Charles X, frère de Louis XVI et de Louis XVIII, né à Versaille en 1757, comte d’Artois, est considéré sous l’ancien régime comme un « seigneur fastueux ami des fêtes et des plaisirs ».
Opposé aux idées nouvelles, il émigre en 1789 et prépare activement la contre-révolution extérieure dont il fera son cheval de bataille, mais finalement devra en laisser la direction à son frère aîné, Louis XVIII, le Comte de Provence.
En 1814, il revient en France, avec le titre de « Lieutenant général du royaume ». Il fait partie de ces émigrés qui « n’ont rien appris et rien oublié ».Chef de file de la droite royaliste dite des « ultras », le Comte d’Artois réprouve la politique de prudence et de petits pas de son frère Louis XVIII. Lorsqu’il est sacré roi de France, il s’entoure des ministres Villèle, Martignac, Polignac, et les encourage à poursuivre une politique qualifiée de « réactionnaire ». Cette politique lui vaut l’animosité des libéraux qui forment le gros des troupes de l’opposition.
En 1830, Charles X essaie d’imposer sa politique en promulguant « 4 ordonnances », ce qui débouchera à Paris sur l’insurrection des « 3 glorieuses », les journées des 27,28,29 juillet. Il abdique et s’exile.
Mais en attendant ces journées déterminantes pour son destin de monarque, il a le temps de mettre en place son grand projet d’Orient.
Le rôle du Prince Metternich
C’est ici qu’interviennent Metternich et son rôle dans l’évolution du projet.
Il n'est pas, non plus sans poser les question des relations de Metternich avec les « ultras » et les « Chevaliers de la Foi ». Metternich connaît très bien ce milieu et ne le confondrait pour rien au monde avec la « Congrégation ».
Metternich échange avec le baron de Lebzeltern, ambassadeur à St-Pétersbourg, une correspondance. Metternich est un plumitif et un épistolaire et a laissé de nombreuses correspondances avec l’élite européenne. De plus, c’est un amoureux inconditionnel de la France.
Extrait :
« Une corde que je n’ai pas touché dans ma dépêche, c’est la restauration morale de la France. Celle-ci s’avance avec calme et force au milieu de tant de miasmes délétères que moi-même je ne l’eusse aperçue, si les chefs véritables de cette grande œuvre n’étaient venus eux-mêmes me placer en face de la vérité... Je reviendrai un jour sur cette question importante, et vous serez surpris de ce que vous apprendrez ».
Friedrich Von Gentz (1764-1832), secrétaire du Directoire Général des Finances de Prusse, traducteur des écrits de Burke et de Malle du Pan, entré au service de l’Autriche en 1802, rédigea contre Napoléon les « manifestes des cours de Berlin et de Vienne ».
Principal rédacteur du traité de Paris en 1815, il échange avec Metternich. Ce dernier manifeste auprès de Gentz, le souhait d’un « parti pur ».
Extrait :
« Ce qu’il y a de plus intéressant pour moi, ce sont les rapports étroits qui se sont établis entre le parti pur et moi. Cette union aura d’heureuses conséquences… Au centre de tout le mal, un centre de vrai bien, qui s’étend et se fortifie dans un sens vraiment pratique ».
Une autre correspondance à Madame de Liéven nous en dit un peu plus sur la personnalité et les aspirations de Metternich.
« Il est ici, une classe d’hommes qui vivent comme des solitaires au milieu du bruit et des clameurs. Leur esprit est d’une bonne trempe et ils ne sont dupes de rien… Je sais tout ce qu’ils ne savent pas et ils fixent ma pensée. »
Au Comte de Sonft-Pilsach, Metternich donne son sentiment personnel et nous éclaire sur les relations avec les milieux diplomatiques européens. Metternich vit à Paris, rue du Bac, Faubourg St-Germain et entretient de bonnes relations avec les notabilités « ultras ». Qu’il s’agisse du Comte de Senft-Pilsach ou de Metternich, ce sont tous deux des hommes profondément imprégnés de la foi chrétienne. Et cette particularité a son importance ici, et particulièrement pour la question du projet d’Orient.
Mysticisme et Rédemption.
Le 13 Janvier 1820, le duc Charles Ferdinand de Bourbon, Duc de Berry, second fils de Charles X, est assassiné par Louis-Pierre Louvel, ouvrier-sellier, qui déclara avant son exécution, qu’il « voulait exterminer les Bourbons ». L’affaire de l’assassinat du Duc de Berry est inquiétante et traduit le trouble des esprits, car la Restauration a institué un régime parlementaire où les débats des assemblées traduisent les profondes querelles qui agitent les notables.
