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« juin 2021 | Accueil | août 2021 »

Isabelle Eberhardt, la vie hors-norme d'une aventurière en terre d'Islam


Née à Genève, Isabelle Eberhardt part en Algérie à vingt ans et se convertit à l'islam. Là, elle partage la vie des Bédouins et écrit abondamment sur sa terre d'adoption, avant de disparaître tragiquement à 27 ans. La presse fera d'elle un Rimbaud au féminin.

Morte à seulement 27 ans, Isabelle Eberhardt aura défié toutes les conventions de son temps, s'inventant un destin à mille lieues de ce qui était requis d'une jeune Européenne au tournant du XXesiècle.

Née de père inconnu à Genève en 1877, elle est issue de la noblesse russe par sa mère. Son éducation anticonformiste et polyglotte lui permet d'apprendre le russe, l'italien, le français, l'allemand, l'arabe et le turc. À l'âge de vingt ans, elle s'installe avec sa mère en Algérie française, à Annaba. Là, elle décide de se convertir à l'islam, embrassant le soufisme, sa branche mystique, et prend le nom masculin de Mahmoud Saadi.

Après le décès de sa mère, déguisée en homme algérien, elle commence à vivre en nomade et parcourt à cheval le Sud du pays, partageant la vie des bédouins et s'intéressant au sort des défavorisés. Elle écrit beaucoup, nouvelles, récits, impressions de voyage, et rencontre l'amour de sa vie : Slimane Ehnni, soldat musulman de nationalité française. Leur liaison, sitôt connue, scandalisera les colons – d'autant qu'Isabelle, à rebours de toutes les convenances, boit et fume le kif.

Le journaux de la métropole commencent à s'intéresser à l'aventurière lorsqu'une tentative d'attentat d'assassinat est perpétrée contre elle, le 29 janvier 1901 – tentative orchestrée à Béhina par une confrérie soufie opposée à la sienne. Le procès se tient en juin et Le Petit Marseillais raconte :

« Le procès dont je vous avais parlé, au sujet d’une tentative de meurtre dont avait été victime dans le Sud une jeune Russe, devenue musulmane, habillée en indigène et affiliée à la secte religieuse des Kadrya, a eu lieu devant le conseil de guerre de Constantine […].

La victime, Mlle Isabelle Eberhardt, s’est présentée vêtue en femme indigène, mais elle a reconnu qu’elle s’habillait fréquemment en homme, ce qui, aux yeux des musulmans, de son aveu même, était tout au moins une inconvenance. Un jeune maréchal des logis du 3e spahis, musulman naturalisé français, à qui elle est, dit-on, fiancée, l’accompagnait.

L’accusé a déclaré qu’il avait tenté de l’assassiner à cause du trouble et du scandale qu’elle jetait dans la religion musulmane. Il s'est dit poussé par un ange qui, dans l’intérêt de la religion, lui avait donné l’ordre de tuer Mlle Eberhardt. Il a été condamné aux travaux forcés à perpétuité [...].

Quant à Mlle Eberhardt, aussitôt après le jugement, il lui a été signifié un arrêté d’expulsion lui interdisant d’une façon absolue le territoire civil et militaire de l’Algérie. »

Expulsée d'Algérie car considérée comme fauteuse de troubles, elle se rend à Marseille, où elle épouse Slimane en septembre, ce qui lui permet d'acquérir la nationalité française – et donc de retourner en Algérie en 1902. Le couple reprend ses voyages dans le désert. Isabelle écrit alors pour le journal arabophile L'Akhbar, rédigeant des nouvelles et se dressant contre la colonisation.

En 1903, elle se rend dans les monts des Ksour, à Aïn Sefra, ville déchirée par un conflit entre le Maroc et l'Algérie, où elle officie comme reporter de guerre. À la même époque, elle se lie d'amitié avec le colonel Lyautey (futur Maréchal de France), qui lui voue une grande admiration.

Le 16 avril 1903, La Petite Gironde fait d'elle, en raisons de son soutien radical aux autochtones, un portrait assez hostile :

« Mme Henni, née Isabelle Eberhardt, écrit au journal l'Akhbar ; elle a une histoire. Venue avec sa mère, il y a quelques années, en Algérie, elle ne tarda pas à rester seule par suite du décès de celle-ci.

Alors, elle embrassa la religion musulmane et alla habiter les territoires du Sud, où elle se livra à une propagande ardente auprès des populations arabes. Elle leur prêchait une sorte de socialisme humanitaire, où perçait un sentiment d'animosité contre la France […].

La modification survenue dans son état civil, loin d’arrêter le cours de ses prédications, vint, au contraire, lui communiquer un nouvel élan, et non seulement elle prêcha, mais écrivit [...]. Son prestige auprès des Indigènes n'a fait que s'accroître de jour en jour ; les Arabes la considèrent comme un marabout. Son cas est d'autant plus surprenant que l'on connaît le mépris avec lequel ils parlent de la femme, restée pour eux une chose sans importance.

Du reste, elle a quitté les vêtements de son sexe [...]. Elle est jeune ; sa physionomie est des plus agréables, sa voix est douce, musicale, sympathique. Elle cause simplement et avec beaucoup de charme ; mais il parait que c’est autre chose quand elle évangélise en arabe. Elle emprunte alors aux prophètes leurs accents irrités et leurs images violentes. »

Isabelle Eberhardt, photographie de Louis David, 1895 - source : WikiCommons
Isabelle Eberhardt, photographie de Louis David, 1895 - source : WikiCommons

Le 21 octobre 1904, suite à une violente crue de l'oued, la ville basse d'Aïn Sefra est submergée par un torrent de boue. Slimane survit, mais pas Isabelle. Le 23 octobre, Le Figaro annonce la mort de l'aventurière :

« Le chiffre actuellement connu des victimes de la crue subite des oueds Sefra et Moulen s'élèverait à dix Européens et quatorze indigènes. Mais on craint de découvrir d'autres cadavres.

Parmi les morts ou disparus, [...] Mme Isabelle Eberhardt. Celle-ci, une des plus curieuses figures de notre monde algérien, est une jeune femme d'origine russe qui, convertie à l'islamisme, vivait de la vie arabe, mais sous des vêtements d'homme et sous le nom de Mahmoud [...].

Très habile à manier les armes et cavalier indésarçonnable, elle avait fait partie de maintes expéditions au désert et n'en était pas revenue sans blessures.

Or cette façon d'héroïne et cette cosmopolite était un savoureux écrivain français. En pages pénétrées de nihilisme contemplatif, elle avait donné d'hallucinantes visions de Tunis, de Figuig. Elle laisse inachevé un roman, Le Trimardeur, dont le journal algérois, l'Akhbar a publié récemment des chapitres. »

Son corps est retrouvé le 27 octobre. Dans la presse parisienne, les hommages se multiplient, à commencer par celui de la célèbre journaliste Séverine qui, dans le Gil Blas du 13 novembre, cite une lettre que lui avait envoyée la défunte, sa « jeune sœur inconnue » :

« J'ai encore présente à l'esprit l'admirable missive qu'elle m'adressa, lors du voyage de M. Loubet en Algérie.

“Venez, oh ! Venez ! écrivait-elle. Je vous ferai parcourir les goums ; vous y serez reçue en amie, car j'ai appris aux indigènes le nom de celle qui, toujours, les défend. Je servirai d'interprète entre vous et eux ; vous pourrez ainsi recevoir leurs doléances, constater leur misère ; vérifier par vous-même sous quelle oppression ils végètent, à quelle exploitation ils sont en proie. Et, de retour à la métropole, vous pourrez dire : J'ai vu ! J'ai entendu ! et faire retentir, plus haut encore, plus loin, la voix de la justice, le cri de l'humanité !”

Hélas ! je ne pus répondre à l'appel. Mahmoud-Saadi, le petit Arabe au burnous flottant qu'était Isabelle Eberhardt, sous son incognito masculin, ne m'emmènera point, galopant de compagnie, vers les tentes où l'on savait mon nom [...]. Mais, désormais, je suivis l'œuvre, l'existence d'Isabelle Eberhardt. Son roman, Trimardeur, témoignait d'un précieux talent, livrait le secret de sa pensée profonde, de sa grande âme inassouvie, en mal de beauté et d'équité. »

 

Pendant ce temps, Lyautey dépêche des soldats sur les lieux du drame et parvient à récupérer plusieurs manuscrits d'Isabelle. Parmi eux, Dans l'ombre chaude de l'islam, un ouvrage qui sera remanié par Victor Barrucand, le directeur de L'Akhbar et rencontrera un grand succès lors de sa publication en 1905.

Dans les années qui suivent sa mort, la figure d'Isabelle Eberhardt est mythifiée par les journaux. À une époque où le Sahara fascine, elle devient « la Nomade », « l'amazone des sables », « l'admirable nihiliste », « la Louise Michel du Sahara », d'autant plus idéalisée que rares sont ceux qui peuvent prétendre l'avoir réellement rencontrée.

En 1913, Le Journal revient sur son destin hors norme en ces termes :

« L'Afrique française possède aussi sa glorieuse victime, sa “prisonnière”, sa personnalisation, à la fois littéraire et tangible. Et c'est une femme. Une femme très jeune, très jolie, et qui est morte. On a attendu sa mort pour lui reconnaître du talent et de l'originalité et pour commencer à lui faire de la gloire.

C'est Isabelle Eberhardt. Nom aujourd'hui pour ainsi dire inconnu ! Œuvre encore presque ignorée ! [...]

Étrange et captivante figure ! Et, malgré l'éclat dont maintenant on les entoure, combien ses traits nous demeurent vagues et mal compréhensibles ! […] Et tandis que nous n'avons d'elle que des souvenirs ébréchés et une image affaiblie, la voici qui règne, de toute sa gloire, parmi ces fils du désert qu'elle aima ! »

En 1930 encore, dans les colonnes de L'Européen, Raoul Bastide la compare à un autre grand exilé de la littérature française : Arthur Rimbaud.

« Tous deux venus de l'Est, des Ardennes où transparaît encore, à fleur des monts, toute la poésie du paganisme et de Genève où gronde, en dessous de la rigidité calviniste, un sang trop vif. Tous deux qui courent vers le désert, qui s'enfoncent dans les sables brûlants, poussés par le même désir de s'évader de notre civilisation mauvaise. En proie au même dégoût [...].

Tous deux ayant la même soif d'absolu, tous deux grands mystiques. C'est-à-dire de ceux qui n'acceptent jamais, qui se refusent à toute compromission avec le monde et qui cherchent Dieu, dans la solitude. Tous deux aussi misérables, dans leurs corps et dans leurs coeurs. Tous deux enfin voyant se dénouer leurs douloureuses tragédies par la même fin effrayante. »

Au début des années 1940, un biographe se basant sur les photographies d'Isabelle et de Rimbaud, et imaginant une possible rencontre entre sa mère et le célèbre poète à Genève en 1876, ira même jusqu'à évoquer la possibilité qu'il fût son père...

Le maréchal Lyautey dira d'elle : « Elle était ce qui m'attire le plus au monde : une réfractaire. Trouver quelqu'un qui est vraiment soi, qui est hors de tout préjugé, de toute inféodation, de tout cliché, et qui passe à travers la vie aussi libéré de tout que l'oiseau dans l'espace, quel régal ! ».

Elle qui voulut être enterrée « n'importe où dans le sable brûlé du désert, loin des banalités profanatrices de l'Occident envahisseur » repose dans le petit cimetière musulman Sidi Boudjemaâ à Aïn Sefra. Sur sa tombe, on peut lire son nom français et son nom arabe.

