les personnages des noms de remplacement. Mais l’on devine que le Henri Charlègue interprété par Jacques Denis n’est autre qu’Alleg, de même qu’il ne fait aucun doute que le jeune mathématicien joué par Christian Rist est bel et bien Maurice Audin, auquel le film est dédié.
ASSÉNER LES FAITS PLUTÔT QUE LES ROMANCER
Tout ce qui est montré à l’écran se veut le compte rendu fidèle d’une réalité historique. Le réalisateur ponctue son film d’effets de réel, en insérant non seulement des images d’archives (opérations de contrôle à la Casbah, visite du général de Gaulle à Alger), mais également des éléments informatifs avérés, prononcés par des personnages du film. On apprend ainsi de la bouche d’un prisonnier qu’en 1957, la prison de Barberousse compte 2 400 détenus — dont 120 condamnés à morts —, dans une prison prévue pour 700 personnes. Le silence qui étreint la société française à l’époque oblige à établir et asséner les faits, plutôt qu’à les romancer. C’est d’ailleurs ainsi qu’il faut comprendre l’une des réponses qu’Henri Alleg lance à ses tortionnaires : « Tout se sait toujours. »
Heynemann revient par ailleurs en filigrane sur l’une des raisons pour lesquelles les militants communistes ont été réprimés durement par l’armée française, et ce même lorsqu’ils étaient Européens. L’armée qui est mobilisée en Algérie met en effet un point d’honneur à faire oublier la guerre perdue en Indochine après la capitulation de Diên Biên Phu, le 7 mai 1954. Beaucoup d’officiers de la 10e division parachutiste impliqués dans le système d’arrestation-détention-torture étaient des anciens d’Indochine. Certains avaient même été faits prisonniers. Ils avaient une revanche à prendre et méprisaient en particulier les militants communistes, les associant aux « Viets ».
Dans les décennies suivant le film de Heynemann, l’affaire Audin sera de plus en plus évoquée à l’écran. En France, le documentaire Maurice Audin, la disparition de François Demerliac fera date en 2010. En Algérie, alors que les manuels scolaires n’accordent aujourd’hui encore qu’une place infime à la participation d’Européens à la guerre d’indépendance, Maurice Audin demeure l’exception, comme l’atteste le documentaire intitulé Maurice Audin, Algérien jusqu’au bout, réalisé en 2014 par Mohamed Khilidi, sur un scénario de Nasser Merzaoui et produit pour la télévision par le Centre national sur le mouvement national et la révolution du 1er novembre 1954. Le documentaire alterne séquences fictionnelles jouées qui s’inspirent beaucoup du témoignage d’Henri Alleg et du film de Heynemann, et séquences documentaires constitués de plusieurs témoignages comme ceux des historiens Fouad Soufi et Sylvie Thénault, ainsi que de Pierre Audin, fils du mathématicien. En décembre 2021, une bande dessinée de Mohammed Boudjella est consacrée à la vie du militant communiste.
En 2015, Okacha Touita réalise un film algérien qui revient sur la trajectoire d’une autre figure importante du PCA, Henri Maillot. Son film intitulé Les Sacrifiés évoquait déjà en 1982 des récits minorés de la guerre d’indépendance, en revenant sur la guerre fratricide qui a opposé en France le Mouvement national algérien (MNA) de Messali Hadj et le FLN, ainsi que les opérations armées au sein du FLN contre les harkis. Opération Maillot (2015) narre quant à lui la participation des communistes algériens aux efforts de guerre, en racontant la manière dont ce militant communiste, alors aspirant de l’armée française, déserte en emportant avec lui un lot d’armes destiné aux groupes des Combattants de la Libération, création du PCA. Le film n’hésite pas à indiquer que les négociations entre le FLN et le PCA ne sont pas simples, en mettant en scène la frustration de certains militants communistes, dont Maurice Laban, qui s’impatientent devant le lent acheminement des armes. On entend même l’un des combattants communistes affirmer à Laban : « Si tu rejoins le FLN, ils vont te tuer ». Les antagonismes entre les cadres du FLN et ceux du PCA ont en effet souvent abouti à des condamnations suivies d’exécutions, comme celles de l’avocat Laïd Lamrani, membre du PCA, et abattu en 1955 par des membres du FLN. Il semble important pour Touita — qui reste prudent, car il bénéficie de fonds publics — de rendre compte de la complexité et de la volatilité de la situation en 1956, deux ans après le début de la guerre d’indépendance. Ce film, comme ceux cités plus haut, fait preuve de didactisme, en multipliant les effets de réel, notamment en insérant des unes de journaux de l’époque, évoquant les différentes étapes de l’opération.
