La question de la récupération des fonds et des biens issus de la corruption d’hommes d’affaires, de militaires et des politiciens véreux ainsi que des parties influentes incarcérés pour corruption était une promesse de campagne du président mal élu Abdelmadjid Tebboune.
Aujourd’hui le bonhomme s’en remet à ses bons souvenirs et relance ce va-t-en guerre à la recherche de Dinars perdus dilapidés dans le cadre de la récupération des fonds dissimulés frauduleusement à l’étranger ou même en Algérie à travers des biens éparpillés çà et là. C’est d’ailleurs de l’un de ceux-là d’où est repartie cette affaire. Dimanche dernier, effectivement, le chef d’état lors du Conseil des ministres tenu sous sa présidence, avait sommé ses troupes d’accélérer la remise en production de l’usine des huiles végétales de Jijel, qui appartenait aux frères Kouninef, actuellement en détention pour corruption, lançant ainsi la première étape d’un début du processus de récupération.
C’est que l’histoire va chercher loin elle couterait au bas mot estiment les experts, plus de 7,5 milliards d’euros et 600 milliards de DA, un joli pactole pour des caisses assoiffées. Si pour ce qui est de récupérer l’argent volé et dissimulé à l’étranger, autant en faire son deuil tant les procédures complexes prendraient du temps pour le rapatrier, les démarches à entamer, se déroulant sous la houlette diplomatique. Au Bled c’est un autre son de cloche et cela semble plus envisageable. Mais dans cette histoire du voleur volé, et entre nous, le vrai pactole est en devises fortes et donc entre de bonnes mains chez les autres. Ce qui reste au pays va avec les pertes et profits. Et l’Exécutif algérien en ces temps durs est tout aise de rencontrer le fameux « limaçon » de la fable.
Sauf que là, la problématique de la récupération des biens et fortune des richissimes oligarques et hauts responsables du régime Bouteflika ne pourrait se faire, qu’après que toutes les voies de recours eussent été épuisées. D’ailleurs, seule la cour d’Alger « une voix de son maître sans équivoque », où se déroulent les procès en appel des accusés concernées par la confiscation de biens mal acquis, est apte ou non de confirmer les demandes de la partie civile, qui est le Trésor public en ordonnant donc la confiscation de biens précisément identifiés et localisés. Ce qui toutefois peut prendre parfois plusieurs mois, voire des années mais bien moins que pour l’autre opération de rapatriement.
Ces grands dossiers qui s’élèvent à 7,5 milliards d’euros, ont pour hommes d’affaires des sommités comme, Ali Haddad, Mahieddine Tahkout , Mourad Eulmi, Abdelghani Hamel, les frères Kouninef ainsi que des accusés de parts et d’autres, notamment ceux dont les biens ont fait l’objet d’un ordre de saisie dans l’affaire du montage automobile. La majorité de ces biens à confisquer se trouve dans la capitale Alger et ses environs, il s’agit de terrains, usines, sièges de sociétés ou bureaux… L’opération est, sauf retournement de situation comme c’est souvent le cas en Algérie, certes, des plus plausibles sur le plan juridique car la justice est toute acquise à l’exécutif qui n’est autre que l’uniforme en Algérie, mais elle restera dans le temps complexe à appliquer. Mais qu’on se le dise ! dans l’état actuel des choses ce n’est qu’une passation de mains ou de pouvoir. Les nouveaux « ayant droit » se bousculent déjà aux portillons de la bonne fortune que partage volontiers le parrain. C’est comme ça en Algérie depuis plus de six décennies. Les bonnes habitudes ne se perdent pas.
Mohamed Jaouad EL KANABI 06 Mar 2021
https://fr.hespress.com/193074-coronavirus-pres-de-26-millions-de-deces-dans-le-monde-depuis-lapparition-de-lepidemie.html
Rédigé le 07/03/2021 à 10:16 dans Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Rédigé le 01/01/2021 à 05:11 dans Algérie, Culture, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Rédigé le 26/12/2020 à 20:26 dans Algérie, Culture, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
"Algérie, les années pieds-rouges Des rêves de l'indépendance au désenchantement 1962-1969"
Le livre de Catherine Simon, "Algérie, les années pieds-rouges Des rêves de l'indépendance au désenchantement 1962-1969" vient de paraître à la Découverte. C'est, sans aucun doute, un excellent livre et un livre passionnant pour moi qui ai traversé cette période, en n'ayant qu'une conscience émoussée de ce qui se passait. En partie par manque de formation politique probablement, bien que militant du Parti socialiste unifié (PSU), en partie à cause de l'aveuglement volontaire ou involontaire que décrit très bien Catherine Simon, aveuglement qui a touché aussi des militants plus aguerris.
Mais cette période a été aussi la période probablement la plus intéressante de ma vie professionnelle et militante. Je n'en regrette rien même si les choses n'ont pas évolué comme je l'aurais souhaité. C'est pour cet aspect qui apparaît seulement par quelques touches dans le livre de Catherine Simon qui se situe à un niveau plus politique, que je vais essayer de regrouper quelques souvenirs.
Pourquoi l'Algérie ?
J'ai commencé mes études en médecine avec le déclenchement de la guerre d'Algérie, je les ai finies avec l'arrêt de la guerre d'Algérie. Pendant toute cette période, les discussions pouvaient commencer par "il fait beau aujourd'hui", elles finissaient "pour ou contre la guerre d'Algérie". J'ai milité à l'UNEF qui s'est scindée sur la question. J'ai adhéré au PSU, 15 jours avant sa création, car il y avait des militants qui distribuaient des tracts au restaurant universitaire de la rue des Potiers (Toulouse) et je leur avais promis d'adhérer après la fusion de l'Union de la gauche socialiste (UGS) et du Parti socialiste autonome (PSA). Ils m'ont pressé d'adhérer 15 jours avant cette fusion car ils voulaient renforcer l'UGS. C'était une vraie fusion, une fusion dynamique, c'est à dire l'addition des militants de plusieurs organisations. Depuis, les groupuscules auxquels j'ai adhéré ont inventé ce que j'appelle les mathématiques post-moderne où les fusions entraînent une diminution du nombre d'adhérents : 500 + 500 = 400.
Un facteur important de la naissance du PSU est la scission de la SFIO (Section française de l'internationale ouvrière, le PS de l'époque). Un nombre significatif de militants et de personnalités l'ont quittée parce qu'il ne supportaient plus la politique algérienne du gouvernement français, à majorité SFIO conduite par Guy Mollet. Ils ont alors fondé le PSA (Parti socialiste autonome). On peut dire que si certaines branches du PSU ont des racines profondes et lointaines, sa naissance doit beaucoup à la Guerre d'Algérie. Le PSU est donc né, notamment, contre la guerre d'Algérie mais, en plus, il a probablement été le premier à s'opposer à la guerre AVEC l'Algérie, c'est à dire à reconnaître l'Algérie avant sa (re)naissance ! Il n'est pas étonnant que dans le bouquin de Catherine Simon si, parmi les personnes interrogées (77), 17 disent avoir été membres d'un parti avant d'aller en Algérie, 7 font état de leur appartenance au PSU : par ailleurs, 7 se réclament des différentes branches du trotskisme, 3 du PCF (plus 2 de l'UEC et 1 des JC).
Quitte à être ridicule, je dois dire que depuis mon plus jeune âge, je voulais "partir" et partir en "Afrique". Que ce soit, suivant mon âge, aux "colonies", dans la "communauté" ou dans les pays devenus indépendants. Pourquoi ? Probablement le fruit d'une éducation chrétienne et de l'école républicaine, d'un besoin de justice... Je me souviens encore de l'image d'un livre de l'école primaire montrant Savorgnan de Brazza libérant des esclaves !!! Je pense qu'à la base de mon engagement quelle qu'en soit les sources, il y a le sentiment de l'absolu nécessité de combattre pour l'égalité et pour la liberté. Mais ce qui me fascinait, c'était l'Afrique noire... ce fut l'Algérie !
D'ABORD LA FRANCE
De gauche depuis toujours, sans aucune formation politique réelle, si ce n'est les discussions très animées avec mon père ou avec les copains, j'aurais adhéré à un parti chrétien si j'en avais connu un de gauche entre 15 et 20 ans. Mais ma première prise de parole publique a été, à Carcassonne, contre le MRP (Mouvement républicain populaire, démocrate chrétien) en faveur du Front républicain. Et c'est ce défaut de l'engagement à gauche qui m'a éloigné du christianisme.
J'aurais pu être à la SFIO mais son comportement en Algérie ne pouvait que m'en dissuader. J'ai eu une discussion houleuse avec le député de l'Aude, SFIO, Georges Guille qui justifiait l'expédition à Suez en comparant Nasser à Hitler...
Je n'étais pas attiré par le PC bien que suivant des cours de marxisme pendant mes études à Toulouse dans une arrière salle de bistrot. Mais je n'ai jamais reproché au PC d'avoir voté les pleins pouvoirs à Guy Mollet, chef du gouvernement, SFIO. Naïveté peut-être mais je pensais qu'ils étaient nécessaires à Guy Mollet s'il voulait réellement conduire une politique de gauche. Il s'en est servi pour faire une politique de droite !!! Guy Mollet m'a guéri définitivement de militer avec des socialistes qui ne l'ont jamais condamné. Et la politique de Mitterrand n'a pas été faite pour me faire changer d'idée !
J'ai donc milité contre la guerre. Mais je n'ai jamais fait de l'aide au FLN. Je me suis même opposé à ce que le PSU s'engage dans cette voie quand il en a été fortement question au sein des étudiants PSU de Toulouse. Je pensais que c'était une erreur d'engager le PSU en tant que parti. Qu'individuellement, cela était possible mais qu'en tant qu'organisation, le PSU ne pouvait le faire sans courir à sa dissolution. C'est probablement ce qui a fait que lorsque "Jeune Résistance" a été mise en place à Toulouse, je n'ai pas été sollicité.
Avec la guerre qui s'éternisait, la question cruciale était : que faire au moment de l'appel au service militaire. J'étais décidé à ne pas le faire. Qu'aurais-je fait si le cessez le feu n'était arrivé quelques mois avant mon incorporation ? Bien entendu, je n'en sais rien. Mais je savais que je pouvais poser la question à Alexandre M. qui m'avait demandé une adresse sûre à Carcassonne pour servir de boite aux lettres au FLN.
Fort heureusement, pour l'Algérie, pour les appelés et pour moi même. Il y a eu le cessez le feu !
Pendant toute la guerre d'Algérie, nous avions beaucoup de difficultés à mobiliser. J'ai monté une liste de gauche pour la corpo de médecine et nous avons été élus sans problème. Nous étions la seule liste ! Quelques années plus tard, lorsqu'une liste de droite s'est présentée contre nous, nous avons été facilement balayés malgré le travail que nous avions fait.
Les étudiants en médecine avaient un sursis plus long que les autres étudiants. Quand les sursis ont été remis en question, les étudiants en médecine n'ont pas été touchés. Nous avons essayé de lancer un mouvement de solidarité avec les autres étudiants pour qu'ils puissent continuer leurs études et échapper, pour quelque temps à l'incorporation. Je ne pense pas avoir convaincu un seul étudiant quand j'ai pris la parole dans l'amphi.
