Dans la " noria " qui fonctionnait à plein pour la guerre d'Afrique du Nord Il y avait la formation de cadres issus des Corps de Troupe ou de la Préparation Militaire Supérieure.Rien que pour l'Infanterie, il " sortait " chaque année, entre St Maixent et Cherchell de 2500 à 3000 sous-lieutenants, aspirants ou sergents appelés à remplir les responsabilités de chef de section.
L'un de ceux-ci se rappelle les bons et mauvais souvenirs de cette formation c'est Jacques Langard. il a rédigé le texte ci-dessous, l'autre a retrouvé ses photos couvrant cette période, c'est votre serviteur Jean Morel à L'Huissier il en a fait l'illustration.
LE PARCOURS DU CON BATTANT :) HA HA HA
Le parcours du combattant, heureusement des moniteurs sont là, nous sommes ici pour apprendre ! ! !
Peuple français, tu as tout vu Oui, tout vu de tes propres yeux. Tu as vu notre sang couler Tu as vu la police Assommer les manifestants Et les jeter dans la Seine. La Seine rougissante N’a pas cessé les jours suivants De vomir à la face Du peuple de la Commune Ces corps martyrisés Qui rappelaient aux Parisiens Leurs propres révolutions Leur propre résistance. Peuple français, tu as tout vu, Oui, tout vu de tes propres yeux, Et maintenant vas-tu parler ? Et maintenant vas-tu te taire ?
Nedjma chaque automne reparue Non sans m'avoir arraché Mes larmes et mon Khandjar Nedjma chaque automne disparue.
Et moi, pâle et terrassé.
De la douce ennemie
À jamais séparé ;
Les silences de mes pères poètes
Et de ma mère folle
Les sévères regards ;
Les pleurs de mes aïeules amazones
Ont enfoui dans ma poitrine
Un cœur de paysan sans terre
Ou de fauve mal abattu.
Bergères taciturnes À vos chevilles désormais je veille Avec les doux serpents de Sfahli : mon chant est parvenu ! Bergères taciturnes, Dites qui vous a attristées Dites qui vous a poursuivies Qui me sépare de Nedjma ?
Dites
Qui livra Alger aux bellâtres
Qui exposa le front des cireurs
Aux gangsters efféminés de Chicago
Qui transforma en femmes de ménage
Les descendantes de la Kahéna ?
Et vous natifs d'Alger dont le sang
Craint toujours de se mêler au nôtre
Vous qui n'avez de l'Europe que la honte
De ses oppresseurs
Vous hordes petites bourgeoises
Vous courtisanes racistes
Gouverneurs affairistes
Et vous démagogues en prières
Sous le buste de Rila Hayworth
Qui ne retenez d'Omar Bradley
Que le prénom — et le subtil
Parfum du dollar —
Ne croyez pas avoir étouffé la Casbah Ne croyez pas bâtir sur nos dépouilles votre Nouveau Monde
Nous étions deux à sangloter
Sous la pluie d'automne
Je ne pouvais fuir
Tu ne pouvais me suivre
Et quand je parvins aux côtes de France
Je te crus enfin oubliée
Je me dis elle ne remue plus
C'est qu'elle m'a senti
Vagabond
Ennemi
Sauvage et de prunelle andalouse
Ne sachant quel époux fuir
Et quel amant égarer
De langue et de silence
Sœur de quelque vipère
Tombée dans mon sommeil
Et mon dard à sa gorge
M'emplit d'ivresse au sortir de la prison
J'apportais l'ardeur des Sétifiens
Et de Guelma m'attendait
La fille solitaire de Kebiout
Je me croyais sans sœur ni vengeance Nedjma ton baiser fit le tour de mon sar Comme une balle au front éveille le guerrier Mon premier amour fut ma première chevauchée (Nedjma nous eûmes le même ancêtre)
Kebiout défiguré franchit sans se retourner
Le jardin des vierges et l'une lui jeta au front
Un coquelicot
Kebiout traversa la mer Rouge
Et fuma le narguilé du Soudan
Kebiout revint à lui ; il s'agita dans sa poitrine
Une lame brisée entre le cœur et la garde ;
Avec le mal du pays
Il leva les yeux vers une colombe :
«Je ne suis pas natif de ces contrées
Comme toi colombe, je voudrais revenir
A la main qui m'a lâché ! »
Kebiout marchait les yeux fermés
Il sentit les bourreaux en riant s'éloigner
«Où est ma potence, que je jette
Un dernier regard sur l'avenir?
— Les colombes blessées sont insaisissables ».
Kebiout suivit un mendiant rêveur
Ils s'endormirent la main dans la main
Rue de la Lyre
Et l'aveugle lui montra le chemin
À Moscou Kebiout s'éveilla Nedjma vivait Sur un tracteur De kolkhozienne
Kebiout se perdit dans un parc
Et comme un Coréen
Reprit sa route dans les ruines
J'emporte dans ma course Un astre : Nedjma m'attend Aimez si vous en avez
Le courage !
Voyez la lune au baiser glacé
Nedjma voyage
Sur ce coursier céleste
Et Kebiout ronge son frein
Rejoindra-t-il Nedjma ou l'astre ?
Le paysan attend Kebiout s'étend sur une tombe Non pour mourir mais pour aiguiser Son couteau
KATEB YACINE
MON ÂME RESPIRE UNE TERRE GORGÉE DE SANG
PAR AMINA MEKAHLI
Mon âme respire une terre gorgée de sang Mes mots ne disent plus rien Et mon corps rieur s'envole sur la voie lactée
Mon Algérie est mon berceau couvert de satin Elle est mon écrin quand je cherche la perle Je suis son grain jamais perdu sur les dunes
Je ne connais pas la gloire des survivants Je ne parle pas aux rochers dépulpés Mes dents ne mordent plus rien
Mon Algérie, te suffiras-tu de pieds épars Sur les routes goudronnées qui perdent le nord Quand les scarabées indiquent aux boussoles Ton sud oublié ?
