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Attentat du Petit-Clamart : c'est grâce à un concours de circonstances que Charles de Gaulle échappe de peu à la mort

 

image from www.caminteresse.frDe Gaulle traversant le village d'Isles-sur-Suippe (Marne), en 1963. © © GNOTYPE/WIKIMEDIA COMMON

 

Pour les militants de l’Algérie française, Charles de Gaulle est un traître. Ils ne lui pardonnent pas les accords d’Evian de mars 1962. En France, des activistes s’organisent : le 22 août, ils abattront le Général.

 

Mai 1958. Face au désengagement de plus en plus évident du gouvernement français, les partisans de l’Algérie française en appellent à l’insurrection. Dans un discours prononcé à Alger le 4 juin 1958, Charles de Gaulle – promu président du Conseil des ministres quelques jours plus tôt – tonne son célèbre "Je vous ai compris" et apaise pour un temps la colère. Mais en septembre 1959, dans une allocution télévisée, il se prononce en faveur de l’autodétermination. Les Français d’Algérie se sentent trahis. Les insurrections de la "semaine des barricades", fin janvier 1960, et la tentative de putsch fomentée en avril 1961 par le "quarteron" de généraux Salan, Jouhaud, Zeller et Challe n’y changeront rien, ils ont perdu la bataille : le 18 mars 1962, à la suite des accords d’Evian, l’Algérie obtient son indépendance. Dans les semaines qui suivent, les supplétifs musulmans de l’armée française, les harkis, sont massacrés par le FLN et la population.

Pour l’ingénieur de l’armement Jean Bastien-Thiry, ces tueries ont un seul responsable, Charles de Gaulle. Il en est convaincu : l’éliminer est le seul moyen de les venger. "Mon père n’a jamais fait partie de l’OAS ni fait de politique, plaide sa fille ainée Hélène Bastien-Thiry. Il était révolté face à ce qu’il considérait comme un abandon envers ceux qui nous avaient fait confiance, c’était une question d’honneur pour lui". L’attentat du Petit-Clamart, que son chef a baptisé "opération Charlotte Corday", constitue la 17e tentative pour tuer le chef de l’Etat.

 

Mars 1962 : un plan sans accroc

Surtout ne pas reproduire les erreurs de l’attentat de Pont-sur-Seine dans l’Aube. Dans son bureau du ministère de l’Air à Paris, l’ingénieur en chef de deuxième classe (équivalent au grade de lieutenant-colonel) Jean Bastien-Thiry échafaude un nouveau plan d’assassinat du chef de l’Etat. La dernière fois, le 8 septembre 1961, la DS Citroën présidentielle qui, depuis l’Élysée, rejoignait la résidence secondaire du général de Gaulle à Colombey-les-Deux-Eglises en Haute Marne, était passée au travers de l’explosion. A peine déportée de l’autre côté de la chaussée par la déflagration, elle avait réussi à poursuivre son chemin. La charge de 40 kilos de plastic, dissimulée sous un tas de sable par l’équipe de Germain, le pseudonyme de Bastien-Thiry, avait été en partie neutralisée par l’humidité du sol. L’organisation du prochain attentat devra être millimétrée. Il lui faut une nouvelle équipe, plus nombreuse, compétente et bien armée. Le mode opératoire va changer lui aussi, décide le polytechnicien. Plus question de bombe cette fois-ci, il s’agira d’arrêter la voiture du général et de le descendre. Propre et sans bavures.

Juillet 1962 : une équipe de pros, des moyens limités

La seule donnée tangible entre les mains des complotistes est l'invariable départ de De Gaulle en week-end à Colombey-les-Deux-Eglises. Depuis l’Elysée, le convoi présidentiel, composé de deux DS noires encadrées par deux motards, emprunte alternativement deux itinéraires. Pour rejoindre l’aéroport de Villacoublay d’où le général s’envole vers Saint-Dizier, le premier passe par le pont de Sèvres, Meudon et la RN 18. Le second trajet part de la porte de Châtillon et rejoint Clamart par la RN 306. Pour le reste, c’est aléatoire. Il faudra se débrouiller avec des guetteurs et les communications téléphoniques incertaines depuis des cabines et des cafés.

Des cinq membres de l’équipe de Pont-sur-Seine, le seul assez habile pour rejoindre le nouveau commando est Armand Belvisi. Depuis ce ratage, il a eu le temps de participer à deux autres "tentatives d’approches" du général, en avril puis en mai 1962. Des échecs à chaque fois. Mais le garagiste pied-noir, qui dans un premier temps avait réussi à échapper à la police, a finalement été arrêté dans sa planque de la rue de Sontay à Paris le 30 mai. Jean Bastien-Thiry réussit malgré tout à constituer un commando expérimenté, et plus nombreux que la fois précédente, seize membres au total. Il recrute comme adjoint un membre de l’OAS, Alain Bougrenet de la Tocnaye, lieutenant d’artillerie en Algérie. Il s’entoure également de proches de Belvisi : l’ingénieur Georges Watin, l’ex-sous-officier Serge Bernier, le sous-lieutenant de réserve Louis de Condé, ainsi que de trois Hongrois, le pilote Lajos Marton, Lazlo Varga et le légionnaire Gyula Sari. En revanche, le commando pèche côté matériel. Mis à part deux pistolets mitrailleurs modernes volés dans un dépôt de l’armée française, le reste de l’armement date de la Deuxième Guerre mondiale. Pas de véhicules rapides non plus. Ils se contenteront d’une Citroën DS 19, d’une Peugeot 403 et d’une fourgonnette Renault.

 

22 aout 1962 : opération Charlotte Corday

Il est 19h45 quand, depuis un café proche de l’Elysée, un guetteur prévient Bastien-Thiry. Le général vient de quitter le palais. Il empruntera le deuxième parcours, assure la sentinelle. Le chef du commando alerte aussitôt l’équipe logée à Meudon dans l’appartement de Monique Bertin, la sœur de l’un des factieux. L’ "opération Charlotte Corday" démarre. Le groupe se scinde en trois et fonce en direction du rond-point du Petit-Clamart, à environ 5 kilomètres de là : le convoi n’a que quelques minutes pour se mettre en position. "L’ambiance était guerrière et électrique dans l’estafette, chacun à sa place, armes prêtes à faire feu, se souvient Lajos Marton, un des derniers survivants du commando avec Louis de Condé. Nous sentions que l’attente de six mois touchait à sa fin". Sur la RN 306 où sont postées les voitures, les minutes s’égrènent et le jour commence à tomber. A 20h10, pensant que le convoi ne viendra plus, Lazlo Varga, le chauffeur de la camionnette, sort uriner… lorsqu’il aperçoit DS et motos arriver à vive allure. Le Hongrois hurle "Itt vannak, Itt vannak" (Ils sont là). Bastien-Thiry, posté sur le trottoir à l’avant du dispositif, fait le signal convenu, il lève son journal, mais dans la pénombre son geste est perçu trop tard. Le convoi déboule si vite que le tireur Jacques Bertin est pris de court dans la première voiture, la 403. A bord de l’estafette, qui n’a pas eu le temps de bloquer le convoi comme prévu, le PM Thompson de Marton s’enraye. A ses côtés, Varga réussit à vider le chargeur de son pistolet PPK, mais sans atteindre ses cibles. Les tirs de Jacques Prevost et de Georges Watin depuis le dernier véhicule, la DS 19, manquent aussi leur but. L’attentat du Petit-Clamart a duré moins d’une minute. Sur les 187 balles tirées par le commando, seuls quatorze impacts seront retrouvés sur les voitures présidentielles. Le général est sain et sauf et les poulets en gelée de chez Fauchon, qui se trouvaient dans le coffre, n’ont pas été touchés non plus à la grande satisfaction d’Yvonne de Gaulle.

7 mois plus tard : Bastien-Thiry, le dernier fusillé

Quand Bastien-Thiry revient d’un salon aéronautique en Angleterre, en septembre, l’un des complotistes, Pierre Magade, arrêté lors d’un contrôle routier dans l’Isère, est passé aux aveux. "Ma grand-mère Geneviève a eu juste le temps de faire disparaître des documents dans les toilettes avant que les gendarmes ne viennent arrêter mon grand-père à son domicile de Bourg-la-Reine, explique Benoit Gauthier, le petit-fils de Bastien-Thiry. Il n’a opposé aucune résistance comme s’il avait à cœur d’expliquer son geste devant un tribunal aux yeux de la France entière". Tous les membres du commando sont condamnés mais seul Bastien-Thiry est exécuté. Le 11 mars 1963, il est fusillé au fort d’Ivry. Il fut le dernier mort de l’Algérie française.

Qui sont ces criminels ?

Jean Bastien-Thiry : le cerveau (1927-1963)

Brillant ingénieur de l’armement, ce catholique pratiquant est issu d’une longue lignée de militaires lorrains. Lors de son procès en février 1963, pour justifier son acte, Bastien-Thiry a comparé cet attentat à celui mené contre Adolph Hitler le 20 juillet 1944 par les conjurés de l’opération Walkyrie. Il est exécuté le 11 mars 1963.

 

Alain Bougrenet de la Tocnaye : le chef opérationnel (1926-2009)

Lieutenant d’artillerie en Algérie, il s’oppose à la politique d’auto-détermination souhaitée par le général de Gaulle. Maurassien et membre de l’OAS, pour lui, le chef de l’état est un crypto-communiste ! Adjoint de Bastien-Thiry dans l’attentat, La Tocnaye sera comme lui condamné à mort, avant de voir sa peine commuée en détention à perpétuité et d’être libéré en 1968.

Georges Watin : la boiteuse (1923-1994)

L’ingénieur agricole de la plaine de la Mitidja, en Algérie, qui doit son surnom à sa claudication, est un militant de la première heure. Également condamné à mort par coutumace pour sa participation à l’attentat, il s’enfuit en Suisse puis au Paraguay où il terminera sa vie.

Lajos Marton : le tireur (1931- )

Officier de l’armée de l’air, ce Hongrois participe à l’insurrection du printemps de Prague en 1956 contre les chars soviétiques venus rétablir l’ordre communiste. Lajos Marton, aujourd’hui âgé de 91 ans et vivant en région parisienne, était le tireur de l’estafette Renault qui devait barrer la route au convoi présidentiel. Condamné à 20 ans d’emprisonnement, il sera lui aussi libéré en 1968.

Reconnaissance posthume pour les Harkis

Il faudra attendre septembre 2020 pour qu’un président de la République, en l’occurrence Emmanuel Macron, demande pardon aux Harkis au nom de la France pour son attitude à leur égard il y a 60 ans. Après l’indépendance de l’Algérie en juin 1962, environ 60 000 supplétifs musulmans furent assassinés par les vainqueurs. Les officiers français encore sur place avaient reçu l’ordre de ne pas intervenir, attentisme que plusieurs d’entre eux refusèrent de respecter.

 

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Se cultiver sur
Charles de GaulleFrance
 
 
 
 
t par Guillaume Fischer
Le 02/09/2023 à 10h00.
https://www.caminteresse.fr/histoire/attentat-du-petit-clamart-cest-grace-a-un-concours-de-circonstances-que-charles-de-gaulle-echappe-de-peu-a-la-mort-11189836/
 
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Rédigé le 04/09/2023 à 07:04 dans France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)

Le Dernier Tabou Les "harkis" restés en Algérie après l'Indépendance

 

image from ekladata.com

 

Après « Ni valise ni cercueil » ces pieds noirs restés en Algérie après l’Indépendance sorti en 2012, un nouveau livre de Pierre Daum « Le Dernier Tabou * Les harkis restés en Algérie après l’Indépendance" parution en librairie le 2 avril 2015.

On pense en général que les harkis, ces Algériens intégrés à l'armée française pendant la guerre d'Algérie, ont soit réussi à s'enfuir en France, soit été massacrés au moment de l'indépendance. 

En réalité, la plupart d'entre eux n'ont pas été assassinés, et vivent en Algérie depuis un demi-siècle. 

Une vérité difficilement acceptable des deux côtés de la Méditerranée...  

