Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
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Le drame a choqué toute l’Algérie. Le 26 septembre, en Kabylie, Ryma Anane, 28 ans, enseignante de français, a été attaquée par son voisin alors qu’elle s’apprêtait à prendre le bus pour aller à son travail. Il l’a aspergée d’essence et brûlée vive à l’aide d’un briquet.
La nouvelle s’est répandue très vite sur les réseaux sociaux. Selon des sources locales, l’agresseur a fini par se rendre à la police quelques heures après l’attaque. D’après ses aveux, il aurait agi ainsi parce que la jeune femme avait refusé de se marier avec lui et choisi un autre futur époux.
« Son dos et son cou en flammes, Ryma s’empresse d’aller chercher de l’aide. Arrivée chez elle, elle s’effondre, et bredouille quelques mots : ‘’Il a brûlé mon avenir !’’ », rapporte le site d’information TSA.
Après son transfert à l’hôpital de Tizi Ouzou (Kabylie), les médecins ont jugé que son état nécessitait une prise en charge rapide à l’étranger au regard de la gravité des brûlures (60 % de son corps).
Rapidement, la solidarité s’est organisée à travers les réseaux sociaux et une cagnotte a été lancée pour payer les frais d’un transfert en Europe.
« La famille s’est d’abord tournée vers l’hôpital Saint-Louis à Paris, connu pour son expertise des grands brûlés. D’après le devis consulté par France 24, l’hôpital demandait plus de 316 000 euros pour 70 jours d’hospitalisation en réanimation », relate France 24.
Mais l’établissement n’a pas accepté l’échelonnement de la facture. « Qui peut faire ça ? Cela a retardé la prise en charge de Ryma à l’étranger. Et pendant ces quelques jours, elle aurait pu y passer », témoigne toujours sur France 24 un ami de la victime.
Faute d’avoir pu obtenir un visa pour la France, l’entourage de Ryma s’est tourné vers l’Espagne, qui a accepté de lui en délivrer un. Et grâce à une société d’assistance médicale, ADM international, la famille a pu trouver un hôpital à Madrid qui proposait un devis moins onéreux, avec par ailleurs la possibilité de payer par tranches.
Ryma a donc été transférée en Espagne par avion médicalisé grâce aux efforts de ses proches et des nombreux donateurs en Algérie et à l’étranger. Selon les dernières informations, son état se serait stabilisé.
La cellule de veille indépendante Féminicides Algérie relève qu’une jeune femme, mère de quatre enfants, a été assassinée, brûlée vive, par son époux le 16 avril 2022. Depuis le début de l’année, 32 cas de féminicides ont été recensés par les militantes.
Par
MEE
Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
Le quotidien francophone, symbole de la presse privée née dans les années 1990, croule sous les dettes et ne peut plus payer ses salariés.
Un homme lit le quotidien « El Watan », à Alger, en septembre 2019. RYAD KRAMDI / AFP
Le journal « s’achemine vers la fermeture définitive ». Le constat du directeur de publication d’El Watan, Mohamed Tahar Messaoudi, confirme à sa façon la fin de « l’aventure intellectuelle », terme utilisé en 1990 pour désigner le démarrage, avec l’aide de l’Etat, d’une presse privée. Le quotidien francophone algérien, florissant il y a encore quelques années, est incapable de payer ses salariés depuis mars.
De guerre lasse, ceux-ci se sont engagés le 12 juillet dans une grève à répétition. Dimanche 24 juillet, ils ont entamé une nouvelle grève de quatre jours qui pourrait devenir illimitée. Trois mois après la décision du milliardaire Issad Rebrab de saborder le journal Liberté sans possibilité de reprise, c’est donc un autre titre phare de cette « aventure intellectuelle » qui risque de disparaître.
Lancé en 1990 par des journalistes venus du secteur public, El Watan a connu une longue période faste qui lui a permis d’investir, en association avec le journal arabophone El Khabar, dans une imprimerie. Mais depuis quelques mois, sa situation est devenue intenable. Ses comptes sont bloqués, l’administration fiscale lui réclamant 55 millions de dinars (près de 370 000 euros) de charges impayées tandis que le Crédit populaire d’Algérie exige le paiement d’une partie d’uncrédit de 45 millions de dinars.
Des dettes largement contractées, selon la direction, durant la période de la pandémie de Covid-19, qui « a lourdement impacté la santé financière de l’entreprise ».
Un « paquebot » désespérément vide
Si pour une partie du lectorat – qui s’est considérablement effrité au fil des ans –, El Watan est un « journal de référence » qu’il faut défendre à tout prix, d’autres réservent leur soutien aux salariés, en conflit avec les 18 actionnaires, auxquels ils reprochent une « mauvaise gestion » et l’absence de « geste envers les employés ». En aparté, des salariés estiment que les actionnaires ont suffisamment engrangé de dividendes, durant la longue période où le journal a été abondamment servi en publicité, pour être en mesure de débloquer la situation.
Des salariés estiment que les actionnaires ont engrangé assez de dividendes pour être en mesure de débloquer la situation
Les échanges ont tourné à l’aigre entre les deux parties à la suite du placardage d’une affiche clamant : « Nous travaillons, ils profitent ». En réaction, M. Messaoudi a accusé la section syndicale, dirigée par la journaliste Salima Tlemçani, d’être manipulée par l’ancien ministre de la communication Amar Belhimer, qui a mené une politique particulièrement agressive contre les médias indépendants.
Le directeur de publication a ainsi vu dans le slogan une « étrange similitude » avec le discours de M. Belhimer cherchant à accréditer, selon lui, la thèse qu’il y a « d’un côté une direction exploiteuse, qui profite affreusement du labeur de ses employés, et de l’autre un potentiel de travailleurs soumis à une exploitation implacable ». La direction devrait « regarder un peu du côté de la gouvernance de l’entreprise depuis sa création », a rétorqué la section syndicale.
L’une des erreurs de gouvernance les plus visibles est celle du nouveau siège du journal, construit au quartier des Oasis, à Hussein-Dey, avec vue imprenable sur la baie d’Alger. Le « paquebot » de huit étages, terminé en 2016, est resté en cale sèche, désespérément vide, l’administration refusant de donner un certificat de conformité en raison d’une surélévation non prévue dans le plan. Les dirigeants du journal ont ainsi offert une « aubaine » légale au clan du président de l’époque, Abdelaziz Bouteflika, qui n’avait guère apprécié ses prises de position, en 2014, contre un quatrième mandat du chef de l’Etat.
A partir de cette année-là, le journal a vu la publicité institutionnelle se tarir, tandis que les opérateurs privés, par prudence ou sous pression, quittaient eux aussi le navire. Si la chute de M. Bouteflika au printemps 2019, à la suite du mouvement du « Hirak », a permis un rétablissement de la publicité publique, celle-ci a finalement été stoppée en août 2020 après la publication d’un article sur les biens des enfants de l’ancien chef de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah.
« On sablera le champagne à Rabat »
Les difficultés d’El Watan illustrent la situation de crise de la presse écrite en Algérie, dont le modèle économique est totalement dépendant de la publicité. Un levier puissant entre les mains des autorités, qui peuvent ainsi « réguler » les médias sans avoir à recourir aux suspensions et aux fermetures de titres.
Avec l’arrivée au pouvoir de M. Bouteflika, en 1999, une flopée de titres au tirage anecdotique avaient vu le jour pour émarger à la publicité institutionnelle, qui transite obligatoirement par l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP). La gestion de la manne a favorisé les dérives, comme l’a illustré en juin la condamnation à six mois de prison de l’ancien international de football Rabah Madjer, propriétaire de deux journaux qui ont continué de recevoir pendant une année des chèques publicitaires alors qu’ils avaient cessé de paraître.
A partir de 2012, les ressources de la publicité (estimées par certains spécialistes à 200 millions d’euros par an), notamment des opérateurs de téléphonie et de l’agroalimentaire, ont largement quitté la presse écrite pour les télévisions privées, au statut précaire et révocable sans aucune forme de procès. Résultat : les autorités ont aujourd’hui un pouvoir de vie et de mort sur l’ensemble des médias.
Dans un éditorial-plaidoyer en direction des pouvoirs publics, El Watan affirme que si le journal venait à disparaître, « on sablera le champagne à Rabat », où l’on goûte peu son soutien au mouvement indépendantiste sahraoui du Front Polisario ; quant aux intégristes religieux, contre lesquels le quotidien a bataillé durant la décennie noire des années 1990, ils « trinqueront ». Mais chez les journalistes en grève, le sentiment prévaut que ni les actionnaires ni le pouvoir ne veulent éviter la fin de parcours du journal.
L'une des grandes réalisations emblématiques de l'Algérie indépendante fut le « Barrage Vert » qui fut lancé, voilà plus d'un siècle en concomitance, à l'époque, souvenez-vous, avec le grand chantier de réhabilitation du périmètre d'El Abadla, à Bechar.
Lancé par Feu Houari Boumediene, le Barrage Vert consistait à réaliser une immense barrière végétale formée d'essences forestières notamment, couvrant une vaste partie des Hauts Plateaux et de l'Atlas Saharien. Il s'agit, en fait d'une ceinture boisée qui devait servir de rempart à l'avancée du désert qui menaçait, à cette époque déjà, d'engloutir plus de sept millions d'hectares, particulièrement les zones steppiques. A l'époque, «l'opinion mondiale n'était pas aussi sensible qu'elle ne l'est aujourd'hui, aux problèmes écologiques et aux questions de dégradation des écosystèmes naturelles. C'est dire à quel point l'Algérie était en avance sur des questions aussi importantes, que celles du dérèglement climatique, de la désertification et du réchauffement planétaires, qui font le «buzz» aujourd'hui (Nordine Grim, 2020».
Aujourd'hui, soixante ans d'indépendance du pays, on ne peut qu'être orgueilleux des pleins acquis enregistrés des décennies durant dont le barrage vert en constitue l'une des facettes de ces réalisations de pleine mesure que les autorités d'aujourd'hui veulent en lui donner une nouvelle dimension. La réhabilitation de cette œuvre emblématique de notre pays leader africain dans la prise de conscience pour lutter contre la désertification, est acte de civilisation culturale et culturelle, à la fois.
Historiquement, prôné comme étant une ceinture verte de plantations forestières et steppiques, le projet fut entamé en 1970, par décision juridique datant du 23 juin 1970 (JO-65) qui stipule la création du premier périmètre de reboisement à Moudjebara dans la wilaya de Djelfa qui fut d'ailleurs la pierre de lancement du barrage vert visant la reconstitution du couvert végétal par des peuplements forestiers et des plantations pastorales.
Ce projet d'envergure qui, à l'époque, avait été confiée aux jeunes du service national, pour sa réalisation avait pour objectif de réaliser une superficie de 3 millions d'hectares s'étendant sur 1.500 km et une largeur de plus de 20 km, il a connu dans la chronologie de son évolution trois grandes étapes essentielles. Il s'agit de :
1. La première étape est de 1970 à 1980 dont les travaux de réalisation se limitaient aux opérations de plantations et d'infrastructures. Cette période était marquée par la monoculture du pin d'Alep surtout. Le taux de réussite était assezmitigés modeste compte tenu des conditions écologiques locales peu favorables et à l'indisponibilité d'études susceptibles de préconiser les techniques et les espèces adaptées à la mise en œuvre du projet.
2. La deuxième phase, de 1981 à 1990, les lacunes ont été progressivement surmontées et des améliorations ont été apportées. Les opérations étaient prises en charge conjointement par les services des forêts et les appelés du service national. La provenance des semences était mieux maîtrisée et les essences de plants ont été diversifiées par l'introduction d'une quinzaine d'espèces locales ou exotiques.
3. La troisième étape, de 1990 à 1993, fut marquée par le désengagement des unités de réalisation de l'armée nationale populaire. Les services des forêts avaient pris le relais et toutes les mesures nécessaires pour poursuivre le programme. Il est toutefois à retenir que «lorsque les militaires lèveront le camp au printemps 1991, ils laisseront un bilan somme toutes très honorable de 280.000 hectares plantés en arbres forestiers et fruitiers.
A leur actif, il y a aussi la création d'un nombre considérable de pépinières d'où on puise aujourd'hui encore, une large gamme d'essences forestières et fruitières. On n'oubliera pas, non plus, toutes les retenues colinéaires qu'ils avaient réalisées pour mettre dans ces zones arides, de l'eau à la disposition des planteurs, ni les centaines de kilomètres de pistes et de tranchées pare-feux, laborieusement réalisées dans ces contrées lointaines et souvent enclavées » ( N. Grim 2020).