Je n'aime pas les morts que la mer a noyés Je n'aime pas les vivants qui mâchent leurs mots Je n'aime pas la vie qui se croit éternelle Je n'aime pas la haine qui n'a pas de prix
Je ne sais pas passer par quatre chemins Je ne peux pas écrire le testament des autres Je ne veux pas être la risée de mes enfants Je n'aime pas les routes barrées
Je n'ai pas la mémoire des éléphants Je n'ai pas la force des hommes Je n'ai pas l'audace des tyrans Je n'ai pas la ruse des femmes
Je suis devant un bol de soupe Quelques grains de blé timides et muets Dansent sur ma cuillère rouillée Plus rien ne bouge quand je remue le courage Autour des pavés de la vérité.
PAR AMINA MEKAHLI
Au sujet de Amina Mekahli
A Propos
Ambassadrice du prix international de poésie Léopold-Sédar-Senghor, dont elle est lauréate en 2017 pour son poème "Je suis de Vous" et en 2020, Amina Mekahli est une poétesse, romancière et traductrice algérienne. Elle est née en 1967 à Mostaganem. Elle a publié son premier Roman "Le Secret de la Girelle" en 2016 et "Nomade Brulant" en 2017, premier roman traitant des camps de regroupement durant la colonisation algérienne suivi de "Les éléphants ne meurent pas d'oubli", un recueil de 7 nouvelles, publié en 2018. Beaucoup de ses poèmes sont également traduits en plusieures langues et inclus dans différentes anthologies dont la dernière en date "De l'Humain pour les Migrants" dirigée par Jean Leznod
« Nomade brûlant » d’Amina Mekahli
Quand la France entassa 3 millions d’Algériens dans les camps de regroupement
En hommage à l’écrivaine et poétesse Amina Mekahli, Le Chélif propose à ses lecteurs la chronique consacrée à son ouvrage « Nomade brûlant » par Jacqueline Brenot.
La littérature algérienne ne cesse de réserver de belles surprises, au point de ne savoir à quel ouvrage se vouer. Elle sait, par le choix de ses sujets, régaler ses lecteurs d’œuvres toutes aussi surprenantes, voir déroutantes, les unes que les autres. En jouant avec audace sur plusieurs registres, elle s’ouvre à un public de plus en plus exigeant et gourmand. Ces deux qualités étant souvent l’apanage des connaisseurs. En accueillant aujourd’hui sur les pages du Chélif une lecture d’un des derniers ouvrages d’Amina Mekahli, «Nomade Brûlant», on peut, d’emblée, les yeux fermés, se laisser séduire par sa langue vive et pénétrante sur un sujet amer.
Dès les premières pages de ce roman, le lecteur percevra l’appétence poétique et l’inclination humaniste de l’auteure, sur fond d’Histoire. Pour preuve, la citation de Kateb Yacine notée en avant-propos : «On ne peut connaître un peuple comme individu, c’est comme l’océan, on s’y perd ; mais il faut plonger et toujours plonger même si on ne rapporte en guise de perle qu’une vieille savate… de pareilles savates valent leur pesant d’or». Cet extrait de «Jeune Afrique» daté de mars 1967, donne le ton élevé, ambitieux, du roman qui suit.
Le sujet abordé nous livre un pan oublié de l’histoire algérienne, aux effets pervers sans limite sur les victimes et leurs descendants, comme le désert, théâtre des opérations dénoncées et qui colle aux pieds du «nomade» éponyme. Et c’en n’est pas fini pour le lecteur, de se perdre dans les arcanes d’une histoire de famille, comme dans les méandres des dunes. Dès le début du récit, les pistes ne cessent de se brouiller, les personnages de se croiser, de s’interroger sur la supposée «absence» d’un des leurs et sur l’identité d’une jeune invitée, surnommée «la petite». Les chroniques familiales, sujet privilégié de la littérature, sont comme des commodes à tiroirs multiples et sans fond, difficile d’en découvrir tous les secrets. Or, ici, les secrets de famille se comptent à la pelle. Chacun rêvant de fouiller dans l’intimité de son prochain. Avec une question récurrente, sur la mort supposée du fils de Claire, la mère omniprésente. Les symboles couvent sous les cendres d’un drame mal éteint.
En dépit des trois «parties» distinctes, comme trois étapes dans ce qui ressemble à une quête à rebours, dont le premier titre nous accorde une piste : «La mise en scène», nous entrons dans l’ambiance électrique, ponctuée de surprises, d’une tragédie familiale. Ne serait-ce par le doute inquiétant, entretenu sur la fameuse «disparition» du fils, psychiatre de grande renommée, qui occupe tous les esprits, dont ceux des journalistes qui cernent le domicile en vue d’obtenir un «scoop». Pourquoi, dès le début le premier chapitre, «cette impression de désolation ou de drame» et tant de rebondissements évoqués dans la vie des personnages qui gravitent autour du «disparu» ? L’auteure cultive l’art de l’énigme, en conduisant son lecteur sur des pistes sinueuses, afin de mieux susciter son intérêt sur le passé du supposé «mort». Mais gare à l’ouverture de cette boîte de Pandore ! Cette mise en déroute menée de main de maître tisse sa toile et nous embarque sur de «vieilles histoires», dont en priorité celle d’une enfant qui «n’a pas de papiers en règle». Et voilà le récit qui, par approches successives, met à vif la blessure originelle, celle à partir de laquelle le personnage principal s’est construit. Dans ce portrait fragmenté d’homme meurtri qui a pris le parti, après avoir été considéré comme mort, de livrer son «secret» par le biais d’un manuscrit, un morceau du puzzle nous est offert par ces phrases presque chamaniques : «C’est moi l’étrange étranger… Je suis le dernier chapitre de beaucoup de livres : certains livres déjà fermés et d’autres pas encore ouverts». Puis, le mystère livre son message : «Je suis l’enfant d’un peuple qui a eu peur», confirmé par «brûler l’identité d’un peuple est le crime ultime : celui qui tue par-delà la mort elle-même».
