Nous avions rendez-vous à l’entrée du cimetière d’El Madania (Clos Salembier) pour un hommage à l’aspirant Henri Maillot. Nous avons vu arriver une petite dame vêtue modestement mais avec goût, une brassée de roses rouges dans les bras. C’était Yvette la sœur d’Henri. Depuis, les membres de l’association France-El Djazaïr étaient restés en liaison avec elle et nous allions la saluer lors de chacun de nos voyages à Alger. En 2006, nous l’avions invitée à Nîmes pour un séjour au cours duquel elle avait pu visiter le département du Gard et participer à une rencontre au Cercle Monique Jourdan, à l’invitation de Martine Gayraud , la secrétaire départementale du PCF. Yvette s’est éteinte samedi… Elle était la mémoire vivante de l’épopée héroïque d’Henri Maillot.
Yvette Maillot, Bernard Deschamps, au Pont du Gard
Michèle Malclès, Yvette Maillot, Annie Deschamps
Qui était l’aspirant Henri Maillot ?
« Né le 21 janvier 1928 à Alger, Henri Maillot, adhéra au parti communiste en 1943. Il effectua son service militaire à Maison-Carrée, dans une unité du Train à compter d’avril 1948. Il parvint à entrer à l’École des Elèves sous-officiers de Cherchell, même s’il était « fiché » comme communiste par la Sécurité militaire. Après un stage à Tours, il fut promu aspirant du Train en janvier 1949.
Après son service, il travailla à la comptabilité du journal communiste Alger Républicain. Il participait aux tentatives de rapprochement avec les …nationalistes algériens..
En octobre 1955, il fut rappelé sous les drapeaux à Miliana en tant qu’aspirant, au 57e Bataillon de tirailleurs algériens (BTA) Dès décembre 1955, Henri Maillot envisagea de dérober des armes, l’information remontant jusqu’à la direction des Combattants de la Libération (CDL), organisation clandestine créée après l’interdiction du PCA. Une première tentative échoua en février 1956 faute du concours du FLN. Au cours de la seconde quinzaine de mars […] la direction du PCA détermina les lieux de l’embuscade, la forêt de Baïnem.
Le 3 avril, alors qu’ils traveraient la forêt de Baïnem, Henri Maillot sortit son pistolet et intima l’ordre au chauffeur de s’engager dans un chemin. Vers 12 heures 30, le camion s’arrêta, plusieurs personnes sortirent des fourrés et transbordèrent l’armement dans un véhicule. Le commando déroba ainsi 74 revolvers, 10 pistolets automatiques, 121 pistolets mitrailleurs et 63 fusils, avec de nombreuses cartouches.Henri Maillot rejoignit le « maquis rouge » mis en place par les CDL le 15 mai. Ce maquis d’une quinzaine de personnes était implanté dans l’ouest algérois, près d’Orléansville, dans le douar des Beni-Boudouane où il fut abattu ainsi que Maurice Laban et deux autres patriotes par les harkis du caïd Boualam, futur bachagha, acquis à l’Algérie française.
L’annonce de la mort d’Henri Maillot déclencha un véritable déluge d’articles. À l’exception de Libération et de l’Humanité, proches ou liés au PCF, tous les journaux utilisèrent les qualificatifs de « félon » et de « traître ». Le 9 juin, le PCA publia un tract au titre éloquent, « Gloire à Henri Maillot héros de la cause nationale. » (Extraits du Maitron)
Nous partageons la douleur des nièces et neveux d’Yvette et de leur famille. Qu’ils trouvent ici le témoignage de l’amitié profonde que nous lui portions.
Bernard DESCHAMPS
Yvette Maillot souvenirs
d’une Française restée en Algérie
En juillet 1962, alors que l’Algérie vient d’obtenir son indépendance, des centaines de milliers de pieds-noirs quittent le pays. FRANCE 24 est allé à la rencontre d'Yvette Maillot, une Française qui a fait le choix de rester.