Un bilan établi pour le barrage vert, à l'époque a permis la réalisation de plantations forestières sur 121.000 ha, les plantations fruitières sur 3.000 h, pastorales sur 19.828 ha. Il a permis également de faire des fixations de dunes sur 2.465 ha, la réalisation de 42 unités de points d'eau, l'aménagement et l'ouverture de pistes sur 1553 Km (DGF, 2020).
Durant le quinquennat (2010-2014), une période correspondant à la mise en œuvre de la politique de renouveau agricole et rural la priorité fut donnée, au niveau de la zone du barrage vert, aux différentes plantations près de 11.600 ha en forestier, 5.500 ha en fourrager et pastorale et la plantation de plus de 7.100ha en fruitier pour protéger le sol contre l'érosion hydrique et éolienne.
Il y'a eu également la mise en défens de plus de 30.000 ha permettant d'améliorer l'offre fourragère pour satisfaire les besoins du cheptel existant, la réalisation de 330 unités de mobilisation d'eau et 1.900 km d'aménagement et d'ouverture de piste agricoles et rurales et plus de 27.000 unités d'élevage ont été distribuées.
Pour faire face au problème d'ensablement plus de 1.400 ha de dunes ont été fixées et plus de 1.700 ha de plantation de brise vent et d'alignement ont été réalisées.
Déjà, en 2010 et dans la perspective de l'élaboration d'un plan d'action permettant la protection, la réhabilitation et l'extension de cet ouvrage historique, la Direction Générale des Forêts a confié au BNEDER (Bureau national d'Études pour le Développement Rural), la réalisation d'une étude portant sur l'aire du barrage vert dont les résultats furent réceptionnés en 2016.
L'étude à travers ses résultats a prévu l'extension de l'aire du barrage vert de 3,7 à 4,7 millions d'hectares dont le domaine pastoral occupe 63%, les forets (18%) et le domaine agricole (15%) avec des objectifs d'appréhender les menaces qui pèsent sur le barrage, d'évaluer les impacts environnementaux et sociaux de cet investissement, d'analyser l'apport des différents programmes de lutte contre la désertification déjà menés et enfin, proposer un plan d'action opérationnel permettant la reprise et l'extension de l'ouvrage moyennant une stratégie adaptée au contexte économique, social et écologique qu'impose la réalité d'aujourd'hui.
Le plan d'action, issu de l'étude devra concerner les opérations de réhabilitation des plantations sur une superficie de 216.472 ha, l'extension forestière et traitement des dunes sur une aire de 287.756 ha; la réalisation de bandes routières vertes sur 26.780 ha ; l'extension agro-pastorale sur une superficie de 1.924. 620 ha ; la réalisation d'études d'aménagement et de développement forestier sur une surface de 354.000 ha, et d'études liées au classement de quatre (04) espaces fragiles en aire protégées sur une superficie de 33.570 ha.
Il est à noter qu'en date du 21 septembre 2019, le Conseil Interministériel, à travers ses résolutions est venu réconforter les programmes mis en place par le secteur de l'agriculture et du développement rural pour la lutte contre la désertification, il a été décidé, à l'occasion, la relance et la réhabilitation du Barrage vert avec la mise en place d'un dispositif permanent qui s'emploiera à la préparation, à la concrétisation et au suivi permanent du projet de restauration du barrage.
Une année plus tard, on se pencha sérieusement à la mise en œuvre du cadre conceptuel et opérationnel de relance du Barrage Vert et ce, sur orientations de Monsieur le Président de la République. Les résolutions du Conseil des ministres, tenu le 30 août 2020, mentionnent d'ailleurs, en termes d'urgence «de prendre les dispositions nécessaires pour relancer le barrage vert comme une priorité du secteur pour notamment arrêter la dégradation des terres».
Le projet fut par ailleurs inscrit comme action d'envergure dans le plan d'action du Gouvernement et la feuille de route sectorielle du développement agricole et rural, pour la période 2020-2024, lesquels sont l'émanation du Programme de Monsieur le président et de ses 54 engagements.
Dans la succession des opérations et en date du 17 juin 2021, le Ministère de l'agriculture et du développement rural, à travers la DGF, a lancé officiellement, à M'sila, l'initiative de restauration du barrage vert qui d'ailleurs, selon ses concepteurs, ne sera pas conçue seulement comme une opération de reboisement, mais plutôt comme une panoplie et mosaïque d'actions intégrées pour répondre aux problématiques ayant une incidence sur les conditions socio-économiques des populations des régions du Barrage vert.
Cette initiative a pour objectifs essentiels de lutter contre l'ensablement et la désertification en vue d'atteindre la neutralité de dégradation des terres et de mobiliser les ressources hydriques superficielles et souterraines, d'améliorer la résilience climatique des paysages agro-sylvo-pastoraux dégradés et séquestration du carbone et renforcer la résilience climatique des populations locales à travers la gestion des parcours et l'amélioration des chaînes de valeur des plantes forestières non ligneuses (PFNL) et des produits de l'élevage.
Pour ce faire, des mécanismes devront être mis en place pour assurer le soutien à l'agriculture pastorale de petite et moyenne taille, en particulier des femmes rurales, par le développement de petites fermes d'élevage et de plantations fruitières rustiques et améliorer les capacités techniques, organisationnelles et commerciales des habitants pour produire et commercialiser des PFNL (alfa, caroube, champignons, pistaches, noix et autres), des produits de l'élevage (laine pour tapis et burnous, ect.), l'apiculture à travers l'institution de coopératives, de poterie (artisanat) et d'autres produits de la steppe, tels que les plantes aromatiques et médicinales
Dans ce contexte et en vue d'appuyer l'initiative, il a été institué sur le plan organisationnel, un organe de coordination composé de représentants de 15 ministères, de 11 organismes et de représentants de la société civile, chargé de l'élaboration, de la mise en œuvre et de l'évaluation du programme national de lutte contre la désertification et de la relance du barrage. Cet organe a été installé le 25 octobre 2020, à l'occasion de la journée nationale de l'arbre.
Cet organe aura comme démembrement les comités locaux notamment au niveau des treize (13) wilayas concernées par le barrage vert. Ces comités seront chargés de la mise en œuvre du programme national de lutte contre la désertification et du plan d'action de la réhabilitation, extension et développement du barrage vert ;
Le cadre organisationnel comprend également l'institution d'un Comité scientifique et technique installé auprès de l'Institut National de la Recherche Forestière, chargé de la recherche en relation avec les missions de l'organe. Alors qu'une Direction dédiée au barrage vert « la Direction de la lutte contre la désertification et du barrage vert », a été créée au niveau de la DGF, par décret exécutif n° 20-302, du 15 octobre 2020 et qui aura pour tache l'élaboration de la stratégie nationale de la lutte contre la désertification et la mise en œuvre du plan d'action de réhabilitation, d'extension et de développement du barrage vert.
Il est à souligner aussi que le plan d'action de réhabilitation, d'extension et de développement du barrage vert devrait être appuyé par deux (02) projets de coopération technique avec la FAO et le PNUD. Le projet avec la FAO est intitulé «Amélioration de la résilience au changement climatique dans les zones de forêt sèche et steppiques du barrage vert algérien», qui concerne six 06 wilayas pilotes (Tébessa, Khenchela, Msila, Djelfa, El Bayadh et Naama)». Le projet de coopération avec le PNUD, intitulé : «Plan de restauration du barrage vert comme contribution à la mise en œuvre du PAN-LCD/aligné en Algérie» et qui cible sept (7) autres wilayas du barrage vert. Il s'agit des wilayas de Batna, Laghouat, Biskra, Sétif, BBA, Bouira et Médéa.
Ces deux projets viennent soutenir l'élaboration du plan national de réhabilitation, d'extension et de développement du barrage vert pour la période 2023-2030.
La mise en œuvre du Plan d'action de réhabilitation, d'extension et de développement du barrage vert se fera sous forme de projets de développement local, pour la période de 2022-2035 et concernera 13 Wilayas-173 communes-1200 localités dont 905 zones d'ombre (DGF, 2022).
Le barrage sera conçu alors, non seulement come une barrière à la désertification et à l'ensablement, mais vu sous une approche de protection des ressources naturelles, abordé sur une vision « sociaux économique » de valorisation de l'espace. Il sera par ailleurs conduit selon une démarche concertée intersectorielle. Il est à noter au demeurant que la carte de sensibilité à la désertisation effectuée en 2010 par la DGF, montre que plus de 13 millions d'hectares sont sensibles à la désertification uniquement dans la région steppique. Alors que la carte mondiale de dégradation des terres, réalisée en 2015 au profit du secrétariat de l'UNCCD mentionne que rien que pour la partie nord du pays 2,5 millions d'hectares sont dégradés en Algérie.
Cette tendance à la désertification constitue un autre justificatif pour la relance du barrage vert, car le phénomène de dégradation des terres, désertification demeure un problème des plus préoccupants, aggravées par les changements climatiques qui menacent la totalité des écosystèmes naturels et mènent à la réduction du potentiel et de la diversité biologique et la rupture des équilibres écologiques et socioéconomiques.
Dans ce cadre, il est utile d'envisager une approche intégrée visant à concilier d'une part la satisfaction des besoins des populations et d'autre part, la restauration et l'amélioration du potentiel productif des terres dans l'aire du barrage vert. La finalité étant la promotion économique et sociale des populations. Il devra par ailleurs viser la résorption du chômage par la création de créneaux porteurs de richesses et d'emploi et d'instaurer des écosystèmes favorables, à l'environnement, au tourisme et à l'agriculture et à la vie en milieu rural.
Enfin, il est à affirmer que la réhabilitation du barrage vert, œuvre emblématique de notre pays leadeur africain dans la prise de conscience pour lutter contre la désertification devra faire l'objet de priorités de développement vu sous l'angle de la durabilité écologique et la rentabilité économique.
Le Barrage vert est l'une des réalisations de ces soixante ans d'indépendance du pays que nous célébrons avec orgueil et fierté, sa réhabilitation est peut être considérée comme une œuvre de civilisation qui restera pour les générations présentes et futures nourris du sens que les arbres et les forets durent longtemps, le long temps des générations et ça sera un héritage pour les enfants d'Algérie d'aujourd'hui et de demain.
Les wilayas concernées aujourd'hui par le Barrage Vert: Biskra; Tebessa; Khenchela; Batna; Sétif; Msila; Bordj Bouarreridj; Bouira; Médéa; Djelfa; Laghouat; El Bayadh;Naama
1. UNCCD : Convention des Nations Unies pour la Lutte Contre la Désertification.
2. Nordine Grim (2020).- Barrage vert: au temps où l'Algérie était à la pointe du combat écologique. https://www.algerie-eco.com/2020/12/23/barrage-vert-au-temps-ou-lalgerie-etait-a-la-pointe-du-combat-ecologique/
3. Documents du Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural et de la DGF (2020-2022).
Les patients sont attirés par la Turquie pour des soins de chirurgie esthétique tels que les greffes de cheveux en raison des prix bon marché et de la rapidité des interventions (illustration de MEE)
Connue pour ses plages immaculées et ses merveilles architecturales, la Turquie attire également les touristes en quête de traitements de chirurgie esthétique
La vue d’hommes au cuir chevelu rougi et enflé et de personnes au nez bandé n’est guère une curiosité dans les rues d’Istanbul.
Pour des dizaines de milliers d’hommes à travers le monde, « aller en Turquie » est devenu synonyme de traitement de la calvitie.
Les vols depuis la ville turque vers l’Europe occidentale ou les États-Unis sont souvent remplis de personnes bandées qui cherchent à éviter le contact visuel avec les autres voyageurs.
L’injection d’acide hyaluronique, les traitements au botox et les rhinoplasties sont également des interventions populaires pour les touristes désireux de changer leur apparence.
Iran : explosion de la chirurgie esthétique pendant la pandémie
Des prix abordables, une entrée sans visa et des vols courts depuis une grande partie de l’Asie occidentale, de l’Afrique du Nord et de l’Europe ajoutent à l’attrait de la Turquie en tant que destination de tourisme médical et esthétique.
Cependant, certains experts observent la tendance avec inquiétude, dénonçant des tactiques de marketing contraires à l’éthique, des résultats qui ne correspondent pas toujours aux promesses et un manque de protection juridique.
Malgré cela, la Turquie est l’une des dix premières destinations mondiales en ce qui concerne le tourisme médical. La ville d’Istanbul compte à elle seule 600 cliniques enregistrées selon Patients Beyond Borders (PBB), une organisation spécialisée dans le tourisme médical.
Selon les médias locaux, plus de 100 000 personnes visitent le pays chaque année rien que pour des greffes de cheveux, la grande majorité provenant de pays arabes.
L’importance du coût
« Les gens peuvent trouver un service de qualité à des prix abordables et être suivis par des chirurgiens et techniciens qui connaissent bien leur travail », explique Erkam Caymaz à Middle East Eye.