Nous avons aussi essayé de mobiliser les mères d'appelés. La mère de Claude M. nous a répondu : "Ils peuvent le faire comme mon fils".
Tout ceci ne pouvait que me renforcer dans l'idée de quitter ce pays qui m’écœurait profondément.
Ma thèse en poche, j'ai même essayé de partir par le canal de l'OMS. Je suis allé jusqu'à Genève pour voir si je pouvais me faire embaucher. On m'a dit que non. Ou alors au Ruanda. Et comme j'ai répondu : pourquoi pas ? Il s'est avéré que ce n'était pas possible. C'est probable pour de nombreuses raisons. Je n'avais pas encore fait le service militaire et je ne pensais qu'à partir. Définitivement.
Paradoxalement, je suis allé en Algérie, pour la première fois, pendant le service militaire après la proclamation de l'indépendance ! J'aurais pu y aller avant dans le cadre de l'Unef mais j'avais refusé d'envisager cette éventualité : aller dans l'Algérie en guerre avant son indépendance ! Par la suite, je l'ai un peu regretté car je n'avais aucun point de comparaison avec l'Algérie d'avant l'indépendance.
Pour beaucoup, être allé en Algérie comme militaire français après l'indépendance soulève l'incrédulité : "Après l'indépendance ?" Il faut se rendre compte qu'au moment du cessez le feu, il y avait des régiments entiers dans l'Algérie occupée. Que l'évacuation de ces régiments n'a pu se faire en un clin d’œil. Que la structure des régiments devait être maintenue pour qu'ils puissent être rapatriés en bon ordre.
Lors de mon incorporation en janvier 1963, j'ai fait un séjour à Libourne où étaient regroupés tous les médecins appelés pour suivre une formation de médecine militaire avant l'affectation qui dépendait du classement. J'ai créé la surprise en demandant l'Algérie alors qu'il y avait encore quelques places en France. J'avais l'espoir, déjà, de faire de la coopération dans le cadre du service militaire car on en parlait officiellement à l'époque. En réalité, j'ai passé mon séjour de 10 mois à Mostaganem dans une caserne. J'ai bien pris contact avec le Croissant rouge algérien mais sans suite. Et je ne sais pas comment aurait réagi le commandement s'il l'avait su.
Quelques petites anecdotes.
Arrivés à Alger, nous étions 4 médecins et j'ai pu choisir en premier mon affectation. Fort heureusement : il y avait 4 postes dont 3 dans la Légion ! Mon choix a semblé indigner le colonel qui nous recevait et qui, après mon choix, a tenu à nous dire qu'il était très fier d'être "première classe" de la Légion. Un camarade, martiniquais, qui avait fait ses études à Toulouse a eu un poste à la Légion : quand je l'ai revu après le service militaire, tout s'était bien passé pour lui.
Pendant notre bref séjour à Alger, nous sommes allés, à plusieurs, visiter la Casbah, en uniforme sans aucun problème si ce n'est des petits gosses qui nous suivaient en piaillant et qui étaient réprimandés par des adultes.
Au cours d'une balade, nous sommes montés à ND d'Afrique pour admirer un magnifique coucher de soleil. Et l'un des collègues de s'écrier : "Devant ce coucher de soleil, je comprends l'attachement des Pieds-noirs à ce pays". Et moi de répondre : "Devant ce coucher de soleil, je comprends la volonté des Algériens d'être ici chez eux". La discussion n'est pas allée plus loin.
J'étais donc à Mostaganem pour le premier anniversaire de l'indépendance. Privilège d'officier, comme tout médecin j'étais aspirant, à cette époque, je logeais en ville à proximité de la caserne mais j'étais consigné à mon domicile. Voulant voir la manifestation, je suis descendu, en civil, j'ai demandé au policier qui était au coin de la rue s'il y avait danger pour un Français d'aller à la manifestation. Il a été très étonné de ma question. Et je suis allé me mêler à la foule. J'ai cru voir quelque étonnement dans les regards devant cet Européen inconnu.
C'est à Mostganem que j'ai vu pour la première fois "Octobre à Paris", film sur la sauvage répression de la manifestation des Algériens, le 17 octobre 1961, à Paris. J'étais en civil mais des appelés étaient venus le voir en militaire. Cela ne semble avoir posé aucun problème.
A l'époque des bruits circulaient que les Algériens tendaient des fils en travers de la route qui menait à la plage pour piéger les éventuels Pieds-noirs qui s'y rendaient. J'ai connu un pied noir à Mostaganem, un médecin radiologiste, assez âgé, qui se préparait à partir parce que, m'a-t-il dit, toutes ses connaissances étaient déjà parties. Il avait un revolver dont il voulait se débarrasser et que j'ai ramené à la caserne.
Notre régiment a été rapatrié en avril 1964 mais il y avait encore bien des militaires en Algérie, à Mers el Kebir, où j'étais allé avec une ambulance militaire, dans un aéroport aux environs d'Oran dont j'ai oublié le nom mais qui servait de relais, disait-on, pour aller en Afrique noire, au Sahara bien sûr. Le 15 août 1963, je suis allé en avion militaire à Colomb-Béchar, voir des collègues de Toulouse au prix d'une bouteille de whisky offerte à un adjudant...
Je me souviens d'une note du médecin chef du service médical militaire de toutes les troupes française en Algérie qui disait, partant à la retraite, que "les médecins étaient les seuls à servir à la fois leur pays et l'humanité" . Si c'est lui qui le dit, ai-je fait remarquer au médecin capitaine...
La présence militaire française a continué bien après le départ du régiment de Mostaganem notamment au Sahara pour les essais nucléaires et même à Alger où le drapeau de l'Amirauté a été ramené bien plus tard alors que j'étais de nouveau en Algérie mais cette fois comme coopérant civil.
LE MAROC ENSUITE
En réalité, avant d'aller en Algérie, je suis allé au Maroc. Par un copain, étudiant en médecine, nous avons demandé au professeur R. de nous envoyer au Maroc comme infirmier dans une colonie de vacances marocaine. Finalement, je suis le seul à être parti.
Première traversée en bateau Marseille-Casablanca. Avec un bateau qui n'était pas très grand, sur lequel voyageaient une quarantaine d'étudiants qui allaient ensemble au Maroc. Ils ont envahi le bateau, ont fraternisé avec l'équipage, piloté, pris des douches au tuyau d'arrosage, bu le pastis et poussé la chansonnette avec les matelots corses !
Il fallait que je passe au ministère pour mon affectation. J'ai été ébloui par l'avenue principale de Rabat. J'ai été envoyé à Saïdia, sur la côte méditerranéenne, au nord d'Oujda, à la frontière algérienne. C'était une colonie essentiellement sous toiles de tentes, au bord de la mer où j'ai passé l'été. C'est là que j'ai fait connaissance de Simone, Guillaume et leurs enfants (1). Ils étaient les seuls européens avec lesquels j'étais en contact et par eux, épisodiquement, avec quelques autres.
De ce séjour, je ne conserve que quelques anecdotes. Une chose qui m'a frappée, c'est l'antisémitisme de gens de gauche. Chose impensable pour moi. Je me souviens de cette réflexion : "Nous avons su que le Maroc allait retrouver son indépendance, le jour où nous avons vu les Juifs manifester avec les Arabes".
J'étais en contact permanent avec l'encadrement de la colonie. Je dois dire que j'ai peu participé aux discussions car tout se déroulait en arabe et que je n'en comprenais pas un mot. J'ai cependant eu quelques discussions. Un des moniteurs ne parlait que de sport. La seule fois où il 'a parlé de politique ce fut pour me faire part de sa joie de la mort de Dag Hammarskjoeld parce qu'il était pour les juifs.
Parmi les enfants de la colonie de vacances, il y avait beaucoup de petits blonds ce qui m'avait beaucoup étonné. Il devait y avoir une trentaine de Mohamed ben Mohamed ! Comment s'y reconnaître ? Depuis l'état civil a été réorganisé. Une bonne partie des enfants étaient des réfugiés algériens.
Lors de mon retour de Saïdia à Rabat et Casablanca, j'en ai profité pour visiter Azrou, Ifrane et Fès grâce à un moniteur de la colonie. D'Azrou, jai ramené un plat et un marteau en olivier pour casser des noix qui est encore à Carcassonne et de Fès un sac en cuir pour ma mère que l'ami qui m'accompagnait a longuement marchandé, pour le plaisir, m'interdisant de me mêler de cette négociation complice.
En passant, nous sommes allés rendre visite à des cousins éloignés qui, après avoir quitté la Syrie, étaient installés à Meknès. Le cousin était maître bottier. Stupéfaction pendant le repas, mon ami marocain et mes "cousins" s'entendaient comme larrons pour faire de l'antisémitisme !! Quand je pense que lors d'un passage à Carcassonne, la "cousine" nous avait soutenu que les "arabes n'étaient pas comme nous, que d'ailleurs elle le savait bien elle qui en avait soigné et que leur sang n'avait pas la même couleur que le nôtre !!!".
Cela me rappelait une autre discussion à la maison entre des membres de ma famille et des Maliens qui étaient en math-élem avec moi et que j'avais invités. Tout le monde faisait assaut devant eux d'antiracisme. Je n'y ai pas tenu et je suis sorti pour aller donner des coups de pied dans la porte du jardin !
De Rabat, je suis rentré en Caravelle, premier voyage en avion ! et j'ai pu voir le détroit de Gibraltar, un avion militaire qui nous a suivis un moment et les parcelles minuscules de la campagne !
28 septembre 2020
https://www.typepad.com/site/blogs/6a00d834529ffc69e200d834529ffe69e2/post/compose
28 septembre 20
Rédigé le 25/12/2020 à 00:18 dans Algérie, colonisation, Culture, Guerre d'Algérie, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0)
Les Algériens, l’Algérie et la France.
Point de vue d’un Français… d’origine italienne !
Le peuple algérien est un peuple attachant. Il a su reconquérir son indépendance. L’Algérie est un beau pays plein de contrastes. Longtemps, l’Algérie a fait partie de la France, de gré ou de force, mais cela reste un fait incontournable. Et ce fait a laissé de profondes traces dans la mémoire des uns et des autres.
Des traces tout contradictoires.
J’aime les Algériens. Comme je le disais à des amis algériens, élus de la com-mune d’Aïn Benian à l’ouest d’Alger, je vis dans une commune où les Algériens, ou, du moins, les personnes d’origine algérienne sont très nombreuses… Je vis donc depuis trente ans à leurs côtés. Ma commune, Givors, a une longue tradition d’accueil d’immigrés. Non pas parce que ses habitants les appellent particulièrement, mais parce que cette petite ville a une vieille tradition ouvrière,
et que les patrons d’industrie ont toujours eu besoin de main-d’œuvre. Il a fallu loger ces ouvriers, donc construire de nombreux logements sociaux, puis, après la désindustrialisation, les logements sociaux sont restés et l’accueil des immigrés s’est poursuivie. Longtemps, une fonderie a conti-nué ses activités, dans laquelle travaillaient des ouvriers de toutes nationalités, et particulièrement des Sénégalais qui logeaient au foyer SONACOTRA. En 1983, alors maire-adjoint et responsable au P.C.F. de l’immigration, je m’étais occupé de la régularisation de ces Africains, pour beaucoup sans papiers, ce qui n’avait pas l’air de déranger beaucoup le patron de cette fonderie… Cette expérience évoque pour moi une amitié avec ces gens également très attachants.