La polyphonie des voix qui entourent le héros, soit disant «disparu», ne peut plus dissimuler «le secret gardé depuis si longtemps» sur ses origines et sa véritable identité. Désormais, «le manuscrit» va offrir en pâture, au grand public, l’origine réelle du «psychiatre de renommée mondiale». Du même coup, coup de théâtre, nous voici au cœur de la thématique de l’ouvrage : l’arrachement à la terre. En effet, après «La mise en scène», le récit retrace le parcours d’un homme devenu un médecin célèbre, mais qui porte en lui une blessure incurable : celle d’avoir été enlevé des bras de sa mère naturelle pour se retrouver dans ceux d’une autre, dans un pays étranger et cela sur un choix arbitraire d’un «jeune soldat» durant l’occupation coloniale. Cet homme a perdu son enfance, sa langue et ses racines après avoir été adopté.
La phrase de Mahmoud Derwich, mise en avis au lecteur : «Il dit : Je suis de là-bas. Je suis d’ici. Et je ne suis pas là-bas ni ici», éclaire l’histoire de cet exilé et de tous ceux concernés, de près et de loin. Les fameuses «vieilles savates» des peuples traqués, parqués comme des animaux au profit d’une cause politique scandaleuse livrent sur le chemin de sable leur message pamphlétaire aux accents d’un «J’accuse».
La partie II, «Le manuscrit» retrace les souvenirs d’enfance du héros dans les camps de regroupement, où «les capuchons de nos djellabas rapiécées pendaient comme des abat-jours géants sur nos petits crânes décharnés par la faim et rasés à cause des poux…». Il faut tout le talent d’Amina Mekahli pour formuler l’indicible des petits gestes quotidiens et des «trésors» qui nous sauvent de la tragédie. Depuis «le petit Coran» que l’enfant a depuis sa naissance et qui «chasse la peur et les démons», jusqu’au «sac en jute» qui contenait ses «fragiles roses de sable» et sa «petite collection de cinq cailloux en forme de continents». Tous les discours d’adultes compatissants et emphatiques ne peuvent en dire mieux que ces détails lilliputiens aux ombres de géants. Tout y est : le rare, le précieux, le noble, comme des remparts contre la Peur et l’Oubli. Et lorsqu’il s’agit de répondre aux questions qui l’interrogent sur son pays d’origine, quels mots plus heureux pourraient traduire la réponse logique et mystique ? «D’où venez-vous ? – Du désert…», car, ajoute-t-il, «le désert, c’est un peu comme Dieu, personne ne te demande ce que c’est, car tout le monde croit le connaître» et encore «l’éternité dans le désert est une dune».
Au fil du chapitre II, «Le manuscrit» nous raconte la perte, le désespoir, la faim, de cet enfant choisi au hasard par «le responsable du village, un certain Serge», «venu désigner les enfants ayant droit à l’instruction… Toi ! oui. Toi ! non.», mais aussi la lumière, la douceur, tous les bonheurs simples perdus définitivement. La force du style nous embarque dans l’injustice criante de la situation. Et nous devenons l’enfant arraché, lobotomisé par la violence de la situation.
Le talent de l’écrivaine réside dans des formules parfaites, uniques, comme l’onde sonore du cristal.
Plus loin, des phrases, telles des pierres ciselées, sèment au fil du récit les joies simples et les meurtrissures de ce Petit Poucet des sables, abandonné par ses parents «biologiques», «jeté comme un objet encombrant» dans cet avion, puis regardé dans le pays d’accueil «comme un privilégié, un enfant sauvé par ses bienfaiteurs «universalistes» qui (m’)ont offert la vie rêvée d’un enfant heureux», «comme un miraculé qui devait dire «merci» du lever du jour à la nuit tombée pour avoir échappé à son destin de sous-développé». Tout est dit. «Quand le sage désigne la lune…», comme dit le sage chinois, il ne s’agit pas de regarder le doigt… ! Ce roman libère les voix silencieuses des opprimés de l’Histoire. Il nous livre des clefs pour traduire leurs témoignages par le biais de ce «manuscrit», dont l’auteur, qui n’est autre que ce psychiatre, y affirme sa «thérapie de la peur» et, comble de la société moderne, qui génère à son insu sa notoriété internationale multi-récompensée. Cette prose souvent poétique, aérienne ou mordante, celle qui crie juste, qui ne laisse rien passer, au contraire, qui passe une râpe sur la plaie béante pour soulever les croûtes trompeuses, doit se lire à petites gorgées, elle ne peut être résumée. Elle livre au lecteur le meilleur de l’humain, dans son discernement et son sens de la beauté.
Si ce récit était paru dans les années concernées, il eût été considéré comme un brûlot et son auteur emprisonné, sans autre forme de procès. Et ce n’est pas pour rien que la 3ème partie s’intitule «le bûcher». Nous entrons au cœur d’un Enfer qui, comme dirait Sartre, «est pavé de bonnes intentions». Au milieu du système colonial mis en place dans le camp de regroupement, les moyens de maintien de l’Ordre et de la Sécurité de la population locale sont drastiques et les GAD y participent. Les souvenirs de cette époque continuent de remonter à la surface et les règlements de comptes familiaux par les révélations du «manuscrit» vont bon train. Même si la fiction poursuit son œuvre au sein de cette famille pas si honorable, l’auteur ne nous épargne pas de l’Histoire implacable qui ne lâche rien à l’encontre des populations innocentes et joue de ses actions psychologiques» pour faire plier les résistances.
Laissons au lecteur la découverte de ce roman incontournable qui s’achève par un feu poétique où la voix du nomade renaît des cendres de la honte et de l’exil.
«Murmurez, mais ne vous taisez jamais !», telle est la dernière invocation offerte par l’auteure. Que ce conseil aux allures de prière soit entendu en écho dans le désert des regrets qui ternissent nos existences !
«En 1960, le nombre des Algériens regroupés atteignait 2 157 000, soit un quart de la population totale. Ce regroupement de population est parmi les plus brutaux qu’ait connus l’Histoire»
Au lendemain d’un jugement clément, un membre d’un groupuscule d’extrême droite considère que « même la justice française, cette espèce de merde » lui a donné raison de frapper « des petites salopes de gauchistes ». Le parquet d’Angers vient de faire appel du jugement de relaxe.