Nous étions en 2012 c’est la visite qu’Yvette Maillot attendait depuis la déclaration d’indépendance du 5 juillet 1962. À 85 ans, la vieille dame a reçu, il y a quelques semaines, une délégation d’officiels algériens dans le jardin de sa villa du Clos-Salembier, quartier sur les hauteurs d’Alger, où elle vit depuis les années 1930 et où les citronniers, figuiers et grenadiers plantés par son père n’ont pas survécu aux années.
L’Algérie française a disparu depuis un demi-siècle, mais Yvette est restée. Vêtue d’une jolie djellaba, elle a écouté poliment la délégation lui proposer de renommer, lors du cinquantenaire de l’indépendance du pays, sa petite rue en l'honneur de son frère, Henri Maillot, mort pour la cause algérienne.
Yvette Maillot tient les documents certifiant la mort de son frère. Ces quelques pages dactylographiées expliquent pourquoi elle a décidé de rester alors que déclaration d’indépendance et règlements de compte poussaient 200 000 de ses compatriotes à embarquer pour l’Hexagone.
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"Pour moi et ma famille, il n’était pas question de choisir entre la valise et le cercueil comme les autres pieds-noirs… Le cercueil, nous l’avions déjà !", déclare Yvette en se remémorant ce jour du printemps 1956 où trois camions bourrés de militaires français ont investi la villa du Clos-Salembier à la recherche de son frère.
C'est à ce moment que la famille d’Yvette apprend la désertion de l’aspirant Henri Maillot, qui a rejoint un maquis acquis à la cause indépendantiste. Militant communiste de longue date, son frère a décidé de rejoindre les rangs de l’insurrection après avoir assisté à l’écrasement de la révolte de Constantine, un an plus tôt.
Affecté à l’arsenal d’Alger, il est parti avec un camion rempli d’armes qu’il a remis aux insurgés algériens. Un ancien combattant algérien, ami d’Yvette, se souvient du butin providentiel ramené ce jour-là par le "moudjahid français" : 120 mitraillettes, 80 revolvers, 65 fusils Lebel et une grande quantité de munitions.
Du jour au lendemain, Yvette est licenciée de l’atelier de couture où elle exerçait depuis une dizaine d’années. La maison familiale est symboliquement saisie par la justice, qui menace de l’expulser. Pour les partisans de l’Algérie française, elle devient la sœur du "traître Maillot" et un groupe d’ultras nommé "La main rouge" essaie de la kidnapper à deux reprises.
"Je vivais cloîtrée avec ma mère et ma sœur. Un jour, je me suis rendue aux funérailles d’un membre de ma famille, au cimetière du Chemin des crêtes. Quand j’ai vu le cortège funéraire, je n’en ai pas cru mes yeux. Un de mes oncles éloignés était habillé avec une redingote noire en queue de pie, avec une boutonnière affichant son soutien à l’OAS. Je me suis sentie en danger et je me suis enfuie dès que le corps était dans la tombe", rapporte Yvette.
C’est l’époque où l’affrontement entre forces pro et anti-coloniales dérape, où les luttes intestines au sein de chaque camp se soldent par des massacres de plus en plus sanglants.
L'indépendance, la fin d'un calvaire
Yvette voit avec horreur l’Algérie s’enfoncer dans la nuit. Le maquis d’Henri Maillot est démantelé au cours d’une opération spéciale de l’armée française, dont le dénouement rivalise de cruauté avec les pires exactions de la guerre.
Après l’avoir abattu, les anciens camarades de l’aspirant Maillot accrochent son cadavre à l’arrière de leur blindé avant de le traîner sur une quinzaine de kilomètres en guise d’exemple. Yvette est alors définitivement adoptée par les moudjahidines, qui considèrent son frère comme un véritable patriote algérien et un martyr. Tandis que le quartier du Clos-Salembier se vide de ses habitants européens, Yvette attend impatiemment la victoire des souverainistes algériens. La proclamation d’indépendance du 5 juillet 1962 marque la fin d’un calvaire.
