Marie Gillain et Pascal Elbé, deux des comédiens du dernier film d'Alexandre Arcady, Le Petit Blond de la Casbah, actuellement au cinéma, nous confient quelques secrets de tournage et bien plus encore.
Marie Gillain
Pascal Elbé
Il y a des films qui s'imposent et qui sont d'une grande importance historique. Le Petit Blond de la Casbah d'Alexandre Arcady en est un. Il raconte le retour d'un réalisateur à Alger, accompagné de son fils, pour présenter son nouveau long métrage. Celui-ci retrace l’histoire de son enfance et de sa famille dans l’Algérie des années 60. Le cinéaste déambule dans sa ville natale et, à travers les souvenirs du petit garçon qu'il était, fait revivre aux spectateurs les moments de bonheur, de rires et de larmes dans un temps singulier.
"Ce que je trouve très beau dans le film, c'est le point de vue des enfants. On voit qu'il y a le monde des adultes avec la guerre qui se prépare. Il y a plein d'injustice, d'incohérence dans le système qui a été mis en place en Algérie. Mais on voit aussi ces enfants qui se parlent, qu'ils soient juifs, arabes, italiens ou espagnols. Ça cohabite, les portes sont ouvertes, ça circule, explique Marie Gillain qui interprète Dinah. C'est un film sur la nostalgie d'une époque, d'une enfance. Ce qui est très fort dans ce film, c'est que ce sont les derniers moments d'insouciance de ces enfants, de cette famille et de cet immeuble." "Dans le film, les enfants ne comprennent pas et les adultes ne comprennent pas. Il y a une incompréhension du début à la fin et on y peut rien. On ne peut pas changer le cours de l'histoire qu'on nous impose. Et on est obligé de se séparer, ajoute Pascal Elbé qui prête ses traits à Jacob dans Le Petit Blond de la Casbah. Ça devient parfois fratricide, car ce sont des frères à la base. Moi quand je vois un film comme cela, j'ai envie de pleurer."
Jean Benguigui en mémé Lisa
Le personnage incontournable du film est bien mamie Lisa, la grand-mère du petit Antoine dans le film. Et parti pris d'Arcady, c'est Jean Benguigui qui la joue. "Il s'est dit (NDLR : Alexandre Arcady) : 'je ne vais pas la trouver cette grand-mère que j'ai connue, qui ne pouvait pas descendre d'un étage, qu'il faut treuiller.' Le donner à un homme, c'est une proposition de cinéma, c'est aller au bout d'un principe. Et on y croit", partage Pascal Elbé. "Moi, je me rappelle que je lui remontais ses bas, ces espèces de bas de contention qui avaient tendance à tomber sur ses pantoufles, où apparaissaient les effets spéciaux du costume, car Jean n'est pas aussi gros. J'ai adoré passer des moments à côté de lui, parce qu'il a plein de petites phrases en arabe. Et comme dans l'histoire, la grand-mère d'Arcady était berbère, elle parlait arabe. Donc, il m'insufflait plein de petits mots et des expressions", raconte Marie Gillain.
"Et oui, notre culture est mêlée de plein de mots en arabe, ça nous permet de se retrouver aussi comme ça. C'est notre Makrout de Proust, comme je disais à Arcady. Vous voyez l'ignorance ravage tout. Si la vraie culture, la culture populaire, celle de la rue, on l'avait préservée, cela aurait difficile de mettre des murs entre nous", rétorque l'acteur. Une vraie leçon de vie.
Pascal Praud revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Les auditeurs sont invités à réagir, par téléphone ou via les réseaux sociaux aux grandes thématiques développées dans l'émission du jour. Aujourd’hui, il s'intéresse à la sortie du nouveau film d'Alexandre Arcady, intitulé "Le Petit Blond de la Casbah".
Le moral des soldats israéliens est au plus bas. D. R.
Kevin Barrett explique, dans un article paru dans le média alternatif The Unz Review, qu’Israël «n’a pas de plan clair pour la guerre» et qu’il «s’oriente vers des progrès lents et calculés à l’intérieur de Gaza». «Ainsi, atteindre l’objectif final douteux peut prendre longtemps, au prix de pertes insupportables, entre-temps, d’importantes transformations militaires ou politiques pourraient survenir et ravager l’ensemble du plan [israélien]», précise cet ancien de la guerre du Vietnam.
«L’opinion publique israélienne craint que la guerre ne soit perdue sur deux ou plusieurs fronts, en ne parvenant pas à libérer ou à faire relâcher les prisonniers – une soixantaine d’entre eux ont déjà été tués lors de raids israéliens – et en ne démantelant pas les capacités du mouvement Hamas et de la résistance palestinienne. Pire encore, un grand nombre de soldats seront tués, peut-être par centaines», prévient-il. «Contrairement au non-plan israélien […], la résistance mène une guerre d’usure contre l’armée israélienne, lui infligeant des pertes quotidiennes toujours croissantes, et semble préparée à une longue guerre visant à éroder les éléments de la puissance israélienne», fait savoir cet expert militaire, selon lequel «le temps ne joue pas en faveur d’Israël, qui perdra davantage d’argent, d’hommes et de légitimité». «Au contraire, le temps joue en faveur de la résistance palestinienne, qui estime que toutes ces pressions militaires et politiques internes et externes finiront par amener Israël à céder et à accepter ses conditions», développe-t-il.
«La société israélienne rejette de plus en plus la politique du gouvernement à tous les niveaux, et la guerre a prouvé qu’elle ne peut pas imposer la reddition au peuple palestinien malgré les drames causés par les crimes israéliens à Gaza, dont les répercussions ont rendu la communauté internationale méfiante et encline à rejeter les récits israéliens», poursuit l’ancien soldat américain, qui souligne que «les capacités militaires techniques et les armes ne suffisent pas pour trancher les guerres». «Dans la pratique, Israël souffre de défauts significatifs dans presque tous les ingrédients […] pour gagner une guerre», constate-t-il.
«Le front intérieur semble s’être désintégré. Les Israéliens vivent dans un état de profonde division aux niveaux partisan, populaire et politique. La question des prisonniers détenus par la résistance est particulièrement controversée, compte tenu des dangers d’une guerre terrestre et des pertes importantes qu’elle entraînerait», indique ce vétéran, qui relève que «les six premières heures du 7 octobre ont démontré que l’armée israélienne souffre de graves déficiences, tout comme ses nombreux services de sécurité». «Aujourd’hui, les pertes quotidiennes qu’elle subit au cours de ses opérations terrestres en cours sont un objet de suspicion au sein de la société israélienne, qui comptait sur son armée pour maintenir une aura de sécurité et de stabilité», renchérit-il.
«La situation économique israélienne est à son pire niveau, avec des secteurs majeurs, tels que le tourisme paralysé, les voyages en net recul et le secteur agricole subissant des dégâts. Avec la mobilisation d’environ 360 000 soldats de réserve, pour la plupart soudainement retirés du marché du travail, et l’évacuation d’environ 250 000 colons, l’économie connaît une grave pénurie de main-d’œuvre dans divers domaines. Israël a récemment annoncé que les trois dernières semaines de guerre avaient coûté environ 7 milliards de dollars, sans tenir compte des dommages directs et indirects», note Kevin Barrett.
«Après le 7 octobre dernier, les pays occidentaux historiquement favorables à Israël se sont précipités pour le soutenir, mais ce soutien a rapidement commencé à s’éroder en raison de l’impact des crimes israéliens et des doutes sur la capacité de l’armée israélienne à résoudre le conflit», conclut le vétéran, qui faisait remarquer, dans un entretien à notre site en 2016, que la nébuleuse terroriste était une création des Etats-Unis et d’Israël. «Daech est un groupe de mercenaires qui fait partie d’une opération sous la bannière de guerre de quatrième génération et qui a été créé par un réseau d’espionnage américain, israélien et de l’Otan pour déstabiliser les Etats autour d’Israël», avait-il indiqué.
Des Palestiniens inspectent les décombres à la recherche de survivants après le bombardement d’un quartier résidentiel dans le centre ville de Khan Yunis au sud de la bande de Gaza, le 7 novembre 2023 - Crédit : Mohammed Zaanoun (Active Stills collective)
Cela fait maintenant 40 jours que l’Etat d’Israël mène contre le peuple palestinien à Gaza, une guerre de destruction totale. Une guerre contre tout le peuple palestinien menée aussi en Cisjordanie - dont Jérusalem-Est, dans les camps de réfugiés, dans les prisons israéliennes et en Israël même.