LES IMAGES MANQUANTES
Mais les grands oubliés des représentations cinématographiques des communistes pendant la guerre d’indépendance sont les femmes et les communistes non européens, qui ont eux aussi payé un lourd tribut. En effet, lorsque le FLN déclenche la lutte armée en novembre 1954, deux tiers des membres du PCA étaient non européens.
Outre Iveton, Maillot et Audin, d’autres figures importantes du parti communiste ont milité pour l’indépendance en Algérie. On peut citer Baya Allaouchiche, Abdelkader et Jacqueline Guerroudj, Abdelhamid Benzine et bien d’autres qui ont payé de leur vie ou ont été emprisonnés et torturés dans des conditions horribles. Parmi eux, on compte également des disparus. Les historiens Malika Rahal et Fabrice Riceputi ont raison de nommer leur site 1000 autres, car il existe — comme l’indique la page d’accueil — « des Maurice Audin par milliers ». Les deux historiens tentent ainsi de recenser tous les disparus de l’année 1957 (toutes appartenances politiques confondues), car il reste en effet bien des cas à nommer et des histoires à narrer.
Si Abdelkader Guerroudj apparaît comme témoin dans le documentaire de Mohamed Khilidi sur Maurice Audin, son parcours n’est pas narré. Guerroudj adhère au PCA en 1950 et établit le premier maquis communiste à Tlemcen. Fin décembre 1955, il devient le leader du groupe des Combattants de la libération à Alger. Guerroudj est arrêté en janvier 1957, torturé et envoyé à la prison de Barberousse. Sa femme, Jacqueline Guerroudj, elle aussi communiste et agente de liaison pour les Combattants de la libération, est arrêtée à son tour, torturée et envoyée à la même prison. Elle apparaît dans le documentaire algérien de Hassen Bouabdallah Barberousse, mes sœurs (1985) qui, à travers le témoignage d’anciennes prisonnières, a le mérite de rappeler le rôle des femmes pendant la guerre d’indépendance, mais à aucun moment on ne mentionne son appartenance au PCA.
Les témoignages existent pourtant. Abdelhamid Benzine, qui a rejoint en 1956 le maquis communiste des Combattants de la libération a relaté son séjour prison dans un ouvrage sur la prison de Lambèse7. Baya Jurquet-Bouhoune, plus connue en Algérie sous le nom de Baya Allaouchiche, a également publié le récit de ses engagements en faveur de la guerre de libération dans un récit intitulé L’Oued en crue8. Elle a aussi été au centre d’un ouvrage de Jean-Luc Einaudi9 et d’un documentaire intitulé Baya (2008) réalisé par Daniel Kupferstein. Autant de parcours et de trajectoires qui peuvent entrer dans les consciences des spectateurs et permettre des avancées mémorielles qui ne peuvent être la seule responsabilité des historiens, d’autant que l’on sait les États toujours lents à reconstituer le passé dans toute sa complexité.
Une forêt brûlée suite aux incendies qui font rage dans la ville algérienne d'el-Kala, le 18 août 2022. - / AFP
Selon un bilan officiel provisoire, 37 personnes auraient péri dans les flammes. Une enquête a été ouverte pour déterminer si certains feux étaient d'origine criminelle.
Les pompiers en Algérie ont annoncé vendredi 19 août avoir maîtrisé la plupart des incendies ayant fait au moins 38 morts dans le nord-est, malgré de nouveaux départs de feux près de la frontière tunisienne, dans la région d'El Tarf, la plus touchée ces derniers jours.
«Sept incendies étaient en cours à 13H00 (12H00 GMT) dans deux wilayas (départements): quatre à El Tarf et trois à Skikda» (est), a annoncé la Protection civile dans un tweet. Auparavant, un de ses responsables avait annoncé l'extinction de «la totalité» des feux qui ont ravagé pendant deux jours le nord-est du pays, faisant aussi environ 200 blessés, dont des grands brûlés.
