"Algérie, les années pieds-rouges Des rêves de l'indépendance au désenchantement 1962-1969"
Le livre de Catherine Simon, "Algérie, les années pieds-rouges Des rêves de l'indépendance au désenchantement 1962-1969" vient de paraître à la Découverte. C'est, sans aucun doute, un excellent livre et un livre passionnant pour moi qui ai traversé cette période, en n'ayant qu'une conscience émoussée de ce qui se passait. En partie par manque de formation politique probablement, bien que militant du Parti socialiste unifié (PSU), en partie à cause de l'aveuglement volontaire ou involontaire que décrit très bien Catherine Simon, aveuglement qui a touché aussi des militants plus aguerris.
Mais cette période a été aussi la période probablement la plus intéressante de ma vie professionnelle et militante. Je n'en regrette rien même si les choses n'ont pas évolué comme je l'aurais souhaité. C'est pour cet aspect qui apparaît seulement par quelques touches dans le livre de Catherine Simon qui se situe à un niveau plus politique, que je vais essayer de regrouper quelques souvenirs.
Pourquoi l'Algérie ?
J'ai commencé mes études en médecine avec le déclenchement de la guerre d'Algérie, je les ai finies avec l'arrêt de la guerre d'Algérie. Pendant toute cette période, les discussions pouvaient commencer par "il fait beau aujourd'hui", elles finissaient "pour ou contre la guerre d'Algérie". J'ai milité à l'UNEF qui s'est scindée sur la question. J'ai adhéré au PSU, 15 jours avant sa création, car il y avait des militants qui distribuaient des tracts au restaurant universitaire de la rue des Potiers (Toulouse) et je leur avais promis d'adhérer après la fusion de l'Union de la gauche socialiste (UGS) et du Parti socialiste autonome (PSA). Ils m'ont pressé d'adhérer 15 jours avant cette fusion car ils voulaient renforcer l'UGS. C'était une vraie fusion, une fusion dynamique, c'est à dire l'addition des militants de plusieurs organisations. Depuis, les groupuscules auxquels j'ai adhéré ont inventé ce que j'appelle les mathématiques post-moderne où les fusions entraînent une diminution du nombre d'adhérents : 500 + 500 = 400.
Un facteur important de la naissance du PSU est la scission de la SFIO (Section française de l'internationale ouvrière, le PS de l'époque). Un nombre significatif de militants et de personnalités l'ont quittée parce qu'il ne supportaient plus la politique algérienne du gouvernement français, à majorité SFIO conduite par Guy Mollet. Ils ont alors fondé le PSA (Parti socialiste autonome). On peut dire que si certaines branches du PSU ont des racines profondes et lointaines, sa naissance doit beaucoup à la Guerre d'Algérie. Le PSU est donc né, notamment, contre la guerre d'Algérie mais, en plus, il a probablement été le premier à s'opposer à la guerre AVEC l'Algérie, c'est à dire à reconnaître l'Algérie avant sa (re)naissance ! Il n'est pas étonnant que dans le bouquin de Catherine Simon si, parmi les personnes interrogées (77), 17 disent avoir été membres d'un parti avant d'aller en Algérie, 7 font état de leur appartenance au PSU : par ailleurs, 7 se réclament des différentes branches du trotskisme, 3 du PCF (plus 2 de l'UEC et 1 des JC).
Quitte à être ridicule, je dois dire que depuis mon plus jeune âge, je voulais "partir" et partir en "Afrique". Que ce soit, suivant mon âge, aux "colonies", dans la "communauté" ou dans les pays devenus indépendants. Pourquoi ? Probablement le fruit d'une éducation chrétienne et de l'école républicaine, d'un besoin de justice... Je me souviens encore de l'image d'un livre de l'école primaire montrant Savorgnan de Brazza libérant des esclaves !!! Je pense qu'à la base de mon engagement quelle qu'en soit les sources, il y a le sentiment de l'absolu nécessité de combattre pour l'égalité et pour la liberté. Mais ce qui me fascinait, c'était l'Afrique noire... ce fut l'Algérie !
D'ABORD LA FRANCE
De gauche depuis toujours, sans aucune formation politique réelle, si ce n'est les discussions très animées avec mon père ou avec les copains, j'aurais adhéré à un parti chrétien si j'en avais connu un de gauche entre 15 et 20 ans. Mais ma première prise de parole publique a été, à Carcassonne, contre le MRP (Mouvement républicain populaire, démocrate chrétien) en faveur du Front républicain. Et c'est ce défaut de l'engagement à gauche qui m'a éloigné du christianisme.