 

image from ekladata.com

 

On pense en général que les harkis, ces Algériens intégrés à l’armée française pendant la guerre d’indépendance, ont soit réussi à s’enfuir en France, soit été “massacrés” en 1962. En réalité, la plupart d’entre eux n’ont pas été tués, et vivent en Algérie depuis un demi-siècle. Une réalité historique difficilement acceptable en Algérie comme en France.

 

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Pendant deux ans, Pierre Daum a parcouru des milliers de kilomètres à travers toute l’Algérie afin de retrouver les témoins de cette histoire occultée. Des témoins qui, pour la première fois de leur vie, ont accepté de parler.

 

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La soixantaine de témoignages que l’auteur a recueillis – auprès d’anciens supplétifs, mais aussi d’anciens soldats de l’armée régulière, et d’anciens civils “profrançais” – bouleversent plusieurs idées reçues des deux côtés de la Méditerranée. Que ce soit sur leur nombre (450000), les motivations de leur engagement ou leur sort au moment de l’indépendance.

 

image from ekladata.com

 

À travers ces récits de vie, on comprend que l’histoire des “harkis” (supplétifs et autres) s’inscrit au coeur d’un système colonial qui opprima le peuple algérien pendant cent trente-deux années.
Aujourd’hui, un demi-siècle après la fin de l’occupation française en Algérie, ces hommes, leurs épouses et leurs enfants apparaissent comme les ultimes victimes d’un passé colonial dont les plaies ne sont toujours pas cicatrisées, ni en France, ni en Algérie.

 

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 Un sujet gênant 

 

Parmi les sujets conflictuels liés à la guerre d'Algérie, le sort que la France a réservé aux anciens supplétifs "musulmans" est certainement celui qui provoque aujourd'hui les plus vifs débats. Or, dans ces controverses, la question des harkis restés en Algérie sans y être tués est complètement absente. Peut-être parce qu'elle constitue, en France comme en Algérie, une gêne beaucoup trop profonde. Gêne pour les harkis rapatriés et leurs amis d'admettre qu'il était peut-être possible de rester en Algérie. Gêne encore plus grande pour la société algérienne de reconnaitre l'ampleur du nombre d'Algériens qui se trouvaient du côté de l'armée française honnie. Et d'accepter que ces harkis et leurs descendants constituent une partie non négligeable de la population actuelle. 

 

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Oppression coloniale 

 

Ceux qu'on appelle aujourd'hui les "harkis" sont le produit d'une occupation coloniale qui s'est étendue sur 132 années. En Algérie, comme dans ses autres colonies, l'Etat français s'est toujours appuyé sur certains éléments du peuple colonisé afin d'exercer son pouvoir sur l'ensemble de la population. D'où le très grand nombre et la très grande diversité de tous ceux qui ont participé au système d'oppression coloniale : militaires (spahis, goums, enfants de troupe, tirailleurs, soldats et officiers de carrière, appelés au service militaire, supplétifs, etc.) ; ou fonctionnaires dotés d'un pouvoir répressif (caïds, aghas, bachaghas, gendarmes, policiers, membres du corps préfectoral, etc.). 

 

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Idées reçues 

 

Si on y intègre leur famille, on obtient un chiffre supérieur au million de personnes – sur une population de 9 millions d'Algériens en 1962. Dès lors, un livre sur les "harkis" (supplétifs et autres) restés en Algérie est non seulement d'une grande originalité, mais force toutes les parties à remettre en question leurs idées reçues. Que se soit sur leur nombre, les motivations de leur engagement, ou leur sort au moment de l’indépendance.

 

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Une longue enquête

 

Pendant deux années, Pierre Daum a multiplié les séjours en Algérie, parcourant en bus et en voiture des milliers de kilomètres, munis de quelques vagues contacts disséminés aux quatre coins du pays – le plus souvent dans des villages reculés du bled (la campagne) et du djebel (la montagne). Au terme de cette vaste enquête totalement inédite, il a réussi à recueillir le témoignage d'une soixantaine d'anciens "harkis" qui n'avaient jusqu'alors jamais raconté leur passé. Confrontant ces récits à différents documents d'archives, ainsi qu'à quelques témoignages d'anciens moudjahidine qui n'avaient jamais parlé du sort réservé aux "harkis", le livre dévoile une réalité complètement différente de celle racontée jusqu'à présent.

 

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Des parcours très divers 

 

En 1962, des dizaines de millier de "harkis" sont rentrés chez eux, sans être véritablement inquiétés. D'autres sont passés par des tribunaux populaires devant lesquels une grande partie réussit à s'en sortir, expliquant n'avoir "rien fait de mal", ou avoir "été forcée par les Français". D'autres, reconnus coupables de violences à l'égard de la population civile, ont été soumis pendant quelques semaines à des travaux forcés. Certains passèrent plusieurs années en prison, avant d'être libérés. En général, seuls les plus coupables (de torture, de viols, d'exactions en toute genre) ont été exécutés. Mais cela n'empêcha pas, en cette période de chaos de l'été/automne 1962, de nombreux crimes aveugles, vengeances sordides, exécutions sommaires d'avoir lieu, sur des hommes bien plus innocents que d'autres.

 

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Le fardeau de la honte 

Quoiqu'il en soit, la grande majorité des "harkis" retournèrent habiter dans leur village où, laissés vivants, ils subirent cependant différentes formes de relégation sociale : refus d'accès aux emplois de l'Etat (les seuls stables et rémunérateurs) et aux logementx sociaux, brimades, stigmatisations, insultes, etc. Aujourd'hui, leurs enfants portent souvent ce fardeau de la honte, vivant souvent d'un seul espoir : que le passé de leur père leur offre un visa pour la France. 

 

image from ekladata.com

 

Ultimes victimes 

 

A travers ce livre, on comprend que l’histoire des "harkis" s’inscrit au cœur d’un système colonial qui opprima le peuple algérien pendant 132 années. Aujourd’hui, un demi-siècle après la fin de l’occupation française en Algérie, ces hommes, leurs épouses et leurs enfants apparaissent comme les ultimes victimes d’un passé colonial dont les plaies ne sont toujours pas cicatrisées, ni en France, ni en Algérie.

 

image from ekladata.com

 

Archives du colonialisme 

 

Le dernier tabou, les "harkis" restés en Algérie après l'indépendance, est publié aux éditions Actes Sud, dans la collection "Archives du colonialisme", dirigée par Michel Parfenov. 

Merci de cliquer sur la vidéo ci-dessous pour voir un interview

de Pierre Daum

 

image from ekladata.com

 

 

 

Par micheldandelot1 dans Accueil le 4 Septembre 2023 à 07:58

http://www.micheldandelot1.com/attentat-du-petit-clamart-c-est-grace-a-un-concours-de-circonstances-q-a214744565

 

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image from ekladata.com

Rédigé le 04/09/2023 à 06:37 dans France, Guerre d'Algérie, Livres | Lien permanent | Commentaires (0)

Un court métrage sur le rôle des enfants pendant la révolution en avant-première à la Cinémathèque d’Alger

 

image from www.algeriepatriotique.com

 

 

Le court métrage «Hamassat El Fadjr» (Murmures de l’aube) du réalisateur Kamel Rouini, produit dans le cadre du soixantenaire du recouvrement de la souveraineté nationale, a été projeté en avant-première, samedi, à la Cinémathèque d’Alger.

 

Le film de 17 minutes, écrit par feu Mohamed Adlène Bekhouche et produit par le Centre algérien de développement du cinéma (CADC), met en avant la participation et le rôle important des enfants durant la Glorieuse guerre de libération nationale.

Le court métrage raconte l’histoire du petit Hocine, incarné par Abdelfatah Ghouini, qui refuse l’abattage de son chien après la décision des révolutionnaires de se débarrasser des chiens du village dont l’aboiement la nuit attirait l’attention de l’ennemi.

Pour que son chien échappe à ce triste sort, Hocine l’emmène dans une cachette dans la montagne et continue de s’en occuper à l’insu de son père moudjahid.

Une nuit, alors qu’il se rendait dans la cachette pour nourrir son chien, Hocine aperçoit en chemin une patrouille de l’armée française en direction du village où se trouvaient les moudjahidine. Aussitôt, il s’empresse d’en avertir les révolutionnaires et réussit à le faire à temps.

A travers cette première expérience de réalisateur de cinéma, Kamel Rouini a plongé le spectateur dans un univers plein d’humanité, en montrant la contribution des enfants durant la Glorieuse guerre de libération nationale, lit-on sur l’APS.

 

 

 

septembre 3, 2023 - 1:53

https://www.algeriepatriotique.com/2023/09/03/un-court-metrage-sur-le-role-des-enfants-pendant-la-revolution-en-avant-premiere-a-la-cinematheque-dalger/

 

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Rédigé le 03/09/2023 à 16:53 dans Cinéma, France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)

Un passé au présent dans les tours de Nanterre

 

3 septembre 2023 à 15h07

 

SÉRIEÉPISODE 1EP. 1NANTERRE, APRÈS NAHEL

 

Deux mois après la mort de Nahel, Mediapart est retourné dans la cité Pablo-Picasso, à la rencontre de ses habitants et de leur histoire. Celle de travailleurs immigrés logés dans des bidonvilles, puis de familles installées dans les célèbres tours Nuages. Premier volet de notre série.

 

NanterreNanterre (Hauts-de-Seine).– Son nom est partout : « Nahel, on va te venger. » Sur tous les murs aussi, son surnom, et une date : « Neh Neh. 27 juin 2023. » Sur le bitume, des traînées de feux, sur les trottoirs, des cabosses et quelques cartouches de gaz lacrymogène traînent encore. Des traces qui témoignent des révoltes qui ont secoué le quartier durant quatre nuits. « Un marqueur de la révolte », lance « Satoshi », chauffeur VTC et figure respectée du quartier souhaitant rester anonyme.

« Partout où je vais, dans toutes les banlieues, pour connaître les quartiers qui se sont soulevés et l’intensité probable du soulèvement, il suffit de regarder les traces sur le bitume », précise celui qui se fait appeler par le pseudonyme de la personne ayant inventé la cryptomonnaie Bitcoin. Pourquoi ? « Parce que tout le monde parle de lui mais personne ne sait s’il existe vraiment, un peu comme nous, les banlieusards », sourit-il.

Deux mois sont passés depuis la mort de Nahel, 17 ans, tué par la police à Nanterre le 27 juin. La vie ici a repris son cours. Seule une chose, peut-être, a changé. « La police patrouille beaucoup moins. Et quand ils passent ici, la tension monte d’un cran », assure Satoshi. « Ici », à Pablo-Picasso, personne n’a oublié Nahel.

 

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Au premier plan à gauche, les tours Nuages du quartier Pablo-Picasso à Nanterre et le quartier de la Défense, et l'arrière-plan Paris. © Photo Emmanuel Dunand / AFP

Désormais, ce quartier est tristement célèbre en France comme à l’étranger. Alors à quoi ressemble le ciel des habitants au cœur des tours Nuages ?

C’est avant tout un paysage unique en France. Au milieu de la plateforme au bas de la tour 19, la plus haute du quartier, on se retrouve au centre géographique de tous les symboles de grandeur. Il suffit de lever la tête et on aperçoit la tour Eiffel. À gauche se montrent, pas moins arrogantes, les tours clinquantes de la Société générale, dans le quartier d’affaires de la Défense. À droite, la ville de Puteaux, brillante de propreté (même si son histoire municipale est loin de l’être). Et au loin, le Mont-Valérien, où sont enterrés nombre de résistants fusillés par les Allemands. Cette opulence à tout bout de champ est un mirage pour les habitant·es de Nanterre, un terme galvaudé par une histoire sociale héritée sans le vouloir, si près de la richesse et du monde en marche, mais à l’écart. 

« Dès l’enfance, j’étais choqué de voir des gens venir de partout en France pour contempler nos tours et les prendre en photo. Je ne comprenais pas l’engouement. Pour nous, c’était normal, c’était notre quartier », se souvient Sofiane T., résident du quartier et gardien au parc André-Malraux, mitoyen. « L’État a essayé à plusieurs reprises de détruire ces tours. C’est comme s’ils essayaient de nous détruire avec. Mais ils ne peuvent pas le faire. Ce sont des monuments ancrés dans la ville, comme nou, et on en est fiers, même si on n’arrive pas à en sortir. On est dans un piège quelque part… », ironise-t-il.

