HENRI MAILLOT, LE CHAHID OUBLIÉ
Communiqué de la famille du chahid
Nous, membres de la famille du chahid Henri Maillot, mort au champ d’honneur les armes à la main le 5 juin 1956, osons briser le silence que nous nous sommes imposés pendant 55 ans.
Et pour cause, notre frère et oncle est victime d’un ostracisme et d’un déni de reconnaissance énigmatique que d’aucuns n’arrivent à expliquer. Il demeure banni du panthéon réservé aux martyrs au même titre que son ami et voisin de quartier, le chahid Fernand Iveton, guillotiné à Serkadji le 11 février 1957. C’est pour cette raison que des centaines de citoyens se font un devoir de venir se recueillir sur leurs tombes chaque année les jours anniversaire de leur «mort».
Au mois de juin 2015, l’APS a publié une dépêche dans laquelle le chahid Henri Maillot était qualifié «d’ami de la Révolution algérienne». Un impair lourd de sens et qui illustre on ne peut mieux le sort réservé aux chouhada et moudjahidine d’origine européenne.
Il est regrettable de rappeler certains faits historiques et d’actualité pour prouver notre appartenance et notre attachement à notre patrie l’Algérie.
– La famille Maillot est installée en Algérie depuis six générations et ne l’a jamais quittée en dépit de tous les drames qui ont secoué notre pays.
– Le chahid Henri Maillot a offert ce qu’il avait de plus précieux pour défendre sa patrie : sa vie.
– Le père du chahid Henri Maillot était secrétaire du syndicat des travailleurs de la ville d’Alger (mairie d’Alger). Il a été licencié pour avoir déclenché une grève pour réclamer les droits et plus de dignité pour les éboueurs musulmans.
– A l’indépendance tous les membres de la famille Maillot ont opté pour la nationalité algérienne au détriment de la nationalité française.
Pour s’en convaincre davantage, il suffit de lire la lettre que le chahid Henri Maillot a envoyée à la presse parisienne pour justifier sa désertion avec un camion rempli d’armes et de munitions.
Dans cette lettre, il disait : «Il y a quelques mois de cela, Jules Roy, écrivain et colonel de l’armée française», disait : « Si j’étais musulman je serais du côté des fellagas. Moi je ne suis pas musulman mais je considère l’Algérie comme ma patrie et je dois avoir à son égard les mêmes devoirs que tous ses fils. Et ma place est au côté de ceux qui ont engagé le combat libérateur… Ce n’est pas une lutte de religion ni de race, comme voudraient le faire croire certains possédants de ce pays, mais une lutte d’opprimés contre leurs oppresseurs sans distinction de races ni d’origines… Notre victoire est certaine… En désertant avec un camion rempli d’armes, j’ai conscience d’avoir servi les intérêts de mon peuple et de ma patrie…»
Afin de préserver la mémoire de Henri et les idéaux pour lesquels il s’est sacrifié, nous n’avons jamais rien demandé d’autre qu’une reconnaissance. Nous aimerions voir son nom gravé sur le fronton d’un lycée, d’une université, d’une cité ou bien lui dédier un lieu de mémoire pour que son sacrifice pour une Algérie libre, indépendante, fraternelle, tolérante et juste ne soit pas vain. Car la grandeur et la noblesse de notre révolution est d’avoir été portée et défendue par des femmes et des hommes de différentes origines raciales, religieuses et culturelles.
C’est cela que nous devons inculquer aux jeunes générations algériennes. Ce sera une juste reconnaissance qui le sortira de la nuit de l’oubli où il a été longtemps confiné, à l’instar d’autres martyrs algériens d’origine étrangère. Quant aux moudjahidate et moudjahidine d’origine étrangère vivant en Algérie, ils sont en train de nous quitter l’un après l’autre dans l’anonymat le plus complet. Il est grand temps de leur rendre un vibrant hommage et recueillir leurs témoignages.
Gloire à tous nos martyrs
La famille MAILLOT
Pour information, l’hôpital Mohamed Lamine Debaghine ex Maillot à Bab El Oued n’a pas porté le nom d’Henri Maillot mais celui de François Clément Maillot, le médecin qui codifia l’usage de la quinine contre le paludisme en 1834.