La guerre menée par Israël contre la population et les infrastructures de la Bande de Gaza dépasse l’entendement. Elle frappe tous les habitants de Gaza, hommes, femmes, enfants, vieillards, soumis à un déluge ininterrompu de bombardements, à la privation d’eau, de nourriture et de médicaments, à des déplacements forcés et à l’absence de tout lieu sûr. La moitié des bâtiments sont détruits, les deux tiers de la population ont dû fuir leur logement. Des familles entières ont été rayées de la carte. Le chiffre officiel de 11.500 morts (qui représenterait déjà 300.000 morts à l’échelle de la France) est à coup sûr largement dépassé car on n’arrive plus à recenser les morts et de nombreux corps restent ensevelis sous les décombres. Les hôpitaux, privés d’énergie sont à l’arrêt et maintenant ciblés par l’armée israélienne au mépris du droit international humanitaire.
Près de la moitié des victimes des bombardements sont des enfants ; la faim, la soif, les traumatismes psychologiques, les visent aussi en premier lieu. Le Secrétaire Général de l’ONU évoque « un cimetière pour enfants » et une « crise de l’humanité ».
Le Conseil de Sécurité de l’ONU a enfin pris position, pour la protection des civils et en particulier des enfants, et pour des « pauses humanitaires ». Une résolution bien timide, bien imprécise alors qu’elle devrait être contraignante. Une résolution à laquelle l’Etat d’Israël affirme ne rien avoir à faire, comme à son habitude.
Par leur soutien initial inconditionnel à la position israélienne, les autorités françaises se sont rendues complices des crimes commis par l’Etat d’Israël contre la population civile palestinienne. Le président de la République a amorcé un changement d’attitude en évoquant la perspective d’un cessez-le feu, avant de changer à nouveau de position pour cautionner l’attaque israélienne « dans les limites du droit humanitaire ». C’est une position illisible qui fait honte à notre pays.
Alors que les soutiens inconditionnels d’Israël, y compris au gouvernement et au Parlement français, s’emploient à délégitimer le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien, cela fait des semaines que dans un mouvement fort, unitaire, mondial, nous exigeons un cessez-le-feu immédiat, l’arrêt des bombardements et la fin du blocus inhumain qui étrangle la population de Gaza. C’est la seule mesure qui permette de porter réellement secours à la population palestinienne, c’est la seule mesure qui puisse redonner un peu d’espace à une perspective politique, dont les Palestiniens devront être pleinement les acteurs.
L’heure est grave pour nos amis palestiniens, elle l’est aussi pour la paix et pour la cohésion de notre pays. Après le succès des journées de mobilisation des 4 et 11 novembre, nous appelons à manifester partout en France le samedi 18 novembre, avec tous nos partenaires pour exiger un cessez-le-feu immédiat. Soyons nombreux pour eux, pour nous, pour une paix fondée sur le droit, la justice, et le respect des êtres humains.
Soyons particulièrement nombreuses et nombreux pour changer la donne !
Le Bureau national de l’AFPS, 17 novembre 2023
Guerre Israël-Hamas : La manifestation pro-palestinienne autorisée à Paris ce samedi
Comme chaque samedi, des rassemblements « en solidarité avec le peuple palestinien » sont organisés en France ce 18 novembre. À Paris, la préfecture de police n’a pas interdit la tenue de la manifestation, organisée à l’appel de plusieurs syndicats (CGT, FSU, FO et Solidaires). « Le préfet de police maintient cependant sa posture de fermeté adoptée depuis le début du conflit » entre Israël et le Hamas, a indiqué la préfecture de police dans un communiqué jeudi, rappelant qu’elle ne « tolérera aucun débordement ».
La manifestation est prévue entre 14h30 et 19 heures, de la place de la République à celle de la Nation. Les organisateurs appellent à un « cessez-le-feu immédiat et la levée du blocus » sur la bande de Gaza, « l’arrêt des bombardements et des déplacements forcés de la population », « la protection du peuple palestinien à Gaza et en Cisjordanie » ou encore « la libération des otages et des prisonniers ».
Le Parti socialiste (PS), le Parti communiste (PCF) et EELV ont annoncé avec plusieurs petits partis de gauche dans un communiqué commun se joindre à ce rassemblement, « pour la paix et la justice ». « Marchons pour continuer de demander la libération des otages, un cessez-le-feu immédiat et une solution à deux États », a écrit le PS sur X (anciennement Twitter). La France insoumise (LFI) ne s’est pas associée à ce communiqué mais a annoncé sur X sa présence à la manifestation.
Deux jours plus tôt, des manifestations en soutien à la Palestine ont eu lieu devant deux lycées parisiens, Racine et Lamartine. Plusieurs élèves étaient montés sur des poubelles devant l’entrée de leur établissement, certains scandant des slogans « Free Palestine » dans un mégaphone. Le blocage était partiel et des lycéens ont pu accéder aux salles de classe.
Des rassemblements partout en France
Outre cette marche à Paris, des dizaines d’autres rassemblements sont organisés un peu partout en France ce samedi, comme à Saint-Brieuc, Toulouse, Bordeaux, Lille ou encore Brest. La CGT les a recensés sur son site. Dimanche dernier, plus de 182 000 personnes avaient marché contre l’antisémitisme, à l’appel du président du Sénat et de la présidente de l’Assemblée nationale. Ils étaient 105 000 à Paris.
Depuis que le Hamas a mené le 7 octobre une attaque d’une ampleur inédite sur le sol israélien, tué 1 200 personnes, en majorité des civils, et enlevé avec d’autres groupes armés environ 240 personnes, selon les autorités israéliennes, les bombardements de représailles sur la bande de Gaza sont incessants. Selon le ministère de la Santé du Hamas, au moins 12 000 civils palestiniens ont été tués, dont 5 000 enfants.
SOURCE : Guerre Israël-Hamas : la manifestation pro-palestinienne autorisée à Paris ce samedi, d’autres rassemblements prévus en France (msn.com)
Comme chaque samedi, des rassemblements « en solidarité avec le peuple palestinien » sont organisés en France ce 18 novembre. À Paris, la préfecture de police n’a pas interdit la tenue de la manifestation, organisée à l’appel de plusieurs syndicats (CGT, FSU, FO et Solidaires). « Le préfet de police maintient cependant sa posture de fermeté adoptée depuis le début du conflit » entre Israël et le Hamas, a indiqué la préfecture de police dans un communiqué jeudi, rappelant qu’elle ne « tolérera aucun débordement ».
La manifestation est prévue entre 14h30 et 19 heures, de la place de la République à celle de la Nation. Les organisateurs appellent à un « cessez-le-feu immédiat et la levée du blocus » sur la bande de Gaza, « l’arrêt des bombardements et des déplacements forcés de la population », « la protection du peuple palestinien à Gaza et en Cisjordanie » ou encore « la libération des otages et des prisonniers ».
Le Parti socialiste (PS), le Parti communiste (PCF) et EELV ont annoncé avec plusieurs petits partis de gauche dans un communiqué commun se joindre à ce rassemblement, « pour la paix et la justice ». « Marchons pour continuer de demander la libération des otages, un cessez-le-feu immédiat et une solution à deux États », a écrit le PS sur X (anciennement Twitter). La France insoumise (LFI) ne s’est pas associée à ce communiqué mais a annoncé sur X sa présence à la manifestation.
Deux jours plus tôt, des manifestations en soutien à la Palestine ont eu lieu devant deux lycées parisiens, Racine et Lamartine. Plusieurs élèves étaient montés sur des poubelles devant l’entrée de leur établissement, certains scandant des slogans « Free Palestine » dans un mégaphone. Le blocage était partiel et des lycéens ont pu accéder aux salles de classe.
Des rassemblements partout en France
Outre cette marche à Paris, des dizaines d’autres rassemblements sont organisés un peu partout en France ce samedi, comme à Saint-Brieuc, Toulouse, Bordeaux, Lille ou encore Brest. La CGT les a recensés sur son site. Dimanche dernier, plus de 182 000 personnes avaient marché contre l’antisémitisme, à l’appel du président du Sénat et de la présidente de l’Assemblée nationale. Ils étaient 105 000 à Paris.
Depuis que le Hamas a mené le 7 octobre une attaque d’une ampleur inédite sur le sol israélien, tué 1 200 personnes, en majorité des civils, et enlevé avec d’autres groupes armés environ 240 personnes, selon les autorités israéliennes, les bombardements de représailles sur la bande de Gaza sont incessants. Selon le ministère de la Santé du Hamas, au moins 12 000 civils palestiniens ont été tués, dont 5 000 enfants.