Les ruines encore chaudes des bidonvilles

L’une des premières habitantes du quartier se remémore son arrivée dans les tours Nuages. C’était en 1977. « J’ai trouvé que c’était l’an 2000 dans un mauvais bouquin de science-fiction, se souvient-elle. On trouvait ça moche. Et en même temps, il y avait une curiosité autour de ces nouvelles habitations hors norme. » Hors norme comme son architecte, Émile Aillaud, qui disait lui-même que son œuvre était une façon de nier l’architecture.

L’homme à l’origine de ce quartier avouait qu’il lui aurait fallu l’obligation d’habiter une HLM et n’avoir aucun revenu pour habiter « passionnément » dans ces tours. Ironie ou cynisme ? Se doutait-il déjà que la ville de Nanterre était une fantaisie pour les yeux, mais un piège pour les populations immigrées ?

 

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Dans le bidonville de Nanterre en mars 1964. © Photo UPI / AFp
 

Le chef-lieu du département le plus riche de France, les Hauts-de-Seine, avait tout le potentiel pour se développer. Bien que le quartier Pablo-Picasso abrite une partie du quartier d’affaires de la Défense, la ville a gardé son identité populaire, essentiellement composée d’une population ouvrière et d’employé·es. Elle a continué à se « ghettoïser ». Les cadres de la Défense ne sont finalement pas venus habiter « la ville du futur ».

 

Si les problèmes que l’on y rencontre sont propres à la plupart des banlieues de France – chômage élevé de la jeunesse, abandon des services publics, trafics de drogue plus importants qu’ailleurs –, il existe une particularité à Nanterre : la plupart des logements sociaux ont été construits sur les ruines encore chaudes des bidonvilles où vivaient en majorité des travailleurs immigrés algériens. Au cœur des tours Aillaud, la mentalité des habitants et habitantes est complexe. Peut-être explique-t-elle en partie les relations depuis toujours tendues avec la police.

Au 20e étage de l’une des tours Nuages, dans un appartement donnant sur la tour Eiffel, Abou Faysal, l’un des plus anciens habitants du quartier, replonge dans sa mémoire. « Mon premier souvenir est une sensation, le froid glaçant de l’hiver dans une France qui se prétendait prospère. » Cet hiver de l’année 1960, Abou Faysal entame sa vie française dans les bidonvilles, « plus précisément dans une construction de bric et de broc d’un ami de [s]on père, au milieu des rats ».

Au début des années 1960, c’était déjà très compliqué avec la police.

Abou Faysal, habitant de Nanterre

Un étrange sentiment commence à habiter l’enfant de 12 ans, algérien, mais qui arrive de Tunis, où sa famille vivait et travaillait. « Son climat, ses fruits et ses poissons grillés ont bercé mon enfance. Arrivés ici, nous étions à moins de 5 kilomètres des Champs-Élysées. Mais j’avais froid, c’était la guerre en Algérie, on avait peur car c’était aussi la guerre en France en quelque sorte. Entre le Front de libération nationale et la police. C’est dans ce climat de terreur que je me suis forgé », se remémore celui qui deviendra l’un des plus célèbres bouchers du quartier.

Au maximum de leur affluence, les bidonvilles nanterriens comptaient jusqu’à 14 000 habitant·es. La particularité de Nanterre est son continuum historique, bastion de plusieurs causes, sans liens apparents mais qu’il serait intellectuellement malhonnête d’occulter. Ces passages sombres de l’histoire ont fabriqué le paradoxe de Nanterre et son syndrome des bidonvilles. En particulier les relations tumultueuses entre les habitant·es et la police.

Abou Faysal en porte les stigmates. « Je n’avais que 12 ans mais je me souviens de rafles. Alors on marchait toujours par petits groupes pour rester en sécurité. Au début des années 1960, c’était déjà très compliqué avec la police. L’OAS [Organisation armée secrète, organisation terroriste française d’extrême droite créée pour La Défense de la présence française en Algérie – ndlr] était encore très active. Mais on avait surtout peur de la police. C’est elle qui procédait à des rafles », raconte Abou Faysal. Lorsqu’il aperçoit son fils à ses côtés ouvrir de grands yeux, il s’arrête.

 

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Abou Faysal, l’un des plus anciens habitants du quartier. © Photo DR
 

« Papa, tu nous as jamais raconté ça ! », s’emporte son aîné. « Mais c’était une autre France. Et puis pourquoi en reparler ? C’est une vieille histoire ! », répond Abou Faysal, comme s’il voulait conjurer le passé. Le sentiment d’avoir rouvert une plaie instaure un étrange climat dans la pièce. Abou Faysal finit par abréger la conversation par une phrase à l’intention de son fils : « Je n’oublierai jamais la botte de ce policier en train d’écraser la tête de mon père. C’était la guerre. La France d’aujourd’hui, ce n’est pas ça, d’accord ? Ce n’est plus la même police. » La conversation aura duré moins de vingt minutes. Elle se conclut par une question du fils adressée à son père : « Pourquoi t’en a jamais parlé ? » Silence dans la pièce en guise de réponse.

Ce silence, en creux de cette conversation, reflète l’absence de communication entre les générations, entre ceux arrivés dans les bidonvilles et ceux nés dans les tours de ciment. Le refus de transmettre les traumas, certainement. Mais aussi l’inquiétude de voir se reproduire les mêmes schémas.

Nanterre fait partie des villes de la proche banlieue parisienne qui portent le poids historique de ces habitations insalubres. Ces camps de baraquements de fortune sont inscrits dans l’ADN des habitant·es du quartier. Même les plus jeunes sont au courant de la précarité des conditions de vie de leurs parents et grands-parents, dont il reste encore beaucoup de témoins.

« La bavure de trop »

« Nanterre attire et attise les différences. Notre ville est pour moi un phare qui illumine l’injustice d’État », explique Satoshi, que nous retrouvons dans un café au cœur du quartier, accompagné d’Ismaël F. et de Mourad B., deux autres figures de Pablo-Picasso. Pour Ismaël, ces révoltes sont un cri collectif. « Un banlieusard sera toujours en marge, quoi qu’il fasse, qui qu’il soit. Si près du miroir de nos rêves, mais si loin de la réalité. En fait, de ce miroir, on ne voit que le reflet. »

 

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Les tours Aillaud du quartier Pablo Picasso de Nanterre en 2021. © Photo Laurent Grandguillot / REA

Quant aux émeutes qui ont suivi la mort de Nahel, lui n’y voit pas de continuité historique, mais un cumul des dysfonctionnements dans la police. « La révolte grondait dans les quartiers populaires de France depuis plusieurs années déjà. C’est la bavure de trop, qui aurait pu être évitée si les pouvoirs publics avaient pris à bras-le-corps les nombreux problèmes dans la police et son rapport si détestable avec les habitants des cités. Mais aussi le problème de la discrimination à l’emploi », ajoute-t-il.

Il ne s’explique pas comment une ville aussi proche de la Défense, qui est un très gros employeur potentiel, peut avoir un taux de chômage aussi important. Quant au manque de volonté politique de la part des responsables pour créer un partenariat avec la ville, afin de former des personnes aux besoins de la Défense, « c’est du gâchis », conclut-il.

Mourad, lui, regrette la mixité d’autrefois dans le quartier. « Il y avait de tout quand j’étais enfant. Pablo-Picasso, ce n’était pas que les bidonvilles et les foyers d’immigrés. Ça s’est détérioré avec le temps. Il y a eu un abandon », décrit celui qui deviendra développeur web, « en travaillant quatre fois plus que [s]es collègues parisiens ». Dans la tragédie autour de Nahel, il voit avant tout la mort d’un enfant. « Ce n’est pas propre à Nanterre. Moi, ça m’a tout de suite évoqué la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-bois. C’est une thématique liée à la classe populaire. On n’est pas écoutés ni entendus. On manque de représentativité, alors peut-être qu’on utilise le seul recours à la colère : la violence. Je ne légitime pas ça mais c’est une réalité et ça peut se comprendre. »

Nanterre et son symptôme tangible du miroir déformant lié à son environnement incube une désespérance profonde parmi les habitant·es, ces victimes du « si près mais si loin ». Au quartier Pablo-Picasso, certes, le calme est revenu, mais les problématiques n’ont pas changé. L’une d’entre elles s’est même intensifiée. À chaque passage de la police dans le quartier, une colère sourde gronde et remplit le vide laissé par la mort de Nahel. Pour l’instant, elle se contient. « Jusqu’à la prochaine bavure », entend-on partout dans le quartier.

 

 

Nanterre, après Nahel

SÉRIE

1 épisode

 

 

Feurat Alani

3 septembre 2023 à 15h07

https://www.mediapart.fr/journal/france/030923/un-passe-au-present-dans-les-tours-de-nanterre

 

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Rédigé le 03/09/2023 à 15:14 dans France, Nanterre | Lien permanent | Commentaires (0)

Interdiction de l’abaya à l’école : des profs pas convaincus par une mesure « non prioritaire »

 

En colère ou désabusés, les enseignants sont nombreux à regretter que le gouvernement mette l’accent sur l’interdiction de l’abaya à l’école plutôt que sur d’autres sujets tels que la pénurie de professeurs.

 

Une jeune femme porte une abaya à Nantes, le 31 août 2023.  (LOIC VENANCE / AFP)Une jeune femme porte une abaya à Nantes, le 31 août 2023. (LOIC VENANCE / AFP)

 

« Il ne nous manquait plus qu’avoir à faire la police du tissu… » Gilles Vervisch, professeur de philosophie dans un lycée d’Eaubonne, dans le Val-d’Oise, n’arrive pas à voir un quelconque intérêt à l’annonce faite dimanche dernier par le ministre de l’Education Gabriel Attal de l’interdiction de l’abaya à l’école dès le lundi 4 septembre.

A cette date, ce vêtement traditionnel féminin couvrant le corps, porté par certaines élèves musulmanes, sera banni des établissements scolaires publics.

Le ministre a envoyé jeudi 30 août au soir, veille de prérentrée des enseignants, une note de service aux chefs d’établissements au sujet de l’interdiction de l’abaya et du qamis, leur assurant son « devoir absolu d’être toujours à [leurs] côtés ». Pour autant, les professeurs ne sont pas convaincus. Et regrettent que ce sujet occulte de plus importantes problématiques en cette journée de rentrée.

les filles s’habiller comme elles le souhaitent ? »

« Il est nécessaire d’apporter des clarifications sur le respect de la laïcité à l’école », souligne Sophie Vénétitay, secrétaire générale du syndicat Snes-Fsu et professeure de SES dans un lycée de l’Essonne. Pour autant, le sujet n’est pas pour elle « une priorité » en cette rentrée, et elle craint que cette mesure symbolique ne s’avère contreproductive : « Sur le terrain, on se rend bien compte que, dans 95 % des cas, ces situations se dénouent d’elles-mêmes par le dialogue. Ça permet d’éviter que ces élèves et ces familles quittent l’école publique et aillent dans le privé confessionnel. Ce serait alors une véritable défaite pour l’école de la République. »

De son côté, Gilles Vervisch juge cette interdiction « sortie de nulle part ». « L’année dernière c’était le “crop top”, cette année l’abaya… Les vêtements ne doivent être pas trop courts, ni trop longs… Quand laissera-t-on les femmes et les filles s’habiller comme elles le souhaitent ? », s’insurge-t-il. D’autant plus que cette tenue n’est pas considérée par le Conseil français du Culte musulman (CFCM) comme un vêtement religieux ostentatoire.

« Pourquoi aller chercher un signe religieux dans un habit traditionnel ? Dans ce cas, il faut aussi interdire les serre-tête pour les catholiques. Si on cherche à interdire tous les signes de culture arabo-musulmane, on ne fera que renforcer la stigmatisation… »

Un avis partagé par Paul*, enseignant en lettres et histoire dans un lycée professionnel de Seine-Saint-Denis, qui voit dans la mesure « une dimension raciste ». « Il existe des robes larges qui sont “fashion” et qui ne posent aucun problème à personne. L’abaya, parce qu’elle est associée à la culture musulmane, est combattue pour récupérer des voix. » Et de conclure que, pour lui, l’interdiction n’est rien d’autre qu’une mesure « populiste ».

