La prise de la Régence d’Alger en 1830, le débarquement à Siddi-Ferruch – Les préparatifs.
Metternich et Chateaubriand.
Avant de clore le chapitre Metternich, rappelons ses critiques d' Alphonse de Chateaubriand, où il exprime toute sa rancoeur envers l'érivain, l’homme politique et la « Note sur la Grèce » publiée par Chateaubriand.
« Le reste de l’opuscule de ce rêveur romantique est pitoyable et se résout en vaines phrases. Il a fourni, quasi par chaque ligne, la preuve que dans sa tête il n’entre pas une seule idée pratique et qu’il ne voit dans les choses que ce qui ne s’y trouve pas ».
En 1825, à la mort du Tsar Alexandre 1er, l’inquiétude de Metternich grandit.
Le successeur d’Alexandre, Nicolas 1er œuvre pour un rapprochement de la Russie avec l’Angleterre et veut entraîner la France dans son sillage.
Pour Metternich les conséquences de ce rapprochement seraient l’éloignement diplomatique de la France avec l’Autriche. Il accuse l’ambassadeur du Tsar à Paris, Charles André Pozzo di Borgo, de tout mettre en œuvre pour opposer la France et l’Autriche.
Charles Pozzo di Borgo exerce sur Chateaubriand un véritable ascendant. C’est ce qui explique vraisemblablement l’antipathie de Metternich envers Chateaubriand. Les inquiétudes de Metternich coincident avec l’arrivée du nouvel ambassadeur d’Autriche à Paris, le comte Apponyi, qui perçoit chez le gouvernement français des hésitations. En effet, Damas veut faire adhérer la France au protocole anglo-russe du 4 avril 1826 sans attendre les avis de Vienne.
Villèle se concerte avec Metternich, l’affaire est épineuse. Après le traité de Londres du 6 juillet 1827, les relations franco-autrichiennes seront de plus en plus mauvaises.
Sous le ministère Martignac, la Ferronay affirmera sa fidélité au Traité de Londres et assurera la Russie de son appui.
La France souhaite envoyer des troupes en Morée, (avec un corps expéditionnaire) afin d’en expulser le Sultan Ibrahim-Pacha et la Russie occuperait la Valachie et la Moldavie.
Au moment où se nouent ces projets d’alliances, la Russie décide de se passer et de la France, et de l’Angleterre. Elle considère que la Valachie et la Moldavie sont une affaire personnelle entre la Russie et la Turquie. En effet, la Sublime Porte vient de rompre la « convention d’Akkerman 1 », le 7 octobre 1826. Ces tribulations diplomatico-guerrières n’empêchent pas la France de Polignac de « reprendre l’initiative dans la question d’Orient ».
La Russie et l’Empire Ottoman
1829. La guerre entre la Russie et la Turquie vient d’éclater. L’Autriche voit les « menaces de dislocation » de l’Empire ottoman avec crainte, les Anglais avec dépit, et les Français soucieux de la sauvegarde de l’Europe.
Les Russes approchent de Constantinople. « En cet été 1929, une telle nouvelle produit une impression profonde en Europe. Les chancelleries s’en émeuvent et le comte Apponiy, Ambassadeur d’Autriche à Paris et bon observateur fait part à Metternich des impressions de Polignac.
Extrait : « Il m’a paru dans l’attitude d’un homme entièrement pris au dépourvu et n’ayant aucunement prévu la possibilité même des évènements qui viennent de se succéder… Il désirerait connaître les idées de votre Altesse ».2
Or, dans le grand projet de Polignac, dans une lettre adressée à Mortemart, l’on découvre que « Le grand projet a pour idée-force le démantèlement de l’Empire ottoman et une réorganisation de l’Europe occidentale ».
Vues partagées également par les libéraux tel le député libéral de l’Allier, le baron de Richemont. Metternich porte sur l’idée de démantèlement de l’Empire ottoman, un jugement très sévère qu’il traite « d’élucubrations ». Il reste persuadé qu’il s’agit d’une tactique des libéraux, pour précipiter les Bourbons dans la guerre et de les compromettre avec toute l’Europe.
Le Duc de Valmy, député de Haute-Garonne ne dit pas moins, « Le gouvernement anglais use d’une manœuvre diplomatique pour offrir à la Russie le partage de l’Empire ottoman ».
Le 4 septembre 1829, la Traité d’Andrinople3 rend le « grand-projet » caduc.
Le traité entre les Russes et l’Empire ottoman signe la fin du confit russo-turc et accorde des avantages territoriaux non négligeables aux Russes.
