Le ministre français de l'Agriculture, Marc Fesneau. D. R.
Derrière les paillettes de Cannes et les cérémoniaux bling-bling à l’Elysée qui vient de rendre publique la liste du gouvernement de la Russe Elisabeth Bornstein, alias Borne, qui se découvre des origines polonaises en quelques clics sur Wikipédia, se cache une grande peur dans les plus hautes sphères du pouvoir en France, depuis qu’Emmanuel Macron s’est fait l’exécutant des ordres de Joe Biden en Ukraine, entraînant son pays dans une confrontation directe avec la Russie.
Cette menace sérieuse sur la «souveraineté alimentaire» de la France, le ministre de l’Agriculture a tenté de la détourner en dirigeant ses admonitions vers… l’Algérie. Selon Ouest France, en effet, évoquant la guerre en Ukraine, Marc Fesneau a souligné que «ce n’est pas en France […] que le problème se pose, mais parlons […] à l’Algérie qui [peut] se poser la question de savoir si [elle] va pouvoir se nourrir». Cette menace à peine larvée envers notre pays pour avoir refusé de s’aligner sur l’OTAN dans sa politique expansionniste vers l’Est, adoptant une position neutre dans le conflit russo-américain par Ukraine interposée, a fait réagir une source algérienne selon laquelle cette mise en garde formulée sous forme de «conseil amical» fait partie de la guerre déclarée à l’Algérie «qui reprend de plus belle avec le nouveau gouvernement français». Notre source en veut pour preuve que le ministre français évoque l’Algérie mais épargne le Maroc, pourtant autrement plus vulnérable en matière de sécurité alimentaire.
«La Russie a assuré que ses futures exportations de blé seront réservées aux pays amis ; de plus, l’Algérie possède assez de resserves en blé sans parler des prochaines moissons qui s’avèrent très bonnes», note notre source qui fait ainsi écho aux informations rapportées par Algeriepatriotique en 2018, lorsque l’Algérie annonçait, sous l’ère Bouteflika déjà, qu’elle importerait le blé et le lait de Russie, provoquant ainsi un vent de panique en France, jusqu’alors premier fournisseur de l’Algérie en blé tendre. L’Algérie, qui avait déjà importé du blé russe en 2017, avait envisagé de s’approvisionner totalement de la Russie. «L’Algérie est extrêmement intéressée par l’importation de blé russe et envisagera cette possibilité après avoir analysé les informations reçues lors de l’inspection», soulignait l’organe de surveillance Rosselkhoznadzor du ministère russe de l’Agriculture, dans un communiqué, repris par le journal économique français La Tribune, qui relevait la conséquence de cette décision sur les agriculteurs français et globalement sur les exportations françaises vers l’Algérie.
Le choix de l’Algérie de se détourner de son fournisseur traditionnel était, au-delà des raisons économiques, une réaction aux fortes pressions françaises sur les autorités algériennes en ce qui concerne, notamment, le dossier de l’immigration et de la circulation des personnes. Un problème qui demeure d’une brûlante actualité, Paris se servant de cette question comme moyen de chantage auquel Alger a répondu, ces derniers temps, par des mesures de rétorsion sévères.
En décembre 2018, l’ambassadeur de la Fédération de Russie à Alger confirmait l’information relative à l’approvisionnement de l’Algérie en blé auprès de son pays. «Il a été annoncé qu’en 2019 l’Algérie recevra un lot pilote de blé russe pour estimer son niveau de qualité et déterminer s’il correspond aux besoins des Algériens. Si la partie algérienne donne un avis favorable, la Russie livrera son blé à l’Algérie à un prix compétitif», avait annoncé Igor Beliaev lors d’un point de presse organisé au siège de l’ambassade.
De son côté, Russia Beyond faisait état d’un appel d’offres remporté par la Russie, «depuis plusieurs années premier exportateur mondial de blé», formulé par l’Algérie pour la vente de 250 000 tonnes de cette céréale, citant la directrice du Centre d’évaluation de la qualité céréalière. «C’est un marché important, et nous espérons qu’il continuera à croître», avait souligné la responsable russe, faisant référence aux prévisions des spécialistes selon lesquelles l’Algérie ambitionnait de porter ses importations en provenance de Russie à 800 000 tonnes.
Dans cette guerre que l’OTAN a décidé de livrer à la Russie, l’Occident tout entier est déjà au bord de l’asphyxie et les effets des pénuries commencent à se faire sérieusement sentir dans des pays industrialisés qu’on croyait autosuffisants et suffisamment puissants pour faire face à n’importe quel défi. Il s’avère, quelques semaines à peine après le début de l’opération russe en Ukraine, que les Etats-Unis – où sévit une pénurie de lait – et l’Europe de l’Ouest, l’arrogante France en tête, où le prix des carburants et des produits alimentaires ont atteint des niveaux records, rendant les populations européennes encore plus précaires – sont un éléphant aux pieds d’argile.
L’avis du membre du gouvernement Borne est d’autant moins motivé que face aux rayons de supermarchés vides, les Français se ruent désormais sur l’huile importée d’Algérie.
La France est confrontée aux jours de son passé colonial lors du Festival de Cannes, qui se déroule jusqu’au 28 de ce mois.
Au cours de l’événement, les cinéastes exhortent la France à affronter son passé colonial, fondé sur le pouvoir d’influence des stars, mais aussi sur sa volonté croissante d’affronter ses crimes notamment commis en Afrique.
Lors des journées cinématographiques internationales, plusieurs œuvres sont présentées montrant l’horreur du colonialisme français, qui a commis des crimes et des massacres contre les peuples africains pendant des décennies.
Le réalisateur français du film (Les Harkis), qui traite de l’histoire d’Algériens qui ont combattu aux côtés des forces françaises contre le mouvement indépendantiste, mais les ont abandonnés lorsqu’ils se sont retirés d’Algérie et ont dû faire face à la revanche des Algériens vainqueurs, a déclaré Philippe Faucon à l’AFP. en marge du festival, « On peut dire que je suis obsédé par la question de la guerre d’Algérie ».
Le réalisateur d’origine algérienne ajoute : « Il faut revivre cet incident et regarder la vérité directement, même si les complexités historiques rendent impossibles les jugements faciles ».
Selon l’agence de presse française, le film porte la responsabilité de cette trahison criminelle et des massacres ultérieurs des Harkis, alors président français Charles de Gaulle.
À travers son film Le Père et le soldat, le réalisateur Mathieu Vadepied met en garde contre les conclusions faciles sur la conscription française des soldats sénégalais pendant la Première Guerre mondiale, un sujet qu’il aborde.
La star française Omar Sy joue dans l’histoire d’un père et de son fils qui sont forcés de se battre aux côtés de la France.
A propos du film, Mathieu Vadepied a déclaré à l’AFP : « Mon idée est de remettre en question les détails de ce qui s’est passé. Qu’avons-nous à dire sur cette journée ? » Savons-nous même ce que nous avons fait ? Si on nie les faits, on ne pourra jamais avancer, alors il faut lister les faits, et tout le monde devrait les connaître. Cependant, le but n’est pas de blâmer les gens, mais plutôt de reconnaître l’histoire douloureuse et la libération.
Selon l’agence de presse AFP, la deuxième semaine du festival de Cannes verra la projection du film du réalisateur français Rachid Boucharbe en 2006, qui a déclenché un débat national avec l’œuvre « Days of Glory, » un film sur l’aide que les soldats nord-africains ont apportée à la libération des forces françaises pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le dernier film de Bouchareb raconte l’histoire de Malik Osquin, un étudiant assassiné en 1986 devenu une icône des minorités françaises.
Dans ce nouvel épisode, François Reynaert, alias Oncle Obs, se penche sur ce qui oppose ces « frères ennemis », et sur les possibles conséquences pour les Européens de la détérioration de leurs.relations.
Apparemment, ils ont tout pour être des peuples frères. Une même langue majoritaire, l’arabe, une même religion majoritaire, l’Islam, et une part d’histoire commune : les deux pays ont été colonisés par la France. On dira alors qu’ils sont surtout des frères ennemis. Plusieurs mois après la rupture de leurs liens diplomatiques, les relations entre Algérie et Maroc sont à nouveau à un point de tension qui fait craindre une escalade.