Vingt feux de forêts
Le bilan officiel reste de 37 morts - dont 30 victimes parmi lesquelles 11 enfants et six femmes à El Tarf près de la frontière avec la Tunisie. Cinq autres décès ont été enregistrés à Souk Ahras (Est) et deux à Sétif (Est). Mais plusieurs médias ont fait état d'une 38e victime, un homme de 72 ans mort à Guelma (Est). Durant 48 heures, plus de 1700 pompiers ont lutté pour venir à bout de plus de 20 feux de forêts qui ont fait aussi environ 200 blessés, dont certains gravement brûlés.
Le ministère de la Justice a ouvert une enquête pour déterminer si certains incendies étaient d'origine criminelle. Le parquet de Souk Ahras, où une famille entière a péri dans les flammes, a annoncé l'arrestation d'un pyromane dans une forêt à proximité de cette ville de 500.000 habitants. Plus de 350 familles ont fui leurs logements et un hôpital proche d'une zone boisée a dû être évacué.
Des lacunes dans le dispositif
Trois hommes ont également été interpellés par la gendarmerie près d'El Tarf, à environ 200 km de là. Ils sont accusés d'avoir incendié les récoltes d'un voisin, sans que les autorités n'aient fait le lien pour le moment avec les incendies dans la région. Des experts ont critiqué des lacunes dans le dispositif anti-incendies dont un manque d'avions bombardiers d'eau et des forêts mal entretenues.
Depuis le début du mois d'août, il y a eu près de 150 incendies en Algérie qui ont détruit des centaines d'hectares de forêts et de taillis. Chaque été, le nord du pays est touché par des feux de forêt mais ce phénomène s'accentue d'année en année sous l'effet du changement climatique qui se traduit par des sécheresses et des canicules. L'été 2021 a jusqu'ici été le plus meurtrier de l'histoire moderne algérienne : plus de 90 personnes avaient péri dans des feux de forêt ayant dévasté le nord où plus de 100.000 hectares de taillis étaient partis en fumée.
Alors même que le nombre de victime approche déjà la cinquantaine avec un nombre indéterminé de personnes disparues et des centaines de blessés, ministres et walis viennent constater les dégâts. Et sans doute promettre des aides ou secours qui n’arriveront pas.
Les cadavres des victimes surprises par les incendies jonchent les routes et les bois. Cette énième catastrophe n’a pas révélé malheureusement toute son ampleur. Comme première réponse, le Premier ministre se lance dans des déclarations pour le moins difficiles à tenir. Que fait-il au milieu du chaos alors qu’il sait que son gouvernement n’a rien fait ni pour le prévenir, encore moins pour secourir les centaines de victimes ?
Un an après la terrible catastrophe qui a endeuillé la Kabylie, le sombre scénario se répète dans l’Est du pays. Insoutenable gâchis. Il y a un an, les autorités avaient promis l’achat de matériel de lutte contre les incendies et des canadairs. A leur place on a eu des lance-missiles et des armes de guerre et des promesses jamais tenues.
Quelle explication peuvent donner des Messiers en costumes aux victimes et leurs familles ? Que peuvent-ils leur faire maintenant que le drame est advenu ? Rien. Et rien n’a aussi été anticipé pour limiter la catastrophe. Les autorités, du président au chef de daïra passent leur temps à dessiner une Algérie imaginaire devant un peuple incrédule.
La situation confine à l’insupportable, tant l’incompétence et le cynisme des hommes au pouvoir n’ont plus d’égal depuis quelques années en Algérie. L’incurie aura encore fait de nombreuses victimes.
Depuis 48h les incendies ont ravagé des milliers d’hectares de couvert forestier et fait des dizaines de victimes, quels moyens sont mobilisés par les autorités ? Très peu eu égard au nombre de victimes et aux dégâts. Seul le peuple se mobilise partout pour porter secours aux habitants meurtris. Des campagnes de solidarité s’organisent. Les appels sur les réseaux sociaux se multiplient. Gageons que comme pour la Kabylie d’ici à 24h des convois d’aide commenceront à arriver dans les régions sinistrées.