La tombe d'Isabelle Eberhardt à Aïn Sefra, 1913 - source : WikiCommons
La tombe d'Isabelle Eberhardt à Aïn Sefra, 1913 - source : WikiCommons

« Je ne suis qu'une originale, écrivit-elle un jour, une rêveuse qui veut vivre loin du monde, vivre de la vie libre et nomade, pour essayer ensuite de dire ce qu'elle a vu et peut-être de communiquer à quelques uns le frisson mélancolique et charmé qu'elle ressent en face des splendeurs tristes du Sahara.»

–

Pour en savoir plus :

Isabelle Eberhardt, Lettres et journaliers, Actes Sud, 2003

Tiffany Tavernier, Isabelle Eberhardt, un destin dans l'islam, Taillandier, 2019

Edmonde Charles-Roux, Isabelle du désert, Grasset, 2003

 

 

 

 

le 12/12/2019 par Pierre Ancery - modifié le 02/07/2021

https://www.retronews.fr/religions/echo-de-presse/2019/12/12/isabelle-eberhardt

 

 

Rédigé le 05/07/2021 à 17:50 dans Histoire, Islam, Religion | Lien permanent | Commentaires (0)

Femmes et enfants asphyxiés : le scandale des « enfumades » du Dahra pendant la conquête de l’Algérie

 

Dans les années 1840, pour mater la révolte algérienne, l’armée française allume des feux à l’entrée des grottes où sont réfugiées les tribus rebelles. Dans le massif du Dahra, plus de 700 personnes meurent asphyxiées.

 

image from focus.nouvelobs.comLe Le général Thomas-Robert Bugeaud « théorise » et généralise la pratique des « enfumades » lors de la conquête de l’Algérie. (MARY EVANS/SIPA)

 

L’histoire coloniale en Afrique vue par les journaux français
 

Deux fois par mois, en partenariat avec RetroNews, le site de presse de la Bibliothèque nationale de France (BNF), « l’Obs » revient sur un épisode de l’histoire coloniale en Afrique raconté par les journaux français.

« Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, enfumez-les à outrance comme des renards. » En cette année 1845, l’Algérie est aux mains des officiers français. Cela fait quinze ans que les troupes du roi Charles X ont débarqué dans la baie d’Alger. Du jour où elles ont posé le pied à Sidi-Ferruch (aujourd’hui, Sidi-Fredj), la résistance des Algériens s’est organisée, emmenée, notamment, par l’émir Abd el-Kader. La France envoie un de ses « bons » éléments, le général Thomas-Robert Bugeaud pour mater la révolte.

 
Au cœur de la conquête de l’Algérie, la lutte entre le maréchal Bugeaud et l’émir Abd el-Kader

Engagé dans l’armée napoléonienne à 20 ans, enrôlé dans les campagnes de Prusse et de Pologne, artisan de la répression des émeutes parisiennes d’avril 1834, l’homme est partisan d’une « domination absolue ». Il rafle tous les pouvoirs (gouverneur général de l’Algérie, commandement de l’armée, bâton de maréchal…), obtient un effectif de 90 000 soldats et promet « une grande invasion militaire, une invasion qui ressemble à ce que faisaient les Francs, à ce que faisaient les Goths… ».

« L’Algérie libre », 18 juin 1954

L’adversaire, pour lui, « doit être chassé, détruit, traqué », écrit Benjamin Stora dans « Histoire de l’Algérie coloniale : 1830-1954 » (La Découverte). Colonnes mobiles de 6 000 à 7 000 hommes inspirées des guerres de Vendée, destruction des douars, confiscations des terres, pillage des récoltes et du bétail… et « enfumades ». La technique consiste à asphyxier des tribus entières, hommes, femmes, enfants et vieillards réfugiés dans des grottes en allumant des feux à l’entrée.

C’est le colonel Eugène Cavaignac qui inaugure la pratique en juin 1844 en asphyxiant plusieurs centaines de Sbéhas qui ont trouvé refuge dans des cavernes sur la rive gauche du Chélif. Mais c’est le maréchal Bugeaud qui la « théorise » et la généralise avec sa fameuse déclaration :

« Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, enfumez-les à outrance comme des renards. »
« La conquête de l’Algérie par la France a été très meurtrière » : entretien avec l’historien Benjamin Stora

Dans le nord-ouest, dans le massif du Dahra, la vallée du Chélif et l’Ouarsenis, la résistance s’organise autour du cheikh Bou Maza. Les colonels Aimable Pélissier et Achille de Saint-Arnaud traquent les insurgés avec 4 000 hommes. Ils ne tardent pas à appliquer les préceptes de Bugeaud. Le 18 juin 1845, Pélissier allume un brasier à l’entrée des grottes de Ghar-el-Frechih, où s’est réfugiée la tribu des Ouled-Riah, alliée à Bou Maza. Le lendemain matin, à l’aube, on retrouve 760 cadavres, selon un membre de l’état-major de Pélissier, hommes et femmes, de tous âges, morts asphyxiés. Commentaire du maréchal Bugeaud :

« C’est une cruelle extrémité, mais il fallait un exemple terrible qui jetât la terreur parmi ces fanatiques et turbulents montagnards. »

La nouvelle, d’abord relatée dans un journal uniquement publié en Algérie, « l’Akhbar », va peu à peu provoquer l’indignation de l’autre côté de la Méditerranée. Au début, la presse est relativement mesurée. Le « Journal des débats politiques et littéraires », fondé pendant la Révolution française, reprend le récit de « l’Abkhar » sans s’offusquer outre mesure. Le 2 juillet, il résume l’affaire en 22 lignes :

« Les colonels Pélissier, de Saint-Arnaud et l’Amirault, qui opèrent en ce moment dans le Darha, au nord d’Orléansville, ont fait simultanément de nombreuses et importantes razzias […]. M. le colonel Pélissier a eu affaire aux Oulad-Dria [Ouled-Riah, NDLR], qui s’étaient réfugiés dans des cavernes où il était impossible de songer à les attaquer ; mais comme on les y tenait bloqués, ces insoumis parlementèrent et consentirent à capituler, pourvu que le camp français fût porté au loin. Le colonel, comme on peut le penser, refusa de souscrire à une pareille condition ; les [Ouled-Riah] de leur côté refusèrent de sortir. Pour les décider à se rendre sans condition, on alluma de grands feux à l’entrée des cavernes qu’ils occupaient. »

« Journal des débats politiques et littéraires », 2 juillet 1845

Le 11 juillet, le quotidien se montre un peu plus ému par le sort des victimes mais continue de justifier la décision de l’armée d’Afrique :

« Il vient d’arriver dans le Dahra un de ces événements qui contristent profondément ceux qui en ont été témoins, même lorsqu’ils en ont compris l’affreuse nécessité et qu’ils ont le droit de proclamer que rien n’a été négligé de tout ce qui pouvait prévenir une catastrophe. […] On fabriqua quelques fascines que l’on enflamma et que l’on jeta ensuite devant l’entrée des grottes. Après cette démonstration faite pour montrer à ces gens qu’on pouvait tous les asphyxier dans leurs cavernes, le colonel [Pélissier] leur fit jeter des lettres où on leur offrait la vue et la liberté s’ils consentaient à rendre leurs armes et leurs chevaux. […] On recommença à jeter des fascines enflammées ; alors un grand tumulte s’éleva dans ces grottes : on sut plus tard qu’on y délibérait sur le parti à prendre […]. Le colonel Pélissier, voulant sauver ce qui restait dans les grottes, leur envoya des Arabes pour les exhorter à se rendre […]. Quelques femmes, qui ne partageaient pas le fanatisme sauvage de ces malheureux, essayèrent de s’enfuir ; mais leurs parents et leurs maris firent eux-mêmes feu sur elles pour les empêcher de se soustraire au martyre qu’ils avaient résolu de souffrir. Une dernière fois M. le colonel Pélissier fit suspendre le jet des fagots pour envoyer dans les cavernes un parlementaire français : celui-ci, accueilli par une fusillade, dut se retirer sans avoir rempli sa mission. […] On rendit au feu toute son intensité : pendant longtemps les cris des malheureux que la fumée allait étouffer retentirent douloureusement à nos oreilles ; puis on n’entendit plus rien que le pétillement des bois verts qui formaient les fascines. Ce silence funèbre en disait assez. On entra : cinq cents cadavres étaient étendus çà et là dans les cavernes. On envoya visiter les grottes et sauver ceux qui respiraient encore ; on ne put en retirer que cent cinquante, dont une partie mourut à l’ambulance […]. »

« Journal des débats politiques et littéraires », 11 juillet 1845

Le même jour, la « Gazette du Languedoc », quotidien monarchiste et légitimiste, publié à Toulouse, suggère… d’autres moyens de mater la révolte :

« Il nous semble qu’il y avait plus d’un moyen de dompter la résistance de l’ennemi, et qu’il était possible de le bloquer pour le prendre par famine, ou pour fusiller tout ce qui aurait tenté de fuir. Le moyen préféré rappelle trop les fâcheux souvenirs de l’incendie allumé autour du château de la Pénissière [mise à feu d’un refuge de Vendéens par les Orléanistes, lors de la révolte légitimiste de 1832, NDLR] et ne pourra que donner lieu à ces déclamations qu’il est si pénible d’entendre dans la bouche des Anglais, des ravageurs de l’Inde [concurrents de la France dans la conquête coloniale au XIXe siècle et dénonciateurs des « enfumades » du Dahra, NDLR]. »

« Gazette du Languedoc », 11 juillet 1845

L’indignation monte. « Le Constitutionnel », quotidien soutenu par les libéraux et les bonapartistes, évoque « l’horreur qu’inspire une telle façon de faire la guerre » et publie une lettre d’un des officiers envoyés en Algérie par le gouvernement espagnol pour étudier les opérations de l’armée française en Afrique et qui a été publiée dans le journal « Heraldo » édité à Madrid :

« On ne saurait décrire la violence du feu. La flamme s’élevait au haut du Kantara, élevé de 60 varas environ (la vara a un mètre de longueur), et de l’une à l’autre, d’épaisses colonnes de fumée tourbillonnaient […]. Rien ne pouvait donner une idée de l’horrible spectacle que provoquait la caverne. Tous les cadavres étaient nus, dans des positions qui indiquaient les convulsions qu’ils avaient dû éprouver avant d’expirer, et le sang leur sortait par la bouche. Mais ce qui causait le plus d’horreur, c’était de voir des enfants à la mamelle, gisant au milieu des débris de moutons, de sacs de fèves […]. Malgré tous les efforts des officiers, on ne pût empêcher les soldats de s’emparer de tous ces objets, de chercher les bijoux et d’emporter les burnous tout sanglants. »

« Le Constitutionnel », 17 juillet 1845

C’est un tollé en Europe. La presse française devient quasi unanime à dénoncer les « enfumades » du Dahra. « Le Siècle », quotidien libéral et monarchiste, où écrit Honoré de Balsac, évoque « un événement affreux dont le souvenir ne s’effacera point, aussi longtemps qui vivra celui de notre conquête ». « L’Echo Rochelais », une feuille d’annonces commerciales, judiciaires et d’avis divers, stigmatise un « honteux épisode » et « un acte de froide cruauté ». « Le Commerce » s’insurge :