« C’est toujours sur les profs que ça tombe »

La détermination entre ce qui est une abaya et ce qui est une robe ample et longue sera laissée au personnel éducatif, et notamment aux directeurs d’établissements, qui devront statuer sur ce qui est « religieusement acceptable ».

Sauf que, dans les faits, les enseignants craignent que cette tâche ne leur incombe. « De toute façon, c’est toujours sur nous, les profs, que ça tombe », lâche, laconiquement Eric*, enseignant dans un lycée public des Hauts-de-Seine. « Le directeur ne fait jamais la grille à l’entrée [l’accueil des élèves en début de journée, NDLR]. Ce sont les surveillants et les profs qui vont devoir juger la tenue des élèves », regrette de son côté Paul. Une surveillance qui s’ajoute aux missions, déjà nombreuses, des professeurs.

Lui assure d’ailleurs qu’il ne serait « absolument pas à l’aise » de demander à une élève de ne pas porter d’abaya. Gilles Vervisch non plus : « Je ne suis pas sûr que je le ferai, indique-t-il. Je ne vais pas sortir mon mètre à couture pour savoir si la longueur de la robe est bonne. J’ai d’autres chats à fouetter. »

Une décision qui masque les « vrais » problèmes

Tous s’accordent cependant à dire que cette mesure sortie du chapeau est en réalité l’arbre qui cache la forêt. Et qu’interdire l’abaya détourne le débat « des vrais problèmes » auquel est confrontée l’Education nationale. Pour Eric :

« C’est une polémique habilement lancée par Gabriel Attal, notre nouveau ministre de l’Education. Comme ça, on ne parle pas des vrais sujets de l’Education nationale : le besoin de réévaluer les salaires, les difficultés à recruter, etc. »

Sophie Vénétitay rappelle en effet que la rentrée de ce lundi sera marquée par un « manque de professeurs » et « des classes surchargées ». Selon les chiffres du ministère de l’Education nationale, début juillet, sur plus de 23 800 postes ouverts en 2023 dans le public, 3 163 n’ont pas été pourvus. Le nombre de postes non pourvus s’élève à 1 315 dans le premier degré (maternelle et élémentaire) et 1 848 dans le second degré (collèges et lycées).

Faut-il recruter les professeurs autrement ?

Autre sujet d’importance, la revalorisation des salaires. Les responsables syndicaux portent ainsi un regard sévère sur le « pacte enseignant » mis en place par Pap Ndiaye, le prédécesseur de Gabriel Attal, et garantissant une hausse de 10 % des salaires des professeurs en contrepartie de nouvelles missions, comme l’aide aux devoirs. « On est très loin de cet objectif de 10 %. Actuellement, pour la moitié des professeurs, la revalorisation n’est que de 90 euros sans contrepartie. S’ils veulent plus, les enseignants doivent travailler davantage, ce qui nous semble inadmissible », soulignait ainsi Guislaine David, co-secrétaire générale du SNUIPP-FSU, syndicat majoritaire des enseignants du premier degré, à « l’Obs ».

 

 

Par Margaux Otter
·Publié le 3 septembre 2023 à 16h00
https://www.nouvelobs.com/societe/20230903.OBS77668/in
 
 

 
 
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Rédigé le 03/09/2023 à 13:22 dans Islam, Religion | Lien permanent | Commentaires (0)

Un ex-Premier ministre italien révèle un crime commis par la France en 1980

 

septembre 3, 2023 

 

image from www.algeriepatriotique.comL'ancien Premier ministre italien Giuliano Amato. D. R.

 

Deux fois président du Conseil, Giuliano Amato a accompagné la vie politique italienne depuis une cinquantaine d’années, occupant également les fonctions de ministre du Trésor, de l’Intérieur et des Réformes. En 2022, il devient président du Conseil constitutionnel, élu à l’unanimité par les juges ayant-droit. Et, en ce début de rentrée politique, pressé par certains cercles politiques, il a accordé une interview au quotidien romain La Repubblica où il a abordé l’affaire Ustica, cet avion DC9 abattu par un missile en 1980 tuant 81 civils innocents.

 

Pour Giuliano Amato, il ne fait aucun doute, l’objectif de l’opération menée par la France, sous Valéry Giscard d’Estaing et étudiée dans ses moindres détails par l’ex patron du SDECE, ancêtre de la DGSE, Alexandre de Marenches, était de tuer le leader libyen Mouammar Kadhafi, de retour d’un séjour en Yougoslavie et dont le plan de vol prévoyait justement un passage par l’espace aérien italien.

Ce plan, selon l’ancien Premier ministre italien, confié aux troupes de l’OTAN, prévoyait de simuler un exercice, avec de nombreux avions en action, au cours duquel un missile devait être lancé contre l’avion du leader de l’ex-Jamahiriya. L’exercice devait être une mise en scène qui aurait permis de faire passer l’attaque pour un accident involontaire, mais c’est un DC9 de la compagnie privée Itavia, transportant des civils en partance de Rome qui fut touché, créant un embarras et un silence assourdissant, qui durent depuis 43 ans.

Giuliano Amato formule ainsi, par le biais de La Repubblica, des accusations précises concernant l’affaire Ustica et pointe du doigt Paris et Washington. Il se dit catégorique et affirme que la responsabilité de cette tragédie est à imputer à l’armée de l’air française, «avec la complicité des Américains et de ceux qui ont participé à la guerre aérienne dans notre espace aérien, cette soirée du 27 juin 1980». Et d’ajouter que Mouammar Kadhafi fut averti du danger par l’ancien leader socialiste Bettino Craxi et n’a pas embarqué à bord de son avion.

Le missile lancé contre l’avion libyen a fini par toucher le DC9 d’Itavia qui a coulé avec quatre-vingt-un innocents à son bord.

L’ancien Premier ministre italien a, par ailleurs, indiqué que «ce missile a été lancé par un avion de chasse français au départ d’un porte-avions au large des côtes sud de la Corse ou de la base militaire de Solenzara, très fréquentée ce soir-là». «La France n’a jamais fait la lumière là-dessus, ni voulu le faire», a-t-il asséné.

Giuliano Amato pointe enfin du doigt la classe politique française actuelle. «Je me demande pourquoi un président comme Macron, de par son jeune âge, étranger à la tragédie d’Ustica, ne veut pas enlever la honte qui pèse sur la France et Paris ne peut l’écarter que de deux manières : soit en démontrant que cette thèse est infondée, soit, une fois sa validité vérifiée, en présentant les plus profondes excuses à l’Italie et aux familles des victimes, au nom de son gouvernement», a-t-il dit. «Ce silence prolongé ne me semble pas être une solution et il est temps d’y mettre fin», a encore affirmé l’ancien haut responsable politique italien.

Un récit que de nombreux Italiens jugent comme étant l’hypothèse la plus probable, d’autant que par la suite, Bettino Craxi sera accusé d’infidélité et d’intelligence avec l’ennemi par les services de l’OTAN et d’espionnage au profit d’un adversaire de l’organisation atlantique. Une description assez véridique, puisque tout au long de sa carrière politique, Bettino Craxi se voulait ami du Monde arabe, de Mouammar Kadhafi, de Yasser Arafat et des Palestiniens. «Un homme d’Etat assez indépendant en politique étrangère», a rappelé Giuliano Amato, dans cette interview qui ne cesse de créer des remous au sein du monde politique italien, mis sous pression par une opinion publique qui n’a toujours pas oublié le destin tragique des passagers du DC9 d’Itavia.

 

 

De Rome, Mourad Rouigh

septembre 3, 2023 

https://www.algeriepatriotique.com/2023/09/03/un-ex-premier-ministre-italien-revele-un-crime-commis-par-la-france-en-1980/#comments

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Trag%C3%A9die_d%27Ustica

 

 

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Rédigé le 03/09/2023 à 08:41 dans France | Lien permanent | Commentaires (0)

Après le feu « 344 », l’un des plus grands brasiers de l’été au Québec, l’avenir obscurci de la forêt boréale

 

Plus de 6 068 feux se sont déclarés au Canada depuis début le début de la saison. 1 063 sont encore actifs, dont 686 jugés hors de contrôle. Au total la barre des 16 millions d’hectares brûlés vient d’être franchie. La province du Québec a été la plus durement touchée, dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue.

Le long de la route 117, qui file de Montréal vers le nord du Québec, le décor semble, à première vue, immuable. Des murs d’épinettes vert sombre, ce conifère qui peuple la forêt boréale canadienne, se dressent tels des sentinelles de chaque côté de la voie sur des centaines de kilomètres. Seule fantaisie dans ce spectacle statique, le mouvement des branches, agitées par la brise, des trembles et bouleaux, ces feuillus également présents dans la forêt primaire.

 

image from img.lemde.frForêt brûlée par le feu « 344 » au sud-est de Senneterre (Québec, Canada), le 26 août 2023. GUILLAUME SIMONEAU POUR « LE MONDE »

 

Mais, à la sortie du parc de La Vérendrye, la plus grande réserve forestière protégée de l’Abitibi-Témiscamingue, une région située dans l’ouest de la province de Québec, il suffit d’un détour de quelques kilomètres, parcourus sur un chemin forestier cahoteux, pour que surgisse un tout autre paysage. Où que le regard se porte, des monts et des vallons noircis et arasés, des épinettes et des pins gris consumés comme des tiges d’allumette. Des troncs charbonneux gisent à terre. Des énormes blocs de granit rose ont été fracassés sous l’intensité de la chaleur. La blancheur des troncs de bouleaux, intacts, accroche la lumière du soleil de cette fin août : ils sont les seuls rescapés du brasier qui a ravagé la région dans les premiers jours de juin. Trois mois après le passage de l’incendie le plus intense jamais subi, bleuets, fougères, épilobes aux fleurs violettes et feuillus repoussent déjà dans le sol meuble.

 

Après l’Alberta à l’ouest du Canada début mai, les provinces atlantiques à l’est du pays quelques semaines plus tard et avant que les flammes ne s’emparent de la Colombie-Britannique et des Territoires du Nord-Ouest – forçant encore, ces derniers jours, plusieurs dizaines de milliers de personnes à évacuer leurs habitations –, le Québec a lui aussi vécu une saison des feux hors du commun.

Chacun ici a conservé dans son smartphone les photos de cette saison en enfer – les flammes qui surgissent à l’arrière du chalet, la fumée, « la boucane » dit-on dans la région, qui fait perdre tous les repères, le soleil transformé en disque opaque dans un ciel orange vif, les files de voitures fuyant les brasiers – et les messages affolés échangés avec les proches : « C’est l’apocalypse », écrit un homme à son épouse.

Depuis le mois de mai, 668 incendies ont ravagé plus de cinq millions d’hectares au Québec, soit près d’un tiers de la superficie brûlée à travers tout le Canada.

Les surfaces touchées sont à l’échelle de l’immensité du pays, démesurées. Dans le Grand Nord, le plus grand feu jamais répertorié dans la province, de plus de un million d’hectares, était toujours sous observation fin août. Il a démarré le 27 mai. Mais, exceptionnellement, cette année, les flammes n’ont pas seulement sévi au-delà de la « limite nordique » du territoire, au nord du 50e parallèle, là où la forêt boréale est régulièrement en proie à des feux estivaux. Elles se sont aussi attaquées aux zones dites « de protection intensive », où sont installés de nombreux villages et où la forêt est exploitée par les hommes. C’est 1,5 million d’hectares qui sont partis en fumée sur ces terres habitées, cent fois plus que la moyenne annuelle de ces dix dernières années.

 

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Un bloc de granit rose fracturé par la chaleur du feu. A droite, un bouleau devant une section de résineux brûlés. Senneterre (Québec, Canada), le 26 août 2023. GUILLAUME SIMONEAU POUR « LE MONDE »

Poissons asphyxiés

Durant cette saison infernale, l’Abitibi-Témiscamingue a été la région la plus durement touchée au sud de la limite nordique. Le brasier le plus important, le feu « 344 » selon la terminologie de la Société de protection des forêts contre le feu (Sopfeu) du Québec, qui attribue à chacun des foyers un numéro, a rasé à lui seul plus de 500 000 hectares – près de cinquante fois la superficie d’une ville comme Paris. Trois mois après s’être déclaré, le « 344 » menace toujours : il est considéré comme maîtrisé, mais pas officiellement éteint. A l’affût de la moindre fumerolle, des hélicoptères survolent la zone sans relâche.