L’Algérie c’est en réalité cette formidable solidarité dans la douleur. Le reste, tout le reste de ces autorités qui arrivent toujours en retard n’est qu’enfumage et illusion.
El Djeich. Revue mensuelle de l'Armée nationale populaire, n° 708 (spécial), juillet 2022, 176 pages, diffusion gratuite.
La revue de l'Anp, El Djeich, est l'organe de presse le plus ancien du paysage médiatique national et beaucoup d'entre nous -tout particulièrement les étudiants accomplissant leur service national y ont fait leurs premières armes en journalisme (d'autres, juste à côté, en audiovisuel et cinéma), sous la direction ou/et en compagnie, souvent, de « soldats » de la plume connus (de mon temps, Zoubir Zemzoum, Abdou Benziane, Hamdi Mohamed, Tareb Madjid... sous la direction éditoriale du capitaine M'Barek Djadri). Une revue qui est parue régulièrement sans jamais s'arrêter, ce qui en fait un document d'archives inestimable. D'autant que la revue ne se limite pas aux questions militaires et de défense. Elle a été et reste encore une revue au contenu n'évitant aucun sujet politique et idéologique, économique, social, sportif ou culturel.
Cette fois-ci, à l'occasion du 60ème anniversaire de l'Indépendance du pays, ses journalistes (permanents et collaborateurs) se sont penchés -en plus du traitement habituel de l'actualité - surtout sur les réalisations militaires en présentant l'Anp sous toutes ses coutures. Avec, en ouverture, un éditorial signé par le président de la République et un message du chef d'état-major de l'Anp. Le sommaire en sur-titres: Anp... Devoir de mémoire/ Femme militaire/ Préparation au combat/ Formation/ Recherche et Développement/ Des acquis qui parlent d'eux-mêmes/Sport militaire/ Nouvelle ère.
L'Auteur : Direction de l'information et de la communication/Etat-major de l'Anp/Centre national des publications militaires/Rue Bachir Attar, Place 1er Mai, Alger
Extrait : « Tout comme hier, le peuple algérien a pu vaincre une des plus grandes puissances coloniales et restaurer la souveraineté nationale, il est en mesure, aujourd'hui, de faire face à tous les défis et de consacrer, dans les faits, l'Algérie nouvelle » (Abdelmadjid Tebboune. Editorial, p 3).
Avis : Dommage que l'on ne retrouve pas cette revue (mensuelle, tirée à 25 000 exemplaires, éditée en langues arabe et française, et fondée et juillet 1963), certes bien diffusée, ne soit pas diffusée auprès du grand public (au niveau des kiosques), d'autant qu'il me semble qu'auparavant, elle l'était et connaissait un succès certain. Problème d'ordre réglementaire ?
Citation : « La bataille, vitale et décisive, que nos jeunes sont appelés à mener et à gagner est celle de la conscience » (Saïd Chanegriha, message aux lecteurs, p 5).
Politis. Le monde vu autrement. Revue mensuelle d'actualité politique et économique internationale. Juillet 2022, n°09, 118 pages, 180 dinars.
Voilà donc une édition spéciale (papier, avec des photos en couleurs, puisque les numéros précédents étaient offerts seulement en Pdf) entièrement consacrée à l'Algérie, avec une assez bonne partie traitant de la guerre de libération nationale ainsi que des réalisations et des ambitions post-indépendance.
Un sommaire assez riche : c'est d'abord la « nuit coloniale que l'on n'oublie pas ». Ensuite, viennent des articles consacrés à la torture, à la guillotine, aux camps de regroupement (un entretien avec Sylvie Thénaut), des portraits d'amis de la Révolution algérienne, si nombreux (Germaine Tillon, John Kennedy, Giraldo Mazola Collazo de Cuba, Gérard Van Tijn des Pays-Bas, Nagy Laszlo Hongri de Hongrie, Lezhar El Gasmi Ezzidi le Tunisien, Léonidas Moushokouloua de Tanzanie, ...). Puis, il y a un article consacré au 4 août, Journée nationale de l'Anp qui rappelle que l'Anp est la force de l'Aln « en héritage », la fête de l'Indépendance avec son si attendu, si inoubliable et si fabuleux défilé militaire, un entretien avec l'ambassadeur d'Algérie à Paris (affirmant que « l'Algérie ne renoncera jamais à sa mémoire », des articles sur les relations de l'Algérie avec l'Afrique, sur l'économie algérienne, « 60 ans après », sur la culture (« le haïk, une dimension historique de la révolution », le théâtre, la peinture) et enfin les grandes dates du sport algérien 1960).