« Nous devons espérer que la polémique engagée sur l’exécution des grottes du Dahra ne restera pas stérile. Il est impossible que l’indignation, que cette déplorable affaire a soulevée en France, n’ait pas eu de retentissement en Algérie. […] Il est temps que le sentiment de la moralité publique éclatât. La guerre a en effet pris en Algérie, sous les ordres du maréchal Bugeaud, un caractère de dévastation qui la domine tout entière. C’est un système de destruction, qui s’applique à tout, aux arbres, aux récoltes, aux maisons, aux bestiaux, aux hommes, et dont l’horrible exécution du Dahra a été la dernière et la plus saisissante expression. Qu’une guerre comme celle de l’Algérie conduise accidentellement à l’emploi de moyens dont on n’oserait pas se servir dans une guerre européenne, on peut le concevoir à la rigueur. Mais qu’on érige l’extermination en système, qu’on l’applique indistinctement à tout ce qui est animé ou inanimé, qu’on ne recule pas devant les extrémités les plus sanglantes, qu’on se croit permis de tout faire pour vaincre, voilà ce que nous devons repousser au nom de l’humanité, de la civilisation, de l’honneur national. »

« Le Commerce », 5 août 1845

Le gouvernement est contraint de réagir. Une commission d’enquête parlementaire présidée par Tocqueville conclut que la violence et l’autoritarisme de Bugeaud allaient ruiner l’avenir de l’Algérie, puisque, constate-t-elle, « nous avons dépassé en barbarie les barbares que nous voulions civiliser » (« Dictionnaire de la France coloniale », Flammarion, 2007). Le ministre de la Guerre, le maréchal Jean-de-Dieu Soult, doit se justifier devant la Chambre des députés :

« Toutes les fois qu’un accident, un malheur imprévu se produit, même pendant la guerre, le sentiment doit porter naturellement à en gémir […]. Un des plus honorables officiers de l’armée d’Afrique, le colonel Pélissier, dont je ferai toujours l’éloge, s’est retrouvé dans une situation des plus pénibles et des plus embarrassantes. Il avait à soumettre des révoltés qui, quelques jours auparavant, avaient lâchement assassiné nos soldats […]. J’avoue que si je m’étais trouvé dans la même situation, j’aurais peut-être fait quelque chose de très sévère, car il ne faut pas perdre de vue que les militaires commandés par le colonel Pélissier étaient les mêmes qui, en 1842, avaient vu leurs camarades mutilés de la manière la plus cruelle. Pensez-vous que, dans une telle situation, les hommes soient capables d’assez de générosité pour oublier les offenses passées ? Nous avons trop souvent le tort, nous autres Français, d’exagérer les faits, de les amplifier, sans tenir compte des circonstances qui les font sortir du cercle habituel. En Europe, un pareil fait serait affreux ; en Algérie, il trouve son explication, et vous n’imposerez jamais à un officier l’obligation de ne pas rendre les offenses qu’il a reçues. »

« Le Siècle », 17 juillet 1845

Un an après l’affaire, le 10 juin 1846, alors que la Chambre discute des crédits extraordinaires de l’Algérie, Alphonse de Lamartine condamne à nouveau les « enfumades » du Dahra. Une voix s’élève dans l’hémicycle : « La guerre est la guerre. » Le député, poète et dramaturge répond :

« Oui, sans doute, il y a guerre et guerre, il y a une guerre qui peut être permise à des peuplades sauvages, mais qui n’est point permise au général d’un peuple civilisé. La guerre de chacal qu’on appelle razzia est faite pour faire rougir un pays civilisé. »
« Gazette de Lyon », 13 juin 1846

Mais pendant que la polémique agite la métropole, les exactions et les « enfumades » continuent de l’autre côté de la Méditerranée. En août 1845, le colonel de Saint-Arnaud asphyxie des Sbéhas qui ont trouvé refuge dans une autre grotte du massif et s’en félicite dans sa correspondance :

« Je fais hermétiquement boucher les issues et je fais un vaste cimetière. La terre couvrira à jamais les cadavres de ces fanatiques. […] Il y a là-dessous cinq cents brigands qui n’égorgeront plus les Français… Ma conscience ne me reproche rien. J’ai pris l’Afrique en dégoût. »

En novembre 1849, le général Emile Herbillon massacre les insurgés de l’oasis de Zaâtcha. En janvier 1850, le colonel François de Canrobert met le feu à Nara, dans les Aurès…

Les responsables des « enfumades » de Dahra, Pélissier et Bugeaud, finiront leur vie avec les honneurs de la France. Le premier obtient le bâton de maréchal de France, le titre de duc de Malakoff, enchaîne les postes sous le Second Empire, avant d’être nommé gouverneur général d’Algérie, où il meurt d’embolie cérébrale en 1864. Le second meurt, lui, en 1849, du choléra, dans un hôtel particulier du quai Voltaire, à Paris. Un siècle plus tard, en 1962, à l’indépendance de l’Algérie, la statue du maréchal Bugeaud, qui trônait place d’Isly (devenue place de l’Emir-Abdelkader), dans le centre d’Alger, sera rapatriée en France puis installée à Excideuil, en Dordogne, la ville dont il a été maire pendant cinq ans. Elle n’a pas bougé de place depuis.

 

 

 

Par Nathalie Funès

Publié le 15 décembre 2019 à 14h00 

https://www.nouvelobs.com/histoire/20191215.OBS22355/femmes-et-enfants-asphyxies-le-scandale-des-enfumades-du-dahra-pendant-la-conquete-de-l-algerie.html

 

 

 

Rédigé le 05/07/2021 à 17:20 dans colonisation | Lien permanent | Commentaires (0)

« On a chassé le juif comme un lapin dans les rues d’Alger »

 

A la fin du XIXe siècle, au plus fort de l’affaire Dreyfus, les israélites d’Algérie, naturalisés français par le décret Crémieux, subissent une flambée de violences antisémites. Récit en partenariat avec RetroNews, le site de presse de la BNF.

 
Gravure « les émeutes à Alger » publiée dans l’édition du 6 février 1898 du « Petit journal ». (« LE PETIT JOURNAL »/GALLICA/BNF)
Gravure « les émeutes à Alger » publiée dans l’édition du 6 février 1898 du « Petit journal ». (« LE PETIT JOURNAL »/GALLICA/BNF)

 
 
L’histoire coloniale en Afrique vue par les journaux français

Une fois par mois, en partenariat avec RetroNews, le site de presse de la Bibliothèque nationale de France (BNF), « l’Obs » revient sur un épisode de l’histoire coloniale en Afrique raconté par les journaux français. Aujourd’hui, retour sur l’embrasement antisémite en Algérie à la fin du XIXe siècle.

Les juifs d’Algérie ont payé cher le décret Crémieux. En octobre 1870, la totalité de la communauté, soit 35 000 israélites, dont une moitié sont des Berbères présents depuis l’Antiquité, sont naturalisés français. L’antisémitisme va peu à peu enflammer le territoire. La crise économique de la fin du XIXe siècle sert de terreau. La surproduction de vin algérien, la sécheresse et les invasions de sauterelles ravivent les vieux préjugés au sein de la population européenne. Le juif, c’est le banquier, le négociant, le marchand de nouveautés ; pas celui qui vit d’aumônes, comme le fait un sixième de la communauté.

 
Il y a 150 ans, le décret Crémieux faisait des juifs d’Algérie des citoyens français

A Alger, les étudiants sont les plus remontés. Ils ont leur chef, Max Régis, fils d’un artisan italien de Sétif, qui étudie le droit. Le jeune homme a gagné ses galons en lançant un encrier à la tête d’un de ses professeurs, Emmanuel Lévy, juif, républicain et socialiste, et en obtenant son renvoi en métropole après avoir organisé une semaine de grève. Max Régis a écopé de deux ans de suspension à l’université mais décroché la présidence convoitée de la Ligue antijuive.

« Le Petit journal », 6 février 1898

Janvier 1898 est le point d’orgue de l’affaire dite du capitaine Alfred Dreyfus, accusé – à tort − de haute trahison (espionnage au profit de l’Allemagne), dégradé dans la cour d’honneur de l’Ecole militaire à Paris et déporté à l’île du Diable, en Guyane. L’acquittement à l’unanimité et à huis clos du commandant Ferdinand Walsin Esterhazy, pourtant véritable auteur du bordereau sur les secrets militaires français transmis à l’Allemagne, est suivi du « J’accuse ! » d’Emile Zola, la célèbre lettre ouverte au président de la République qu’il a publiée dans « l’Aurore ». Partout en France, des manifestations éclatent. A Alger, c’est l’émeute. Les étudiants brûlent un « Zola » de carton. Max Régis promet : « Nous arroserons, s’il le faut, de sang juif l’arbre de notre liberté. » Des bagarres éclatent un peu partout entre juifs et Européens. Un maçon espagnol est tué d’un coup de poignard et d’un coup de revolver, deux autres personnes sont blessées. La foule envahit alors les rues de Bab el-Oued et de Bab Azoun, dans la casbah d’Alger où habitent la plupart des juifs. Armée de ciseaux à froid et de marteaux, elle fait sauter les boulons des barres en fer des magasins juifs, enfonce les volets, défonce les portes, lacère les marchandises, les jette au milieu de la rue, les brûle. Les synagogues sont aussi attaquées, les livres sacrés mis en pièces. Max Régis parcourt les rues en héros.

« Il est près de trois heures, raconte le 24 janvier le quotidien radical-socialiste “la Dépêche de Toulouse”, ancêtre de “la Dépêche du Midi”. A ce moment, on apprend que, dans les rues de Chartres et de la Lyre [dans la casbah d’Alger], une collision vient de se produire entre juifs et antijuifs. Des cris : “A bas les juifs !” retentissent. La manifestation se forme en forçant le cordon des agents de police et pénètre dans la rue de la Lyre, qui est le quartier juif et où la mêlée est générale. »

« Quelques coups de feu éclatent ; des objets divers sont lancés sur les antijuifs des balcons. Enfin, les zouaves [unités d’infanterie de l’Armée d’Afrique], baïonnette au canon, dispersent les assaillants et les assaillis, poursuit le journal. Bientôt des blessés arrivent, soutenus par leurs amis, dans les diverses pharmacies qui avoisinent la place du Gouvernement [renommée place des Martyrs à l’indépendance]. Les premiers soins leur sont aussitôt donnés, mais ils sont vains pour l’un d’eux, M. Cayrol, maçon, qui expire dans les bras du docteur Rouquet. […] A quatre heures, les manifestants apprennent [sa] mort. La surexcitation est extrême. Des cris : “On nous assassine ! A mort les juifs !” éclatent de toute de part, et, malgré les agents et les zouaves qui barrent les principales artères, le flot des manifestants envahit la rue Babazoum. Le pillage de tous les magasins juifs commence. Les manifestants arrachent d’abord les volets, puis s’en servent comme d’un bélier, frappent à coups redoublés sur les devantures qui, bientôt, sont réduites en miettes. Les marchandises en devanture sont enlevées et jetées au vent. D’autres manifestants réunissent les tissus de confections et avec les autres objets en forment des bûchers auxquels ils mettent le feu. […] Une partie de la ville a été livrée au pillage par des malfaiteurs que la foule laisse faire par haine des juifs. »

« La Dépêche de Toulouse », 24 janvier 1898

Les consistoires israélites d’Algérie, créés en 1845, quinze ans après l’arrivée des Français, à Alger, Constantine et Oran, recommandent aux juifs de rester chez eux, de ne pas sortir sauf impératif. La population se terre. La revue mensuelle, les « Archives israélites de France », qui vient d’être créée à Paris, est vent debout :

« Les manifestations antisémites qui ont déshonoré quelques villes de France ont eu leur contrecoup en Algérie, où les passions sont surexcitées, chauffées à blanc depuis des mois […]. Il est évident que les agitateurs antisémites algériens, toujours prêts aux mauvais coups, apprenant qu’on huait les juifs en France − ce qui ne s’était jamais vu − se sont dit qu’on pouvait − avec la différence de latitude − forcer la note et passer sans transition des cris aux coups […]. Les troubles ont eu pour origine un meeting monstre tenu à Mustapha, vendredi soir, où les discours les plus violents ont été prononcés contre les israélites. Rentrés en ville, en bandes, les manifestants, malgré la présence des troupes qui essayaient de leur barrer le passage, se répandirent dans les rues principales. »

« Archives israélites de France », 27 janvier 1898

Le journaliste et polémiste Edouard Drumont, 44 ans, est le plus célèbre antisémite de France. Il est l’auteur en 1886 du pamphlet « la France juive », best-seller de cette fin de siècle qui s’est vendu à plus de 60 000 exemplaires la première année. Il a aussi fondé en 1892 le journal « la Libre parole », sous-titré « la France aux Français », et a participé à la création de la Ligue antisémitique de France. L’Algérie devient son terrain de jeu favori.

