Dans les archives de « l’Obs ». En 1972, Jules Roy, écrivain et ancien militaire, répliquait aux justifications de la torture en Algérie par le général Massu.
Le général Jacques Massu (à gauche), avec le général Charles de Gaulle et le ministre des Armées Pierre Messmer, assistant aux grandes manoeuvres d'automne aéro-terrestres "Vahny" le 06 octobre 1962 dans la région de Reims et Epernay (AFP)
Quel monde, quels Français, quelle société racontait « le Nouvel Observateur » (devenu « l’Obs » en 2014) voilà un demi-siècle ? Chaque week-end, nous vous proposons un article, interview, reportage, portrait ou encore courrier de lecteurs puisé dans nos archives.
Jules Roy (1907-2000) eut deux vies, d’abord militaire plus d’une décennie, puis écrivain. Il quitta l’armée en 1953, scandalisé par les méthodes employées en Indochine. En 1972, comme il l’écrit dans l’article ci-dessous, retiré à Vézelay, il revient à l’actualité immédiate pour dénoncer le général Massu. Jacques Massu (1908-2002), ancien des guerres d’Indochine et d’Algérie, a publié quelques mois plus tôt ses Mémoires, « La Vraie Bataille d’Alger » (éditions Plon), où il justifie le recours à la torture pendant la guerre d’Algérie. Torture que « France Observateur », l’ancêtre du « Nouvel Obs », dénonçait dès le début de la guerre.
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(les titres et la typographie des articles reproduits sont d’époque)
Article paru dans « le Nouvel Observateur » n° 383 du lundi 13 mars 1972
Polémique
L’impudeur de Massu
par Jules Roy
La torture n’est pas encore admise par tout le monde. Au douteux succès de librairie remporté par les Mémoires du général Massu répondent aujourd’hui trois ouvrages qui, sans s’adresser aux « gens heureux et qui ont bien raison de l’être », remettent les crimes et les criminels à leur place historique. Outre le livre de Jules Roy (« J’accuse le général Massu », Editions du Seuil), présenté ci-dessous par son auteur, paraissent simultanément l’édition française de « la Torture de la République », de Pierre Vidal-Naquet (Editions de Minuit), publié il y a dix ans en Grande-Bretagne, et « Bataille d’Alger, bataille de l’Homme », du général de Bollardière (Editions Desclée de Brouwer), qui raconte le cheminement solitaire et périlleux d’un militaire humaniste écartelé entre son devoir et les exactions policières couvertes sinon programmées par Massu.
Parce que vous avez la chance d’avoir pu conquérir votre liberté et de gagner votre vie ailleurs qu’à l’usine ou au « burlingue », vous allez vous enfouir, un jour, en pleine cambrousse, de plein gré, dans un trou. Parce que Ie grain, si l’on veut qu’il lève, doit mourir.
Votre femme et vous renoncez au monde, à ses pompes et à ses œuvres, c’est-à-dire à rien, et vous préférez, tous deux, au bruit et à la fureur des villes, la nature, l’affrontement avec les saisons, les bêtes, la communion avec les amis qui osent encore venir vous voir ou la solitude. Pas gai, n’est-ce pas, si l’on craint de se mesurer avec soi et les grandes vérités, car tout, à la campagne, est mort et renouveau. A la campagne, rien ne distrait de l’essentiel. Pas de cinéma. Notre téléphone que le moindre souffle de vent, la première chute de neige ou le moindre orage détraque, ne sert pas non plus à grand-chose. Mais si vous trouvez votre joie en chaque aube, en chaque ensoleillée, en chaque étoile qui s’arrête au-dessus de votre toit, en chaque nouvelle lune, en chaque passage de migrateurs en route vers les étés d’ailleurs ou vers le vôtre, en chaque promenade avec votre chien dans l’océan des bois ? Vous êtes heureux, vous souffrez. Vous écrivez comme d’autres peignent ou sont musiciens. Hors du fracas. Votre navire roule sur les houles du silence, de votre monde à vous et de vos combats intérieurs. D’un hublot, vous pouvez surveiller les rivages, les approcher de votre regard. Si vous voulez retrouver l’agitation, le grouillement, les scandales, il vous suffit de vous mettre devant les « étranges lucarnes ». Et si vous êtes écœuré, de vous en détourner.
Quand soudain paraît un livre dont l’auteur, croyez-vous, devrait se montrer pudique, sinon honteux. Un de ces hommes qui n’aiment pas d’habitude faire parler d’eux et qu’on découvre parfois, sous des noms d’emprunt, en Amérique du Sud. Un ancien tortionnaire, considéré en Algérie comme criminel de guerre.
De celui-là, le récit de ses faits d’armes s’étale au grand jour de la télé, des radios et de la presse. Les meilleurs interviewers se l’arrachent, vous le voyez tête nue et en chandail à col roulé, son ancien fanion de commandement planté à côté de lui dans son cabinet de travail, expliquer comment il s’y est pris, et pourquoi il a exécuté les ordres qu’il recevait. Quel bourreau se justifierait autrement ! Pour lui, il s’agissait d’abattre le terrorisme ou d’accepter d’être vaincu. « Savoir quelque chose et vivre, ou ne rien savoir et mourir », comme on me disait déjà en Indochine. Après les Nha-quê, les « ratons ». Par milliers. Le résultat ? Après Dien-Bien-Phu, en 1954, le déchirant exode, en 1962, les pieds-noirs, perdus par celui qui prétendait les sauver.
« Ferme mais bon »
Alors, vos anciennes blessures se réveillent. Vos cicatrices vous brûlent. De vieilles douleurs vous poignent : un reître qui prétend avoir servi son armée, les grands principes qui aident les hommes à vivre, et même Dieu...
Des oubliettes de la mémoire, surgissent les incendies de villages, les camps de regroupement où le nom de la France était maudit, les convois de troupes, l’aboiement des chiens et des canons dans la nuit, les rafles dans la Casbah, les grandes chiourmes des « centres d’hébergement », les cadavres retrouvés sur des plages cousus dans un sac, les rebelles jetés de la carlingue des hélicoptères, les bombardements, les villas des hauts d’Alger où sévissait ce que notre inquisiteur appelle benoîtement « la question par force ». Car il est honnête, notre général. Peut-être même naïf ? Il aime ses sloughis et la population qu’il a la charge de protéger, il a souci de se montrer « ferme mais bon », il se soumet lui-même à la « gégène » pour apprécier ce qu’il fait endurer aux autres, il n’a à son tableau de chasse que des « traîtres » comme Maurice Audin et Henri Alleg, et quelque trois mille disparus dont il n’avoue que le dixième.
Que dirait-on à l’Elysée si un ambassadeur demandait son extradition ?
En 1958, il a failli nous imposer le régime de son choix en se préparant à sauter sur Paris avec sa division parachutiste et, en récompense de sa loyauté, a reçu du pouvoir de grands commandements. Il se réclame de Lyautey et du Père de Foucauld, va en pèlerinage à Colombey, comme il viendra bientôt se recueillir à Vézelay d’où est partie la croisade de saint Bernard.
Alors, vous qui vous êtes battu pour une certaine idée de la France dans les rangs d’une armée pareille à celle qui apparaît dans « les Noyers de l’Altenburg », vous bondissez sous l’outrage. Vous vous révoltez ! Vous vous mettez, le cœur cognant dans la poitrine, à confondre ce « héros ». Vous l’attaquez sur son propre terrain, vous le défiez au nom de la multitude anonyme qui lui doit la souffrance, l’abomination et la mort.
Non, l’armée du général Massu n’est pas celle de la France ! Et le deviendrait-elle, par malheur, qu’il faudrait, pour l’honneur des armes et de la France, la dénoncer !
Adieu, douceur des jours, adieu sérénité.
Vous devenez l’insolent porte-parole des humiliés.
Voilà pourquoi, moi un pacifique, j’accuse le général Massu.
L’édition 2023 de l’étude « Immigrés et descendants d’immigrés » publiée par l’Insee révèle le rôle central joué par la famille dans la reproduction de l’appartenance religieuse. Les recherches menées sur le terrain confirment ces données, mais elles rendent aussi compte d’un autre facteur : la stigmatisation des musulmans finit par renforcer l’identité religieuse.
Des musulmans arrivent pour se rassembler dans une salle à Bordeaux, pour les prières de l’Aïd al-Fitr, le 25 juin 2017
Mehdi Fedouach/AFP
La sécularisation est souvent considérée par les milieux académiques et politiques comme une tendance en constante progression dans les différentes sociétés occidentales. L’Europe, et plus particulièrement la France, a été à l’avant-garde de ce mouvement en croyant que la religion était soluble dans la modernité. Toutefois, les chiffres récemment publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) dans l’étude « Immigrés et descendants d’immigrés »1, largement basés sur ceux de la deuxième édition de l’enquête « Trajectoires et origines » réalisée entre 2019 et 2020 nuancent l’idée d’une sécularisation, en particulier chez les musulmans et les juifs.
Cette enquête a été menée sur un échantillon représentatif de 27 200 personnes. Réalisée en pleine période de pandémie, elle ne prend certes pas en compte l’impact de celle-ci sur la vie spirituelle des personnes interrogées, alors qu’il est probable que la crise sanitaire a eu un effet significatif sur les comportements et les croyances. Par ailleurs, l’âge des personnes interrogées se situe entre 18 et 59 ans, ce qui exclut la partie la plus âgée de la population qui est, selon d’autres études, la plus tournée vers la religion. Néanmoins, cette enquête s’avère riche en enseignements.