En soutien à la famille Maillot, le Collectif novembre accompagne l’appel de sa famille en vous invitant lire l’hommage que lui rendu Mohamed Bouhamidi en 2015.
En 2015 pour la publication d’un beau livre qui regroupait certaines de ses créations de résistance, Mustapha Boutadjine me demandait un texte sur Henri Maillot et un autre sur les années de terrorisme. J’ai écrit les deux textes en illustration de ses magnifiques illustrations. Je découvre des années après la traduction, en 2017, par Ali Ibrahim des « Années de plomb ». J’ai publié cette traduction et republie le texte en français des « Années de plomb » et de celui de Maillot. Mes plus vifs remerciements vont à Ali Ibrahim pour sa traduction et pour l’occasion qu’il m’offre de re-proposer leur lecture.
Henri Maillot Un chemin d’exception. Texte de Mohamed Bouhamidi sur Henri Maillot pour le thème «Insurgés» extrait du livre de Mustapha Boutadjine «Collage Résistant(s)», édité par Helvétius. Paris septembre 2015
I N S U R G É S.
Les morts d’août 1955 n’ont pas vu ton regard.*
Ils l’ont habité.
Je les entends derrière ta photo.
On me demande de parler de toi. Je préfère que cela soit en ce soixantième anniversaire de râles qui t’ont révélé à l’indigène que t’habitais déjà. Le soixantième de ta renaissance à la fratrie indigène dans les yeux des paysans du Dahra et des frères heureux des armes que tu avais délibéré de voler le jour de ces massacres.
Ta mort je ne saurais en parler. Je peux résumer ta vie.
Né à Alger en 1928 dans une famille pied-noir-stop-Ami de Fernand Iveton, l’autre Arabe de Salembier et son voisin-stop-Militant du Parti communiste algérien (PCA)-stop-Secrétaire général de l’Union de la jeunesse démocratique algérienne ce qui n’est pas rien-stop-Représente l’Algérie dans des congrès de la jeunesse à Prague et à Varsovie-stop-Employé par Alger Républicain-stop-Déserte et détourne un camion d’armes et de munitions le 4 avril 1956 : 132 mitraillettes,140 revolvers, 57 fusils, un lot de grenades-stop-Remet les armes à l’ALN-stop-Rejoint le groupe de combattants communistes, de ce même Dahra-stop- Condamné à mort le 22 mai par le tribunal militaire d’Alger-stop-Meurt le mardi 5 juin 1956 au djebel Deragua tué par la harka du bachagha Boualem et des soldats français-stop-A crié « Vive l’Algérie » face à ses bourreaux-stop…
Tu n’es dans les histoires officielles ou savantes que sur des marges. Impossible d’oublier ton acte et impossible de parler pleinement de toi. Trop de charge dans ton engagement. Trop de sens pour être dans une case de manuel. Tu es dans la métahistoire, camarade, pas dans l’anecdote.
Soixante ans après je lis sur des sites pieds-noirs « Henri Maillot, officier félon ». Officier passé à l’ennemi. L’ennemi c’était nous la multitude de ce pays. Interdit pour toi d’être notre frère sous peine de félonie. La fraternité avait ce seul chemin, que tu as montré, de passer vers notre rive. Chemin d’exception que j’essaye de regarder les yeux fermés à t’imaginer…
Mohamed Bouhamidi
L’aspirant Henri Maillot, né en Algérie (Alger) le 11 janvier 1928 anticolonialiste et militant du Parti Communiste Algérien, détourne un camion d’armes en 1956, remis aux aux maquis de l’ALN après accord entre responsables du FLN et du PCA. Fait prisonnier au cours d’un accrochage dans lequel meurent, le 2 juin 1956, trois de ses compagnons, il est fait prisonnier, torturé puis assassiné d’une rafale de mitraillette.
* Henri Maillot a assisté aux massacres des paysans de la région de Skikda perpétrés par l’armée française et les colons en août 1955 en représailles d’une offensive de l’ALN dans la même région de Skikda.
De Mohamed Rebah : Auteur de «Des Chemins et des Hommes»
Au fronton de l’histoire : Le camion d’armes d’Henri Maillot
Par Nour, Overblog, 3 juin 2013.