Givors est donc une ville cosmopolite : des habitants d’origine italienne, espagnole, portugaise, algérienne… Cette cohabitation se passe bien. Seuls quelques jeunes d’origine algérienne ont choisi la délinquance comme moyen, à la fois, de s’exprimer et de survivre. Mais j’y reviendrai.
En Algérie
Lorsque j’étais enfant, j’habitais la Lorraine, et mes origines italiennes m’avaient valu d’être victime d’agressions racistes. L’immigration italienne de l’époque, composée de ruraux très pauvres et incultes de l’Italie du sud, ne donnaient pas une belle image des Italiens. Dans mon cas, je faisais partie de ce qu’on a appelé un moment,
la troisième génération, car c’était mon grand-père qui était venu en France au début des années vingt. Donc, une personne qui avait fait un voyage en Italie était revenue et avait déclaré à mon père : “C’est drôle, les Italiens de là-bas, ne sont pas comme ceux d’ici.” Intéressante remarque qui dit deux choses sans le savoir : d’abord qu’un peuple est divers et ensuite que l’immigré évolue différemment lorsqu’il est loin de son pays, ou plutôt, n’évolue plus alors que les ressortissants restés dans le pays d’origine évoluent eux…
Souvent, lors de discussions difficiles avec des jeunes d’origine algérienne, je leur faisais part de mes difficultés de jeunesse en tant que jeune d’origine italienne. Ils ont toujours eu du mal à me croire, tant je suis désormais “intégré”, un vrai Français… Aujourd’hui, on voit beaucoup de jeunes et moins jeunes d’origine algérienne qui sont dans mon cas.
Ainsi, lorsque l’occasion de faire un voyage en Algérie se présenta à moi, je m’en emparai immédiatement. La municipalité de Givors souhaitait qu’un élu participe à un voyage de jeunes lycéens de Givors dans le cadre d’échanges. Je me proposai. Nous avions déjà (nous étions en 1989) l’objectif de nous jumeler avec une ville algérienne. Nous nous rendions à Dellys, petit port de pêche à l’est d’Alger, en pleine Kabylie, mais, dans une “poche” intégriste. Nous ignorions ce dernier point, d’ailleurs pas immédiatement visible sur place, mais nous finîmes par l’apprendre de la bouche d’Algériens rencontrés à Alger.
En 1989, nous étions un an après les émeutes de la "semoule » dont nous apercevions encore les débris calcinés de quelques entrepôts… L’Algérie était encore sous le régime du parti unique, le F.L.N ., issu de la guerre de libération et plus ou moins copié sur le régime soviétique. Ainsi, l’approvisionnement était difficile. Un jour, on voyait beaucoup de gens se promener avec des grandes bouteilles d’huile alimentaire : il y avait eu un arrivage d’huile… Partout nous étions chaleureusement accueillis, et, lorsque la discussion était possible, nous entendions beaucoup de paroles de mécontentement envers les dirigeants du F.L.N., présentés comme de bureaucrates profiteurs, mé-contentement qui fit le jeu du F.I.S. aux premières élections démocratiques qui suivirent. Les élus de Dellys étaient vraisemblablement membres du F.L.N. sans qu’ils nous en n’aient jamais parlé. Nous étions logés dans des appartements inoccupés du lycée algérien de Dellys, magnifique bâtisse construite en bord de mer du temps de la colonisation. Il était remarquable que ce lycée comportait plusieurs appartements inoccupés alors que les Algériens manquaient cruellement de logements. Ce lycée était situé juste à côté du cimetière français de la commune. Ainsi, de la cuisine où j’avais installé mon lit, je voyais les tombes. Nous avions de très bons rapports avec les professeurs algériens, tous Kabyles et progressistes dans leurs idées politiques, qui se moquaient de moi lorsque j’excusais encore certaines difficultés de la société algérienne par la colo-nisation : “Cela fait longtemps que c’est fini,
la colonisation. Les responsables sont ici aujourd’hui…” Alors que le maire-adjoint (chargé de la culture) qui nous accompagnait utilisait le terme : “au temps de l’occupation française” pour parler de l’époque coloniale.
Lors d’un voyage en R.D.A. , alors que nous constations des problèmes de plomberie, un ami me dit : “C’est à cela que l’on voit qu’un pays est sous développé, quand il a des problèmes de plomberie.” Cette répartie m’avait vexé, car, à cette époque (en 1988) je croyais encore au socialisme réel…. Je me remémorais cette phrase lorsque je voyais à quel point les problèmes de plomberie étaient nombreux dans l’appartement où nous étions : rien ne fonctionnait ! A un moment, l’eau du robinet eut un goût salé. L’adjoint au maire me confirma qu’ils avaient des problèmes d’adduction d’eau. En un mot, la vie n’était pas facile.
Lors de notre visite de la montagne du Djurdjura, nous traversâmes de vastes étendues de forêts incendiées. Alors qu’un des élèves avait jeté son mégot par la fenêtre, je l’admonestait vertement en lui rappelant les paysages noircis par le feu que nous venions de traverser. Le jeune homme s’excusa. Et, alors que je regagnais ma place, je vis le chauffeur algérien lancer son mégot allumé par la fenêtre ! Nous apprîmes un jour, que la passion du responsable du lycée était la chasse au sanglier. Je m’étonnais que des musulmans puissent se nourrir de sangliers… L’enseignant me rétorqua qu’il n’en était pas question : une fois le sanglier tué,
il ne le touchait même pas ! La même personne était agacée par le fait que les jeudi et vendredi étaient les jours de la semaine de repos du musulman, ce qui ne facilitait pas les échanges internationaux. Sans parler du ramadan…
Malgré les difficultés de vie, nous fûmes magnifiquement accueillis. Nous nous efforçâmes d’être à la hauteur lorsque nous avons accueillis les jeunes algériens à Givors. Là-bas, nous avions un car dont le réservoir de fuel fuyait dans la soute à bagages. Lors de nos voyages, nous emmenions le pique-nique et l’eau potable en jerrycans. A Alger, nous avions laissé le car assez loin du parc où nous devions pique-niquer. Je me chargeai de porter les lourds jerrycans en plastique d’eau potable. Mais ils étaient couverts de gas-oil. Je les portais en les tenant assez loin de mes jambes, ce qui me conférait une démarche hésitante. Me voyant en difficulté, un jeune Algérien qui passait par là se précipita pour m’aider. Malgré mes protestations, il saisit les deux récipients qu’il porta jusqu’au lieu du pique-nique en se maculant les pantalons de gas-oil. Honte à moi !
Les discussions politiques étaient passionnées car les élections approchaient. Le débat sur le mode de scrutin à adopter se déroulait au parlement. Je sentais une société avide de développement, bloquée par un régime déjà condamné dans d’autres pays… Mais ici, ce sont les Islamistes qui engrangeaient le mécontentement. Leur influence se sentait partout, jusque sur la plage où un « barbu » nous reprocha de laisser les femmes se baigner car elles « souillaient l’eau ».
..
Un autre élu du conseil municipal de Givors nous accompagnait : mon ami Akim, jeune français d’origine algérienne. Los de la réception officielle par le maire de Dellys — un homme jeune en tenue saharienne, très brutal —, ce dernier interpella soudainement Akim en parlant arabe. Le jeune français, très gêné, ne comprit pas ces paroles et le maire se moqua de lui en disant (en français) qu’il avait même perdu sa langue maternelle !
La “communauté”
Un jour, dans le cadre de mon travail, je reçois un appel téléphonique d’une personne qui avait à se plaindre de certains travaux de voirie. Je lui répondis calmement et elle répliqua : “Mais ils travaillent comme des Arabes !”, une manière de dire qu’ils travaillaient mal ! Je me fis donc un devoir de protester devant cette affirmation raciste et la personne de me rire au nez en me disant : “Arrêtez votre cinéma, je ne suis pas raciste, j’en suis un d’Arabe !” D’ailleurs ma collègue Jamila fit la même réponse à quelqu’un à qui elle avait fait la même remarque. Amusant, non?
Le sentiment d’appartenir à une communauté ethnique, religieuse ou culturelle est au fond, disons, “naturelle”. Tous les êtres humains sont soumis à ce sentiment. Je me souviens d’une scène dans le métro parisien. Un grand noir, visiblement clochard car ses vêtements étaient en loques, ivre à tituber,
se plaça entre les portes de la voiture, les empêchant de se refermer et rendant ainsi le départ de la rame impossible. Il brandissait une canette de bière et avait l’air d’engueuler le Terre entière. Cela dura un moment. Je résistai à mon penchant naturel d’intervenir en pensant qu’il finirait bien par retourner sur le quai. Les autres passagers ne dirent rien non plus. Etant donné l’état d’ébriété de l’individu et sa carrure, on ne savait pas comment s’y prendre. Soudain, un autre Noir assis non loin de la porta l’interpella dans sa langue. Le clochard marqua un temps d’arrêt, étonné, se calma et retourna sur le quai. La rame put partir… Voilà un exemple qui montre clairement ce que signifie une "communauté".
Lorsque je vois un enfant faire une bêtise dans la rue, je ne me retiens pas de le lui dire. Cela étonne souvent certains jeunes enfants d’origine algérienne qui n’ont pas l’habitude de se faire réprimander par un "Français", ceux-là même qui n’hésitent pas à m’appeler "sale Français", moi et mes autres compatriotes. Un jour que j’avais une discussion très animée avec l’un d’entre eux, je finis par lui dire : "Tu es un con !" Et alors, celui-ci me répondit : "Je suis fier d’être un Arabe" (!)
— Mais je n’ai pas parlé de cela, lui répondis-je.
— Moi, j’en parle ! Rétorqua-t-il…
J’en restai muet d’étonnement.
Y a-t-il un sentiment d’appartenir à une "communauté" chez les Français d’origine algérienne ?
Oui, certainement, et le fait que certains d’entre eux, et bien de mes amis politiques parlent de la "communauté", en parlant des gens d’origine algérienne comme si communauté il devait y avoir, cela ne pouvait être que celle-là, m’a toujours agacé. C’est vrai que la religion pratiquée largement par cette "communauté", l’islam, alors que les autres immigrations étaient toutes chrétiennes, facilite ce senti-ment "communautaire". Mais ce sentiment est utilisé par les uns et les autres à des fins qui ne sont pas toujours les bienvenues dans une société d’entente mutuelle. J’ai déjà cité le fait que je me fasse traiter de "sale Français" par de petits jeunes qui sont nés Français, alors que ce n’est pas mon cas. Ce sentiment développe une solidarité mal placée. Ainsi, certains maghrébins se sont laissés aller à la délinquance pour s’assurer un certain revenu, étant incapables de le faire autrement, car se trouvant dans une situation d’échecs répétés. Le fait de se retrouver ensemble dans des classes spécialisées ne fait qu’accentuer le vécu d’être une "communauté" d’exclus. D’autre part, ces actes de délinquance sont vécus par leurs auteurs comme des réactions de révolte contre la société, contre le pays qui semble les avoir maintenus, eux et leur famille, dans cette situation difficile. Ainsi, pour échapper aux actes de délinquance contre leur voiture, certains laissent accrochés le chapelet musulman à leur rétroviseur, bien en vue. Ce genre de pratique ne contribue vraiment pas à aider ceux (dont je suis) qui combattent le racisme.