La France, vexée, devant cette négociation notifiée à l’Europe déclare « qu’elle ne reconnaîtra aucun changement auquel elle ne participerait pas ».
Mais l’Angleterre se tourne vers l’Autriche dans « l’espoir de réveiller de vieilles rancunes contre la France ». Tentatives sans succès.
Polignac, de son côté ne veut rien dévoiler du grand projet. Il a vécu en Ukraine, du temps de l’émigration et apprécie la sagesse du Tsar Nicolas 1er dont il loue la perspicacité, bien plus que son frère Alexandre 1er.
Les valeurs chrétiennes de Nicolas 1er.
C’est un ardent défenseur du christianisme en Orient, « mais il ne s’agit pas dans son esprit d’assigner à la Russie un rôle de rempart comparable à la Pologne et à la Hongrie contre les invasions turques. La mission protectrice de la Russie est jugée en fonction du rôle que la France doit jouer en Europe".
Par comparaison avec le frère du Tsar Nicolas 1er, Polignac juge qu'Alexandre 1er « avait mal compris cette possibilité de régénération que constitue la France dans les affaires d’Orient ».
Polignac pense surtout au développement de la puissance française en Orient. « Il est sensible à l’idée d’une organisation européenne conçue par des souverains qui « pour la première fois mettent de côté leurs propres intérêts ».
Il rajoute, visionnaire…
« Si ce langage avait été tenu en 1815, et si les actes avaient correspondu, la société européenne n’éprouverait pas aujourd’hui l’agitation intérieure qui la dévore et menace encore son repos ".
La préparation diplomatique de l’expédition d’Alger.
Le ministère de la Guerre a conservé dans ses archives le mémoire du commandant du génie Vincent-Yves Boutin envoyé à Alger en 1806/1807. Selon son plan, après observation du terrain, il fallait débarquer à Siddi-Ferruch avec la prise du Fort l’Empereur.
Mais son plan ne sera adopté qu’en 1830.
Le ministre de la Marine et de la Guerre, le marquis Aimé-Marie-Gaspard de Clermont-Tonnere dirige le département de la Guerre dans le cabinet Villèle en 1827. Il envoie ses conclusions au roi mais, précise-t-il, il ne « conçoit l’utilisation du plan Boutin qu’en fonction des impératifs français en politique extérieure". Pour lui, une alliance avec les Russes est nécessaire pour « faire contrepoids » à la puissance anglaise en Méditerranée.
Une intervention française à Siddi-Ferruch selon le plan de Boutin est indispensable.
Appuyé par le Capitaine de Fregate Dupetit-Thouars, le capitaine de frégate Taradel, le comte de Chabrol, et Monseigneur de Frayssinous, ils étudient en détail le débarquement.
Villèle, président du Conseil se montre bien plus réservé sur le projet. Le 4 janvier 1828, il démissionne. Il se confie au Marquis de Forbin des Issarts, député de Vaucluse : « Je suis contristé de cette malheureuse expédition contre Alger… Une opération aussi aride que peu chanceuse, de se jeter dans des dépenses aussi exorbitantes".
Le 5 avril dans son discours du Trône, Charles X considère comme définitive sa rupture avec la Régence d’Alger.
Le 8 août 1829, « Polignac succède à Martignac. L’expédition projetée entre dans sa phase décisive ».
Le plan est à point.
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Cet article a pu être rédigé à partir de la thèse de Pierre Gourinard, Historien, Docteur-ès-Lettre, intitulée « Les royalistes français devant la France dans le monde », présentée à l’Université de Poitiers en 1987 et de l’ouvrage du même auteur, édité en 1992 chez Lacour-Editeur, (préface de Jacques Valette professeur de l’Université de Poitiers).
Sources bibliographiques complémentaires pour les parties 2-3 et suite :
Encyclopédies Alpha, Larousse, Quillet.
Histoire de la civilisation Will Durant.
Le destin tragique de l’Algérie française – Collection dirigée par P. Miquel.
1Convention d’Akkerman : Elle est signée le 7 octobre 1826 entre l’Empire russe et l’Empire ottoman, à Akherman (actuelle ville de Bilhorod – Dnistrovskyi située en Ukraine.
2Metternich avait le titre de Prince.
3A ne pas cofondre avec la « Paix d’Andrinople ». Andrinople est l’Edirne en Turquie.
par
mercredi 8 juin 2022
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/origines-et-aspects-inconnus-de-la-242071#commentaires
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