Clinicien dans le domaine de la greffe de cheveux à la clinique Hair Upload d’Istanbul, le docteur Caymaz affirme que les patients sont attirés par la Turquie pour son approche globale du service client.
Par exemple, la plupart des cliniques du pays n’offriront pas uniquement un traitement de chirurgie esthétique, mais proposeront des forfaits globaux qui peuvent inclure les vols, les transferts depuis/vers l’aéroport, des solutions d’hébergement de luxe, des soins de suivi médical réguliers et même des visites de la ville.
Des hommes ayant subi une greffe de cheveux en Turquie (Reuters/Domine Jerome)
« L’industrie de la greffe de cheveux ne concerne pas seulement la chirurgie, mais aussi la rencontre du client à l’aéroport, l’hébergement, la réservation de l’hôtel et le suivi professionnel jusqu’au premier examen », détaille Caymaz.
Pour le client, cela signifie que chaque aspect de l’intervention est pris en charge – il lui suffit de se présenter le jour venu.
« Subir une intervention dentaire à l’étranger signifie que vous risquez de ne bénéficier d’aucune protection juridique, ce qui peut entraîner des difficultés ultérieures pour les patients »
- Sam Jethwa, dentiste esthétique
Les prix représentent un autre atout : le docteur Caymaz, par exemple, facture entre 4 000 et 6 000 dollars la greffe de cheveux, ce qui est considéré comme bon marché. D’autres pratiquent des prix aussi bas qu’un peu plus de 1 000 dollars, bien qu’inévitablement, la qualité du service varie beaucoup.
En comparaison, en France, les greffes de cheveux, qui ne sont pas remboursées par la sécurité sociale, peuvent coûter dans les 5 000 euros dans le privé.
De même, les rhinoplasties esthétiques peuvent coûter jusqu’à 8 000 euros en France, sans compter le coût des consultations et du suivi, alors qu’en Turquie, un tel acte est à moitié prix.
Les principaux frais généraux, comme les salaires du personnel, sont beaucoup plus bas en Turquie qu’en Europe occidentale ou aux États-Unis, tandis que les normes turques en matière de formation médicale sont relativement élevées par rapport à d’autres pays du Moyen-Orient ou d’Asie.
La crise économique que connaît actuellement la Turquie a également contribué à faire baisser les prix à un niveau qui soit abordable pour les Européens.
Rapidité de traitement
Mais le prix n’est pas la seule raison de la popularité des interventions de chirurgie esthétique en Turquie.
La rapidité de la procédure est un autre facteur, même s’il s’agit en quelque sorte d’une épée à double tranchant.
Les chirurgies de perte de poids, par exemple, ne sont prises en charge par le NHS que dans des cas extrêmes, pour les personnes dont l’indice de masse corporelle dépasse le seuil des 40, ce qui signifie qu’elles sont gravement obèses.
Et avant l’opération, les patients doivent accepter un suivi rigoureux à long terme après la chirurgie, qui inclut notamment l’adoption de modes de vie sains et des contrôles médicaux réguliers. Même pour les personnes éligibles, l’attente de traitement peut durer des années.
Istanbul est devenue un haut lieu du tourisme médical, attirant principalement des patients d’Europe et du Moyen-Orient (AFP)
D’après Emre Atceken, co-fondateur et PDG de WeCure, une agence de tourisme médical basée au Royaume-Uni et spécialisée dans la chirurgie esthétique, les patients ont souvent hâte que leur intervention soit effectuée et sont donc tentés de prendre rendez-vous à l’étranger.
« Ici au Royaume-Uni, près de six millions de personnes sont sur liste d’attente pour des traitements et interventions hospitaliers non urgents, selon les dernières statistiques du NHS », indique-t-il à Middle East Eye.
Un spécialiste examine un patient avant une intervention à Istanbul (AFP)
« Il nous est très courant d’entendre parler de personnes de notre connaissance devant attendre plus de six mois pour une opération cruciale, alors que si vous allez en Turquie, le délai moyen sera de deux à quatre semaines. »
La plupart des cliniques turques proposent des consultations par téléphone ou vidéo, ce qui signifie que les patients peuvent être vus et prendre leur décision sans même avoir à se déplacer à l’étranger.
Sécurité et marché noir
Certains experts, cependant, préviennent que les patients à la recherche de solutions rapides et abordables pourraient faire face à des complications.
Le dentiste esthétique Sam Jethwa, des Perfect Smile Studios au Royaume -Uni, explique à Middle East Eye qu’en matière de chirurgie esthétique, les patients peuvent facilement être induits en erreur.
« Subir une intervention dentaire à l’étranger signifie que vous risquez de ne bénéficier d’aucune protection juridique, ce qui peut entraîner des difficultés ultérieures pour les patients », souligne-t-il.
Les patients peuvent également être mal informés, ce qui nécessite un traitement supplémentaire ou de procéder à d’autres opérations. « La nécessité de faire effectuer des travaux correctifs au Royaume-Uni en raison de procédures de dentisterie esthétique bâclées [à l’étranger] est en augmentation », affirme-t-il.
« Nous voyons ces patients fréquenter notre clinique par la suite régulièrement, malheureusement après avoir déjà choisi des traitements dont ils n’appréciaient pas pleinement les risques. »
Un technicien nettoie les racines prélevées sur un patient lors d’une opération de greffe de cheveux à Istanbul (Reuters/Murad Sezer)
Bien que rien ne suggère qu’une intervention classique effectuée en Turquie entraînera des complications, certains cherchent à surfer sur la vague et exploiter les patients vulnérables.
L’International Society for Hair Restoration Surgery (ISHRS), une association médicale mondiale à but non lucratif active dans plus de 70 pays, a lancé une campagne intitulée « Fight the Fight » dans le but justement de faire la lumière sur les dangers du « marché noir médical » et des forfaits de tourisme médical.
Lancée en 2019 en réponse au nombre croissant de personnes se rendant chez des techniciens non agréés pour subir des chirurgies capillaires, l’organisation offre un soutien aux victimes de traitements qui ont mal tourné et dispense une éducation et une formation sur le sujet.
« Bien que les cliniques et les hôpitaux soient inspectés, il existe des endroits dits ‘’sous les escaliers’’ qui sont beaucoup moins chers »
- Erkam Caymaz, clinicien
Selon l’ONG, des médecins ou des personnes prétendant avoir une formation médicale ont trompé des patients et pratiqué des interventions illégales, lesquelles ont entraîné des blessures, des cicatrices et une chevelure moindre ou inégale.
Le docteur Caymaz réitère qu’il incombe au patient de prendre une décision éclairée.
« Bien que les cliniques et les hôpitaux soient inspectés, il existe des endroits dits ‘’sous les escaliers’’ qui sont beaucoup moins chers », dit-il.
« Il est très important d’examiner leurs réseaux sociaux et leurs vidéos, ce qu’ils disent et ce qui est écrit doivent correspondre. »
Selon le médecin, l’un des principaux problèmes de l’industrie est le manque de suivi post-opératoire pour s’assurer qu’il n’y a pas de complications.
« C’est un détail très important, et la plupart des cliniques d’Istanbul ne font pas de suivi après l’opération. Même les clients qui ont subi des opérations dans d’autres cliniques nous posent des questions à ce sujet », indique-t-il.
Selon un récent rapport du Times, des prix moins chers et une réglementation trop souple à l’étranger ont entraîné des dérapages.
Christopher D’Souza, président de la British Association of Hair Restoration Surgery (BAHRS), attribue une partie de la responsabilité de ces interventions ratées aux tactiques de marketing contraires à l’éthique de certaines cliniques basées en Turquie.
« Les forfaits sont souvent annoncés avec des quantités illimitées de greffes et sont limités dans le temps, ce qui pousse les patients à prendre une décision. Cela va à l’encontre de l’avis des médecins au Royaume-Uni », souligne-t-il.
« J’ai dû faire de nombreuses opérations de retouche chez des patients qui rapportaient que même s’ils avaient senti que quelque chose n’allait pas quand ils étaient en Turquie, ayant déjà investi leur temps, leur personne et leur argent, ils finissaient par se dire : je suis sûr que tout ira bien. Et ceci n’est pas acceptable », déplore Christopher D’Souza.
Réseaux sociaux et tourisme médical
Quiconque a mentionné sur internet qu’il perdait ses cheveux, avait pris du poids ou n’aimait pas tel ou tel aspect de son physique a probablement été bombardé de publicités Instagram ou Google promettant des solutions abordables et parfois miraculeuses à ces problèmes.
La popularité du tourisme médical et esthétique s’explique en partie par la publicité sur les réseaux sociaux.
Cette tendance est aggravée par la couverture médiatique de célébrités rendant publiques leurs propres opérations.
Les rhinoplasties sont l’une des chirurgies les plus courantes à Istanbul (Reuters)
Les greffes de cheveux sont par exemple très populaires parmi les footballeurs, comme l’attaquant anglais Wayne Rooney, qui a confirmé qu’il y avait eu recours en 2011. Le chanteur émirati Hussain Al Jassmi a pour sa part expliqué sa perte de poids spectaculaire par un pontage gastrique en 2010.
Selena Marianova, créatrice de contenus sur les réseaux sociaux et propriétaire d’une clinique basée au Royaume-Uni, affirme que les réseaux sociaux ont une « influence indéniable » sur les personnes qui envisagent des améliorations chirurgicales.
Dans une vidéo YouTube visionnée plus de 300 000 fois, elle raconte son expérience à ses followers. La jeune femme de 22 ans dit vouloir aider les autres en partageant des informations et avoir choisi la Turquie pour son opération en raison des technologies médicales avancées du pays et de ses médecins expérimentés.
Elle s’est rendue à Istanbul pour une rhinoplastie en 2019, avertissant cependant que les jeunes doivent gagner confiance en eux avant de procéder à des améliorations chirurgicales.
« La chirurgie plastique ne doit pas être prise à la légère », dit-elle. « En tant que créatrice de contenus, il est extrêmement difficile de ne pas identifier les parties de moi-même qui auraient besoin d’être ‘’améliorées’’, car je me regarde constamment dans des vidéos, des photos et dans le miroir, ce qui peut être très épuisant mentalement pour les personnes qui n’ont pas un concept de soi fort. »
Selena Marianova, 22 ans, a subi une rhinoplastie à Istanbul en 2019 et a partagé son expérience en ligne (avec son aimable autorisation)
Le lien entre la fréquentation des réseaux sociaux et une image négative de soi est bien établi par la recherche, mais au-delà des questions éthiques, force est de constater que la chirurgie esthétique est un commerce florissant en Turquie.
Ces chiffres ont probablement augmenté au lendemain de la pandémie de covid-19, alors qu’un regain d’intérêt pour la chirurgie esthétique s’est manifesté à travers le monde.
Malgré les inquiétudes, les industries turques de la santé et de la chirurgie esthétique tirent leur épingle du jeu dans un pays qui autrement souffre sur le plan économique. Il est donc peu probable que les foules d’hommes au cuir chevelu rougi sur les places publiques d’Istanbul et les nez bandés dans les stations de métro disparaissent de sitôt.
Le procès des mis en cause dans l'assassinat à Larbaâ Nath Irathen (wilaya de Tizi Ouzou), dans des conditions atroces, du jeune Djamel Bensmain, issu de Miliana (wilaya de Aïn Defla), s'ouvre aujourd'hui au tribunal de Sidi M'hamed à Alger.
102 inculpés dont des femmes comparaitront pour répondre des chefs d'accusation d'homicide volontaire, lynchage et immolation par feu d'un cadavre, violation de l'enceinte d'un poste de police, appartenance à un groupe terroriste et actes de vandalisme portant atteinte à la sécurité de l'Etat.
Pour rappel, l'assassinat de Djamel Bensmaïn a eu lieu le 11 août 2021 à Larbaâ Nath Irathen. Des images et des vidéos macabres avaient été diffusées en direct sur les réseaux sociaux par une grande foule, comprenant des femmes, qui assistaient au lynchage et à l'immolation par le
feu du cadavre du défunt venu de Miliana pour participer à des opérations de lutte contre les feux de forêts qui avaient touché plusieurs régions durant l'été 2021 dont la wilaya de Tizi Ouzou.
Quelques jours après l'assassinat, soit le 15 août 2021, le directeur de la police judiciaire (DPJ) à la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN), Mohamed Chakour, avait annoncé, lors d'une conférence de presse, «l'arrestation de 36 mis en cause dont 3 femmes, impliqués dans l'assassinat et le lynchage du jeune Djamel Bensmaïn», ajoutant que parmi les personnes arrêtées figure «la femme qui appelait et incitait à décapiter la dépouille et la personne qui a poignardé la victime, arrêtée alors qu'elle tentait de fuir vers le Maroc».