.. Enfin, subsiste la vieille influence de la formation "politique" de l’Algérien sous l’ancien régime : absence de démocratie, parti unique, corruption, poids de l’armée, tout cela réuni n’autorisait pas la manifestation de mécontentement. Ce dernier devait atteindre des sommets pour ne s’exprimer que par la violence. L’esprit "communautaire" permet de conserver cet état d’esprit, d’autant plus qu’il em-pêche de voir en l’élu local ou national un représentant des intérêts de cette "communauté". En Algérie même, ce phénomène existe encore. Ainsi, le journal "El Watan" relate récemment qu’à Sidi Belabes, trois mille personnes ont exprimé leur colère lors de la publication d’une liste de bénéficiaires de logements sociaux. "Le calme n’est revenu qu’en début d’après-midi, lorsque le maire a annoncé sa décision d’annuler la liste des bénéficiaires. Dans une déclaration à El Watan, le maire a admis des ’irrégularités’ dans la distribution des logements, citant notamment, le cas d’un propriétaire ter-rien aisé de quarante hectares qui en a bénéficié au détriment de citoyens mal logés et sans ressources. " Ne peut-on pas constater que si ces gens se sont révoltés de cette manière, c’est qu’ils n’avaient pas d’autres moyens de le faire, ou, qu’ils ne savaient pas le faire autrement ?
Il est certain, également, que les personnes d’origine algérienne, sont victimes du racisme. Mais certainement pas autant qu’elles pourraient l’être dans d’autres pays. Cet esprit de "communauté" amplifie le problème.
Le racisme rend la vie bien plus difficile, mais cela nécessite une lutte plus intense et plus réfléchie, et non pas de se laisser aller à la facilité. Un jour de débat avec des jeunes d’origine algérienne et mon ami Paul Vallon, alors premier adjoint, et quand ces jeunes se plaignaient de la difficulté de la vie, Paul les appelait à lutter. Devant leur réaction de mépris, il demanda l’âge de l’un d’eux. "Dix-sept ans, pourquoi ?" répondit le jeune. "Eh bien, à dix-sept ans, j’étais dans la Résistance !" Cette réplique de Paul Vallon, peut être jugée assez facile. Je ne le crois pas, car elle montre clairement une réalité : devant l’adversité, il faut savoir choisir son camp et sa lutte…
"Vous comprenez, me dit un jour un jeune d’origine algérienne, ils ne savent pas à qui ressembler : ils ne peuvent pas ressembler à leurs pères dont ils ont honte, et ils ne peuvent pas ressembler aux C.R.S. qui les matraquent…
— Ben ils n’ont qu’à se ressembler à eux-mêmes !"
Je ne croyais pas si bien dire. C’est ce qu’ils ont fini par faire.
Regroupés toujours au même coin de trottoir, ils forment un groupe compact et insolent. Les gens changent de trottoir…
" Pourquoi les gens changent de trottoir quand on est là ? On n’est pas des animaux…
— Oui, mais, vous leur faites peur… Vous êtes regroupés et vous avez l’air solidaires même si ce n’est pas le cas.
— Et alors ? La place appartient aux rats, non ?
— Aux Rats ? C’est quoi les rats ?
— C’est nous les rats…
— Alors vous êtes des animaux ?"
Et le débat s’arrêta là !
Parfois des insultes fusent. Quand je passe, je ne change pas de trottoir, et quand les insultes fusent, je les interpelle.
"Vous faites l’amalgame, monsieur !
— Et comment veux-tu que je fasse autrement ? Tu es là avec eux et tu ne leur dis pas que c’est mal ce qu’ils font.
— Je leur dis, mais ils ne m’écoutent pas…"
A la recherche du "parti communautaire" ?
Autrefois (mais ce n’est pas si ancien que cela…), sous le parti unique en Algérie, le pouvoir algérien avait organisé la communauté algérienne en France selon les mêmes principes. Une association, l’amicale des Algériens en Europe faisait office de parti unique et organisait les liens avec l’ambassade et les consulats, offrait des prestations dont les moindres n’étaient pas les obsèques des Algériens décédés en France et dont le corps doit être rapatrié en Algérie. Les communistes français jouaient également de ce jeu-là. Seul le F.L.N.
et ses satellites étaient reconnus comme interlocuteurs. Même l’ancien parti communiste algérien, dissous dans le F.L.N., puis, devenu parti de l’avant-garde socialiste (P.A.G.S.) n’avait pas autant de faveur auprès du P.C.F. que le F.L.N. A tel point, qu’une année, à la fête de l’Humanité, le F.L.N. refusa d’être pré-sent si le P.A.G.S. l’était. La solution fut vite trouvée : le P.A.G.S. ne fut pas invité. Tout cela ne fut pas sans conséquence sur l’état d’esprit politique des Algériens en France et de leurs enfants. Aujourd’hui, ils sont orphelins de leur parti unique, qui était au fond, le parti communautaire… sous le fard de l’amicale.
L’erreur politique fut de tenter de remplacer ce parti communautaire et de continuer à pratiquer ce clientélisme qui consiste, pour un parti, à négocier avec une "com-munauté". Nous l’avons tous fait. J’ai participé moi-même à des réunions électorales d’électeurs d’origine algérienne, réunions convoquées et encadrées par l’amicale des Algériens. Récemment encore, un jeune me disait, très en colère : "J’ai voté pour vous ! Maintenant, vous êtes au chaud à la mairie, et moi je n’ai toujours pas de travail…" Ce clientélisme est compris comme du donnant-donnant : je vote pour toi et tu donnes du boulot aux Arabes… On se souvient comment la liste de Bernard Tapie aux élections européennes rencontra un franc succès auprès de ces jeunes à la limite de la marginalité, car le populisme qu’il développait leur plaisait.
Ces jeunes d’origine algérienne,
pour la plupart, se cherchent une représentation politique. Pour le moment peu d’entre eux la conçoivent comme la représentation d’intérêt d’une couche sociale, mais plutôt comme celle d’intérêts communautaires, voire ethniques. Mais la société française n’est pas construite pour cela… Quand certains d’entre eux se présentent sur une liste, c’est souvent en tant que représentant de la "communauté" qu’ils le font, plus que par conviction politique.
Aux dernières municipales, des listes "beurs" se sont présentées dans certaines communes. Elles n’ont pas fait le score espéré, même s’il n’était pas négligeable. Mais, ensuite, l’élu de cette liste a été confronté aux difficultés de gestion. Il s’est vite aperçu que les choses n’étaient pas si faciles à manier.
"Lutte" communautaire et "solution" individuelle.
Ce sentiment communautaire permet la constitution de réseaux . On passe des nuits ensemble sur "la place" à dénigrer ses parents et à boire des bières, à fumer des joints, puis, l’un d’eux propose de gagner de l’argent facile. Au début ça marche, puis ça tourne au vinaigre. Ainsi en a-t-il été des jeunes de mon quartier qui ont attaqué la poste de Tain L’Hermitage. L’un d’eux y fut tué par les gendarmes, car ces "petits jeu-nes" étaient armés et avaient tiré sur les forces de l’ordre… Ce jeune n’était pas du tout au chômage. Il avait même un bon travail à la verrerie de Givors.
D’ailleurs, cette attaque à main armée il était parti la faire avec ses amis en sortant du boulot à quatre heures du matin. On peut comprendre la profonde tristesse, la révolte de ces jeunes qui ont vu un de leurs copains, qui plus est, membre de leur "communauté" victime d’une mort violente. Comme d’habitude, une mobilisation générale se prépara. Je la vécus personnellement puisqu’elle se déroula sous mon immeuble qui faillit être incendié ! Une "traboule", nom lyonnais de ces passages qui traversent les immeubles, perce mon immeuble de part en part. Ce lieu était souvent utilisé par ces jeunes pour se rencontrer et se réunir. Cela avait d’ailleurs fini par tourner au vinaigre, car leur attitude n’était pas ce qu’on peut appeler courtoise. Ce samedi 9 janvier 1999, en rentrant des courses, je vis qu’une cinquantaine de jeunes y étaient regroupés. Plus tard dans la soirée, j’entendis des cris et je descendis. Plusieurs de mes voisins et amis étaient présents : ils avaient surpris ces jeunes avec des bidons d’essence qui tentaient de brûler notre immeuble… Le lendemain dimanche, une vingtaine de voitures étaient incendiées dans toute la ville. Ce qui était surprenant, c’est qu’aucune force de police n’était présente à Givors ce jour-là. Seuls le Maire, Martial Passi, moi-même et d’autres élus étaient présents pour assurer l’ordre et la sécurité. Incroyable non ? Pourtant vrai ! Alors que le Préfet avait téléphoné au Maire pour le prévenir que le jeune délinquant était mort suite à ses blessures, et qu’on s’attendait à des représailles.
.. Martial Passi avait insisté pour que les forces de l’ordre soient présentes. En vain. Juste avant l’incendie des voitures, j’avais moi-même été agressé par une bande d’individus (tous des jeunes d’origine maghrebine) qui voulaient me chasser de la place publique (et pour cause, ils craignaient que je sois témoin de l’incendie d’une voiture). Mon épouse a appelé la police plusieurs fois, et j’ai fait de même après mon agression, la police n’est jamais intervenue. J’ai appris ensuite, qu’il n’y avait que deux fonctionnaires au commissariat ! L’un de mes agresseurs que j’ai pu reconnaître s’est avéré être un dangereux gangster, puisqu’il fut arrêté quelques semaines plus tard en flagrant délit d’attaque à main armée du Crédit mutuel de Vienne (38). Il fut arrêté juste avant le procès pour mon agression, pour laquelle il écopa de deux mois de prison ferme.
Suite à ses événements, nous supportions difficilement la présence de jeunes dans la traboule de notre immeuble. Plusieurs d’entre nous eurent à intervenir fermement. Plusieurs fois, lorsque poliment, je demandais à un individu de ne pas rester dans ce lieu privé, j’entendis le discours suivant : "Vous me dites ça parce que je suis un Arabe. Si j’étais un petit Français, vous ne m’auriez rien dit.
— Pas du tout. Je ne vois pas, moi, s’il s’agit d’un Arabe ou pas… Cela ne m’importe guère…
— Vous dites cela, mais ce n’est pas vrai."