UNE FORTE TRANSMISSION DANS LES FOYERS
L’étude de l’Insee révèle que le catholicisme reste la première religion en France ; 29 % de la population s’en revendique. Cependant, l’islam connaît une croissance importante : 10 % de la population se déclare musulmane, ce qui confirme sa position de deuxième religion en France.
L’enquête met par ailleurs en évidence l’importance de la pratique religieuse chez les immigrés et leurs descendants. Certes, les individus âgés de 18 à 59 ans sont de plus en plus nombreux à ne pas se réclamer d’une religion. Mais, alors que 58 % des personnes sans ascendance migratoire se disent sans religion, c’est le cas de 19 % seulement des immigrés arrivés après l’âge de 16 ans et de 26 % des descendants de deux parents immigrés. En revanche, seulement 14 % des descendants d’immigrés issus de couples mixtes et 1 % de la population sans ascendance migratoire se déclarent de confession musulmane.
Concernant les affiliations et les pratiques religieuses au sein des familles immigrées et de leurs descendants en France, l’enquête montre que, tandis que la pratique religieuse des familles chrétiennes diminue fortement, celle des familles musulmanes et juives se maintient. Il ressort également de l’étude que la transmission de la religion est plus forte chez les individus élevés dans une famille musulmane, avec 91 % d’entre eux se considérant appartenir à la religion de leurs parents, contre 84 % chez les juifs et seulement 67 % chez les catholiques.
L’ENGAGEMENT DES FEMMES
Cette forte transmission de la religion musulmane pourrait s’expliquer par l’importance de l’encadrement maternel, y compris dans le domaine religieux, au sein des familles immigrées – maghrébines, subsahariennes et turques en particulier. Dans les mêmes statistiques de l’Insee, on remarque d’ailleurs que 78 % des femmes qui se déclarent musulmanes considèrent la religion comme importante dans leur vie, contre 73 % des hommes.
Nos observations empiriques sur le terrain auprès de responsables associatifs musulmans en Île-de-France et à Mulhouse éclairent certaines des données de cette enquête. Elles confirment que la transmission de la religion au sein des familles d’immigrés revêt une grande importance. Elle se fait souvent par le biais de l’engagement des femmes musulmanes dans des associations cultuelles et culturelles, contribuant à la vie de la communauté religieuse.
Warda, enseignante et responsable associative, également en Seine–Saint-Denis, nous a ainsi déclaré :
Si les femmes musulmanes n’étaient pas présentes dans nos structures, de nombreuses associations auraient du mal à réaliser des activités et à être présentes sur le terrain. Ces mamans et sœurs font preuve d’un dévouement remarquable et sont toujours prêtes à s’engager sans contrepartie.
Farid, membre du bureau d’une association cultuelle en Seine–Saint-Denis, en relation avec de nombreuses organisations, nous a quant à lui affirmé :
Les femmes musulmanes sont très nombreuses et actives au sein de nos associations, sans chercher nécessairement à occuper des postes de responsabilité. Elles donnent de leur temps sans compter pour ces associations.
Notons que cette tendance n’est pas propre à l’espace musulman : dans son livre Logiques de genre dans l’engagement associatif2, la sociologue Sophie Rétif souligne que les femmes sont plus impliquées dans les associations que dans les partis politiques ou les syndicats, mais qu’elles occupent rarement des postes de dirigeantes.
Quant à Mokhtar, ancien vice-président de l’Association des musulmans d’Alsace, il considère que l’implication des femmes dans les activités cultuelles, les associations et les mosquées est un moyen d’émancipation pour elles. Selon lui, le fait de se déplacer pour se rendre dans ces structures, que les maris ou les grands frères tolèrent facilement, représente une liberté.
UN SENTIMENT D’ÊTRE « HARCELÉ »
En ce qui concerne la pratique du mois de ramadan, les statistiques montrent que 75 % des musulmans respectent strictement le jeûne, tandis que 15 % le font « plus ou moins ». Mohamed, diplômé en science politique et militant associatif, analyse cette forte adhésion au jeûne en soulignant la démocratisation de la pratique religieuse à travers les réseaux sociaux. Tout en mentionnant par ailleurs le poids de l’héritage culturel, il souligne l’influence de plusieurs personnalités très suivies, tels Karim Benzema, Omar Sy et bien d’autres, qui n’hésitent pas à partager des messages de soutien pendant le ramadan à leurs followers.
Les résultats de l’enquête appellent à être complétés par une analyse approfondie des facteurs de la transmission de l’identité musulmane en France. Parmi ceux-ci, on peut interroger l’impact de la normalisation du discours de l’extrême droite et de la droite réclamant l’assimilation, c’est-à-dire l’abandon de la culture et de la religion d’origine.
Nos recherches montrent que les nombreuses polémiques aboutissant à la stigmatisation des femmes musulmanes, comme celles concernant le voile ou le burkini, ont conduit à l’établissement d’un « bouclier religieux » visant à se protéger. Dans ces circonstances hostiles, la transmission religieuse aux enfants devient une priorité vitale. Les résultats de l’étude sont interprétés ainsi par Mokhtar, le responsable associatif déjà cité : « Vingt ans de médias de masse, portés par les chaînes d’informations en continu, ont vraiment accéléré le sentiment d’être toujours harcelé chez les musulmans. » Il constate qu’un certain nombre de jeunes investissent la pratique religieuse, qui devient une source de fierté et de résistance, face aux nombreuses menaces orchestrées par une certaine classe politique.
Comme l’a souligné Jean Baubérot dans son livre La laïcité falsifiée (La Découverte, 2014), les partisans du slogan « Dieu est mort » ont peut-être sous-estimé la résilience de la religion face aux bouleversements de la société occidentale. L’enquête de l’Insee confirme que les religions, et l’islam en particulier, continuent d’exercer une forte influence sur les individus en France, et qu’elles constituent des outils pour s’adapter et évoluer dans un monde hostile.
Entre 1954 et 1962, des milliers d'Algériens ont disparu, torturés et assassinés dans le cadre de la riposte militaire au soulèvement pour l'indépendance de l'Algérie française.
A la veuve de Maurice Audin, Emmanuel Macron avait promis un large accès aux archives de la guerre d'Algérie. En 2018. Un an plus tard, un vigoureux tour de vis venait au contraire verrouiller la consultation de milliers d'archives classées "secret Défense". Le Conseil d'Etat vient d'être saisi.
Jusqu'où le secret défense peut-il empêcher de connaître précisément ce qui s'est passé dans l'histoire de France il y a plus de soixante-dix ans - et notamment pendant la Guerre d'Algérie ? Depuis près d’un an, l’accès à de nombreuses archives tend à se refermer à la faveur de procédures toujours plus scrupuleuses… ou d'intentions plus obscures, dénonce un collectif de chercheurs et d’archivistes qui viennent de déposer une requête devant le Conseil d’Etat, le 23 septembre 2020. Leur démarche, qui associe des historiens, le collectif Maurice Audin, et plusieurs associations d’archivistes, témoigne d’un bras de fer qui ne se relâche pas. Et même, d’un pourrissement qui court depuis déjà plusieurs mois.
Ce bras de fer n’oppose pas les historiens à des archivistes trop tatillons qui dévoileraient arbitrairement et au compte-gouttes des archives accessibles aux yeux de la loi, et que eux seuls couveraient du haut de leur connaissance des inventaires. Dans cette affaire, archivistes et chercheurs avancent au contraire main dans la main, pour dénoncer plutôt une intrusion administrative et militaire. Et, en filigrane, le spectre d'une institution militaire qui se crisperait sur son passé ? Début 2020, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, qui relève de Matignon, a en effet décidé de faire appliquer de façon plus anguleuse que jamais un texte interne, au cœur de toute la bataille.
Le texte en question est l’article 63 d’un document administratif qui se trouve être "l'instruction générale interministérielle n°1300" et qui réglemente l’accès à ce qu’on appelle les pièces “classifiées”. Derrière le terme, c’est en fait toute la question du secret défense qui revient dans l'actualité. Et avec lui, une question, centrale : qui décide de ce qu’on a le droit de consulter, ou pas, en matière d’archives ? Sur le papier, la loi. Mais dans les faits, c’est plus compliqué. Le texte de loi qui fait référence en matière d’accès aux archives remonte au 15 juillet 2008. Il dit explicitement que passés 50 ans, toute personne qui en fera la demande pourra se voir communiquer “de plein droit” les archives qui l’intéressent. Dans le détail, c’est le code du patrimoine qui est explicité par cette loi, qui dit précisément que "passé le délai de cinquante années, les documents susceptibles de porter atteinte au secret de la défense nationale deviennent communicables 'de plein droit'". Et interdit à l’administration d’"intercaler aucune formalité ou procédure qui ajouterait une condition non prévue par le texte".
Mais dans les faits, c’est devenu beaucoup plus compliqué d’avoir accès à tout un spectre de sources pourtant antérieures à 1970. Et parfois même carrément mission impossible par exemple, pour de nombreux cartons qui concernent la guerre d’Algérie. Ca vous étonne, après les annonces au sujet de l’ouverture des archives liées à l’affaire Maurice Audin, du nom de ce mathématicien algérien d’origine européenne, disparu en 1957, et chez la veuve duquel Emmanuel Macron en personne avait promis, en septembre 2018, une transparence très attendue par de nombreux historiens ? Sur le site de l’Elysée, on retrouve le discours prononcé ce jour-là par le Président de la République, qui annonçait :
Le Président de la République souhaite que toutes les archives de l’Etat qui concernent les disparus de la guerre d’Algérie puissent être librement consultées et qu’une dérogation générale soit instituée en ce sens.