La querelle est ancienne. Ses raisons sont multiples. La principale tient à une vieille question postcoloniale, jamais résolue : l’appartenance du Sahara occidental, cette immense langue de terre bordant l’Atlantique, grande comme l’Angleterre, revendiquée à la fois par les indépendantistes du front Polisario, soutenu par Alger, et le Maroc, qui en occupe une large partie depuis près de cinquante ans.
Commencée au milieu des années 1970, cette vieille querelle rebondit sans cesse pour continuer à empoisonner les relations dans la région. Très récemment, l’Espagne – bien malgré elle – est entrée à son tour dans cette danse infernale. D’où vient ce problème ? Pourquoi n’est-il toujours pas réglé ? Pourquoi devrait-il commencer à inquiéter sérieusement les Européens ?
Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, les premiers coups de feu étaient tirés à travers l’ensemble du pays. La Révolution Algérienne préparée de longue date était déclenchée et pendant plus de sept ans des milliers d’Algériens sont morts pour la liberté, la dignité et la restauration nationale. Chaque Algérien endura des souffrances terribles et cette terre qui force l’admiration de par le monde, par des gestes faits de noblesse et de courage continue de cristalliser autour d’elle l’inquiétude la plus vive, car son devenir le plus immédiat est pour le moins entaché d’horreurs et de crimes qui ne relèvent plus du bon sens humain mais de la simple vertu psychiatrique.
Après que 365 longs jours de l’année écoulée eussent été entièrement consacrés aux contacts secrets et aux négociations durant lesquels le peuple Algérien fut soumis à une véritable douche écossaise, on annonça les accords d’Evian qui devaient porter en eux, selon leurs promoteurs, l’augure d’une paix et d’une indépendance prochaine. Depuis le cessez-le-feu, la situation en Algérie, ne s’est en fait que plus aggravée. Bien plus, jamais le lot quotidien des victimes de la violence stupide et criminelle des uns et des autres n’a été aussi élevé. On continue de tuer dans l’impunité la plus totale et l’Algérie dont la Révolution devait lui ouvrir la voie combien exaltante de la démocratie et de l’humanisme, offre le spectacle d’un pays déchiré et vivant dans la peur et la panique.
Jamais paix, jamais ses lendemains ne furent aussi tristes ! Pour notre peuple, le cessez-le-feu devait marquer le retour à l’apaisement dans les cœurs et les esprits. La tourmente d’hier fait place aujourd’hui à la folie : en Algérie on tue pour tuer.
Un groupe de fanatiques rétrogrades, fascistes et assassins veulent imposer la continuation de l’exploitation coloniale en tentant de faire reculer la roue de l’histoire, obligeant, par la force, leurs compatriotes à les suivre dans le gouffre. Leur but est atteint, la haine et le mépris envahissent chaque jour un peu plus les couches des communautés algériennes et la possibilité d’entente du moins s’évanouit de jour en jour.
Matérielle cette réalité est bien plus encore politique, car si les petits blancs racistes forment avec les colons de la Mitidja et de l’Oranais le support logistique de l’O.A.S., il reste que ceux-ci sont encadrés par des éléments étrangers à la terre algérienne et dont l’ambition politique fut démontrée à suffisance par les actes auxquels déjà dans un récent passé ils se sont adonnés. Ils chevauchent des chimères, le partage du pays restant l’objectif premier de ceux qui les suivent, un tremplin pour ceux qui dirigent.
Après avoir longtemps été en fait un instrument entre les mains d’un gouvernement, ayant entouré ses actes criminels de la plus grande immunité et ayant limité son action à de simples proclamations, aujourd’hui des mesures plus radicales sont annoncées. Il semble que les responsables tendent à mettre un terme à des tolérances trop longtemps permises et qui constituaient un apport considérable à l’organisation fasciste O.A.S. Des mesures exemplaires visant des personnalités ultras ont été prises. Des mesures de dissolution visant des organisations ultras telle l’A.G.E.A.(Association Générale des Etudiants d’Algérie) l’ont été également. Un pas « en avant », pour reprendre l’expression d’un quotidien du soir français a été fait dans la lutte sans cesse retardée contre l’O.A.S.
Le caractère aléatoire de ces mesures n’est pas à démontrer et bien plus pour des raisons politiques que techniques, l’organisation secrète reste malgré tout dans l’esprit des cercles gouvernementaux français une des garantes de l’association de l’Algérie à la France telle que l’ont préfigurée les accords d’Evian. Ceci expliquerait pour une large part nos préventions, tandis que le rôle criminel des Argoud et Susini apparaitrait désuet et sans fondement sitôt la formalité de l’association accomplie.
En attendant, jamais l’Algérie n’a été aussi marquée par les événements qu’elle traverse. L’aveuglement du FLN qui lança dès 1956 sous l’œil bienveillant et quasi approbateur des autorités colonialistes de l’époque, une vague d’attentats terroristes, frappant indistinctement aussi bien les policiers que l’ouvrier européen aboutit, on le sait, au résultat le plus clair qui fut de souder autour d’une politique de guerre à outrance au peuple algérien toutes les classes incluses au sein de la communauté européenne. Dès les débuts de la Révolution et bien plus dès l’implantation du nationalisme révolutionnaire et émancipateur en terre algérienne, notre Parti fut en permanence dominé par le souci et le devoir de mener une politique spécifique, visant à détacher la classe ouvrière européenne des tenants de la grande colonisation. Les appels à la raison, lancés présentement par le F.L.N., les avertissements des autorités françaises réitérés quotidiennement parviendront-ils à des gens qui ont cessé depuis longtemps de respecter le pouvoir qui, soit dit au passage, réside dans les buildings délabrés par le plasticage ? Chacun sait en effet, les difficultés qu’éprouve l’exécutif provisoire dans l’accomplissement de sa mission. La confusion, l’impatience grandissante du peuple devant les agissements criminels et pernicieux de l’O.A.S. d’une part, la carence comme l’impuissance de ceux qui ont mission d’assurer l’ordre d’autre part, contiennent les germes d’un risque de congolisation que seul un retour prompt et rapide au bon sens peut éviter.
Depuis le cessez-le-feu, la politique criminelle d’extermination du F.L.N. engagée contre les militants du M.N.A. connaît une vigueur brûlante.
Enlèvements, égorgements, se succèdent à une allure infernale, tandis que le F.L.N. reprend à son compte aujourd’hui les usages honteux employés hier par le colonialisme le plus forcené : la déportation arbitraire. Ainsi des dizaines de familles se sont vues expulsées manu militari de leurs habitations pont des gourbis malsains aux environs de Bou-Saâda.
A travers tout le territoire national, une véritable entreprise de liquidation fomentée par le F.L.N. rappelle ce que ces mêmes gens endurèrent pendant les longues luttes qu’ils ont consenties généreusement durant la lutte contre le colonialisme.
Ces luttes entre Algériens ayant la même communauté de destin font des milliers de victimes et enlèvent au peuple ses meilleurs fils. Nous osons croire que la sagesse politique prévaudra. A défaut, notre pays meurtri connaîtra le pire des lendemains et le chaos le plus total.
La réalisation de l’union et du rapprochement entre tous les Algériens revêt dans les circonstances actuelles un caractère vital, elle constitue l’espoir de tout un peuple et la condition première de la construction de la République Algérienne sur des bases démocratiques et sociales qui rayonnera dans tout le bassin méditerranéen.
22/05/2022
Article paru dans La Voix du peuple, mai 1962, p. 4 et 2
L’attaque brutale israélienne contre les funérailles de Shireen Abu Akleh était l’acte d’une puissance dénuée d’empathie et de stratégie – dont le seul moyen d’expression est la violence.
Les forces de sécurité israéliennes arrêtent un homme lors des funérailles de la reporter d’Al Jazeera Shireen Abu Akleh (Reuters)
n juin 2001 ont eu lieu les funérailles de Faisal al-Husseini, ministre de l’Autorité palestinienne (AP) pour les affaires de Jérusalem et cadre de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).
Le cortège funèbre a démarré à la Mouqata’a à Ramallah et a progressé vers le check-point de Qalandiya pour rejoindre la mosquée al-Aqsa. Le cercueil était drapé d’un drapeau palestinien et des drapeaux palestiniens étaient agités tout au long de son dernier voyage à travers les rues de Jérusalem-Est occupée vers son lieu de repos à al-Aqsa.