Quand l’auteur de « la France juive » faisait le « buzz » (toute ressemblance avec Zemmour…)

« Il nous apparaît, à nous, que ce sont les juifs qui, les premiers, ont provoqué, ont insulté, ont incendié, écrit “la Libre parole” le 29 janvier 1898. Vous allez encore crier, à “la Libre Parole”, nous a dit à la Chambre un de nos confrères imbu de certaines idées un peu vieillottes, que c’est le lapin qui a commencé. Parfaitement, nous le disons, nous le maintenons avec la dernière énergie. On a chassé le juif comme un lapin, dans les rues d’Alger. Et vous autres philosémites, vous vous indignez devant ce spectacle qui passe, je ne sais pourquoi, pour avoir été, au Moyen Age, le divertissement ordinaire de nos ancêtres. Mais vous vous obstinez à ne lire jamais que la conclusion de l’éternelle histoire des luttes entre juifs et non-juifs. Une demi-heure avant que le juif ne fût traité comme un simple lapin dans les rues d’Alger, il se conduisait comme une bête de carnage, parcourant la ville avec des hurlements de mort, insultant les Français, incendiant les magasins français : “Vive Dreyfus !… A bas la France ! Mort aux Français !…” »

« Des scènes de sauvagerie dignes d’une peuplade de cannibales, lit-on plus loin. […] Un brave ouvrier, un maçon, un père de famille, revenant de son travail, Félix Cayrol, âgé de 32 ans, marié et père de deux enfants, habitant boulevard Gambetta, maison Roman, tombe frappé d’un coup de revolver à la tempe droite, et ce qui est plus grave et entraînera sa mort, d’un coup de stylet triangulaire qu’un juif lui plante par-derrière entre les deux épaules, lui perforant le poumon droit […]. Oui ou non, est-ce le lapin qui a commencé ? […] »

« Un des principaux négociants de Paris a reçu hier d’Alger, de l’un de ses clients, Israélite bien connu sur la place, le télégramme suggestif qui suit : “Retirez traite, troubles continuent.” Ce qui veut dire, en bon français commercial : “Les troubles de la rue ont arrêté les affaires et troublé l’état de ma caisse ; impossible donc de payer votre traite le 31 de ce mois.” Le juif spécule sur tout, même sur les raclées que lui décernent les Français las de sa tyrannie, écrit “la Libre Parole”. Il ne s’est jamais produit de troubles, soit à Alger, soit à Oran, soit à Constantine, sans que les juifs en aient profité pour ne pas payer leurs billets ou leurs traites ».

« La Libre parole », 29 janvier 1898

Le jour des obsèques de Félix Cayrol, le maçon espagnol, deux israélites sont roués de coups dans un tramway. L’un d’eux meurt dans la nuit, le crâne défoncé. Aux élections législatives de mai 1898, plusieurs antisémites notoires se présentent en Algérie. Les Français leur font un triomphe. Ils élisent les « quatre mousquetaires gris », surnommés ainsi car ils arborent un chapeau de feutre anthracite, symbole de la cause antisémite : Edouard Drumont et le journaliste Charles Marchal à Alger, les avocats Emile Morinaud à Constantine et Firmin Faure à Oran. Le quatuor crée un « groupe antijuif » à la Chambre des Députés.

« Le triomphe de l’antisémitisme dans l’élection de Drumont est l’événement capital du 8 mai, écrit “la Croix”, fondé quinze ans auparavant par la congrégation des Augustins de l’Assomption et qui arbore en “une” l’effigie du Christ en croix assortie de la phrase en latin “Adveniat regnum tuum”, (“Que ton règne vienne”). Cette fois, ce n’est pas l’Anglais qui est bouté dehors, c’est le juif qui avait bien autrement envahi la France que l’Anglais ; et, chose bizarre, c’est cette Algérie que nous avions volontairement livrée pieds et poings liés aux juifs qui délivre la mère patrie et nous donne la note de victoire. »

« Alger est en fête, raconte le correspondant du journal, depuis midi, tous les magasins sont fermés : la plupart ont pavoisé et illuminé ; le temps est splendide, tout le monde est dehors. Hommes et femmes, en très grand nombre, ont arboré les couleurs antijuives de Drumont : le bleuet. Les réjouissances vont continuer toute la nuit ; on n’a jamais rien vu de pareil. Tous les visages sont rayonnants, il semble que chacun ait remporté une victoire. Ces manifestations sont spontanées et vraiment populaires, il y en a de très originales et de très touchantes, dans tous les genres, de la part de toutes les classes de la population confondues, fondues dans une même pensée et un même sentiment. C’est une journée qui fera époque pour notre belle colonie ; Français, Espagnols, Italiens, Maltais, arabes y participent avec entrain. Les juifs seuls sont en deuil, renfermés chez eux par prudence, c’est un commencement de justice, mais ce n’est pas suffisant, il restera encore beaucoup à faire et il faudra de la fermeté et beaucoup de persévérance. »

« La Croix », 11 mai 1898

Les « Archives israélites de France » n’ont pas tout à fait la même analyse de l’élection d’Edouard Drumont au Parlement :

« Que le grand aboyeur puisse enfin s’asseoir sur les bancs de ce Palais-Bourbon qu’il a traité de “caverne de brigands”, et aborder la tribune nationale qu’il a traînée dans la boue, son impuissance politique éclatera bien vite et pour les raisons suivantes. D’abord, c’est un général sans troupes. Il pourra donc difficilement jouer le rôle de chef de parti. L’accueil qui lui sera fait par ses collègues ne pourra être que froid, vu qu’il n’est pas un seul parti, républicain, socialiste, catholique, monarchique, rallié ou modéré, qu’il n’ait accablé de brocards et d’injures. Enfin, pour exercer une action quelconque à la Chambre, à défaut de partisans, il faut au moins être doué d’un grand talent oratoire. A en juger par ses courtes et si incolores harangues prononcées au cours de la période électorale, la nature n’a pas généreusement doté le chef de l’école antisémite de ce côté-là. »

« Archives israélites de France », 12 mai 1898

A l’automne suivant, aux élections municipales, rebelote. Les Algérois votent en masse pour Max Régis. L’étudiant en droit est couvert de fleurs, adulé, acclamé, quand il s’installe à l’hôtel de ville. Le conseil municipal s’ouvre aux cris de « A bas les juifs ». Le nouveau maire veut leur interdire le port du costume indigène, les théâtres, les promenades publiques, les fêtes populaires, les sociétés de tir, d’escrime, de gymnastique, de chant, de musique, les grands cafés, les brasseries. L’administration préfectorale ne ratifie pas les arrêtés municipaux.

Qu’importe, à la taverne Grüber, boulevard de la République, « la clientèle française et antijuive est assurée de ne pas rencontrer de youpins dans cette maison de tout premier ordre confiée aux mains d’un brave et bon Français », lit-on dans « l’Antijuif algérien », le nouveau journal lancé par Max Régis. On voit aussi apparaître des cigarettes antijuives, de l’absinthe antijuive, des romans antijuifs… Les aventures de Cagayous, « le plus grand voyou d’Alger », écrites par Auguste Robinet, un fonctionnaire de l’Assistance publique, s’arrachent dans la rue. Douze milles exemplaires du premier opus sont partis en une seule journée. Cagayous parle le « pataouète », l’argot de Bab el-Oued, et se revendique haut et fort comme antisémite. « Il l’est jusqu’aux replis secrets de l’âme ; il l’est d’essence, de religion, de vocation ; il l’est totalement », précise son auteur. Les paroles de « la Marseillaise » sont réécrites, pour donner une version antisémite baptisée

 

« l’Algérienne ».

 

« Allons enfants de l’Algérie

Le jour d’agir est arrivé

Culbutons cette juiverie

Dont notre bon sol est pavé (bis)

Le youdi crasseux et rapace

Nous a longtemps fait la loi

Il rêve d’être notre roi

En nous imposant sa triste race

(Refrain)

Citadins et colons, arabes et roumis

Unis, unis,

Chassons les juifs de notre pays…

Les juifs avant notre conquête

Etaient de sales bêtes

Ils étaient crasseux et teigneux

Avant Crémieux…

Maintenant, l’Juif est un autre homme

Il fait la gomme

Il fait le select, le pschiteux

Depuis Crémieux

Les juifs avant notre conquête

Etaient de sales bêtes

On leur crachait dans les yeux

Avant Crémieux…

Maintenant le juif plein d’importance

Gonfle la panse

Il se croit au-dessus des cieux

Depuis Crémieux. »

 

Image de Max Régis à la prison d’Alger parue dans l’édition du 25 juin 1898 du « Monde illustré ». (LEROUX/« LE MONDE ILLUSTRE »/WIKIMEDIA COMMONS)
Image de Max Régis à la prison d’Alger parue dans l’édition du 25 juin 1898 du « Monde illustré ». (LEROUX/« LE MONDE ILLUSTRE »/WIKIMEDIA COMMONS)

Peu de journaux de la métropole s’émeuvent de cet embrasement antisémite sur l’autre rive. Le quotidien « le Matin » est un des rares à monter au créneau. « L’Algérie est-elle possession française, terre française, régie par les lois françaises ? L’Algérie est-elle pays libre ?, s’inquiète-t-il le 6 décembre. Non. L’Algérie, qui a des députés, un gouverneur général, des préfets, des magistrats, des fonctionnaires de tout ordre, est en réalité le fief d’une bande d’énergumènes qui l’asservissent, qui se mettent au-dessus des lois, ou plutôt dont le bon plaisir fait loi. Gouverneur général, préfets, magistrats, fonctionnaires assistent impuissants ou complices aux exploits de la bande qui spécule sur les passions fanatiques et les plus vils instincts d’une multitude aveuglée. »

« Max Régis règne à Alger. II y commande en maître. Il y exerce la plus abominable tyrannie, poursuit le journal. Ce n’est pas les écrits de ses adversaires, les plaintes de ses victimes qui le dénoncent. Il suffit de lire son journal, l’“Antijuif”, le journal officiel de M. le maire d’Alger. On y trouve, par exemple, ceci : “Françaises achetant chez les juifs. Nous avons annoncé dernièrement que nous allions organiser une équipe de photographes, munis d’instantanés, ayant pour mission de ‘fixer’les traits des Françaises persistant à acheter chez les juifs. C’est chose faite aujourd’hui. Les huit photographes de l’‘Antijuif’ont déjà commencé leurs opérations et nous ont livré un certain nombre de clichés que nous faisons agrandir. Cette opération terminée, nous les exposerons dans une salle de dépêches qui sera prochainement installée. Ce sera très curieux.” »