A noter que la publication reprend en ouverture l'allocution du président A. Tebboune à l'occasion du coup d'envoi du défilé militaire... et, en 3ème de couverture, un émouvant poème de Zhor Zerari, extrait de « Poèmes de prison » (décembre 1960).
L'Auteur : El Moudjahid (quotidien de langue française)
Extrait : « C'est une Armée (Anp) en cohésion avec le peuple algérien en dignité et en élévation, par la place qu'elle occupe dans le cœur de la Nation et par le patriotisme et de l'engagement des officiers, des soldats et de tous ses personnels et affiliés » (Président Abdelmadjid Tebboune, allocution, 5 juillet 1962).
Avis : Une initiative à saluer d'autant que le paysage médiatique national manque cruellement de revues d'études et d'analyses, généralistes ou spécialisées... laissant place aux réseaux sociaux, un monde « virtuel », certes d'instantanéité et d'expressions en apparence libres, mais éphémère.
Citation : « Le journaliste dispose d'une arme que même le temps qui est venu à bout de Noé, de Nemrod, des Pyramides, ne peut vaincre. Les mots arrachés à la banalité de la vie et transformés en épopée, grâce à la magie du style, écrits dans la fureur de l'histoire et consignés dans les articles » (Mohamed Koursi, Dg El Moudjahid, p10).
Depuis le début de l'été, de nombreux incendies ont éclaté en Algérie faisant jusqu'à présent quatre morts. PHILIPPE LOPEZ / AFP
Quatorze départements au nord du pays sont actuellement ravagés par 39 incendies.
Vingt-six personnes ont péri et plusieurs dizaines ont été blessées dans des feux de forêt qui ont touché 14 départements du nord de l'Algérie, a annoncé mercredi soir le ministre algérien de l'Intérieur, Kamel Beldjoud, donnant un nouveau bilan de ces incendies. «Vingt-six personnes sont mortes: deux à Sétif (est) et 24 à El Tarf (est)», près de la frontière avec la Tunisie, a annoncé Kamel Beldjoud lors du journal télévisé de 20h00 (19h00 GMT).
106 incendies depuis le début du mois d'août
Plusieurs personnes souffrent de brûlures ou de difficultés respiratoires mais aucun nouveau chiffre n'a été donné sur le nombre de blessés. Un précédent bilan de la protection civile faisait état de quatre personnes brûlées à divers degrés et 41 autres souffrant de difficultés respiratoires à Souk Ahras, autre ville frontalière de la Tunisie. Des images impressionnantes montrent des habitants de cette ville fuyant leurs maisons face aux flammes. Selon les médias locaux, plus de 350 familles ont fui leurs maisons à Souk Ahras.
La gendarmerie a fermé plusieurs routes à cause des incendies. «Trente-neuf incendies dans 14 wilayas (préfectures) sont en cours», a indiqué la protection civile en précisant que la wilaya d'El Tarf enregistre le plus grand nombre d'incendies avec 16 feux dont un bon nombre toujours en cours. Des hélicoptères bombardiers d'eau sont intervenus dans trois préfectures dont Souk Ahras. Depuis le début du mois d'août, 106 incendies ont éclaté détruisant 800 hectares de forêt et 1800 hectares de taillis, a précisé le ministre de l'Intérieur. «Certains de ces incendies sont provoqués», a affirmé Kamel Beldjoud.
Avec les 26 morts de ce mercredi, le bilan de l'été 2022 grimpe à 30 morts. Pays le plus étendu d'Afrique, l'Algérie ne compte que 4,1 millions d'hectares de forêts, avec un maigre taux de reboisement de 1,76%. Chaque année, le nord du pays est touché par des feux de forêt, mais ce phénomène s'accentue d'année en année sous l'effet aussi des changements climatiques. L'été 2021 a été le plus meurtrier. Au moins 90 personnes sont mortes dans des feux de forêt qui ont ravagé le nord du pays où plus de 100.000 hectares de taillis sont partis en fumée. Le réchauffement du climat augmente la probabilité des canicules et des sécheresses et par ricochet, des incendies.