D’après une lecture étroite du texte, l’administration est en droit de limiter la communication de ces pièces. Et c’est ce que le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) a instamment demandé aux archivistes, en janvier 2020. Explication : pour être rendues accessibles, comme le promet pourtant la loi, ces pièces devraient être déclassifiées une par une. En soi, c’est déjà une sacrée usine à gaz quand on sait la quantité de documents annotés “secret défense” dans certains pans de l’histoire de France, comme par exemple la guerre d’Algérie. Mais de surcroît, ces mêmes documents doivent, selon le SGDSN, être déclassifiés par l’institution qui en a limité l’accès. C’est-à-dire que c’est l’autorité qui a produit les archives en question qui doit être en mesure d’autoriser leur communication au public.
Au problème concret, et matériel, que posent autant d’opérations au coup par coup, c’est finalement un problème éthique que pointent tous ceux qui se sont rassemblés derrière le recours introduit auprès du Conseil d’Etat : comment peut-on travailler sereinement, et en toute liberté académique, à l’histoire d’un épisode historique dès lors que l’institution, partie prenante dans l’événement, peut bloquer la connaissance qu’on en a ? Lors d’une journée d’étude sur la guerre d’Algérie et ses archives que nous avions déjà évoqués par ici, plusieurs archivistes avaient sonné l’alerte devant la fermeture qu’ils voyaient venir : que le Général Massu ait tamponné des kilos de notes de service “secret défense” suppose-t-il qu’on cesse de documenter la réalité de sa contribution à la guerre d’Algérie, et par exemple cet épisode resté comme “la Bataille d’Alger”, qui s’est soldé par des milliers de disparitions et de nombreuses sorties de route par rapport aux règles de l’Etat de droit ? En 1972, sur France Culture, Pierre Vidal-Naquet dénonçait par exemple les pratiques dont il sera l’un des premiers intellectuels français à parler à voix haute et avec force :
En empêchant, de gré ou de force, un accès plus fluide aux a
Des archives pour dire et pour savoir
rchives, on n'entrave pas seulement la connaissance, pointilliste et éminemment empirique, des pratiques et des façons de faire de l'armée française, qui prit l'ascendant sur le pouvoir civil métropolitain, à Alger, au plus fort de la guerre. En compliquant les démarches et les recherches des uns et des autres, qu'ils soient chercheurs ou descendants des disparus ou des appelés, on complique aussi inextricablement un accès à une mémoire déjà fragile. Car l'histoire de la guerre d'Algérie et de ses résidus est déjà tissée de silences tellement puissants, et tellement verrouillés eux-mêmes déjà, que la parole fut longtemps trop douloureuse, trop bancale, trop périlleuse en somme. Y compris du côté des appelés, qui sont finalement peu nombreux à avoir témoigné, depuis la séquence qui les a projetés, à vingt ans tout juste, au cœur de la machine de guerre coloniale.
Le livre que vient de publier l'historienne Raphaëlle Branche aux éditions de La Découverte ce mois de septembre 2020, "Papa, qu'as-tu fait en Algérie ?" est édifiant à cet endroit, tant il permet de toucher du doigt à quel point les silences, les empêchements, quelques conflits de loyauté et une bonne dose de sidération ont cristallisé ensemble, pour finalement empêcher un récit de se déplier. Auprès des siens (au creux des familles), ou à destination des historiens (et donc du plus grand nombre), la parole a déjà eu un mal infini à se frayer un chemin entre les souvenirs, le déni et quelque chose comme la perte de sens. L'accès à des documents bien concrets, dont on peut penser qu'ils peuvent nourrir le récit en dépit d'un coup de tampon rouge, apparaît donc d'autant plus crucial. Il en va en fait de la capacité à dire, et aussi de la capacité à savoir.
Car le collectif qui a déposé la requête devant le Conseil d’Etat l’affirme : il ne s’agit pas seulement d’une question d’organisation concrète, qui pourrait se résoudre en acceptant par exemple le principe d’une déclassification carton par carton pour aller plus vite. Eux le refusent : c’est le principe même de l’intrusion de cette instance militaire placée sous l’autorité du premier ministre que les requérants contestent, depuis la réflexion sur l’histoire, et sur l’éthique du récit historien, qui est la leur depuis plusieurs décennies.
Du jour au lendemain, début 2020, ce sont des pans entiers de notre histoire collective qui sont ainsi retombés dans le secret et l’obscurité d’arcanes soudainement verrouillées à double tour. Concrètement, ce tour de vis de l’appareil administratif et militaire a aussi signifié un arrêt brutal de nombreux travaux d’étudiants, et plusieurs thèses stoppées en rase campagne faute d’accès aux sources. Dans les centres d’archives, les archivistes sont face à des consignes strictes : quiconque dévoilerait ou aiderait à dévoiler des documents classés s’expose à des poursuites pénales.
Le premier semestre de l’année 2020 a été un temps de concertation, et de rassemblement, pour l’Association des archivistes français (AAF), l’Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche (AHCESR) et l’Association Josette et Maurice Audin, qui ont dépassé 15 000 signatures sur une pétition toujours en ligne. Ensemble, et accompagnées d’un collectif de personnalités du monde des archives, de l’histoire et du droit, ils ont écrit au premier ministre au mois de juin 2020 pour réclamer l’abrogation de l’article 63 du texte, à la source du blocage. Aucune réponse de Matignon depuis lors. Cette requête déposée devant le Conseil d’Etat est la troisième étape.
Le camion roule sans les feux, il est trois heures du matin, la lune est assez généreuse de cette lumière blafarde, qui ajoute un peu à l’angoisse feutrée de toute opération commando. Le G.M.C ahane dans une côte assez abrupte. L’aube n’est pas encore levée. À l’arrière mes vingt-trois bonshommes, dont une majorité écrasante de harkis et de F.S.N.A (Français de Souche Nord-Africaine) se font aussi silencieux que possible.Je suis dans la cabine avant à droite d’un chauffeur du Service du Train et chef de bord du véhicule.
Sous-Lieutenant, je commande la 4° brigade de la 4° batterie du 1° Groupe du 12° Régiment d’Artillerie Anti-Aérienne de Marine (1/12° R.A.A.Ma). Nous sommes en Oranie, dans la Zône Nord-Oranais, secteur de Relizane et la 4° batterie du 1/12° R.A.A.Ma tient lieu de Commando de Chasse du secteur. Nous sommes donc « chasseurs d’hommes ». Le rôle des Commandos de Chasse, créés par le Général Challe, est de débusquer les groupes, sections, compagnies ou « katibas » de rebelles et de les fixer. Pas de les attaquer, surtout s’il s’agit de compagnies ou de Katibas. Dans ce cas, nous devons rameuter les troupes de choc de la 10° Division Parachutiste du Général Massu (3° R.P.C, 2° R.E.P…) et les T6 de l’armée de l’Air. Je suis rasé de frais, comme chaque fois, que je pars en opération. Le fait que je sois arrivé là, dans cette cabine avant de G.M.C, est unelongue histoire. Elle débute en classe de 4° du lycée. Le professeur d’histoire et de géographie, Monsieur Montlahuc, fraîchement issu des rangs de la résistance, nous harangue. « Messieurs, vous briguez le baccalauréat et les études supérieures, vous souhaitez donc devenir des cadres de la Nation ? Vous devez à cette même Nation, à cause de ces études laïques gratuites, d’être aussi des cadres de son armée. Vous allez suivre les années de Préparations Militaires Élémentaire et Supérieure. Le discours est construit, rigoureux, agrémenté d’exemples, et convaincant. Il va convaincre donc et le chemin tracé sera respecté. Mon année de Préparation Militaire Élémentaire (P.M.E) a été suivie de deux ans de P.M.S, parallèlement à mes études supérieures de Physique-Chimie de la Faculté des Sciences d’Alger. Je suis d’autant plus facile à convaincre que comme Albert Camus, en tant que pied-noir, « j’ai mal à l’Algérie comme on a mal aux poumons ».
Et par un beau jour ensoleillé de novembre, ma maîtrise de Sciences Physique et Chimie en poche, je m’embarque sur le paquebot « Président de Cazalet » de la Compagnie de Navigation Mixte à destination de Marseille. Par le train ensuite je rejoins Châlons sur Marne, la « Mecque de l’Artillerie » d’alors. Aujourd’hui, l’Artillerie l’a déserté au profit de Draguignan, mais elle y a gagné le joli nom plus capiteux de Châlons en Champagne. Et Dieu sait ! si les bulles ont illuminé mes six mois de stage à l’École d’Application de l’Artillerie. Six mois de travaux intellectuels et physiques intenses pour atteindre la carotte, qui est au bout : la barrette de sous-lieutenant « plein » de l’Armée Française. Le vœu est exaucé avec une flatteuse 23° place au classement de la promotion 60-2B, qui compte plus de 300 étudiants supérieurs et donc E.O.R (Élèves Officiers de Réserve). Le classement final offre aux 30% premiers classés le grade maximal de Sous-Lieutenant, avec une solde d’officier, tandis que les 70% derniers classés ne sont qu’Aspirant avec un salaire dix fois moindre pour six mois. J’ai appris 10 ans après que 13 officiers de cette promotion 60-2B ne revinrent pas d’Algérie. Ils y ont laissé leur jeune vie pour la Patrie, comme on dit, mais pour quoi et pour qui étant donné la fin de ce qui s’appelle aujourd’hui « la Guerre d’Algérie ». Nous n’étions partis que pour des « Opérations de maintien de l’ordre ».