« Ce sera très curieux, en effet, reprend “le Matin”. Les antisémites algériens ne se contentent plus de mettre à l’index, de boycotter les commerçants israélites ; ils mettent à l’index, ils boycottent les Françaises qui se permettent, contrairement aux ordres de M. Max Régis, de se fournir dans un magasin juif, d’acheter un ruban ou une paire de gants chez un circoncis. M. Max Régis a inventé un procédé dont tout le monde reconnaîtra l’ingéniosité. La photographie des délinquantes sera exposée dans les bureaux de l’“Antijuif”. Nul doute qu’on n’en distribue des reproductions aux hommes d’action et de main, malandrins, exécuteurs des basses œuvres de l’antisémitisme. Ce sera très commode à l’heure propice des futures assommades. »

« […] Je pourrais faire d’autres citations et n’aurais que le choix. Dans chaque numéro de l’“Antijuif”, tout le long de ses colonnes s’étalent les dénonciations, les injures, les outrages adressés non seulement aux israélites, mais à tous ceux qui ne font pas profession publique d’antisémitisme, qui osent ne pas crier “A bas les juifs ! Mort aux juifs !”. C’est chaque jour une nouvelle liste de futurs proscrits, des proscrits de demain, car M. Max Régis signifie aux Israélites qu’ils devront, à bref délai, s’exiler. “Il faut, écrit-il, que les juifs partent, et qu’ils partent de bon gré aujourd’hui s’ils ne veulent pas, demain, partir de force !” Et, comme M. Max Régis manie agréablement l’ironie, il ajoute : “La municipalité d’Alger est résolue à faire une concession aux hébreux de la ville. Elle leur offre le passage gratuit à bord de navires spécialement frétés pour Marseille.” » Et « le Matin » de conclure : « Y a-t-il un gouverneur général à Alger ? Y a-t-il un gouvernement en France ? »

« Le Matin », 6 décembre 1898

L’agitation dure quatre ans. Les « quatre mousquetaires gris » perdent leur siège en 1902. Max Régis, qui avait été élu une deuxième fois à la mairie d’Alger, est révoqué par l’administration. Il rebaptise son journal « l’Antijuif » d’un titre plus neutre, « l’Algérien ». La rage antisémite du tournant du XIXe siècle semble éteinte. Pour quelques décennies seulement.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, un dispositif législatif antijuif est mis en place par le régime de Vichy, sans que l’Allemagne ne le lui ait demandé. Perte de la nationalité française dès octobre 1940, application des lois métropolitaines sur le statut des juifs, interdiction d’un grand nombre de professions, expulsion des élèves des établissements scolaires, internement d’une quinzaine de milliers de soldats juifs démobilisés dans des camps du sud algérien… Le débarquement allié de novembre 1942 en Afrique du Nord permettra de stopper l’avancée des troupes allemandes arrivées jusqu’en Tunisie, où des juifs sont déportés. Les juifs d’Algérie retrouvent la nationalité française l’année suivante. A l’indépendance en 1962, ils s’installent en métropole où la plupart n’ont jamais mis les pieds, et où ils seront assimilés à la masse, très hétéroclite, des pieds-noirs.

Nathalie Funès

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Par Nathalie Funès

Publié le 04 juillet 2021 à 14h00
https://www.nouvelobs.com/histoire/20210704.OBS46098/on-a-chasse-le-juif-comme-un-lapin-dans-les-rues-d-alger.html
 
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Rédigé le 05/07/2021 à 01:24 dans colonisation, Culture, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)

Al-Jazeera dévoile un rapport allemand sur l’assassinat de Krim Belkacem

 

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Allons-nous connaître un jour, enfin, toute la vérité sur la mort de Krim Belkacem ? D. R

 

Al-Jazeera a consacré un documentaire à l’ancien chef historique de la Guerre de libération nationale Krim Belkacem, assassiné en Allemagne le 18 octobre 1970. La chaîne qatarie affirme avoir mis la main sur le dossier de l’enquête qui «révèle de nouveaux détails secrets sur l’assassinat». «L’émission Une fin troublante a réussi à obtenir des documents confidentiels révélés pour la première fois relatifs aux résultats de l’enquête que les autorités allemandes n’ont jamais voulu rendre publics», explique le média qatari.

 

Selon Al-Jazeera, les pièces à conviction en question indiquent que Krim Belkacem, qui s’était déplacé en train de Düsseldorf à Francfort en compagnie de deux personnes, avait été drogué avant d’être assassiné. Le rapport des services secrets allemands faisait état de la nécessité de garder cette affaire secrète et de ne pas en informer les médias pour des raisons politiques. Selon les documents en possession d’Al-Jazeera, trois personnes ont rejoint Krim Belkacem à son hôtel, dont deux avaient été identifiées mais qui auraient décliné une fausse identité. Les assassins auraient quitté l’hôtel sans avoir au préalable payé leur nuitée. «Ils sont en fuite depuis ce jour», précise la chaîne qatarie.

Al-Jazeera révèle que les bagages des trois suspects avaient été retrouvés au bureau des objets perdus de la gare de Francfort. Dans l’une des valises se trouvaient la pièce d’identité de Krim Belkacem, une somme d’argent lui appartenant et des notes secrètes écrites de sa main qui préludaient une «action politique violente visant à renverser le régime à Alger». La chaîne, qui affirme avoir tenté, en vain, d’obtenir de plus amples informations auprès des proches de Krim Belkacem s’interroge sur les commanditaires de l’assassinat.

«Les déclarations des invités de l’émission sont contradictoires», note Al-Jazeera. «Certains accusent les autorités algériennes de l’époque qui voyaient en Krim Belkacem une menace pour le régime, d’autres pointent des officines étrangères qui cherchaient à provoquer une guerre civile en Algérie, tandis que d’autres encore n’excluent pas l’implication des services secrets français et israéliens.»

Krim Belkacem fut enterré dans le carré musulman de la ville allemande de Francfort jusqu’au 24 octobre 1984, date à laquelle il sera réhabilité et ses restes mortuaires transférés à Alger où il repose au Carré des martyrs d’El-Alia.  

 
 

 

octobre 19, 2020 

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Rédigé le 04/07/2021 à 15:07 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)

5 juillet 62, une date marquant une victoire historique contre une puissance coloniale

 

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l'époque, après plusieurs années de lutte et de combats.

 

A la veille de la célébration du 59eme anniversaire de l'Indépendance de l'Algérie, les moudjahidine Maàmar Medane et Belkacem Mitidji ont souligné à l'APS, que "l'indépendance était considéré par beaucoup d'algériens comme un rêve difficile à réaliser en raison des injustices et des exactions commises contre eux par le colonisateur français".

"C'était pour nous le commencement d'une nouvelle vie porteuse de joie, d'exultation et de victoire", ont-ils souligné.

Le moudjahid Maàmar, ancien condamné à mort en 1957, s'est remémoré que le 5 juillet "le peuple algérien, qui a subi les pires atrocités, est sorti de l'enfer du colonialisme pour aller au paradis".

"Nous vivions comme des esclaves sur notre propre terre et étions à la merci des colons qui nous traitaient de la pire manière. Notre vie était faite d'humiliation, de racisme et de misères", s'est-il rappelé amèrement. "Et, le 5 juillet 1962 fut le jour où nous sommes revenus à la vie", a-t-il assuré.

Maàmar Medane faisait parti des étudiants condamnés pour avoir rejoint la Révolution après l'appel du 19 mai 1956. Il a choisi de quitter les bancs de l'école Ahmed Senhadji (ex-Bonnier) de Blida, pour rejoindre la Révolution et la résistance.

M. Medane a relaté "la torture et les sévices que lui ont fait subir les militaires français, 90 jours durant, à Haouch ‘Chenou’ de Blida", au moment où ses compagnons étaient à la prison de Serkadji et "étaient traînés pieds et poings liés vers la guillotine pour être exécutés".

Le moudjahid a, également, abordé la grève de la faim qu'il a observé, lui et ses compagnons (près de 200 détenus) pendant 13 jours à la prison d'El Harrach, où il fut transféré, après que la France coloniale ait décidé d'en faire des otages durant les négociations d'Evian.

Cette "grève de la faim était destinée à faire pression sur la France, à faire entendre notre voix et dire que nous combattons pour l'indépendance de notre pays. Nous n'étions pas des hors-la-loi comme elle le prétendait", a-t-il souligné, ajoutant que "l'indépendance nous a ramené à la vie, nous qui attendions notre exécution à chaque minute de la journée".

A sa sortie de prison, le 15 mai 1962, le moudjahid Maàmar Medane a poursuivi son combat en participant à la bataille du développement, en s'impliquant notamment dans la mission de l'éducation des algériens, dont la majorité était analphabète.

Le moudjahid Belkacem Mitidji qui était, lui aussi, parmi les étudiants qui avaient rejoint la Révolution, alors qu'il n'avait pas encore 16 ans, s'est rappelé que les "festivités de célébration de l'indépendance ont débuté à Blida, dés l'annonce du cessez le feu le 19 mars 1962 avec la libération des détenus qui était accompagnée par des explosions de joie et d'allégresse parmi les citoyens".

"C'était un sentiment de joie mêlée à l'exultation, un moment indescriptible au regard de la grandeur de cet événement historique", a-t-il affirmé.

"Tout le monde était heureux. Les mères au foyer faisaient du pain qu'elles offraient aux voisins et aux proches, et cousaient l'emblème nationale, qui avait envahi les rues et les villes par milliers", s'est souvenu le moudjahid, observant que ce bonheur a fait oublier aux algériens "leur misère et leurs conditions de vie difficiles".

Des parades ont été organisées dans toute la ville de Blida à cette occasion, selon le moudjahid Mitidji, qui fut incarcéré une année après avoir rejoint la Révolution et libéré à la veille de l'indépendance.

Le moudjahid s'est, aussi, remémoré la réaction des familles, notamment des mères qui ont perdu leur fils durant la Guerre de libération nationale et qui dés l'annonce du cessez-le-feu, se sont dirigées vers les campagnes et les banlieues des villes, où étaient positionnée l'Armée du Front de libération nationale, en vue de rechercher leurs enfants et proches qui ont rejoint la Révolution donnant lieux à "des scènes émouvantes, où la tristesse se mêlait à la joie, certains ayant survécu, alors que d'autres étaient tombés au champ d'honneur", a-t-il ajouté.

Les festivités du 5 juillet 1962 à Blida, immortalisées par des photos

M. Youcef Ouraghi (84 ans), enfant de Blida et mémoire vivante de la ville, a évoqué, quant à lui, les scènes de liesse qui ont déferlé sur la ville le 5 juillet. "L'emblème nationale était partout, à l'entrée de chaque maison, aux balcons, au niveau des immeubles, commerces et bâtisses de la ville", a-t-il dit.

"La place Ettoute (actuelle place du 1er novembre), dans le centre ville de Blida, était ornée de vert, blanc et rouge et tous les algériens, femmes, hommes et enfants, étaient sortis dans la rue pour célébrer l'indépendance", a-t-il raconté.

Ces festivités, qui ont duré plus d'une semaine, ont été marquées par l'organisation d'une grande parade des soldats de l'Armée de libération nationale (ALN), qui sont arrivés dans la ville en portant haut l'emblème national, sous les youyous stridents des femmes. "Cette scène est restée gravée dans ma mémoire", a assuré M. Ouraghi, visiblement ému par cette évocation.