Il avait également expliqué que les policiers qui transportaient la victime à bord du véhicule de police «ont évité les tirs de sommation pour éviter tout dérapage sécuritaire dangereux, que certaines parties connues pour leur hostilité envers l'Algérie auraient exploité pour déstabiliser le pays». Précisant que «le non recours aux tirs de sommation intervenait en application des instructions du Haut commandement». Au cours de cette première conférence de presse sur cette affaire, des vidéos d'aveux de quatre mis en cause dont la femme qui incitait à la décapitation de la victime, avaient été projetées.
Deux jours plus tard, la DGSN a diffusé une nouvelle vidéo d'aveux de nouveaux mis en cause arrêtés dans le cadre de cette affaire dont l'implication dans l'assassinat «a été établie par des preuves scientifiques et techniques, parmi lesquels se trouvaient des membres de l'organisation terroriste MAK».
«Dans le cadre de la poursuite de l'enquête ouverte par la DGSN dans l'affaire de l'assassinat du jeune Djamel Bensamïn à Larbaâ Nath Irathen, les services spécialisés de la sûreté nationale ont procédé à l'arrestation de 25 autres suspects, en état de fuite dans plusieurs wilayas du pays», avait indiqué la DGSN plus tôt dans un communiqué.
Le 26 août 2021, soit deux semaines après l'assassinat de Djamel Bensmaïn, le procureur général près la Cour d'Alger, Sid Ahmed Merrad, a annoncé que 83 sur les 88 suspects arrêtés dans cette affaire ont été placés en détention provisoire, précisant que parmi les mis en cause, un mineur, 3 femmes et 24 éléments sont membres du mouvement terroriste «MAK».
Il a également fait état de l'émission de mandats d'arrêt internationaux contre les commanditaires du meurtre de Djamel Bensmaïn et à leur tête le président du mouvement terroriste «MAK», Ferhat Mehenni.
Le procureur général près la Cour d'Alger a précisé que 29 individus étaient actuellement en état de fuite avec l'émission de mandats d'arrêt internationaux contre certains d'entre eux, souhaitant que les pays où se trouvent ces individus coopèrent pour les extrader dans les plus brefs délais.
C'est l'une des merveilles de ce monde, offerte par son accès facile et gratuit, juste le prix de l'effort en levant la tête. Pour cet été, je propose aux lecteurs (particulièrement aux plus jeunes) une exploration conjointe avec moi. Nous apprendrons ensemble de ce que je vais compulser et traduire de ma façon personnelle et pédagogique.
Cette première partie de la chronique n'entrera pas dans la compréhension profonde des réalités astrales et se contentera d'appréhender leur perception visuelle et, surtout, le sens du rapport du ciel avec l'humanité.
Suivez-moi, donnons-nous la main et profitons ensemble d'un exposé, certainement accessible sur Internet mais tellement plus sympathique si nous partagions ensemble des connaissances de base, des hésitations ainsi que des questionnements de l'humanité.
Ainsi, c'est un parcours tout au long de ces semaines à venir que je vais essayer d'emprunter par la voie la plus pédagogique, personnalisée par mes choix et ma rédaction, sans copier-coller des parties techniques ardues car ce n'est pas nécessaire qu'elles y soient. Je voudrais tant capter l'attention des très jeunes lecteurs. C'est mon grand souhait prononcé au passage de la comète, comme le préconise la coutume humaine. Une comète ? Eh bien voilà pourquoi il faut commencer notre parcours pour y arriver le plus rapidement possible dans les autres numéros. Allons-y !
Le ciel, c'est d'abord une curiosité et une fascination
À l'internat de Bouisville, près d'Oran, la première illumination par le ciel m'est venue. Pas celle dont on fait souvent référence lorsqu'on utilise cette image mais celle de la découverte de la beauté fascinante de la voûte céleste.
Ce qu'on appelait, jadis, un «professeur coopérant», les plus âgés s'en souviennent, nous avait regroupé le soir dans la cour en nous invitant à regarder le ciel et à écouter ses explications. Et c'est à ce moment que commence pour moi la très belle rencontre avec l'immensité de ce qui nous surplombe tout au long de notre vie et qui est finalement une énigme, une inconnue.
Il venait de nous apprendre que le ciel, c'est d'abord une approche pédagogique pour créer un sentiment de curiosité et de fascination raisonnée. Pour moi, le but était plus que réussi, ce fut un choc.
Alors, pourquoi, monsieur Sid Lakhdar, avez-vous attendu plus d'un demi-siècle pour nous proposer de faire un chemin initiatique avec vous sans avoir continué votre formation d'une manière plus avancée scientifiquement ?
Les raisons sont nombreuses mais si elles expliquent l'échec, elles ne constituent pas une excuse. Mon rêve d'adolescence fut d'être pilote. On dit que les rêves passent par les yeux, ma myopie m'a très vite dissuadé de redescendre sur terre.
Une passion pour les études d'astronomie, oui mais mon niveau de mathématiques et de sciences physiques m'a ri au nez lorsqu'il l'a appris. Finalement, ma rencontre scientifique avec le ciel a été ratée jusque-là.
L'instruction générale construit cependant, dans le plus jeune âge, un réflexe de curiosité et de fascination. Voilà ce que je voudrais expliquer aux plus jeunes. Quant à la tentative d'explication des phénomènes dans leur aspect scientifique, les plus érudits d'entre vous m'interpelleront, me rectifieront et me complèteront. Ils participeront d'une manière utile, dès lors qu'ils le feront avec la pudeur et la modestie requises pour corriger notre apprentissage commun, le mien et celui des lecteurs. Ils nous éclaireront davantage sans interférer ostentatoirement avec leurs connaissances plus scientifiques. Qui, je le répète, ne sont que marginales dans cette chronique d'été. L'important est de comprendre la base pour l'accès au rêve.
L'esprit de curiosité et les rêves nous feront comprendre le ciel sans mystique et crainte, celles que certains veulent utiliser pour nous abrutir et nous dominer. Car, il faut inlassablement le répéter, les croyances religieuses n'interdisent aucunement les découvertes et l'épanouissement intellectuel. Au contraire, elles y trouvent un apport des plus utiles pour la sérénité spirituelle de ceux qui partagent une conviction.
Après la pédagogie de la curiosité, celle de la sémantique
Ce professeur nous avait émerveillés, dans cette cour, en une soirée noire par son heure avancée. Il n'avait pas commencé par la sémantique et les connaissances scientifiques simplifiées car nous devions d'abord regarder ce ciel magnifique et nous apprivoiser à sa beauté autant qu'à ses énigmes.
Alors seulement, une fois notre écoute acquise, il commença par la sémantique du ciel. Car il fallait bien sauter le pas pour la «leçon», ce qu'à cet âge, nous ne choisissions pas naturellement dans une cour réservée au foot, aux chamailleries ou aux discussions coquines. Avec tous ces points qui scintillaient comme les lumières d'Oran vues de Santa Cruz le soir, il commença par nous apprendre que chaque lumière n'avait pas la même origine, la même explication.
Nébuleuses, galaxies, étoiles et planètes ainsi que constellations et bien d'autres phénomènes cosmologiques, c'est quoi ? C'est justement ce que nous essaierons de comprendre dans les autres épisodes de ce chemin estival de découverte.
Dans ce premier article, j'ai choisi d'introduire rapidement deux notions essentielles qui feront l'objet, avec d'autres, d'un article plus distinct et approfondi, soit les étoiles et les planètes.
Les étoiles : Regardons le ciel, nous avait dit notre professeur en rajoutant : «Lorsque l'astre ne scintille pas, c'est une planète. Lorsqu'il scintille, c'est une étoile. Ne pas confondre avec le verbe briller car tous sont visibles lorsque nous les percevons avec nos yeux, donc brillent mais d'une intensité différente». C'est simple, accessible même aux enfants que nous étions. C'est un bon début, non ?
Nous saurons plus tard dans la soirée que notre soleil, le grand absent de la soirée, est une étoile. Quelle déception lorsque notre professeur nous apprit que c'était une étoile naine en comparaison des autres, bien plus gigantesques, dont la petitesse relative dans le ciel n'est qu'un effet d'optique induit par les distances cosmiques colossales.
Nous étions vexés, cet astre si majestueux qui fut considéré comme le plus grand des dieux par de nombreuses civilisations (merci à notre prof d'histoire-géo) n'est en réalité qu'un petit valet insignifiant dans ce grand palais du ciel. Cela nous a rappelé, en cette soirée, l'extrême humilité que doit avoir l'humanité face au ciel.
Une étoile est une boule en fusion provoquée par la grande gravitation qui a comprimé les atomes et les molécules venus d'amas de gaz et de la poussière originelle. Et, souvenez-vous de nos anciens vélos (ou ceux de nos pères) qui avaient une pompe pour gonfler les pneus, l'air comprimé produit de la chaleur.
La chaleur par la compression est la seconde base de connaissance pour les enfants installés dans cette cour de l'école. Voilà pourquoi ça brille et scintille, il suffisait de connaître la chaleur du feu ou de celle ressentie lorsqu'on pose sa main sur une ampoule allumée. Ainsi, c'est la raison pour laquelle l'étoile produit une énorme bombe à énergie, lumineuse et visible d'aussi loin. Ce n'étaient pas les cousins lointains des lampadaires de la rue d'Arzew. Il ne restait plus qu'à comprendre pourquoi cette compression ? Ce n'est qu'à des âges avancés qu'on nous instruira de son origine, soit la force de gravité.
Plus tard, notre professeur russe de sciences-physiques, au lycée d'Oran, s'était arraché ses derniers cheveux qui lui restaient pour nous expliquer que la compression de deux molécules fabriquait de l'énergie par la disparition d'une partie de la masse.
Ai-je bien rappelé le cours, monsieur le professeur, si votre patience avec nous vous a permis de rester longtemps en bonne santé, depuis les années 70' à votre retour en Russie ?
Et c'est bien là le plus effrayant car la fusion nucléaire finit un jour par voir s'épuiser son carburant et l'étoile connaîtra une fin de vie inéluctable. Notre étoile, le soleil, va donc mourir, c'est une réalité incontestable des sciences physiques comme notre smartphone s'éteint lorsque la batterie est vide.
Rassurez-vous, vos enfants et petits-enfants iront toujours à Bouiseville ou à Aïn El-Turc se bronzer, la mort de notre étoile est prévue dans cinq milliards d'années. Ce sont plutôt ces deux endroits balnéaires qui risquent de disparaître bien avant par l'effet de l'action humaine, de l'érosion ou des catastrophes géologiques et climatiques.
Il préviendra de sa mort, tout d'abord parce qu'il est poli mais aussi parce que les connaissances des scientifiques permettent de mesurer le temps de sa vie. Il gonflera lorsque son énergie sera épuisée, dans cinq milliards d'années, en atteignant des distances qui couvriront progressivement tout le système solaire. Notre vieille et bonne terre sera calcinée bien avant qu'il l'atteigne. Et les autres étoiles dans l'Univers ? C'est pareil, leur mort est inéluctable mais certaines gonfleront et d'autres exploseront, ce qui n'est pas plus rassurant. Nous le verrons dans les autres opus de cette série de l'été.
L'explosion fait apparaître un grand nuage rond qui s'éloigne à une vitesse époustouflante pendant des milliards d'années. Nous pouvons voir au télescope ces nuages qui entourent un petit point, comme le halo de la fumée du Bastos sans filtre que le chauffeur du bus 14 à Oran, en pause au café du Théâtre de la place d'armes, était entouré.
Mais cela interdit l'observation par les êtres humains sans équipements sophistiqués que sont les télescopes modernes. Voir une étoile mourir n'est pas dans le programme d'une promenade d'un soir d'été.
Les planètes : Nous l'avons dit, elles ne scintillent pas. Mais alors d'où provient leur lumière si elle n'est pas issue de la combustion nucléaire ?
Tout simplement parce qu'elles sont éclairées par la lumière des étoiles, donc du soleil pour son système planétaire dont nous faisons partie. «C'est simple, non ?» nous disait notre professeur, ce soir-là.
Il faut reconnaître que si nous comprenions, nous n'arrivions pas visuellement à faire facilement la différence lors de cette soirée, sans jumelles et à un âge de huit ou neuf ans. En plus, la coquetterie d'un enfant de cet âge fait retarder l'aveu d'un besoin en lunettes, je ne dénoncerai pas son nom.
Si les planètes ne sont pas des étoiles, c'est parce qu'elles ne sont donc pas en réaction nucléaire, qu'elles sont beaucoup plus petites et, surtout, tournent autour des étoiles, considérablement plus massives. Elles sont prisonnières de la gigantesque gravité de leur étoile. Nous consacrerons du temps à ce chapitre, c'est tout de même notre maison, notre berceau et notre cercueil à venir, la Terre. Au passage, pour les jeunes lecteurs, Terre prend une majuscule lorsque nous évoquons le nom de l'astre. Dans toutes les autres utilisations qui nous permettent d'en parler dans des expressions communes, seulement une minuscule comme dans «Vu de la terre».