Le 5 avril 1956, La Dépêche Quotidienne, organe de la grosse colonisation, criant à la trahison, ouvre sa «Une» sur une information sensationnelle : «Dans l’après-midi d’hier, mystérieuse disparition d’un important chargement d’armes dans la forêt de Baïnem».
Le camion détourné contenait 123 mitraillettes, 140 revolvers, 57 fusils, un lot de grenades et divers uniformes. De quoi armer plusieurs commandos. On apprend que l’homme qui a mené l’opération est l’aspirant Henri Maillot, réserviste de la classe 28, rappelé au 57e bataillon des Tirailleurs algériens. Militant du Parti communiste algérien (PCA) clandestin, Henri Maillot pensa à subtiliser des armes à l’armée d’occupation au profit de l’Armée de Libération nationale dès son affectation au mois d’octobre 1955 à la caserne de Miliana, à l’ouest d’Alger, où étaient installés de nombreux réservistes fraîchement débarqués de France. Il se confia à son camarade de parti, William Sportisse, qu’il rencontra lors d’une permission, à la fin décembre, à Alger. La direction du PCA clandestin, informée, transmit son accord sans tarder.
L’opération militaire, supervisée par Bachir Hadj Ali, secrétaire du parti et coordonnateur des Combattants de la libération (branche militaire du PCA, créée au mois de juin 1955), connut son épilogue le mercredi 4 avril 1956 vers midi. Le camion Ford, sorti de la caserne de Miliana à 7h du matin, avait pris la route d’Alger avec à son bord Henri Maillot, chef du convoi. Après un arrêt de deux heures à l’Arsenal (ERM) de Belcourt où fut déchargée une partie des armes, le camion a été détourné vers la forêt de Baïnem, à l’ouest d’Alger, où, embusqué dans les broussailles, un commando des Combattants de la libération (Jean Farrugia, Joseph Grau et Clément Oculi) attendait.
Pour des raisons de sécurité, la remise des armes à l’ALN se déroula en plusieurs étapes. L’acheminement des armes vers les maquis fut assuré par les Combattants de la libération des zones d’Alger et de Blida. La réception d’un premier lot par la direction d’Alger du FLN intervint quelques jours après le détournement du camion, selon le témoignage de Mokhtar Bouchafa, adjoint du commandant de l’ALN de la région d’Alger, Amar Ouamrane, futur colonel de la Wilaya IV. Une partie des armes de guerre transportées à Blida par Jean Farrugia dans le camion de Belkacem Bouguerra fut remise au groupe Guerrab-Saâdoun-Maillot, en route vers le maquis de l’Ouarsenis.
La fourniture d’armes de guerre à l’ALN fut comme une réponse au souci exprimé par Abane Ramdane dans son courrier, envoyé le 15 mars 1956, à la délégation extérieure du FLN installée au Caire. «… Si les communistes veulent nous fournir des armes, souligne-t-il dans sa missive, il est dans nos intentions d’accepter le Parti communiste algérien en tant que parti au sein du FLN, si les communistes sont en mesure de nous armer…» C’est dans ce contexte que la première rencontre eut lieu les premiers jours de mai 1956, par un après-midi printanier, dans le cabinet dentaire de Mokrane Bouchouchi, place Bugeaud (Place Emir Abdelkader), face au siège du 19e Corps d’armée, au cœur d’Alger, entre Abane Ramdane et Bachir Hadj Ali, assistés respectivement de Benyoucef Benkhedda et de Sadek Hadjerès. Cette rencontre au sommet avait été arrangée par l’homme de confiance de Abane, Lakhdar Rebah, dit El Ghazal (quelques jours avant son arrestation à Kouba par les parachutistes de Massu).
Évoquant cette rencontre, l’officier de l’ALN devenu historien, Mohamed Téguia, écrit dans son livre témoignage L’Algérie en guerre : «Elle fut l’objet de félicitationss de Abane qui rendit hommage aux communistes… (Il) fit connaître son projet de promouvoir l’aspirant Maillot comme lieutenant, en l’affectant en Kabylie.» Les discussions aboutirent au mois de juin 1956 à la signature des accords FLN-PCA. Maintenant, «il n’existe qu’une seule armée contrôlée par le FLN», déclare le PCA clandestin. L’intégration «en bloc» des Combattants de la libération dans les maquis de la Wilaya IV (l’Arbaâ, Palestro (Lakhdaria), Ténès, Cherchell, Zaccar, Chlef et autres lieux de combat) fut supervisée par Amar Ouamrane.