Après nos « émeutes qui firent la "une" de tous les médias,
nous avions organisé, un conseil municipal extraordinaire public et ensuite un grand rassemblement devant la mairie. J’eus à interveniez plusieurs fois publiquement. D’abord, j’exprimais l’idée suivante : "Un délinquant est un délinquant, quelle que soit sa nationalité, sa religion ou sa couleur de peau. Ainsi, lorsqu’un délinquant est un Maghrébin, certains saisissent l’occasion pour faire du racisme en disant ’ce n’est pas étonnant c’est un Maghrébin’, d’autres, disent le contraire, mais leur position aboutit au même résultat idéologique : ’Oh, il faut l’excuser, car c’est un Maghrébin.’ Ni l’une ni l’autre des positions n’est la bonne. On ne s’occupe pas de la couleur de peau ou de l’origine d’une personne. Cette dernière est responsable de ses actes, un point c’est tout." Je m’adressai publiquement également aux responsables d’associations d’Algériens : "Vous êtes les parents de ces jeunes qui ont saccagé notre ville. Si vous ne prenez pas vos affaires en main, cela va évoluer vers une séparation des communautés. Vers un affrontement entre communautés, ce qui fait le jeu des idéologies racistes." Je dois dire que ce discours n’a pas vraiment été compris à ce moment-là. Lors de la manifestation devant la mairie, le représentant d’une association d’immigrés, a surtout appelé les gens à ne pas faire "l’amalgame". Ce discours me paraît ambigu, il prend comme état de fait la séparation des communautés. Je ne suis pas pour cette séparation, je suis pour la vie en commun, en bonne harmonie.
Aujourd’hui,
la situation n’est plus la même. L’ambiance s’est améliorée. En fait, un gang a tenté d’organiser sur ma commune, une mafia Maghrébine, en utilisant la détresse de quelques jeunes et l’esprit "communautaire". Ces hommes, dont beaucoup sont aujourd’hui en prison, doivent être pris en considération comme des agents actifs du Front national car ils mettent en place le terreau fertile sur lequel pousse l’idéologie fasciste et raciste. Parfois, l’esprit "communautaire" a eu la tentation de les excuser. Cette idée aussi a reculé. Car, la plupart des Algériens et des personnes d’origine algérienne, tentent d’isoler cette minorité activiste dans laquelle d’ailleurs, l’islamisme a puisé nombre de ses forces en France.
Quoi qu’il en soit, ces problèmes font partie de la France. Tous ces jeunes et moins jeunes Français d’origine algérienne font partie du peuple français. Moi je les aime comme j’aime tous les français. Ils sont différents et attachants par leurs différences. Certains ne les aiment pas. Comme le dit plus loin mon ami Ali :
"On n’est pas obligé d’aimer tout le monde, mais on est obligé de le respecter."
L’espace, le temps et la société…
Il faut aussi évoquer les difficultés propres à la communauté algérienne. Toutes les interviews que j’ai réalisées, toutes les entrevues que j’ai eues ont été nécessaires pour relier entre eux les différents éléments de ces difficultés,
car les Algériens eux-mêmes en parlent peu, par pudeur ou par dignité.
La plupart des immigrés algériens sont, à l’origine, des paysans analphabètes, même dans leur langue maternelle. C’est pourquoi Freud aurait eu toutes facilités psychanalytiques à expliquer certaines difficultés de leurs enfants. Parmi eux, il y avait (et il y a toujours) une « élite », ceux qui ont fourni en leur temps des cadres au F.L.N. D’autre part, cela crée de graves problèmes de communication avec l’entourage et encourage le regroupement ethnique.
D’autre part, chaque culture, chaque société a son mode de gestion de l’espace et du temps. Toutes les société méditerranéennes ont en commun l’utilisation importante des espaces publics, du "dehors". Le "dedans", est la partie propre, ordonnée, à l’ombre et à la fraîcheur. Lorsqu’on est désœuvré, on ne reste pas "dedans", on va "dehors". J’ai bien compris cela en Italie du sud, dont les places de village sont toujours occupées par des messieurs, les "desoccupati", les chômeurs. La femme reste au "dedans", où elle a la charge de l’éducation des enfants et de la tenue de la maison. Les enfants, lorsqu’ils ne sont pas à l’école, sont donc désœuvrés, leur place naturelle est "dehors". Et là, les hommes prennent la relève, et s’occupent de faire respecter le civisme. Cette pratique traditionnelle entraîne une incompréhension : souvent elle est traduite par le fait que "ces gens ne s’occupent pas de leurs enfants". D’où l’idée "qu’on ne va pas le faire à leur place" !
Enfin, il y a des endroits où on ne peut être tous en même temps. Il n’est pas possible qu’un jeune regarde la télévision en même temps que son père, car il pourrait y avoir des images impudiques…
Enfin, la gestion de l’emploi du temps, base décisive de la personnalité de l’individu, est aussi particulière. Le rythme de vie suit celui des prières dans la journée, et des "fêtes" et autres traditions religieuses dans l’année. Le calendrier du Coran suit le rythme lunaire qui ne correspond pas aux saisons. Ceci doit avoir peu d’importance dans les pays du Moyen Orient et dans le désert…
Alain Pelosato
Jaligny, le 8 août 2000
Rédigé le 22/12/2020 à 15:34 dans Algérie, Culture, Immigration | Lien permanent | Commentaires (0)
Driss se trouvait juché sur le tabouret, recouvert d’un petit coussin et d’un tissu brodé, que l’on avait posé sur la grande table, au centre de la pièce. Du haut de cette estrade improvisée, il regardait la bruyante assemblée des hommes au-dessous de lui. Parents, amis, voisins, presque tous venus dans la grande tenue blanche des jours de fête. En revanche, quelques adolescents regroupés dans un coin du salon autour de Yassine, son frère aîné, portaient, eux, leur tenue habituelle, jeans et T-shirt.
La douleur commençait enfin à s’estomper peu à peu sous l’effet de l’onguent qui avait été appliqué sur la plaie. Voilà, pensait alors Driss, ça y était : il était enfin devenu un homme, un vrai, un homme à part entière ! On n’avait cessé de lui répéter ça depuis plusieurs semaines, pour le préparer à l’événement. Il entrait donc, ce jour-là, de plain-pied dans le monde des hommes… À présent il n’irait plus traîner dans les jupes de sa mère ou de ses tantes dont il entendait les "youyous" stridents s’élever, par intermittence, dans la pièce d’à côté. Non, à partir d’aujourd’hui il allait, comme Yassine, tenir compagnie aux autres hommes de la maison. Dorénavant il irait à la mosquée ou au hammam avec son père, son frère, ou l’un de ses oncles. Et il pourrait enfin tenir tête à ses camarades d’école déjà circoncis.
Après la première collation, thé à la menthe ou café au lait et gâteaux au miel, les musiciens du petit orchestre reprirent place, un à un, au fond de la pièce, et la musique s’éleva à nouveau, lancinante, accompagnée des battements de mains rythmés des invités. Puis le chanteur les rejoignit et donna de la voix. Les femmes lui firent écho, de l’autre côté de la cloison, par de retentissants youyous. Quelques hommes se levèrent alors et se mirent à danser joyeusement, les uns en face des autres. Déhanchements rythmés, ondulations lascives…
Driss, lui, s’en tenait au rôle qu’on lui avait assigné : il restait immobile, ses mains teintes de henné posées à plat sur les cuisses. De temps à autre, lorsqu’il reprenait conscience de la douleur, comme une soudaine brûlure, il revoyait le Hajjam et ses grands ciseaux. Il revoyait aussi le regard encourageant de son père, et celui, un peu moqueur, de Yassine, postés chacun d’un côté, le tenant aux épaules.
— Tu vas devenir un homme, maintenant ! Un vrai ! Et tu verras comment les filles vont se mettre à courir derrière toi…
Driss n’avait pas très bien saisi toutes les plaisanteries qu’on lui avait faites à l’approche de l’événement qu’il était en train de vivre. Tout ce qu’il savait c’est qu’il fallait en passer par là. C’était la tradition qui remontait à la nuit des temps, teintée de religiosité. À présent il allait être comme tous "les grands". À l’école, des camarades plus âgés affichaient effrontément leur fierté à être circoncis, et, aux toilettes, certains lui avaient même montré leur sexe débarrassé de la peau superflue. Il s’était alors à chaque fois senti diminué à posséder encore ce capuchon qui donnait à sa verge le ridicule aspect d’une minuscule trompe d’éléphant…
Il rajusta sur son crâne le tarbouch à pompon qui avait tendance à glisser sur son front et il jeta un nouveau coup d’œil aux cadeaux posés sur la table, à ses pieds. Il y en avait une bonne vingtaine ! Tous étaient enveloppés dans des papiers brillants et colorés. Certains portaient des rubans noués en forme de fleurs. Lorsqu’il les regardait, il avait hâte que la fête se termine pour pouvoir enfin découvrir ce qu’on lui avait offert. Il savait déjà que dans l’un de ces paquets se trouvait la montre que son père lui avait achetée l’avant-veille, dans une boutique de la Kasbah. Une montre Kelton, à pile, avec un bracelet en cuir noir. Mais pour le reste, il ignorait ce que les autres paquets contenaient. L’un d’entre eux, de par sa taille, l’intriguait tout particulièrement. C’était le plus volumineux. Il avait une forme étrange. Un papier argenté l’enveloppait, et un large ruban rouge était noué sur le dessus. C’est Si Ahmed, le voisin du dessous, qui l’avait posé là.
Le chanteur et les musiciens s’interrompirent à nouveau et les danseurs allèrent se rasseoir. Les conversations entre les uns et les autres reprirent.
Driss entendit quelqu’un raconter, en français, une histoire qu’il ne comprit pas. L’homme, un riche commerçant qui possédait deux ou trois épiceries en France et qui se trouvait de passage à Alger, avait posé la question : « Est-ce que vous savez comment on peut refaire fortune chez nous aux jours d’aujourd’hui ? » Ses voisins, à qui il s’adressait, avaient fait "non" de la tête. « Eh bien je vais vous le dire, moi. Aussi bien pour eux, pour qu’ils puissent s’entraîner sans risque, que pour nous, pour être protégés contre l’égorgement, ce qu’il nous faut importer et commercialiser, je vous le dis, ce sont tout simplement des minerves... » Et l’homme était parti d’un grand éclat de rire. Les autres rirent eux aussi, mais Driss se dit que la plaisanterie ne devait pas être très réussie car leurs rires, à eux, semblaient plutôt forcés.
Quelques instants plus tard, au moment où son père s’approchait de la table pour lui apporter un gâteau, des coups sourds frappés à la porte d’entrée de l’appartement retentirent. Driss se redressa sur son siège. Les conversations s’interrompirent. Les coups reprirent, plus violents, et, dans le silence qui s’était fait, aussi bien dans la pièce que dans celle où se tenaient les femmes, une voix forte retentit, invoquant le nom d’Allah. Il y eut un moment de flottement. Driss vit son père pâlir, laisser là le gâteau, sur la table, puis se retourner. Tous les regards s’étaient posés sur lui. On entendit alors la porte s’ouvrir brutalement. L’un après l’autre, cinq hommes en armes, portant tous une barbe bien fournie, firent irruption dans la pièce.