SOURCE : Guerre Israël-Hamas : la manifestation pro-palestinienne autorisée à Paris ce samedi, d’autres rassemblements prévus en France (msn.com)
Par micheldandelot1 dans Accueil le 18 Novembre 2023 à 11:35
Des centaines de personnes évacuaient samedi à pied l’hôpital Al-Shifa de Gaza, selon les constatations d’un journaliste de l’AFP présent sur place, alors que l’armée israélienne y mène de nouvelles opérations. Un raid meurtrier a également eu lieu à Naplouse.
L’offensiveL’offensive israélienne se poursuit dans la bande de Gaza. Les alertes de la communauté internationale et de hauts fonctionnaires de l’ONU n’ont pas ralenti les opérations en cours autour de l’hôpital Al-Shifa, symbole de la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les lieux de soins sur le territoire palestinien. L’armée, qui répond aux ordres du gouvernement de Benyamin Nétanyahou, affirme qu’ils abritent des centres du commandement du Hamas, à l’origine des attaques meurtrières du 7 octobre dernier.
Des centaines de patients évacuent l’hôpital Al-Shifa
Des centaines de personnes ont quitté samedi l’hôpital Al-Shifa de Gaza, assiégé depuis plusieurs jours par l’armée israélienne, selon un journaliste de l’AFP, le ministère de la santé du Hamas précisant que « 120 blessés » et des bébés prématurés n’avaient pu être évacués.
Des médecins sont restés dans Al-Shifa pour prendre soin de ces patients, ont précisé des responsables de l’établissement à l’AFP, sans donner le nombre exact des bébés encore dans l’enceinte. « Nous sommes en contact avec la Croix-Rouge à leur sujet », a indiqué le ministère, sans plus de détails.
L’armée israélienne, elle, assurait n’avoir donné aucun ordre d’évacuation mais avoir « répondu à une requête » du directeur de l’hôpital.
Ces colonnes de déplacés, de médecins, de malades et de blessés, certains amputés, certains très faibles, marchaient en direction de la route Salaheddine qui mène vers le sud de la bande de Gaza.
C’est dans cette zone que l’armée israélienne veut relocaliser les 1,1 million d’habitant·es du nord du petit territoire palestinien, où se concentrent jusqu’à présent les combats au sol contre le Hamas. Elle a donc ouvert samedi un corridor menant vers la route Salaheddine.
Sur le chemin, le journaliste de l’AFP a vu au moins une quinzaine de corps, certains en décomposition avancée. Alentour, les routes étaient défoncées, les magasins détruits, des voitures retournées ou écrasées.
Autour de l’hôpital, le plus grand de la bande de Gaza, des chars israéliens, des transports de troupes et des blindés étaient visibles, tandis que des drones israéliens survolaient la zone.
Aucune ambulance n’a été utilisée dans cette évacuation, a encore rapporté le journaliste. Depuis des jours, les hôpitaux de la bande de Gaza disent n’avoir plus assez de carburant. Après des frappes et des tirs sur des ambulances, notamment aux portes d’Al-Shifa, leurs conducteurs disent ne plus pouvoir opérer. Des explosions étaient entendues dans et aux abords du complexe hospitalier, a précisé le journaliste.
Ces derniers jours, au cours de leur raid sur l’hôpital, des soldats israéliens ont détruit à l’explosif plusieurs services, notamment le rez-de-chaussée du département de chirurgie.
Avant cette évacuation, selon l’ONU, 2 300 patient·es, soignant·es et déplacé·es se trouvaient dans cet établissement. Israël, lui, assure que le Hamas au pouvoir à Gaza se sert de cet établissement comme base militaire, ce que le mouvement islamiste dément.
Des frappes meurtrières sur le camp de Jabalia, une école gérée par l’ONU touchée
Plusieurs frappes israéliennes ont de nouveau endeuillé ce samedi le camp de réfugié·es de Jabalia, situé dans le nord de la bande de Gaza, où vivent plus de 100 000 personnes. D’après les chiffres communiqués par le ministère de la santé dirigé par le Hamas, 50 personnes ont été tuées lors d’une frappe sur une école sous contrôle des Nations unies, qui abritait, selon l’ONU, des milliers de réfugié·es.
Peu après, le commissaire général de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), Philippe Lazzarini, a dénoncé sur X les images « effroyables » des victimes de ce bombardement. Par ailleurs, le même ministère de la santé gazaoui a annoncé la mort de 32 personnes d’une même famille, dont 19 enfants, après une frappe sur leur maison.
Au moins 64 morts à Khan Younès, selon des sources médicales
De nouveaux raids israéliens sur la ville de Khan Younès et ses environs, dans le sud de la bande de Gaza, ont fait au moins 64 morts ce samedi, selon des sources médicales de l’hôpital Nasser citées par Haaretz. Ces frappes ont touché trois immeubles résidentiels du quartier de Hamad.
Cinq morts dans une frappe en Cisjordanie, selon le Croissant-Rouge palestinien
Le Croissant-Rouge palestinien a annoncé que cinq personnes avaient été tuées et deux blessées dans une frappe contre le camp de réfugié·es de Balata à Naplouse, en Cisjordanie occupée. Selon l’administration du camp, la frappe aérienne a touché un immeuble abritant un quartier général du Fatah, la principale organisation palestinienne. Sollicitée, l’armée israélienne n’a pas confirmé cette frappe dans l’immédiat.
Le camp de Balata, établi en 1950 pour accueillir des Palestinien·nes chassé·es de Jaffa et de sa région, au sud de Tel-Aviv, compte 24 000 habitant·es sur un timbre-poste de 0,25 km2, ce qui en fait le camp le plus peuplé de Cisjordanie. Ce camp est connu pour héberger de jeunes combattants membres des branches armées des différents groupes palestiniens.
Notre journaliste Christophe Gueugneau s’y était rendu le mois dernier et rapportait que les incursions de l’armée israélienne n’avaient pas commencé après les attaques du Hamas du 7 octobre. Elles durent depuis des années, créant un état de guerre de basse intensité.
En Cisjordanie, territoire palestinien occupé depuis 1967 par Israël, environ 200 Palestinien·nes ont été tué·es par des colons et des soldats israéliens depuis le 7 octobre, selon le ministère palestinien de la santé.
Pas de pause « significative » tant que les otages ne seront pas libérés, prévient Washington
Alors que le président des États-Unis s’est entretenu vendredi avec l’émir du Qatar, pays clé dans les négociations pour la libération des otages enlevé·es le 7 octobre par le Hamas, le premier conseiller de Joe Biden pour le Moyen-Orient, Brett McGurk, a mis en garde ce samedi, en marge d’un déplacement à Bahreïn : « L’afflux d’aide humanitaire, l’afflux de carburant [et] une pause dans les combats auront lieu lorsque les otages seront libérés. »
Sur le front diplomatique, le Turc Recep Tayyip Erdoğan, après avoir appelé, vendredi depuis Berlin, à mettre fin aux « attaques d’Israël », a expliqué aux journalistes qui l’accompagnaient dans l’avion du retour vers Ankara ce samedi que son pays se tenait prêt à participer à la reconstruction de Gaza, dès qu’un cessez-le-feu serait décrété.
Quant à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en déplacement en Égypte (au Caire puis dans le Sinaï), elle a exprimé sur X son accord avec le président égyptien al-Sissi sur le principe de « non-déplacement forcé des Palestiniens ».
Des hauts responsables de l’ONU demandent un « cessez-le-feu humanitaire »
Les chefs des opérations humanitaires de l’ONU, du Commissariat aux réfugiés et de l’OMS ont exigé vendredi un « cessez-le-feu humanitaire » dans la bande de Gaza pour 2,2 millions de personnes piégées par « l’horreur » de la guerre entre le Hamas et Israël.
« On ne demande pas la lune. Nous demandons des mesures de base nécessaires pour répondre aux besoins essentiels de la population civile et juguler le cours de cette crise », s’est insurgé le patron des opérations humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths, dans une intervention vidéo lors d’une réunion plénière informelle de l’Assemblée générale des Nations unies à New York.
« Un cessez-le-feu humanitaire. Appelons ça comme on veut, mais ce qu’il faut d’un point de vue humanitaire est simple : arrêter les combats pour permettre aux civils de se déplacer en sécurité », a tonné Martin Griffiths devant les États membres.
Son collègue Volker Türk, haut-commissaire de l’ONU aux droits humains (HCR), a aussi réclamé « un cessez-le-feu pour des raisons humanitaires et liées aux droits humains, et la fin des combats ». « Il ne s’agit pas uniquement de livrer en urgence des vivres et une assistance humanitaire significative, mais aussi de créer un espace pour sortir de cette horreur », a tempêté Volker Türk.
