Des centaines de personnes évacuaient samedi à pied l’hôpital Al-Shifa de Gaza, selon les constatations d’un journaliste de l’AFP présent sur place, alors que l’armée israélienne y mène de nouvelles opérations. Un raid meurtrier a également eu lieu à Naplouse.
L’offensive israélienne se poursuit dans la bande de Gaza. Les alertes de la communauté internationale et de hauts fonctionnaires de l’ONU n’ont pas ralenti les opérations en cours autour de l’hôpital Al-Shifa, symbole de la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les lieux de soins sur le territoire palestinien. L’armée, qui répond aux ordres du gouvernement de Benyamin Nétanyahou, affirme qu’ils abritent des centres du commandement du Hamas, à l’origine des attaques meurtrières du 7 octobre dernier.
Des centaines de patients évacuent l’hôpital Al-Shifa
Des centaines de personnes ont quitté samedi l’hôpital Al-Shifa de Gaza, assiégé depuis plusieurs jours par l’armée israélienne, selon un journaliste de l’AFP, le ministère de la santé du Hamas précisant que « 120 blessés » et des bébés prématurés n’avaient pu être évacués.
Des médecins sont restés dans Al-Shifa pour prendre soin de ces patients, ont précisé des responsables de l’établissement à l’AFP, sans donner le nombre exact des bébés encore dans l’enceinte. « Nous sommes en contact avec la Croix-Rouge à leur sujet », a indiqué le ministère, sans plus de détails.
L’armée israélienne, elle, assurait n’avoir donné aucun ordre d’évacuation mais avoir « répondu à une requête » du directeur de l’hôpital.
Ces colonnes de déplacés, de médecins, de malades et de blessés, certains amputés, certains très faibles, marchaient en direction de la route Salaheddine qui mène vers le sud de la bande de Gaza.
C’est dans cette zone que l’armée israélienne veut relocaliser les 1,1 million d’habitant·es du nord du petit territoire palestinien, où se concentrent jusqu’à présent les combats au sol contre le Hamas. Elle a donc ouvert samedi un corridor menant vers la route Salaheddine.
Sur le chemin, le journaliste de l’AFP a vu au moins une quinzaine de corps, certains en décomposition avancée. Alentour, les routes étaient défoncées, les magasins détruits, des voitures retournées ou écrasées.
Autour de l’hôpital, le plus grand de la bande de Gaza, des chars israéliens, des transports de troupes et des blindés étaient visibles, tandis que des drones israéliens survolaient la zone.
Aucune ambulance n’a été utilisée dans cette évacuation, a encore rapporté le journaliste. Depuis des jours, les hôpitaux de la bande de Gaza disent n’avoir plus assez de carburant. Après des frappes et des tirs sur des ambulances, notamment aux portes d’Al-Shifa, leurs conducteurs disent ne plus pouvoir opérer. Des explosions étaient entendues dans et aux abords du complexe hospitalier, a précisé le journaliste.
Ces derniers jours, au cours de leur raid sur l’hôpital, des soldats israéliens ont détruit à l’explosif plusieurs services, notamment le rez-de-chaussée du département de chirurgie.
Avant cette évacuation, selon l’ONU, 2 300 patient·es, soignant·es et déplacé·es se trouvaient dans cet établissement. Israël, lui, assure que le Hamas au pouvoir à Gaza se sert de cet établissement comme base militaire, ce que le mouvement islamiste dément.
Des frappes meurtrières sur le camp de Jabalia, une école gérée par l’ONU touchée
Plusieurs frappes israéliennes ont de nouveau endeuillé ce samedi le camp de réfugié·es de Jabalia, situé dans le nord de la bande de Gaza, où vivent plus de 100 000 personnes. D’après les chiffres communiqués par le ministère de la santé dirigé par le Hamas, 50 personnes ont été tuées lors d’une frappe sur une école sous contrôle des Nations unies, qui abritait, selon l’ONU, des milliers de réfugié·es.
Peu après, le commissaire général de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), Philippe Lazzarini, a dénoncé sur X les images « effroyables » des victimes de ce bombardement. Par ailleurs, le même ministère de la santé gazaoui a annoncé la mort de 32 personnes d’une même famille, dont 19 enfants, après une frappe sur leur maison.
Au moins 64 morts à Khan Younès, selon des sources médicales
De nouveaux raids israéliens sur la ville de Khan Younès et ses environs, dans le sud de la bande de Gaza, ont fait au moins 64 morts ce samedi, selon des sources médicales de l’hôpital Nasser citées par Haaretz. Ces frappes ont touché trois immeubles résidentiels du quartier de Hamad.
Cinq morts dans une frappe en Cisjordanie, selon le Croissant-Rouge palestinien
Le Croissant-Rouge palestinien a annoncé que cinq personnes avaient été tuées et deux blessées dans une frappe contre le camp de réfugié·es de Balata à Naplouse, en Cisjordanie occupée. Selon l’administration du camp, la frappe aérienne a touché un immeuble abritant un quartier général du Fatah, la principale organisation palestinienne. Sollicitée, l’armée israélienne n’a pas confirmé cette frappe dans l’immédiat.