Les « légitimistes » cantonnés dans l’opposition sont minoritaires dans l’Assemblée et les « libéraux » se posent la question de savoir si les légitimistes, après cet assassinat ne tenteraient pas un coup d’État pour rétablir la « Monarchie absolue » !
Les légitimistes, nous l’avons vu, n’ont jamais été chauds pour l’aventure coloniale, mais les libéraux, eux, oui ! Aussi leur « repli dans l’opposition » opposition terne et quasi inexistante ont favorisé « la colonisation » dans les Dom-Tom et surtout le grand projet d’Orient, que l’Etranger étudie de près.
Il en va de la « perception de la réalité du passé… à l’extérieur comme à l’intérieur, les penseurs politiques présentent un ordre qui ne suppose pas forcément un retour sur le passé ». En effet, la société de l’Ancien Régime s’appuyait sur « l’ordre naturel ». Pour eux, la Révolution française fut une œuvre sataniste (lumières, luce, Lucifer/Satan), mais « nécessaire au bien de la France.
Voilà une belle contradiction de la part des « légitimistes » !
Quelle en est la raison ?
Les légitimistes accompagnent leur raisonnement par un élément : la « mystique », celle de « l’expiation » qui se développe dans les cercles royalistes pendant l’émigration – puis sous la Restauration – avec l’idée de « réparation » et de « régénération de la France ».
« Les légitimistes après 1830, devaient appliquer à la colonisation, et en particulier celle de l’Algérie, ces vues formulées par Joseph de Maistre avec tout l’éclat de son style... ».
Dans leur esprit, la conquête de l’Algérie devait constituer le symbole d’une nouvelle France qui aurait permis le renouveau de la Chrétienté.
Les « idéalistes » travaillaient ardemment sur la question « évangélisation » et « colonisation ». Ils espéraient en Henri V, le Comte de Chambord, petit-fils de Charles X et fils du Duc de Berry assassiné.
Pour les « légitimistes », Henri V était considéré comme prétendant au trône de France. Leur seule référence valable était le « Congrès de Vienne », mais ils y rajoutaient des « vues de régénération chrétienne » dont l’origine est bien antérieure à 1815. La renaissance de la France passerait obligatoirement par la re-christianisation.
Il fallait donner à cette vision presque « métaphysique », toute l’importance qu’elle revêtait à l’époque et que l’on ne peut considérer comme secondaire ou épiphénoménale.
Elle prit toute son importance avec la prise d’Alger à partir de 1830. Ce n’était plus une doctrine coloniale stricto sensu, mais le recours à un « mysticisme », au moment où les « Lumières » projetaient partout en Europe et sur le monde, sa « doctrine universelle ».
Jusqu’en 1830, l’intérêt pour un Empire colonial bien modeste se constitue peu à peu. Il est lent, mais il a besoin d’un élément déclencheur pour s’ancrer profondément dans l’opinion publique.
Cet élément déclenchant sera la prise de la Régence d’Alger. Deux visions vont se confronter : idéalisme et « facteur métaphysique », chez les légitimistes, l’autre, pragmatique et matérialiste chez les Orléanistes, libéraux et considérés par les premiers comme « régicides », c'est-à-dire,ayant vot la mort du roi, appartenant aux Sociétés secrètes actives dans toute l’Europe et ayant pris une grande part dans la Révolution française.
Alors, pour ceux qui attendent l’avènement d’Henri V, un jour peut-être, une grande question se pose.
La colonisation est-elle compatible avec une évangélisation ?
Pour les légitimistes, il faut renverser poser le problème tel qu’il se pose. La colonisation est inconcevable dans une action missionnaire, si l’idée de conversion est fondamentale, elle pourra ne se faire que par la persuasion.
Aussi, dès 1830, les légitimistes impliqués et enthousiastes à l’idée d’une évangélisation des populations, mais en douceur, décident de mettre sur pied un projet ambitieux : l’installation de chrétiens du Liban, en Algérie !
Les Libanais sont des Orientaux, connaissent bien la mentalité des populations d’Algérie, connaissent l’Islam et parlent Arabe.
.../...
Cet article a pu être rédigé à partir de la thèse de Pierre Gourinard, Historien, Docteur-ès-Lettre, intitulée « Les royalistes français devant la France dans le monde », présentée à l’Université de Poitiers en 1987 et de l’ouvrage du même auteur, édité en 1992 chez Lacour-Editeur, (préface de Jacques Valette professeur de l’Université de Poitiers).
Sources bibliographiques complémentaires pour les parties 2-3 et suite :
Encyclopédies Alpha, Larousse, Quillet.
Histoire de la civilisation Will Durant.
Le destin tragique de l’Algérie française – Collection dirigée par P. Miquel.
par
mardi 7 juin 2022
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/origines-et-aspects-meconnus-de-la-242033
.
Les commentaires récents