Mon camion brinqueballe toujours sur la piste poussiéreuse. Le chef de bord que je suis avec mon joli nom codé : « Journalier Violet Quatre Autorité », réfléchit encore à la manœuvre prévue, lord du « briefing » des officiers d’hier après-midi, tenu en grand secret à l’État-Major du Secteur. Nous étions tous réunis dans une grande salle tapissée de cartes d’État-Major. Avec bien sûr chacun les nôtres pour instantanément équiper celles-ci en « coordonnées chasse » du secteur géographique concerné. J’aimais particulièrement ces conventions militaires cartographiques et de transmissions. L’alphabet des trans nous permettait de lire distinctement les lettres : alpha pour A, papa pour P, whisky pour W, charlie pour C, etc… C’est comme cela que je suis devenu : Journalier (le secteur de Relizane), Violet ( le commando de chasse du secteur), quatre (la 4° brigade du commando), Autorité ( moi-même, le chef de section). Le dialogue avec mes deux adjoints, Maréchaux des Logis (MdL ou sergents), était par exemple : « Violet 40, ici Violet 4 autorité, donnez-moi votre position ! » ; « Violet4 de Violet 40, je suis en KD41 et je vous aperçois sur la crête en face de moi. Je vois aussi Violet 42 à votre gauche. Terminé » ; « Violet 40de Violet 4, reçu fort et clair, terminé. ». Dans ce type de conversation le oui laissait la place à « Affirmatif » et « Négatif » faisait office de non. À travers la lucarne arrière de la cabine me parvient une odeur très particulière, un mélange d’effluves de graisse d’armes, d’encaustique de chaussures et de treillis militaires. Cette note très caractéristique me surprit instantanément, 10 ans après, lors d’un stage de perfectionnement, dans un camion Simca, qui emmenait une vingtaine de Lieutenants 2 barrettes vers une « école à feu ». Je me suis même demandé si j’étais vraiment redevenu civil, près de 8 ans durant, tant la violence du souvenir olfactif m’avait interpellé.
Sur ma carte d’état-major au 1/50 000 °, je vois que la « crête de coq » n’est plus très loin. C’est à la « crête de coq », méandres d’un oued, qu’est prévue la mise en place du dispositif de combat. J’aperçois d’ailleurs au bout de la piste poussiéreuse le lieu précis, où je dois faire débarquer ma section de combat. J’avertis le chauffeur de ralentir et de prévoir l’arrêt. Le G.M.C s’immobilise et mes hommes débarquent silencieusement. J’indique la couleur du brassard, rouge en l’occurrence, prévue pour cette opération, et les militaires le passent rapidement sous l’épaulette du treillis et sous leur bras. Nous sommes tous en tenue « commando de chasse » : veste et casquette « bigeard » camouflées, pantalon de treillis kaki et pataugas beiges. Nous sommes armés « jusqu’aux dents ». Grenades offensives en poches de veste, pistolets mitrailleurs M.A.T 49, fusils M.A.S 49-56, ou M.A.S 49-56 à lunette pour les deux tireurs d’élite, et le fusil mitrailleur pour le spécialiste de ce tir en rafale. Les piles de réchange des postes radios et les rations alimentaires complètent les « bardas ». Pour moi, Violet 4 Autorité, il y a bien sûr la fameuse carabine U.S avec son chargeur plaqué sur la crosse, la paire de jumelles, la boussole et les cartes d’état-major au 1/50 000°. Ouaddah, le harki, est chargé et harnaché de l’AN/VRC 10, le poste longue portée (70 km), tandis que mes margis (maréchaux des logis) Violet 40 et Violet 41 sont équipés chacun d’un TR-PP 8 pour joindre à tout instant leur chef de section. Les trois sticks de combat de 8 hommes se forment, imposés qu’ils sont par les rotations d’hélicoptère, quelquefois nécessaires. Ils s’alignent en trois formations séparées de quelques dizaines de mètres avec Violet 4 au centre et Violet 40 à droite, Violet 41 à gauche. Chaque homme respecte les distances réglementaires de manière à éviter d’offrir des cibles groupées à un tireur adverse. Je donne l’ordre de départ. J’ai indiqué les axes de progression à chacun des deux sous-officiers et nous nous enfonçons silencieusement dans le maquis, sous l’aube naissante de cet été 1961. Le ratissage long et méthodique commence.
Et moi je gamberge tout de même un peu. Est-il possible que je me regarde ainsi partir à la chasse de ceux, ou presque, que j’ai fréquentés 24 ans durant sur les bancs de l’école, avec lesquels j’ai joué dans les cours de récréation, avec qui ou contre qui, j’ai lutté sportivement sur les stades, ou partager les joies de la pêche ou de la natation. C’était pourtant bien hélas le lot de chacun de nous de nous retrouver dans cette situation dérangeante. C’était… il y a 43 ans. J’en rêve encore quelquefois !
Hommage rendu à Pierre Audin, décédé le 28 mai 2023, dans le carré juif du cimetière de Pantin (93), le 2 juin 2023. A gauche, on voit sa fille jouer un morceau de musique. Derrière elle, l’ancien député Cédric Villani, ami intime de Pierre Audin. Photo : Nadir Dendoune.
Plusieurs centaines de personnes, dont beaucoup d’Algériens, se sont réunies dans le carré juif du cimetière de Pantin (93) pour rendre hommage à Pierre Audin, décédé le 28 mai dernier, des suites d’une longue maladie.
Parmi les personnalités présentes à l’hommage, Saïd Moussi, l’ambassadeur d’Algérie, l’ancien député Cédric Villani, ami intime de Pierre Audin et le sénateur communiste Pierre Laurent.
Pierre Audin, mathématicien était surtout connu pour être le fils de Maurice Audin, militant communiste, torturé à mort par l’armée française en 1957, en pleine guerre d’Algérie. Pierre Audin a passé sa vie à défendre la mémoire de son père.
Maurice Audin avait été enlevé à Alger le 11 juin 1957, en pleine guerre d’Algérie, soupçonné d’être en lien avec le Front de libération nationale (FLN).
Il a fallu attendre 60 ans pour que la France reconnaisse la responsabilité de l’Etat français dans la mort de Maurice Audin. Le 13 septembre 2018, le président français déclara « au nom de la République française, que Maurice Audin a été torturé puis exécuté ou torturé à mort par des militaires qui l’avaient arrêté à son domicile »..
Il y a un lien indéfectible qui unit l’Algérie à la famille Audin. A chaque rassemblement pour la défense de la démocratie, les Algérois se donnent rendez-vous Place Maurice Audin à Alger.
Pierre Audin qui avait attendu 55 ans pour se voir délivrer son passeport algérien était également très critique du pouvoir algérien. Il dénonçait la répression menée par celui-ci à destination des manifestants du Hirak.
Enterrement de Pierre Audin. Cimetière parisien de Pantin (93)_ دفنبييرأودين.
"Parmi les personnalités présentes à l’hommage, Saïd Moussi, l’ambassadeur d’Algérie, l’ancien député Cédric Villani, ami intime de Pierre Audin et le sénateur communiste Pierre Laurent.
Pierre Audin, mathématicien était surtout connu pour être le fils de Maurice Audin, militant communiste, torturé à mort par l’armée française en 1957, en pleine guerre d’Algérie.
Pierre Audin a passé sa vie à défendre la mémoire de son père. Maurice Audin avait été enlevé à Alger le 11 juin 1957, en pleine guerre d’Algérie, soupçonné d’être en lien avec le Front de libération nationale (FLN). Il a fallu attendre 60 ans pour que la France reconnaisse la responsabilité de l’Etat français dans la mort de Maurice Audin.
Le 13 septembre 2018, le président français déclara « au nom de la République française, que Maurice Audin a été torturé puis exécuté ou torturé à mort par des militaires qui l’avaient arrêté à son domicile ». Il y a un lien indéfectible qui unit l’Algérie à la famille Audin.
A chaque rassemblement pour la défense de la démocratie, les Algérois se donnent rendez-vous Place Maurice-Audin à Alger. Pierre Audin qui avait attendu 55 ans pour se voir délivrer son passeport algérien était également très critique du pouvoir algérien. Il dénonçait la répression menée par celui-ci à destination des manifestants du Hirak.". ND
"Parmi les personnalités présentes à l’hommage, Saïd Moussi, l’ambassadeur d’Algérie, l’ancien député Cédric Villani, ami intime de Pierre Audin et le sénateur communiste Pierre Laurent.
Pierre Audin, mathématicien était surtout connu pour être le fils de Maurice Audin, militant communiste, torturé à mort par l’armée française en 1957, en pleine guerre d’Algérie.
Pierre Audin a passé sa vie à défendre la mémoire de son père. Maurice Audin avait été enlevé à Alger le 11 juin 1957, en pleine guerre d’Algérie, soupçonné d’être en lien avec le Front de libération nationale (FLN). Il a fallu attendre 60 ans pour que la France reconnaisse la responsabilité de l’Etat français dans la mort de Maurice Audin.
Le 13 septembre 2018, le président français déclara « au nom de la République française, que Maurice Audin a été torturé puis exécuté ou torturé à mort par des militaires qui l’avaient arrêté à son domicile ». Il y a un lien indéfectible qui unit l’Algérie à la famille Audin.
A chaque rassemblement pour la défense de la démocratie, les Algérois se donnent rendez-vous Place Maurice-Audin à Alger. Pierre Audin qui avait attendu 55 ans pour se voir délivrer son passeport algérien était également très critique du pouvoir algérien. Il dénonçait la répression menée par celui-ci à destination des manifestants du Hirak.". ND
Durant deux heures, trois témoins directs de la guerre d'Algérie ont partagé leur vécu avec une vingtaine de jeunes et de personnels de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.
La médiation autour des témoignages a été assurée par un professionnel de l’ONACVG Ile-de-France. Le public a ensuite pu questionner et échanger avec les intervenants.
Le projet a été organisé et construit par :
L’Espace Parisien Histoire Mémoire Guerre d’Algérie. L'Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre.