Sur les rives du lac Matchi-Manitou, l’auberge du même nom organisait il y a quelques semaines encore des séjours de pêche pour les amateurs de doré, ce poisson à la chair goûteuse. En quelques heures, le 1er juin, le feu 344 a transformé ses huit chalets en tas de cendres. Le verre des fenêtres a fondu sous la chaleur du brasier, les chaises en métal se sont entortillées sur elles-mêmes. Au milieu d’un amas de charbon, un service d’assiettes en faïence reste miraculeusement intact. Des résidus noirs obscurcissent l’eau, qui vient lécher la plage de sable blanc, désormais désertée.

 

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Eric Paquet, propriétaire de la pourvoirie du lac Guéguen, Val-d’Or (Québec, Canada), le 23 août 2023. GUILLAUME SIMONEAU POUR « LE MONDE »

 

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Le feu, photographié par Eric Paquet, le 1er juin 2023. GUILLAUME SIMONEAU POUR « LE MONDE »

A une vingtaine de kilomètres au nord-ouest, Eric Paquet, propriétaire de la pourvoirie (le nom des auberges de pêche et de chasse au Québec) du lac Guéguen, a vu ce jour-là le ciel virer au rouge et la fumée envahir l’air. « Mon urgence, dès qu’on a reçu l’ordre d’évacuation de la sécurité civile, a été d’aller rechercher les pêcheurs partis sur le lac, inconscients du danger, car ils préfèrent éteindre leur portable pour jouir de leur tranquillité. » Lors de son expédition de secours, Eric Paquet voit flotter à la surface de l’eau, « rendue plus chaude qu’à Miami », les cadavres de poissons asphyxiés. Ce 1er juin, tous ses clients ont été ramenés à bon port, et ses chalets ont échappé aux flammes. Mais après avoir survécu à l’absence de touristes pendant la pandémie de Covid-19, le quinquagénaire, qui a investi 1 million de dollars dans cette auberge en vue d’assurer sa retraite, voit une nouvelle fois sa saison estivale réduite à néant. « Va-t-on revivre des feux de cette intensité ? Oui, c’est écrit. Entre nos hivers de moins en moins rigoureux, et nos étés de plus en plus chauds et précoces, ajouté au phénomène El Niño que nous subissons actuellement, ça pourrait même arriver dès l’année prochaine. Mais où aller installer une nouvelle affaire quand le monde entier subit les mêmes tourments ? », s’interroge-t-il.

 

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Guy Lafrenière, maire de Lebel-sur-Quévillon (Québec, Canada), dans son bureau, le 24 août 2023. GUILLAUME SIMONEAU POUR « LE MONDE »

Dans la région, le feu 344 est surnommé le « feu de Quévillon », du nom de Lebel-sur-Quévillon, une localité de 2 160 habitants située à 650 kilomètres au nord de Montréal, qui s’est retrouvée au cœur du brasier. Guy Lafrenière, son maire, n’a nul besoin de consulter le petit calendrier posé derrière son bureau pour se souvenir, heure par heure, de ce qu’il a vécu trois mois auparavant. « Le vendredi 2 juin à 16 heures, la sécurité publique m’appelle pour me prévenir qu’un feu s’en vient sur la ville. Elle m’informe qu’il faudra peut-être envisager, sous quarante-huit heures, une évacuation. » Il s’affaire, appelle des bénévoles en renfort. Mais quarante minutes plus tard, nouveau coup de fil. Le ton a changé. « Vous avez trois heures pour partir, c’est un ordre. »

De sa mairie, Guy Lafrenière voit les flammes s’élever, à quatre kilomètres de sa bourgade. Un message d’alerte est lancé sur le groupe Facebook de la municipalité, un camion de pompiers sillonne les rues sirène hurlante, les élus font du porte-à-porte pour presser les habitants de se munir d’une simple valise avec du linge de rechange et de fuir. Dans les six autobus qui emmènent ceux qui n’ont pas de véhicule vers la ville de Senneterre, à une petite centaine de kilomètres au sud, qui va accueillir les réfugiés trente et un jours durant, des enfants pleurent. « C’était effrayant », reconnaît l’édile. Deux avions stationnés à l’aéroport embarquent une dizaine de patients dans les hôpitaux de la région. « A 21 heures, Lebel était une ville fantôme », se souvient-il. Le maire reste seul, avec deux membres de son cabinet et dix-sept pompiers municipaux volontaires, un maigre contingent pour faire face au feu qui approche. En bordure de la ville, l’usine de pâte à papier Nordic Kraft abrite des réservoirs de mazout et des wagons de chlore, prêts à exploser.

L’orage qui s’est déclaré la veille au soir a frappé depuis l’Ontario voisin tout le nord du Québec. Une ligne de foudre a allumé simultanément près de deux cents foyers. La région entière, qui sort d’un printemps inhabituellement chaud et sans eau – « 0,1 millimètre de pluie tombé entre avril et mai, nous n’avions jamais vécu cela », témoigne Guy Lafrenière –, s’enflamme tel un fétu de paille. Seuls les lacs, les cours d’eau et parfois les routes servent de « freins naturels » aux flammes qui se propagent. Le feu saute de cime en cime, projette à des kilomètres à la ronde des tisons incandescents, qui embrasent à leur tour les sols desséchés des forêts. Les ordres d’évacuation s’enchaînent. Au total, 25 000 personnes au Québec devront quitter leur résidence pour quelques heures ou plusieurs semaines.

 

image from img.lemde.frAldée Paré et Liliane Dion ont été évacués le 2 juin de leur pavillon, à Lebel-sur-Quévillon (Québec, Canada), le 24 août 2023. GUILLAUME SIMONEAU POUR « LE MONDE »

 

Ce 2 juin, Aldé Paré et Liliane Dion, 81 ans tous les deux, ont abandonné leur dîner qui mijotait sur la gazinière, ils ont sauté dans leur caravane pour se réfugier chez leur fille Hélène, à Senneterre. De retour dans leur pavillon de briques rouges de Lebel-sur-Quévillon, Aldé, droit comme un « i » dans sa chemise violette, assure qu’il se trouve « chanceux » de n’avoir pas perdu sa maison. Mais deux « camps de chasse » du couple, ces petits chalets rudimentaires construits au bord de l’eau, où les Québécois aiment passer leur temps libre pour profiter de la pêche, de la chasse et du bois, sont « passés au feu ».

Les traumatismes laissés par les incendies tiennent parfois à une perte dérisoire. « Une table basse sur laquelle notre fille Geneviève avait laissé son empreinte de pied lorsqu’elle était petite s’est entièrement consumée. Ça peut paraître “niaiseux” mais c’est comme si toute ma vie était concentrée dans cette petite table ronde », s’étouffe Liliane, la voix brisée. « Depuis trois mois, j’ai le sentiment que le feu est entré dans mes poumons, je ne parviens plus à respirer. » Le feu, qui enflamme tous les souvenirs sur son passage, joue parfois des farces. Le chalet de leur fille Hélène Paré, pourtant au cœur de la fournaise, a été épargné. « On se dit que nos aïeux ont veillé sur lui », veut croire la volubile quinquagénaire.

Pas de victime

Malgré le caractère exceptionnel des incendies endurés au Québec cet été, aucune ville n’a été détruite dans la province, et aucune victime n’est à déplorer. Mais aucun feu n’a été éteint non plus par la seule action des pompiers. Marc Waltz, agent de protection de la Sopfeu, a été assigné au « 344 » dès son éclosion. Vingt-quatre jours de travail d’affilée, entrecoupés de nuits courtes et un constat à l’issue de cette épreuve : « Il nous a fallu revoir complètement notre façon d’appréhender le feu. Avec un brasier de 107 kilomètres de long et de 97 kilomètres de large, un périmètre de 2 000 kilomètres et des flammes de quinze mètres de hauteur au-delà des arbres, il était impossible de l’attaquer de front. Le feu est une bête en soi, imprévisible. Nous avons dû nous résoudre à nous mettre en mode défensif. »

Avec, à ses côtés, seulement vingt pompiers disponibles pour protéger Lebel-sur-Quévillon aux premiers jours de juin, quand des hommes étaient déjà déployés à l’est et à l’ouest du territoire autour d’autres localités également menacées, Marc Waltz n’a pu que superviser le défrichage de tranchées coupe-feu à l’aide de volontaires, et installer des systèmes d’arrosage autour de l’usine Nordic Kraft. « Cette usine, c’était mon Fort Alamo. Si elle sautait, toute la ville y passait, se souvient-il. La seule action possible était de ralentir le feu pour sauver des vies et les infrastructures essentielles. »

 

image from img.lemde.frMarc Waltz, agent de protection, dans le bureau de la Sopfeu, à Val-d’Or (Québec, Canada), le 25 août 2023. GUILLAUME SIMONEAU POUR « LE MONDE »

 

Le Québec ne dispose que de 243 pompiers à temps plein spécialisés dans les feux de forêt. Malgré le renfort exceptionnel de contingents étrangers – quelque 300 pompiers français, espagnols, américains et sud-coréens se sont relayés au fil des jours –, l’agent d’intervention de la Sopfeu estime qu’il aurait fallu multiplier « au moins par dix les effectifs » pour espérer venir à bout de ce feu dantesque. « Avec la chaleur dégagée par les brasiers, on ne pouvait même pas envisager de larguer de l’eau par avion, elle se serait évaporée avant même de toucher le sol », ajoute-t-il. Ce sont la baisse des températures et le retour de la pluie qui, fin juin, ont finalement eu raison de la vigueur des incendies.

 

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image from img.lemde.frUne plante en fleur, près de trois mois après le passage du feu « 344 ». A droite, une tranchée coupe-feu. A Senneterre (Québec, Canada), le 24 août 2023. GUILLAUME SIMONEAU POUR « LE MONDE »

 

Maîtriser les bordures du feu à défaut de l’éteindre, préserver les vies humaines, les pompiers de la Sopfeu estiment avoir accompli leur mission. « Mais ils n’ont pas protégé la forêt », s’insurge Guillaume Côté. Cet entrepreneur forestier de 28 ans a perdu dans le feu de Quévillon deux de ses machines, une abatteuse et un transporteur, ainsi que son « camion garage » avec tous ses outils. Deux millions de dollars (1,4 million d’euros) de pertes sèches, auxquels il faut ajouter le manque à gagner des huit semaines, à raison de 50 000 dollars de revenus hebdomadaires perdus, où il lui a été impossible de repartir « bûcher » dans les bois, tant que le feu était jugé « hors de contrôle » par les autorités. « J’ai ce métier dans le sang, mais je ne sais pas si je m’en relèverai », se désole-t-il, insatisfait de l’aide de 50 millions de dollars (34 millions d’euros) accordée aux entreprises sous forme de prêts remboursables, annoncée le 5 juillet par le gouvernement du Québec.

Renoncer aux lucratives épinettes noires

« Ce qui vient de se passer n’est pas qu’une anomalie, ça va forcément se reproduire. Le gouvernement doit en tirer les leçons, augmenter les effectifs de pompiers, mais aussi aider les entrepreneurs forestiers à survivre », poursuit M. Côté. Lors d’un déplacement le 25 août à Kelowna, en Colombie-Britannique, où un incendie toujours en cours a détruit plus de 200 habitations, le premier ministre, Justin Trudeau, n’a pas fermé la porte à l’idée de créer un service fédéral permanent de lutter contre les feux, pour pallier les ressources limitées des provinces aujourd’hui chargées de la protection des forêts. Sans pour autant proposer d’avancées concrètes.

En Abitibi-Témiscamingue, la destruction de la forêt boréale est vécue comme un traumatisme. Notamment parce que l’industrie forestière, forte de ses quelque 60 000 emplois directs et indirects, est, avec l’activité minière, l’un de ses principaux moteurs économiques de la région. Exploitée de façon intensive depuis le début du XIXe siècle, la forêt fait encore vivre des villes entières.