J'aurais pu être à la SFIO mais son comportement en Algérie ne pouvait que m'en dissuader. J'ai eu une discussion houleuse avec le député de l'Aude, SFIO, Georges Guille qui justifiait l'expédition à Suez en comparant Nasser à Hitler...
Je n'étais pas attiré par le PC bien que suivant des cours de marxisme pendant mes études à Toulouse dans une arrière salle de bistrot. Mais je n'ai jamais reproché au PC d'avoir voté les pleins pouvoirs à Guy Mollet, chef du gouvernement, SFIO. Naïveté peut-être mais je pensais qu'ils étaient nécessaires à Guy Mollet s'il voulait réellement conduire une politique de gauche. Il s'en est servi pour faire une politique de droite !!! Guy Mollet m'a guéri définitivement de militer avec des socialistes qui ne l'ont jamais condamné. Et la politique de Mitterrand n'a pas été faite pour me faire changer d'idée !
J'ai donc milité contre la guerre. Mais je n'ai jamais fait de l'aide au FLN. Je me suis même opposé à ce que le PSU s'engage dans cette voie quand il en a été fortement question au sein des étudiants PSU de Toulouse. Je pensais que c'était une erreur d'engager le PSU en tant que parti. Qu'individuellement, cela était possible mais qu'en tant qu'organisation, le PSU ne pouvait le faire sans courir à sa dissolution. C'est probablement ce qui a fait que lorsque "Jeune Résistance" a été mise en place à Toulouse, je n'ai pas été sollicité.
Avec la guerre qui s'éternisait, la question cruciale était : que faire au moment de l'appel au service militaire. J'étais décidé à ne pas le faire. Qu'aurais-je fait si le cessez le feu n'était arrivé quelques mois avant mon incorporation ? Bien entendu, je n'en sais rien. Mais je savais que je pouvais poser la question à Alexandre M. qui m'avait demandé une adresse sûre à Carcassonne pour servir de boite aux lettres au FLN.
Fort heureusement, pour l'Algérie, pour les appelés et pour moi même. Il y a eu le cessez le feu !
Pendant toute la guerre d'Algérie, nous avions beaucoup de difficultés à mobiliser. J'ai monté une liste de gauche pour la corpo de médecine et nous avons été élus sans problème. Nous étions la seule liste ! Quelques années plus tard, lorsqu'une liste de droite s'est présentée contre nous, nous avons été facilement balayés malgré le travail que nous avions fait.
Les étudiants en médecine avaient un sursis plus long que les autres étudiants. Quand les sursis ont été remis en question, les étudiants en médecine n'ont pas été touchés. Nous avons essayé de lancer un mouvement de solidarité avec les autres étudiants pour qu'ils puissent continuer leurs études et échapper, pour quelque temps à l'incorporation. Je ne pense pas avoir convaincu un seul étudiant quand j'ai pris la parole dans l'amphi.
Nous avons aussi essayé de mobiliser les mères d'appelés. La mère de Claude M. nous a répondu : "Ils peuvent le faire comme mon fils".
Tout ceci ne pouvait que me renforcer dans l'idée de quitter ce pays qui m’écœurait profondément.
Ma thèse en poche, j'ai même essayé de partir par le canal de l'OMS. Je suis allé jusqu'à Genève pour voir si je pouvais me faire embaucher. On m'a dit que non. Ou alors au Ruanda. Et comme j'ai répondu : pourquoi pas ? Il s'est avéré que ce n'était pas possible. C'est probable pour de nombreuses raisons. Je n'avais pas encore fait le service militaire et je ne pensais qu'à partir. Définitivement.
Paradoxalement, je suis allé en Algérie, pour la première fois, pendant le service militaire après la proclamation de l'indépendance ! J'aurais pu y aller avant dans le cadre de l'Unef mais j'avais refusé d'envisager cette éventualité : aller dans l'Algérie en guerre avant son indépendance ! Par la suite, je l'ai un peu regretté car je n'avais aucun point de comparaison avec l'Algérie d'avant l'indépendance.
Pour beaucoup, être allé en Algérie comme militaire français après l'indépendance soulève l'incrédulité : "Après l'indépendance ?" Il faut se rendre compte qu'au moment du cessez le feu, il y avait des régiments entiers dans l'Algérie occupée. Que l'évacuation de ces régiments n'a pu se faire en un clin d’œil. Que la structure des régiments devait être maintenue pour qu'ils puissent être rapatriés en bon ordre.