Le camp de Balata, établi en 1950 pour accueillir des Palestinien·nes chassé·es de Jaffa et de sa région, au sud de Tel-Aviv, compte 24 000 habitant·es sur un timbre-poste de 0,25 km2, ce qui en fait le camp le plus peuplé de Cisjordanie. Ce camp est connu pour héberger de jeunes combattants membres des branches armées des différents groupes palestiniens.
Notre journaliste Christophe Gueugneau s’y était rendu le mois dernier et rapportait que les incursions de l’armée israélienne n’avaient pas commencé après les attaques du Hamas du 7 octobre. Elles durent depuis des années, créant un état de guerre de basse intensité.
En Cisjordanie, territoire palestinien occupé depuis 1967 par Israël, environ 200 Palestinien·nes ont été tué·es par des colons et des soldats israéliens depuis le 7 octobre, selon le ministère palestinien de la santé.
Pas de pause « significative » tant que les otages ne seront pas libérés, prévient Washington
Alors que le président des États-Unis s’est entretenu vendredi avec l’émir du Qatar, pays clé dans les négociations pour la libération des otages enlevé·es le 7 octobre par le Hamas, le premier conseiller de Joe Biden pour le Moyen-Orient, Brett McGurk, a mis en garde ce samedi, en marge d’un déplacement à Bahreïn : « L’afflux d’aide humanitaire, l’afflux de carburant [et] une pause dans les combats auront lieu lorsque les otages seront libérés. »
Sur le front diplomatique, le Turc Recep Tayyip Erdoğan, après avoir appelé, vendredi depuis Berlin, à mettre fin aux « attaques d’Israël », a expliqué aux journalistes qui l’accompagnaient dans l’avion du retour vers Ankara ce samedi que son pays se tenait prêt à participer à la reconstruction de Gaza, dès qu’un cessez-le-feu serait décrété.
Quant à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en déplacement en Égypte (au Caire puis dans le Sinaï), elle a exprimé sur X son accord avec le président égyptien al-Sissi sur le principe de « non-déplacement forcé des Palestiniens ».
Des hauts responsables de l’ONU demandent un « cessez-le-feu humanitaire »
Les chefs des opérations humanitaires de l’ONU, du Commissariat aux réfugiés et de l’OMS ont exigé vendredi un « cessez-le-feu humanitaire » dans la bande de Gaza pour 2,2 millions de personnes piégées par « l’horreur » de la guerre entre le Hamas et Israël.
« On ne demande pas la lune. Nous demandons des mesures de base nécessaires pour répondre aux besoins essentiels de la population civile et juguler le cours de cette crise », s’est insurgé le patron des opérations humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths, dans une intervention vidéo lors d’une réunion plénière informelle de l’Assemblée générale des Nations unies à New York.
« Un cessez-le-feu humanitaire. Appelons ça comme on veut, mais ce qu’il faut d’un point de vue humanitaire est simple : arrêter les combats pour permettre aux civils de se déplacer en sécurité », a tonné Martin Griffiths devant les États membres.
Son collègue Volker Türk, haut-commissaire de l’ONU aux droits humains (HCR), a aussi réclamé « un cessez-le-feu pour des raisons humanitaires et liées aux droits humains, et la fin des combats ». « Il ne s’agit pas uniquement de livrer en urgence des vivres et une assistance humanitaire significative, mais aussi de créer un espace pour sortir de cette horreur », a tempêté Volker Türk.
Enfin, le patron de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a martelé que le système de santé gazaoui était « près de s’effondrer » et jugé « l’échelle de la réponse d’Israël de plus en plus injustifiable ».
Mercredi, brisant son silence pour la première fois en plus d’un mois de guerre, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté pour des « pauses et couloirs humanitaires » de quelques jours dans la bande de Gaza. Le texte a recueilli douze voix « pour » et trois abstentions (États-Unis, Royaume-Uni et Russie) et est la première résolution adoptée par le Conseil depuis fin 2016 sur le dossier israélo-palestinien qui divise l’instance onusienne.
Israël a juré d’« anéantir » le Hamas, qui a pris le pouvoir en 2007 dans la bande de Gaza, depuis l’attaque qu’il a lancée sur le sol israélien le 7 octobre. Cette attaque, d’une violence et d’une ampleur sans précédent depuis la création d’Israël en 1948, a fait 1 200 morts, en grande majorité des civils, selon les autorités israéliennes.
L’armée israélienne estime qu’environ 240 otages, civils et militaires, ont été emmené·es à Gaza le 7 octobre.
Dans le territoire palestinien, les bombardements israéliens incessants menés en représailles ont fait 12 000 morts, majoritairement des civils, dont 5 000 enfants, selon un nouveau bilan publié vendredi par le ministère de la santé du Hamas.
La rédaction de Mediapart
18 novembre 2023 à 12h36
https://www.mediapart.fr/journal/international/181123/le-fil-du-jour-gaza-le-supplice-l-hopital-al-shifa-l-alarme-de-l-onu
.
Les commentaires récents