LeLe 11 août dernier, Mediapart titrait son compte rendu consacré au procès d’anciens membres de l’Alvarium, un groupuscule d’extrême droite dissous, « La justice délivre un blanc-seing à une milice “armée” ». L’un des quatre prévenus, le seul à avoir été condamné à une peine de sursis, partage la même grille de lecture. Sur X (anciennement Twitter), le compte Réseau Angevin AntiFasciste vient de publier l’enregistrement de propos qu’il a prononcés « sur un espace de discussion fermée ». La teneur des déclarations de ce militant d’extrême droite d’Angers (Maine-et-Loire) ne laisse pas place au doute quant à l’interprétation qu’il fait du jugement prononcé à son encontre.
« La vérité est que quand on se défend même si on casse des jambes à des petites salopes de gauchistes et bah, en fait, on se défend… Donc on a raison de le faire et donc on est libérés. » On l’entend alors pousser un soupir de soulagement.
Il convient de contextualiser cette analyse toute personnelle.
D’abord son auteur.
Au début de son allocution, l’individu précise : « La procureure voulait que je prenne 6 mois ferme, plus 6 mois de sursis, plus 1 000 euros d’amende, plus 2 ans d’interdiction de venir à Angers. […] Et finalement je ressors libre avec seulement 3 mois de sursis. » Le détail des réquisitions du ministère public et de la peine prononcée permet d’identifier celui qui parle ainsi : Côme Jullien de Pommerol.
Jeudi 10 août, le tribunal correctionnel d’Angers l’avait effectivement condamné à trois mois avec sursis pour des violences qu’il avait avouées à l’audience tout en le relaxant, ainsi que ses camarades pour les autres faits pour lesquels ils étaient poursuivis.
Côme Jullien de Pommerol est un jeune homme âgé de 23 ans, grand maigre arborant une fine moustache, qui serait ramoneur si on a bien compris ce qu’il marmonnait à l’audience. Il a déjà été condamné à une peine légère pour « participation avec arme à une manifestation » le 30 janvier 2021. « Des antifas zonaient, ils m’ont agressé. Il se trouve que j’ai mis un coup de boule », a-t-il expliqué à l’audience la semaine dernière.
Il avait frappé un homme à terre
Maintenant les faits.
Côme Jullien de Pommerol et trois camarades étaient poursuivis pour leur possible participation à des violences commises à Angers en marge de manifestations contre les violences policières, après la mort de Nahel, tué par un motard de la police à Nanterre.
Le vendredi 30 juin, des manifestants croisent la route des militants de l’Alvarium, un groupuscule d’extrême droite dissous en 2021 en raison de ses appels « à la violence et à la discrimination » et parce qu’il « alimente un discours de haine assumée ». Ses membres qui se font appeler aujourd’hui « RED Angers » (pour Rassemblement étudiant de droite) sont armés de bâtons et de battes de baseball dont ils s’empressent de faire usage. Comme l’immortalisent des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux.
Le lendemain, une échauffourée avait éclaté devant leur local, une trentaine de militants d’extrême droite avaient poursuivi et frappé des antifascistes « armés de bâtons », selon l’arrêté du maire.
À l’audience, outre des peines de prison allant de six mois de sursis simple jusqu’à douze mois dont six ferme (pour Côme Jullien de Pommerol), le parquet d’Angers avait requis à l’encontre de chacun des prévenus deux ans d’interdiction de séjour à Angers. « Force doit rester à la loi et pas aux groupes armés », concluait la procureure Béatrice Nectoux.
Mais le tribunal correctionnel n’avait pas suivi les réquisitions du ministère public, relaxant les prévenus à l’exception des trois mois de sursis à l’encontre de Jullien de Pommerol pour les violences qu’il avait avouées à la barre.
« Y’a vraiment un truc qui me fume, c’est qu’on était tellement en légitime défense que même la justice française, cette espèce de merde, a reconnu que c’était nécessaire qu’on fasse ce qu’on a fait », entend-on ce dernier commenter sur l’audio diffusé sur X. Le parquet d’Angers vient de faire appel, a révélé sur X le journaliste Guillerme Captant. L'appel, confirme une source judiciaire, porte sur les relaxes mais aussi sur la condamnation à trois mois de prison avec sursis de Côme Jullien de Pommerol.
Même la justice française a reconnu qu’en fait on était obligés de faire ce qu’on a fait. C’est pas incroyable ça ?
Côme Jullien de Pommerol
Le jeune homme était identifié sur des vidéos comme étant celui portant des coups de pied à un manifestant.
« Comment expliquer cette violence ?, lui avait demandé le président du tribunal correctionnel.
– C’est déjà l’attroupement antifasciste qui vient vers nous, se défend le jeune homme âgé de 23 ans. Je vois un camarade qui se fait agresser, j’arrive pour le défendre. On se doute bien que, vu le stress, je n’ai pas fait une hiérarchie du danger, j’ai essayé de défendre mon collègue. Oui, je l’ai frappé [le militant antifa - ndlr] mais au seul but de mettre fin à son agression. Il n’y a pas eu d’acharnement. »
Un peu plus tard dans la cour de l’audience, le président Guillaume Bocobza-Berlaud avait ironisé : « Vous avez eu tellement peur pour un camarade que vous avez frappé quelqu’un à terre… »
Et, au cours de son réquisitoire, la procureure Béatrice Nectoux avait insisté : « Quand on donne un coup à quelqu’un au sol, ce n’est pas de la légitime violence, moi j’appelle ça de la vengeance ! »
Le message n’est pas passé.
Sur son message audio, Côme Jullien de Pommerol se félicite : « Même la justice française a reconnu qu’en fait on était obligés de faire ce qu’on a fait. C’est pas incroyable ça ? »
Le président ukrainien a limogé tous les responsables des centres de recrutement, face à des critiques de plus en plus nombreuses sur le fonctionnement de l’armée.