C’était alors la seconde Intifada, les drapeaux palestiniens représentaient alors une organisation, l’OLP, déterminée à établir un État palestinien englobant la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est, aussi vite que possible.
L’Israël de 2001 a réussi à gérer les drapeaux palestiniens. Comment se fait-il qu’aujourd’hui – quand brandir un drapeau palestinien est surtout une question d’identité (l’émergence d’un État palestinien dans un futur proche est hautement improbable et les menaces en matière de sécurité, bien que sérieuses, sont bien moins prégnantes que lors des jours sanglants de la seconde Intifada) –, la police israélienne estime nécessaire d’envoyer des policiers lourdement armés pour arracher le drapeau palestinien qui drape le cercueil de la journaliste Shireen Abu Akleh, tout en agressant violemment ceux qui accompagnent le cercueil au point de le faire quasiment tomber ?
Comment se fait-il qu’en 2001, Israël avait suffisamment confiance face aux drapeaux palestiniens agités dans les rues de sa « capitale éternelle » lors du cortège funèbre d’un cadre politique palestinien, mais qu’en 2022, un drapeau autour du cercueil d’une journaliste est considéré comme une menace pour l’existence d’Israël ?
Avant de tenter de répondre à cette question, il convient de s’arrêter sur le face-à-face entre la police anti-émeutes et les porteurs du cercueil et sur les images de violences assurément destinées à rester longtemps dans les médias et dans les mémoires.
Ces scènes ont donné la nausée non seulement aux millions de Palestiniens qui ont regardé le cortège en direct, mais aussi aux centaines de millions d’Arabes et d’autres à travers le monde également devant leurs écrans, ainsi qu’à de nombreux Israéliens juifs, dont beaucoup ne sont pas de la gauche radicale.
Un tabou antique
Le tabou interdisant de déshonorer les morts et l’obligation de disposer dignement du corps du défunt figurent parmi les plus anciennes coutumes humaines. Même en temps de guerre, les morts ont un sort à part.
Dans Antigone, Sophocle raconte les conséquences tragiques du refus du roi de Thèbes d’autoriser l’enterrement du frère d’Antigone, Polynice, mort après avoir pris les armes contre l’homme qui avait usurpé son trône.
Une société qui n’assume pas sa responsabilité d’honorer les morts, qu’il s’agisse des siens ou de ses ennemis, abandonne sa propre humanité
Le judaïsme lui aussi sanctifie ce processus. Dans le traité sur les « bénédictions » de la Mishnah, il est dit que les porteurs de cercueil « et leurs suppléants, et les suppléants des suppléants » sont exemptés de réciter le Shema, de porter les phylactères et « de tous les autres commandements dans la Torah » susceptibles d’interférer avec leurs devoirs en tant que porteurs de cercueil.
L’obligation de permettre l’inhumation de ses ennemis fait partie de toutes les conventions internationales sur les lois de la guerre. Une société qui n’assume pas sa responsabilité d’honorer les morts, qu’il s’agisse des siens ou de ses ennemis, renonce à un principe fondamental partagé par l’ensemble des humains et abandonne sa propre humanité.
Dans le conflit israélo-palestinien/israélo-arabe, on trouve des exemples d’atteinte à l’honneur des morts. Les deux camps en sont coupables : la mutilation des victimes du convoi des 35 en 1948, la crémation des corps des villageois à Deir Yassin, entre autres. Mais ce qui s’est passé vendredi dernier lorsque le cortège funèbre a quitté l’hôpital Saint-Joseph de Jérusalem menant Shireen Abu Akleh vers sa tombe pourrait se voir décerner sa propre catégorie.
Shireen Abu Akleh : assaut du cortège funéraire de la journaliste palestinienne par les forces israéliennes
L’agression violente de ses porteurs de cercueil ne s’est pas produite au cœur d’une bataille, mais bien longtemps après les faits. Shireen Abu Akleh n’était pas une combattante, même pas une figure politique, simplement une journaliste civile tuée alors qu’elle faisait son travail.
Et par-dessus tout : ceux qui se sont attaqués aux Palestiniens en deuil autour de son cercueil n’étaient pas des individus lambda agissant de leur propre chef, mais la police déployée par son commandant – ou, en d’autres termes, par l’État – avec pour mission de s’en prendre à la dignité de la défunte.
Peut-être est-ce la raison pour laquelle cet incident, certainement pas le plus violent ou le plus cruel dans l’histoire du conflit israélo-palestinien, a provoqué une réaction émotionnelle si puissante. Comme dans l’histoire d’Antigone et de ses frères, c’est le régime au pouvoir qui, la semaine dernière, a violé le tabou de l’atteinte à l’honneur des morts.
Ce qu’a fait cette police anti-émeute a été filmé, alors que les policiers impliqués et certainement leurs commandants savaient parfaitement que tous les Palestiniens regardaient cette scène, ce qui ne fait qu’empirer les choses.
Non pas parce que cela a représenté un désastre en matière de communication pour Israël ou parce que cela unit le peuple palestinien, bien que ces deux choses se soient produites, mais plutôt parce que cela amène insidieusement à penser que ces actes ont été perpétrés délibérément devant les caméras pour envoyer un message aux Palestiniens : à nos yeux, aux yeux d’Israël, rien de ce qui est sacré pour eux n’est sacré pour nous. Même le devoir antique d’honorer la dignité des défunts ne nous arrêtera pas – tant que ces défunts seront Palestiniens.
Cela revient à dire : observez et souvenez-vous.
Un Israël plus fort mais à quelle fin ?
L’Israël de 2022 est bien plus fort que l’Israël de 2001, naturellement par rapport aux Palestiniens. Israël est une puissance politique, militaire et économique, tandis que les Palestiniens sont pauvres et divisés et le soutien mondial en leur faveur s’est effondré.
Même les actions violentes des Palestiniens contre Israël ont énormément diminué. Lors de l’attentat terroriste du Dolphinarium de Tel Aviv le jour où Faisal al-Husseini a été enterré, plus de gens ont été tués que dans toutes les attaques terroristes de ces deux derniers mois.
Néanmoins, la conduite d’Israël lors du cortège funèbre exprime de la confusion et de l’insécurité, au point que même les drapeaux palestiniens qu’on voyait pointer des poches des participants du cortège ont été perçus comme une menace requérant une réaction.
Obsèques de Shireen Abu Akleh : des personnalités juives françaises condamnent la brutalité de la police israélienne
Au cours des vingt années qui ont suivi les funérailles de Husseini, Israël a totalement englouti les Palestiniens. Les colonies et avant-postes illégaux se sont étendus et multipliés et l’AP est passée d’instrument visant l’obtention d’un État indépendant à sous-traitant d’Israël en matière de sécurité.
En 2001, l’opinion publique israélienne était toujours consciente qu’il y avait une frontière entre eux et les Palestiniens, qui étaient de « l’autre côté ». Aujourd’hui, toute conscience de la ligne verte a quasiment disparu.
En 2001, il semblait logique que la conquête des villes palestiniennes, qu’Ariel Sharon a accomplie un an plus tard, mettrait un terme à la violence palestinienne ; il semblait logique que la situation sécuritaire se stabiliserait quand, quatre ans plus tard, Sharon aurait supervisé le retrait israélien de Gaza.
Aujourd’hui, les villes palestiniennes sont déjà sous occupation, personne n’a la moindre illusion quant au fait qu’une « grande campagne » à Jénine arrêtera le prochain loup solitaire palestinien, sans lien avec une quelconque organisation militaire, avant qu’il ne prenne une hache et n’assassine des civils à Elad ou ailleurs.
En outre, plus personne n’est assez naïf aujourd’hui pour croire qu’assassiner le leader du Hamas Yahya Sinwar améliorera la situation d’Israël de quelque manière que ce soit. Tout ce que peut faire un tel acte, c’est accomplir une vengeance, sans accomplir aucun autre but militaire ou politique.
Maintenir les Palestiniens dans les limbes
Israël n’a pas vraiment digéré le fait que les Palestiniens sont devenus un « problème interne », comme l’écrit Menachem Klein. D’un côté, la politique officielle du gouvernement dirigé par Naftali Bennett rejette toute négociation politique avec les Palestiniens, qu’importe ce qu’ils font. Benyamin Netanyahou disait « ils nous donnent quelque chose, ils n’obtiennent rien » mais Bennett rejette même cette formule.