Des scènes de liesse qu'il a immortalisé par des photos préservées jalousement à ce jour dans un album relatent les détails de cet événement historique et les purs moments de joie de cette date mémorable.

 
 
 
samedi, 03 juillet 2021
https://www.aps.dz/algerie/124420-5-juillet-1962-une-date-marquant-une-victoire-historique-contre-une-puissance-coloniale
 
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Rédigé le 04/07/2021 à 08:45 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)

« Nous voulions fuir l’enfer du racisme aux États-Unis » : Melvin Mc Nair, Black Panther exilé en Normandie

 

e 31 juillet 1972, cet ancien membre des Black Panthers a détourné un avion, et sa vie a basculé.

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Extrait de « Libération » du 20 Novembre 1978.

PHOTOGRAPHIE DE DR
 
 

Melvin McNair, 73 ans, est une figure bien connue du quartier populaire de la Grâce de Dieu, à Caen. Voilà près de 30 ans que ce médiateur s’affaire à rendre la vie des jeunes du coin un peu moins difficile grâce au sport. Près de 30 ans aussi que ce passionné ne rate aucun match de baseball dans sa ville. Un engagement d’ailleurs si soutenu que le terrain de baseball local porte son nom ainsi que celui de sa femme Jean, depuis 2015.

Mais Melvin McNair a eu une autre vie, bien loin de la Normandie. À 23 ans, ce membre des Black Panthers, mouvement de libération afro-américaine, a détourné un avion reliant Detroit à Miami. Le but : s’évader d’une société américaine raciste, jugée étouffante. Entretien.

Vous avez grandi aux États-Unis pendant la ségrégation. Vous n’aviez pas accès aux mêmes fontaines à eau, écoles, universités, aux mêmes places dans le bus…Quelle est l’injustice la plus marquante de votre enfance ?

Il faut s’imaginer qu’à cette époque, nous vivions dans une sorte de « bulle Noire », avec finalement peu de contact avec les Blancs. Pour nous, leur monde était différent, de l’autre côté d’une barrière. Lorsque j’avais 10 ans, ma mère et ma sœur ont été arrêtées à cause de leur participation à une manifestation pour les droits civiques. Elles ont passé une nuit enfermées. J’ai donc été élevé par des femmes de caractère ! Ma mère, la dernière d’une fratrie de quatorze enfants, nous a éduqués dans les valeurs de solidarité et de partage de l’Église. Notre conscience socio-politique venait de la religion. En 1966, j’ai intégré la faculté de Caroline du Nord avec une bourse grâce à mes très bonnes performances sportives - je jouais au baseball et au football américain. C’est là que j’ai moi-même commencé à manifester. Je bénéficiais d’une certaine influence car j’étais capitaine d’équipe, donc j’avais la responsabilité d’amener les autres étudiants aux manifestations. Le mouvement des droits civiques battait alors son plein. En 1968,  Martin Luther King a été assassiné. Nous qui vivions dans notre bulle séparée, nous l’avons vécu comme une agression directe du monde extérieur. J’ai pris part aux émeutes qui ont suivi.

Piscine réservée aux Noirs pendant la ségrégation raciale aux États-Unis.

Piscine réservée aux Noirs pendant la ségrégation raciale aux États-Unis.

PHOTOGRAPHIE DE MELVIN & JEAN : AN AMERICAN STORY, RÉALISÉ PAR MAIA WECHSLER

Ensuite, lors de votre service militaire à Berlin, vous continuez à subir le racisme…

Le premier soir de notre arrivée, nous avons vu un jeune militaire afro-américain sur le point d’être attaqué par cinq ou six militaires américains blancs, avant que nous intervenions. Nous avons tout de suite compris que nous n’étions pas les bienvenus. Plus largement, ce fut aussi la première fois de ma vie que j’étais dans un environnement où Noirs et Blancs étaient mêlés. J’ai subi les discriminations de plein fouet. Automatiquement, on me considérait comme inférieur. La ségrégation légale et physique avait pris fin, mais ce n’était pas la fin du racisme. Les mentalités n’ont pas magiquement changé d’une année à l’autre ! À l’armée, je n’avais pas la possibilité d’évoluer alors que j’avais d’excellents résultats. Mais s’il y avait eu une égalité des chances, je serais probablement resté. J’aimais l’action. Je pensais devenir tireur d’élite.

À quel moment vous rapprochez vous des Black Panthers ?

J’ai commencé à résister au sein de l’armée, de manière non violente. Avec d’autres camarades, nous refusions de saluer les officiers ou de se mettre debout lors de l’hymne national. Nous laissions pousser nos afros. Nous portions des bracelets noirs pour marquer notre appartenance au mouvement de libération des Black Panthers. Le tout pour protester à la fois contre le racisme dans l’armée, mais aussi contre une guerre raciste. Celle du Vietnam. Certes, c’était un enfer pour tout le monde, Noirs comme Blancs. Mais pour nous qui subissions le racisme, il y avait encore une autre dimension. C’était une guerre menée contre un autre peuple opprimé. Il fallait voir comment les dirigeants américains qualifiaient les Vietnamiens…Des mots qui étaient l’équivalent de « nègre » pour nous. Malcom X et Martin Luther King s’étaient d’ailleurs publiquement opposés à ce conflit. Quand j’ai appris que l’on allait m’envoyer là-bas, mon fils ainé venait de naître. J’ai refusé.

Manifestation des Black Panthers contre la guerre du Vietnam.

Manifestation des Black Panthers contre la guerre du Vietnam.

PHOTOGRAPHIE DE MELVIN & JEAN : AN AMERICAN STORY, RÉALISÉ PAR MAIA WECHSLER

Vous allez donc vivre dans la clandestinité..

Oui. Ce choix fut un vrai tournant dans ma vie. Au départ je souhaitais quitter l’armée légalement mais ce n’était pas possible. Si je m’étais rendu, on m’aurait fait un procès et je risquais la prison. Cela dit, j’aurais pu accepter cela. J’en aurais fait un événement politique. Et puis j’aurais ensuite pu continuer ma vie, sans détourner un avion. Car cette action nous condamnera à l’exil. Je regrette de ne pas avoir résisté légalement.  Mais j’avais trop de rage en moi. Et je ne voulais pas abandonner ma femme, Jean, et mon fils, Johari. Donc nous sommes allés à Détroit rejoindre des amis de Jean. Nous avons trouvé du travail, mais notre situation était précaire. Nous ne pouvions pas nous joindre aux Black Panthers par crainte de se faire repérer par la police. Ils étaient sous haute surveillance, et nous étions recherchés. Nous ne pouvions pas non plus rester trop longtemps chez ces amis. Et nous vivions toujours dans une société raciste. Un soir, mon ami George Brown s’est fait tirer dessus par plusieurs policiers de la brigade « STRESS » (« Stop the Roberies, Enjoy Safe Street », soit « Arrêter les vols, profitez de rues sûres », ndlr)  en sortant du cinéma. Il s’en est sorti, mais il aurait pu y passer. Aujourd’hui avec Black Lives Matter on parle des Noirs tués par la police. George est l’un des survivants. Il a finalement remporté son procès, soutenu par le mouvement des droits civiques, mais les policiers nous ont menacé en retour.  Il fallait que l’on quitte l’Amérique. Et nous avions lu que l’Algérie accueillait les Black Panthers. Nous avons dû trouver un moyen d’y aller.

Le 31 juillet 1972, vous détournez un avion qui devait relier Detroit à Miami en compagnie de votre femme Jean, vos deux enfants, et quatre autres personnes (George Brown, George Wright et sa compagne Joyce Tillerson accompagnée sa fille), pour ensuite l’utiliser comme moyen de transport jusqu’à Alger.   Comment vous y êtes-vous préparés ?

À l’époque, il faut s’imaginer qu’il y avait des détournements d’avion tout le temps. C’était à la mode. Nous avons inspecté l’aéroport, nous nous sommes assurés qu’il n’y avait pas de système élaboré de détecteurs de métaux, et nous avons fait des interviews d’employés. Nous avions étudié le type d’avion qui pouvait traverser l’Atlantique : celui qui reliait Detroit à Miami en était bien capable. Nous avions des armes, mais nous voulions que ce détournement se déroule sans violences. Nos enfants nous accompagnaient. Mais nous ne voulions pas montrer leur lien de parenté avec nous. Autrement, nous n’aurions rien pu négocier. Nous n’étions pas animés par la haine, mais par la rage. Nous voulions fuir l’enfer du racisme aux États-Unis.

Comment s’est déroulé le détournement ?

George s’est présenté avec une arme devant le pilote. Celui-ci est resté très calme. Il a annoncé aux passagers qu’il fallait rester zen et qu’il y avait un détournement en cours. Nous avions enregistré des musiques du top 50 pour les diffuser pendant le vol et détendre l’atmosphère. Arrivés à Miami, nous avons demandé une rançon d’un million de dollars en échange des passagers. Au départ les autorités ont refusé. Ils voulaient nous donner seulement la moitié. Nous avons répondu que dans ce cas-là, nous gardions les femmes et les enfants. C’était du bluff, mais ils ont finalement accepté. Nous avions aussi exigé que l’agent du FBI vienne en maillot de bain avec la valise pleine de billets, pour éviter qu’il soit armé. Ce qu’il a fait. Une fois les passagers descendus, la pression est descendue d’un cran. Avec l’équipe d’hôtesses ainsi que le pilote, nous avons volé jusqu’à Alger. Là nous avons pu discuter de l’antiracisme. Nous voulions simplement leur montrer que nous étions tous humains. Nous jouions avec nos enfants. Et le pilote nous a emmené à bon port. Pour moi c’est le héros de cette histoire. Il nous a menés dans la tempête. Par la suite, nous lui avons présenté nos excuses, ainsi qu’à sa fille qui a été extrêmement inquiète ce jour-là. Plus largement, nous avons toujours ce regret d’avoir mis des gens dans cette situation-là.

Lors du détournement de l’avion Delta, le 31 Juillet 1971, à l’arrivé à Miami ils ont ...

Lors du détournement de l’avion Delta, le 31 Juillet 1971, à l’arrivé à Miami ils ont exigé que l’agent FBI vienne consigner une rançon d’un million de dollar en maillot de bain pour éviter qu’il soit armé.

PHOTOGRAPHIE DE AP/MELVIN & JEAN: AN AMERICAN STORY, RÉALISÉ PAR MAIA WECHSLER

Comment s’est passée l’arrivée en Algérie ?

Quand nous sommes arrivés, les Black Panthers étaient en fait sur le départ. Ils n’avaient plus bonne presse. Les relations se tendaient avec le gouvernement algérien, qui commençait à se rapprocher du gouvernement américain. À notre arrivée les autorités algériennes ont renvoyé l’argent qu’ils ont trouvé de notre rançon aux États-Unis. Après un peu moins d’un an sur place, on voyait bien que ça n’allait pas être possible de faire nos racines ici. Et ainsi nous avons dû faire le choix le plus difficile de notre vie : nous séparer de nos enfants pour les renvoyer aux États Unis avec nos familles. Cela nous a déchiré le cœur. Nous savions qu’ils retournaient en enfer. Mais pour trouver une solution de long terme, nous n’avions pas le choix. L’exil aurait été trop dangereux pour eux. Ensuite nous nous sommes concentrés sur comment les récupérer.

Aidé par un réseau de solidarité internationale, vous arrivez en France. Vous êtes hébergé par des familles françaises jusqu’à votre arrestation en 1976.