Le ciel, une régularité qui permet une mesure du temps
Pas la peine d'avoir un bac +14 pour comprendre que les civilisations antérieures et lointaines ont eu le même réflexe de contempler le ciel comme nous l'avons fait en cette soirée avec notre professeur.
Et si nous excluons les interrogations, les craintes et les mystiques que nous allons aborder plus loin, la première chose simple qui les a interpellés est la régularité du ciel avec la concomitance de certains phénomènes récurrents.
Ils ont compris que le jour et la nuit venaient de la régularité de l'apparition et de la disparition du soleil. Ils ont perçu la régularité des saisons, les modifications du climat et de la température ainsi que des autres variations de la nature. La notion de cycle temporel, lunaire ou solaire, ne leur était donc pas inconnue.
Ce n'est cependant que plus tard que les civilisations plus avancées ont mis au point des systèmes de graduation du temps comme les heures, les mois et les années. Mais aucune civilisation humaine, aussi primitive soit-elle, n'avait échappé à la perception de la régularité des phénomènes du ciel et de leurs conséquences dans l'avancée du temps.
Le ciel, une projection des civilisations et des mythes
C'est ainsi tout à fait naturellement que l'humanité a projeté ses croyances, ses cultures et ses rites dans la lecture du ciel. Comment pouvait-il en être autrement devant cette immensité mystérieuse qui ne pouvait que produire des interrogations dérivées de la pensée humaine et de l'anthropomorphisme.
Pour les plus jeunes, rappelons que l'anthropomorphisme est le fait d'attribuer à des phénomènes des comportements ou des aspects physiques humains. Alors, les astres, les constellations, les nébuleuses et bien d'autres phénomènes que nous verrons plus tard, se sont confondus avec la seule représentation que l'homme pouvait imaginer, celle des êtres humains ou des bêtes sauvages et dangereuses.
Mais le ciel était bien plus qu'un environnement de l'humanité. Il produisait une crainte que les phénomènes géologiques et météorologiques nourrissaient. Les peuples se sont bien aperçus, en considération du paragraphe précédent, que le ciel était la principale cause des phénomènes terrestres. Ils ont compris que la force de la nature, particulièrement du ciel, provenait d'une entité invisible mais puissante. Le mystère et la crainte, deux ingrédients du ciel qui ne pouvaient que reproduire les mythes et les croyances des civilisations.
La force attribuée à des dieux était déjà projetée dans des aspects purement terrestres comme les montagnes, les mers et ainsi de suite. Il ne pouvait en être autrement avec le ciel dont nous avons dit que les civilisations avaient compris son influence terrestre. Or ce ciel, comme les autres entités terrestres, apportait vie et bienfait autant que désastre et mort. Cette dualité étonnante n'a pas manqué d'éveiller le réflexe de l'anthropomorphisme. L'être humain pouvait effectivement être porteur des pires dangers tout autant que la sécurité de la protection et de l'affection.
Et quelles causes peuvent provoquer l'une ou l'autre des réactions chez les êtres humains ? L'humanité savait depuis toujours que c'était la colère ou la satisfaction qui les engendraient. Elle en conclut que la colère du ciel provenait de ses actes répréhensibles et qu'il fallait faire des offrandes et marquer sa dévotion pour se faire pardonner.
Les savants peuvent nous produire des tonnes d'ouvrages d'érudition, ils sont impérieusement utiles à la connaissance de l'humanité. Mais rappelons-le encore une fois, la première des compréhensions, certainement la plus élémentaire mais la plus fondatrice, est celle que nourrissent les explications simples qui proviennent des interprétations et réflexes humains les plus naturels.
Voilà pourquoi il était nécessaire que ce professeur nous fasse regarder le ciel sans entrer dans des considérations que nous n'étions pas capables d'appréhender. Il nous avait donné des explications de base, c'était au tour de notre vie d'instruction et notre capacité de discernement de faire le reste. C'est ce que nous allons tenter de faire dans les numéros à venir, soit appréhender pas à pas des notions simples. Accompagnez-moi, appréhendons-les ensemble !
« Nous avons suffisamment fait d’efforts pour sauver le journal. Mais là, on n’en peut plus. » La voix calme et résignée, un journaliste d’El Watan préférant témoigner à Middle East Eye sous couvert d’anonymat, ne cache pas son désarroi.
Voilà plus de quatre mois, qu’avec ses confrères et collègues de l’entreprise, ils ne sont plus payés. Mardi 12 juillet, ils ont décidé de mener une grève de deux jours pour interpeller la direction du plus grand quotidien francophone d’Algérie.
« Une immense perte pour le pluralisme médiatique » : onde de choc en Algérie après la fermeture annoncée du quotidien Liberté
Après plus de vingt ans passés au sein de la rédaction, il se dit « déçu » et « surpris » par « le comportement des responsables » qui « n’ont même pas daigné nous remercier d’avoir travaillé sans être payés ».
Depuis le mois de février, la direction d’El Watan, dont le journal n’est plus tiré désormais qu’à 50 000 exemplaires contre 200 000 il y a une dizaine d’années, se dit dans l’incapacité de verser les salaires de ses 150 employés.
Selon le directeur de la publication, Mohamed Tahar Messaoudi, contacté par MEE, cette situation est liée au gel des comptes de l’entreprise par la banque principale, à savoir le Crédit populaire d’Algérie (CPA, étatique) et les services des impôts.
Ces derniers réclament au journal le paiement des arriérés de la dette fiscale remontant à la période du covid, lorsque les autorités avaient autorisé les entreprises à différer le paiement de leurs impôts.
Mais une fois la crise sanitaire passée, la société éditrice du journal francophone le plus influent d’Algérie a été sommée de s’acquitter d’un montant global de 32 millions de dinars (plus de 210 000 euros) « sans délai », insiste le directeur de la publication.
Comptes bloqués
« La direction des impôts a refusé de nous accorder un échéancier de paiement comme le prévoit la loi », regrette-t-il en précisant qu’un employé du fisc qui avait décidé de donner une chance au journal en lui accordant un délai de remboursement plus long, avait été « muté » et « remplacé ». L’information a été confirmée à MEE par une source de la direction des impôts à Alger.
Le remboursement de cette dette fiscale est venu se greffer à un autre problème.
La direction, qui répète depuis plusieurs années être « à court d’argent » en raison du tarissement des ressources publicitaires privées et de la suspension « unilatérale » d’un accord signé avec l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP, organisme public ayant le monopole de la publicité étatique), a dû recourir à un prêt bancaire pour payer les salaires des employés.
« Certains journalistes n’ont même pas de quoi payer un bus ou un plein d’essence pour venir travailler »
- Un syndicaliste
Mais une baisse de l’activité en janvier a poussé la banque à réduire le montant de cette avance financière, explique Mohamed Tahar Messaoudi, qui estime que « cela ne suffit plus pour payer les salaires et les autres charges de l’entreprise ».
Cette décision de la banque est « injustifiée », dénonce-t-il, puisqu’El Watan « est solvable » : le journal dispose de « revenus liés à ses ventes » et « à des actifs » qui lui permettent de rembourser ses dettes en cas de problèmes de trésorerie. La direction a bien tenté de vendre un terrain pour renflouer les caisses, mais les comptes étant bloqués, aucune opération n’est plus possible.
Ce diagnostic est connu des employés qui refusent « de faire plus de sacrifices ». Après plusieurs mois d’attente, ils ont décidé de recourir à la grève.
« C’est le seul moyen de défendre nos intérêts. Cela fait quatre mois que nous travaillons sans aucune perspective », explique à MEE un syndicaliste qui décrit une situation sociale catastrophique. « Certains journalistes n’ont même pas de quoi payer un bus ou un plein d’essence pour venir travailler. »
Et s’il dit « comprendre » la situation de l’entreprise, comme beaucoup de ses collègues, il estime que les autorités ne sont pas les seules à incriminer dans le blocage des comptes d’El Watan.
Selon lui, même les actionnaires – d’anciens journalistes issus de la presse étatique – « ont une part de responsabilité », accuse-t-il. Il reproche notamment aux propriétaires de « s’être accordé des salaires indus, sans contrepartie de travail, alors que l’entreprise agonisait ».
Puis, les journalistes ont adressé, en juin, une lettre aux actionnaires, consultée par MEE, pour « lancer un appel à la solidarité », pour « les amener à faire un geste envers les employés ». Mais « aucune réponse n’a été donnée », accuse le syndicaliste.
Les actionnaires, eux, ne comprennent pas ces accusations. « Les salariés pensent que les actionnaires sont riches. Ce n’est pas vrai. Et puis, même si nous voulions faire un geste, les comptes bancaires sont bloqués, il n’y a donc aucun moyen d’acheminer les fonds », répond Mohamed Tahar Messaoudi.
Dans un communiqué rendu public mardi 12 juillet, les employés d’El Watan déclarent avoir « accepté de céder sur leur droit le plus élémentaire, celui de la rémunération, afin de donner le temps à la direction de trouver une issue aux problèmes financiers que traverse l’entreprise ». Mais, ils regrettent « qu’en plus de son incapacité à trouver une issue à la crise, la direction ne propose aucun dialogue sérieux au partenaire social ».
Un siège que le journal n’occupera jamais
Pourtant, il y a encore quelques années, personne ne pouvait imaginer que ce fleuron de la presse algérienne, créé en 1990, allait connaître un sort aussi tragique.
Dès son lancement, ses reportages pendant la décennie noire font sa renommée et ses révélations sur la corruption au sein du pouvoir civil et militaire lui valent suspensions de publication, harcèlement judiciaire et sanctions administratives qui n'ont jamais cessé au fil des ans.
Sous le règne d’Abdelaziz Bouteflika, El Watan s’affirme comme un journal d’opposition dont la virulence est un cas d’école dans le monde arabe. Mais la manne financière liée à la très bonne santé économique du pays au début des années 2000 lui permet d’acquérir les moyens de cultiver son indépendance : d’abord une imprimerie, qu’il partagera avec le journal arabophone El Khabar, pour s’affranchir des rotatives étatiques. En 2010, le journal entamera ensuite à Alger la construction d’une tour de bureaux, symbole de son essor financier.
Un passant regarde les titres des quotidiens exposés dans la rue, au centre d’Alger (AFP/Ryad Kramdi)
Mais pour ne pas avoir respecté des normes de construction, ce qui devait être le futur siège, un imposant bâtiment en verre surplombant la baie d’Alger, n’a jamais été occupé.
Les propriétaires du journal crient au « coup politique », estimant que les autorités veulent « les punir pour leur indépendance éditoriale » tandis que l’administration évoque une simple infraction aux règles d’urbanisme.
Dans les faits, depuis 2014, El Watan paye la campagne menée contre le quatrième mandat du président Bouteflika. Les opérateurs privés subissent des pressions pour ne plus donner de publicité au journal pendant que la publicité étatique se tarit.
Avec la démission de Bouteflika sous la pression des manifestations populaires et de l’armée, au printemps 2019, la publicité publique revient. Mais la parenthèse sera de courte durée. Un article évoquant des affaires de corruption présumée impliquant les enfants de l’ancien chef de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, finira de régler le sort du journal.
Algérie : accusés de « chantage », des journalistes et bloggeurs se retrouvent en prison
Lorsque l’expérience d’El Watan week-end, la version plus magazine du journal, se termina en 2016 après sept ans de parution, ses anciens rédacteurs en chef, aussi créateurs du concept, Adlene Meddi et Mélanie Matarese, avaient publié une lettre pour s’interroger sur la « désintégration des rédactions ».
Sans exonérer le pouvoir, ils s’interrogeaient sur « les raisons qui poussent depuis toujours les dirigeants de ces médias à prendre position dans des luttes de clans sans pour autant maîtriser les tenants et les aboutissants d’enjeux qui les dépassent, devenant ainsi les instruments de ces clans aussi bien à l’intérieur du pouvoir politique que dans la sphère économique ».
Ils questionnaient aussi cette « rente symbolique que les patrons de presse cultivent en tant qu’‘’opposants’’, notamment sur certains plateaux de médias étrangers, accumulée à une rente financière tabouisée, totalement éludée lorsque la question de la situation socioprofessionnelle des journalistes ou de la viabilité financière des médias est posée ».
« S’aligner sur le discours officiel »
En mai, le ministre de la Communication, Mohamed Bouslimani, a rendu visite à la rédaction d’El Watan. Il a promis de « faire un geste » pour débloquer la situation de l’entreprise, un « geste » toutefois « conditionné » à la nécessité de « faire la promotion de ce qui est positif dans le pays », aurait prévenu le ministre, selon des témoins.