Enfin, le patron de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a martelé que le système de santé gazaoui était « près de s’effondrer » et jugé « l’échelle de la réponse d’Israël de plus en plus injustifiable ».
Mercredi, brisant son silence pour la première fois en plus d’un mois de guerre, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté pour des « pauses et couloirs humanitaires » de quelques jours dans la bande de Gaza. Le texte a recueilli douze voix « pour » et trois abstentions (États-Unis, Royaume-Uni et Russie) et est la première résolution adoptée par le Conseil depuis fin 2016 sur le dossier israélo-palestinien qui divise l’instance onusienne.
Israël a juré d’« anéantir » le Hamas, qui a pris le pouvoir en 2007 dans la bande de Gaza, depuis l’attaque qu’il a lancée sur le sol israélien le 7 octobre. Cette attaque, d’une violence et d’une ampleur sans précédent depuis la création d’Israël en 1948, a fait 1 200 morts, en grande majorité des civils, selon les autorités israéliennes.
L’armée israélienne estime qu’environ 240 otages, civils et militaires, ont été emmené·es à Gaza le 7 octobre.
Dans le territoire palestinien, les bombardements israéliens incessants menés en représailles ont fait 12 000 morts, majoritairement des civils, dont 5 000 enfants, selon un nouveau bilan publié vendredi par le ministère de la santé du Hamas.
En salles, le 8 novembre, « Yallah Gaza » (En avant Gaza !), de Roland Nurier, témoigne de l’enfer de vivre sous blocus et de la détermination des Palestiniens à lutter pour leurs droits. Réalisé juste avant la guerre dévastatrice que mène Israël contre le Hamas et la population civile, il devient un précieux document d’alerte et de mobilisation.
Lorsqu’après son éclatant documentaire Le char et l’olivier, une autre histoire de la Palestine (2019), Roland Nurier veut rendre compte de la vie sous blocus à Gaza, il n’imagine pas que Yallah Gaza sortira durant la guerre la plus meurtrière qu’ait connu le territoire palestinien. « Renvoyer Gaza à l’âge de pierre » est pourtant une obsession israélienne. Dès que colons et militaires s’en retirent, sous la conduite du premier ministre Ariel Sharon, en 2005, ils ouvrent la voie à la victoire électorale du Hamas, en 2006, à laquelle les gouvernements israéliens successifs vont répondre sans relâche par des sièges — terrestres, maritimes et aériens — effroyables. Aux encerclements viennent s’ajouter les guerres : 2008-2009, 2012, 2014, 2021, 2022… une autre manière de continuer l’occupation de Gaza en l’encerclant et en l’asphyxiant.
Malgré quelques déprogrammations dans le contexte inflammable ayant suivi l’attaque du Hamas en Israël du 7 octobre, Yallah Gaza sort en salle le 8 novembre. Le documentaire (1h41) s’ouvre par une contextualisation historique qui se révèle absolument nécessaire tant les Palestiniens de Gaza n’ont pas de nom, pas de visage, pas d’histoire pour le grand public. Avant de devenir « une prison à ciel ouvert » et aujourd’hui un pays-cimetière, cette bande de terre de 40 km sur 12 km où vivent quelque 2,2 millions de personnes « entassées entre le sable du désert et l’eau de la Méditerranée » fut « un carrefour de peuples et de culture ». La ville de Gaza (qui a donné́ son nom à l’ensemble du territoire) a été fondée vers 1500 av. J.C. La Bible y fait de nombreuses références, notamment dans la célèbre histoire de passion et de trahison de Samson et Dalila. Cet ancrage dans la terre et l’histoire, le rappel des événements géopolitiques majeurs qui ont bouleversé le Proche-Orient avec la création de l’État d’Israël en 1948 et l’occupation de la bande de Gaza en 1967 éclairent la spécificité de la résistance palestinienne dans cette enclave.
Le film aborde également les questions de droit international, à travers notamment la figure d’Amina, qui fut la première Gazaouie à déposer plainte pour « crime de guerre » auprès de la Cour pénale internationale (CPI) après l’assassinat de son père, de son frère et de sa sœur lors des bombardements israéliens de 2014 (une plainte qui n’a toujours pas été traitée…). Quelques images des pique-niques israéliens à la frontière de Gaza lors de ces bombardements ou lors des « marches du retour » montrent le point culminant de l’assentiment des Israéliens à cette répression à grande échelle. Populaires et non violentes, ces marches, initiées en mars 2018, ont fait près de 30 000 blessés. L’armée israélienne y a répondu par des tirs à balles réelles et explosives qui mutilent à vie leurs cibles de manière délibérée (1).
Les problématiques humanitaires spécifiques qui s’appliquent à l’enclave palestinienne, via les institutions de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNWRA), sont aussi interrogées car elles transforment insidieusement la lutte pour les droits politiques d’un État souverain en lutte pour l’obtention d’aides humanitaires. Des secours qui ne pourront jamais combler les besoins élémentaires de la population. Avant le début de la guerre du 7 octobre, 50 % des Gazaouis étaient au chômage tandis que 80 % d’entre eux vivaient sous le seuil de pauvreté, dépendants des aides internationales. Par ailleurs, les travailleurs de Gaza restent un réservoir de main d’œuvre sous-payée pour les Israéliens qui en orchestrent les entrées et sorties du territoire. Gaza manque de tout. De nourriture, de médicaments et d’eau. Du fait de la pollution, 95 % de l’eau de Gaza n’est pas potable et 97 % de l’eau de mer est impropre à la baignade.
Comme la plupart des réalisateurs, Roland Nurier n’a pas obtenu l’autorisation de rentrer à Gaza. Il a donc réalisé son film en collaboration avec le chef opérateur gazaoui francophone Iyad Alasttal (documentariste et créateur de la série Gaza stories). Les images et les témoignages nous proviennent aussi bien de l’intérieur de Gaza que de la présence de Palestiniens en exil, de journalistes, chercheurs, militants, juifs antisionistes, Israéliens engagés contre la colonisation. Roland Nurier assume, avec ses interlocuteurs, d’en finir avec la fausse symétrie du conflit et revendique la légitimité de la résistance palestinienne sous toutes ses formes. Cela donne à l’écran, la mise en exergue d’un large échantillon de femmes et d’hommes de tous horizons, qui ont chacun une parole claire et puissante, que l’on ne peut malheureusement pas tous citer : Abeer Hamad, artiste franco-palestinienne, Jean-Pierre Filiu, historien, Sylvain Cypel, journaliste, Gassan Wishah, historien de Gaza, Eleonore Bronstein, co-fondatrice de l’association De-Colonizer, Ronnie Barkan, dissident israélien antisioniste, Yonatan Shapira, ancien pilote de l’armée de l’air israélienne, Bassem Naim, membre du Hamas, Gilles Devers, avocat mandaté par la Palestine auprès de la CPI, Ahmed Abu Rutaima, initiateur des « marches du retour », Maryam Abu Daqqa, responsable pour Gaza du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), actuellement en France pour une tournée de conférences et dont le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a demandé l’expulsion…
Des témoignages et des analyses qui permettent de saisir la complexité des enjeux et de déjouer les tentatives de l’État israélien de faire de Gaza une zone « de non droit international » et qui disent d’une seule voix : « Les droits ne sont pas donnés. Ils s’acquièrent par la lutte ».
On est frappé par la rage de vivre des Palestiniens de Gaza qui font société au milieu des décombres. De jeunes danseurs et danseuses de Dabké s’exercent et communiquent la puissance ce cette danse traditionnelle qui se transmet comme la langue, cheveux au vent, au milieu des ruines. Aujourd’hui, on ne peut s’empêcher de se demander si les protagonistes de Yallah Gaza sont toujours vivants.
Manifs dans les couloirs, invectives sur les réseaux sociaux, malaise chez les étudiants : depuis le 7 octobre, la guerre entre Israël et le Hamas fracture l’institut de la rue Saint-Guillaume.