De l’autre, il y a un consensus juif selon lequel conférer des droits de citoyenneté – ou même de séjour – aux Palestiniens, sous régime israélien, menacerait l’identité de l’État juif. Ce qu’Israël offre aux Palestiniens, c’est de rester dans les limbes, sans droits nationaux ou politiques.
Ces limbes renforcent en fait l’effacement de l’identité palestinienne – non seulement en tant que groupe, mais en tant qu’êtres humains ; cela exige l’effacement de leur humanité. Cela pourrait expliquer pourquoi le tabou sur l’atteinte à l’honneur des morts a été brisé lors du cortège funèbre d’Abu Akleh. Parce que, de la façon dont la police israélienne voit les choses, les Palestiniens sont moins que des humains et ne bénéficient pas des droits auxquels tout autre être humain a droit : un enterrement décent.
Le député Ahmad Tibi nous rappelle que le régime d’apartheid en Afrique du Sud avait envoyé la police retirer le drapeau de l’ANC du cercueil du jeune activiste assassiné Ashley Kriel en 1987, mais même alors, ils avaient laissé les porteurs de cercueil poursuivre leur chemin.
De la façon dont la police israélienne voit les choses, les Palestiniens sont moins que des humains et ne bénéficient pas des droits auxquels tout autre être humain a droit : un enterrement décent
Dans la tradition juive, lorsque quelqu’un déshonore le mort, il est puni même si le défunt a péché. « Même si un homme pèche, est condamné à mort par pendaison et pendu à un arbre – vous ne devez pas pendre son cadavre à l’arbre », mais plutôt l’enterrer (Deutéronome).
Les dieux grecs punissaient quiconque n’honorait pas les morts. Mais qu’elle que soit la récompense ou la punition, la conduite d’Israël dans l’affaire Shireen Abu Akleh montre une certaine faiblesse. Non pas qu’Israël ne soit pas fort – Israël est plus fort que jamais, comme on l’a noté précédemment – mais parce que cela indique que le pays est complètement à la dérive.
Israël n’a aucune idée de là où il veut amener le conflit avec les Palestiniens, que ce soit à long terme ou à court terme, et la seule chose qui lui reste, c’est exercer son pouvoir sans but défini. À Jénine ou à Jérusalem-Est.
Difficile de croire que quiconque au sein de la police israélienne de Jérusalem pense que si les Palestiniens des quartiers est de la ville ne brandissent pas des drapeaux palestiniens, cela signifie qu’ils renonceront à leur identité nationale et se résigneront à la domination d’Israël.
Même la « réussite » d’Israël lorsqu’il a fermé le consulat américain à Jérusalem-Est sans réouverture n’a pas rendu moins palestiniens les quartiers est de la ville. Mais Israël ne connaît tout simplement pas d’autres moyens de procéder que la violence et les tentatives pathétiques d’effacer l’identité palestinienne tout en présentant toutes les manifestations qui s’ensuivent comme du « terrorisme ».
Sept ans après que la police du régime d’apartheid en Afrique du Sud a enlevé le drapeau de l’ANC sur le cercueil de Kriel, Nelson Mandela a accédé à la présidence à Pretoria. Cela ne signifie pas que, dans sept ans, l’occupation israélienne cessera, mais cela nous rappelle qu’un excès de pouvoir ne garantit pas la victoire. Parfois, c’est même entièrement le contraire.
- Meron Rapoport, journaliste et écrivain israélien, a remporté le prix Naples de journalisme grâce à une enquête qu’il a réalisée sur le vol d’oliviers à leurs propriétaires palestiniens. Ancien directeur du service d’informations du journal Haaretz, il est aujourd’hui journaliste indépendant.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Meron Rapoport
Jeudi 19 mai 2022 - 13:48 |
Meron Rapoport is an Israeli journalist and writer, winner of the Napoli International Prize for Journalism for an inquiry about the stealing of olive trees from their Palestinian owners. He is ex-head of the News Department in Haaertz, and now an independent journalist
Désigné par le témoignages posthumes de ses supérieurs comme l’assassin présumé de Maurice Audin, l’ancien parachutiste Gérard Garcet, adjoint d’Aussaresses pendant la bataille d’Alger, se mure dans le silence.
Vannes (Morbihan), envoyée spéciale. «Je n’ai jamais éprouvé le besoin de soulager ma conscience », plastronnait Paul Aussaresses, en 2001, lors de son procès, en réponse à une question de Simone de Bollardière l’exhortant à avouer la vérité sur l’assassinat de Maurice Audin. Celui que ce général tortionnaire désigne, dans un témoignage posthume, comme l’assassin du jeune mathématicien communiste enlevé, torturé et assassiné par les parachutistes à Alger, en juin 1957, a fait sien ce serment du silence sur l’affaire Audin. Gérard Garcet a su se faire oublier, dès 1957. Jusqu’à ce qu’une journaliste du Nouvel Observateur, Nathalie Funès, exhume en 2012 son nom, trouvé dans un manuscrit du colonel Godard, conservé dans les archives de l’université de Stanford, en Californie. Cet officier de la 10e division parachutiste (10e DP), passé par l’OAS, mort en 1975, y désigne Garcet comme l’auteur de l’assassinat de Maurice Audin, ordonné par Massu et organisé par l’équipe que supervisait Aussaresses durant la bataille d’Alger.
Depuis, silence. Témoin clé de ce crime d’État, Gérard Garcet refuse de parler à qui que ce soit. À 88 ans,reclus dans son appartement de Vannes, la ville de garnison du 3e régiment d’infanterie de marine, il ne prend pas même la peine d’adresser un mot aux visiteurs venus frapper à sa porte triplement verrouillée. Ce silence est à la fois glaçant et sordide. Depuis 2012, plusieurs journalistes ont tenté, en vain, d’entrer en contact avec lui. Il vit cloîtré, replié sur lui-même, sans le moindre contact avec ses voisins. Après la guerre d’Algérie, ce militaire aurait été affecté en Martinique, puis au Sénégal, poursuite logique d’une longue carrière dans la coloniale. Il n’a que seize ans lorsqu’il s’engage dans la résistance, en rejoignant les maquis du Vercors. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il passe par Saint-Cyr, puis se porte volontaire pour intégrer le bataillon français de l’ONU en Corée, placé sous le commandement du général Ridgway. « Le profil des soldats français qui se sont portés volontaires pour partir en Corée était très marqué idéologiquement, dans le contexte de la guerre froide », remarque l’historien Alain Ruscio. En 1955, Crèvecœur, un documentaire de Jacques Dupont parrainé par le ministère de la Défense, retrace les combats livrés par ce bataillon. Avec, comme personnage central, un jeune officier nommé… Garcet. Le film, porté par la propagande militaire, fait alors l’objet d’une vigoureuse campagne de dénonciation de la part du PCF.
Après la Corée, c’est l’Algérie, où il se rend vite indispensable auprès du général Massu, dont il est l’aide de camp. Durant la bataille d’Alger, Massu se voit confier la totalité des pouvoirs de police dans la ville blanche. Objectif, démanteler l’organisation politico-administrative du FLN. Pour obtenir des « renseignements », la torture est érigée en institution. Lorsque Aussaresses prend Garcet comme adjoint, c’est ce dernier qui recrute les parachutistes chargés des « basses besognes » au sein d’un « bureau spécial », une structure parallèle, en fait un véritable escadron de la mort. C’est encore Garcet qui déniche, sur les hauteurs d’Alger, la villa des Tourelles, où les suspects soumis à la question sont livrés à l’arbitraire de ce commando de tueurs. Garcet est apprécié de ses pairs et de ses supérieurs, qui le décrivent comme un officier « intelligent » et sans états d’âme.