KyivKyiv (Ukraine).–« À la guerre comme à la guerre. » L’expression n’aurait pas pu être plus représentative des premiers mois de l’invasion russe en Ukraine, quand les troupes étaient aux portes de Kyiv et que les bombes pleuvaient sur le pays entier. Le 24 février, il fallait s’organiser vite, quitte à donner des armes dans la rue aux dizaines de milliers d’hommes et de femmes qui se pressaient devant les bureaux de recrutement militaires.
Un an et demi plus tard, les candidats sont moins nombreux. « Ceux qui voulaient se battre sont déjà sur le front », souffle Iouri, un gradé dont le prénom a été changé car il n’est pas autorisé à parler. La contre-offensive éreintante lancée début juin par l’Ukraine pour libérer ses territoires occupés fait beaucoup de blessés et de morts. Les chiffres sont tenus secrets par l’état-major ukrainien pour éviter de communiquer les pertes à l’ennemi.
Sur le front, la contre-offensive patine. Face aux lignes défensives construites depuis des mois par les Russes, les troupes ukrainiennes ont revendiqué le 16 août quelques gains à l’est et au sud. À l’est, la bataille pour Bakhmout continue de faire rage. La ligne de front se stabilise depuis quelques mois, et permet au sein de la société ukrainienne et du commandement une réflexion sur l’organisation de cette nouvelle armée qui compterait jusqu’à 1,5 million de soldats.
En bruit de fond, de nombreux activistes et militaires commencent à questionner le fonctionnement opaque et parfois arbitraire de cette institution. En janvier déjà, une affaire de détournement de fonds destinés à la nourriture des soldats avait ébranlé le ministère de la défense. Plusieurs officiels avaient été limogés.
Face aux accusations de corruption, Volodymyr Zelensky tente de donner des gages à l’opinion publique. L’ex-comédien a ainsi annoncé vendredi 11 août le renvoi de tous les responsables régionaux des bureaux de recrutement, remplacés par des soldats blessés qui ne peuvent plus combattre.
« Le système devrait être dirigé par des personnes qui savent ce qu’est la guerre, et qui savent que le cynisme et la corruption pendant la guerre relèvent de la haute trahison », a déclaré le président ukrainien. Près de 112 procédures pénales ont été ouvertes contre 33 suspects dans des centres de recrutement.
5 000 dollars pour échapper à l’armée
Depuis des mois, des dizaines de cas de corruption pour échapper au service ont été rapportés par la presse ukrainienne et les parquets locaux. À Odessa, le chef du bureau régional, Yevhen Borisov, est poursuivi pour enrichissement illégal et abandon de poste. Il encourt jusqu’à dix ans de prison. Il aurait acheté en décembre 2022 une villa en Espagne pour 4,4 millions d’euros, bien au-delà de ses revenus déclarés.
Selon l’enquête, le militaire prenait jusqu’à 5 000 euros par tête en échange de faux certificats médicaux d’exemption au service. Une personne peut éviter la mobilisation pour des raisons de santé, si elle a trois enfants ou si elle aide un proche en situation de handicap. Les conditions ont été durcies en juin, il faut désormais prouver qu’on est le seul proche à s’occuper de la personne.
« La décision de Zelensky sur le recrutement arrive trop tard. C’est une décision populiste et rapide pour contenter l’opinion », confie Vladislav à Mediapart par téléphone. Ce militaire, dont le prénom a été changé, a travaillé plusieurs mois dans un centre de recrutement de l’ouest du pays après avoir été dans le Donbass pendant des mois.
Les réformes qu’il y a eu en Ukraine ces dernières années ne se sont faites que par petites touches et ne résolvent pas le problème de la corruption systémique.
Un militaire ukrainien
« Tout le monde sait qu’il y a de la corruption. En 1997, quand j’ai fait mon service militaire, c’était déjà ces centres qui s’occupaient du recrutement. La seule différence, c’est que pour échapper à l’armée, il fallait payer 100 dollars à l’époque. Aujourd’hui, c’est 5 000 », rapporte le soldat.
Des milliers de personnes pourraient y avoir recours, selon lui. « Ce sont des millions d’euros qui sont donnés par les familles en bakchichs et qui pourraient servir dans l’armée, s’insurge Vladislav. Le problème, c’est que tout le système est basé sur le modèle soviétique. Les réformes qu’il y a eu en Ukraine ces dernières années ne se sont faites que par petites touches et ne résolvent pas le problème de la corruption systémique. »
En 2014, au moment de l’annexion de la Crimée et du début de la guerre au Donbass, l’armée ukrainienne en déliquescence s’est en effet appuyée sur les institutions existantes héritées de l’URSS. Si plusieurs changements ont été opérés dans la structure même de l’armée pour se conformer aux exigences de l’Otan, la question du recrutement est passée entre les mailles du filet.
« La société ne fait pas confiance à ces commissariats militaires », ajoute Iouri, qui travaille au commandement après plusieurs mois sur le front. Il souligne les problèmes de ressources humaines de l’armée. « Les bons combattants vont donc voir directement les unités qui les intéressent et certains services se retrouvent avec des gens inaptes physiquement. » Plusieurs médias avaient aussi dénoncé des violences dans ces centres de recrutement, notamment dans celui d’Odessa : des hommes pris dans la rue et amenés de force au bureau militaire, ce qui est illégal.
Loi favorable aux soldats
« Il n’y a pas de bonne solution ici, car même s’ils changent les chefs au niveau régional, les chefs au niveau local qui doivent remplir les quotas sont encore là », explique sous couvert d’anonymat un avocat qui aide des militaires à défendre leurs droits. « Ces gens-là sont là depuis des décennies, ils sont gradés. On sait très bien que s’ils sont envoyés au front, ils seront dans les bases arrière. Mais dans tous les cas, c’est une bonne chose que des vétérans blessés prennent leur place. Ils prendront de meilleures décisions. » Comme toutes les personnes interrogées, l’avocat met en avant la difficulté de faire des réformes, alors que le pays doit faire face sur son territoire au conflit le plus intense en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
« Ce n’est pas l’armée qui est critiquée, mais les méthodes soviétiques et certaines structures sont par essence encore soviétiques », estime l’avocat. Les commissions médicales qui déclarent aptes au service les candidats après le recrutement ou bien les militaires après une blessure sont ainsi dénoncées depuis quelques mois.