Lors de mon incorporation en janvier 1963, j'ai fait un séjour à Libourne où étaient regroupés tous les médecins appelés pour suivre une formation de médecine militaire avant l'affectation qui dépendait du classement. J'ai créé la surprise en demandant l'Algérie alors qu'il y avait encore quelques places en France. J'avais l'espoir, déjà, de faire de la coopération dans le cadre du service militaire car on en parlait officiellement à l'époque. En réalité, j'ai passé mon séjour de 10 mois à Mostaganem dans une caserne. J'ai bien pris contact avec le Croissant rouge algérien mais sans suite. Et je ne sais pas comment aurait réagi le commandement s'il l'avait su.
Quelques petites anecdotes.
Arrivés à Alger, nous étions 4 médecins et j'ai pu choisir en premier mon affectation. Fort heureusement : il y avait 4 postes dont 3 dans la Légion ! Mon choix a semblé indigner le colonel qui nous recevait et qui, après mon choix, a tenu à nous dire qu'il était très fier d'être "première classe" de la Légion. Un camarade, martiniquais, qui avait fait ses études à Toulouse a eu un poste à la Légion : quand je l'ai revu après le service militaire, tout s'était bien passé pour lui.
Pendant notre bref séjour à Alger, nous sommes allés, à plusieurs, visiter la Casbah, en uniforme sans aucun problème si ce n'est des petits gosses qui nous suivaient en piaillant et qui étaient réprimandés par des adultes.
Au cours d'une balade, nous sommes montés à ND d'Afrique pour admirer un magnifique coucher de soleil. Et l'un des collègues de s'écrier : "Devant ce coucher de soleil, je comprends l'attachement des Pieds-noirs à ce pays". Et moi de répondre : "Devant ce coucher de soleil, je comprends la volonté des Algériens d'être ici chez eux". La discussion n'est pas allée plus loin.
J'étais donc à Mostaganem pour le premier anniversaire de l'indépendance. Privilège d'officier, comme tout médecin j'étais aspirant, à cette époque, je logeais en ville à proximité de la caserne mais j'étais consigné à mon domicile. Voulant voir la manifestation, je suis descendu, en civil, j'ai demandé au policier qui était au coin de la rue s'il y avait danger pour un Français d'aller à la manifestation. Il a été très étonné de ma question. Et je suis allé me mêler à la foule. J'ai cru voir quelque étonnement dans les regards devant cet Européen inconnu.
C'est à Mostganem que j'ai vu pour la première fois "Octobre à Paris", film sur la sauvage répression de la manifestation des Algériens, le 17 octobre 1961, à Paris. J'étais en civil mais des appelés étaient venus le voir en militaire. Cela ne semble avoir posé aucun problème.
A l'époque des bruits circulaient que les Algériens tendaient des fils en travers de la route qui menait à la plage pour piéger les éventuels Pieds-noirs qui s'y rendaient. J'ai connu un pied noir à Mostaganem, un médecin radiologiste, assez âgé, qui se préparait à partir parce que, m'a-t-il dit, toutes ses connaissances étaient déjà parties. Il avait un revolver dont il voulait se débarrasser et que j'ai ramené à la caserne.
Notre régiment a été rapatrié en avril 1964 mais il y avait encore bien des militaires en Algérie, à Mers el Kebir, où j'étais allé avec une ambulance militaire, dans un aéroport aux environs d'Oran dont j'ai oublié le nom mais qui servait de relais, disait-on, pour aller en Afrique noire, au Sahara bien sûr. Le 15 août 1963, je suis allé en avion militaire à Colomb-Béchar, voir des collègues de Toulouse au prix d'une bouteille de whisky offerte à un adjudant...
Je me souviens d'une note du médecin chef du service médical militaire de toutes les troupes française en Algérie qui disait, partant à la retraite, que "les médecins étaient les seuls à servir à la fois leur pays et l'humanité" . Si c'est lui qui le dit, ai-je fait remarquer au médecin capitaine...
La présence militaire française a continué bien après le départ du régiment de Mostaganem notamment au Sahara pour les essais nucléaires et même à Alger où le drapeau de l'Amirauté a été ramené bien plus tard alors que j'étais de nouveau en Algérie mais cette fois comme coopérant civil.
LE MAROC ENSUITE
En réalité, avant d'aller en Algérie, je suis allé au Maroc. Par un copain, étudiant en médecine, nous avons demandé au professeur R. de nous envoyer au Maroc comme infirmier dans une colonie de vacances marocaine. Finalement, je suis le seul à être parti.