Israël devrait tirer une leçon et prendre exemple de l’indépendance de l’Algérie, d’après un professeur de l’Université de Columbia située à New York aux États-Unis d’Amérique. Dzair Daily vous livre davantage de détails à cet égard, dans son édition du mercredi 17 août 2022.
Le colonisateur français, rappelons-le, a causé une destruction majeure et à très grande échelle d’un pays entier, « l’Algérie ». Le colon a en effet semé le chaos pendant plusieurs décennies. Toutefois, à proprement dit, tel un phœnix, l’Algérie a pu renaître de ses cendres, et sortir du fond du gouffre, son histoire doit servir d’exemple, particulièrement à Israël, selon un professeur américain.
Durant près d’un siècle et demi, la France a tenté par tous les moyens d’inculquer sa culture en un peuple, dit « Indigène ». Son ultime but était de dérouter le peuple autochtone en portant atteinte à ses mœurs et à ses coutumes. Les hostilités qu’ont vécues les Algériens par le régime colonial français sont incontestables. Il est question de ce que rapporte le site Web Middle East Eye.
Dans le même contexte, cette guerre génocidaire française a duré de 1954 à 1962. Il aurait fallu à plus d’un million et demi de martyrs de se sacrifier durant ces 7 ans. Voilà ce qu’a coûté cette guerre de libération. Il sied de dire que sans ce combat, on n’aurait jamais songé à respirer une Algérie libre et indépendante. Cela, après plus d’un siècle et demi.
Joseph Massad : la guerre d’Algérie est une clé pour tout peuple opprimé
Par ailleurs, le professeur Joseph Massad, de l’université de Columbia, à New York, évoque la cause israëlo-palestinienne. Étant donné que l’histoire politique et intellectuelle arabo-moderne est son domaine, Joseph estime que la Palestine pourrait suivre la voie de ses confrères algériens. Il s’agit là de ce que rapporte la même source.
Le professeur américain fait également nuance à une probable guerre de libération en Palestine. Puisque l’Algérie a élevé sa voix dans la sphère internationale après plus d’un siècle et demi. Rien n’empêche la Palestine de continuer à se battre contre le peule israélien, pour sa liberté.
Joseph conclut ses propos en incitant Israël à méditer l’impressionnante histoire de la guerre d’Algérie. Il ajoute à cet effet : « Les dirigeants israéliens devraient tirer les leçons de la victoire du peuple algérien contre l’oppression coloniale ».
Les rédactions, tous médias confondus, ont rarement été aussi fragilisées. Et au-delà des entreprises de presse qui risquent de mettre la clé sous la porte les unes après les autres, et des centaines de travailleurs qui vont se retrouver au chômage dans la foulée, c’est un principe fondamental qui s’en trouve ébranlé : le droit à l’information.
Après plusieurs jours d’absence sur les étals des buralistes, El Watan retrouve ses lecteurs ce mercredi. Mais pour combien de temps ? Tout le monde le sait : les jours du journal que vous tenez entre les mains sont véritablement en danger. Une précarité que le quotidien lancé le 8 octobre 1990 partage avec de nombreux titres qui sont tout aussi exposés à une menace de disparition pure et simple. Au risque de se répéter, c’est tout le paysage médiatique national qui se trouve aujourd’hui bouleversé. La profession n’a jamais été aussi proche du néant.
Il est bien triste de devoir une nouvelle fois établir ce constat qu’à l’heure même où notre pays célèbre le soixantième anniversaire de son indépendance, le bilan de nos acquis en matière d’ingénierie médiatique est affligeant. Le 14 avril dernier, le quotidien Liberté disparaissait définitivement, et El Watan risque fort de connaître la même fin brutale.