La Direction Territoriale de la Protection Judiciaire Seine-et-Marne.
La Direction Inter-Régionale Ile-de-France et Outre-Mer.
Les témoins sont :
Mme Jacqueline GOZLAND, ancienne française juive d’Algérie.
8 janvier 1957. Massu prend possession d’Alger avec ses parachutistes de la 10ème division. La torture va désormais être au centre de la politique de « pacification ». Combien en ont été victimes en toute légalité ?
Avec
Sylvie Thénault Historienne, directrice au CNRS, spécialiste de la colonisation en Algérie et de la guerre d’indépendance algérienne
Florence Beaugé Ancienne journaliste au journal Le Monde
Malika Rahal Historienne, chargée de recherche HDR au CNRS, et directrice de l'Institut d'Histoire du Temps Présent. Elle est spécialiste de l'histoire contemporaine de l'Algérie
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Attention, certains propos et images peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes ainsi que des personnes non averties.
Les 8.000 hommes du général Massu quadrille Alger. Les lieux de torture situés dans certaines des plus belles villas ne désemplissent pas. Paul Aussaresses institutionnalise la torture et la rend légitime et nécessaire avec l’accord tacite du gouvernement français d’alors. Le fervent communiste Henri Alleg, journaliste et ancien directeur du journal Alger Républicain va être un des premiers à dénoncer cette torture systématique. Il va en faire les frais. Il est arrêté le 12 juin 1957 au domicile de son ami Maurice Audin. Combien d’Algériens en ont été victimes ? Certains ont trouver le courage de témoigner…
Avec le témoignage de Louisette Ighilarhriz et les témoignages posthumes d’Abane Ramdane, militant politique et révolutionnaire algérien, ayant joué un rôle clé dans l'organisation de la lutte indépendantiste lors de la guerre d'Algérie et Henri Alleg, journaliste français, membre du PCF et ancien directeur d'Alger républicain.
Celui qui va se qualifier lui-même de voyou de la République, décide, 40 ans après la signature des accords d’Évian mettant un terme à la guerre d’Algérie, de tout révéler sur la torture.
Avec
Florence Beaugé Ancienne journaliste au journal Le Monde
Malika Rahal Historienne, chargée de recherche HDR au CNRS, et directrice de l'Institut d'Histoire du Temps Présent. Elle est spécialiste de l'histoire contemporaine de l'Algérie
Claire Mauss-Copeaux Historienne de la guerre d’Algérie et des violences de guerre
Attention, certains propos et images peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes ainsi que des personnes non averties.
D’abord dans Le Monde sous la plume de Florence Beaugé avec qui, petits-déjeuners après petits-déjeuners à la cafétéria du journal, puis avec Marie-Monique Robin, journaliste d’investigation, Paul Aussaresses qui est devenu général, se confie. Il se raconte, de son enfance bourgeoise dans une famille cultivée, à l’Algérie, en passant par son amour des belles lettres, de sa passion pour Virgile et le grec ancien et son amour de cette France coloniale qui ne veut pas perdre, de son héroïsme pendant la Seconde guerre mondiale, de ses actes valeureux de résistance face au nazisme. Puis vient sa formation au SDECE (Service de Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage) et la guerre subversive qu’il va enseigner aux dictateurs d’Amérique du Sud et aux interrogateurs de la CIA (Central Intelligence Agency). À l’aube de sa vie, c’est sans doute l’ennui et le désir de laisser une trace, lui, l’homme de l’ombre, qui le pousse à témoigner.
En 1953, le monde est entré dans l’ère de la confrontation Est-Ouest pour le partage du monde : d’un côté, les États-Unis et les grandes puissances occidentales (France et Royaume-Uni), de l’autre, l’URSS et les « démocraties populaires ». C’est aussi le temps des décolonisations, et l’empire colonial français craque de partout : Vietnam, Madagascar, Cameroun, Maroc, Tunisie, sans parler de l’Algérie et des massacres du 8 mai 1945 dans le Nord-Constantinois.
En France, la gauche politique et syndicale est surtout focalisée autour de la guerre d’Indochine et contre les États-Unis1 et plusieurs militants et dirigeants communistes ou cégétistes sont arrêtés et inculpés pour « atteinte à la sûreté de l’État », comme le soldat Henri Martin2.
LA POLICE PROTÈGE L’EXTRÊME DROITE
Peu de gens le savent, mais pendant longtemps les organisations politiques et syndicales de la gauche française ont défilé le 14 juillet depuis 1935. Ces défilés faisaient partie des traditions ouvrières au même titre que le 1er mai. Ils étaient autorisés et à partir de 1950, les nationalistes algériens du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), vitrine légale du Parti du peuple algérien (PPA) — interdit depuis 1939 —, avec à sa tête Messali Hadj, décident de se joindre aux défilés du mouvement ouvrier français. `
La manifestation démarre place de la Bastille à Paris, et on peut y voir d’anciens combattants, le Mouvement de la paix, le Secours populaire, l’Union de la jeunesse républicaine de France, l’Union des étudiants communistes et de l’Union des femmes françaises (UFF). La CGT suit avec ses différentes fédérations syndicales (cheminots, métallurgie…), puis viennent les organisations de la banlieue parisienne. On voit aussi des bonnets phrygiens, des Marianne qui font des rondes, des fanfares républicaines. Une tribune avec un grand nombre de personnalités politiques de gauche est placée à l’arrivée, place de la Nation. Dans la manifestation, on entend les slogans : « Libérez Henri Martin ! » ou « Paix en Indochine ! » Enfin, en queue du défilé viennent les Algériens du MTLD. Mais avant même que le cortège des Algériens ne se mette en marche, un petit groupe d’une vingtaine de militants d’extrême droite cherche à les provoquer et à les frapper. Très rapidement, ils se retrouvent encerclés par le service d’ordre de la CGT et des Algériens. La police va alors intervenir, mais pour les protéger et non les arrêter.
Passé cet accrochage, les militants du MTLD poursuivent leur défilé. Ils sont très organisés en six groupes, précédés chacun d’un numéro désignant leurs différents secteurs. Au total, ils sont entre 6 000 et 8 000, soit plus d’un tiers de la totalité des manifestants (15 000 à 20 000). Ils défilent derrière le portrait de leur dirigeant Messali Hadj, et sont encadrés par un service d’ordre repérable à ses brassards verts. Quelques drapeaux algériens apparaissent ici et là. Ils sont très applaudis sur le parcours et scandent leurs propres mots d’ordre réclamant l’égalité entre Français et Algériens et la libération de Messali Hadj, qui se trouve en résidence surveillée depuis plus d’un an.
Arrivé place de la Nation, le premier cortège des Algériens passe devant la tribune officielle où il est applaudi, et commence à se disloquer. Un orage éclate au moment où les policiers chargent pour enlever les drapeaux, portraits et banderoles du MTLD. Le brigadier-chef Marius Schmitt3 dira plus tard : « Selon les ordres reçus, nous avons essayé de dégager la place et de fragmenter le groupe de manifestants ». Pour le gardien de la paix Henri Choquart : « C’est un inspecteur principal adjoint qui a donné l’ordre. Il s’agissait de disperser un cortège de Nord-Africains qui criaient et portaient des banderoles ou pancartes. » Et le gardien Pierre Gourgues : « Suivant les ordres reçus, nous nous sommes emparés des banderoles et, brusquement, à partir des rangs situés à l’arrière de la colonne de manifestants, nous furent jetés toutes sortes de projectiles ».
« LES CANIVEAUX ÉTAIENT ROUGES »
Selon de nombreux manifestants, l’affrontement s’est déroulé en plusieurs temps. Premier temps, les policiers chargent matraque à la main, mais les Algériens ne se laissent pas faire. Ils utilisent des barrières en bois qui servent à un marché et se défendent comme ils peuvent. D’autres vont chercher des bouteilles et des verres qu’ils trouvent sur les terrasses des cafés et les lancent sur les forces de l’ordre… Les policiers en nombre inférieur sortent alors leurs armes et tirent une première fois dans la foule. Malgré ces premiers morts, les Algériens avancent toujours et les policiers pris de panique reculent et se retirent derrière leurs cars en attendant les secours. Pendant ce temps-là, un fourgon et une voiture de police sont incendiés. Puis, selon plusieurs témoins, deux policiers seraient restés à terre. Soixante ans après, le gardien de la paix Robert Rodier le confirme :
Nous, on allait repartir dans les cars. Mais quelqu’un a dit : “Attention ! Vous laissez deux gars là-haut !” Alors on a fait demi-tour et on est repartis pour aller les ramener. Alors là, […] je voyais les collègues qui tenaient leurs pétards à l’horizontale. Ce n’étaient pas des coups de feu en l’air pour faire peur. […] C’étaient des coups de pétard avec le revolver à l’horizontale. Et les gars arrivaient, le premier rang tombait, et ça revenait derrière. Les caniveaux étaient rouges, ouais ! Ça, je m’en souviendrai toujours. Et ça tirait ! Deux cent dix douilles sur le terrain. […] Moi aussi, j’ai tiré, mais ça, je ne le disais pas4.
Les affrontements les plus violents ont lieu entre les carrefours du boulevard de Charonne et du boulevard de Picpus, et de chaque côté de l’avenue du Trône et du cours de Vincennes. Puis, une véritable chasse à l’homme est organisée dans tout le quartier. Il y a de nombreux blessés, tabassés par la police. On relèvera sept morts (six Algériens et un Français qui voulaient s’interposer entre les policiers et les Algériens). Le climat politique et le racisme à l’œuvre dans la police parisienne mènent à ce massacre. Conclusion de l’historien Emmanuel Blanchard :
Il est important de rappeler que si cet événement est alors inédit du point de vue parisien, il est d’une certaine façon courant de longue date aux colonies. Mais ce qui est peu commun, c’est que cela se passe à Paris, un 14 juillet, sur la place de la Nation.