Les responsables du journaln’ont pas changé leur ligne éditoriale et la promesse du ministre n’a pas connu de suite.
Au-delà de l’histoire du journal, cette crise est symptomatique des difficultés auxquelles sont confrontés de nombreux médias en Algérie. En avril, c’est un autre grand journal francophone, Liberté, qui a cessé de paraître.
Issad Rebrab, première fortune d’Algérie, solde ses comptes avec les médias et la politique
Pour Chérif Driss, professeur en sciences de l’information à l’École supérieure de journalisme d’Alger, contacté par MEE, ce qui arrive à El Watan est une conséquence de « la crise mondiale que vit la presse papier face à la presse digitale », de la « contraction » de la publicité des entreprises privées depuis la récession économique du pays en 2014, et « des rapports de plus en plus tendus entre le pouvoir politique et la presse depuis 2019 ».
« Les médias sont obligés de se montrer moins critiques à l’égard du pouvoir politique, pour ne pas dire qu’ils sont obligés de s’aligner sur le discours officiel », poursuit-il. « Ces pressions obligent les journalistes à se transformer en simples communicants » et des journaux à s’autocensurer « pour espérer obtenir un peu de publicité institutionnelle ».
Plus de 1 200 médecins devraient s’expatrier en France en 2022. Dans un pays qui souffre d’une grave pénurie de praticiens et où la gestion chaotique de la pandémie de Covid-19 a mis a jour les failles du système de santé, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe.
C’est une véritable bombe qu’a lancée en février 2022 le docteur Lyes Merabet, dirigeant d’un syndicat de praticiens de santé publique, sans probablement en mesurer sur le moment toutes les conséquences. Mille deux cents médecins algériens, issus de diverses spécialités (sur un total de 1 993 postes ouverts cette année) auraient été reçus avec succès, début février, à l’examen de vérification de connaissances (EVC) en France.
Au-delà des doutes qui ont commencé à planer sur l’exactitude de ce chiffre, la nouvelle est tombée comme un couperet sur une opinion publique déjà fortement désabusée par un système de santé qui a montré ses limites pendant deux ans, avec la gestion de la pandémie du Covid-19 marquée par une succession de scandales. À commencer par la pénurie d’oxygène médical l’été 2020. Les commentaires outrés — et souvent sarcastiques — sur les réseaux sociaux mettent aussi en lumière l’étendue de la colère des Algériens, d’abord vis-à-vis de dirigeants qui sont à leurs yeux moralement responsables du dépérissement du système de santé.
Le choc a été encore plus fort chez des personnels soignants à bout de nerfs et qui se sentent dévalorisés. Leurs réactions montrent le niveau de désillusion et de mécontentement dans le milieu hospitalier algérien, prélude à un nouveau bras de fer avec des autorités elles-mêmes dépassées par la crise. Dans un appel lancé au président Abdelmadjid Tebboune, une coordination des personnels de santé a qualifié ce départ de 1 200 médecins vers la France de « saignée dangereuse ». En craignant « une catastrophe imminente », le texte confirmait l’ampleur du malaise qui ronge le corps médical algérien.
LE GOUVERNEMENT S’EN LAVE LES MAINS
Acculé et contraint de reconnaître les faits, le gouvernement a sur le coup tenté de relativiser. Seules justifications données par le ministre de la santé Abderrahmane Benbouzid qui, après avoir subi tant de revers, doit désormais avoir le cuir blindé : « Il y a trop de médecins arrivés à l’âge de la retraite qui ne veulent pas céder leurs places aux jeunes ». Et d’ajouter à propos du départ massif de médecins vers la France : « Cela ne se passe pas qu’en Algérie »…
Incapable de trouver une explication rationnelle à ce phénomène qui n’est pas loin de rappeler en Algérie celui de la harga (émigration clandestine), le professeur Mehiaoui, qui siège à la très officielle Commission de surveillance du coronavirus, dit croire à « la bonne foi » des médecins qui choisissent l’exil pour avoir encadré 80 % d’entre eux. Leur décision relève, selon lui, d’« un choix personnel » que nul ne peut discuter. Dans un pays où d’anciens ministres n’ont aucune gêne à aller se faire soigner en France, la question n’est plus taboue depuis longtemps.
Reste à mesurer les pertes pour le pays, avec le départ d’un nombre aussi important de médecins formés aux frais de l’État. D’après les chiffres fournis par la Banque mondiale, L’Algérie ne compte que 1,7 médecin pour 1 000 habitants en 2018, contre 6,5 pour la France, 4,9 pour l’Union européenne et 3,8 pour l’ensemble des pays de l’OCDE1 venaient d’Algérie (47,64 % contre 41,73 % en 2017, dont plus de 50,8 % de femmes). Les Tunisiens pour leur part représentaient 19,2 % des inscrits en 2018 (21,11 % en 2017).
L’économiste de la santé Ahcène Zehnati estime, dans une étude parue en 2021, que les médecins algériens « semblent afficher une forte disposition à l’expatriation ». Pourquoi le choix de la France ? Le chercheur l’explique par des raisons historiques et culturelles (un système de formation calqué sur le système français, l’existence de conventions interuniversitaires, etc.). Le phénomène migratoire est, selon le chercheur, multidimensionnel. « Seule une approche pluridisciplinaire basée sur des données individuelles permettrait une connaissance exhaustive des mobiles de l’émigration des médecins », soutient-il.
UN CHIFFRE DIFFICILEMENT VÉRIFIABLE
Interrogé par Orient XXI sur le scandale du départ annoncé de 1 200 médecins, Ahcène Zehnati relativise cependant le problème. « Ayant déjà utilisé les données de l’organisme français2lors de mes différentes publications sur la thématique de l’émigration des médecins algériens, je trouve que le chiffre des 1 200 médecins est difficilement vérifiable », affirme-t-il. Et il enchaîne :
Personnellement, j’ai contacté le CNG et le Syndicat national des praticiens à diplôme hors Union européenne (SNAPADHUE) pour confirmer le chiffre, aucune suite n’a été donnée à mes sollicitations. Quand on examine la liste des lauréats de l’EVC, la nationalité des candidats n’a jamais été précisée. Elle ne mentionne que le nom, le prénom et la date de naissance. La liste diffusée compte des médecins algériens, marocains, tunisiens, libanais, syriens, français et autres nationalités. Il est donc difficile de dénombrer les effectifs des médecins algériens à travers le seul nom de famille.
Le chercheur explique aussi que la nationalité est précisée dans le bilan annuel de l’organisme. Or, le dernier bilan date, selon lui, de 2018. Du coup, il ne s’explique pas l’origine du chiffre des 1 200 médecins. Il précise que les lauréats ne sont pas nécessairement des médecins qui sont partis d’Algérie pour passer l’examen. Nombreux sont ceux qui sont déjà en France ou ailleurs.
LE DÉCOURAGEMENT DES PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ
La polémique ravive surtout le découragement des professionnels de la santé. Des médecins ne se sentent plus gênés d’avouer leur désir de quitter le pays. Comme Soraya H., médecin depuis sept ans au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Tizi Ouzou. Elle a postulé à cet examen, mais n’a pas pu le passer, faute de visa. Elle dit avoir eu l’occasion à trois reprises de faire un stage en France. Qu’est-ce qui pousse le médecin algérien à partir ? Réponse cinglante : « Je crois que vous n’avez pas besoin de poser cette question ! » Elle dit ne plus supporter d’évoluer dans un milieu où règne la médiocrité. Lutter pour changer ou réformer le système de santé algérien lui semble inutile, voire sans espoir. « Les résidents ont déjà essayé et ont été tabassés comme des chiens errants », rappelle-elle, faisant référence à la manifestation des médecins résidents à Alger, violemment réprimée en janvier 2018 par les forces de l’ordre.
Peu considérés dans leur pays, les médecins algériens se plaignent aussi des faibles salaires qu’ils perçoivent, surtout dans le secteur public. Les salaires varient entre 80 000 dinars (505 euros), pour les généralistes, et 114 000 dinars (720 euros), pour les spécialistes. Ceux qui travaillent dans les cliniques privées sont mieux rémunérés : les médecins recrutés comme urgentistes gagnent 5 000 dinars (32 euros) la journée, les chirurgiens sont quant à eux payés au pourcentage. Ce qui explique en partie la forte propension de praticiens exerçant dans le secteur public à vouloir s’installer à l’étranger, bien qu’ils sachent pertinemment qu’ils y seront sous-payés par rapport aux praticiens autochtones, quand bien même ils obtiendraient l’équivalence de leurs diplômes. Ce qui prouve que le facteur salaire n’est pas toujours déterminant dans le choix des médecins.
Viennent ensuite les conditions de travail et les perspectives d’évolution de carrière, qui achèvent de démotiver les professionnels de la santé dans ce pays. Les médecins du secteur public rencontrent d’innombrables embûches bureaucratiques et corporatistes pour trouver une place dans le privé ou travailler à leur compte.
En outre, le manque d’équipements adéquats, l’absence d’espaces aménagés à l’intérieur des structures hospitalières, la surcharge qui pèse sur les médecins résidents souvent appelés à pallier l’absence de spécialistes préférant s’engager avec des cliniques privées, finissent par amoindrir le rendement des médecins et partant, de l’ensemble de la corporation.
Autre facteur dont se plaignent les personnels médicaux en Algérie : la violence quotidienne à laquelle ils sont exposés dans les hôpitaux, et qui a pris des proportions alarmantes ces dernières années. Elle est souvent l’œuvre de citoyens outrés par la mauvaise prise en charge des patients.
PLUSIEURS SPÉCIALITÉS PARTICULIÈREMENT CONCERNÉES
D’après un rapport de l’Insee, le taux d’émigration global des médecins algériens était, cette année-là, de 23,35 %. Ce chiffre englobe tous les médecins nés en Algérie, quel que soit leur lieu de formation (France ou Algérie), et exerçant en France, mais ne comptabilise pas ceux faisant fonction d’interne (FFI), ni les praticiens attachés associés (PAA), qui n’ont pas le plein exercice de la médecine en France et ne peuvent donc s’inscrire à l’Ordre des médecins.
L’étude montre que certaines spécialités sont plus concernées que d’autres : la radiologie, la néphrologie et surtout la psychiatrie, d’où la grave pénurie dont souffre toujours l’Algérie. Les spécialistes de ces disciplines ont l’avantage d’être dispensés, en France, de toute demande d’équivalence de leur diplôme pour exercer. Les généralistes représentent pour leur part 37 % des médecins exilés. En 2017, le Conseil de l’ordre des médecins français avait évalué le nombre de médecins diplômés en Algérie installés en France à 4 404 personnes.
L’enquête « Uber Files » révèle que le groupe américain a sciemment joué avec les limites de la loi et cherché à utiliser la violence à son profit pour s’imposer par le fait accompli dans les métropoles du monde entier.
Il ne suffit pas d’interdire Uber pour arrêter Uber. Encore faut-il faire appliquer et respecter la loi. Telle est la morale de l’enquête internationale « Uber Files », qui révèle les coulisses de la plate-forme américaine de transport par chauffeurs privés. Les milliers de documents obtenus par le Guardian et partagés avec les membres du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dont Le Monde, jettent une lumière crue sur la brutalité des méthodes employées par l’entreprise pour s’implanter un peu partout dans le monde. Dans leur volonté de briser le monopole des taxis, les dirigeants et salariés d’Uber ont sciemment violé la loi et semé le désordre dans de nombreux pays, en espérant s’imposer par le fait accompli.
Courriels, présentations, comptes rendus de réunion… Ces 124 000 documents, datés de 2013 à 2017, offrent une plongée rare dans les arcanes d’une start-up qui cherchait alors à s’implanter dans les métropoles du monde entier malgré un contexte réglementaire défavorable. Ils détaillent la manière dont Uber a utilisé, en France comme ailleurs, toutes les ficelles du lobbying pour tenter de faire évoluer la loi à son avantage.
Les « Uber Files » révèlent aussi comment le groupe californien, déterminé à s’imposer par le fait accompli et, au besoin, en opérant dans l’illégalité, a mis en œuvre des pratiques jouant volontairement avec les limites de la loi, ou pouvant s’apparenter à de l’obstruction judiciaire face aux enquêtes dont il faisait l’objet.
Un échange symbolise l’état d’esprit inculqué par le fondateur et PDG, Travis Kalanick, à son entreprise. Vendredi 29 janvier 2016, Uber essuie un sérieux revers en France. Mis sous pression par une semaine de forte mobilisation des taxis, le gouvernement promet de multiplier les contrôles et de réprimer sévèrement les chauffeurs qui contournent la loi. La plate-forme, qui a déjà dû abandonner son service controversé de conducteurs particuliers UberPop dans le pays sept mois plus tôt, est en train de s’enliser dans sa guérilla juridico-réglementaire.