La priorité ici est moins de s’alarmer de ce puits de carbone qui a libéré dans l’atmosphère plus d’un milliard de tonnes de CO2 depuis début mai (pour l’ensemble des incendies canadiens) ou de s’inquiéter de la fragilisation des écosystèmes forestiers, que de souligner l’urgence à reprendre coupes, récoltes et sciages qui fournissent en bois de construction et en pâte à papier tout le continent nord-américain. « En quelques jours, les incendies ont réduit en cendre des milliers de mètres cubes de bois qui attendaient d’être récoltés », explique Patrick Garneau, directeur régional de Produits forestiers Résolu, l’une des plus grosses entreprises du secteur au Québec. La perte est néanmoins relative pour ce secteur industriel : quand il n’a pas été entièrement consumé, le bois brûlé ne l’est qu’en surface et reste exploitable une fois débarrassé de la suie.

 

image from img.lemde.frUn chargement de bois brûlé, à l’usine Produits forestiers Résolu, à Senneterre (Québec, Canada), le 23 août 2023. Une fois nettoyé de la suie, ce bois reste exploitable. GUILLAUME SIMONEAU POUR «  LE MONDE »

 

Mais les acteurs de la filière bois sont engagés aujourd’hui dans une course contre la montre. Car à peine le feu étouffé, un autre danger guette déjà : le longicorne. Ce coléoptère à la carapace noire et aux longues antennes a profité du printemps pour pondre ses œufs entre le tronc et l’écorce du bois mort. Ses larves, affublées de puissantes mandibules, se nourrissent de la pulpe du bois en creusant des cavités dans les troncs. Depuis juin, la forêt de Quévillon est devenue un immense garde-manger à ciel ouvert pour ces insectes. Quand les abatteuses et excavatrices chargées de débarrasser la forêt de ses stigmates noirs font une pause, quand les énormes trucks de chargement, lourds de quinze tonnes de troncs calcinés, cessent leurs va-et-vient, Denis Dubé, superviseur chez Produits forestiers Résolu, invite à tendre l’oreille. La forêt résonne du « scrouic scrouic » des larves voraces. Pour l’industrie forestière, les trous qu’elles laissent derrière elles font baisser la valeur commerciale des produits. « Nous nous donnons jusqu’à la fin du printemps pour récolter ce bois brûlé, avant d’aller de l’avant en reprenant nos coupes de bois vert », déclare, optimiste, Patrick Garneau.

 

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Denis Dubé, superviseur chez Produits forestiers Résolu, montre un longicorne et les dommages causés sur le bois par les larves de cet insecte, dans la forêt brûlée par le feu « 344 », à Senneterre (Québec, Canada), le 24 août 2023. GUILLAUME SIMONEAU POUR « LE MONDE »

 

Repartir comme avant, vraiment ? En replantant des conifères, alors que ce sont les feuillus qui ont le mieux résisté au feu, qui ont servi de pare-feu efficaces à certaines habitations, et que leurs repousses sont déjà visibles dans les parcelles dévastées ? Le débat sur la régénération de la forêt boréale couve à bas bruit, dans cette région frappée de stupeur par la catastrophe d’ampleur inégalée qu’elle vient de vivre, mais qui ne remet pas en cause sa dépendance au commerce du bois.

Le forestier en chef du Québec, Louis Pelletier, un ancien dirigeant d’entreprise forestière, doit réviser d’ici quelques semaines, à l’intention du gouvernement du Québec, ses recommandations sur les futurs volumes de bois pouvant être récoltés sans accroître la déforestation. Nul ne sait comment il prendra en compte l’année 2023 : comme une année « accidentelle » au vu de l’ampleur des dégâts causés par les incendies, ou comme l’indice de la menace qui pèse désormais sur tout l’écosystème de la forêt canadienne ? Une étude publiée le 22 août dans le cadre du World Weather Attribution (WWA), a démontré que le changement climatique a rendu sept fois plus probable le contexte météorologique de chaleur et de stress hydrique qui a favorisé les incendies au Canada en 2023.

 
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Henri Jacob, militant écologiste, à Val-d’Or (Québec, Canada), le 26 août 2023. GUILLAUME SIMONEAU POUR « LE MONDE »


Henri Jacob, le militant écologiste qui a fondé en 2000 Action boréale, une association de défense de la forêt canadienne, subodore déjà que rien ne va changer. Il a passé le mois d’août à baguer des sauvagines, des oiseaux aquatiques sauvages, dans des marais situés dans le périmètre du brasier de Quévillon, afin d’étudier leur migration. « Pour la première fois en vingt-neuf ans, je n’ai vu ni castor ni ours ni orignal ni lynx dans cette zone ravagée par les flammes. »

Atterré par les dégâts majeurs en termes de biodiversité provoqués par ces incendies, il tempête contre l’inertie des gouvernements, fédéral et provincial, à lutter contre le dérèglement climatique. « Nous savions que cela allait se produire, et nous savons que cela se reproduira. Le pire drame, c’est que nous considérons qu’il n’y a pas de drame. » Le septuagénaire à la barbe blanche répète inlassablement ce que le gouvernement du Québec ne veut pas entendre, selon lui, pour ne pas froisser le puissant lobby forestier local : pour assurer la pérennité de la forêt, le moment est venu de renoncer à ne replanter que les lucratives épinettes noires. Elles sont les seules à intéresser l’industrie forestière, mais elles constituent, insiste-t-il, le combustible des futurs feux.

 

image from img.lemde.frPaysage typique de la forêt boréale, près du lac Guéguen. Des plants d’arbres résineux pour reboiser la forêt brûlée, à la pourvoirie du lac Guéguen. A Val D’Or (Québec, Canada), le 23 août 2023. GUILLAUME SIMONEAU POUR « LE MONDE »

 

Située à la limite sud du feu 344, la communauté anichinabée (algonquine) de Lac-Simon, une réserve autochtone de 2 500 personnes, a elle aussi dû fuir quelques jours, début juin, la toxicité de l’air. En cette fin d’été, son chef, Lucien Wabanonik, confie « avoir la rage au cœur ». Les populations autochtones ont un attachement ancestral à leurs territoires qui, depuis des millénaires, les approvisionnent en gibier comme en plantes médicinales. « Cela fait des années que les Premières Nations alertent sur la nécessité de protéger tout ce qui constitue le cosmos, l’eau, la terre, les animaux et les hommes. Mais personne ne nous écoute. » Attristé que les hommes aient participé à « abîmer » le précieux écosystème de la forêt boréale, le poumon vert de l’hémisphère Nord, Lucien Wabanonik est sans illusion sur les leçons qu’ils s’apprêtent à en tirer. Le chef anichinabé envisage avec fatalisme un avenir lourd de menaces : « Nous allons payer très cher l’action de l’homme sur le dérèglement du cosmos. »

 

 

Par Hélène Jouan  (Abitibi-Témiscamingue (Canada), envoyée spéciale)

Publié aujourd’hui à 05h00
https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/09/03/apres-le-feu-344-l-un-des-plus-grands-brasiers-de-l-ete-au-quebec-l-avenir-obscurci-de-la-foret-boreale_6187596_3244.html
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Rédigé le 03/09/2023 à 02:12 dans Canada, Climat, Incendies , Québec | Lien permanent | Commentaires (0)

Affaire Khaled Nezzar et la suisse : Une justice révisionniste

 

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haled Nezzar referred to the Federal Court by the Swiss MPC

 

L'Algérie qualifie l'attitude de la justice suisse dans le dossier Khaled Nezzar de révisionniste. Le propos est du ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf. Réagissant à l'inculpation de l'ancien ministre de la Défense nationale par une cour fédérale helvétique de crime contre l'humanité, le ministre a dit à son homologue suisse, Ignazio Cassis, ce que pensait l'Algérie des pratiques coupables de l'institution judiciaire suisse. Celle-ci se contredit d'un jugement à l'autre et donne une nette impression de partialité dans le traitement de cette affaire précisément. Il faut savoir que le dossier a déjà atterri dans le bureau d'un magistrat suisse qui a conclu en 2017, à l'absence d'un motif juridique justifiant des poursuites judiciaires à l'encontre d'un haut responsable étranger pour quelques accusations que ce soit. Mais des agents du terrorisme islamiste planqués à Genève, dont le créateur d'un groupe terroriste spécialisé dans l'assassinat d'intellectuels algériens, Mourad Dhina, semblent avoir leurs entrées dans l'institution judiciaire helvétique puisque le procureur général a déposé, le 28 août dernier, l'acte d'accusation, renvoyant Khaled Nezzar devant le tribunal pénal fédéral. Il est reproché à l'ancien ministre de la Défense des «infractions au droit international humanitaire au sens des Conventions de Genève entre 1992 et 1994 dans le cadre de la guerre civile en Algérie et pour crimes contre l'humanité». Cette accusation qui ignore tout du contexte de l'époque et des massacres perpétrés par les hordes terroristes sur toute la décennie 90 est le fait d'une ONG suisse, Trial International, qui dit lutter contre l'impunité des crimes de guerre. Trial n'a pas jugé utile, au passage, de se pencher sur les responsabilités des présidents français et américains dans les massacres perpétrés par leurs armées en Irak et en Afrique, durant les années 2000 et révélés par WikiLeaks. Elle n'a pas monté un dossier judiciaire contre ceux qui torturent Julian Assange. Sur ces affaires, la justice suisse est sourde, muette et aveugle. Concernant le dossier Nezzar, les faits, tels qu'exposés, relèvent d'un deux poids, deux mesures scandaleux.


Le procureur général qui n'ose même pas effleurer des cas flagrants et documentés de crimes contre l'humanité, perpétrés sur ordre de chefs d'État occidentaux, s'autorise une ingérence dans un pays, dont la communauté internationale reconnaît le courage et la justesse du combat contre le terrorisme.
Le ministre des Affaires étrangères ne croit pas au motif généralement invoqué par les hauts dignitaires européens lorsqu'ils sont interpellés sur des cas de manipulation éhontée de leur institution judiciaire. «L'indépendance de la justice ne justifie pas l'irresponsabilité et qu'un système judiciaire quel qu'il soit s'arroge le droit absolu pour juger des politiques d'un État souverain et indépendant», a clairement signifié Attaf, repris dans un communiqué de son département ministériel.


Le propos du ministre est clair: «La justice suisse a offert avec beaucoup de légèreté une tribune aux terroristes, à leurs alliés et à leurs soutiens pour tenter de discréditer le combat honorable de notre pays contre le terrorisme, de jeter l'opprobre sur ceux qui lui ont fait face et de souiller la mémoire de ceux qui sont tombés en lui résistant.» En d'autres termes, la justice helvétique a blessé le peuple algérien en transformant le coupable en victime, en faisant «une lecture révisionniste de l'histoire de notre pays durant les années 90. Elle procède par des accusations outrancières et infondées, par des comparaisons hasardeuses et inappropriées et par des falsifications si flagrantes qu'elles se discréditent elles-mêmes», souligne le ministre des Affaires étrangères. On est clairement face à une «lecture révisionniste» d'une période de l'Histoire de l'Algérie. Elle ignore ce que le monde entier reconnaît aux Algériens: «La bravoure du combat solitaire (...) mené contre le terrorisme.»


Enfin, le ministre a formulé le voeu que «tout soit entrepris pour éviter que cette affaire n'entraîne les relations entre l'Algérie et la Suisse sur la voie de l'indésirable et de l'irréparable». Aux autorités de ce pays de tirer les conséquences de cet affront fait au peuple algérien.

 

 

Saïd BOUCETTA

| 02-09-2023

https://www.lexpressiondz.com/nationale/une-justice-revisionniste-372960

 

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Rédigé le 02/09/2023 à 18:58 dans Algérie, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)

Balades... Là et ici !

 

Livres


Poussières d'itinérances. Récits de voyage de Badr'Eddine Mili. Apic Editions, Alger 2023, 187 pages, 800 dinars

 

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Il avait produit, entre 2009 et 2015 une trilogie romanesque («La brèche et le rempart», «Les miroirs aux alouettes», «Les abysses de la passion maudite»). Puis, il a produit une trilogie politique.

On pensait qu'il avait fait le tour de «la question algérienne», côté cour et côté maison, côté obscur et côté lumineux. Mais non !