LES SEPT VICTIMES DU 14 JUILLET 1953
➞ Abdallah Bacha (25 ans), né en 1928 à Agbadou (Algérie). Atteint d’une balle dans la région dorsale qui est ressortie à la base du cou, il est décédé à 18 h à l’Hôtel-Dieu ; ➞ Larbi Daoui (27 ans), né en 1926 à Aïn Sefra (Algérie). La balle, que l’on n’a pas retrouvée, est entrée par le sternum et a traversé le cœur. Décédé à 18 h 30 à l’hôpital Tenon. Il habitait à Saint-Dié (Vosges), où il était manœuvre et domestique ; ➞ Abdelkader Draris (32 ans), né en 1921 à Djebala (Algérie). Il a été atteint d’une balle dans la région temporale gauche, qui est ressortie par la tempe droite. Décédé à 18 h à l’hôpital Saint-Louis, il travaillait chez Chausson ; ➞ Mouhoub Illoul (20 ans), né en 1933 à Oued Amizour (Algérie). La balle est entrée dans le sourcil gauche jusqu’à la boîte crânienne puis est ressortie. Décédé à 20 h 30 à l’hôpital Saint-Louis, il habitait et travaillait comme ouvrier du bâtiment au centre de formation de Saint-Priest (Rhône) ; ➞ Maurice Lurot (41 ans), né en 1912 à Montcy-Saint-Pierre (Ardennes). La balle est entrée dans la poitrine au niveau du sternum et a traversé le poumon et le thorax. Décédé à l’hôpital Saint-Louis, il était ouvrier métallurgiste à Paris ; ➞ Tahar Madjène (26 ans), né en 1927 au douar Harbil (Algérie). Frappé d’une balle sous la clavicule gauche qui lui a perforé le cœur et les poumons, il est décédé à 17 h 40 à l’hôpital Tenon ; ➞ Amar Tadjadit (26 ans), né en 1927 au douar Flissen (Algérie). Il a reçu une balle qui a atteint le cerveau dans la région frontale gauche. Il présentait, en plus, de nombreuses traces de violences au niveau de la face. Décédé à 20 h à l’hôpital Saint-Louis.
Tandis que les balles sifflent encore sur place de la Nation, les secours s’organisent. Beaucoup d’Algériens préfèrent se soigner chez eux, ils craignent de se faire arrêter à l’hôpital. Les hôpitaux les plus proches sont pleins, un formidable mouvement de solidarité envers les blessés s’organise. On fait la queue (surtout chez des gens de gauche) pour les voir, leur parler et les réconforter. On leur apporte des fruits, des légumes, des cadeaux…
UNE « ÉMEUTE COMMUNISTE »
Le traitement de l’information est diamétralement différent dans les journaux. D’un côté, la presse anticommuniste reprend la version policière de l’émeute algérienne. Scénario que l’on retrouve dans Le Figaro, l’Aurore, le Parisien libéré, France-Soir, ou de façon atténuée dans Le Monde, quotidien qui va évoluer au fil des jours. Exemple de L’Aurore qui titre en une : « Ce 14 juillet, hélas ensanglanté par une émeute communiste ». Sous-titre : « 2 000 Nord-Africains attaquent sauvagement la police ». Les articles de deux journaux de gauche (Libération et L’Humanité) rétablissent la vérité. Mais l’information va progressivement disparaître de la une à partir du 24 juillet.
En Algérie, il y aura quelques arrêts de travail, mais peu de débrayages. Le 21 juillet 1953, un hommage est rendu à la Mosquée de Paris devant les cercueils des victimes algériennes recouverts du drapeau algérien. Le soir, un important meeting de protestation est organisé au Cirque d’hiver à Paris et le 22 juillet, c’est le jour des obsèques du militant CGT Maurice Lurot à la Maison des métallos, rue Jean-Pierre Timbaud (Paris 11e). Le drapeau algérien recouvre ceux des victimes algériennes et le drapeau rouge celui de Maurice Lurot. Dans l’après-midi, c’est le départ des convois funéraires des victimes algériennes jusqu’à Marseille pour les ramener en Algérie. Ensuite, une foule estimée à plusieurs milliers de personnes accompagne à pied le cercueil de Maurice Lurot jusqu’au cimetière du Père-Lachaise. En fait, les autorités françaises ont très peur du rapatriement des corps en Algérie, car la tuerie du 14 juillet a un grand retentissement. C’est surtout le quotidien de la gauche algérienne, Alger républicain, proche du Parti communiste algérien (PCA)et dirigé par Henri Alleg qui donne le plus d’écho à cet événement. Des grèves éclatent, des débrayages ont lieu et un large comité de soutien aux familles des victimes se constitue avec des représentants du MTLD, du PCA, et de toutes les forces progressistes du pays. La foule se presse devant le port d’Alger et se recueille devant les cercueils. Puis les convois funéraires prennent les directions de leurs villages.
LES MENSONGES DES POLICIERS ET DE LA JUSTICE
Évidemment, le soir même du drame, la hiérarchie policière et le gouvernement ont entrepris une vaste opération que l’on peut résumer à un véritable « mensonge d’État ». Pour eux, ce sont les Algériens qui étaient agressifs et qui ont même tiré sur les forces de l’ordre d’où leur conclusion de « légitime défense ». Ainsi dans les archives de la police ou du juge d’instruction, l’unanimisme des affirmations des représentants des forces de l’ordre est pour le moins troublant, car ils seront 55 à avoir, sans aucune preuve, « entendu des coups de feu qui venaient du côté des manifestants ou du côté de la place de la Nation », là où se trouvaient les Algériens.
La fabrication du mensonge d’État s’est aussi illustrée par la façon dont le juge Guy Baurès a sélectionné les déclarations des policiers pour rendre ses conclusions de non-lieu. En effet, lorsqu’on regarde de plus près les dépositions mensongères des policiers, on remarque dans la marge de petits traits qui correspondent aux phrases que le juge d’instruction a relevées. Ces annotations vont lui servir à rendre son avis sur cette « violence à agents ». Bien entendu, le juge va écarter toutes les déclarations des Algériens, car pour lui elles ne sont pas assez précises, bien qu’accablantes pour la police.
L’autre grand mensonge d’État concerne l’analyse des balles et la récupération des douilles. On sait qu’au moins une soixantaine de balles ont été tirées (les 50 blessés par balle et les 7 tués). Or le dossier d’instruction ne fait état que de 17 douilles ramassées place de la Nation : une véritable anomalie. Or l’analyse des balles n’a été faite que sur les armes des 8 policiers qui ont affirmé avoir tiré. Soixante ans après, Robert Rodier qui reconnaît avoir alors tiré sur les Algériens confirme qu’il ne l’a jamais dit lors de l’enquête judiciaire : « Moi je sais que j’avais deux chargeurs de dix cartouches, il en est parti neuf. Et c’était à l’horizontale. » Et il confirme la manipulation :
C’est les gars en civil de notre service qui ont ramassé les douilles ! … C’est pour cela que l’on nous avait convoqués au Grand Palais un jour, et on nous a dit : “Ici vous pouvez parler. Vous pouvez dire ce que vous voulez.” Mais il fallait la mettre en veilleuse après !
André Brandého est encore plus précis sur cette question :
Mais les balles… Les gars allaient en chercher chez Gastinne-Renette, avenue Franklin-Roosevelt, là où il y avait une armurerie [pour mettre des neuves dans leur chargeur] ; j’ai un collègue qui a pris une boîte complète pour remplacer celles qu’il avait tirées.
Dans les archives du département de la Seine, j’ai pu identifier, à partir des archives accessibles, 47 manifestants blessés par les tirs policiers du 14 juillet 1953. Deux autres blessés par balle, et hospitalisés à l’hôpital Saint-Antoine (Paris 12e) : Vasvekiazan (tête) et Cyprien Duchausson (main) sont également mentionnés dans L’Algérie libre, le journal du MTLD (numéro spécial du 29 juillet 1953), mais je n’ai retrouvé aucune trace de leur hospitalisation. Cela dit, il y a eu certainement d’autres blessés par balle, comme Mohamed Zalegh, qui n’est pas allé à l’hôpital, mais m’a déclaré en 2012 : « La bagarre a commencé quand ils ont voulu prendre le portrait de Messali. Moi, j’ai été touché là ! Au derrière par une cartouche. Cela brûle la veste, la peau ».
À tous ces blessés par balle, il faut bien entendu ajouter les nombreux blessés à coups de matraque.
« LA SUITE, C’EST LE DÉCLENCHEMENT DE LA RÉVOLUTION DU 1ER NOVEMBRE 1954 »
La hiérarchie policière va profiter du mensonge d’État pour renforcer son arsenal répressif. Deux corps de police spécifiques vont être créés peu de temps après le 14 juillet. Un premier, les compagnies d’intervention ou compagnies de district, qui vont être mieux équipées et spécialisées dans le maintien de l’ordre. On les retrouvera en action lors des manifestations du 17 octobre 1961 et du 8 février 1962 au métro Charonne.
L’autre corps qui est créé dès le 20 juillet est la “Brigade des agressions et violences” (BAV). Qui se spécialisera surtout par des contrôles de population algérienne dans les cafés et les hôtels en constituant un fichier de tous les individus nord-africains.