Une chaîne humaine silencieuse du groupe Students for Justice in Palestine le 27 octobre, dans le cloître de Sciences-Po Paris. (CAPTURE D’ÉCRAN DU COMPTE INSTAGRAM
C’est une manif comme Sciences-Po Paris n’en avait jamais vu : plusieurs dizaines d’étudiants, les bouches barrées de Scotch noir et affiches à la main, défilant dans le cloître le 27 octobre pour réclamer la fin des « massacres à Gaza ». Sur la boucle WhatsApp créée par le groupe à l’origine de cette action, Students for Justice in Palestine, les mots d’ordre se déclinent plus crûment encore. Les attaques du Hamas sont qualifiées de « résistance justifiée », en aucun cas de terroristes. Certains messages comportent même des relents antisémites. A une élève qui s’indignait qu’une vie juive semble valoir si peu aux yeux de certains, un camarade a rétorqué : « Demande à Rothschild ! »
Tout se passe comme si une frontière invisible s’était dressée depuis le 7 octobre rue Saint-Guillaume. D’un côté, des étudiants juifs qui se sentent ostracisés et niés dans leur peine. Et de l’autre, des élèves pro-palestiniens qui pointent la responsabilité de l’Etat hébreu, voire de tous les juifs, dans l’escalade guerrière. Sciences-Po accueille 76 ressortissants des deux pays ennemis, tentés de rejouer le conflit. Dans cette fabrique de l’élite française où l’on se plaît à débattre, la logique de camp semble désormais prévaloir. Ici comme dans d’autres universités, ils s’affrontent sur Instagram, WhatsApp, à coups d’affiches – « Palestine vivra » ou « Bring Them Home Now » – et de rassemblements en mémoire des victimes.
« C’est hypertendu, explosif, inflammable », constate Samuel Lejoyeux, président de l’Union des Etudiants juifs de France (UEJF). La direction a même signalé au procureur de la République deux étudiants dont les messages sur les réseaux sociaux peuvent s’apparenter à de l’apologie du terrorisme et de la discrimination.
Un stress attisé par des commentaires de camarades
Le climat s’est dégradé juste après les attaques. Le 10 octobre, sur le campus de Paris, des étudiants de l’UEJF – « les sionistes » comme les surnomment leurs contempteurs – ont collé sur les murs de l’institut des photos d’Omri Ram, un jeune Israélien passé ici en 2022 dans le cadre d’un échange universitaire et tué par le Hamas lors du festival techno de Réïm. Au même moment, dans les couloirs, des militants pro-Palestine ont tracté pour appeler à participer à une manifestation interdite en solidarité avec Gaza. Rachel (le prénom a été modifié), étudiante de 20 ans, témoin de la scène, se souvient :
« Ils ont failli en venir aux mains. On se sent très seuls, toujours obligés de justifier les actes d’Israël, comme si cet Etat n’avait pas le droit d’exister. Beaucoup affirment que ce qui s’est passé là-bas n’est pas vrai. »
Politiquement plutôt à gauche, les élèves de Sciences-Po pencheraient davantage du côté de ceux qui souffrent, soit, à leurs yeux, les Gazaouis. « Si tu condamnes le Hamas, tu es sioniste, donc raciste et islamophobe », résume Maxime, responsable du Printemps républicain à Sciences-Po Paris. Les « vous êtes des colonisateurs » et autres « le Hamas, c’est la libération » balancés dans les couloirs ont eu raison de la santé mentale de Rachel. Arrêtée, elle est sous anxiolytiques.
Robert Hirsch : « La gauche de la gauche a minoré l’antisémitisme »
Il n’y a pas que le campus de Paris qui s’embrase. C’est le cas aussi à Menton, une annexe spécialisée sur le Proche-Orient, où la majorité des étudiants viennent de l’étranger : Egypte, Maghreb, Etats-Unis. Ici, la guerre s’importe dans les amphis et les téléphones. Le 7 octobre, alors que le Hamas abat des centaines de jeunes fêtards, un étudiant envoie un message sur le groupe WhatsApp de sa promotion : il honore la mémoire de ces vies fauchées. En réponse, des émojis drapeau palestinien et poing levé fusent. Un post évoque « la guerre décoloniale » qui serait à l’œuvre.
Selon les étudiants de confession juive, l’air devient presque irrespirable. « Pour les pro-Palestiniens, embrasser la cause de Gaza est un moyen de renouer avec une identité arabe. A leurs yeux, le sionisme incarne une injustice à combattre, analyse Louise (le prénom a été modifié), venue de la région parisienne pour étudier à Menton.Ici, les juifs ne sont pas les bienvenus : le climat est antisémite et le dialogue impossible. »
Depuis un mois, elle ne dort plus. « Je ne participe plus à rien, je me tais. » Cette jeune fille, 18 ans, a même cessé d’aller en cours. Trop de stress nourri par des proches disparus ou engagés dans l’armée israélienne, et attisé par des commentaires de camarades acquis à la cause palestinienne.
En France, le retour du péril antisémite
Dans le viseur des élèves juifs de Menton, un groupe créé par une dizaine d’étudiants, Palestine : Understanding The Struggle (UTS), et l’association Sciences Palestine. Le 8 octobre, cette dernière publie sur Instagram une série de posts censée expliquer « les violences en Palestine et en Israël ». L’une des diapositives évoque les « résistants palestiniens de Gaza ». Une autre, la « lutte entre l’oppresseur et l’opprimé, le colonisateur et le colonisé ». Depuis, le compte a été supprimé, mais certaines des publications ont été transférées sur un autre profil géré par UTS.
Souci d’apaisement
Ces posts n’ont pas échappé à l’extrême droite. Alexandra Masson, députée RN des Alpes-Maritimes, a écrit au directeur de Sciences-Po Méditerranée pour réclamer des sanctions et saisi le procureur de la République pour apologie du terrorisme. Dans la foulée, les réseaux sociaux attisés par l’identitaire Damien Rieu, ex-candidat Reconquête ! aux législatives à Nice, se sont échauffés. Des militants pro-palestiniens ont été menacés de mort. Soraya (le prénom a été modifié), membre de l’association et étudiante à Menton, confie :
« C’est de l’intimidation, on n’est pas un repère d’islamistes ! On recevait des appels à nous tuer, des messages de haine. On s’est sentis en danger. »
Pour sensibiliser au sort des Gazaouis, UTS a organisé mi-octobre une semaine de port du keffieh dans l’enceinte de l’école. Une action mal vécue… Ces étudiants se font désormais plus discrets à la demande de l’administration, par souci d’apaisement.
Harvard, Columbia, Stanford… Les grandes universités américaines prises dans la guerre entre Israël et le Hamas
Au premier étage de la rue Saint-Guillaume à Paris, la direction tente de jouer les juges de paix. Au lendemain de l’offensive du Hamas, Mathias Vicherat, directeur de Sciences-Po, a écrit à tous les étudiants pour condamner « les attaques terroristes », apporter « sa solidarité aux différentes communautés » et annoncer un moment de recueillement à la mémoire d’Omri Ram. En riposte, des élèves estimant le mail « déséquilibré » ont lancé une pétition pour réclamer à l’avenir un traitement moins partisan. Elle a récolté 729 signatures. Mathias Vicherat tempère :
« Il n’y a pas plus d’actes antisémites ni de tensions à Sciences-Po que dans d’autres universités. Nous avons un principe : pas d’importation du conflit. Et quand des lignes rouges sont franchies, nous sommes intraitables. »
Plusieurs propos litigieux sont en train d’être examinés par la cellule de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. En un mois, trois conférences ont été organisées pour donner des clés historiques. Une prochaine aura lieu, avec le Mémorial de la Shoah, sur l’antisémitisme. Et une psychologue parlant hébreu vient d’être recrutée pour entendre le mal-être des étudiants français ou étrangers qui n’osent plus parler.
Jocelyne Saab, 14 décembre 2005 à Dubaï, au Festival du film du Golfe
Rabih Moghrabi/AFP
Des ruines, encore et encore. Immeubles béants, murs troués, portes ouvertes sur le vide, façades écroulées, vitres brisées, blocs de béton, verre cassé, ferraille. Monticules de gravats d’où surgissent des objets épars singulièrement, miraculeusement rescapés — jouets d’enfants, meubles, matelas, papiers, bidons d’eau… C’est à Gaza en 2023, sous les bombes israéliennes. Du moins l’imagine-t-on ainsi, car nous devons reconvoquer dans nos mémoires les images perdues d’autres guerres, tant celles qui nous parviennent sont aujourd’hui le plus souvent fabriquées par des drones1. Les caméras survolent en plan-séquence, lentement, Gaza City détruite, dans un no man’s land de cendres grises ; elles filment froidement une sorte de fait accompli, comme une catastrophe naturelle, ou pire : comme un jeu de guerre en ligne — victoire d’un joueur, défaite de l’autre ou de l’intelligence artificielle. Et après ? What’s going on ?, pour reprendre le titre de l’une des rares fictions de Jocelyne Saab (sortie en 2010).