Dans la région d’Odessa, un homme de 29 ans qui vivait avec un handicap depuis l’enfance est mort d’une crise d’épilepsie, un jour après avoir été recruté. La commission médicale l’avait déclaré apte à servir. L’examen, selon sa mère, a duré moins de 20 minutes. Une enquête a été ouverte pour homicide.
En parallèle de la lutte anticorruption, le président ukrainien a introduit fin juin une loi favorable aux militaires, avec des augmentations de salaires. Désormais, les soldats qui se battent sur les points les plus chauds du front seront payés de 700 à 2 500 euros par mois. Les congés annuels passent de 10 à 30 jours par an, avec en plus 10 jours de congé possibles pour raisons personnelles.
Cette loi met également en place un entraînement d’un mois obligatoire pour les nouvelles recrues avant tout envoi au front. Ces nouvelles dispositions préparent un peu plus la société à une guerre longue.
Daniel Vérin, instituteur français né de parents français en 1933 à Alger, est habité à la fois par les valeurs républicaines et par le sentiment profond d’appartenir à une terre, une culture et un peuple d’Algérie. 👋 + de documentaires histoire 👉 citoyen algérien, américain et français. L’itinéraire d’Ali-Daniel apporte un éclairage original et unique sur l’épisode tragique de l’histoire française et algérienne.
En 1901, des centaines de musulmans attaquent un village du nord de l’Algérie. L’insurrection, vite réprimée, est un signe annonciateur de la guerre d’indépendance, un demi-siècle plus tard. En partenariat avec RetroNews, le site de presse de la BNF.
Gravure sur la révolte de Margueritte publiée dans « le Petit Parisien », le 12 mai 1901. (LE PETIT PARISIEN / BNF-PARTENARIATS VIA AFP)
C’était un petit village « français », perché sur le massif du Dahra, à une centaine de kilomètres d’Alger. Avec sa mairie, son église, sa poste et ses vignes. Les habitants s’appelaient Bastien, Gauthier, Girardo, Motto, Ziegler… les noms aux consonances espagnoles, italiennes, alsaciennes, de tous ceux venus peupler l’Algérie conquise à partir de 1830. L’endroit, longtemps appelé « Aïn-Turki » (« la Fontaine des Turcs »), avait été rebaptisé « Margueritte » par l’administration française, en hommage au général de division Jean-Auguste Margueritte, qui avait commandé le 3e régiment de Chasseurs d’Afrique et était tombé en 1870 pendant la guerre contre la Prusse.
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En cette année 1901, l’Algérie est « pacifiée », voulait-on croire. Les grandes insurrections des années 1871-1881 en Kabylie ont été écrasées par l’armée française. A Margueritte, on cultive tranquillement son vin, comme si c’était pour l’éternité. Une brève révolte va éclater dans cette région montagneuse du nord de l’Algérie et stupéfier la métropole.
« Le Petit Journal », 19 mai 1901
Le 26 avril, le village est assailli par des paysans musulmans, emmenés par un marabout du nom de Yacoub. Les hommes du village sont faits prisonniers, certains forcés de se déshabiller, d’endosser le burnous et de prononcer la profession de foi musulmane (chahada). Cinq Européens sont tués, un garde forestier, une receveuse des postes… Plusieurs autres sont blessés. L’insurrection dure huit heures. Une compagnie de tirailleurs est aussitôt envoyée de Miliana, la ville voisine. Un demi-siècle avant que n’éclate la guerre d’indépendance, la répression va s’organiser, exemplaire. Arrestations, exécutions sommaires…
Le soulèvement fait dès le lendemain les gros titres de la presse française. « Grave révolte d’Arabes en Algérie », annonce à la une le quotidien « la France ». Dans les journaux métropolitains, on ne s’embarrasse guère de détails quand il s’agit de l’Algérie : l’insurrection est forcément « arabe », quand bien même la population du Dahra est en majorité berbère.
« Une révolte indigène a éclaté dans le douar d’Adelia, près de Miliana, peut-on lire dans “le Parisien” dès le 27 avril. Les révoltés appartiendraient à la tribu des Beni-Ben-Asser, voisine du village de Margueritte. L’administrateur adjoint et des cavaliers indigènes auraient été faits prisonniers, un Espagnol a été tué. Le village de Margueritte est saccagé […]. Toutes les autorités de Blida se sont rendues sur les lieux. Demain, à quatre heures, un escadron de chasseurs d’Afrique partira par un train spécial. Les hommes ont reçu des munitions de guerre. »
Dans la même édition, « le Parisien » précise que«l’administration a été prévenue à midi, par dépêche », que la tribu des Beni-Ben-Asser a « fait prisonnier l’administrateur adjoint indigène » et a désarmé « les gendarmes en leur prenant leurs chevaux », mais que « la bande des indigènes a été refoulée, dans la soirée, vers la montagne ».
« Le Parisien », 27 avril 1901
Les détails sur les morts et les blessés sont assez variables. On parle d’abord d’une trentaine ou d’une cinquantaine de victimes parmi les Européens, puis de dix. « Un garde champêtre français, un tirailleur, deux colons, deux Espagnols et un Italien sont tués. Un capitaine de tirailleurs, un lieutenant de tirailleurs et des gendarmes sont légèrement blessés. Trois indigènes ont été tués par les troupes », annonce le 29 avril le journal « le XIXe Siècle », qui livre les premiers noms identifiés de victimes « Labersèdes, garde-champêtre à Margueritte ; Garriet, colon ; Gay, colon ; Etienne (présumé mort) ; un tirailleur ; Véco, Italien ; Vicente Joseph, Espagnol ; un Espagnol non identifié ».