Driss vit son père s’avancer d’un pas vacillant vers les intrus, les saluer et leur souhaiter la bienvenue. Il avait d’emblée reconnu deux d’entre eux pour les avoir rencontrés, l’avant-veille, alors qu’il revenait de la Kasbah en compagnie de son père, après l’achat de la montre Kelton. Il se souvenait même de la conversation que les trois hommes avaient eue…
— Alors Si Mustapha, notre frère, nous avons appris que tu vas faire circoncire ton second fils, avait dit l’un des deux, tandis que l’autre s’était penché vers lui pour lui demander son nom. Il avait répondu qu’il s’appelait Driss, et l’homme, tout en lui caressant la tête, avait alors déclaré, sur un ton enjoué :
— Driss ? Eh bien Driss, tu sais que tu vas devenir un vrai musulman ! Félicitations mon petit…
Il avait ensuite entendu l’autre dire à son père :
— Tu sais bien, Si Mustapha, mon frère, que nous sommes de ceux qui maintenons l’ordre dans le quartier que tu habites. La circoncision de ton fils doit se dérouler selon les règles édictées par notre Prophète Mohammed, béni d’Allah le Tout Puissant. Pour une circoncision, tu ne l’ignores pas, il ne saurait être question ni de musique ni de danses, mais seulement de prières et de pieuses invocations à Dieu…
— Je le sais, mes frères, avait alors répondu son père, avant d’ajouter, en levant les bras dans un geste d’impuissance, mais j’ai déjà programmé une fête identique à celle que j’avais organisée, il y a quatre ans, pour la circoncision de mon aîné. Je ne vois pas pourquoi mon petit Driss n’aurait pas droit au même traitement que son frère ! D’ailleurs les invitations sont lancées, et l’orchestre est déjà payé. Tout est préparé…
— Nous tenons à te prévenir, Si Mustapha. Nous ne tolèrerons pas que cette cérémonie sacrée tourne à la fête païenne et au sacrilège ! À bon entendeur salut !
Sur ces mots, les deux hommes leur avaient tourné le dos et s’étaient éloignés. Driss avait alors senti la main de son père serrer plus fortement la sienne.
— Qu’est-ce qu’ils veulent ? avait-il demandé.
— Rien, rien… lui avait répondu son père. Ne t’inquiète pas fiston, tu vas voir, la fête que l’on va faire pour toi, tu ne l’oublieras pas de si tôt !
À présent ces deux hommes sont là, dans le grand salon, avec trois autres, l’arme à la main, des fusils à canon court et ce qui ressemble à une mitraillette. Ils ont le visage dur et fermé. Ils regardent tout le monde avec, dans leurs yeux, une expression hautaine de mépris et de dégoût. Tétanisé, chacun se demande s’ils vont tirer.
Juché sur son estrade, Driss domine la scène. Il ne saisit pas vraiment ce qui se passe, mais la tension et toutes ce vibrations de peur émises par l’assemblée des hommes l’atteignent de plein fouet. Les armes aussi l’impressionnent. Il se met à trembler. La douleur diffuse logée dans son bas-ventre reprend de l’intensité. Il grimace. Ce qu’il sent confusément, sans comprendre pourquoi, c’est qu’il est, lui, le petit Driss Ayad, l’enjeu de forces qui le dépassent.
Celui qui semble être le chef de la bande prend la parole, et, d’une voix forte qui fait éclater le silence, il déclare :
— Si Mustapha, il y a deux jours nous t’avons prévenu qu’en tant que gardiens de l’ordre et défenseurs de la Loi sacrée dans le quartier nous ne tolérerions pas que tu détournes le sens profond de cette cérémonie de circoncision de ton fils. Allah le Tout Puissant et Mohammed, notre Prophète béni et vénéré, sont témoins que tu n’as pas tenu compte de notre avertissement ! Il était pourtant clair ! Tu vas donc avoir à t’en repentir le restant de tes jours…
L’homme fait un signe de la tête, et trois de ses compagnons s’approchent de la table, pendant que le quatrième retient fermement le père de Driss. Ils commencent pas balayer d’un brusque revers de main tous les paquets cadeaux qui s’écroulent au sol. Ils ordonnent ensuite à Driss de descendre de son tabouret.
Celui-ci se lève, tremblant. Ils le saisissent à bras le corps. L’enfant se débat. Ses babouches brodées et son tarbouch à pompon volent dans la pièce. Un murmure de protestation parcourt la salle. Trois invités se dressent, voulant intervenir, mais la mitraillette du chef pointée vers eux les empêche d’aller plus loin. Et tous, figés, muets, assistent, impuissants, à la scène qui se déroule sous leurs yeux. Le silence anxieux des femmes, dans la pièce voisine, fait écho à leur propre silence.
Driss, immobilisé, ne se débat plus. L’un des trois hommes le dénude alors en tirant sur son pantalon bouffant, avant de sortir d’un petit sac qu’il porte en bandoulière au côté de son fusil un couteau à la lame effilée. Le garçonnet entend le cri de révolte de son père qui cherche en vain à s’interposer, et les éclats de voix réprobateurs qui s’élèvent dans la pièce. Il sent une main saisir son sexe douloureux et il se remet à se débattre, cherchant, sans le pouvoir, à se dégager des poignes qui le maintiennent en l’air au-dessus de la table. Il hurle de terreur.
Le pansement est arraché et presque aussitôt, de nouveau, une douleur atroce lui déchire de bas-ventre. La douleur est si cuisante et ses yeux si brouillés de larmes qu’il ne peut voir dans la main du bourreau son petit sexe sanguinolent.
Quand donc, mais quand donc sera-t-il enfin un homme, un vrai ? se demande-t-il avant de perdre connaissance.
( Cette nouvelle retrace un fait réel survenu à Alger pendant les "années noires". C’est la journaliste et écrivaine marocaine Hinde Taarji, ayant séjourné en Algérie à cette époque-là, qui me l’a raconté.
Je lui dédie donc ce texte…)
Rédigé le 21/12/2020 à 20:46 dans Décennie noire, Algérie, Culture, Politique, Société | Lien permanent | Commentaires (0)
Au détour d’un chemin, le passé vous explose parfois à la tête…
C’était à Rome au moment du passage de la nouvelle année, en décembre 1999. Les italiens adorent les pétards. Ce peuple joyeux a le sens de la fête et le goût du bonheur, comme tous les méditerranéens. Aux douze coups de minuit, la ville retentit de salves de pétards. Cela fuse de partout. C’est un chapelet de détonations…
Sentiment de se trouver soudain propulsé près de quarante ans en arrière, quand Alger était envahie chaque soir par les détonations des charges de plastic. Cela débutait tout doucement avec quelques explosions lointaines, mais aussi parfois très proches. Et puis, il y avait cette fièvre qui envahissait la ville avec la multiplication des explosions, la montée de l’angoisse face à ce déferlement de violence. L’embrasement. Alger s’enfonçait dans une folie destructrice…
Cela faisait strounga, comme on disait là-bas.
Le matin, Alger nous apparaissait meurtrie, brutalisée, avec les magasins noircis par les flammes qui les avaient ravagés pendant la nuit. Il y avait aussi les véhicules incendiés et parfois un cadavre sur la chaussée ou le trottoir. Et au détour d’une rue, un camion de déménagement pour les plus chanceux, ou tout simplement une voiture chargée à n’en plus pouvoir avec valises et malles. Ces attentats poussaient les gens à fuir pour aller prendre un avion à l’aéroport de Maison Blanche ou un bateau sur le port, près de l’Amirauté.
Mais il fallait attendre, la peur au ventre, d’avoir une place pour pouvoir partir, et rejoindre la métropole que peu de français d’Algérie connaissaient et où, parfois, ils n’étaient pas les bienvenus…
Voir ses voisins quitter précipitamment leur appartement ou leur villa, et se rendre compte que le quartier se vide brutalement a quelque chose d’inouï, de profondément traumatisant.
Imaginez que votre ville, votre village se vide de ses habitants et que vous vous retrouviez, un beau matin, seul habitant de votre rue, vos voisins partis en abandonnant leurs affaires personnelles, meubles, linges, souvenirs...Et vos copains que vous ne verrez plus jamais... Avec la fermeture de tous les commerces, boulangerie, boucherie, charcuterie, épicerie… Impossible dès lors de se nourrir, de se procurer toutes les choses essentielles là même où une vie sociale s’était épanouie au fil du temps…Il devenait nécessaire d’aller courir toujours plus loin pour trouver de quoi subvenir aux besoins de la famille. Et la violence partout, les enlèvements des civils par le FLN (1) ou l’OAS (2). Imaginez tout cela, et vous comprendrez mieux le traumatisme profond subi par les populations civiles de l’époque.
C’était un sauve-qui peu général, l’effondrement programmé d’une société et la dislocation de liens séculaires entre les différentes communautés d’Algérie. Alger se vidait d’une partie de ses habitants, bientôt remplacés par d’autres, algériens, qui avaient été jusque là exclus d’une vie sociale à laquelle ils aspiraient légitimement.
Cela permet de prendre très tôt conscience de la finitude des choses, de leur relativité.
Mais aussi de la chance d’être né sur une terre exceptionnelle, généreuse, dans une ville magnifique bâtie en amphithéâtre face à la mer, Alger. Alger la Blanche qui mérite si bien son nom. Et qui plus est, né dans la haute casbah, près du grand lycée d’Alger, avec la mer pour horizon...
Souviens-toi de ces retrouvailles avec ton pays natal, c’était il y a quelques années… Tu foulais ému cette terre où tu étais né à la vie ; tu en étais si ému que le souffle déjà te manquait au point de te faire presque chuter dans l’ascension qui te menait sur les hauteurs d’Alger, là où l’air est plus léger, l’horizon plus dégagé, où l’on prend conscience du caractère grandiose de cette ville…Alger qui n’a jamais cessé de t’habiter depuis l’exode.
(1) FLN : Front de Libération Nationale qui combattait pour l'indépendance de l'Algérie
(2) OAS : Organisation de l'Armée Secrète qui se battait pour l'Algérie Française
Rédigé le 21/12/2020 à 17:14 dans Algérie, Culture, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Une jeunesse aux aspirations de liberté et de prospérité, des dictateurs déboulonnés, l’émergence d’un "califat" djihadiste. En une décennie, les soulèvements dans plusieurs pays du Maghreb et du Moyen-Orient ont totalement remodelé la région. Mais la démocratie reste la grande perdante.
A Sidi Bouzid (Tunisie), là où tout a commencé le 17 décembre 2010. L’espoir d’un envol (démocratique) sur une fresque. Photo Fethi BELAID/AFP
C'est un séisme géopolitique dont les répliques ont profondément bouleversé le Moyen-Orient. Il y a dix ans, la vague du Printemps arabe déferlait dans les rues des grandes villes de plusieurs pays : Tunisie, Yémen, Égypte, Libye, Syrie.