Dans un communiqué signé de lui et adressé aux agences et organes de presse, Henri Maillot donna la signification de son geste : «L’écrivain français Jules Roy, colonel d’aviation, écrivait il y a quelques mois : si j’étais musulman, je serais du côté des ‘‘fellagas’’.
Je ne suis pas musulman, mais je suis Algérien, d’origine européenne. Je considère l’Algérie comme ma patrie. Je considère que je dois avoir à son égard les mêmes devoirs que tous ses fils. Le peuple algérien, longtemps bafoué, humilié, a pris résolument sa place dans le grand mouvement historique de libération des peuples… Il ne s’agit pas d’un combat racial, mais d’une lutte d’opprimés sans distinction d’origine contre leurs oppresseurs et leurs valets sans distinction de race… En livrant aux combattants algériens des armes dont ils ont besoin pour le combat libérateur, j’ai conscience d’avoir servi les intérêts de mon pays et de mon peuple, y compris ceux des travailleurs européens momentanément trompés.»
Henri Maillot tombe au champ d’honneur à l’âge de 28 ans, dans la matinée du 5 juin 1956, dans le djebel Derraga (rive gauche du Chéliff), mitraillé par les soldats français. Maurice Laban, Belkacem Hannoun et Djillali Moussaoui sont morts à ses côtés, les armes à la main. Abdelkader Zelkaoui, capturé la veille, avait été froidement assassiné. La guerre pour l’indépendance est à son vingtième mois. «Le camion d’armes d’Henri Maillot» entre dans la légende. La date du 4 avril 1956 s’inscrit au fronton de l’histoire.
Nous, membres de la famille du chahid Henri Maillot, mort au champ d’honneur les armes à la main le 5 juin 1956, osons briser le silence que nous nous sommes imposés pendant 55 ans.
Et pour cause, notre frère et oncle est victime d’un ostracisme et d’un déni de reconnaissance énigmatique que d’aucuns n’arrivent à expliquer. Il demeure banni du panthéon réservé aux martyrs au même titre que son ami et voisin de quartier, le chahid Fernand Iveton, guillotiné à Serkadji le 11 février 1957. C’est pour cette raison que des centaines de citoyens se font un devoir de venir se recueillir sur leurs tombes chaque année les jours anniversaire de leur «mort».
Au mois de juin 2015, l’APS a publié une dépêche dans laquelle le chahid Henri Maillot était qualifié «d’ami de la Révolution algérienne». Un impair lourd de sens et qui illustre on ne peut mieux le sort réservé aux chouhada et moudjahidine d’origine européenne.
Il est regrettable de rappeler certains faits historiques et d’actualité pour prouver notre appartenance et notre attachement à notre patrie l’Algérie.
– La famille Maillot est installée en Algérie depuis six générations et ne l’a jamais quittée en dépit de tous les drames qui ont secoué notre pays.
– Le chahid Henri Maillot a offert ce qu’il avait de plus précieux pour défendre sa patrie : sa vie.
– Le père du chahid Henri Maillot était secrétaire du syndicat des travailleurs de la ville d’Alger (mairie d’Alger). Il a été licencié pour avoir déclenché une grève pour réclamer les droits et plus de dignité pour les éboueurs musulmans.
– A l’indépendance tous les membres de la famille Maillot ont opté pour la nationalité algérienne au détriment de la nationalité française.
Pour s’en convaincre davantage, il suffit de lire la lettre que le chahid Henri Maillot a envoyée à la presse parisienne pour justifier sa désertion avec un camion rempli d’armes et de munitions.