Nous sommes partis d’Algérie grâce à des faux passeports, sous des faux noms que nous avons ensuite conservé en France. Nous avons bénéficié du soutien du réseau Solidarité, fondé par Henri Curiel (militant des luttes d’indépendance, ndlr). Rencontrer ces personnes qui nous aidaient nous a apporté la preuve que le monde n’était pas hostile. C’était une manière de guérir, de cicatriser nos blessures. Grâce à cette ouverture en France, on a vu l’avenir s’éclaircir. Auparavant, il y a avait toujours un mur en face de nous. Nous travaillions, Jean comme femme au pair et moi comme ouvrier. Mais nous étions surveillés et nous le savions. En mai 1976, nous avons finalement tous été arrêté en même temps: George, Joyce, Jean et moi-même (George Wright a poursuit sa cavale hors de l’Hexagone, ndlr). Ce fut un soulagement. À l’époque, nous pensions de toute façon à nous rendre car la clandestinité était éprouvante.

La France refuse de vous extrader vers les États-Unis, au nom de la valeur politique de vos actions. Comment avez-vous vécu cette décision?

Le refus de l’extradition fut un soulagement pour tout le monde. Nous risquions près de vingt ans de prison si nous étions renvoyés aux États-Unis. C’est toujours le cas d’ailleurs. C’était aussi une preuve que l’État français reconnaissait notre récit. Il prenait en considération le contexte de nos actions. L’opinion publique nous soutenait. Pour moi la France était réellement le pays des droits humains ! En 1978 se tint finalement notre procès aux assises. Les témoins ont dû faire le trajet depuis les États-Unis. C’était une première ! Les femmes ont été libérées presque immédiatement. Les enfants les ont rejointes. J’ai été condamné à cinq ans en tout mais ma peine a été réduite ensuite pour bonne conduite.

Melvin and Jane McNair, extrait du film “Melvin & Jean: An American Story”, réalisé par Maia ...

Melvin and Jane McNair, extrait du film “Melvin & Jean: An American Story”, réalisé par Maia Wechsler. 

PHOTOGRAPHIE DE MELVIN & JEAN : AN AMERICAN STORY, RÉALISÉ PAR MAIA WECHSLER

Comment avez-vous vécu votre incarcération ?

Comme j’ai toujours été très sportif, je m’entraînais beaucoup. J’avais la visite d’éducateurs et d’aumôniers. Même là-bas, nous avions des sympathisants et de quoi lire. Nos corps étaient enfermés, mais nos esprits étaient libres. Les autres détenus me respectaient. En prison quand on a détourné un avion, on est au sommet de la hiérarchie ! On a même tenté de me recruter pour des braquages. Mais j’ai dit non. Cette fois-ci j’ai su éviter les pièges de la négativité. J’ai pu réfléchir. J’avais une richesse en moi, je viens d’une famille très éduquée. Mais lorsque j’étais jeune et plein de rage, je ne l’ai pas vu. Je n’avais pas de mentor pour me guider. C’est en France que j’ai appris comment bien résister. Comment ne pas alimenter l’engrenage de la violence, comment ne pas tomber dans la délinquance, comment ne pas se résigner non plus. C’est tout un art de savoir s’opposer à l’injustice. Il y a de nombreux pièges qui peuvent décourager. La prison fut encore une autre étape de mon éducation.

Comment s’est faite la transition vers votre emploi de médiateur dans le quartier populaire de la Grâce de Dieu à Caen ?

À ma sortie de prison, j’ai travaillé notamment à l’usine Steiner. Il y avait beaucoup de tensions, notamment avec les syndicats. À tel point que pendant une grève, un jeune s’est suicidé. Il y avait aussi du racisme et de l’antisémitisme. Moi qui étais pétri de théories révolutionnaires, je ne pouvais plus vivre dans un contexte comme celui-ci.  Je voulais comprendre les relations humaines. Je suis tombé sur une offre pour être animateur. Et en parallèle je continuais à jouer au baseball et à entraîner des équipes. De fil en aiguille, de rencontre en rencontre, j’ai obtenu ce poste de médiateur au sein du quartier populaire de la Grâce de Dieu, à Caen. Mon rôle était d’accompagner les jeunes et de réduire les inégalités. Faire en sorte que la France ne devienne pas comme l’Amérique ! Pendant longtemps, personne là-bas n’a su que j’avais détourné un avion.  Je n’en parlais pas. Jean a quant à elle créé une association de soutien scolaire « Espérance et Jeunesse » pour les enfants défavorisés.

Melvin McNair, ex Black Panther exilé en Normandie, dans le club de baseball « Les Phénix de ...

Melvin McNair, ex Black Panther exilé en Normandie, dans le club de baseball « Les Phénix de Caen ».

PHOTOGRAPHIE DE LES PHÉNIX DE CAEN

Subissez-vous encore le racisme en France ?

Oui, mais quand certains me disent « rentre dans ton pays », je pense en rigolant « toi, attention, tu ne sais pas qui je suis ! Une vraie bombe nucléaire » (rires). Mais globalement j’y suis peu confronté directement. Cela n’a rien à voir avec ce que j’ai pu vivre aux États-Unis. Il est intéressant de voir comment on me perçoit. Au début, je suis un Noir. Ensuite, quand on comprend d’où je viens, je suis un Américain. Et puis je deviens le Black Panther qui a détourné un avion. Je tente de sortir des cases, mais on finit toujours par m’y remettre. Je voudrais que l’on me voit simplement comme Melvin McNair.

Quel regard portez-vous sur votre parcours ?

Disons que c’est quand même un peu rock’n’roll. Heureusement, il y a toujours eu quelqu’un pour nous aider, entre le comité de soutien pendant le procès, le réseau de solidarité, les différentes rencontres à Caen… Aux États-Unis, la mort nous guettait à chaque coin de rue. C’est encore le cas pour de nombreux Afro-Américains aujourd’hui, d’ailleurs. Je voulais mieux. J’ai pris le risque de partir. Ainsi j’étais plongé dans un tunnel, mais je suivais la lumière au bout. Qui aurait pu imaginer qu’à la fin de ce périple, je me retrouverais ici, à la Grâce de Dieu ?

 

DE MANON MEYER-HILFIGER, NATIONAL GEOGRAPHIC
PUBLICATION 1 JUIL. 2021, 

https://www.nationalgeographic.fr/histoire/nous-voulions-fuir-lenfer-du-racisme-aux-etats-unis-melvin-mc-nair-black-panther-exile-en-normandie

 

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Rédigé le 04/07/2021 à 00:20 dans Racisme, USA | Lien permanent | Commentaires (0)

L’Algérie entre le ciel et l’amer

 

Le regard de Nadjib Bouznad affronte la réalité, avec autorité et sans concession, imposant une image contrastée de cette Algérie tout à la fois belle, forte, blessée, violente et hospitalière.

 

La photographie de Nadjib Bouznad · Nadjib Bouznad est un jeune photographe algérien. Parce qu’il lui semble représentatif d’une nouvelle génération d’artistes tout autant désireux de s’exprimer que de demander des comptes à ses aînés, Myriam Kendsi, elle aussi artiste, peintre et algérienne, présente un travail qui la touche et l’interpelle.

    

La célèbre « Madone de Bentalha » du photographe de l’Agence France presse (AFP) Hocine Zaourar, dit « Hocine », lauréat du prix Word Press Photo 1998 est devenue une icône de la photographie algérienne. Elle est surtout l’image emblématique de la tragédie de la guerre civile : une femme, Oum Saad, foudroyée par la douleur après avoir appris la mort de son frère, de sa belle-sœur et de sa nièce au lendemain du massacre perpétré à Bentalha dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997. Avec cette photo, Zaourar a été accusé par le gouvernement de ternir l’image de l’Algérie, mais la photographie algérienne a fait son entrée sur la scène artistique internationale1.

Au moment où les mémoires commencent à s’ouvrir, on assiste ces dernières années à un réveil artistique, comme si l’Algérie émergeait d’une longue nuit. Bien sûr, les cadavres sont encore sous le tapis et certains n’hésitent pas à les piétiner ; cependant la jeunesse demande des comptes tout en souhaitant vivre enfin normalement, et essaie de créer, bien souvent en l’absence de toute institution qui pourrait soutenir cette création sans arrière-pensée politique.

Parmi cette nouvelle génération, Nadjib Bouznad s’aventure lui aussi sur le terrain de la photographie, voire du photojournalisme et témoigne de la vie quotidienne, de l’histoire d’un pays contrasté qui, tiraillé entre recherches identitaires et désir de mieux vivre, tente de s’inscrire dans la modernité.

Ses panoramas sont ceux d’Alger : une grande métropole du Maghreb grandie trop vite, sous la pression de l’exode rural massif qui a suivi la « décennie noire » des années 1990. Loin des clichés touristiques, orientalistes ou simplement esthétisants, il saisit ce qui par essence échappe, que ce soit en peinture ou en photographie : une lumière, un mouvement, une couleur. Cette capture sert de cadre à un véritable carnet de bord des zones urbaines, des problèmes sociaux, un témoignage de sa société entre instantanés et compositions qu’il expose à ses 16 000 abonnés dans sa page Facebook, intitulée « Coup d’oeil 3likoum ». « C’est une poésie du chaos, » dit de lui l’écrivain Samir Toumi, auteur notamment de Alger, le cri (éditions Barzakh, 2013).

C’est une Algérie contemporaine qu’il nous donne à voir, avec une capitale ballotée dans la mondialisation, acculturée, amère parfois, sous un ciel éternellement bleu. La misère est là, la violence du capitalisme, la gabegie et la corruption sont à ciel ouvert. L’artiste surexpose les contradictions de sa société sans fard, mais avec poésie. Ses photos opposent silencieusement les mouvements de la ville aux émotions de la couleur, la séduction esthétique à la brutalité urbaine. La lumière, elle, est instantanément méditerranéenne.

Le jeune photographe travaille sur les traces (vêtements, objets, tags sur les murs…) du quotidien qu’il met en exergue, comme un appel à la solidarité, au souci de l’autre, à la vie. Pourtant, ses photos nous transpercent comme un vent triste, et nous donnent l’envie nostalgique d’un retour, même éphémère, aux anciennes joies dont on ne parvient pas à faire le deuil. Il raconte aussi la destruction du patrimoine et de l’environnement, la misère sociale, la frustration, le délitement des liens de solidarité y compris envers les « chibanis et chibaniettes » (les anciens), les rêves de départ de la jeunesse, en même temps que l’envie de vivre, le désir d’aimer malgré le contrôle social, le bleu du ciel malgré le désespoir.

Ainsi, comme toujours lorsqu’on parle d’Alger, la mer en horizon, un chemin qui emmène à la plage et en premier plan une maison à l’architecture arabe, détruite en grande partie. Seuls restent visibles des tableaux de l’ancienne Casbah. Des fils électriques apparents, omniprésents relient les deux parties de l’image.

Une vieille dame avec une canne en bois à la main et un cabas rouge revient probablement du marché. Elle semble avoir du mal à se déplacer. Sur les balcons trônent des paraboles en nombre, des balcons turquoise ou plutôt « bleu poulisse » (police) comme on dit à Alger, et dans la rue une camionnette ocre jaune et une banderole avec un slogan politique sur les murs d’un immeuble.

Deux jeunes en jeans, casquettes et baskets regardent la mer. Près d’eux, un troisième est assis sur un fauteuil rouge en plastique posé sur une plage remplie de déchets et juste à côté une barque. Est-ce un désir de partir, de quitter un pays où l’on n’arrive pas à concrétiser ses rêves ?

Et enfin, des amoureux face à l’horizon, deux couples, deux femmes voilées, l’une blottie contre son homme et l’autre juste assise tout près. Un homme seul à côté, sans doute un chaperon. La ville est loin en perspective, le ciel est assombri et la mer mouvementée.