Cette fois-ci, il se penche sur l'extérieur, c'est-à-dire sur toutes (ou presque toutes, ses passages à la présidence de la République puis à l'Aps n'ayant été évoqué que très brièvement) ses expériences professionnelles, en Algérie et surtout à l'étranger, lors de missions au service de son entreprise du moment. Car il est passé par plusieurs avec une affection toute particulière pour le secteur qui l'a accueilli à sa sortie de l'Université et qui l'a rattrapé en fin de parcours : la radiotélévision en particulier et l'audiovisuel en général.

Au total, 22 haltes présentées totalisant, en 40 ans, une trentaine de pays et une cinquantaine de villes. Les Balkans, Sarajevo, le Kilimandjaro, le Canada, le lac Victoria, Paris, Tunis, Casablanca, Londres, Rome, Barcelone, Dubrovnik, Palerme, l'Espagne, Chypre, Anvers, Bruxelles, Bucarest..., le veinard ! Heureusement qu'il n'a choisi de ne raconter que ceux qui «présentaient un intérêt un rapport avec la période, la durée, la portée culturelle et esthétique, les rencontres et la dimension politique concernées...». Il est vrai que certains ont fait bien plus ou bien mieux. Hélas, pour lui, comme pour bien des cadres voyageurs, mis à part quelques exceptions, il ne s'agissait pas de voyages touristiques et de loisirs mais avant tout de voyages de travail. Certes, les lieux traversés puis, à l'occasion, visités, sont décrits avec subtilité et art, tant l'auteur sait y faire avec les mots (il fut assez longtemps, éditorialiste politique à la Chaîne 3), mais le plus important se trouve dans le contenu des missions effectuées, parfois bien délicates car engageant souvent l'image et la présence internationale du pays, quelquefois périlleuses (surtout lorsque le «parapluie diplomatique» n'est pas au rendez-vous) et toujours éreintantes, sinon dangereuses. Une exception, une large visite, en famille, dans le sud de la France et au nord de l'Espagne. Après l'effort, le réconfort... bien mérité.

L'Auteur : Né à Constantine, études de Droit et de Sciences politiques (Université d'Alger). Plusieurs postes de responsabilité au sein des médias étatiques (radio, Anep, Dr au ministère de la Communication et de la Culture, Dg Aps, Chargé de mission à la présidence de la République sous le mandat de Liamine Zeroual...). Auteur d'une trilogie romanesque et de trois essais politiques : «L'opposition politique en Algérie», «Les présidents algériens à l'épreuve du pouvoir» et «Le système politique algérien. Formation et évolution (1954-2020)».

Extraits : «De ces circonvolutions autour du nombril du monde, il revint avec des impressions, des sensations et des images fabuleuses, parfois métaphysiques» (Prologue, p 7), «Mon père m'avait appris, depuis ma petite enfance, que s'habiller convenablement était le signe extérieur de la plus grande des dignités» (p 141), «Chaque voyage se suffit à lui-même, avec son charme ou son sel spécial, unique. Certains sont plus réussis que d'autres et laissent des traces, ce qui n'est valable que pour quelques-uns «(p 185).

Avis : Un long voyage dans le temps et dans l'espace... à travers le monde. Un riche circuit certes touristique, mais aussi et surtout professionnel : l'utile, parfois le futile et l'agréable. Des descriptions de lieux se doublant de réflexions et de leçons politiques.

Une petite erreur à signaler (il fallait bien en trouver une) : Mohamed Benzeghiba n'a jamais été Dg de l'Anep (il a été par contre DG/pi de l'Aps) (p 84). C'est votre serviteur qui avait succédé, durant moins d'une année, à Madani Haouès, avant d'aller à la Dg de l'Aps et remplacé par Mohamed Raouraoua. Un genre d'ouvrage à encourager pour maintenir les mémoires trop rapidement oublieuses de ce qui s'est fait «avant».

Citations : «Il y a comme cela des circonstances qui se croisent et nous rappellent combien, fatalement, nous demeurons prisonniers de nos vieux mythes et de nos vieilles querelles, incapables de nous en libérer» (p 49), «Derrière les lumières d'une Révolution forte de son peuple résistant, de ses intellectuels avant-gardistes et de ses brillants systèmes de santé et d'éducation, j'ai vu se profiler l'ombre de la faim, les démons de l'autoritarisme et la tentation d'exporter le «modèle» (A propos de Cuba, p 64), «Si je ne me trompe pas, dans voyage, il y a à voir» (p 185), «Le voyage est la réalisation, sinon la continuation, d'un rêve qui débouche toujours sur le savoir» (p 186).



Talelat. Mystères de «la Main du Juif». Roman-essai de Djamel Laceb. Editions Frantz Fanon, Editions Frantz Fanon, Boumerdès, 2023, 181 pages, 1.000 dinars



Ni roman, ni essai, mais les deux, ce qui est tout de même une performance pas toujours réussie ailleurs. En fait, l'auteur n'a pas voulu raconter une histoire mais plutôt raconter le quotidien d'une «population unique», de par sa culture, ses travers, ses peines et ses espoirs..., de raconter un monde «sur la route de l'absence», avec des cimes qui s'évacuent chaque jour un peu plus «avec des partants qui emportent avec eux les dernières coutumes d'une culture ancestrale non pour les perpétuer, mais pour les corrompre dans des bourgs informes».

Bien sûr, il y a, hélas, plusieurs «populations uniques» en Algérie qui empruntent ce chemin, avec, peut-être des mentions particulières pour certaines d'entre-elles.

L'auteur, donc, raconte, en fait, le quotidien, triste mais vivable et bien (ce qui ne veut pas dire obligatoirement bon) vivant d'un lieu et d'une population attachée à sa terre, à sa langue et à ses us et coutumes, bonnes et (ou) mauvaises. Une terre devenue ingrate car trop abandonnée (sauf le «Grand Parking national» et ses singes, très, trop bien gardés), une langue riche mais complexe, des traditions parfois gênantes mais nécessaires... poussant au départ vers des ailleurs pourtant incertains. On a donc, au final, un roman-essai parsemé d'informations puisées dans des lectures et autres sources dont la tradition orale n'est pas des moindres. Sans oublier un penchant pour l'histoire de l'Egypte antique ainsi que pour la mythologie.

Au départ du récit, il y a, au milieu de l'immense et imposant Djurdjura, «la Main du Juif» (Talelat), un rocher à plusieurs pointes, sorte de «paluche géante», baptisée ainsi par les Français, dont tout le monde, à Dawdar (1.100 mètres d'altitude, parle avec vénération..., car, semble-t-il, liée à d'anciennes civilisations ayant enfoui on ne sait quels secrets. Il y a, aussi, un Sphinx gigantesque que ne peuvent voir que les initiés..., soumis au silence... Des rochers «qui parlent d'eux-mêmes», et, paraît-il, il suffit de tendre l'oreille et de regarder dans la bonne direction. Tout un mystère bien gardé (et transmis par bribes) par des personnages originaux : Dda Slimane, Moh Pompidou, Cheikh Mohand...

L'Auteur : Né à Souk Ahras, inspecteur d'administration dans l'Education nationale, conseiller au Haut-Commissariat de l'amazighité, lauréat du grand prix Assia Djebar pour son roman «Nna Ghni» et il a publié un recueil de chroniques (2019), «Escapades en terre amazighe».

Extraits : «Un Sudiste comme son nom l'indique travaille au sud du pays. Il en existe deux catégories : les chanceux et les misérables. Les premiers sont dans les sociétés pétrolières algériennes et perçoivent des salaires mirobolants tandis que les seconds sont les esclaves des sous-traitants» (p 38), «Dans le monde des mânes et des i‹!essasen, le pays du Djurdjura est l'équivalent de la Chine. Un pays surpeuplé d'esprits et d'âmes» (p 48), «Le chiffre cinq est le chiffre de l'équilibre, du centre, il est associé à la vie et aux saisons car depuis la nuit des temps, les Amazighs comptent cinq saisons» (p 63), «Personne ne sait pourquoi les singes s'appellent Messaoud et les chacals Mhand, mais une chose est sûre : ils se reconnaissent» (p 66), «Dans notre région, il y a deux façons de trouver quelque apaisement : le grand plongeon dans les cuves ou bien se faire tatouer sur le front et sur les chevilles les trois marques de l'obéissance et de la prosternation» (p 84), «C'est dans les magasins que sont commentées toutes les nouvelles colportées, tous les ragots; mais le plus grand, c'est le«Sénat»». L'établissement tient sa réputation du fait qu'il est fréquenté par les phénomènes des environs... On parle quand on sait quelque chose, on parle aussi quand on ne sait rien. Au «Sénat», il faut parler, parler; au moindre silence, vous cessez d'exister et alors, le sujet de discussion, c'est vous» (pp 87-88), «Un cassé est un homme qui, ayant tenté sa chance en ville, revient brisé par le chômage, la misère ou autre vicissitude de la vie. Un cassé n'avoue jamais son état; il est facile de déceler l'amertume du vaincu. Les villageois les appellent aussi les «revenants» parce qu'ils ont la démarche et l'existence légères : comme s'ils avaient honte d'être présents parmi les vivants» (p 111).

Avis : Bien écrit. Style fluide. De l'humour plein les pages. De la critique et de l'autocritique. On en arrive à oublier que de roman il n'y en a presque point, mais beaucoup d'analyses psychosociologiques d'une région et de sa population. A lire... avec compréhension car l'auteur a l'air d'adorer sa région maternelle. Un critique a écrit que «c'est un roman étincelant qui réinterroge avec une originalité déconcertante les lieux de la culture berbère et les mystères d'une langue qui a résisté aussi bien aux bourrasques du temps qu'aux accidents de l'Histoire».

Citations : «Éduquer use toutes les facultés, au point de faire des maîtres au mieux des dadais, sinon des démons» (p 15), «La rêve commun des habitants d'un pays crée l'image du pays» (p 51), «Pour parler des gens, il faut les aimer et moi j'en suis à me demander s'il faut leur pardonner d'abord» (p 93), «Au pays le plus dépensier du monde, les économistes ne pouvaient que chômer» (p 113).

 

 

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Samedi 2 septembre 2023

http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5323448

 

 

La main du juif : de quel juif s’agit-il au juste ?

 

image from sp-ao.shortpixel.aiLa Main des juifs

 

Matin, midi et soir, on ne peut s’empêcher de lever nos yeux vers notre majestueux Djurdjura. Bien sûr, il est toujours question d’admirer ces imposants sommets de l’Atlas tellien qui affichent fièrement la force et la noblesse qui caractérisent notre éternelle Kabylie.

 

Notre chaîne montagneuse compte beaucoup de sommets dont l’un des plus célèbres d’entre eux porte curieusement le nom de « Main du juif  » ou « Thaletat »  qui signifie l’auriculaire. Il faut d’ailleurs se trouver du côté de ce sommet pour pouvoir profiter d’une splendide vue panoramique sur le territoire des Igawawen d’une part et des Iflissen de l’autre part.

Mais interrogeons-nous d’abord sur l’origine de cette appellation qui semble avoir un rapport avec un personnage juif.

On peut remarquer autant que le juif a été depuis les nuits des temps ce produit à appliquer à toutes les sauces, et ce n’est que pour cela les gouvernants arabes ne voient encore que la traumatisante main du juif ou la main juive derrière toute révolte de leurs populations respectives.

Que nous restons bien dans le cadre de notre sujet et de la très bonne réponse à trouver.  Alors, s’agit-il de l’un de ces juifs installés en Tamazgha (Afrique du Nord) depuis l’époque romaine ?

S’agit-il encore une fois de cet Amazigh juif issu d’une très ancienne tribus berbères judaïques ?

On ignore toujours quand et pourquoi on a ainsi baptisé ce flan de montagne qui nous renvoie à une sculpture d’une main ouverte vers le ciel, sauf que l’une des légendes nous apprend que ce plus haut endroit de notre montagne était un lieu de prière d’un ascète juif.

La célèbre main n’a pu, comme on s’aperçoit par ailleurs,, laissé indifférent Ernest Renan (appelé le Breton des Ouadhias) qui a, à travers son magnifique ouvrage « La société berbère, mélange d’histoire et de voyages» publié en 1878, témoigné en poésie de son émerveillement.