Première traversée en bateau Marseille-Casablanca. Avec un bateau qui n'était pas très grand, sur lequel voyageaient une quarantaine d'étudiants qui allaient ensemble au Maroc. Ils ont envahi le bateau, ont fraternisé avec l'équipage, piloté, pris des douches au tuyau d'arrosage, bu le pastis et poussé la chansonnette avec les matelots corses !
Il fallait que je passe au ministère pour mon affectation. J'ai été ébloui par l'avenue principale de Rabat. J'ai été envoyé à Saïdia, sur la côte méditerranéenne, au nord d'Oujda, à la frontière algérienne. C'était une colonie essentiellement sous toiles de tentes, au bord de la mer où j'ai passé l'été. C'est là que j'ai fait connaissance de Simone, Guillaume et leurs enfants (1). Ils étaient les seuls européens avec lesquels j'étais en contact et par eux, épisodiquement, avec quelques autres.
De ce séjour, je ne conserve que quelques anecdotes. Une chose qui m'a frappée, c'est l'antisémitisme de gens de gauche. Chose impensable pour moi. Je me souviens de cette réflexion : "Nous avons su que le Maroc allait retrouver son indépendance, le jour où nous avons vu les Juifs manifester avec les Arabes".
J'étais en contact permanent avec l'encadrement de la colonie. Je dois dire que j'ai peu participé aux discussions car tout se déroulait en arabe et que je n'en comprenais pas un mot. J'ai cependant eu quelques discussions. Un des moniteurs ne parlait que de sport. La seule fois où il 'a parlé de politique ce fut pour me faire part de sa joie de la mort de Dag Hammarskjoeld parce qu'il était pour les juifs.
Parmi les enfants de la colonie de vacances, il y avait beaucoup de petits blonds ce qui m'avait beaucoup étonné. Il devait y avoir une trentaine de Mohamed ben Mohamed ! Comment s'y reconnaître ? Depuis l'état civil a été réorganisé. Une bonne partie des enfants étaient des réfugiés algériens.
Lors de mon retour de Saïdia à Rabat et Casablanca, j'en ai profité pour visiter Azrou, Ifrane et Fès grâce à un moniteur de la colonie. D'Azrou, jai ramené un plat et un marteau en olivier pour casser des noix qui est encore à Carcassonne et de Fès un sac en cuir pour ma mère que l'ami qui m'accompagnait a longuement marchandé, pour le plaisir, m'interdisant de me mêler de cette négociation complice.
En passant, nous sommes allés rendre visite à des cousins éloignés qui, après avoir quitté la Syrie, étaient installés à Meknès. Le cousin était maître bottier. Stupéfaction pendant le repas, mon ami marocain et mes "cousins" s'entendaient comme larrons pour faire de l'antisémitisme !! Quand je pense que lors d'un passage à Carcassonne, la "cousine" nous avait soutenu que les "arabes n'étaient pas comme nous, que d'ailleurs elle le savait bien elle qui en avait soigné et que leur sang n'avait pas la même couleur que le nôtre !!!".
Cela me rappelait une autre discussion à la maison entre des membres de ma famille et des Maliens qui étaient en math-élem avec moi et que j'avais invités. Tout le monde faisait assaut devant eux d'antiracisme. Je n'y ai pas tenu et je suis sorti pour aller donner des coups de pied dans la porte du jardin !
De Rabat, je suis rentré en Caravelle, premier voyage en avion ! et j'ai pu voir le détroit de Gibraltar, un avion militaire qui nous a suivis un moment et les parcelles minuscules de la campagne !
28 septembre 2020
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Le blog de Paul ORIOL
28 septembre 20
Charles C.
J'ai fait ma spécialité de pneumologie à Alger avec Charles qui faisait partie des "jeunes", puisqu'il était de la promotion suivante.
En réalité, quand je l'ai connu, Charles avait déjà une longue carrière, mouvementée derrière lui. Déjà médecin en1940, nationaliste, il n'accepte pas la défaite et décide de passer en Espagne. Entré nationaliste dans les geôles espagnoles de Figueras, il en ressort communiste et après avoir rejoint Londres, se retrouve médecin dans les sous marins, je crois !
A la libération, il sera médecin des houillères du Nord. Suite à un accident vasculaire cérébral qui ne lui laisse aucune séquelle, il lui est conseillé de ralentir un peu ses activités, ce qui le conduit à prendre un poste en Algérie, à Médéa, en coopération.