Une manifestation de chauffeurs de taxis contre les VTC sur le périphérique parisien, le 26 janvier 2016. THOMAS SAMSON/AFP
Mais Travis Kalanick appelle à la riposte dans un échange de SMS internes : « Désobéissance civile. 15 000 chauffeurs. 50 000 passagers. Une marche pacifique ou un sit-in. » A un lobbyiste qui l’alerte sur la présence de casseurs d’extrême droite au sein des cortèges des taxis les jours précédents, le dirigeant rétorque : « Si nous avons 50 000 passagers, ils ne pourront rien faire. Je pense que le jeu en vaut la chandelle. La violence garantit le succès. »
Les dirigeants naviguent en permanence dans une zone grise de l’emploi, où travaillent des chauffeurs ni salariés ni tout à fait indépendants
Respecter la loi ne semble être qu’une option parmi d’autres dans la philosophie d’Uber. « Parfois, nous avons des problèmes parce que nous sommes foutrement illégaux », constate ainsi une communicante dans des échanges internes. Une présentation à destination des cadres de la plate-forme en Europe datée du 11 décembre 2014 dresse ainsi l’inventaire de ses déboires judiciaires, qualifié de « pyramide de merde ». On y trouve, entre autres, plusieurs centaines de procédures visant des chauffeurs et plus d’une vingtaine de contentieux ciblant la société elle-même, dont deux relevant du pénal.
Extrait d’une présentation à destination des cadres d’Uber en Europe, datée du 11 décembre 2014.
Une telle accumulation aurait de quoi donner des sueurs froides à la plupart des dirigeants d’entreprise. Mais pas à ceux d’Uber, qui naviguent en permanence dans une zone grise de l’emploi, où travaillent des chauffeurs ni salariés ni tout à fait indépendants. « Uber a fait son trou en imposant sa proposition de valeur, puis en essayant de manœuvrer pour que la loi s’adapte à son activité », analyse Mathilde Abel, économiste à l’université Sorbonne-Nouvelle.
Le socialiste Alain Vidalies le constate dès son installation au secrétariat d’Etat aux transports, fin août 2014 : « Il me paraît tout de suite évident qu’ils ignorent le dialogue social et pensent que la bataille juridique est plus importante que la négociation, voire que le respect de l’autorité publique, se souvient-il. C’est un conflit culturel. »
UBER FILES - Le lexique
Greyball
Système interne à Uber rendant impossible la commande d’une course par un client. Selon l’entreprise, il visait à protéger les chauffeurs de situations à risque. Mais le Greyball (« boule grise ») a aussi été utilisé pour éviter que les forces de l’ordre, se faisant passer pour de simples clients afin de verbaliser les chauffeurs, ne puissent commander de véhicule. Le Greyball utilise notamment la technique du geofencing, qui consiste à adapter le contenu d’une application en fonction de la localisation de l’utilisateur, sans qu’il s’en aperçoive.
Kill Switch
Il s’agit d’un « bouton d’arrêt d’urgence » qui coupe instantanément, et à distance, l’accès aux ordinateurs, documents et outils internes d’une entreprise. Uber l’a utilisé à de nombreuses reprises, notamment pour empêcher la saisie de données sensibles lors de perquisitions, avec l’aval de ses plus hauts dirigeants. L’activation du kill switch pour perturber le travail des forces de l’ordre est considérée par de nombreux juristes comme étant à la limite de la légalité. Uber ne conteste pas « le fait que ce type de logiciel ait pu être utilisé en France ».
Lobbying
Ensemble de techniques employées par une organisation pour influencer ou contrer des décisions publiques dans un sens favorable à ses intérêts. Pour ce travail, une entreprise peut recourir à ses propres salariés, ou faire appel à des cabinets de lobbying extérieurs. Le travail d’influence, qui se fait souvent derrière des portes closes, peut prendre plusieurs formes : rendez-vous avec des responsables politiques, transmission aux parlementaires d’amendements « clés en main », organisation de fausses campagnes citoyennes (« astroturfing »), pressions judiciaires, financement de recherches scientifiques favorables, etc.
Loi Grandguillaume
Adopté en décembre 2016 sur l’initiative du député socialiste Laurent Grandguillaume, ce texte vise à limiter l’usage abusif du statut LOTI par les chauffeurs Uber. Il interdit aux « capacitaires LOTI » de proposer des courses VTC dans les grandes agglomérations, les contraignant à s’inscrire au registre des VTC en suivant une formation.
Loi Thévenoud
Egalement appelé « loi taxi », ce texte adopté en octobre 2014 sous l’impulsion du député socialiste de Saône-et-Loire Thomas Thévenoud encadre les pratiques commerciales des plates-formes de VTC et des taxis. Elle interdit notamment aux VTC de prendre des clients en « maraude » et les oblige au contraire à une réservation préalable. Cette loi a définitivement placé le service UberPop dans l’illégalité.
LOTI
Créé par la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) de 1982, le statut de « capacitaire LOTI » encadre les professionnels du transport de personnes qui réalisent des courses occasionnelles et collectives. Conçu pour permettre à des minibus de desservir des zones rurales dépourvues de transports publics, ce statut a été largement utilisé par les chauffeurs Uber avant d’être encadré par la loi Grandguillaume. Désormais, le statut LOTI est réservé au transport de groupe (deux personnes minimum) avec une réservation préalable. Ce qui a poussé de nombreux « LOTI » à passer au statut de chauffeur VTC.
Pantouflage
Reconversion dans le privé d’un haut responsable public. Beaucoup d’entreprises et de cabinets de lobbying recrutent d’anciens politiques ou hauts fonctionnaires à des postes de dirigeants ou de lobbyistes, en raison de leur important carnet d’adresses et de leur bonne connaissance du monde politique. Ces situations peuvent engendrer des conflits d’intérêts, lorsque l’ancien responsable public est recruté par une industrie qu’il encadrait précédemment. C’est pourquoi elles sont généralement réglementées par les autorités, avec des obligations de transparence et des périodes de battement imposées après la fin de fonctions publiques. A l’inverse, le « rétropantouflage » désigne le recrutement par l’Etat de cadres issus du privé.
Uber
Entreprise de transport américaine fondée par Travis Kalanick, Garrett Camp et Oscar Salazar. Lancée en 2010 à San Francisco (Californie), introduite en France en 2012, l’application mobile Uber met en relation des chauffeurs avec des passagers, en prenant une commission sur les courses. Elle fait son entrée sur le marché français en 2012. Le groupe a ensuite lancé d’autres services, comme UberPop (courses assurées par des particuliers), Jump (location de vélos et trottinettes) ou UberEats (livraison de repas). Il est actuellement valorisé autour de 43 milliards de dollars (42 milliards d'euros).
UberPop
Service d’Uber qui permettait à des particuliers de proposer des courses sans être enregistrés au statut VTC, pour arrondir leurs fins de mois. Délestés des nombreux frais des transporteurs professionnels, les chauffeurs UberPop proposaient des prix très attractifs, suscitant les foudres des taxis. Lancé début 2014 en France, ce service a été rapidement jugé illégal par la justice française, puis formellement interdit par la loi Thevenoud d’octobre 2014. Il n’a toutefois été suspendu qu’en juillet 2015.
VTC
« Véhicule de tourisme avec chauffeur » ou « voiture de transport avec chauffeur ». Ce terme, défini dans sa forme actuelle par la loi Thévenoud, désigne tout véhicule dont le chauffeur transporte des passagers, uniquement sur réservation. Contrairement aux taxis, les VTC n’ont pas le droit de pratiquer la « maraude » : ils ne peuvent pas être hélés directement dans la rue. Les plates-formes de réservation comme Uber ne considèrent pas les chauffeurs de VTC comme des salariés, mais comme des indépendants.
Les frais de procédure, une charge parmi d’autres
Les milliards de dollars levés par la start-up au début des années 2010 lui confèrent une assise suffisante pour conquérir de nouveaux marchés en opérant à perte, tout en déployant d’importants moyens de lobbying. Ces liquidités permettent également de payer, si besoin, les amendes infligées à l’entreprise et à ses chauffeurs.
En interne, les frais de procédures et les pénalités sont vus comme une charge parmi d’autres. En 2014, plus d’une trentaine de chauffeurs UberPop voient leur véhicule immobilisé par les autorités belges, avec une amende de 6 000 euros par dossier, selon un chiffrage interne. Pas de quoi effrayer la plate-forme, qui sort le chéquier.
Cette ligne de conduite a été appliquée dans de nombreux pays d’Europe. Fin 2015, Zac de Kievit, le directeur juridique Europe, alerte ses équipes sur la première mise en demeure d’un chauffeur UberPop aux Pays-Bas. A ce stade, « il n’y a pas d’amende », mais des entorses répétées à la loi pourront être punies à hauteur de 10 000 euros, ajoute-t-il. L’entreprise opère dans l’illégalité et ses chauffeurs se font verbaliser ? « Bonne nouvelle, Zac », répond du tac au tac Pierre-Dimitri Gore-Coty, directeur général d’Uber en Europe. Puisque les sanctions sont négligeables, « nous devons continuer à pousser Pop au maximum ».
A Berlin, Uber a un temps ignoré l’interdiction qui lui était faite de rémunérer ses chauffeurs UberPop, faute de licence adéquate pour une activité de transport, et leur versait 10 euros par heure de service. « Si on vous demande [si vous êtes payés], dites que vous le faites pour le plaisir de conduire des gens », exigeait alors l’application de ses conducteurs. Mais, à l’automne 2014, l’entreprise est alertée d’un risque de fuite de la combine dans la presse.
Plutôt que de se conformer à la règle, son état-major rivalise là encore d’ingéniosité pour la contourner, imaginant notamment camoufler les paiements faits aux chauffeurs dans un contrat de location des voitures. Une solution probablement fragile juridiquement, mais qui « minimise le risque » decontrôle et de sanction, se satisfait un dirigeant de la branche allemande d’Uber.
Défier frontalement l’Etat
En France, l’ancien député socialiste de Saône-et-Loire Thomas Thévenoud a fait les frais de ces pratiques. Missionné début 2014 pour apaiser le conflit entre taxis et VTC, il raconte au Monde avoir cru alors aboutir à un équilibre pour « faire en sorte que tout le monde puisse travailler ». Objectif de sa loi : moderniser le secteur des taxis, ajuster la réglementation des véhicules de transport avec chauffeur (VTC) et interdire UberPop.
Mais la société n’a pas attendu la promulgation du texte, au mois d’octobre, pour le saborder. Dès l’été, pour contourner les futures contraintes applicables aux VTC, elle a dévoyé un autre statut, le LOTI (transport collectif à la demande), issu de la loi d’orientation des transports intérieurs de 1982.Huit ans plus tard, Thomas Thévenoud ne conteste pas s’être fait berner sur ce point : « Le processus parlementaire était déjà engagé, et je n’ai pas pu adapter la loi… »
Un chauffeur de taxi parisien, lors d’une manifestation contre la « concurrence déloyale » de la plate-forme américaine Uber, le 15 décembre 2014. LIONEL BONAVENTURE/AFP
Surtout, Uber a défié frontalement l’Etat dans le dossier UberPop, refusant de fermer son service controversé pendant de longs mois. Non seulement en utilisant tous les recours juridiques imaginables, jusqu’au Conseil constitutionnel, pour tenter d’annuler ou de retarder l’interdiction. Mais aussi en faisant le dos rond face aux contrôles, allant jusqu’à lancer UberPop dans de nouvelles villes en juin 2015 (Marseille, Strasbourg et Nantes), près de neuf mois après la loi Thévenoud.
Selon nos informations, c’est une énième provocation de Thibaud Simphal, alors patron d’Uber France, qui a précipité l’épilogue du feuilleton. Le 25 juin 2015, sur BFM-TV, il affirme que le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, « n’a pas le pouvoir » d’interdire son application. Les deux principaux lobbyistes de la plate-forme en France, Mark MacGann et Alexandre Quintard Kaigre, sont convoqués le 30 juin Place Beauvau. Le ministre, en colère, reçoit les deux « flibustiers » et les sermonne sur les principes de l’Etat de droit. L’heure n’est plus au dialogue : il menace Uber et ses dirigeants de poursuites pour « délit d’organisation d’activités illicites de transports de personnes »– des faits passibles de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
Trois jours plus tard, M. Simphal annonce l’arrêt d’UberPop en France dans Le Monde, au prétexte de la nécessaire « sécurité des chauffeurs » et d’un prétendu « esprit d’apaisement ». Il sera condamné en première instance l’année suivante par la justice dans ce dossier, aux côtés de M. Gore-Coty et d’Uber. Ce jugement a été confirmé en appel en janvier 2022, mais l’entreprise et ses dirigeants indiquent au Monde s’être pourvus en cassation.