Après des décennies sous le joug de régimes dictatoriaux, les peuples arabes souhaitaient reprendre et maîtriser le cours de leur existence. Ces manifestations spontanées et populaires faisaient vaciller les certitudes, surprenant, dans le même temps, gouvernements locaux, instances régionales et pays occidentaux.
« On voyait des régimes forts, mais ils étaient intrinsèquement fragiles de l’intérieur », rappelle l’historien Jean-Pierre Filiu.
Du jeune vendeur ambulant, Mohamed Bouazizi, s’immolant par le feu le 17 décembre 2010, aux nouveaux soubresauts d’aspiration démocratique de 2019 en Algérie, au Liban ou au Soudan, la lame de fond de ce Printemps arabe n’a cessé de provoquer des remous.
Le résultat est globalement décevant. À commencer pour ces peuples eux-mêmes, victimes d’une "guerre d’usure" de leurs propres dirigeants, destitués ou pas. De rares réformes, voire un retour à un ordre autoritaire (Égypte, Syrie) ont suivi, quand le pays n’a pas sombré totalement dans le chaos et un interminable conflit armé (Libye, Yémen, Syrie).
Le "irhal" ("Dégage"), slogan d’inspiration tunisienne, avait donné le tempo au début de la décennie. Mais l’enthousiasme populaire, vite rattrapé par la réalité sociale et économique, s’est tari. Le terrorisme et le djihadisme ont même prospéré sur ces terres en friche, ou en ruines, comme en territoire irako-syrien avec le "monstre" Daech, ou dans le Sinaï.
Bien que fragile, la "révolution du jasmin" en Tunisie ne s’est pas fanée et reste la seule histoire à succès du Printemps arabe. Ailleurs, les contre-révolutions ont laissé un tapis de cendres. Et un paysage tourmenté que l’insaisissable président américain Donald Trump n’a pas cherché à comprendre ou à apaiser.
La normalisation entre Israël et plusieurs pays du Moyen-Orient, présentée sous un vernis réconciliateur par le 45e président des États-Unis, s’avère en réalité une « bombe » larguée par Donald Trump avant l’arrivée de son successeur à la Maison-Blanche. Un cadeau empoisonné pour Joe Biden, dont la politique étrangère pourrait rebattre les cartes du jeu dans la région. Un énième tournant ?
Par X.F.
https://www.bienpublic.com/defense-guerre-conflit/2020/12/16/printemps-arabe-le-reve-evanoui
https://tipaza.typepad.fr/mon_weblog/guerre_dalgrie/page/36/
Débat
Des centaines de personnes ont manifesté jeudi 17 décembre à Sidi Bouzid en Tunisie, pour le dixième anniversaire de l’immolation d’un jeune vendeur ambulant, point de départ d’une contestation populaire qui s’est propagé comme une traînée de poudre à tout le monde arabe. Dix ans après, et alors que des mouvements sont toujours en cours en Algérie, au Liban ou en Irak, les experts cherchent à faire le bilan des « printemps arabes ».
Leyla Dakhli, historienne, a dirigé l’ouvrage collectif L’Esprit de la révolte. Archives et actualité des révolutions arabes (Seuil, 315 p., 24 €)
« En nous penchant sur les traces et les archives laissées par les révolutions arabes, nous sommes arrivés à la conclusion, provisoire, selon laquelle la révolution est d’abord une expérience, un apprentissage. Les mouvements de 2010 à 2012 ont semé des graines - en termes de répertoire d’actions comme de revendications - que beaucoup se réapproprient aujourd’hui, y compris en dehors du monde arabe.
L’utilisation des réseaux sociaux est l’une de ces pratiques, mais aussi l’occupation des places - reprises par des mouvements comme les Indignés en Espagne ou Occupy aux États-Unis - ou encore le nettoyage de l’espace des protestations par les protestataires eux-mêmes. En balayant les places, en collectant et en triant leurs déchets, ils inaugurent en quelque sorte le monde qu’ils voudraient.
Sur le plan des questions posées, les commentateurs ont beaucoup insisté au départ sur la demande de démocratie et de liberté. En réalité, la dimension sociale apparaît beaucoup dans les slogans, sous l’angle de la demande de dignité. Derrière la formule générique « dégage », le peuple demande la chute du « système » : non pas seulement des élites mais de tout ce qui accentue les inégalités, le sentiment de relégation et d’humiliation. Les révolutions peuvent d’ailleurs avoir lieu dans des pays aux prises avec un État autoritaire ou alors au contraire, comme au Liban ou en Irak, qui manquent d’État et privés des services de base.
Depuis dix ans, certains éléments se sont en revanche érodés, et d’abord cet élan des révolutionnaires qui voyaient les régimes tomber les uns après les autres. Avec les exemples de la contre-révolution égyptienne ou de la guerre civile syrienne, les manifestants ont perdu un peu de l’enthousiasme et de l’inconscience des débuts : ils s’inscrivent d’emblée dans le temps long, bien conscients qu’il y aura des avancées et des reculs. Même si le mot d’ordre du pacifisme (« Silmiyya ») reste de mise, l’horizon de la guerre civile est là : on sait que ce sera cent fois pire si on répond par la violence à la répression. Ceci donne une forme de radicalité au pacifisme des manifestants, malgré les tirs à balles réelles. Et l’idée que « le monde entier regarde » s’est elle aussi estompée : la désillusion est forte sur ce plan.
→ EXPLICATION. 42 % des jeunes Arabes rêvent d’émigrer
En revanche, les mouvements récents font apparaître des éléments nouveaux, comme la présence plus forte des mobilisations féminines. Sans doute les révolutions de 2011 ont-elles contribué à faire avancer la réflexion. Aujourd’hui, il va de soi au Liban ou en Irak - moins en Algérie - que les révolutions ne peuvent se faire dans une dimension féministe forte : les revendications féministes font partie intégrante de la demande de dignité. »
Marc Lavergne, géopolitologue à l’équipe monde arabe et méditerranéen du CNRS et de l’université de Tours
« Ces révolutions, à leurs débuts, n’étaient que des manifestations contre l’injustice, elles ne réclamaient pas de faire tomber le calife. Si elles ont rapidement évolué en révolution, même s’il leur manquait des cadres, des partis politiques et un programme, c’est qu’il y avait eu au préalable une maturation des sociétés arabes, une remise en cause de la domination des anciens, des pères, des dictateurs. Ce n’était pas un éveil tardif et soudain à la modernité.
Lorsque Barack Obama avait déclaré vouloir la démocratie dans les pays arabes lors de sa conférence à l’université du Caire en 2009, c’est qu’il y avait des signes avant-coureurs, il pensait que la situation était mûre.
→ GRAND FORMAT. En Tunisie, le goût amer des dix ans de la révolution
Le jeune militant égyptien Khaled Saïd, tabassé par la police à Alexandrie, a suscité des vagues de contestation pendant toute l’année 2010. Avec plusieurs chercheurs nous avions publié à l’automne 2010 « Égypte, l’éclipse » dans lequel nous décrivions le ressentiment de la population contre le pouvoir, les tensions au Sinaï, etc. On percevait les fissures de la société en Égypte, comme dans les autres sociétés arabes.
Hormis en Tunisie, les révolutions ont été matées par la force. Dans ces pays, la situation est noire. Mais la défaite fut une défaite de rapport de force. Ce n’est pas la fin de l’histoire, plutôt le début d’autre chose. Quelle sera la prochaine étape ? La question reste ouverte. Il est sûr que la révolte contre les pères n’a pas disparu. Malgré l’amertume - qui peut d’ailleurs elle-même aussi être un moteur -, il demeure l’idée de la nécessité de prendre son destin en main et de ne plus le confier aux dictateurs.
La légitimité fait cruellement défaut aux dictateurs en place, anciens ou nouveaux, en Syrie, en Égypte, au Yémen, etc. Ces régimes ne répondent pas aux aspirations des sociétés. Al-Sissi est en place, mais sur une société qui bouge. Le bâton ne suffit plus pour la diriger. Les grands bourgeois vivent comme des exilés de l’intérieur et captent la rente, qu’elle soit directe ou indirecte. La crise économique va provoquer des frustrations. Le chômage est une dévastation. La situation n’est pas durable.
Les pays occidentaux, à commencer par la France, soutiennent ces dictatures au nom du fantasme islamiste, en ignorant toute la société, pour ne voir qu’un client ou une menace. La France s’est engagée aux côtés de l’Arabie saoudite dans le massacre du peuple yéménite.
C’est totalement se méprendre sur la réalité de ces sociétés et de leurs jeunesses. Ces révolutions nous impliquent. Or, il nous manque la vision de cette évolution au long cours à laquelle nous pourrions prendre part de manière positive. Le désarroi des échecs précédents et cette conscience que les pays occidentaux préfèrent les dictatures, étaient très présents dans les manifestations de l’an dernier en Algérie, comme au Liban. »
Rédigé le 17/12/2020 à 13:51 dans Algérie, Culture | Lien permanent | Commentaires (0)
Quand elle ne vient pas nous rabâcher à longueur de productions littéraires le mot transition démocratique ou quand elle ne va pas se plaindre au Parlement européen sur la violation des droits de l’Homme ou écrire une Lettre ouverte à Macron, la classe politique dite d’opposition, toutes tendances confondues, à l’exception du président de Jil Jadid, semble dépassée par les évènements ou ne sachant sur quel pied danser.
Pourtant, le pays traverse des moments trop difficiles pour une équipe au pouvoir qui a hérité d’une situation catastrophique induite par un pouvoir personnel du président Abdelaziz Bouteflika avant sa maladie et par l’usurpation de ses fonctions, par la suite, par son entourage immédiat qui avait tout fait pour reconduire un homme absent pour un cinquième mandat, situation qui aura duré en tout et pour tout une vingtaine d’années.
Pourtant, c’est dans les moments difficiles que tout Algérien qui se respecte doit faire preuve d’humilité : dire quelque chose de bien ou se taire. Oui, combien nous aurions aimé que tous ces «politiques» se taisent quand ils n’ont rien d’autre à proposer que l’invective, le mensonge et le mépris de soi.
Peut-on sérieusement parler d’une période de transition ou de débat national à l’heure où le pays est encerclé de toutes parts ? Peut-on sérieusement parler d’une période de transition ou de débat national alors que «la reprise des hostilités entre le Front Polisario et le Maroc risque de dégénérer en un conflit aux conséquences désastreuses sur tout le pourtour méditerranéen ?» dixit Algeriepatriotique.
Peut-on sérieusement parler d’une période de transition ou de débat national au moment où «des manœuvres étrangères visent à déstabiliser l’Algérie», au moment où «il y a volonté de l’entité sioniste de se rapprocher de nos frontières» pour reprendre les propos mêmes du Premier ministre, Abdelaziz Djerad, dans sa première réaction à la décision de Donald Trump de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental en contrepartie d’une normalisation des relations du Maroc avec l’Etat hébreux ?
Peut-on sérieusement parler d’une période de transition ou de débat national dans un contexte de guerre où le chef d’état-major de l’ANP a carrément appelé les Algériens à se tenir prêts ?
Dans ce genre de circonstances, sur fond de bruits de bottes et de canons, de crise sanitaire, politique, économique et sociale, tout le monde devrait jouer le jeu et se tenir prêt à toute éventualité.