Dans cette lettre, il disait : «Il y a quelques mois de cela, Jules Roy, écrivain et colonel de l’armée française», disait : « Si j’étais musulman je serais du côté des fellagas. Moi je ne suis pas musulman mais je considère l’Algérie comme ma patrie et je dois avoir à son égard les mêmes devoirs que tous ses fils. Et ma place est au côté de ceux qui ont engagé le combat libérateur… Ce n’est pas une lutte de religion ni de race, comme voudraient le faire croire certains possédants de ce pays, mais une lutte d’opprimés contre leurs oppresseurs sans distinction de races ni d’origines… Notre victoire est certaine… En désertant avec un camion rempli d’armes, j’ai conscience d’avoir servi les intérêts de mon peuple et de ma patrie…»
Afin de préserver la mémoire de Henri et les idéaux pour lesquels il s’est sacrifié, nous n’avons jamais rien demandé d’autre qu’une reconnaissance. Nous aimerions voir son nom gravé sur le fronton d’un lycée, d’une université, d’une cité ou bien lui dédier un lieu de mémoire pour que son sacrifice pour une Algérie libre, indépendante, fraternelle, tolérante et juste ne soit pas vain. Car la grandeur et la noblesse de notre révolution est d’avoir été portée et défendue par des femmes et des hommes de différentes origines raciales, religieuses et culturelles.
C’est cela que nous devons inculquer aux jeunes générations algériennes. Ce sera une juste reconnaissance qui le sortira de la nuit de l’oubli où il a été longtemps confiné, à l’instar d’autres martyrs algériens d’origine étrangère. Quant aux moudjahidate et moudjahidine d’origine étrangère vivant en Algérie, ils sont en train de nous quitter l’un après l’autre dans l’anonymat le plus complet. Il est grand temps de leur rendre un vibrant hommage et recueillir leurs témoignages.
Gloire à tous nos martyrs
La famille MAILLOT
Pour information, l’hôpital Mohamed Lamine Debaghine ex Maillot à Bab El Oued n’a pas porté le nom d’Henri Maillot mais celui de François Clément Maillot, le médecin qui codifia l’usage de la quinine contre le paludisme en 1834.
En soutien à la famille Maillot, le Collectif novembre accompagne l’appel de sa famille en vous invitant lire l’hommage que lui rendu Mohamed Bouhamidi en 2015.
En 2015 pour la publication d’un beau livre qui regroupait certaines de ses créations de résistance, Mustapha Boutadjine me demandait un texte sur Henri Maillot et un autre sur les années de terrorisme. J’ai écrit les deux textes en illustration de ses magnifiques illustrations. Je découvre des années après la traduction, en 2017, par Ali Ibrahim des « Années de plomb ». J’ai publié cette traduction et republie le texte en français des « Années de plomb » et de celui de Maillot. Mes plus vifs remerciements vont à Ali Ibrahim pour sa traduction et pour l’occasion qu’il m’offre de re-proposer leur lecture.
Henri Maillot Un chemin d’exception. Texte de Mohamed Bouhamidi sur Henri Maillot pour le thème «Insurgés» extrait du livre de Mustapha Boutadjine «Collage Résistant(s)», édité par Helvétius. Paris septembre 2015
I N S U R G É S.
Les morts d’août 1955 n’ont pas vu ton regard.*
Ils l’ont habité.
Je les entends derrière ta photo.
On me demande de parler de toi. Je préfère que cela soit en ce soixantième anniversaire de râles qui t’ont révélé à l’indigène que t’habitais déjà. Le soixantième de ta renaissance à la fratrie indigène dans les yeux des paysans du Dahra et des frères heureux des armes que tu avais délibéré de voler le jour de ces massacres.
Ta mort je ne saurais en parler. Je peux résumer ta vie.
Né à Alger en 1928 dans une famille pied-noir-stop-Ami de Fernand Iveton, l’autre Arabe de Salembier et son voisin-stop-Militant du Parti communiste algérien (PCA)-stop-Secrétaire général de l’Union de la jeunesse démocratique algérienne ce qui n’est pas rien-stop-Représente l’Algérie dans des congrès de la jeunesse à Prague et à Varsovie-stop-Employé par Alger Républicain-stop-Déserte et détourne un camion d’armes et de munitions le 4 avril 1956 : 132 mitraillettes,140 revolvers, 57 fusils, un lot de grenades-stop-Remet les armes à l’ALN-stop-Rejoint le groupe de combattants communistes, de ce même Dahra-stop- Condamné à mort le 22 mai par le tribunal militaire d’Alger-stop-Meurt le mardi 5 juin 1956 au djebel Deragua tué par la harka du bachagha Boualem et des soldats français-stop-A crié « Vive l’Algérie » face à ses bourreaux-stop…
Tu n’es dans les histoires officielles ou savantes que sur des marges. Impossible d’oublier ton acte et impossible de parler pleinement de toi. Trop de charge dans ton engagement. Trop de sens pour être dans une case de manuel. Tu es dans la métahistoire, camarade, pas dans l’anecdote.