Les ruines, ce fut aussi, ces vingt dernières années, Homs et Alep, Fallujah et Mossoul. Mais à Beyrouth en 1976, il n’y avait pas de drones et sous la caméra de Jocelyne Saab, les images se libéraient du simple constat amer de la désolation pour être inscrites dans l’histoire sous forme de signes, de traces témoignant d’un monde en voie de disparition, mais d’où la vie pouvait encore ressurgir, et l’espoir, pour peu qu’on les relie entre elles en reconstruisant un ordre, une architecture, une logique, un sens disparus. La magie de Jocelyne Saab, c’est d’avoir su marier la violence des images à leur allégorie même, celle du cycle permanent de la mort et de la vie, et ce faisant, de les avoir placées au plus haut, dans ce qu’elles ont à nous transmettre.
Ainsi la cinéaste franco-libanaise née à Beyrouth en 1948 a-t-elle, pendant plus de quarante ans, « traversé les ruines et les révoltes, caméra au poing ». Et filmé « avec rigueur et obstination, avec humanité surtout, les grandes déroutes du XXe siècle : au Liban et en Égypte principalement, mais aussi en Syrie, au Golan, en Iran, en Irak ou au Kurdistan… »2.
Elle nous a quitté·es en 2019, nous laissant plus de quarante films dont la plupart sont des documentaires, exception faite de quatre fictions.
LA SUBJECTIVITÉ SANS LA VIOLENCE
Après une courte carrière de pigiste à la radio et à la télévision libanaises, elle est engagée en 1973 à la télévision française qui l’envoie sur le terrain en Libye, dans le Golan syrien, en Irak, couvrir la guerre d’Octobre, la guerre du Kurdistan, la lutte des Palestiniens au Liban et en Syrie. Son reportage sur les femmes combattantes dans les rangs de la résistance palestinienne (Les Femmes palestiniennes) est rejeté par Antenne 2. Un mal pour un bien, puisqu’elle réalisera désormais tous ses films en indépendante.
Le 13 avril 1975, dans un quartier chrétien de Beyrouth, les occupants palestiniens d’un bus sont massacrés par les milices phalangistes. Elle décide de couvrir la guerre qui s’annonce et rentre au Liban, au début d’un conflit fratricide qui durera quinze ans. Sur le vif, Jocelyne Saab s’attache à proposer un contrepoint à ce que les médias dominants exposent :
Les gens en ont marre de la violence. J’avais montré la violence et cette guerre n’est que de la violence, mais je refuse de la montrer au premier niveau, tu la vois par une image détruite. J’ai refusé des images à sensation. J’ai pris le parti contraire 3.
Le parti contraire est d’abord celui de la subjectivité. Elle fait entrer son histoire personnelle dans l’histoire de Beyrouth, apparaît à l’écran, comme en ouverture de Beyrouth, ma ville (1982), le micro à la main devant les ruines de sa maison ancestrale détruite par les bombardements durant le siège de la ville par l’armée israélienne.
Le regard est empathique, « qui dénonce la souffrance infligée aux peuples, les injustices impardonnables des conflits intercommunautaires et la violence de l’armée israélienne contre les peuples arabes »4.
Cette subjectivité assumée la conduit dès 1976, avec Beyrouth, jamais plus à chercher un style beaucoup plus onirique et poétique. Ainsi choisit-elle Etel Adnan, peintre et poétesse elle aussi d’origine libanaise, pour en écrire le commentaire, image après image.
RÉALITÉ ET FICTION
Lorsqu’elle s’éloigne de Beyrouth, c’est pour couvrir les luttes d’autres peuples — les pauvres Égyptiens qui viennent de se soulever contre la hausse du prix du pain par Sadate en 1977 (Égypte, cité des morts, 1977), les Sahraouis du Front Polisario qui se battent pour l’indépendance de leur territoire (Le Sahara n’est pas à vendre, 1977) ou les Iraniens deux ans après leur révolution (Iran, l’utopie en marche, 1981).
Quand la forme « documentaire » ne peut plus que répéter ad nauseum la douleur et l’absurdité d’une terrible guerre fratricide, elle se tourne vers la fiction avec Une vie suspendue (1985)5, une histoire d’amour tournée au cœur de Beyrouth en guerre, comme une sorte de défi à la violence et à la mort.
Réalité et fiction, réalité et allégorie : avec elle, les images froides des guerres ont un devenir qui ne peut être pire que le présent. Elles finissent par faire renaître l’espoir, dans les traces de vie, l’émotion, les affects, la solidarité, la vie des rescapés au milieu des ruines. Et dans la mémoire.
MÉMOIRE DE LA FIN D’UN MONDE
Après la guerre, il lui semble urgent que l’on se souvienne de Beyrouth autrement que par cet amas de ruines. Elle rassemble sous le projet « 1001 images » plus de quatre cents films réalisés sur Beyrouth par des cinéastes libanais ou étrangers, et en fait restaurer trente. Elle réalise elle-même Il était une fois Beyrouth, histoire d’une star (1994) en combinant des images d’une trentaine de ces films, ressuscitant le Beyrouth vivant « d’avant ».
Elle s’est par la suite tournée vers l’art vidéo et la photographie, s’est engagée dans la création d’un festival de cinéma au Liban (Cultural Resistance International Film Festival of Lebanon, 2013–2015) et la réalisation d’un livre de photographies, Zones de guerre (éditions de l’œil, 2018), pour dire autrement ce qui lui semblait devoir être transmis.
« Elle a vu la fin d’un monde, la fin de l’idéologie arabe. Elle est de la génération de ceux qui ont cru et qui ne peuvent pas accepter qu’on ne peut plus croire à rien. Il s’agit maintenant de regarder les images de plus près », raconte Mathilde Rouxel, curatrice de la rétrospective dédiée par le Macam (Modern and Contemporary Art Museum) au travail de Jocelyne Saab, à Byblos, et programmatrice de l’édition 2023 du Festival du film franco-arabe de Noisy-Le-Sec.
De celle qui est devenue un modèle pour des générations de jeunes cinéastes et artistes libanais·es, son amie de toujours Etel Adnan disait :
Sa liberté de penser, et d’agir lui a coûté très cher. Par moments ce fut une question de vie et de mort. Peu de gens, hommes ou femmes, ont autant souffert pour demeurer dignes d’eux-mêmes, pour survivre d’une façon qui ait un sens, dans un monde si hostile ou si indifférent que celui qui est le nôtre6.
Pour rendre compte de la destruction de Gaza et de la souffrance de ses habitants à laquelle nous assistons impuissant·es et la mort dans l’âme, Jocelyne Saab nous manque. Définitivement.
L’objectivité journalistique des médias français a fortement été mise à mal depuis le début de la guerre contre Gaza après les attaques du Hamas contre Israël samedi 7 octobre.
Les musulmans de France sont particulièrement ciblés par les défenseurs d’Israël parmi les médias et la classe politique.
De la lutte contre l’islam radical, puis de l’islamisme, la guerre contre Gaza a fait franchir à certains un autre pas. Désormais, ils parlent carrément de musulmans et non d’islamistes. Un glissement dangereux de la part de la nouvelle alliance entre les pro-israéliens et l’extrême droite.
La France officielle a très vite donné la couleur de son engagement. Emmanuel Macron et son gouvernement offrent un soutien inconditionnel à Israël, peu importe les conséquences sur les civils palestiniens dont le nombre de morts ne cesse d’augmenter.
La majorité des médias français a pris le parti de soutenir cette version en adoptant un traitement médiatique à deux vitesses de ce conflit. L’accent est davantage mis sur les victimes israéliennes présentées comme visées et traquées.
Alors que les blessés et les morts palestiniens résultent de dommages collatéraux ou d’erreurs de frappe. Même dans la mort, ces médias et les influenceurs israéliens qui peuplent leurs plateaux font la différence. Pour eux, les victimes israéliennes sont toujours au-dessus des autres.
À l’inverse, les médias qui accordent une place aux victimes palestiniennes dans leur ligne éditoriale sont vite pointés du doigts par les figures politiques. Par exemple, la Une du journal Ouest France consacrée aux victimes à Gaza a été condamnée par le secrétaire général du parti présidentiel Renaissance. Seulement parce qu’elle abordait un autre angle de vue.
L’Association des journalistes antiracistes et racisé·e·s (AJAR) dénonce d’ailleurs ce double traitement. L’AJAR reconnaît que les médias français ont su faire "à juste titre, des portraits humanisants des victimes israéliennes et étrangères".