Car «il est évident que l’armée israélienne est à nos frontières», dit l’analyste Abed Charef sur son compte Facebook, et que cette normalisation avec l’entité sioniste ne fera qu’accentuer cet état de guerre qui prévaut entre nos voisins de l’Ouest, sachant qu’Israël ne manquera pas de fournir une assistance logistique et matérielle conséquente à l’armée marocaine.
S’il est légitime à ce que les Algériennes et les Algériens s’inquiètent sur l’état de santé de leur Président, s’ils sont en droit de se demander où est passé Abdelmadjid Tebboune, il n’en demeure pas moins qu’au bout d’un certain temps il faudrait que les décideurs fassent quelque chose. Nous ne doutons pas de leur capacité à gérer une énième situation de crise politique et à trouver des solutions, même si nous souhaitons de tout cœur que le Président revienne au plus vite, dans les jours, voire les heures qui viennent, dans une santé qui lui permette le retour aux affaires.
Nous écrivions cela tandis qu’à notre insu le Président, pour la plus grande joie des Algériennes et des Algériens qui ont cru en lui, fait sa réapparition, rapportée par AP, en prononçant un discours depuis l’Allemagne, où il dit devoir rester encore deux, voire trois semaines, pour rassurer le peuple.
Plutôt affaibli par la maladie, Abdelmadjid Tebboune donne néanmoins l’image d’un homme déterminé à se remettre en selle et poursuivre le voyage qui avait commencé un certain 12 décembre de l’année passée.
En ce qui nous concerne, nous n’avions jamais mis en doute la source qui nous rassurait quotidiennement à travers sa chaîne, je voudrais remercier ici notre compatriote et frère, l’animateur Saïd Bensedira.
Quant à toutes celles et tous ceux qui prétendent faire partie de l’élite, ils devraient dès à présent prendre le train en marche, apporter leur pierre pour la consolidation et la construction de ce pays. Pays qu’ils disent aimer, qu’ils disent vouloir défendre contre un système qui «a confisqué l’indépendance du pays», en expliquant à notre jeunesse que l’édification d’un Etat fort passe par l’amour de soi, de la patrie et de ses institutions, par l’accomplissement de ses devoirs les plus élémentaires, avant de pouvoir jouir de ses droits les plus naturels et non par le mépris, la haine de soi et des institutions du pays.
Un ami sur Facebook, journaliste de son état, vient de commettre cette publication : «Tebboune a choisi Tweeter pour s’adresser aux Algériens.» C’est tout ce qu’il a trouvé à dire mais cela veut tout dire.
Les jours à venir seront heureux pour ceux qui aiment l’Algérie d’un amour réel mais pleins de déceptions pour le reste.
Que nos politiques se préparent, le code électoral est en voie de finalisation, les élections anticipées suivront forcément. A vos troupes, généraux !
Gloire à nos martyrs !
Vive l’Algérie !
Par Nacer Achour décembre 14, 2020
https://www.algeriepatriotique.com/2020/12/14/contribution-le-silence-coupable-dune-certaine-elite-intellectuelle-du-pays/#comments
Rédigé le 16/12/2020 à 19:36 dans Algérie, Politique | Lien permanent | Commentaires (0)
Aïcha Kadhafi. D. R.
La fille de Mouammar Kadhafi a posté un témoignage émouvant dans le sillage des derniers développements qui ont eu lieu dans la région du Maghreb, notamment l’annonce de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël. Aïcha Kadhafi, réfugiée au sultanat d’Oman, qu’elle affirme considérer comme son «second pays», a raconté les derniers instants qui ont précédé la fuite de la famille de l’ancien dirigeant de la Jamahiriya vers l’Algérie et la décision de ce dernier de mourir en martyr sur la terre de ses ancêtres.
«Quand l’Otan a bombardé m on pays et détruit Bab Al-Azizia (résidence de Kadhafi, ndlr), nous avons fui vers Syrte car c’est la ville de naissance de mon père, mais les traîtres ont couru à nos trousses en grand nombre, ce qui nous a poussés à nous diriger vers Beni Walid qui a opposé une farouche résistance à nos poursuivants», raconte Aïcha Kadhafi qui ajoute que les notables de cette ville leur avaient fait la promesse de se battre jusqu’au bout. Mais Kadhafi leur a répondu en ces termes : «Nous avons perdu la Libye en tant que terre, nous ne devons pas la perdre en tant que peuple !» «Sarkozy était prêt à massacrer tous les Libyens pour l’or et le pétrole, aidé par les régimes émirati, qatari et bahreïni», a encore écrit Aïcha Kadhafi, selon laquelle la famille s’est, par la suite, dirigée vers l’extrême-sud, à Ghadamès.
«Nous nous sommes cachés dans une grotte en plein désert pendant une semaine, mais nous étions traqués et nos mouvements étaient détectés par satellite, si bien que nous avons fini par être repérés», affirme la fille du dirigeant libyen assassiné en 2011. «Mon père pria deux rak’a à même le sable puis nous réunit pour nous demander notre avis sur le moyen de nous sortir de cette situation. Mon frère Seïf El-Islam voulait demander le refuge politique en Grande-Bretagne pour y avoir étudié durant dix ans et parce qu’il avait la nationalité britannique. Mon frère aîné était de son avis, tandis que ma mère Safia voulait que nous nous réfugiions en Arabie Saoudite, en Turquie ou en Jordanie, mais mon père refusa en lui répondant sèchement qu’il était hors de question que nous nous jetions dans les bras de nos ennemis», se rappelle-t-elle.
Elle poursuit : «Nous avons dit à notre père que le dernier mot lui revenait et que nous le suivrions là où il déciderait d’aller. Après un long soupir : partez en Algérie, en cinquante ans, les Algériens ne nous ont jamais fait de mal ! En Algérie, vous vivrez libres, l’Algérie ne vous livrera pas à l’Otan, et l’Otan n’osera pas violer le territoire algérien pour vous y récupérer, j’en suis convaincu ! L’Algérie ne vous livrera pas non plus au Tribunal pénal international ni à aucun Etat ni institution qui vous réclamerait ! L’Algérie ne vous abandonnera jamais !» «Mon frère Khamis l’a interrompu pour lui demander pourquoi il ne parlait que de nous, en lui demandant s’il n’allait pas nous accompagner. Mon père a alors répondu : Je suis le compagnon de Che Guevara, je suis le compagnon de Tito, j’ai côtoyé tous les héros, les libres et les révolutionnaires, il n’est pas concevable que je me rende, que je fuis ou que je meure sur une terre autre que celle d’Omar El-Mokhtar ! Je suis un soldat révolutionnaire qui porte le Coran dans son cœur !» se remémore sa fille qui a donné naissance à une fille à Djanet, dans l’extrême-sud algérien.
«J’ai décidé de rendre public ce témoignage sur mon père aujourd’hui spécialement car je ne peux oublier ce que ce pays a fait pour mon père et pour ma famille, au moment où je constate un acharnement des monarques du Golfe, d’Israël, des Etats-Unis et de la France contre l’Algérie», a conclu Aïcha Kadhafi à partir de son exil omanais.
Par Mohamed K.
https://www.algeriepatriotique.com/2020/12/14/aicha-kadhafi-les-derniers-mots-de-mon-pere-sur-les-algeriens-avant-sa-mort/
Rédigé le 14/12/2020 à 20:24 dans Algérie, Histoire, Société | Lien permanent | Commentaires (0)
Quelques mots rassurants après des mois de silence. Le président algérien Abelmadjid Tebboune est apparu, dimanche 13 décembre, à la télévision publique pour la première fois depuis près de deux mois, et 6 semaines après son hospitalisation en Allemagne pour être soigné du Covid-19.
"Je suis en convalescence. Cela va prendre encore deux ou trois semaines pour que je reprenne mes forces physiques", a déclaré le président âgé de 75 ans, visiblement amaigri, dans un "discours au peuple" prononcé au lendemain du 1er anniversaire de sa victoire électorale.
Alors que son absence prolongée avait alimenté rumeurs et désinformation, le chef de l'État a promis d'être de retour parmi les Algériens "dans les plus brefs délais", dans ce discours sur son compte Twitter relayé par la télévision publique.
La dernière apparition publique de Abelmadjid Tebboune remontait au 15 octobre lorsqu'il avait rencontré le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. Plusieurs fois, les autorités algériennes ont annoncé le retour "prochain" du président au pays depuis son hospitalisation en Allemagne.
Incarnation d'un pays dans l'impasse
Dès le 24 octobre, le président, grand fumeur, s'était mis volontairement à l'isolement après avoir été en contact avec des responsables contaminés par la maladie du Covid-19. Il a ensuite été admis le 28 octobre dans "l'un des plus grands établissements spécialisés" d'Allemagne" après avoir contracté le virus.
Arrivé au pouvoir le 12 décembre 2019 avec des velléités réformatrices, Abelmadjid Tebboune incarne aujourd'hui un pays dans l'impasse et des institutions bloquées. Comme un retour vers le passé, après les espoirs du mouvement de contestation ("Hirak").
L'absence du chef de l'État a replongé l'Algérie dans les affres humiliantes de la fin du règne de son prédécesseur Abdelaziz Bouteflika. Frappé par un AVC en 2013, ce dernier avait continué, impotent et aphasique, à assumer la charge présidentielle avant d'être chassé du pouvoir en avril 2019 par le Hirak.
L'incertitude politique avait poussé certaines voix à réclamer l'application de l'article 102 de la Constitution, relatif à la vacance du pouvoir, afin d'éviter une crise institutionnelle. En cas de maladie ou de démission du président, il revient au Conseil constitutionnel de constater l'état d'empêchement du chef de l'État.
C'est le président par intérim du Sénat, en l'occurrence Salah Goudjil, un ancien combattant de la guerre d'indépendance âgé de 89 ans, qui assure l'intérim pendant une période maximale de 90 jours, en attendant l'élection d'un nouveau président. Pilier du régime, l'armée reste elle la grande muette.
Un manque de légitimité
Officiellement, Abelmadjid Tebboune tient toujours les rênes de l'État. Mais ce dernier n'a pu exercer aucune de ses prérogatives depuis près de deux mois : il n'a pas promulgué la nouvelle Constitution - projet phare de son programme électoral -, ni signé la loi de Finances 2021.
Élu lors d'un scrutin largement boudé par la population et de ce fait souffrant d'un manque de légitimité, il avait d'abord tendu la main au "Hirak béni", mouvement antirégime suspendu en raison de l'épidémie Covid-19. Il avait aussi promis de bâtir une économie "forte et diversifiée", à même de réduire l'hyperdépendance de l'Algérie aux hydrocarbures.
Un an après la présidentielle, force est de constater que des militants du Hirak, des opposants politiques, des journalistes et des blogueurs proches de la contestation sont toujours la cible de poursuites judiciaires, quand ils ne sont pas emprisonnés.
Avec AFP
Rédigé le 13/12/2020 à 20:14 dans Algérie, Politique | Lien permanent | Commentaires (0)
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