Le journal publie également le premier récit d’un « témoin oculaire ». Ce « notable négociant d’Alger », qui « habite une grande ferme à Margueritte depuis 15 ans » et « s’est sauvé avec les siens », rapporte que « l’attaque commença à midi : une bande de 300 Arabes, armés de fusils, de matraques et de couteaux, assaillirent une ferme ». Selon lui, « il ne s’agit pas d’un soulèvement dû à des causes politiques mais d’un pillage ».
« Le XIXe Siècle », 29 avril 1901
D’autres témoignages de « colons » sont publiés. « La Liberté » publie le 28 avril celui d’un certain Monsieur Ricome, « grand courtier en vins et propriétaire à Margueritte » :
« J’étais parti ce matin avec ma femme et mes deux enfants pour passer la journée à la ferme que nous possédons à Margueritte et m’occuper des travaux de saison, raconte-t-il au journal. Aucun fait anormal ne s’était produit pouvant nous faire pressentir le drame auquel nous allions assister. Nous nous mettions à table à midi lorsque mon gérant, que vous voyez là à mon côté - car il s’est sauvé avec nous - sortit pour donner quelques ordres aux travailleurs indigènes que nous occupons en ce moment. A peine était-il sorti d’un côté que ma femme entre par l’autre en coup de vent et s’écrie : “Genoudet est assassiné ! Les Arabes viennent de le tuer avec le boulanger du village !” »
« Ma femme parlait encore, lorsque nous entendons des cris de sauvages, poursuit Monsieur Ricome dans les colonnes de “la Liberté”. Je me mets à la fenêtre et vois deux cents à trois cents Arabes à quinze mètres de la maison, armés de fusils, de matraques et de coutelas énormes. Au même moment, des coups de feu retentissent. Je vois tomber un Européen, probablement un Espagnol. […] Les coups de fusil pleuvent dru contre les volets de notre ferme. Instinctivement, je pousse ma femme et mes deux enfants vers la fenêtre et nous sautons du premier étage sur le toit, d’une autre partie du bâtiment en retrait ; nous devons peut-être à cette circonstance particulière de construction notre salut. Nous courons à la gare d’Adelia, où nous arrivons les vêtements en lambeaux. Je préviens le chef de gare, qui télégraphie aussitôt à Affreville, et nous prenons le train pour Alger. Je ne sais pas autre chose ; je crois qu’à l’heure présente ma ferme est saccagée. »« La Liberté », 28 avril 1901
Même si l’ordre a vite été rétabli, la France est abasourdie. Elle décide de renforcer ses troupes militaires sur place. Un bataillon du 1er Zouave est envoyé d’Alger, un escadron de Chasseurs d’Afrique de Blida et deux compagnies de tirailleurs d’Orléansville dès le lendemain, comme l’indique « la Liberté ». Des ordres sont donnés pour armer tous les colons et les villages de la région. Les autorités françaises n’ont pas voulu voir les signes annonciateurs de l’insurrection. Une première explication est vite avancée par la presse métropolitaine : les mauvaises conditions subies par les « indigènes ». Mais la France préfère se raccrocher aux hypothèses – moins susceptibles de remettre en cause l’ordre colonial – d’actes de banditisme ou de fanatisme religieux.
« Au gouvernement général, peut-on lire dans différents journaux, on ne croit pas à un mouvement insurrectionnel, mais on ne pense pas cependant que l’attaque d’hier ait été spontanée.On avait déjà, au mois de décembre, découvert un commencement de complot chez les Beni-Men-Asser.Plusieurs arrestations avaient été opérées. Le but de ce complot était d’organiser une révolte pour protester contre l’accaparement des forêts, des charbons et des bois de chauffage par quelques industriels ; cet accaparement ayant privé les indigènes de la région de leur travail et les ayant réduits à une extrême misère. […] Le conseiller général de Margueritte, rapportait, il y a quelques jours, […] qu’il n’y avait plus de sécurité pour les colons, lesquels étaient journellement bafoués et injuriés.Une première révolte avait eu lieu hier contre le caïd de la tribu, qui, pour échapper à la mort, dut se laisser dépouiller de tout ce qu’il possédait en armes et en montures. A la tête des pillards se trouvait un marabout fort connu dans la région. […] Des mesures très énergiques ont été prises en vue d’empêcher le retour de ces événements et assurer une répression sévère. »
Dans « l’Aube d’une révolution » (Privat, 2012), consacré à « l’affaire de Margueritte », Christian Phéline, évoque une « brève éruption » qui illustre le « cheminement souterrain des forces de refus » face à l’ampleur des dépossessions foncières, ainsi que la sévérité du code forestier et du régime de l’indigénat.
Un peu plus d'un an après les femmes le 21 avril 1944, les militaires de carrière sont les derniers représentants français — à l'exception faite de plus d'un million femmes musulmanes en Algérie (1958) et des personnes sans domicile fixe (1998) — à obtenir le droit de vote.
L’ordonnance du 17 août 1945 dispose en effet : "Les militaires des trois armées (de terre, de mer, de l'air et de l'espace) sont électeurs dans les mêmes conditions que les autres citoyens", rompant avec une loi de 1872 les excluant du suffrage universel, héritée de l’époque où l'armée était regardée avec suspicion et tenue hors de la vie politique du pays. Explications.
Un droit de vote "en pointillé" pour les militaires
À la suite de la Révolution française de 1848, de l'abdication du roi Louis-Philippe et ainsi, de la chute de la monarchie de Juillet (1830-1848), la IIe République française est instituée cette même année.
Elle met fin au suffrage censitaire, où seuls les citoyens dont le total des impôts directs dépasse le seuil (le cens) peuvent voter. L'élection d'un président de la République se fait désormais au suffrage universel masculin, pour tous les hommes âgés d'au moins 21 ans jouissant de leurs droits civils et politiques (décret du 5 mars 1848). Le droit d’être élu est accordé aux plus de 25 ans. Le vote est secret. Femmes, membres du clergé, détenus et militaires de carrière en sont toutefois exclus.