Alors « les Palestinien·nes, de leur côté, ne bénéficient pas d’un tel traitement médiatique et sont souvent réduit·es à des additions désincarnées : 1000, 6000, 7000, 10 000 morts ».
L’association a d’ailleurs conçu un zapping de l’approche que les médias français ont adopté depuis le 7 octobre. Cette succession d’interventions médiatiques donne le ton général :
Pourquoi les médias français assument-ils si franchement cette différence de traitement ?
Un mélange de soutien à Israël et de lutte contre le cauchemar musulman de la France
Raconter ce conflit de manière égale est très compliqué pour les médias français. La France est l’un des pays qui compte l’une des plus grandes communautés juive et musulmane en Europe. Le pays, dans son histoire, a majoritairement pris position en faveur de la création d’un État d’Israël. L’escalade de violence au Proche-Orient la touche dans son histoire.
Mais ce conflit lointain réveille surtout les querelles internes que vit le pays. Puisqu’au-delà de son lien à Israël, une partie de la France persiste à voir le monde à travers une métaphore de "croisade".
Sa lutte contre l’islamisme mène le pays à lier chaque fait de ce conflit à sa propre politique. Or, cette politique est de plus en plus islamophobe.
La marche contre l’antisémitisme qui a eu lieu le 12 novembre a marqué un nouveau tournant. Au lendemain de cet événement, des médias français dont certains sont très proches de l’extrême droite ont surtout focalisé sur l’absence supposée de manifestants musulmans. Comme s’il s’agissait d’un événement censé les blanchir d’une accusation imaginaire.
Comme on peut le voir dans ce zapping média publié par le média Quotidien :
Comme à chaque attaque terroriste, les musulmans de France sont pris pour cible dans un débat qui ne les concernent pas. Il fallait être "Charlie", il fallait s’excuser de chaque attentat, comme si chaque Français pratiquant l’islam était complice d’actes radicaux et terroristes.
La normalisation de ce discours anti-musulmans en France est si présente que même le recteur de la Lecteur vidéo :Grande Mosquée de Paris a pris le parti de dénoncer l’attitude des médias.
Mais cet acharnement médiatique, politique et le fait de citer constamment les musulmans comme des personnes en faute qui refusent de se mobiliser pourra générer des situations dramatiques dans le futur.
La députée La France Insoumise, Nathalie Oziol, l’a souligné lors d’une intervention à l’Assemblée nationale :
Cette manifestation qui était censée être apolitique et sous le signe de la tolérance et de la paix est devenue le procès des musulmans. Un procès largement médiatisé qui laisse penser que l’islam est le cœur du problème et que les musulmans sont la source de l’antisémitisme en France. Quitte à frôler la diffamation et un racisme franchement assumé sur les Lecteur vidéo :plateaux de télévision.
Une critique des musulmans de France légitimée et renforcée
"Tu vas à la boulangerie pour t’acheter du pain et on te demande si tu es contre le Hamas, pour Gaza ou Israël. C’est pesant« , explique Asma, 37 ans, une Française d’origine maghrébine. »L’air est irrespirable, on doit forcément donner son avis, même si on n’en a pas", raconte Farid, 56 ans, un Franco-Maghrébin.
Ce traitement médiatique n’est pas sans conséquence. Il implique coûte que coûte les Français dans ce conflit qui a pris une dimension militante.
Comme ces deux témoins, de nombreux Français musulmans ou d’origine arabe se sentent à nouveau surveillés. On attend d’eux une forme de désolidarisation du Hamas, par extension de tous les Palestiniens et donc un soutien affirmé d’Israël. Sous peine parfois d’être accusé de frôler l’antisémitisme s’ils se risquent, à l’inverse, à évoquer leur solidarité pour les victimes palestiniennes.
Karim Benzema en a déjà fait les frais dès le début du conflit en raison d’un simple tweet solidaire avec les victimes de Gaza. Plusieurs personnalités politiques ont appelé à le destituer de sa nationalité française, à lui retirer son ballon d’or ou encore l’ont accusé à faire partie des Frères musulmans.
Cette exigence de solidarité envers Israël ne demande pas seulement aux musulmans de France de s’excuser – ce qui est déjà hors propos – mais surtout d’arrêter d’exister.
Il n’y a pas de place pour la nuance. Les discours dénonçant les discriminations à l’égard des musulmans de France dans les médias sont tout simplement inexistants.
Ceux qui parviennent à prendre la parole sont tout de suite moqués ou mis de côté. Très peu de journalistes, chroniqueurs ou personnalités sont autorisés à nuancer le traitement médiatique du conflit israélo-palestinien ou de manière plus générale de la communauté musulmane.
Lorsqu’ils le font, c’est une bataille. On a pu le voir pour Karim Zeribi dans la vidéo au-dessus qui tente d’expliquer l’attitude raciste de son interlocuteur sur le plateau de Laurence Ferrari. Ou encore Lecteur vidéo :Gilles Verdez, qui doit rappeler les larmes aux yeux que les musulmans sont à bout et ne demandent qu’à vivre sereinement au sein de la société française.
La presse française est en proie à un musellement de plus en plus forcé. Le conflit israélo-palestinien n’est que la partie émergée de l’iceberg. Depuis le début du second mandat d’Emmanuel Macron, plusieurs médias dénoncent l’impossibilité de faire leur travail de manière impartiale sous peine de mesures judiciaires, de pertes financières ou de pressions variées.
Le 30 novembre, 80 médias et organisations de journalistes se réuniront pour "libérer l’information des pouvoirs politiques, des médias de la haine et des milliardaires".
Karim Zéribi : « Non, le conflit
israélo-palestinien n’est pas religieux
entre le judaïsme et l’islam ! »
Karim Zéribi, consultant dans les médias et ancien député européen, revient dans cet entretien sur la position de la France sur la guerre en Palestine, explique que le conflit israélo-palestinien n’est pas religieux, répond à ceux qui veulent une confrontation entre les juifs et les musulmans…
TSA. Est-ce que ce qui se passe en Palestine est une guerre des religions comme le soutiennent Israël et ses partisans notamment en France ?
Karim Zéribi. Non, ce conflit n’est pas un conflit religieux mais bel et bien un conflit politique et plus précisément un conflit territorial.
La question israélo-palestinienne doit être analysée avec un spectre géopolitique plus large car le Proche-Orient est un sujet d’instrumentalisation politique incluant des puissances extérieures au conflit.
Ainsi, les États-Unis, l’Arabie saoudite, l’Iran et la Russie utilisent ce conflit depuis des décennies pour positionner leurs intérêts et mettre en place des rapports de force qui dépassent le seul destin des peuples palestinien et israélien.
Pour répondre précisément à votre question, je dirai que l’extrême-droite israélienne et française ont intérêt à transformer ce conflit en guerre de civilisations, reprenant ainsi la théorie de l’auteur américain Samuel P. Huntington qui a développé cette thèse dans son ouvrage intitulé « Le choc des civilisations » (The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order) publié en 1996.
La volonté des extrémistes consiste à faire croire qu’il s’agit d’une guerre entre la civilisation occidentale judéo-chrétienne représentant le camp du bien contre la civilisation islamique représentée par les pays arabo-musulmans, qu’ils veulent réduire au terrorisme, et qui incarnerait ainsi le camp du mal.
Cette approche est grotesque, caricaturale et dangereuse car elle est synonyme de guerre à l’échelle mondiale.
TSA. Pourquoi ?
Karim Zéribi : Il est aisé de démontrer que cette théorie est fallacieuse et infondée car de très nombreux pays dans le monde, qui n’ont rien à voir avec l’Islam, se mobilisent et sont scandalisés par l’offensive militaire disproportionnée de l’armée israélienne qui massacre des civils palestiniens par milliers à Gaza où la moitié des victimes sont des femmes et des enfants selon MSF (Médecins sans frontières) et d’autres ONG qui ne sont pas dans la propagande.
L’attaque odieuse du 7 octobre sur des civils israéliens ne permet pas tout. On ne combat pas la barbarie par le massacre, c’est le message de millions de voix dans le monde aujourd’hui avec des manifestations géantes à Londres, en Belgique, en Espagne mais également en Bolivie, Colombie, aux États-Unis, au Canada, en Turquie, en Afrique ou en Asie.
« Non ce n’est pas un conflit religieux, c’est un conflit politique, territorial »
Les opinions publiques s’insurgent et s’indignent à l’échelle planétaire car ils constatent un bafouement total du droit international corrélé d’une politique meurtrière envers des civils, femmes et enfants pour la plupart, à laquelle il faut ajouter le projet de déplacement de centaines de milliers de Palestiniens vers des camps en Égypte où en Jordanie.