Cinquante-sept ans après l’assassinat de Maurice Audin, celui qui est désigné par ses supérieurs comme l’assassin du militant communiste se mure dans un silence de plomb. Il est pourtant le dernier à pouvoir lever le voile sur ce crime d’État. Son épouse, qui vit séparée de lui, répond sèchement au téléphone, se plaignant d’être « harcelée ». « Il ne répondra pas ! Pourquoi les journalistes cherchent-ils le diable en nous importunant pour une histoire vieille d’un demi-siècle ? Cet acharnement est insensé ! Garcet a vécu cette guerre dans sa chair et dans son esprit. Il a subi les ordres. Ils sont discutables ou non. Un officier n’agit pas seul. Il y a une hiérarchie, il y a des politiques », s’emporte-t-elle. En vertu des lois d’amnistie empêchant que soient jugés les crimes commis pendant la guerre d’Algérie, aucun tortionnaire ou assassin présumé ne peut être poursuivi en justice. D’un point de vue juridique, rien ne peut contraindre Gérard Garcet à dire ce qu’il sait de l’affaire Audin. Les archives du ministère de la Défense, que Josette Audin a pu consulter l’an dernier, ont été depuis longtemps « nettoyées ». Quant aux archives privées du général Aussaresses, elles ne sont pas versées, pour l’heure, à un fonds d’archives publiques.
Reste l’enjeu politique de la reconnaissance officielle de ce crime d’État. À l’origine d’une question d’actualité qui doit être posée aujourd’hui au gouvernement, le député (Front de gauche) François Asensi milite pour une telle reconnaissance et pour que soient « évaluées les responsabilités des dirigeants politiques de l’époque ». « C’est important pour la France, pour son peuple, insiste l’élu. On ne peut laisser encore dans l’ombre ces agissements intolérables qui ont jeté l’opprobre sur l’armée française. » En 2001, alors que ce passé algérien refaisait surface, Robert Badinter suggérait une voie pour sortir de l’amnésie. Celle d’une « commission vérité » composée de personnalités indépendantes, de magistrats et d’historiens, chargés « d’établir en toute clarté (…) la vérité sur les crimes commis par les forces de l’ordre pendant la guerre d’Algérie ». À défaut de justice, cela contribuerait peut-être à éclaircir des zones d’ombre mortifères.
La revue « Historia » vient de consacrer dans son numéro du mois de mars un dossier, riche et bien documenté, à la « Guerre d’Algérie, Le choc des mémoires. Les chiffres et le sondage « Harris interactive ».
La guerre d’Algérie par les chiffres
-L’Algérie en 1954. Un vaste pays de 2 380 000 km2 et de 10 millions d’habitants. Cette population était composée de 1 million d’Européens et de 9 millions de « Français de souche nord-africaine ».
Les pertes humaines
-Le gouvernement algérien avance le chiffre de 1,5 million de morts. Les estimations des historiens oscillent entre 300 000 à 500 000 morts. La France en a reconnu 300 000.
-Le nombre de victimes de la guerre civile ayant opposé le FLN et le MNA est estimé à 10 000 morts et 23 000 blessés, dont respectivement 4 300 et 9 000 en Métropole.
Concernant les victimes françaises, on dispose des chiffres suivants : 28 000 soldats tués, 65 000 blessés, plus 2 788 morts, 7 541 blessés et 875 disparus.
-2 millions d’Algériens regroupés dans 2 392 camps et des milliers, voire plusieurs dizaines de milliers de disparus.
Bilan de l’offensive du Constantinois, le 20 août 1955
-123 morts dont 71 Européens. La répression fera les jours suivants un carnage : au moins 7 500 Algériens sont tués.
La « bataille d’Alger »
-3 024 disparus, 751 attentats du FLN, 314 morts.
Bilan des attentats
-FLN (attentats individuels et collectifs) :
Les morts : 2 788 civils européens et 16 378 civils « musulmans ».
Les blessés européens : 7 541 civils européens et 13 610 civils « musulmans ».
OAS : 3 500 morts, 8 000 blessés (Français « européens » et « musulmans » confondus. Ces derniers représentent la majorité des victimes).
Bilan du massacre d’Oran, 5 juillet 1962
L’historien Jean-Jacques Jordi a établit le bilan suivant: 326 personnes tuées, 323 disparues.
Le massacre du 17 octobre 1961
Entre 100 et 200 morts.
Des centaines de blessés.
1 100 arrestations sur 25 000 manifestants
Des milliards dépensés
France : entre 27 et 57 milliards de francs, soit 20 % du budget de l’Etat en 1959.
Algérie : 22 milliards de francs dépensés, vers 1958.
Les Européens d’Algérie à la veille de l’Indépendance
120 000 Européens quittent l’Algérie en mai 1962, 355 000 en juin.
200 000 Européens restent en septembre 1962 et 150 000 au milieu de l’année 1963. Depuis, leur nombre n’a pas cessé de décroître.
Entre mars et juillet 1962, les historiens estiment le nombre d’exilés à 700 000.
Les réfractaires
11 000 insoumis.
400 objecteurs de consciences.
900 déserteurs.
Mobilisation militaire
1,2 million d’appelés du contingent.
200 000 rappelés.
263 000 soldats musulmans.
20 000 militaires de carrière.
58 000 harkis.
Entre 7 000 et 80 000 harkis seront victimes de massacres en 1962-1963, sur un total de 180 000 supplétifs et 330 000 Algériens pro-français.
Ce qui a attiré mon attention dans le sondage «Harris interactive»
-Mieux que leurs aînés en France comme en Algérie, les jeunes générations ont une bonne opinion les uns sur les autres : 67% des moins de 35 ans en France et 70 % des 18-24 en Algérie.
-39 % des Français croient en le bien fondé de la politique du gouvernement français visant à « apaiser les mémoires et à favoriser une réconciliation franco-algérienne », et 13 % estiment que le gouvernement tâche de faciliter le travail des historiens. Côté algérien, 24 % seulement sont de cet avis et la politique mémorielle française est perçue avec défiance. On la considère comme étant essentiellement motivée par des raisons politiques (47 %) et géopolitiques (14%).
-En France : 44 % pensent que la présence française en Algérie était une mauvaise chose pour la France et 42 % pensent qu’elle l’était aussi pour l’Algérie.
En Algérie : 96 % pensent que la présence française a été une mauvaise chose pour l’Algérie et 32 % pensent qu’elle l’était aussi pour la France.
-Du côté algérien, les crimes commis pendant la guerre sont considérés d’une manière très univoque : 96 % des Algériens estiment que ces crimes ont été commis par les forces françaises, et 89 % par des terroristes français. Le côté français à tendance à répartir de manière égale la responsabilité de ces crimes entre les forces françaises et algériennes ainsi que leurs combattants respectifs, avec une légère propension à accuser les Algériens, considérés comme des combattants (88 % – contre 85 % pour les combattants français) ou des terroristes (86 % – contre 75 % pour les terroristes français).
-Quant aux catégories de population qui ont le plus souffert durant la guerre d’Indépendance, les réponses sont très intéressantes. Côté algérien, seule les civils et les combattant ont souffert dans ce conflit (89 % et 61 %) ; côté français, les réponses sont plutôt axées sur la souffrance des pieds-noirs (40 %), des harkis (entre 39 et 51 %), des soldats français (21 %) et des Algériens de confession et/ou de culture juive(s) (14 %). Le côté algérien n’évoque presque pas les souffrances de ces derniers et celles des harkis (2 %).
Cette polarisation quant à la répartition des souffrances est très parlante. Elle nous renseigne sur l’ampleur du travail qui reste à faire en matière de transmission historique. Cela dénote la forte prééminence de la croyance historique sur la vérité historique.
-69 % des Français considèrent que l’indépendance de l’Algérie a été profitable pour tout le monde, Algériens et Français. 97 % des Algériens considèrent que l’indépendance de leur pays est une bonne chose.
-Les Algériens et les Français se rejoignent sur deux choses : l’encouragement et la facilitation du travail des historiens sur la colonisation et la guerre d’Algérie (respectivement 81 et 80 %) et la prise de conscience concernant la question de l’instrumentalisation de l’histoire de la colonisation par le gouvernement algérien (respectivement 45 et 37 %).
Pour ne pas conclure
L’histoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie continue d’être éclairée par de remarquables travaux sérieux et exigeants, menés par des historiens rigoureux et consciencieux dans l’exercice de leur métier. On ne peut que saluer leurs travaux, les lire et les comprendre, dans la mesure du possible de chacun d’entre nous, nous autres Algériens et Français.