Ces revers juridiques semblent signer l’échec du lobbying d’Uber. Ce serait ignorer que le temps gagné est déjà une victoire pour l’entreprise. Chaque contournement de la loi lui permet de développer son vivier de chauffeurs et sa clientèle, augmentant son poids dans le paysage médiatique et politique français.
Pour l’ancien député socialiste Laurent Grandguillaume, Uber a réussi, « à un certain moment, à imposer un état de fait à l’Etat de droit »
Fin 2016, la loi Grandguillaume ôte à Uber la possibilité de détourner le régime des LOTI. Mais le groupe négocie des conditions de transition plutôt clémentes pour une entreprise aux pratiques si contestables : les chauffeurs LOTI obtiennent un délai confortable, jusqu’à 2018, pour basculer de manière quasi automatique vers le statut de VTC, tandis que la plate-forme échappe à de nouvelles poursuites judiciaires. Auprès du Monde, l’ancien député socialiste Laurent Grandguillaume admet aujourd’hui qu’Uber a réussi, « à un certain moment, à imposer un état de fait à l’Etat de droit ». Etre trop sévère aurait aussi laissé des milliers de chauffeurs démunis, argue-t-il.
Le député dit avoir reçu, au moment des débats sur sa loi à l’Assemblée nationale, des centaines d’e-mails identiques émanant de chauffeurs : « Je souhaite juste développer mon entreprise et créer des emplois. Aujourd’hui on m’en empêche. Est-ce normal ? » Un procédé éprouvé chez Uber : en 2015, alors que le maire de New York, Bill de Blasio, veut limiter le nombre de chauffeurs sur la plate-forme, celle-ci réplique en lançant un bouton « De Blasio »dans son application. Quelque 50 000 courriels de récrimination auraient été adressés automatiquement à l’élu. Des cadres de la société ont envisagé à plusieurs reprises des coups similaires en France (« UberHollande », « UberValls »), avant de se raviser.
Extrait d’un courriel envoyé par Alexandre Quintard Kaigre, lobbyiste d’Uber en France, en octobre 2015. « UBER FILES »/THE GUARDIAN
Un désordre profitable
La stratégie du chaos ne s’arrête pas au lobbying réglementaire : elle s’appuie aussi sur l’idée que le désordre serait profitable à Uber. En 2014, alors que les mauvaises nouvelles s’accumulent en Inde, le directeur en Asie, Allen Penn, envoie un long courriel pour rassurer ses équipes : « Nous aurons probablement des problèmes locaux et nationaux dans toutes les villes d’Inde pour le reste de votre contrat chez Uber… Alors habituez-vous à ça. (…) C’est une part normale des affaires chez Uber. » Et leur préconiser d’ignorer les demandes des autorités locales : « Nous choisissons généralement de faire traîner, de ne pas répondre ou de dire non à leurs demandes. C’est comme ça que nous fonctionnons et c’est presque toujours pour le mieux. (…) Embrassez le chaos. »
Début 2016, un document de coordination interne préconise de se saisir de tout débordement pour « mettre une pression supplémentaire sur les décideurs politiques »
Quand les protestations des taxis débouchent sur des violences à l’encontre de chauffeurs ou de clients d’Uber en Europe, l’entreprise y voit une occasion de communiquer. Début 2016, un document de coordination interne préconise ainsi de se saisir de tout débordement pour « mettre une pression supplémentaire sur les décideurs politiques ». Ce serait « très efficace d’avoir des photos de violence à Barcelone cette semaine et d’autres incidents », glisse le lobbyiste Mark MacGann en préparant une rencontre avec un cadre de la Commission européenne.
Un chauffeur de taxi s’en prend à un véhicule Uber lors d’une manifestation contre le modéle économique de la plate-forme américaine, à Barcelone (Espagne), le 25 juillet 2018. ALBERT GEA/REUTERS
Ces pratiques ont parfois suscité des doutes en interne, sans faire bouger les lignes. Quand, en 2014, un nouveau venu l’interpelle sur le rapport d’Uber au risque, le patron, Travis Kalanick, lui répond sans fard : « Nous allons probablement être beaucoup plus agressifs que ce à quoi vous êtes habitués. Mais dans six mois (…), vous vous y habituerez. »
L’un des arguments récurrents du dirigeant pour justifier cette attitude est que la réglementation des transports est, dans bien des régions, inadaptée à l’économie moderne, voire incohérente. « C’est un point-clé du discours de l’entreprise : on présente la situation préexistante comme inefficiente et Uber arrive avec une solution technologique, comme si on résolvait une équation », observe l’économiste Mathilde Abel.
Dans sa réponse à l’enquête « Uber Files », l’entreprise assure que la nomination d’un nouveau dirigeant à la tête d’Uber en 2017, Dara Khosrowshahi, a fait entrer la société dans une nouvelle ère, plus modeste et respectueuse de la loi. Mais pour beaucoup, les faits ont donné raison à la stratégie ultra-agressive de son prédécesseur, Travis Kalanick. « Il n’aurait probablement pas été possible de “disrupter” autant le secteur en s’y prenant autrement », juge avec le recul Grégoire Kopp, ancien directeur de la communication d’Uber en France. « L’application n’aurait jamais eu autant de parts de marché aussi vite si tout avait été fait dans les règles, c’est certain », abonde son ancien collègue Maxime Drouineau, lobbyiste de la plate-forme jusqu’en 2016.
Loin d’être désavoués, plusieurs cadres des années Kalanick, qui ont parfaitement décliné à leur échelle sa philosophie, occupent encore des postes-clés de l’entreprise. A commencer par les deux dirigeants français, Pierre-Dimitri Gore-Coty, désormais vice-président chargé des activités de livraison Uber Eats, et Thibaud Simphal, responsable monde du développement durable. Le premier admet aujourd’hui avoir parfois suivi des décisions de ses supérieurs à « l’éthique discutable », tandis que le second reconnaît avoir pu user de mots « maladroits ».
Travis Kalanick n’a pas souhaité répondre dans le détail aux questions qui lui ont été adressées par l’ICIJ et Le Monde. Mais sa porte-parole Devon Spurgeon assure dans un communiqué que l’ancien PDG d’Uber « n’a jamais autorisé quelque action ou programme qui ferait obstruction à la justice » ni « suggéré qu’Uber devrait tirer profit de la violence au prix de la sécurité des chauffeurs ».
Par Adrien Sénécat
2022-07-10 à 20h00, mis à jour à 20h07https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/07/10/uber-files-une-strategie-du-chaos-assumee-pour-conquerir-le-monde_6134211_4408996.html...
Michèle, une modeste employée de la RATP, alors mère de trois filles mineures, trois gamines abandonnées par un père indigne qui refusait de les reconnaître, se tenait debout et tremblante devant le juge d’instruction.
– Mais, Monsieur le juge, je ne suis pas coupable ! C’est votre loi qui est coupable !
Le juge lui ordonna de se taire sous peine d’une deuxième inculpation pour outrage à magistrat. Non mais, une femme qui ose élever le ton, voire à vouloir confondre l’autorité masculine. Voyez-vous ça !!!
Le procès de Bobigny, d’octobre et novembre 1970, dans lequel furent impliquées Michèle et trois autres femmes, toutes de même conditions sociales modestes, pour avoir pratiqué une interruption illégale de grossesse sur une mineure, deviendra quatre ans plus tard par son extraordinaire retentissement et les controverses plus tonitruantes les unes que les autres, à l’origine de la loi Veil, une loi qui dépénalise l’interruption volontaire de grossesse, l’IVG.
La genèse de ce bouleversant procès se distinguait alors par la condition féminine de l’époque, une condition qui maintenait les femmes dans une posture subalterne au regard du rang social de l’homme, même dans cette société française et occidentale que l’on prétendait émancipée et évoluée.
Violée par un jeune homme, Marie-Claire alors âgée d’à peine 16 ans et fille de Michèle, tomba enceinte et demanda à sa maman de l’aider, car elle refusait de porter le fruit d’un crime impuni, le fruit du mépris et de la déchéance humaine, le fruit d’une agression, d’un outrage et de la profanation de son corps, de son être, de son âme de jeune fille.
N’ayant pas les moyens financiers pour payer les services d’un gynécologue, Michèle, la maman de Marie Claire fit appel, en désespoir de cause, à d’autres femmes qui l’aidèrent à recourir à la pratique clandestine pour interrompre la grossesse de sa fille.
C’est ainsi que l’honorable défunte Maître Gisèle Halimi accepta de défendre cette cause, elle qui fut l’auteure du livre retraçant l’histoire de Djamila Boupacha, une militante algérienne violée et torturée par l’armée française durant la guerre d’Algérie.
La loi sur l’IVG, dite loi Veil, a certes ébranlé et rétrogradé les esprits machistes de l’époque, bousculant sans ménagement l’hégémonie d’un puritanisme clérical et politico-religieux conservateur, ancré dans la société française de ces années là.
Néanmoins, sans être la seule d’ailleurs, cette loi rétablissait quelque peu, au fil des ans, le droit à la liberté, le droit à la dignité, le droit à l’égalité des statuts de la femme et de l’homme, trop longtemps et tant cruellement bafoués sur l’autel de la bien-pensance morale ou éthique des censeurs religieux, des tenants de l’hypocrisie et de la misogynie pudibonde.
Et oui, il aura fallu qu’une femme du nom de Simone Veil, une femme digne et honorable qui, dans son adolescence fut arrachée à son innocence et à sa liberté pour être déportée et jetée aux gémonies inhumaines des camps de la mort, mais que j’aime à penser que Dieu l’a sauvée pour qu’elle puisse, un jour, affronter avec ténacité et détermination la trop virile Assemblée nationale, cette cohorte masculine qui interdisait aux femmes le port du pantalon dans l’hémicycle.
Cependant, en marge du grand mérite et de l’hommage national que la France a rendu, d’un seul élan, à Madame Simone Veil, décédée à quelques heures du shabbat du vendredi 30 juin 2017, les réseaux sociaux se sont vite enflammés, avec juste réprobation, en réaction à des tweets irrespectueux, intolérables et inadmissibles.
Mais ce qui me gênait davantage, ce fut le silence des organisations, ou institutions prétendument représentatives des musulmans de France, qui n’avaient officiellement pas exprimé leurs condoléances, à l’occasion du décès de Madame Simone Veil.
Ce qui dénote, à mon sens, une absence de reconnaissance de l’image républicaine et morale qu’incarnait Madame Simone Veil, une réelle désapprobation, voire un mépris, sans doute pas à l’égard de la personne même de la Ministre défunte, mais probablement par esprit sous-jacent et implicite de rejet de cette fameuse loi libératrice des femmes.
Si telle fut leur attitude, au regard de ma déception, je leur répondais ceci, tout comme je l’ai commenté ailleurs :
“Avez-vous seulement connaissance du nombre d’enfants abandonnés, nés hors mariages et que personne ne veut adopter, dans les pays dits musulmans, ces pays dans lesquels, par tradition ou culture sociétale, la femme est réduite au rang subalterne par rapport à l’homme, au nom d’un Islam dévoyé de sa substance originelle ? Des dizaines de milliers, chaque année !!!
Mesurez-vous la détresse de ces milliers de femmes musulmanes séduites, passionnées puis délaissées et rejetées, dès lors qu’elles tombaient enceintes, alors qu’elles fondaient naïvement un espoir de bâtir leur foyer conjugal ?
Vous êtes-vous introduits dans la peau d’un nouveau né qui se découvre sans mère, sans père ni famille, tel un morceau de viande que personne ne voudrait accueillir ? Pensez-donc, dans les années 80 à Alger, 50 % des nourrissons abandonnés en milieu hospitalier se suicidaient avant même d’atteindre l’âge de trois mois !!! Et ça m’étonnerait fort que ce phénomène cruel ait disparu de nos jours.”
Tous ces enfants sans mères ni familles demeurent les témoins de la lâcheté des hommes, du refus des hommes à admettre et reconnaître respectueusement leur égalité absolue avec les femmes, et la liberté de droit divin que les femmes sont en exigence à réclamer.
Alors, en Hommage à Madame Simone Veil, je redis ceci : “Merci Madame la Ministre pour votre oeuvre de Justice Humaine et Républicaine.”
Mohammed Guerroumi
Musulman rationaliste, engagé et laïc, nommé en 2016 Délégué régional à l’instance nationale de dialogue avec l’islam, Mohammed Guerroumi est très impliqué dans le dialogue interreligieux. Auteur à Causeur, il est un des Signataires du “Manifeste contre le nouvel antisémitisme“.
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