Cette stratégie est qualifiée par des responsables onusiens d’épuration ethnique de gaza. Non, ce n’est pas un conflit religieux, c’est un conflit politique, territorial, qui mobilise de par le monde des millions de femmes et d’hommes de toutes nationalités, de toutes origines et de toutes les croyances. Ce conflit est à visée universelle car il porte d’abord et avant tout sur l’idée que l’on se fait de l’humanité envers un peuple opprimé.
TSA. Il n’y a pas que les pays musulmans qui dénoncent les bombardements israéliens contre Gaza. De nombreuses voix dans le monde, en Europe, en Amérique et en Asie ont condamné l’agression israélienne. Comment l’expliquez-vous?
Karim Zéribi. Le monde entier est horrifié par ce massacre à l’encontre des populations civiles perpétré par un État qui tue des innocents par milliers au prétexte de mener une guerre au terrorisme.
Tous les êtres humains qui aspirent à la justice, au respect du droit international, aux droits humains les plus élémentaires sont bouleversés par le sort réservé aux Palestiniens, et ce, sans distinction d’origine, de nationalité, de couleur de peau ou de religion.
Partout dans le monde des voix s’élèvent pour dire stop ! Combattre un mouvement terroriste n’autorise pas à éradiquer un peuple qui subit l’oppression, la colonisation de ses terres, l’expropriation de ses foyers, un blocus depuis 15 ans faisant de gaza une prison à ciel ouvert…
Où va le monde si l’on accepte de faire payer les actes ignobles du Hamas sur des civils israéliens à tout un peuple Palestinien victime et innocent ?
Les parlementaires irlandais disent non, les ministres espagnols disent non, les syndicats belges disent non, les dirigeants politiques d’Amérique du Sud disent non!
Aucune de ces voix n’est musulmane donc cessons d’instrumentaliser ce conflit en guerre de religions ! Plus de 120 pays de toutes obédiences religieuses ont appelé à un cessez-le-feu immédiat au sein de l’assemblée de l’ONU. Ce conflit dépasse largement la communauté musulmane à l’échelle de la planète.
« Cessons d’instrumentaliser ce conflit
en guerre de religions ! »
J’ajoute qu’une tribune vient d’être co-signée par 85 personnalités de confessions juives en France pour dire leur indignation à la riposte totalement disproportionnée de l’armée israélienne.
Non il faut le dire et le répéter : ce conflit n’est pas un conflit religieux entre le judaïsme et l’islam, il n’incarne aucunement la guerre de civilisations que certains appellent de leurs vœux.
Il s’agit surtout et avant tout de notre conception de l’humanité basée sur la justice, sur la protection des populations civiles innocentes et sur le droit à l’autodétermination des peuples contre l’occupation.
Il faut revenir à l’application immédiate de la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies sur la base des frontières de 1967 avec deux États vivant en sécurité.
C’est le meilleur moyen d’éradiquer le terrorisme qui prend racine dans la souffrance, la désespérance, l’humiliation de générations qui n’ont connu que l’oppression et l’occupation.
TSA. Pourquoi les pro-Israéliens et l’extrême droite veulent opposer les juifs aux musulmans ? Est-ce qu’il n’y a pas un risque sur la cohésion nationale en France, un pays qui compte de fortes communautés juive et musulmane ?
Karim Zéribi : Ce risque de fracturation de la société française existe et certains attisent la haine. C’est un piège à éviter si l’on veut garantir la cohésion nationale en France.
Ce conflit est déjà importé sur le sol français du point de vue des sensibilités des uns et des autres par-delà les communautés juives et musulmanes mais il doit rester sur le terrain de la confrontation politique, sur le terrain des idées, des arguments et ne jamais dériver vers la violence physique ou verbale.
Les premiers pyromanes sont ceux qui essentialisent leurs analyses en laissant entendre que l’antisémitisme proviendrait d’une présence trop importante en France de Français de confession musulmane.
C’est gravissime de porter une telle accusation car l’immense majorité des Français de confession musulmane vit paisiblement, sans poser aucun problème et en respect total des valeurs républicaines et des principes de laïcité en France.
D’ailleurs beaucoup de Français de confessions juive et musulmane vivent ensemble, commercent ensemble, se fréquentent, sont amis d’enfance.
Il y a certainement des minorités négatives porteuses de paroles ou de comportements condamnables mais ceux-là ne représentent aucunement les Français de confession musulmane qui en ont assez d’être montrés du doigt en permanence dans une société française qui cherche sans cesse des boucs émissaires à son incapacité à traiter des problématiques politiques de fond qui n’ont rien à voir avec les musulmans de France en réalité.
« Les tirailleurs musulmans ont aidé à libérer la France de l’occupation nazie »
Je rappelle au passage que durant la terrible période de la Seconde guerre mondiale 1939-1945, ce ne sont pas les musulmans qui ont collaboré avec les nazis.
Les tirailleurs musulmans ont aidé à libérer la France de l’occupation nazie, il est bon de rafraîchir la mémoire de certains. J’ajoute que durant cette période sombre de l’histoire, la Grande Mosquée de Paris, qui est de sensibilité algérienne, a caché des juifs durant les rafles honteuses autorisées et encadrées par les Pétainistes que monsieur Eric Zemmour veut honorer aujourd’hui donc cessons d’instrumentaliser les consciences.
Manifester pour la cause palestinienne, critiquer le gouvernement israélien de Benyamin Netanyahou ne font pas de vous un antisémite.
En revanche, s’il y a des actes contre les juifs de France, je le dis sans détour, il faut être ferme et faire tomber des sanctions lourdes car cela est inacceptable tout comme l’islamophobie envers les musulmans et le racisme anti-français qui peut découler de comportements indignes sur notre sol.
Je ne le répéterai jamais assez, toutes violences physiques ou verbales envers quiconque nuisent à la cause palestinienne et à la paix car il va bien falloir revenir au plus vite à un processus de discussion pour obtenir un État palestinien qui est la seule garantie d’une sécurité durable pour Israël.
TSA. Comment trouvez-vous l’évolution de la position française après près de 10 000 morts à Gaza ?
Karim Zéribi. Je suis déçu de la position française depuis le 7 octobre dernier jusqu’à ce jour car elle n’est pas à la hauteur des enjeux.
Nous avons tous été pris d’émotion et de stupeur suite à l’attaque d’une violence inouïe de la part du Hamas sur des populations civiles israéliennes.
J’ai dit moi-même qu’une attaque de ce type relevait du terrorisme et non d’une stratégie de résistance du peuple palestinien à laquelle je crois si elle épargne les populations civiles israéliennes et si elle vise les cibles militaires de l’occupant.
J’assume mon propos car la résistance palestinienne est une cause trop noble à mes yeux pour verser dans la barbarie à l’encontre de populations civiles désarmées, femmes et enfants de surcroît.
« Je suis déçu par la position de la France »
La France a partagé l’émotion générale le 7 octobre et c’est bien normal. En revanche, un grand pays se distingue par sa capacité à voir au-delà de l’instant présent et à anticiper sur les événements à venir.
La France a apporté un soutien inconditionnel au gouvernement israélien, or ce fut une erreur car le soutien à la population israélienne oui, le soutien à la riposte disproportionnée du gouvernement de Netanyahou non !
Le Général de Gaulle portait une voix forte, indépendante et juste de la France dans le monde. Il avait impulsé une politique arabe de la France qui consistait à se démarquer des États-Unis et à faire preuve de justice et de justesse dans la vision française.
J’aurais apprécié que des voix politiques françaises s’élèvent pour condamner fermement le 7 octobre mais pour affirmer immédiatement derrière qu’il ne peut être toléré que le peuple palestinien soit victime d’une riposte synonyme d’un massacre soutenu par la France et la communauté internationale.
J’aurais aimé que la voix de la France soit une voix d’équilibre, de nuance, de discernement, de justice, capable de proposer une lutte ciblée contre le terrorisme tout en relançant un processus de discussion vers la paix et la création d’un État palestinien.
Malheureusement, la France recule dans le monde arabe, elle recule en Afrique et sa voix n’est pas aussi puissante que nous le voudrions à l’échelle européenne également.
J’en suis triste mais je veux garder une once d’optimisme malgré tout car lorsque j’entends un homme comme Dominique De Villepin (ancien Premier ministre de Jacques Chirac), je veux croire que la posture gaullienne de la France n’a pas complètement disparu.
Il faut que la France retrouve le chemin de l’audace, du courage et défende avec conviction ses valeurs universalistes.
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