Pour cause, dans cette période de vives tensions entre la France et la Confédération germanique, il paraît inconcevable que les troupes soient dispersées au moment des élections à travers le territoire national, dans chaque commune ou canton. Elles seront donc des abstentionnistes forcées du premier scrutin d'avril 1848, où le corps électoral — passé de 250 000 à 9 395 000 inscrits avec le nouveau mode de suffrage — est convoqué dans les bureaux pour élire 880 députés.
C'est finalement la loi du 15 mars 1849 qui, si elle réduit d'une part le corps électoral par de nouvelles conditions, accorde le droit de vote aux soldats : "Les militaires en activité de service et les hommes retenus pour le service des ports ou de la flotte, en vertu de leur immatriculation sur les rôles de l'inscription maritime, seront portés sur les listes des communes où ils étaient domiciliés avant leur départ". Les sections de vote sont alors organisées dans les établissements militaires.
Le 2 décembre 1851, le président Louis-Napoléon Bonaparte, premier chef d'État français élu au suffrage universel, renverse la République à travers un coup d'État, aidé par l’armée.
Il maintient le droit de vote des militaires pour les plébiscites (consultations populaires pour approuver ou refuser les grandes orientations, sortes de référendums) qui approuvent son accession au pouvoir entre décembre 1951 et novembre 1852 — ainsi que lors des élections (plus ou moins galvaudées) organisées sous le Second Empire, établi un an pile après le renversement du précédent régime.
Face à la méfiance des Républicains, "la Grande Muette"
Ce droit demeure ouvert aux soldats jusqu’à la défaite de Sedan le 2 septembre 1870, la chute de Napoléon III et l'instauration de la IIIe République. Le 27 juillet 1872, la loi Cissey instaure le service militaire obligatoire par tirage au sort… et prononce, à travers l'article 5, l’interdiction du vote pour les militaires de tous grades en activité : "Les hommes présents au corps ne prennent part à aucun vote".
À une période où la République est encore fragile, les partisans de celle-ci y voient là, entre autres arguments, une volonté de rompre avec un régime antérieur (auquel l'armée était impliquée) et une manière d'instaurer une neutralité et un loyalisme de l'institution envers la Nation.
Pour exemple, Léon Gambetta, alors l'une des personnalités politiques les plus importantes des premières années de la III République, préconisait ainsi cette suspension du droit de vote pour "empêcher, au foyer de la famille militaire, les dissentiments politiques" (discours du 4 juin 1874 - Dominique Colas, L'État de droit, Presses universitaires de France, 1987).
Les soldats se voient donc dotés de ce statut particulier et, privés de droits civiques, ne peuvent contester ; ils sont "muets". L'armée, à la fois grande et silencieuse dans les urnes, se voit attribuer le surnom de "Grande Muette". Il faut attendre la fin de la Seconde Guerre Mondiale, dans une considération des actes accomplis et un rétablissement égalitaire, que ce droit de vote est rétabli.
Le Code de la Défense, droits et libertés actuelles
Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Si le statut général militaire est prévu en vertu de l’article 34 de la Constitution française, il est codifié au sein du Code de la Défense, regroupant l'ensemble des dispositifs législatifs et réglementaires relatifs à la défense française et à son exercice, adopté en 2004.
Son article L4121-1 réaffirme que "les militaires jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens". Il précise aussi les droits accordés aux fonctionnaires civils et aux militaires dépendant du Ministère des Armées, avec la possibilité de restreindre l’exercice de certains d'entre eux.
Il leur est ainsi interdit d'adhérer à des groupements ou des associations à caractères politiques. La syndicalisation, par exemple, est à ce titre prohibée. En déniant ce droit, la juridiction du Conseil de l’Europe jugeait en 2014 que les autorités françaises violaient l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme, garantissant la liberté de réunion et d’association.
Si un membre des forces armées en exercice choisit de se porter candidat à une élection, l'interdiction précédemment évoquée est suspendue le temps de la campagne, et le temps du mandat en cas de victoire. Il est alors placé en position de détachement durant l'exercice. Il n'est pas rémunéré, mais continue de bénéficier des droits à l'avancement et à la pension de retraite.
Sur le fond (et si elles sont libres), "les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques [...] ne peuvent être exprimées qu'en dehors du service et avec la réserve exigée par l'état militaire", rappelle également le texte. Ce dernier prévoit en outre que cet "état militaire" exige, entre autres, un esprit de "neutralité", de "loyalisme", de discipline".
Des législateurs ont toutefois favorisé l'expression des militaires en dehors du service, en facilitant à travers la réforme du nouveau statut général militaire de 2005, notamment, leur adhésion et à des groupements, qu'elle qu'en soit la forme — à l’exception de ceux à vocation professionnelle ou politique.
Un statut des militaires français voué à évoluer ?
Dans la forme, un soldat est également soumis, comme l'ensemble des fonctionnaires, au secret professionnel, à la discrétion, mais également à un devoir de réserve : pendant ou en dehors de son service, il est tenu de peser ses propos et de conserver une certaine mesure dans l'expression de ses opinions personnelles, pour ne pas laisser apparaître une irrévérence envers l’État.
Cette distinction est complexe. Elle se veut purement théorique, car en pratique, seuls les abus de droit sont (officiellement) susceptibles de faire l’objet de sanctions disciplinaires. Ce n'est pas pour autant, en revanche, que la "Grande Muette" a acquis le nouveau surnom de "Grande Pipelette". Si toutes formes de critiques ne sont pas proscrites, elles se sont avérées plutôt rares.
L'avènement d'une société où l'information circule librement et instantanément, ainsi que le recrutement d'une jeune génération de militaires, pourrait changer la donne. Certains apportent désormais leur avis sur des questions touchant à la Défense, à travers des livres, blogs ou leurs réseaux sociaux, outrepassant la nécessité de discrétion imposée par le Ministère et s'exposant ainsi à des sanctions.
Avec l'augmentation du budget alloué à la défense et la volonté de renforcer massivement les rangs de la réserve opérationnelle, et face à ces enjeux, le statut des militaires pourrait être voué à évoluer.
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