Deux titres emblématiques dont l’extinction est un très mauvais signal. Les rédactions, tous médias confondus, ont rarement été aussi fragilisées. Et au-delà des entreprises de presse qui risquent de mettre la clé sous le paillasson les unes après les autres, et des centaines de travailleurs qui vont se retrouver au chômage dans la foulée, c’est un principe fondamental qui s’en trouve ébranlé : le droit à l’information. Pourtant, dans les textes, c’est un droit proclamé urbi et orbi. La liberté de la presse comme la liberté d’expression sont, elles aussi, clairement garanties. Dans la Constitution de 2020, l’article 54 dispose : «La liberté de la presse écrite, audiovisuelle et électronique, est garantie.»
Et la Loi fondamentale d’expliciter : «La liberté de la presse comprend notamment : la liberté d’expression et de création des journalistes et des collaborateurs de presse ; le droit des journalistes d’accéder aux sources d’information dans le respect de la loi ; le droit à la protection de leur indépendance et du secret professionnel ; le droit de fonder des journaux et toute autre publication sur simple déclaration ; le droit de créer des chaînes télévisuelles, radiophoniques et des sites et journaux électroniques dans les conditions fixées par la loi ; le droit de diffuser des informations, des idées, des images et des opinions dans le cadre de la loi et du respect des constantes et des valeurs religieuses, morales et culturelles de la nation.»
«Un droit fondamental»
Notre défunt professeur Brahim Brahimi, qui était un ardent défenseur du droit à l’information, estimait que ce droit devait être soutenu «par l’Etat et par la société». Dans un texte intitulé : «Algérie : le droit à l’information ou l’apprentissage difficile de la démocratie», il écrit : «Il faut rappeler que la notion de droit à l’information est apparue après la Seconde Guerre mondiale dans les pays occidentaux.
Elle signifie aujourd’hui le droit aux sources de l’information, la recherche de l’objectivité et de la vérité ; le droit à une information neutre, honnête, complète, loyale, exacte, équilibrée, démocratique, bénéficiant de l’aide de l’Etat (et de la société) tout en étant autonome par rapport au pouvoir de l’Etat et celui de l’argent.»
Sous le titre «Le droit à l’information, ses conditions et ses conséquences», Henri Maler, cofondateur d’Acrimed, un observatoire des médias fondé en 1996 en France (et dont le nom est l’acronyme de Action-Critique-Médias), souligne de son côté : «Le droit à l’information recouvre en vérité deux droits indissociables : le droit d’informer et le droit d’être informé.
Le préambule de la Charte de Munich adoptée en 1971 par des représentants des fédérations de journalistes de la communauté européenne, de Suisse et d’Autriche, ainsi que par diverses organisations internationales de journalistes, s’ouvre sur la proclamation suivante : ‘‘Le droit à l’information, à la libre expression et à la libre critique, ainsi qu’à la diversité des opinions, est une liberté fondamentale de tout être humain.»
Un tel principe, légitime s’agissant d’une «Charte des droits et devoirs des journalistes», devrait être précisé pour être élevé au rang de principe général. Henri Maler ajoute : «En toute rigueur, parler dedroit à l’information, c’est invoquer le droit d’être informé. Mais ce droit fonde et conditionne le droit d’informer.
Le droit à l’information recouvre donc deux droits indissociables : celui d’informer (de produire des informations), et celui d’être informé (de disposer de ces informations). Et ces droits supposent que soient garantis les moyens de les exercer.»
Le modèle Hamrouche
Dans son livre Economie de la presse et des médias (OPU, 2013), le professeur Belkacem Ahcene-Djaballah insiste sur la nécessité de mettre en place des dispositifs d’aide à la presse. «Dans la plupart des pays, relève-t-il, l’Etat intervient directement ou indirectement dans le secteur de la presse écrite, par un dispositif d’aides qui peut être varié et même coûteux, et qui peut toucher l’ensemble des titres comme une partie précise.»
«Les aides, détaille le professeur Ahcene-Djaballah, recouvrent soit des aides directes qui font l’objet de crédits budgétaires soumis au vote du Parlement par le biais de la loi de finances (aides à la diffusion dans le pays et/ou à l’étranger, aides à la modernisation, aides à la formation, aides à l’achat/importation de papier, aides au maintien du pluralisme, aides à des entreprises publiques stratégiques), soit des aides indirectes qui sont principalement à la charge du budget général d’entreprises publiques (tarifs préférentiels pour les transports des journaux et des journalistes, régime postal préférentiel) ou du budget général de l’Etat et des collectivités locales (moins values fiscales).» Belkacem Ahcene-Djaballah observe qu’«en Algérie, le soutien de l’Etat à la presse a, depuis 1990, pris selon les périodes l’une ou l’autre de ces formes avec un impact tout aussi variable».