Soixante ans après je lis sur des sites pieds-noirs « Henri Maillot, officier félon ». Officier passé à l’ennemi. L’ennemi c’était nous la multitude de ce pays. Interdit pour toi d’être notre frère sous peine de félonie. La fraternité avait ce seul chemin, que tu as montré, de passer vers notre rive. Chemin d’exception que j’essaye de regarder les yeux fermés à t’imaginer…
Mohamed Bouhamidi
L’aspirant Henri Maillot, né en Algérie (Alger) le 11 janvier 1928 anticolonialiste et militant du Parti Communiste Algérien, détourne un camion d’armes en 1956, remis aux aux maquis de l’ALN après accord entre responsables du FLN et du PCA. Fait prisonnier au cours d’un accrochage dans lequel meurent, le 2 juin 1956, trois de ses compagnons, il est fait prisonnier, torturé puis assassiné d’une rafale de mitraillette.
* Henri Maillot a assisté aux massacres des paysans de la région de Skikda perpétrés par l’armée française et les colons en août 1955 en représailles d’une offensive de l’ALN dans la même région de Skikda.
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De Mohamed Rebah : Auteur de «Des Chemins et des Hommes»
Au fronton de l’histoire : Le camion d’armes d’Henri Maillot
Par Nour, Overblog, 3 juin 2013.
Le 5 avril 1956, La Dépêche Quotidienne, organe de la grosse colonisation, criant à la trahison, ouvre sa «Une» sur une information sensationnelle : «Dans l’après-midi d’hier, mystérieuse disparition d’un important chargement d’armes dans la forêt de Baïnem».
Le camion détourné contenait 123 mitraillettes, 140 revolvers, 57 fusils, un lot de grenades et divers uniformes. De quoi armer plusieurs commandos. On apprend que l’homme qui a mené l’opération est l’aspirant Henri Maillot, réserviste de la classe 28, rappelé au 57e bataillon des Tirailleurs algériens. Militant du Parti communiste algérien (PCA) clandestin, Henri Maillot pensa à subtiliser des armes à l’armée d’occupation au profit de l’Armée de Libération nationale dès son affectation au mois d’octobre 1955 à la caserne de Miliana, à l’ouest d’Alger, où étaient installés de nombreux réservistes fraîchement débarqués de France. Il se confia à son camarade de parti, William Sportisse, qu’il rencontra lors d’une permission, à la fin décembre, à Alger. La direction du PCA clandestin, informée, transmit son accord sans tarder.
L’opération militaire, supervisée par Bachir Hadj Ali, secrétaire du parti et coordonnateur des Combattants de la libération (branche militaire du PCA, créée au mois de juin 1955), connut son épilogue le mercredi 4 avril 1956 vers midi. Le camion Ford, sorti de la caserne de Miliana à 7h du matin, avait pris la route d’Alger avec à son bord Henri Maillot, chef du convoi. Après un arrêt de deux heures à l’Arsenal (ERM) de Belcourt où fut déchargée une partie des armes, le camion a été détourné vers la forêt de Baïnem, à l’ouest d’Alger, où, embusqué dans les broussailles, un commando des Combattants de la libération (Jean Farrugia, Joseph Grau et Clément Oculi) attendait.