Les couleurs primaires dominent souvent : du bleu à profusion, du rouge et de l’ocre. Les peintures des murs sont écaillées, les fils électriques apparents, quelquefois on y voit des restes de l’architecture traditionnelle algérienne auxquels se superposent les paraboles, les vêtements fabriqués dans les ateliers chinois ou indiens. Dans l’espace public des femmes souvent voilées, des tags sur les murs en arabe, en français ou en berbère et le soleil au zénith. Rien n’est caché, rien n’est esthétisé, tout est à nu comme une plaie ouverte sous un ciel le plus souvent bleu.

 

 

 

 

MYRIAM KENDSI > 22 DÉCEMBRE 2017

https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/l-algerie-entre-le-ciel-et-l-amer,2188

 

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Rédigé le 03/07/2021 à 16:55 dans Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)

Il y a 81 ans, à Mers el-Kébir, les Anglais coulaient la flotte française

 
 
 

Le 3 juillet 1940, à 16 h 53, l’amiral britannique James Somerville passe à l’attaque. C’est du gâteau, les navires français sont coincés au fond du port. Il y a là un porte-hydravions, deux cuirassés, deux croiseurs de bataille et six contre-torpilleurs. Ce n’est pas toute la flotte française, mais un gros morceau.

Coincés comme des rats

L’aviation britannique commence par balancer des centaines de mines magnétiques dans la passe du port pour empêcher les navires français de fuir. Coincés comme des rats, ils ne peuvent pas répondre aux tirs des Britanniques. C’est un jeu de massacre. Le cuirassé Bretagne explose, puis coule quasi instantanément, entraînant 997 marins dans la mort. Le Provence et le Dunkerque, malmenés, s’échouent. Seul le croiseur de bataille Strasbourg parvient à s’échapper, indemne, de la nasse, suivi de cinq contre-torpilleurs. Ils trouvent refuge à Toulon. Quant au porte-hydravions Commandant Teste, il appareille à la nuit tombée, ralliant lui aussi Toulon. Le bilan est lourd pour les Français (1 295 morts) et très léger pour les Britanniques (2 morts et la perte de 4 avions).

L’attaque des Britanniques aurait-elle pu être évitée ? Churchill est-il un salaud ? L’affaire est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Devenue le dernier rempart face à l’ogre nazi, la Grande-Bretagne ne pouvait absolument pas se permettre de laisser la flotte française passer à l’ennemi. Aussi quand Pétain fait savoir qu’il s’apprête à signer un armistice avec les Allemands, Churchill lui donne son aval à la condition que la marine française se saborde ou passe dans le camp britannique. Il faut savoir que le 25 mars 1940, avant les hostilités, la France et l’Angleterre avaient pris l’engagement de ne pas conclure une paix séparée.

 

Hors de combat

Lorsque Pétain négocie l’armistice avec les Allemands, il zappe la demande anglaise. Le texte du traité prévoit seulement que les navires tricolores rejoignent leur base navale d’attache pour y être désarmés. Churchill en mord son cigare de colère. Il sait les Allemands tout à fait capables de s’emparer des navires français. Il lui faut donc agir pour les mettre hors de combat. Or, ce qu’il ne sait pas à l’époque, c’est que la flotte française n’aurait pas pu rallier les ports tricolores de l’Atlantique et de la Manche qui avaient été sabotés par les marins français. Par ailleurs, le 24 juin, l’amiral François Darlan avait donné l’ordre à ses états-majors de saborder les bâtiments si les Teutons tentaient de s’en emparer. Il avait même précisé que s’il lui arrivait, ultérieurement, de donner un ordre contraire par la suite, on ne devait pas en tenir compte.

Opération Catapult

Quoi qu’il en soit, le 27 juin, le Premier ministre de sa gracieuse Majesté donne son feu vert à l’opération Catapult consistant à neutraliser les bâtiments français ancrés dans le port de Mers el-Kébir, sur la côte algérienne. À noter qu’à Alexandrie, en Égypte, où une autre escadre de la marine française s’est réfugiée, les deux états-majors britanniques et français sont parvenus à un compromis : les cuves des navires sont vidées de leur mazout et les canons débarrassés de leur mécanisme de tir. Ce qui leur vaut de rester peinards au port jusqu’en mai 1943 quand l’escadre reprend la mer, mais dans le camp des forces alliées.

 

Quatre options

À Mers el-Kébir, la situation est donc tout autre. Aucun accord ne peut être trouvé. Avant d’ouvrir le feu, l’amiral Somerville envoie un ultimatum au vice-amiral d’escadre Marcel Gensoul. Il lui offre quatre options : rejoindre la flotte britannique, se saborder, rallier un port britannique ou encore un port neutre américain. Sinon, les canons britanniques tonneront. Il semble que Gensoul aurait été favorable au sabordage, mais au même moment, il reçoit un message de Vichy l’avertissant que les escadres de Toulon et d’Alger volent à son secours. Les Britanniques ayant intercepté le message, Somerville fait ouvrir le feu. Bref, peut-on vraiment en vouloir à la perfide Albion d’avoir coulé le cuirassé Bretagne ?

 
 
 
 
 
 
Publié le 02/07/2021
Par Frédéric Lewino
https://www.lepoint.fr/culture/il-y-a-81-ans-a-mers-el-kebir-les-anglais-coulaient-la-flotte-francaise-02-07-2021-2433817_3.php
 
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Rédigé le 03/07/2021 à 16:42 dans Divers | Lien permanent | Commentaires (0)

ROMAN Algérie. Les racines de la terreur

 

image from orientxxi.info

 

 

Écrit sobrement, le premier roman de l’ancien ambassadeur de France au Yémen tient de l’intime et de l’histoire. Au départ, la passion amoureuse dévorante d’un jeune coopérant français nommé professeur dans les années 1970 au lycée de Biskra dans le sud algérien, pour un élève de terminale avec qui il quitte chaque week-end la petite ville pour gagner la vallée des roses de l’enfance et découvrir les réalités parfois dérangeantes d’une famille traditionnelle.

Le détournement en décembre 1994, le lendemain de Noël, d’un Airbus d’Air France sur l’aéroport d’Alger survient en pleine guerre civile algérienne entre un régime autoritaire et une révolte islamiste. L’évènement est considérable, la France officielle en pleine cohabitation entre un président de la République de gauche — François Mitterrand — et un premier ministre de droite — Édouard Balladur — se raidit et envisage une intervention quasi militaire sur le sol algérien. Une première ! L’affaire est suivie au Quai d’Orsay, siège du ministère des affaires étrangères, par une poignée de diplomates, dont le jeune coopérant devenu au fil des ans responsable du bureau Maghreb et qui découvre que son ancien amant est l’un des pirates.

Vingt années ont passé et les retrouvailles entre le diplomate et le terroriste seront dramatiques à souhait. Qu’est-ce qui conduit un jeune lycéen prometteur à se rebeller et à plonger dans la violence ? Gilles Gauthier répond à sa manière à cette question qui concerne des millions de jeunes dans tout le monde arabe.

Dans le chapitre final de son livre, il raconte le dialogue intense entre les deux anciens amants à bord de l’Airbus garé à proximité de la tour de contrôle de Marseille-Marignane d’où les agents français se préparent à l’assaut. L’un invoque la réalité algérienne, les ambitions démesurées des vainqueurs de 1962, date de l’indépendance de l’Algérie, qui ont privé les oasis logées derrière les hauts plateaux de l’eau des rigoles au profit de projets grandioses inspirés de l’Arabie saoudite et de son agriculture industrielle, accaparé les richesses du pays, subi la poigne des quatre ou cinq polices qui défendent avec hargne le régime. Le sentiment est répandu dans la population que l’injustice est partout et le droit nulle part.

Le diplomate comprend les raisons de la révolte de son ami ; il connaît les turpitudes des gouvernants de l’Algérie où il a été en poste, mais il ne peut plaider que l’inutilité du sacrifice et exalter la vie. Un épilogue existentiel conclut ce roman qui mêle fiction et réalité dans une proportion connue du seul auteur :

… Sous une vérité, il y en a toujours une autre plus profonde et ainsi de suite jusqu’à l’infini… D’abord on croit et puis on marche et au bout de quelque temps on finit par marcher sans plus se poser de questions.

 

 

 

JEAN-PIERRE SERENI > 2 JUILLET 2021

https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/algerie-les-racines-de-la-terreur,4887

 

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Karim Akouche présente "Lettre à un soldat d’Allah"   

 

 

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Rédigé le 03/07/2021 à 12:14 dans Décennie noire | Lien permanent | Commentaires (0)

Secret-défense : le Conseil d’État annule la procédure de déclassification

 

Ce vendredi 2 juillet, la plus haute juridiction administrative a annulé la possibilité pour l’exécutif de ne pas rendre publics des documents classés secret-défense au terme de l’expiration du délai légal.

 

Le Conseil d’État a annulé vendredi 2 juillet la possibilité pour l’exécutif de ne pas rendre publics des documents classés secret-défense au terme de l’expiration du délai légal, s’invitant ainsi au cœur d’un vif débat parlementaire.

 

Pas de restriction de temps

La plus haute juridiction administrative française a estimé que les archives protégées par un délai de 50 ou 100 ans ne pouvaient être soumises à une quelconque restriction au-delà de cette période.

Lire aussi : Guerre d’Algérie. La déclassification des archives va-t-elle mener à de nouvelles découvertes ?

Le Conseil d’État rappelle que les archives classifiées sont communicables de plein droit, conformément à la loi actuelle, à l’expiration de ces délais. En conséquence, le Premier ministre ne peut conditionner l’accès à ces archives à une procédure de déclassification préalable, estime-t-il, selon un communiqué publié sur son site.

Une loi de 2008 prévoit que les archives de plus de 50 ans soient librement accessibles. Mais l’application d’arrêtés datant de 2011 et 2020 imposait de déclassifier, un par un, tous les documents tamponnés comme secrets, entravant de fait leur consultation.

Le Conseil d’État va dans le sens des archivistes, historiens et associations

Les plaignants – des historiens, archivistes et associations – contestaient ces textes, estimant notamment que cette disposition laissait une marge d’appréciation discrétionnaire illégale à l’administration et ne précisait pas les motifs pour lesquels un refus de déclassification peut être opposé. La décision du Conseil d’État leur donne donc raison.

 

Mais la décision intervient surtout en pleine polémique politique, puisque le dossier fait partie du projet de loi renforçant les mesures antiterroristes et le renseignement, actuellement discuté dans les deux assemblées.

Mercredi, des sénateurs PS ont dénoncé un énorme retour en arrière et un passage en force après le vote dans la nuit, dans le cadre du projet de loi, de l’article réformant l’accès aux archives.

 

Je suis très en colère de voir qu’on puisse revenir de façon aussi brutale, et au détour d’un cavalier législatif, sur la loi de 2008, c’est extrêmement grave par rapport à l’écriture de l’Histoire contemporaine et politique de demain, avait déclaré la porte-parole Sylvie Robert lors du point de presse du groupe.

Le président a souhaité faire un travail sur la mémoire […] et derrière ça, on ferme les archives, avait pour sa part dénoncé son collègue Rachid Temal.    

 

 

 

https://www.ouest-france.fr/politique/institutions/conseil-detat/secret-defense-le-conseil-d-etat-annule-la-procedure-de-declassification-a2c8673c-db5a-11eb-8d73-e9936afc53a2

Rédigé le 03/07/2021 à 10:59 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)

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