"On a tellement souffert pour cette indépendance, on l’attendait avec impatience… Sept ans de guerre pour qu’on puisse revivre !", s’exclame Yvette.
Impliquée contre son gré dans la grande histoire du conflit franco-algérien, Yvette garde prudemment ses distances vis-à-vis des soubresauts politiques de l’Algérie du FLN. Les Algériens reconnaissent unanimement qu’elle "est ici chez elle" et la réputation de patriote de son frère protège sa famille des exactions qui ont visé d’autres Européens.
En plus de son passeport français, Yvette reçoit une carte d’identité algérienne dès 1963. Elle profite de la paix pour voyager, met les pieds dans l’Hexagone pour la première fois en 1967 et découvre avec émerveillement le métro à Paris. Mais son âme reste attachée à la terre où ses ancêtres sont établis depuis les années 1860 et elle ne reste jamais bien longtemps loin de sa villa algéroise.
Depuis sa terrasse, Yvette regarde les habitations en parpaing voisines qui ont remplacé les champs de son enfance. On devine, cinquante mètres plus bas, la ruelle Fernand Iveton, nommé d’après un autre pied-noir guillotiné pour avoir rejoint les insurgés algériens. Après réflexion, Yvette a demandé aux officiels algériens que sa rue ne soit pas rebaptisée du nom de son frère.
"C’est trop tard maintenant, les autorités auraient dû faire ça il y a cinquante ans", conclut-elle.
Cérémonie de recueillement en hommage
à Henri Maillot, martyr
de la Révolution algérienne
Employé en tant que comptable au quotidien Alger Républicain, il est mobilisé par l`armée française comme aspirant en 1956 dans la région de Méliana. Le 4 avril de la même année, il déserte et prend le maquis en détournant un camion d`armes. Il meurt sous les balles de l`armée coloniale le 5 juin 1956 à Chlef
Un hommage a été rendu samedi au cimetière chrétien de Diar-Essaâda (El Mouradia) à Alger, au chahid Henri Maillot lors d`une cérémonie de commémoration à l’occasion du 62ème anniversaire de sa mort, le 5 juin 1956, sous les balles des forces d`occupation coloniale.
La cérémonie de recueillement s`est déroulée en présence d’anciens moudjahidines et moudjahidates et du ministre de la Communication, Djamel Kaouane..
Pour le ministre de la Communication, “Henri Maillot, à l’instar de Fernand Yveton, Maurice Audin et le couple Chaulet sont des Algériens, des martyrs pour certains et des moudjahidines pour d’autres, donnant l’exemple du couple Chaulet qui a participé activement à l’oeuvre de la reconstruction du pays”.
“C’est un hommage justifié à ces fils de l’Algérie, qui ont contribué à la libération de notre pays”, a-t-il soutenu.
Pour sa part, la moudjahida Ighilahriz a indiqué que “les Français qui ont défendu l’Algérie, dont Henri Maillot, étaient nos frères, des chouhadas. Ils ont été arrêtés et torturés comme nous”.
Une gerbe de fleurs a été déposée devant la tombe d’Henri Maillot, dont les qualités, notamment son engagement pour la liberté, son humanisme et son combat pour l’indépendance de l’Algérie ont été soulignées.
Né le 11 janvier 1928 à Alger, d`une famille européenne, Henri Maillot rejoint très tôt le PCA (Parti communiste algérien) après avoir été secrétaire général de l`Union de la jeunesse démocratique algérienne.
Employé en tant que comptable au quotidien Alger Républicain, il est mobilisé par l`armée française comme aspirant en 1956 dans la région de Méliana. Le 4 avril de la même année, il déserte et prend le maquis en détournant un camion d`armes. Il meurt sous les balles de l`armée coloniale le 5 juin 1956 à Chlef.
Source / https://www.huffpostmaghreb.com/entry/ceremonie-de-recueillement-en-hommage-a-henri-maillot-martyr-de-la-revolution-algerienne_mg_5b40afbee4b05127ccf25ef2
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