Quant aux historiens algériens, les plus sérieux et consciencieux d’entre eux font de leur mieux pour éradiquer les mythes nationalistes et résistantialistes qui empêchent la discipline historique de prendre son envol en Algérie. Ils font face aux universitaires de pacotille qui ne cessent de « refaire le monde » et la guerre d’Algérie dans leurs colloques et résistent avec les moyens du bord à la précarité dans laquelle nage l’université algérienne depuis des années.
Une chose reste cependant à préciser : je reste dubitatif vis-à-vis du mantra de « l’apaisement et de la réconciliation des mémoires ». Je ne croie pas à cette flamme mémorielle qui ne veut pas s’éteindre. Le véritable « apaisement des mémoires » consiste à lever le voile sur les archives qui restent inaccessible aux chercheurs et révéler au grand jour, et sans aucune concession, ce qu’elles contiennent. Et quand je dis ouvrir les toutes les archives, cela vaut autant pour la France que pour l’Algérie. Et tous les historiens qui travaillent sur cette question, toutes nationalités confondues, doivent y avoir accès sur le même pied d’égalité.
Les Algériens et les Français partagent une histoire commune et ils doivent prendre garde contre le sentimentalisme exacerbé qui est l’oxygène – parfois toxique – de notre temps.
Ce qui est prioritaire pour les Algériens, urgent et vital, ne sont guère « les excuses » que la France serait censée « leur présenter ». La fameuse et fumeuse « repentance » avec laquelle on nous rebat les oreilles et les esprits est l’apanage de courants politiques qui partagent, sur certains plans, la même généalogie: les droites françaises et leurs sœurs jumelles algériennes. Elles excellent seulement dans l’art de la mastication effrénée des nourritures indigestes du passé c’est-à-dire de l’instrumentalisation de l’histoire coloniale et de la guerre d’Algérie qui a tourné, depuis des années, à la farce.
Avant de consacrer donc toute sa vie à l’attente des « excuses » ou de la « repentance » de la France, il est urgent et vital pour l’Algérie de bâtir un état démocratique, juste et égalitaire, susceptible de respecter les libertés fondamentales de chacun de ses citoyens (et non une « Algérie nouvelle » dont « l’esprit démocratique » consiste seulement dans la répression des journalistes et des militants politiques).
Il faut sortir du vis-à-vis toxique et stérile avec la France. Nous ne sommes pas le seul peuple au monde ayant subi la colonisation. Faisons plutôt le bilan, de nos errances, de nos échecs et de ce qu’on n’a pas fait depuis soixante ans.
La revue « Historia » vient de consacrer dans son numéro du mois de mars un dossier, riche et bien documenté, à la « Guerre d’Algérie, Le choc des mémoires. Les faits. Les acteurs. Les témoignages ».
Avec la sérieuse et exigeante collaboration de l’historien Tramor Quemeneur, auteur en 2015 de « La Guerre d’Algérie revisitée » (Karthala), les principaux points sensibles de cette guerre sont revisités : Maurice Vaïsse met le point sur « l’hypothèque saharienne » lors des accords d’Evian et la naissance du nouvel Etat algérien dans l’anarchie en juillet 1962 ; Tamor Quemeneur, dans des textes différents, remet sur la table le tabou des essais nucléaires au Sahara, l’exil des Européens d’Algérie et dresse un bilan humain et matériel de la guerre d’Algérie ; Fatima Besnaci Lancou revient sur « la double peine » des harkis et Dalila Kerchouche, évoquant le suicide de son frère, Mohamed, las de sa condition de « fils de harki » en France, reverse le stigmate de ce mot qu’elle écrit « avec honneur » ; Ahmed Henni fait le point sur le sort des terres, des commerces et du foncier laissés par les Européens d’Algérie à partir de juillet 1962 ; Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault reviennent sur la torture et les ratonnades durant la guerre ; Nedjib Sidi Moussa se consacre à la guerre civile ayant déchiré les rangs du FLN et du MNA et Ounassa Siari Tengour évoque ce quart d’ « Algériens parqués » dans 2 392 camps de regroupement.
Ce numéro spécial « Guerre d’Algérie » s’ouvre par un sondage inédit en France et en Algérie, réalisé par « harris interactive » en ligne, du 3 au 13 décembre 2021 en France et par téléphone du 1er au 17 décembre en Algérie. Les 2 003 personnes interrogées lors de ce sondage donnent à voir les avancées et les points de frictions en matière d’histoire commune entre les Français et les Algériens.
Aux origines du slogan « La valise ou le cercueil »
Selon Tramor Quemeneur, le slogan « La valise ou le cercueil » a commencé à se diffuser « juste après la Seconde Guerre mondiale ». Son apparition est déjà attestée en 1946, dans un tract nationaliste distribué à Constantine où il était bel et bien question de « la valise ou [du] cercueil » pour les Européens d’Algérie.
L’historienne Annie Rey-Goldzeiguer signale que le slogan se diffuse partout et s’étale sur les murs, de Biskra à Djidjelli. Dans la même année, l’écrivain Paul Reboux donne comme titre à son livre « Notre ( ?) Afrique du Nord. Maroc. Algérie. Tunisie. La valise… ou le cercueil ! » (Chabassol, 1946).
Ce fameux slogan ne fut pas seulement l’apanage des indépendantistes algériens. L’OAS va se l’approprier après le « putsch des généraux » en avril 1961. Avec ses activistes et ses militaires en rupture de ban, l’OAS va accentuer les tensions er les affrontements au sein du camp franco-français : « OAS veille », «OAS voit tout, entend tout», «La valise cercueil». Ce fut les slogans par lesquels guerroyait l’OAS.
Plusieurs Français libéraux, favorables aux négociations ou à l’indépendance de l’Algérie, seront tués.
2. Les essais nucléaires au Sahara ou « Le tabou de l’atome »
Entre les années 1960 et 1966, le Sahara algérien fut le théâtre de nombreux essais nucléaires français. Plus de soixante ans après le premier essai, cette question n’est toujours pas réglée. Un « tabou de l’atome », entre la France et l’Algérie, selon Tramor Quemeneur.
La région de Reggane, dans le Sahara algérien, est choisie en mai 1957 pour les tirs nucléaires. « Gerboise bleue », le premier tir, en plein air, est effectué le 13 février 1960. Ce tir est de deux à trois fois plus puissante que celle de Hiroshima. Le deuxième tir, «Gerboise blanche », plus faible que le premier, explose le 1er avril 1960. «Gerboise rouge» et « Gerboise verte », les deux derniers tirs en plein air, sont effectués les 27 décembre 1960 et 25 avril 1961.
Critiqués par des pays africains, les tirs sont envisagés par la France en mode souterrain. C’est à In Ecker qu’ils vont se poursuivre. « Agate », le premier tir, est effectué le 7 novembre 1961 ; « Béryl », le deuxième tir, en 1962. Un accident survient lors de ce deuxième essai souterrain : la montage se fend et laisse s’échapper un considérable nuage de poussières radioactives. 700 personnes présentes au moment des faits sont irradiées.
L’Algérie a autorisé le gouvernement français à poursuivre les expérimentations au Sahara jusqu’à l’année 1966. Le dernier tir souterrain, « Grenat », sera effectué le 16 février.
La question des déchets nucléaires, enfouis sous le sable ou laissés à l’air libre, demeure toujours non réglée. Les sites sont encore radioactifs. Une équipe franco-algérienne, précise Tramor Quemeneur, travaille depuis 2008 à la réhabilitation des anciens sites pollués et au suivi des effets des essais sur les populations locales.
Les préconisations du « rapport Stora » concernant cette question attendent leur concrétisation.
L’aventure des 128 fascicules d’ »Historia«
C’est une entreprise énorme, pharaonique. Une collaboration de 150 journalistes et de 150 photographes qui ont accouché de 3 700 pages de reportages, d’entretiens et de portraits ; d’un album de 500 pages. Ce travail de Titan fut initié par le journaliste Yves Courrière (1935-2012, lauréat du prix Albert-Londres) recevant une commande de la revue Historia ; cette commande consistait à réaliser, dix ans après les accords d’Evian, une série de 128 numéros consacrés à la guerre d’Algérie.