André R.
Dans le cadre de ses fonctions, il rencontre André R. Encore une figure ! André R. était alors médecin expert de l'OMS. Il a lancé en Algérie la Superamine à base, essentiellement, de produits locaux (farine de lentilles et de pois chiches décortiqués notamment) qui était un aliment dit "de sevrage" que l'on donne pour remplacer ou compléter l'allaitement maternel. Aliment complet, réalisé à partir de la production locale, la Superamine était destiné à se substituer aux produits importés, chers, mal adaptés à la situation des familles algériennes. Malgré ses qualités, la Superamine a rencontré quelques difficultés à s'imposer à cause d'une présentation qui n'était pas suffisamment attractive par rapport aux produits importés, à cause de son image de produit local, ersatz des produits occidentaux.
André avait fait Santé navale et avait été le médecin de Malraux pendant la guerre, brigade Alsace-Lorraine, sur lequel il racontait quelques histoires pittoresques.
Après avoir été médecin en Afrique, création/fondation de l'ORANA à Dakar (Office régional pour l'alimentation et la nutrition africaine). médecin général, il était devenu expert en nutrition pour l'OMS. C'est dans ce cade qu'il voyageait en Algérie et que nous l'avons connu à Constantine et Charles à Médéa.
André était donc de passage à Médéa et Charles l'invite chez lui. Surprise dés que André voit Paulette, l'épouse de Charles : "Mais je te connais !"
Paulette C.
Effectivement, André et Paulette s'étaient connus à Marseille pendant la guerre. A cette époque, Paulette était assistante sociale et dans le cadre de ses activités, professionnelles et militantes, rendait visite aux détenus, notamment aux résistants.
Lors d'un de ces contacts avec un officier allemand, dans le cadre de ses activités, celui-ci l'interpelle :
- Je sais ce que vous faites. Je voudrais vous voir après le service à tel endroit.
Après concertation avec les camarades de la Résistance, elle décide de se rendre au rendez-vous. L'officier allemand lui propose un marché. L'exfiltrer en échange du plan de répartition des mines de la ville de Marseille. Et le marché a été conclu.
C'est l'histoire qui m'a le plus frappé parmi celles que nous a racontées Paulette qui était aussi agent de transmission de la résistance. Jeune femme à cette époque, cela lui a permis, avec un sourire comme ausweis, de passer sans difficultés des barrages.
Mais tout n'a pas été toujours drôle et elle souffrait d'insomnies et de claustrophobie depuis qu'elle avait été prise sous un bombardement où elle avait failli rester.
Je ne sais comment elle avait rencontré Charles. Toujours est-il qu'après avoir été mariée avec un officier, je crois apparenté à la famille de de Gaulle, elle s'en était séparée et était mariée avec Charles.
Tous deux militaient au PC. Elle racontait le nombre de fois où elle avait été convoquée par la police et inquiétée pour des articles qui étaient publiés sous son nom mais rédigés par des camarades du PC. Elle découvrait ces articles au Commissariat !
Tous deux, fidèle au PC, avaient une grande nostalgie de Paul Vaillant-Couturier qui aurait, pensaient-ils, empêché les errements du PC...
Bien entendu, c'est en Algérie que nous l'avons rencontrée où elle avait réussi à se faire de nombreux amis malgré un franc parler qui a du traumatiser plus d'une oreille algérienne notamment sur la condition de la femme.
Charles et Paulette sont rentrés en France au moment de la retraite de Charles.
Un jour, Paulette présente des symptômes qui font penser à Charles qu'elle avait un cancer. Il l'a fait examiner par une autorité médicale. A la fin du bilan, Paulette se trouve face au professeur :
- Alors, c'en est un ?
- Euh, je crois que...
-C'en est un ou non ?
- C'en est un.
- Opérable ou non opérable ?
- Opérable.
- Vous l'opérez quand ?
Ce fut l'histoire de son premier cancer qui s'est relativement bien terminée.
Relativement car, quelques années plus tard de nouveaux symptômes font penser à une métastase.
Même scénario. Même comportement. Même conclusion.
Paulette passera même à la télévision lors d'une émission pour dire qu'on pouvait survivre même à deux cancers.
Elle succombera au troisième.
En écrivant ces quelques mots. Je me rends compte de leur sécheresse. De la bêtise de ne pas avoir posé de questions, de ne pas avoir relevé au jour le jour les anecdotes racontées par les uns ou les autres. Qui aujourd'hui sont cachées dans une mémoire défaillante.
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