Enfin, une autre conséquence, très surprenante, de cette manifestation est donnée par l’historienne Danielle Tartakowsky :
À la suite de cette manifestation du 14 juillet 1953, tous les cortèges ouvriers dans Paris vont être interdits… jusqu’en 1968. Il n’y aura plus de défilés du 1er Mai à Paris, mais seulement des rassemblements, souvent dans le bois de Vincennes… Et ce sera aussi le dernier défilé populaire du 14 juillet à Paris.
Enfin, dernière conséquence et non des moindres, le massacre du 14 juillet 1953 va être un déclic pour nombre de militants nationalistes pour passer à la lutte armée. En effet, il faut savoir qu’en 1953, le MTLD était déjà en crise. Le conflit entre Messali Hadj et le comité central du mouvement avait pris un tournant dès le congrès d’avril 1953, quand de nouveaux statuts limitant les pouvoirs du président avaient été adoptés. L’été 1954 verra la création de deux congrès du MTLD, les uns excluant les autres. Dans cette situation, Mohamed Boudiaf et 5 autres militants nationalistes contactent les anciens de l’Organisation spéciale (OS), organisation paramilitaire du PPA pour créer le Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA). Officiellement pour unir le parti, mais surtout pour passer à la lutte armée. Cette décision amena à la « réunion des 22 » militants du PPA qui fixera au 1er novembre 1954 le déclenchement de la libération nationale avec la création du FLN. Finalement, la répression aveugle en plein Paris du 14 juillet 1953 sonne à la fois comme un prélude et un déclic à une véritable lutte armée guerre totale. Indiscutablement, comme l’affirment certains témoins de cette répression aveugle, on peut dire que ce 14 juillet 1953, ont été tirés les premiers coups de feu de la guerre d’Algérie.
UN DRAME EFFACÉ DES MÉMOIRES
En dehors d’une banderole du MTLD dépliée le 1er mai 1954 au bois de Vincennes, d’une minute de silence observée à la mémoire des victimes lors du congrès « messaliste » du MTLD en juillet 1954, d’un article dans Liberté, organe du PCA et d’un très bon reportage dans le mensuel du Secours populaire (La Défense, juillet-août 1954), on peut dire que dès l’été 1953, le drame du 14 juillet est quasiment oublié. En Algérie, la division du mouvement nationaliste et surtout la guerre d’Algérie (avec ses milliers de morts) auront vite recouvert cette tuerie. Et puis, le nouveau pouvoir issu de la révolution de 1962 — dirigé par Ahmed Ben Bella puis par Houari Boumediene après son coup d’État de 1965 — a cultivé un certain « patriotisme sélectif », au détriment de la vérité historique.
Honorer des gens qui défilaient derrière le portrait de Messali Hadj, qualifié pendant longtemps de « traître à la révolution », était impensable pour ce nouvel État au parti unique. Ces six victimes algériennes n’ont jamais été reconnues par le pouvoir comme martyrs de la révolution et aucune indemnité n’a été versée aux familles jusqu’à aujourd’hui.
En France, le drame du 14 juillet 1953 a lui aussi disparu très tôt de la mémoire collective. De plus, pour l’ensemble des Français, l’intérêt pour les événements internationaux se focalise non pas sur l’Algérie, mais sur la guerre en Indochine (commencée en 1946). Cela dit, un autre facteur a favorisé l’effacement mémoriel de l’événement, comme l’explique l’historienne Danielle Tartakowsky : quelques mois avant le 14 juillet, le PCF, par la voix de Maurice Thorez, avait décidé d’abandonner la ligne dure d’affrontement « classe contre classe » pour revenir à une union de la gauche et de toutes les forces démocratiques. La grève d’août 1953 sera dans la droite ligne de cette nouvelle stratégie, avec un recentrage sur des problèmes salariaux et syndicaux. Cette manifestation du 14 juillet vient donc perturber la nouvelle orientation.
L’histoire de France ne veut pas se souvenir ni même retenir ces morts algériens, comme ce fut le cas pour ceux du 17 octobre 1961, contrairement à la répression au métro Charonne de la manifestation du 8 février 1962 : des écoles, des stades, des rues portent les noms des victimes. Là, rien… Cette forme de différentialisme fondé sur le « eux et nous » puise sa source dans un patriotisme ethnocentré, loin des valeurs universelles. Il y a aura pourtant en France, comme en Algérie un timide retour de la mémoire à partir des années 1980-1990, mais surtout dans les années 2000 avec le chapitre du livre de Danielle Tartakowsky sur Les Manifestations de rue en France, 1918-1968 (éditions de la Sorbonne, 1997), et le premier livre sur ce drame écrit par Maurice Rajsfus, 1953. Un 14 juillet sanglant (Viénot, 2003 ; éditions du Détour, 2021) et enfin, plusieurs chapitres très documentés du livre d’Emmanuel Blanchard La Police parisienne et les Algériens (1944-1962) (Nouveau Monde, 2011). En Algérie, on peut quand même signaler un hommage rendu à Amar Tadjadit dans son village à Tifra en 2006 et une journée d’étude sur Larbi Daoui à Tiout en 2009.
Ce massacre doit être reconnu comme crime d’État, au même titre que ceux du 17 octobre 1961 et du 8 février 1962. Une première étape importante de cette réhabilitation a déjà eu lieu le 6 juillet 2017. La mairie de Paris, sur proposition de Nicolas Bonnet Oulaldj, président du groupe communiste, a organisé la pose d’une plaque commémorative place de la Nation à la mémoire des victimes de cette répression du 14 juillet 1953. Depuis, avec la Ligue des droits de l’homme, la mairie du 12e arrondissement de Paris et différentes associations et partis, chaque année une commémoration et un bal populaire sont organisés place de la Nation pour perpétuer cette mémoire.
DANIEL KUPFERSTEIN
Illustration : manifestation du 14 juillet 1953, le défilé des travailleurs algériens (archives de la CGT).
En 1954, le service militaire, d’une durée de dix-huit mois, était un passage obligé – et ritualisé: «Bon pour le service, bon pour les flles», entendait-on à l’issue des «trois jours» de présélection. Le service s’inscrivait dans une continuité logique d’entrée dans l’âge adulte, avec la fn des études, les débuts dans la vie professionnelle puis la fondation d’une famille. Avant leur départ pour l’Algérie, les appelés effectuaient leurs classes pour apprendre à marcher au pas et se familiariser avec le maniement des armes. C’était là aussi que des amitiés se nouaient – et que l’on faisait l’apprentissage de la discipline, voire de l’arbitraire. Avec les besoins sans cesse grandissants de l’armée, les appelés ont été de plus en plus nombreux à effectuer leurs classes directement en Algérie.
TRAMOR QUEMENEUR
Un tract précoce contre la guerre
Nous sommes des soldats de tous contingents – appelés, maintenus, rappelés – qui devons partir incessamment pour l’Afrique du Nord. Croyants et incroyants, chrétiens et communistes, juifs et protestants, nous voulons nous recueillir pour la paix et la fraternité en Afrique du Nord. […]. Notre conscience nous dit que cette guerre que nous avons à porter contre nos frères musulmans, et dont beaucoup sont morts pour défendre notre pays, est une guerre contraire à tous les principes chrétiens, à tous les principes de la Constitution française, au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, à toutes les valeurs dont notre pays s’enorgueillit justement. […] Nous serions prêts, demain, à prendre les armes contre toute armée qui viendrait jouer ici le rôle que l’on veut nous faire jouer aujourd’hui en Afrique du Nord. Nous ne sommes pas des objecteurs de conscience, mais si nos bras tremblent en tirant sur nos frères musulmans, il faut que tous les Français le sachent, c’est parce que notre conscience se soulève.»
> Tract intitulé «Silence pour la paix. Ce que signife la présence des rappelés à l’église Saint-Séverin».
Les 24 et 28 août 1955, quelques jours après le soulèvement du Nord-Constantinois, des décrets de rappel des jeunes gens ayant terminé leur service militaire, et de maintien sous les drapeaux de jeunes gens en train d’accomplir leur devoir national, sont passés. Ils concernent respectivement 62 000 et 180 000 personnes. Ces mesures impopulaires entraînent de nombreux incidents. Le mécontentement tient au fait de devoir faire une nouvelle période sous les drapeaux, mais des revendications anticolonialistes existent, comme dans ce document distribué le 29 septembre 1955.
«Tu te rends compte, un an (presque) sans revenir chez soi»
Bien chère maman, Je suis sorti de l’infrmerie, ce matin. J’ai été me renseigner pour mon départ en “perme”; je ne pars pas avant le 3 septembre, et en plus de cela je n’ai que 6 jours à prendre; ces salauds-là, ils m’ont déduit les 2 jours que j’avais pris à Noël ; alors au lieu de 8 jours je n’en ai plus que 6 ; pour ma dernière “perme” cela va être très court. Ils auraient dû faire un petit effort. Je ne sais pas si tu te rends compte, un an (presque) sans revenir chez soi, et dans un bled perdu à “Tataouine”, c’est presque un encouragement à devenir déserteur, ce truc-là.»
> Lettre de Bernard Henry à sa mère, août 1957.
Employé parisien du Printemps, Bernard Henry est appelé au service militaire en 1957. D’abord affecté en Allemagne, après avoir été muté au 588e bataillon du train, le caporal Bernard Henry, né en 1937, est « chef de pièce » dans une compagnie opérationnelle. Il subira des attaques régulières qui le plongeront dans l’inquiétude (lire p.27).