Avec une préface de l’écrivain Philippe Labro et le travail extrêmement rigoureux en matière de contextualisation historique de Tramor Quemeneur, les fascicules qui sont ces 128 numéros réalisés par Yves Courrière et ses collaborateurs refont aujourd’hui surface, sous la forme d’un ouvrage de référence de 500 pages, grâce à la belle aventure éditoriale menée par la revue « Historia » et les éditions du Cerf dont le directeur, Jean-François Colosimo, s’est montré très enthousiaste afin que ce projet puisse voir le jour.
Considéré par Benjamin Stora comme « une mine inépuisable de découvertes », «La guerre d’Algérie en direct – Les acteurs, les événements, les récits, les images » donne à voir et à lire l’Algérie entre 1954-1962 dans toutes ses facettes : celle de Camus, de Mouloud Feraoun, de Jacques Soustelle et de l’OAS.
Cette entreprise historienne très salutaire n’est pas une odyssée de l’espace mais une odyssée de la guerre dont les différents protagonistes (Européens d’Algérie, petits et grands colons, « Français musulmans », indépendantistes, harkis, généraux, appelés ou métropolitains) livrent leur part d’ombre et de soleil. Il reste aux héritiers de cette histoire de la lire et d’essayer de la comprendre, car elle recèle des leçons d’histoire qui aideront à cultiver le fruit de demain.
4. FLN vs MNA : le tabou du sang
Le massacre de Melouza-Beni Illemane a fait 301 victimes. Des adolescents et des hommes soupçonnés de sympathie avec le MNA ont trouvé la mort sous les agissements de plusieurs dizaines de maquisards de l’ALN-FLN. C’était pendant la nuit du 28 au 29 mai 1957. Ainsi est le bilan dressé par Nedjib Sidi Moussa dans sa contribution intitulée : « ALN, FLN, MNA : L’autre guerre civile ».
Nedjib Sidi Moussa analyse la violence qui a traversé le conflit ayant opposé les partisans du FLN à ceux du MNA. Chacun dans la quête de son hégémonie politique auprès de la population algérienne, et après la recherche d’un terrain d’entente entre les cadres respectifs de ces deux courants du nationalisme révolutionnaire algérien, « le FLN réussit à surclasser très rapidement le MNA ».
L’auteur de «La fabrique du musulman» a le mérite de ne pas passer sous silence la part sombre et autoritaire de la politique du FLN qui, dans le cadre de la chasse aux traîtres et aux « déviants » dans la région de la Soummam, a commis de nombreux massacres, comme celui de la « nuit rouge » (la nuit du 13 au 14 avril 1956) durant lequel tous « les habitants de la dechra Ifraten, qui compte alors de 490 à 1 200 âmes, sont égorgés par les hommes d’Ahmad Feddal dit Si H’mimi, un officier de l’Armée de libération nationale (ALN) placé sous l’autorité d’Amirouche Aït Hamouda».
5. Les camps de « pacification »
En 1961, selon Michel Cornaton, 2 350 000 personnes, soit le quart de la population algérienne, furent parquées dans 2 392 camps. Qualifié de « centre de regroupement » par un certain Maurice Papon, Ouanassa Slari Tengour rappelle qu’à l’intérieur de ces camps de « pacification», de la famine et de la tuberculose aussi, «les pires atteintes à la dignité ont été commises envers les femmes », les grandes oubliées de la guerre de Libération.
6. Le racisme ordinaire
Le samedi 29 décembre 1956 à Alger, c’est les obsèques d’Amédée Froger, maire pro-Algérie française de Boufarik. Il a trouvé la mort la veille, dans un attentat commandité par le FLN.
Avec leur présence massive, écrit Sylvie Thénault, les participants aux obsèques du maire de Boufarik ont voulu faire acte de «manifestation politique d’envergure », note le commissaire Gonzalez, responsable alors des Renseignements généraux à Alger.
Hostile aux responsables politiques, cette manifestation n’a pas tardé à afficher son caractère raciste : «Pour un Français, dix Arabes», scanda la foule ! Ce jour-là, note Sylvie Thénault, plusieurs voitures transportant des « musulmans » ou leur appartenant ont été reversées ou incendiées ; certains commerces et établissements, appartenant aussi à des « musulmans », furent dégradés. Bilan de la journée : six morts seulement recensés, tous tués par arme à feu et une cinquantaine de blessés. Selon Sylvie Thénault, un bilan infaillible de cette journée, dans l’état actuel de nos connaissances, reste impossible à établir.
Les ratonnades représentent un autre récit de la guerre opposant de manière très simplifiées le FLN à l’armée française. Les ratonnades sont une autre manière de faire la guerre, celle d’une société coloniale minoritaire voulant conserver sa suprématie, en faisant recours à la violence, sur une autre société, majoritaire et dominée, qui lutte pour sortir de la sujétion de la nuit coloniale qui durait depuis plus d’un siècle.
7. Electrifiez-les tous !
Dans l’édition du 13 janvier 1955 de «France Observateur », Claude Bourdet, grande figure de la résistance et de la gauche non communiste, publie son enquête sur « Les tortures en Algérie ». On peut notamment y lire : «Depuis le début de l’agitation fellagha en Algérie, la Gestapo algérienne s’est remise au travail avec ardeur ». C’est-à-dire le supplice de la baignoire, le gonflage à l’eau par l’anus, la « gégène » ou le courant électrique « sur les muqueuses, les aisselles ou la colonne vertébrale ». C’est les procédés préférés par l’armée française en raison du fait que « bien appliqués », explique Claude Bourdet, « ils ne laissent pas de trace visible ».
Durant la guerre d’Algérie, considère Raphaëlle Branche, la torture avait deux faces : son envers visait l’obtention d’une information d’un individu sous la douleur ; son endroit faisait rayonner l’odeur et la sensation de la terreur au sein de la population civile algérienne.
Raphaëlle Branche insiste dans son texte sur l’usage systématique de la génératrice électrique, la « gégène », qui, détournée de son usage premier, pouvait « infliger des douleurs graduées aux personnes arrêtés. Elle a d’ailleurs fini, continue-t-elle, par devenir un mot associé à la guerre dans l’imaginaire collectif français ».
La torture en Algérie fut une violence rationalisée et justifiée pour gagner la guerre. Elle n’était pas un dommage collatéral de cette dernière mais une violence centrale visant à maintenir l’ «Algérie française » et éteindre le feu de la guerre de Libération, mettre la population civile algérienne sous contrôle, la démunir physiquement et psychologiquement.(A suivre…)
Événement-phare de la saison touristique en Tunisie et symbole de sa réputation de terre de tolérance, le pèlerinage juif a pu reprendre cette année sur l’île de Djerba après deux ans d’interruption pour cause de covid, sous haute sécurité.
Un pèlerin juif lit la Torah dans la synagogue de la Ghriba, sur l’île tunisienne de Djerba, le 18 mai 2022 (AFP/Fethi Belaïd)
Cette année, après deux ans d’interruption en raison du covid-19, la synagogue de la Ghriba accueille à nouveau ses pèlerins. L’édition 2022 a lieu du 14 au 22 mai. Durant une semaine, des centaines de fidèles juifs affluent du monde entier sur l’île de Djerba, souvent en faisant escale à l’aéroport de Tunis. L’importance de l’événement est telle qu’un dispositif de sécurité renforcé a été mis en place, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’aérogare.
Arrivant en provenance de Rome, Haïm Attoum, 82 ans, dit avoir attendu ce voyage pendant trois ans, lui qui ne ratait quasiment aucune édition. « Malgré mon âge, c’est toujours un plaisir pour moi de revenir à Djerba. C’est à chaque fois un grand moment d’émotion », déclare-t-il à Middle East Eye.
Il est vrai que la fête de la Ghriba constitue un moment de recueillement et de ressourcement pour des milliers de juifs, pour la plupart originaires d’Afrique du Nord, qui y prennent part souvent en famille. Certaines éditions ont rassemblé jusqu’à 8 000 personnes dans cette synagogue, la plus ancienne d’Afrique, faisant de cette fête religieuse un événement-phare de la saison touristique en Tunisie.
Important dispositif sécuritaire
Dans les rues de Djerba, une forte présence policière est remarquée. Des barrages de contrôle sont mis en place aux principaux ronds-points, plus particulièrement sur le chemin menant à la synagogue de la Ghriba.
Amir, un chauffeur de taxi, est impressionné. « On a rarement vu circuler autant de véhicules des forces de sécurité sur l’île de Djerba. On dirait que c’est la visite d’un chef d’État », dit-il à MEE.