Certes, cette belle poésie nous réconforte et nous détend, mais nous restons hélas sur notre soif de cette ultime bonne réponse à notre vraie question. On continue de  croire que quelqu’un de vous en sait quelque chose pour pouvoir gentiment nous l’apprendre.

Yazid Sadat

 

Poésie d’Ernest Renan

 

Main ouverte dressée dans le ciel de Kabylie

Et jaillissant du Djurdjura en seigneurie

Comme pour saluer l’arrivée d’un soldat vainqueur

Qui apporte un butin de guerre à son empereur ;

Il n’en fallait pas plus pour qu’on la baptisât

« Main du Juif » pour la sortir de l’anonymat.

Main figurative d’un chef d’œuvre bien charpenté

Que le peintre a lissé d’un vernis argenté

Auréolant de lumière le vert paysage

Agenouillé à ses pieds pour lui rendre hommage ;

Il n’en fallait pas davantage pour qu’on aimât

Cette « Main du Juif » au port altier et délicat.

Main immortelle qui fait la fierté des « aarouchs »,

Qui malgré sa hauteur, ses airs un peu farouches,

Veille d’un œil attendri sur tous les habitants

Comme une mère qui protège ses petits, ses enfants ;

Que faut-il alors de plus pour qu’on lui dénie

L’héritage indivisible de la Kabylie ?

 

 

 
https://lematindalgerie.com/la-main-du-juif-de-quel-juif-sagit-il-au-juste/
 

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Rédigé le 02/09/2023 à 15:00 dans Littérature, Livres | Lien permanent | Commentaires (0)

Malgré les persécutions, la Tunisie continue d’attirer les migrants

 

Après des expulsions forcées vers le désert et la répression des migrants en situation irrégulière, les départs de Sfax vers l’Europe continuent, ainsi que les arrivées dans le pays. À Zarzis, à proximité de la Libye, les associations sont débordées.

 

ZarzisZarzis (Tunisie).– Beaucoup tentent de dormir sous les auvents des boutiques fermées de Zarzis, dans le Sud tunisien, pour trouver un peu d’ombre. D’autres se sont regroupés en face, dans un chantier en bord de route. Le quotidien de ces migrants venus d’Afrique subsaharienne est fait d’attente, de prières et d’angoisse. La grande majorité sont soudanais, près d’une centaine vit dans cette maison inachevée, mise à disposition par un habitant, « l’oncle Ali » comme ils le surnomment.

Entre les briques rouges et les murs encore bruts de ciment, chacun tente de créer son coin. L’un fait la prière, un autre, fiévreux, reste étendu sur un matelas au sol en attendant des médicaments. À l’extérieur, certains répartissent l’eau et la nourriture ramenées par quelques habitant·es bénévoles. Les murs sont recouverts de linge qui sèche. Des fosses septiques artisanales ont été creusées dans le sol pour permettre un semblant d’hygiène, tandis que des marmites et des bouteilles de gaz installées entre les déchets de construction constituent la « cuisine ».

Nourredine Isaac Abdallah, 29 ans et originaire du Soudan, la casquette vissée sur la tête, est chargé d’une partie de l’intendance. « Nous avons une pièce où nous stockons les denrées que chacun nous donne et le soir, oncle Ali nous remet la clef pour que nous puissions répartir entre chacun. C’est lui qui garde la clef pour qu’il n’y ait pas de soucis entre nous », explique-t-il.

L’oncle Ali, qui ne veut pas donner son nom de famille de peur d’être dans le viseur des autorités, estime qu’il n’avait pas d’autre option que de les aider. « Ils sont arrivés par groupes. Au début, j’ai prévenu les autorités mais personne n’est venu les déloger et puis avec la chaleur, honnêtement, je n’avais pas le cœur à le faire. Donc nous avons arrêté les travaux dans le chantier et je les laisse vivre ici », admet-il, ajoutant que la situation peut difficilement durer.

« C’est très dangereux et précaire de vivre sur un chantier, je les aide comme je peux mais j’aimerais bien qu’on leur trouve une solution. Où est la dignité humaine dans ce genre de situation ? Où sont les droits humains dont on nous parle tout le temps ? », questionne l’homme qui donne une pièce de 5 dinars (1,49 euro) à Noureddine pour qu’il aille acheter du pain.

 

image from static.mediapart.fr

 

Près d'une centaine de migrants soudanais se sont installés dans un chantier de Zarzis. Beaucoup ont passé deux à trois jours dans le désert tuniso-libyen et n'ont qu'un sac à dos ou quelques vêtements en leur possession. © Photo Lilia Blaise pour Mediapart

Cette situation n’est pas isolée à Zarzis. Certain·es migrant·es dorment dans des champs d’oliviers, d’autres dans des centres, parfois vétustes, appartenant à des ONG. « Nous avons beaucoup de cas de Subsahariens qui viennent dans nos locaux, car ils ne peuvent pas rester dans certains centres où ils sont trop nombreux », explique Abdulay Saïd, un Tchadien résidant en Tunisie qui a obtenu la nationalité. Il s’occupe d’une coalition de sept associations humanitaires dans la région de Médenine, qui accueille depuis plusieurs années des migrant·es pour les intégrer dans le tissu socio-économique.

Au mois de juillet, après la mort d’un Tunisien lors d’une altercation avec des migrants dans la ville de Sfax, à l’est du pays, une vague de violences racistes et d’expulsions forcées de leur domicile a touché de nombreuses personnes subsahariennes.

Beaucoup se sont retrouvées livrées à elles-mêmes et à la rue. D’autres ont été emmenées de force par les autorités tunisiennes dans les zones frontalières avec la Libye et l’Algérie et abandonnées dans le désert. Ces expulsions ont coûté la vie à 25 personnes, selon les chiffres du ministère de l’intérieur libyen, même si 600 migrant·es ont été secouru·es par le Croissant-Rouge tunisien après le scandale des images montrant plusieurs centaines de migrant·es abandonné·es dans le désert.

Séquelles psychologiques

« Dans notre local, nous avons eu de fait de nombreux mineurs mais aussi des femmes rescapées du désert qui n’ont pas pu rester dans les centres où on les avait placés et qui sont venus nous demander de l’aide », explique Abdulay Saïd, qui raconte que beaucoup souffrent de « séquelles et traumatismes » nécessitant une prise en charge psychologique. « Certaines femmes sont restées vingt jours dans le désert avec leurs bébés ; en revenant, elles n’arrivaient plus à allaiter. Des adolescents se sont retrouvés à vivre déshydratés, à côté des cadavres de ceux qui n’avaient pas survécu », explique-t-il.

Aujourd’hui, les autres survivant·es sont réparti·es dans des centres supervisés par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui ne donne pas d’accès aux journalistes pour « la sécurité des migrants », selon ses mots. L’OIM ne répond que par mail. 234 personnes secourues dans le désert ont été réparties entre les villes de Tataouine, Médenine et Zarzis, en collaboration avec les autorités régionales et le Croissant-Rouge. Des aides alimentaires, une assistance psychologique et médicale sont également fournies. Mais cette situation est plus que temporaire, comme le souligne Abdullay, « vu que les centres sont surchargés ».

 

 
 

 

 

 

Sans compter que certains centres sont des foyers universitaires qui vont de nouveau être remplis d’étudiant·es à la rentrée scolaire. Certain·es migrant·es récupéré·es à la frontière algérienne seraient également gardé·es, selon les témoignages, dans des lycées de Kebili et de Tamerza, surveillés par la garde nationale. D’autres vivent sous les palmiers dans l’oasis de Nefta, aidés par les habitants comme ceux de Zarzis. L’OIM dit « travailler à trouver des solutions ». L’une d’elles serait le retour volontaire de certains migrants dans leur pays, une procédure à laquelle ils peuvent postuler via l’organisme mais qui prend du temps. Près de 200 seraient candidats, selon les chiffres du Croissant-Rouge tunisien.

L’impossible demande d’asile

Malgré cette politique antimigratoire répressive, que les autorités tunisiennes ne reconnaissent toujours pas puisqu’elles nient avoir expulsé des migrant·es dans le désert et parlent même de « campagne de désinformation », les arrivées continuent et les départs vers l’Europe augmentent. À Zarzis, la majorité des Soudanais sont arrivés entre les mois de juillet et d’août, en passant par la frontière libyenne. Ils n’ont pas vécu le calvaire de ceux expulsés dans le désert mais tous ont marché trois à quatre jours sous un soleil de plomb, « toujours avec l’espoir qu’en Tunisie, ce sera mieux que là d’où on vient. C’est en partie vrai puisque beaucoup de Tunisiens ont été très généreux avec nous », déclare Noureddine Isaac Abdallah.

 

image from static.mediapart.fr

Chaque jour, à Zarzis, des dizaines de migrants se regroupent devant l'antenne du Haut Commissariat pour les réfugiés. Ils attendent pour se faire enregistrer comme postulants à une demande d'asile ou à un statut de réfugié. © Photo Lilia Blaise pour Mediapart


Lors de son passage dans le désert en juillet, il a croisé certains de ceux qui avaient été expulsés au début du mois. « J’ai vu leur état, j’ai cru qu’ils n’arriveraient pas à finir le voyage avec nous. Certains avaient marché depuis cinq jours en venant du poste frontalier de Ras Jedir », l’un des postes frontaliers avec la Libye, ajoute Noureddine, qui a quitté son pays en 2021 pour venir en Libye, où il est resté pendant deux ans.

« Je m’étais fait enregistrer au Haut Commissariat des réfugiés (HCR) à Tripoli mais je n’ai jamais eu de retour et les conditions de vie en Libye sont devenues trop difficiles », explique-t-il. Il tente en vain depuis des jours de trouver une solution auprès de l’antenne de l’agence des Nations unies à Zarzis. « Nous avons dit plusieurs fois au HCR que nous n’avons pas où aller ni de quoi manger mais il n’y a pas de réponse. Pour moi, c’est à eux de nous trouver une solution. J’ai fui la guerre dans mon pays, donc je peux prétendre au statut de demandeur d’asile », explique Zakaria, 27 ans, qui accompagne Noureddine ce jour-là.

La Tunisie n’a pas de loi sur l’asile, et c’est le HCR qui gère les demandes et également le statut de réfugié. Mais les réinstallations dans des pays tiers se font au cas par cas et ne concernent que 1 % des demandes faites chaque année. Ces dernières années, le HCR assurait le logement de nombreux réfugiés et demandeurs d’asile en Tunisie mais, plus récemment, l’organisme a été dépassé par la demande.

À la date du 1er août, 10 500 réfugié·es et demandeurs et demandeuses d’asile sont enregistré·es auprès du HCR. Comme l’OIM, la communication du HCR n’accepte de répondre que par mail et confirme l’augmentation des arrivées de Soudanais dans le pays cet été. Sur les 860 personnes arrivées enregistrées en juillet, 67 % sont soudanaises, 17 % du Soudan du Sud et 5 % de Somalie.

Les limites d’une politique antimigratoire

Dans le chantier de Zarzis, beaucoup ne savent pas de quoi demain sera fait. Leur seul horizon est de récolter un peu d’argent pour tenter de prendre la mer par la ville de Sfax, à l’est du pays, devenue la plaque tournante des départs vers l’Italie. Malgré les 34 000 interceptions en mer depuis le début de l’année par la garde nationale tunisienne, le rythme des départs est loin de ralentir. Le week-end du 26-27 août, l’île de Lampedusa a lancé un appel à l’aide face à l’afflux de 1 800 migrants arrivés sur 63 embarcations en l’espace de 24 heures, la majorité de Tunisie.

Du côté de la frontière avec la Libye, malgré un accord signé le 10 août pour répartir les migrantes et migrants coincés à Ras Jedir et que les deux pays ont refusé de prendre en charge pendant près d’un mois entre juillet et août, les arrivées continuent aussi. Plus d’une centaine de migrants ont été interpellés à la frontière, samedi 26 août, selon les associations sur place, et sont hébergés dans la ville de Tataouine.

 

 

 

Lilia Blaise

1 septembre 2023 à 12h21

https://www.mediapart.fr/journal/international/010923/malgre-les-persecutions-la-tunisie-continue-d-attirer-les-migrants

 

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Rédigé le 02/09/2023 à 07:53 dans Immigration, Tunisie | Lien permanent | Commentaires (0)

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