«Lors de l’ouverture des champs médiatiques et de la libéralisation de la presse, insiste-t-il, l’apport de l’Etat fut déterminant. C’est grâce aux mesures de la circulaire gouvernementale du 19 mars 1990 (gouvernement de Mouloud Hamrouche) et à l’allocation des trois ans de salaires (en fait entre deux et deux années et demie, la mise en application ayant tardé) aux journalistes désireux de quitter le secteur public que les premiers journaux privés ont pu être lancés. La circulaire prévoyait d’autres facilités en termes de logistique (prêts bancaires rapides pour l’acquisition de matériels informatiques, entre autres, d’exonération fiscale et de facilité d’accès aux imprimeries publiques, les seules existantes, qui n’ont pas fait l’objet de privatisation (jusqu’à ce jour).»
L’auteur précise en outre : «La Maison de la presse d’Alger (érigée en entreprise à caractère administratif sous tutelle du ministère de la Communication) et ses annexes à Oran et Constantine, entre autres, abritent les sièges de dizaines de titres et d’entreprises de communication audiovisuelle et publicitaire, en contrepartie de loyers longtemps symboliques (50 DA le mètre carré, charges comprises).» A noter, par ailleurs, la loi de finances de 1991, rapporte l’universitaire, qui avait prévu «la création d’un compte d’affectation spéciale n° 309 059 intitulé : ‘‘Fonds de promotion de la presse écrite et audiovisuelle’’».
Ce fonds avait été doté de 400 millions de dinars. «Toutes ces facilités, fait remarquer le professeur Ahcene-Djaballah, ont continué à bénéficier surtout à la presse privée, l’Etat n’hésitant pas non plus à prendre en charge, sur le budget global dégagé, le différentiel du prix (élevé) du papier journal pour éviter une flambée des tarifs d’impression, ainsi que, durant les années 1990, les loyers des logements dits sécuritaires.»
Presse privée, service public
A l’heure actuelle, on voit bien que tout ce dispositif s’est effiloché, à croire que ces mesures n’étaient que conjoncturelles et n’avaient plus leur raison d’être dès lors que cette première «promotion» de journaux libres a pris son envol. Or, la sagesse aurait sans doute recommandé d’intégrer ces leviers dans une vision stratégique. D’en faire les instruments d’une politique pérenne qui transcende les contingences immédiates de son implémentation. Une politique qui affirmerait solennellement l’engagement de l’Etat à garantir une offre médiatique diversifiée et équilibrée.
Force est de constater : depuis longtemps maintenant, le seul instrument d’aide aux médias, en particulier la presse écrite, c’est l’ANEP et sa publicité sélective. Beaucoup de journaux – dont El Watan – ont dû affronter avec leurs maigres moyens les mutations du marché, la récession économique qui a commencé à s’installer dès 2014, provoquant un effondrement des recettes publicitaires qui venait s’ajouter au tassement inexorable des ventes.
Puis il y a eu la pandémie de Covid-19 qui a porté un coup très dur à la trésorerie de ces périodiques. Et pour couronner le tout, il y a eu la crise mondiale du papier et la flambée du prix des matières premières. A toutes ces déconvenues en cascade, il faut adjoindre, en sus, toutes les charges dont doit s’acquitter n’importe quelle entreprise.
A ce propos, nos lecteurs doivent savoir qu’il n’y a pas de régime fiscal particulier pour les entreprises de presse. Pourtant, on parle tout de même d’un produit – le «print», le journal papier – qui n’est pas tout à fait un produit commercial. Indépendamment de son statut juridique, publique ou privé, la presse fait avant tout du service public. Et l’information est un bien public. D’où l’urgence de préserver les derniers lambeaux de journalisme qui ont miraculeusement survécu à toutes les violences qu’a subies ce métier.
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