De nombreux bus transportant des touristes font des allers-retours entre les hôtels de l’île et la synagogue, escortés par les voitures de police. « On parle de plus de 5 000 touristes venus spécialement pour cette cérémonie. C’est vrai que ça encombre les routes, mais ça rapporte beaucoup pour l’économie locale », commente Amir.
En effet, une majorité d’hôtels affiche complet, à tel point que de nombreux visiteurs se rabattent sur les rares auberges de jeunesse qu’abrite l’île. « Les prix des hôtels sont revus à la hausse durant la période du pèlerinage de la Ghriba car la demande est très forte et les chambres sont souvent réservées à l’avance », confie un hôtelier.
« On parle de plus de 5 000 touristes venus spécialement pour cette cérémonie. C’est vrai que ça encombre les routes, mais ça rapporte beaucoup pour l’économie locale »
- Amir, chauffeur de taxi
Aux abords de la synagogue, à plus de 200 mètres de la porte d’entrée, un énorme barrage filtrant est érigé. Contrairement aux éditions des années précédentes, l’accès est très restreint. Une invitation officielle est exigée pour les visiteurs non juifs. « Ce sont les instructions ! », lance un officier de police visiblement tendu.
Le 11 avril 2002, le lieu de culte avait été la cible d’un attentat meurtrier, revendiqué par al-Qaïda, qui avait entraîné la mort de 21 personnes.
Partage et convivialité
De leur côté, les pèlerins juifs affluent parés de leurs habits de fête. Les chemises de soie et les colliers de perles sont souvent de mise. D’aucuns arrivent avec des sacs de nourriture, notamment des fruits, et des boissons à la main.
La fête de la Ghriba est aussi un moment de partage et de convivialité entre des fidèles venus du monde entier, d’autant plus que les retrouvailles se font cette année après deux ans de suspension due à la pandémie.
Le pèlerinage consiste aussi à suivre en procession une grande menorah, le chandelier (ou candélabre) juif, montée sur trois roues et décorée de tissus colorés.
Cette année, pour des raisons de sécurité, la procession a été limitée à un périmètre réduit à l’intérieur de la synagogue, alors qu’elle n’hésitait pas, dans le passé, à sillonner certaines autres parties du Hara Sghira (le « petit quartier », où les juifs ne sont pas majoritaires, contrairement au « grand quartier », le « Hara Kbira ») .
Beaucoup de pèlerins se contentent ainsi de se recueillir et de prier à l’intérieur de la synagogue. Des prières rythmées par des chants mystiques séfarades, souvent interprétés par des personnes âgées.
Djerba, terre de tolérance
Avant son indépendance en 1956, la Tunisie comptait pas moins de 100 000 juifs. Aujourd’hui, ils sont environ un millier, installés essentiellement sur l’île de Djerba.
Bien que leur nombre soit en net déclin, la présence juive sur l’île de Djerba demeure un témoin de la tolérance dont jouissent les membres de cette communauté sur cette île qui constitue un dernier îlot de coexistence confessionnelle en Afrique du Nord.
Conscients de la fragilité de cet équilibre, les autorités de l’île multiplient les initiatives pour le protéger. La dernière en date est le dépôt du dossier d’inscription de l’île de Djerba au patrimoine mondial auprès de l’UNESCO. Un dossier qui a été accepté en janvier 2022 après plusieurs tentatives infructueuses.
Une liste de 24 monuments implantés partout sur l’île, dont la synagogue de la Ghriba, sont ainsi proposés à l’inscription. L’objectif de cette démarche est la consécration de ces monuments en tant que patrimoine de l’humanité, qu’il importe de protéger et de transmettre aux générations futures.
Depuis le début des négociations, l’Algérie est devenue une sorte de chaudière soumise à une forte tension. Le cessez-le-feu, l’exécutif algérien et l’approche du scrutin d’autodétermination ont également aggravé cette situation. Les Européens qui quittent l’Algérie craignant la gravité des événements, la terreur et la mort. Il y a aussi les fausses nouvelles et l’intoxication qui viennent augmenter le désarroi au sein de la minorité européenne. Depuis quelques temps la presse, française et étrangère, se préoccupe de ce problème et en donne une description douloureuse et affligeante.
Dans le port d’Alger comme à l’Aérogare de Maison Blanche, les Européens en partance pour la France s’entassent les uns sur les autres, avec leurs enfants ; ils vivent là en attendant un bateau ou un avion dans des conditions difficiles. Ces derniers en arrivant en France sont interrogés par la presse et les reporters sur les raisons de leur exode. Certains observent le silence en laissant entendre quelques mots de colère, les autres ne cachent pas leur déception et leur rancœur. D’autres cependant manifestent leur désir de retourner en Algérie après la tempête.
Parmi les partants, il y a des fonctionnaires et des enseignants. Ces derniers compromettent le bon fonctionnement de l’enseignement en Algérie. Il en est de même pour les ingénieurs et les techniciens qui sont indispensables à la mise en valeur de notre pays. Leur départ gênera considérablement la mise en valeur du pays et la future coopération. Aussi, les nationalistes multiplient appels sur appels pour demander aux européens de ne pas quitter l’Algérie en leur promettant le travail, la sécurité, la liberté et le respect de leur bien. Pour les persuader, on cite les accords d’Evian et toutes les garanties les concernant dans tous les domaines de leur existence. Disons tout de suite que la responsabilité de cet exode n’incombe pas au peuple Algérien. En effet, les raisons viennent directement de l’O.A.S., de sa dictature et de sa politique de la terre brûlée.
Le M.N.A. qui, dès 1936, s’est préoccupé de l’avenir de la minorité européenne, avait prévu que cela pourrait se produire, ai l’on ne tenait pas compte du respect mutuel des deux communautés.
Le M.N.A. continus à croire que la minorité européenne doit trouver toute sa place dans l’Algérie de demain. Dans la mesure de ses possibilités, il continuera à œuvrer pour que celle-ci trouve sa place, sa dignité et le respect de ses droits.
Outre l’exode des européens. Il y a aussi un certain nombre de musulmans qui, d’après les statistiques des services de rapatriement, dépassent les six mille, ont également quitté l’Algérie. Par ailleurs, des groupements de harkis ont été acheminés vers des régions de France par l’année elle-même. Cet exode entraîne donc à la fois européens et musulmans. D’après les observateurs politiques, qui touchent de près les milieux gouvernementaux, on craint que les européens et les harkis ne forment une sorte de 5ème colonne en France et que demain elle participe à la prise du pouvoir par l’O.A.S. Cela évidemment inquiète le Gouvernement et le peuple Français. Tout ceci se passe tandis qu’a Rocher Noir on se préoccupe activement de la préparation du scrutin d’autodétermination. Ces constatations sont plus qu’inquiétantes parce qu’elles menacent la fais l’avenir algérien et la démocratie en France. C’est dire qu’il faut prendre au sérieux la gravité de cette situation et faire toute une politique susceptible d’apaiser les européens d’Algérie et les musulmans.
Pour mettre fin à ce danger qui menace l’Algérie, alors que celle-ci n’a pas édifié son Etat, il faut instaurer une véritable démocratie, une politique de tolérance et de respect. C’est pourquoi le M.N.A. n’a pas cessé de demander le rétablissement des libertés démocratiques et prêcher l’union et la réconciliation de tous les Algériens.
C’est pourquoi également MESSALI HADJ a demandé, dans sa dernière conférence de presse, une rencontre au sommet entre le F.L.N. et le M.N.A. en vue de mettre fin aux luttes fratricides et d’examiner ensemble tous les moyens pour éviter à notre pays l’anarchie, le chaos et l’intervention étrangère.
Après 132 ans de colonisation, sept ans de guerre et des milliers de victimes, notre peuple a besoin de la paix, de la tranquillité, du travail et de la démocratie. Aussi devons-nous donner aux européens de chez nous, au peuple Français et au monde international la preuve de nos capacités politiques et de notre volonté de gouverner notre pays dans la paix et la liberté. On ne peut rester chez nous, venir en touristes dans le pays, faire foi à notre parole et investir des capitaux que dans la mesure où règnent dans notre pays la paix et la sécurité.
Article paru dans La Voix du peuple, mai 1962, p. 3
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