Pour des raisons de sécurité, la remise des armes à l’ALN se déroula en plusieurs étapes. L’acheminement des armes vers les maquis fut assuré par les Combattants de la libération des zones d’Alger et de Blida. La réception d’un premier lot par la direction d’Alger du FLN intervint quelques jours après le détournement du camion, selon le témoignage de Mokhtar Bouchafa, adjoint du commandant de l’ALN de la région d’Alger, Amar Ouamrane, futur colonel de la Wilaya IV. Une partie des armes de guerre transportées à Blida par Jean Farrugia dans le camion de Belkacem Bouguerra fut remise au groupe Guerrab-Saâdoun-Maillot, en route vers le maquis de l’Ouarsenis.
La fourniture d’armes de guerre à l’ALN fut comme une réponse au souci exprimé par Abane Ramdane dans son courrier, envoyé le 15 mars 1956, à la délégation extérieure du FLN installée au Caire. «… Si les communistes veulent nous fournir des armes, souligne-t-il dans sa missive, il est dans nos intentions d’accepter le Parti communiste algérien en tant que parti au sein du FLN, si les communistes sont en mesure de nous armer…» C’est dans ce contexte que la première rencontre eut lieu les premiers jours de mai 1956, par un après-midi printanier, dans le cabinet dentaire de Mokrane Bouchouchi, place Bugeaud (Place Emir Abdelkader), face au siège du 19e Corps d’armée, au cœur d’Alger, entre Abane Ramdane et Bachir Hadj Ali, assistés respectivement de Benyoucef Benkhedda et de Sadek Hadjerès. Cette rencontre au sommet avait été arrangée par l’homme de confiance de Abane, Lakhdar Rebah, dit El Ghazal (quelques jours avant son arrestation à Kouba par les parachutistes de Massu).
Évoquant cette rencontre, l’officier de l’ALN devenu historien, Mohamed Téguia, écrit dans son livre témoignage L’Algérie en guerre : «Elle fut l’objet de félicitationss de Abane qui rendit hommage aux communistes… (Il) fit connaître son projet de promouvoir l’aspirant Maillot comme lieutenant, en l’affectant en Kabylie.» Les discussions aboutirent au mois de juin 1956 à la signature des accords FLN-PCA. Maintenant, «il n’existe qu’une seule armée contrôlée par le FLN», déclare le PCA clandestin. L’intégration «en bloc» des Combattants de la libération dans les maquis de la Wilaya IV (l’Arbaâ, Palestro (Lakhdaria), Ténès, Cherchell, Zaccar, Chlef et autres lieux de combat) fut supervisée par Amar Ouamrane.
Dans un communiqué signé de lui et adressé aux agences et organes de presse, Henri Maillot donna la signification de son geste : «L’écrivain français Jules Roy, colonel d’aviation, écrivait il y a quelques mois : si j’étais musulman, je serais du côté des ‘‘fellagas’’.
Je ne suis pas musulman, mais je suis Algérien, d’origine européenne. Je considère l’Algérie comme ma patrie. Je considère que je dois avoir à son égard les mêmes devoirs que tous ses fils. Le peuple algérien, longtemps bafoué, humilié, a pris résolument sa place dans le grand mouvement historique de libération des peuples… Il ne s’agit pas d’un combat racial, mais d’une lutte d’opprimés sans distinction d’origine contre leurs oppresseurs et leurs valets sans distinction de race… En livrant aux combattants algériens des armes dont ils ont besoin pour le combat libérateur, j’ai conscience d’avoir servi les intérêts de mon pays et de mon peuple, y compris ceux des travailleurs européens momentanément trompés.»
Henri Maillot tombe au champ d’honneur à l’âge de 28 ans, dans la matinée du 5 juin 1956, dans le djebel Derraga (rive gauche du Chéliff), mitraillé par les soldats français. Maurice Laban, Belkacem Hannoun et Djillali Moussaoui sont morts à ses côtés, les armes à la main. Abdelkader Zelkaoui, capturé la veille, avait été froidement assassiné. La guerre pour l’indépendance est à son vingtième mois. «Le camion d’armes d’Henri Maillot» entre dans la légende. La date du 4 avril 1956 s’inscrit au fronton de l’histoire.
Par Mohamed Rebah
Auteur Des Chemins et des Hommes, préface d’Ahmed Akkache, Éditions Mille Feuilles, Alger, novembre 2009.
ht23 septembre 202tps://lapatrienews.dz/henri-maillot-le-chahid-oublie-communique-de-la-famille-du-chahid/
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