LA PAGAILLE VUE PAR UN SÉMINARISTE
Je me présente à la caserne, à Rennes, le mardi matin, où je retrouve mes anciens copains de Madagascar. Nous attendons notre départ pour Rivesaltes. Je suis étonné du calme de ces soixante-dix “maintenus sous les drapeaux”. […] Le mercredi à 16 heures, nous embarquons dans les camions […] pour la gare. Les types, en général, sont calmes, mais nous nous apercevons bientôt qu’il y a des flics à tous les carrefours, un panier à salade plein de CRS et une patrouille d’engagés en armes. Résultat : nous nous énervons et nous apostrophons les flics et les rempilés. […] Les types gueulent tout ce
qu’ils peuvent. Sur les wagons sont inscrits les cris UN DÉPART LES LARMES AUX YEUX
préférés : “Les engagés au Maroc. La quille pour
les rappelés”; “Flics au Maroc, CRS dans l’Aurès”, Il est 16 heures, nous ne faisons rien, depuis ce matin, nous etc. On n’entendra plus que ces vociférations avons juste touché nos rations pour le voyage et notre dans toutes les gares […]. À Nantes, chahut armement; j’ai une mitraillette, mais on ne sait pas si nous monstre, occupation du buffet. Les types boivent, la garderons là-bas. La journée est monotone, nous se saoulent, cassent les verres, renversent les attendons ce soir avec impatience. Ce matin, chaises, interpellent les gendarmes et les je suis parti vite car j’avais autant que gradés. À Toulouse, nous devons faire 200 toi envie de pleurer. Je suis arrivé à la mètres le long de la gare de triage pour caserne à Vincennes à 7h10. Le capiretrouver la cantine. Un camion de CRS taine vient de faire un appel, nous est stationné à côté, dès qu’ils nous partons ce soir vers 22 heures.»
aperçoivent, ils courent et remontent
dans leur camion qui va se cacher > Lettre de Jean Billard à sa derrière un hangar ! » fancée, mardi 18 décembre 1956. > Journal de Stanislas Hutin, Jean Billard, né en 1935, a été incorporé le 9 mai 1956 puis affecté au 584e bataillon du novembre 1955. train. À la mi-décembre 1956, il apprend son départ pour l’Algérie. Ses Lettres d’Algérie Stanislas Hutin est un jeune séminariste lorsqu’il est envoyé ont été publiées aux éditions Canope en 1998.en Algérie en novembre 1955. Il vient d’accomplir treize mois de service militaire à Madagascar et apprend, lors de sa libération, qu’il est maintenu sous les drapeaux et affecté en Algérie. Il a publié son Journal de bord aux éditions GRHI en 2002. POÈME DE STANISLAS HUTIN
Je vais là-bas. / J’y vais, la honte sur le dos. / La honte qui a revêtu sur moi la couleur de bataille. / J’y vais sans le vouloir. / Attiré par la lumière d’un pays neuf pour moi, / Honteux de ce que je porte sur moi, / Fort de ce que je porte en moi. / Ce qui est sur moi n’est pas de moi; / On me l’a posé sur le dos. / Et si je ne l’avais pas accepté? / Je n’ai pas pu ne pas l’accepter. Et même, en suis-je sûr? / Je ne sais plus… / Je pars pourtant, de l’amour plein l’âme. / Je pars, la haine en bandoulière, / La haine qui n’est pas de moi, qui n’est pas à moi: / Ce fusil-mitrailleur! / Que Dieu fasse que jamais / Cet engin ne crache contre la vie, / À cause de moi. Novembre 1955.
Je vais là-bas. /
J’y vais, la honte sur le dos. /
La honte qui a revêtu sur moi la couleur de bataille. /
J’y vais sans le vouloir. /
Attiré par la lumière d’un pays neuf pour moi, /
Honteux de ce que je porte sur moi, /
Fort de ce que je porte en moi. /
Ce qui est sur moi n’est pas de moi; /
On me l’a posé sur le dos. /
Et si je ne l’avais pas accepté? /
Je n’ai pas pu ne pas l’accepter. Et même, en suis-je sûr? /
Je ne sais plus… /
Je pars pourtant, de l’amour plein l’âme. /
Je pars, la haine en bandoulière, /
La haine qui n’est pas de moi, qui n’est pas à moi: /
Ce fusil-mitrailleur! /
Que Dieu fasse que jamais /
Cet engin ne crache contre la vie, /
À cause de moi. Novembre 1955.
PREMIERS DE CORVÉE
De nombreux appelés du contingent, bien que libérables, sont maintenus sous les drapeaux et envoyés en Algérie : au cours des six premiers mois de l’année 1956, le nombre de soldats présents en Algérie passe de 200 000 à 400 000.
Réal Siellez nous ramène en 1964, deux ans après la fin de la Guerre d’Algérie, et nous raconte l’histoire d’un des tubes de Gilbert Bécaud, L’orange.
Au début des années 1960, Gilbert Bécaud, déjà surnommé "monsieur 100.000 volts", chante et sort des albums depuis une dizaine d’années. Et pourtant, ses plus grands titres sont encore à écrire. "L’important, c’est la rose", "Je reviens te chercher" ou encore "Un peu d’amour et d’amitié" sont encore dans la plume de l’auteur et compositeur français.
En 1964, Gilbert Bécaud s’apprête à retourner à la maison, à savoir à l’Olympia, cette salle qui l’a révélé et consacré, celle dans laquelle il se produira 31 fois, un record. Pour ce retour à l’Olympia, Bécaud réserve la création et la première interprétation d’un autre de ses tubes… "Nathalie".
Pourtant, malgré ce tube en devenir, Bécaud sent qu’il lui manque une chanson pour son concert à l’Olympia.
A deux semaines du concert, Bécaud est dans sa cabane du Chesnay avec son ami et parolier Pierre Delanoë et lui demande s’il n’a pas une chanson en magasin pour compléter son programme. La réponse est non. Bécaud lui rétorque alors "c’est pas compliqué, dis-moi le premier mot qui te passe par la tête". "Je lui réponds ORANGE…", explique Delanoë : "A partir de là, cette orange, on n’allait pas la cueillir ni la vendre ou l’éplucher. En revanche, le vol introduisait une dimension dramatique. Le côté antiraciste de la chanson est venu naturellement."
La force de cette chanson, c’est ce chœur accusatoire, qui a bien plus de texte et de présence vocal que l’interprète principal, qui se débat par des cris chantés au milieu de la vindicte populaire. Le propos de la chanson est bien une accusation d’ordre raciste. Les exemples sont surréalistes, l’image du sang qui coule sur les doigts amène une portée criminelle alors qu’il s’agit juste d’une orange sanguine, les mains crochues sont à la fois une image fantasmée du méchant de conte que l’on devine en filigrane, et une correction de texte, puisque dans le texte originel, on évoquait un "nez crochu", insulte archétypale hautement antisémite qui a été modifiée avant la première interprétation… Le racisme étant déjà assez clairement présent dans la chanson.
Le contexte historique de l’écriture de cette chanson est très important. En effet, nous sommes en France en 1964… Depuis deux ans, des milliers d’Algériens sont venus s’installer en France.
L’orange est donc une chanson qui traite de la peur de l’étranger qui arrive sur les marchés de la belle France. Le fruit, c’est le travail de cueillette et de vente retiré de la main du bon patriote, et la nourriture confisquée de la bouche de sa famille.
Et l’indice sur l’origine algérienne du personnage dessiné par Bécaud et Delanoë, se trouve peut-être dans sa défense : "je cherchais l’oiseau bleu". Cet oiseau bleu, c’est, entre autres, le nom de code d’une opération des services secrets français lors de la guerre d’indépendance d’Algérie. Elle avait pour objectif de détacher de la rébellion algérienne des centaines de Kabyles pour les transformer en commandos clandestins au sein de leur propre front de libération national, à savoir le FLN.
Quand l’interprète, qui incarne l’étranger, dit à la foule – qui finira tout de même par le pendre -, qu’il cherche l’oiseau bleu… Il veut potentiellement se protéger en assurant aux rageux écumants qu’il a été prêt à trahir sa nation d’origine pour être des leurs.
L’orange, une chanson qui dénonce le racisme en le mettant en scène et qu’il est bon de remettre sur le devant de la scène, tant son sujet est encore et bien malheureusement, actuel.
Paroles
Tu as volé as volé as volé l'orange do marchand {x2}
Vous êtes fous, see'est pas moi, je n'ai pas volé l'orange J'ai trop peur des voleurs, j'ai pas pris l'orange do marchand
Oui, ça ne peut être que toi Tu es méchant et laid why avait comme do sang sur tes doigts Quand l'orange coulait Oui see'est bien toi qui l'as volée Avec tes mains crochues Oui see'est bien toi qui l'as volée why a quelqu'un qui t'a vu
Vous vous trompez Je courais dans la montagne Regardant tout le temps Les étoiles dans les yeux Vous vous trompez Je cherchais dans la montagne L'oiseau bleu
Tu as volé as volé as volé as volé as volé as volé l'orange Tu as volé as volé as volé l'orange do marchand why avait longtemps qu'on te guettait Avec tes dents de loup why avait longtemps qu'on te guettait T'auras la corde au cou Pour toi ce jour see'est le dernier Tu n'es qu'un sale voleur D'abord tu n'es qu'un étranger Et tu portes malheur
Vous vous trompez Je courais dans la montagne Regardant tout le temps Les étoiles dans les yeux Vous vous trompez Je cherchais dans la montagne L'oiseau bleu. J'ai pas volé pas volé pas volé pas volé pas volé pas volé l'orange J'ai pas volé pas volé pas volé l'orange do marchand
Tu as volé as volé as volé as volé as volé as volé l'orange Tu as peur. Jamais plus tu ne voleras l'orange
J'ai pas volé pas volé pas volé l'orange do marchand
Tu as volé as volé as volé l'orange do marchand Tu la vois elle est là La corde qui te pendra La corde qui te pendra.
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