Au lendemain d’un jugement clément, un membre d’un groupuscule d’extrême droite considère que « même la justice française, cette espèce de merde » lui a donné raison de frapper « des petites salopes de gauchistes ». Le parquet d’Angers vient de faire appel du jugement de relaxe.
Le 11 août dernier, Mediapart titrait son compte rendu consacré au procès d’anciens membres de l’Alvarium, un groupuscule d’extrême droite dissous, « La justice délivre un blanc-seing à une milice “armée” ». L’un des quatre prévenus, le seul à avoir été condamné à une peine de sursis, partage la même grille de lecture. Sur X (anciennement Twitter), le compte Réseau Angevin AntiFasciste vient de publier l’enregistrement de propos qu’il a prononcés « sur un espace de discussion fermée ». La teneur des déclarations de ce militant d’extrême droite d’Angers (Maine-et-Loire) ne laisse pas place au doute quant à l’interprétation qu’il fait du jugement prononcé à son encontre.
« La vérité est que quand on se défend même si on casse des jambes à des petites salopes de gauchistes et bah, en fait, on se défend… Donc on a raison de le faire et donc on est libérés. » On l’entend alors pousser un soupir de soulagement.
https://twitter.com/i/status/1691876006888407048
Il convient de contextualiser cette analyse toute personnelle.
D’abord son auteur.
Au début de son allocution, l’individu précise : « La procureure voulait que je prenne 6 mois ferme, plus 6 mois de sursis, plus 1 000 euros d’amende, plus 2 ans d’interdiction de venir à Angers. […] Et finalement je ressors libre avec seulement 3 mois de sursis. » Le détail des réquisitions du ministère public et de la peine prononcée permet d’identifier celui qui parle ainsi : Côme Jullien de Pommerol.
Jeudi 10 août, le tribunal correctionnel d’Angers l’avait effectivement condamné à trois mois avec sursis pour des violences qu’il avait avouées à l’audience tout en le relaxant, ainsi que ses camarades pour les autres faits pour lesquels ils étaient poursuivis.
Côme Jullien de Pommerol est un jeune homme âgé de 23 ans, grand maigre arborant une fine moustache, qui serait ramoneur si on a bien compris ce qu’il marmonnait à l’audience. Il a déjà été condamné à une peine légère pour « participation avec arme à une manifestation » le 30 janvier 2021. « Des antifas zonaient, ils m’ont agressé. Il se trouve que j’ai mis un coup de boule », a-t-il expliqué à l’audience la semaine dernière.
Il avait frappé un homme à terre
Maintenant les faits.
Côme Jullien de Pommerol et trois camarades étaient poursuivis pour leur possible participation à des violences commises à Angers en marge de manifestations contre les violences policières, après la mort de Nahel, tué par un motard de la police à Nanterre.
Le vendredi 30 juin, des manifestants croisent la route des militants de l’Alvarium, un groupuscule d’extrême droite dissous en 2021 en raison de ses appels « à la violence et à la discrimination » et parce qu’il « alimente un discours de haine assumée ». Ses membres qui se font appeler aujourd’hui « RED Angers » (pour Rassemblement étudiant de droite) sont armés de bâtons et de battes de baseball dont ils s’empressent de faire usage. Comme l’immortalisent des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux.
Le lendemain, une échauffourée avait éclaté devant leur local, une trentaine de militants d’extrême droite avaient poursuivi et frappé des antifascistes « armés de bâtons », selon l’arrêté du maire.
À l’audience, outre des peines de prison allant de six mois de sursis simple jusqu’à douze mois dont six ferme (pour Côme Jullien de Pommerol), le parquet d’Angers avait requis à l’encontre de chacun des prévenus deux ans d’interdiction de séjour à Angers. « Force doit rester à la loi et pas aux groupes armés », concluait la procureure Béatrice Nectoux.
Mais le tribunal correctionnel n’avait pas suivi les réquisitions du ministère public, relaxant les prévenus à l’exception des trois mois de sursis à l’encontre de Jullien de Pommerol pour les violences qu’il avait avouées à la barre.
« Y’a vraiment un truc qui me fume, c’est qu’on était tellement en légitime défense que même la justice française, cette espèce de merde, a reconnu que c’était nécessaire qu’on fasse ce qu’on a fait », entend-on ce dernier commenter sur l’audio diffusé sur X. Le parquet d’Angers vient de faire appel, a révélé sur X le journaliste Guillerme Captant. L'appel, confirme une source judiciaire, porte sur les relaxes mais aussi sur la condamnation à trois mois de prison avec sursis de Côme Jullien de Pommerol.
Le jeune homme était identifié sur des vidéos comme étant celui portant des coups de pied à un manifestant.
« Comment expliquer cette violence ?, lui avait demandé le président du tribunal correctionnel.
– C’est déjà l’attroupement antifasciste qui vient vers nous, se défend le jeune homme âgé de 23 ans. Je vois un camarade qui se fait agresser, j’arrive pour le défendre. On se doute bien que, vu le stress, je n’ai pas fait une hiérarchie du danger, j’ai essayé de défendre mon collègue. Oui, je l’ai frappé [le militant antifa - ndlr] mais au seul but de mettre fin à son agression. Il n’y a pas eu d’acharnement. »
Un peu plus tard dans la cour de l’audience, le président Guillaume Bocobza-Berlaud avait ironisé : « Vous avez eu tellement peur pour un camarade que vous avez frappé quelqu’un à terre… »
Et, au cours de son réquisitoire, la procureure Béatrice Nectoux avait insisté : « Quand on donne un coup à quelqu’un au sol, ce n’est pas de la légitime violence, moi j’appelle ça de la vengeance ! »
Le message n’est pas passé.
Sur son message audio, Côme Jullien de Pommerol se félicite : « Même la justice française a reconnu qu’en fait on était obligés de faire ce qu’on a fait. C’est pas incroyable ça ? »
Matthieu Suc
18 août 2023 à 12h34
https://www.mediapart.fr/journal/france/180823/fier-d-etre-libere-par-la-justice-meme-si-casse-des-jambes-des-petites-salopes-de-gauchistes
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